Le Sumo au Japon.
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Le Sumo au Japon.
DOSSIER: LES JEUX TRADITIONNELS RÉALISÉ PAR SYLVIE ESPAGNAC Le sumo, sport japonais traditionnel, est un art martial simple et facile à comprendre. LE SUMO Deux hommes corpulents et pratiquement nus, ayant pour unique vêtement un pan de tissu autour de la taille, les cheveux noués en chignon au-dessus du crâne - coiffure japonaise traditionnelle -, s’affrontent, rivalisant de puissance et d’adresse, dans une arène recouverte de terre battue qui ne dépasse pas 4,55 mètres de diamètre. Le vainqueur est celui qui parvient à faire tomber son adversaire ou à le pousser hors du cercle. Il n’existe aucune catégorie de poids dans le monde du sumo professionnel, appelé “grand sumo” au Japon. Un lutteur léger (100 kilos) peut et parvient souvent à maîtriser un géant deux fois plus lourd que lui. C’est certainement grâce à ce genre de scènes que le sumo est un sport intéressant à suivre même pour des non-initiés. Pour les personnes férues d’histoire japonaise, le grand sumo offre un intérêt supplémentaire. Un voyage AU JAPON PAR ANTONIO KAMIYA* dans le monde du sumo nous permet de remonter le temps tout comme le chonmage, coiffure japonaise traditionnelle qui n’est plus portée à l’heure actuelle que par les sumotori. Les jeunes garçons qui embrassent aujourd’hui la carrière de sumotori mènent une existence qui était monnaie courante à l’époque féodale. Les lutteurs japonais vivent encore en communauté, dans des écoles - les heya sous la direction d’un maître - oyakata - qui, par tradition. doit être un ancien sumotori. L’obéissance que vouent les aspirants lutteurs, qui suivent un long apprentissage, est totale. Même si l’Association japonaise de sumo (l’organisme dirigeant national), telle qu’elle est régie par son actuelle charte qui en fait une organisation à but non lucratif, a tout juste 70 ans, le sumo a pour sa part une très longue hist o i r e . Tout porte à croi- Sumitori... 12 re que cet art indigène est né il y a 1 350 ans environ. A l’origine, le sumo était un rite que l’on observait pour que la récolte de riz soit bonne. C’était également un divertissement qui se pratiquait à la cour devant l’empereur. Au temps des samouraïs, le sumo se transforma en discipline permettant d’apprendre à maîtriser son corps. Puis, plus tard, les lutteurs devinrent des professionnels vivant de la pratique de cet art martial. Le sumo tel qu’on le connaît aujourd’hui, en tant que forme de divertissement, n’a fait son apparition qu’au XVIIe siècle lors de la période Edo. Les sumotori qui avaient su gagner la faveur du peuple étaient parrainés par plusieurs seigneurs. C’est à cette époque également que l’arène du sumo revêtit sa forme circulaire actuelle et que l‘on instaura le système des grades, Au cours du règne de Meiji, le sumo comme la plupart des institutions sociales japonaises - s’engagea dans la voie de la modernisation tout en conservant ses racines tant au niveau de l’organisation que de l’esthétique. Il devint surtout durant cette période un sport à part entière. A l’heure actuelle au Japon, le sumo se subdivise en deux branches: professionnelle et amateur, La première est régie par l’Association japonaise de sumo, qui parraine six tournois de grand sumo chaque année: chaque rencontre durant 15 jours. Cette association confère également leur grade aux sumotori à la lumière des records les plus récents. Au sommet de la pyramide trône le yokozuna (que l’on peut traduire par grand champion), suivi de l’ ozeki (champion), du sekiwake (champion junior) et du komusubi (champion junior. deuxième niveau). Les maega- shira (lutteurs vétérans), classés de 1 à 15, occupent un rang inférieur. Tous ces lutteurs - du yokozuna au maegashira - appartiennent au dernier échelon de la hiérarchie, baptisé makuuchi. Il n’existe aucune règle stricte concernant l’importance des groupes mais ces derniers sont habituellement composés de deux sumotori. Bien qu’il n’y ait aucune catégorie de poids, les lutteurs n’affrontent pratiquement que des concurrents du même échelon. Le makuuchi est suivi, par ordre décroissant, du juryo, du makushita, du sandanme; du jonidan et du jonokuchi, niveau le plus bas du grand sumo. Les sumotori professionnels sont relativement peu nombreux à l’heure actuelle: les deux échelons supérieurs regroupent 66 lutteurs et les cinq échelons inférieurs environ 800. Tous les deux mois, ces lutteurs participent à un tournoi de grand sumo (organisé trois fois par an au Kokugi- kan dans le quartier du Ryogoku à Tokyo, et une fois par an à Osaka. Nagoya et Fukuoka). Entre les principales rencontres, les sumotori s’entraînent soit avec leurs compagnons dans leur écurie soit avec des lutteurs provenant d’autres écoles de sumo. L’entraînement, qui débute généralement à l’aube, est long et pénible. Les repas sont uniquement servis lorsque les exercices matinaux sont terminés. Les grades jouent un rôle tout-puissant. Pour les repas. la toilette et le reste, l‘ancienneté prime. Les aspirants sumotori sont au service de leurs aînés: ils servent les repas et font diverses corvées pendant que les plus anciens vaquent à leurs occupations. En fait, tant qu’ils appartiennent aux premiers échelons (jusqu‘au makushita), les lut- ...en action 13 teurs ne sont pas rémunérés. Ce type d’apprentissage dure habituellement plusieurs années, le temps pour les débutants de se hisser vers le sommet. L’accession à la catégorie juryo marque un tournant dans la vie des sumotori. Ils reçoivent un salaire mensuel. Ils ont leur propre chambre. Les jeunes lutteurs sont sous leurs ordres. On leur accorde même certains privilèges tels que le droit de choisir leur couleur préférée pour leur tenue. Ils portent la coiffure traditionnelle évoquant la feuille du gingko, signe distinctif de leur rang. Et, point qui revêt peut-être la plus haute importance dans une société où la hiérarchie est omniprésente, les lutteurs de la catégorie juryo - tout comme leurs compagnons de la catégorie makuchi - portent le nom de sekitoti, honneur réservé exclusivement aux sumotori des deux derniers échelons. Au sommet de la pyramide se trouve le yokozuna, qui jouit d’une position particulière dans le monde du sumo. Lors d’un tournoi de grand sumo, la tradition LE SUMO veut que l’arène soit bénie chaque jour. Et seul un yokozuna peut accomplir un cérémonial aussi complexe. Vêtu d’une tenue d’apparat, la taille entourée d’une grosse corde blanche, accompagné d’un lutteur maniant une épée et d’un lutteur officiant comme héraut, le yokozuna prend place au centre du cercle et annonce son arrivée avec une solennité toute religieuse. La position du yokozuna est unique à bien d’autres égards. Le yokozuna étant supposé associer dignité et pouvoir, l’accession à ce rang exige l’approbation d’un comité de sages appar- AU JAPON no, âgé lui de 26 ans (tous les sumotori sont connus sous leur nom de sumo). D’origine hawaïenne, Akebono a fait son entrée dans le monde du sumo en 1988 et a gravi les échelons de la hiérarchie malgré les barrières linguistiques et culturelles. En 1993, il est devenu le premier étranger à obtenir le statut de yokozuna. atteignit le rang de sekiwake et devint maître d’école - oyakata - à sa retraite. Soit dit en passant, c’est Takamiyama qui a découvert Akebono et l’a emmené au Japon. La présence de ces lutteurs étrangers ou d’origine étrangère (Takamiyama et Konishiki ont tous deux adopté la citoyenneté japonaise, condition sine qua non pour devenir un oyakata) donne à penser que le sumo au Japon accueille les talents étrangers à bras ouverts. Or, ce n’est plus le cas. Il semblerait que la suprématie des lutteurs étrangers aux plus hauts niveaux de la hiérarchie ait contrarié Illustration ancienne de sumo. tenant au conseil de promotion des yokozuna. Contrairement aux sumotori appartenant aux échelons inférieurs, le yokozuna ne peut être rétrogradé, même s’il est âgé. La retraite est la seule façon honorable de se retirer de la compétition. La myriade de conditions requises pour accéder à ce grade fait des yokozuna une espèce en voie de disparition. L’histoire du sumo compte 65 yokozuna, y compris ceux qui règnent actuellement sur la discipline: Takanohana, âgé de 23 ans, et l’Américain Akebo- Un autre Américain d’origine hawaïenne évolue dans les hautes sphères du sumo, l’ozeki Musashimaru, qui pourrait être le prochain lutteur promu au rang de yokozuna. Un autre Hawaïen, autrefois ozeki, fait partie des makuuchi Konishiki. La catégorie juryo compte un Mongol et un JaponaisBrésilien et les autres catégories une dizaine de lutteurs étrangers - des Américains pour la plupart ainsi que quelques Argentins. Le premier lutteur étranger à avoir marqué le sumo fut l’illustre Hawaïen Takamiyama, qui 14 l’Association japonaise de sumo, qui aurait demandé aux écoles de “limiter” le recrutement des jeunes talents étrangers. Le grand sumo est donc privé de sang neuf étranger depuis quelques années. L’Association japonaise de sumo a prévu d’organiser un tournoi de grand sumo en été 1997 à Nagano, ville hôte des XVIIIes Jeux Olympiques d’hiver en 1998. *Rédacteur sportif - Service de presse, Agence Kyodo.