Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les
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Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les
PHARMACOÉPIDÉMIOLOGIE Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations pour épisode psychotique : étude sur une cohorte de patients hospitalisés dans deux hôpitaux girondins A. GROLLEAU (1, 2), A. COUGNARD (1, 2), M. PARROT (3), E. KALMI (3), A. DESAGE (3), D. MISDRAHI (3), H. BRUN-ROUSSEAU (4), H. VERDOUX (1, 2, 3) Prescription practices of antipsychotic medication in early psychosis : a two-year follow-up survey of subjects admitted in two psychiatric hospitals of South-Western France Summary. Objectives – The aims of this pharmacoepidemiological study were to describe the antipsychotic medication received during the first admission and over a two-year follow-up in subjects with a first episode of psychosis, and to assess whether the prescriptions in naturalistic conditions were in adequacy with guidelines. Method – All first-admitted patients, less than 50 years old, consecutively hospitalised in 10 acute wards of two psychiatric hospitals serving Bordeaux’s catchment area were included over a period of one year, if they presented with at least one overt psychotic symptom during the last month. Information on psychotropic medication received during the first admission was collected in medical records, and that received after the first admission was collected at the end of a two-year follow-up using multiple sources of information. Results – Of the 86 patients included in the cohort, 53 presented with broadly defined schizophrenia and 33 with psychotic mood disorder. All except two subjects were prescribed at least one neuroleptic drug. Antipsychotic drugs (amisulpride, olanzapine, risperidone, clozapine) were the most frequently prescribed drugs during the first admission and over the two-year follow-up. If sedative neuroleptics were excluded, antipsychotic drugs were the first prescribed neuroleptic drugs in a large proportion (80 %) of patients. Although few patients were first prescribed a conventional neuroleptic, the proportion of subjects treated with these drugs increased over the next prescriptions, and one out of three patients was prescribed at least one of these drugs during the follow-up. The mean dose of antipsychotic drugs at first discharge was higher than that recommended in first episode patients (amisulpride 616 mg, olanzapine 13 mg, risperidone 7 mg). Coprescription of neuroleptic drugs, found in one third of patients at all times of assessment, was especially due to coprescription of a sedative neuroleptic to a conventional or an antipsychotic one. Nearly half of the patients did not take any psychotropic medication at the end of the follow-up. Conclusion – The main recommendation specifying that the first neuroleptic treatment in subjects with a first episode of psychosis should use antipsychotic drugs instead of conventional neuroleptics was generally respected in this cohort of first-admitted subjects with psychosis. However, conventional neuroleptics were found in first or second rank prescriptions, although they should not be used before at least the third rank. The recommendations that the initial neuroleptic dose should be lower in subjects with a first episode, and that coprescription of neuroleptics should be avoided, were frequently not respected. This study highlights the fact that international guidelines should be better applied in naturalistic conditions, and that clinicians have to be better informed about these recommendations. Key words : Antipsychotic medication ; First admission ; International guidelines ; Psychotic disorder. (1) (2) (3) (4) Université Victor-Segalen Bordeaux 2, Bordeaux, France. INSERM U 657, IFR99 de Santé Publique, Bordeaux, France. Centre Hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux, France. Centre Hospitalier Cadillac, Cadillac, France. Travail reçu le 9 septembre 2005 et accepté le 24 janvier 2006. Tirés à part : H. Verdoux (à l’adresse ci-dessus). 326 L’Encéphale, 33 : 2007, Mai-Juin, cahier 1 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 326-31, cahier 1 Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations Résumé. Objectif – Évaluer l’adéquation entre les pratiques de prescription en conditions réelles et les recommandations internationales pour des sujets hospitalisés pour la première fois pour un épisode psychotique. Méthode – Ont été inclus des sujets hospitalisés pour la première fois en psychiatrie pour un trouble psychotique dans 10 secteurs girondins. Les données recueillies concernant les médicaments ont porté sur les traitements prescrits pendant la première hospitalisation et au cours des deux ans de suivi. Résultats – L’étude a porté sur 86 patients. L’initiation du traitement neuroleptique a été faite avec un antipsychotique de seconde génération pour 80 % des patients lors de la prescription hospitalière initiale (sédatifs exclus). Toutefois 25 % de patients ont reçu un neuroleptique conventionnel au cours de la première hospitalisation, et 30 % au cours des deux années de suivi (sédatifs exclus). Les co-prescriptions de neuroleptiques observées chez un tiers des sujets étaient liées à l’association d’un neuroleptique sédatif à un antipsychotique ou un neuroleptique conventionnel. Les doses de neuroleptiques prescrites étaient plus élevées que celles recommandées pour un premier épisode. Conclusion – La recommandation internationale principale concernant l’utilisation en première ligne d’antipsychotiques de seconde génération a été suivie pour la plupart des patients. Cependant, il paraît nécessaire d’optimiser les pratiques de prescription, notamment en termes de posologie et de co-prescription. Mots clés : Première hospitalisation ; Recommandations internationales ; Traitement antipsychotique ; Troubles psychotiques. INTRODUCTION Depuis la mise sur le marché des antipsychotiques de seconde génération, quelques études françaises se sont intéressées aux modalités de prescription de ces produits (3, 4, 9). Ces études incluaient à la fois des patients présentant un premier épisode psychotique et ceux présentant un trouble psychotique chronique. Or les modalités de prescription ne sont pas totalement superposables dans ces deux conditions. Le traitement approprié d’un premier épisode peut avoir un impact déterminant dans le pronostic clinique et social de la maladie (15), et des recommandations spécifiques ont été élaborées pour ces situations. Les neuroleptiques de seconde génération sont recommandés en première intention en raison de leurs moindres effets secondaires extrapyramidaux (15, 17, 18). De plus faibles doses de neuroleptiques sont recommandées lors d’un premier épisode psychotique que lors d’épisodes psychotiques récurrents car les patients sont alors généralement plus sensibles aux effets thérapeutiques mais aussi aux effets secondaires des traitements (2, 8, 11). Enfin, il est également recommandé de ne pas associer deux neuroleptiques lors d’un premier épisode psychotique (8, 14) et de poursuivre le traitement après la rémission des symptômes pendant au moins 12 à 24 mois (15). De nombreux essais cliniques randomisés, évaluant l’efficacité des traitements prescrits dans un premier épisode psychotique, ont été effectués (12, 13, 17). À notre connaissance aucune étude pharmaco-épidémiologique n’a examiné l’adéquation entre les recommandations internationales et les pratiques de prescription pour des sujets hospitalisés pour la première fois pour un épisode psychotique. Les objectifs de cette étude étaient : 1) de décrire les traitements antipsychotiques prescrits à des patients présentant un épisode psychotique lors de leur première hospitalisation, à leur sortie, et au cours de deux ans de suivi ; 2) d’évaluer l’adéquation entre les pratiques de prescription en conditions réelles et les recommandations internationales. MÉTHODE Sujets L’étude porte sur une cohorte prospective de patients hospitalisés pour la première fois en psychiatrie pour un épisode psychotique (5, 6). Tous les patients consécutivement hospitalisés dans 6 secteurs du Centre hospitalier Charles-Perrens (Bordeaux, Gironde) et dans 4 secteurs du Centre hospitalier de Cadillac (Cadillac, Gironde) ont été inclus pendant un an (du 12 mars 2001 au 11 mars 2002) s’ils remplissaient les critères suivants : 1) consentement éclairé pour participer à cette étude ; 2) parler la langue française ; 3) être âgé de moins de 50 ans ; 4) avoir présenté au moins un symptôme psychotique pendant le dernier mois selon les définitions de l’Organisation Mondiale de la Santé (19) [(i) hallucinations, quel que soit le mode sensoriel ; (ii) idées délirantes ; (iii) troubles marqués du cours de la pensée et du langage ; (iv) troubles psychomoteurs marqués ; (v) comportement bizarre ou grossièrement inapproprié]. Les critères d’exclusion étaient les suivants : 1) sujets présentant des antécédents d’hospitalisation dans des services psychiatriques hospitaliers privés ou publics ; 2) syndrome confusionnel ou psychosyndrome organique. Évaluation À l’inclusion, un questionnaire semi-structuré standardisé a été utilisé pour collecter des informations sur les caractéristiques sociodémographiques des patients. Les diagnostics ont été posés selon la Classification internationale des maladies (CIM-10) (16) par les médecins en charge des patients. Deux ans après leur première admission, les patients ont été informés par courrier de l’existence d’une enquête visant à évaluer leur devenir et seuls ceux ayant donné leur consentement ont été évalués. Le recueil d’informations a été réalisé auprès de toutes les sources d’information potentielles (patient, entourage, personnel soignant, médecin et psychiatre traitant) par un questionnaire standardisé. Une évaluation multidimensionnelle du devenir clinique et social a été effectuée, dont les résultats sont présentés dans une autre étude (7). 327 A. Grolleau et al. Données concernant les traitements psychotropes Les informations concernant les traitements prescrits lors de la première hospitalisation et à la sortie ont été recueillies dans les dossiers médicaux (prescription, rang de prescription, dose prescrite à la sortie). Les données concernant les traitements prescrits au cours des deux ans de suivi ont été recueillies lors de l’évaluation à deux ans, auprès de toutes les sources d’informations disponibles. Trois sous-classes de neuroleptiques ont été distinguées : 1) les neuroleptiques à visée sédative (cyamémazine, lévomépromazine et alimémazine) ; 2) les antipsychotiques de seconde génération (amisulpride, clozapine, olanzapine et rispéridone) ; 3) les neuroleptiques conventionnels (toutes les autres molécules). RÉSULTATS Caractéristiques de la cohorte Cette cohorte incluait 86 patients [55 hommes (63,9 %) et 31 femmes (36,1 %)] avec une moyenne d’âge de 27,8 ans (écart type = 6,9, extrêmes 17-45). La majorité des patients étaient célibataires (n = 72, 83,7 %) et la moitié (n = 43, 50 %) étaient sans emploi. Les diagnostics CIM-10 posés pendant la première hospitalisation étaient les suivants : 1) schizophrénie largement définie (n = 53, 61,6 %), incluant 29 patients avec schizophrénie (F20), 12 avec troubles psychotiques aigus (F23), 8 avec idées délirantes (F24), 3 avec troubles schizo-affectifs et 1 avec trouble psychotique non spécifié (F25) ; 2) troubles de l’humeur (n = 33, 38,7 %) incluant 27 patients avec manie (F30) ou troubles bipolaires affectifs (F31) et 6 avec troubles dépressifs (F32). Les données sur les médicaments prescrits pendant la première hospitalisation et à la sortie n’ont pas pu être recueillies pour 3 et 2 patients, respectivement (dossier égaré ou refus de communication d’information par les psychiatres hospitaliers). La durée moyenne du suivi après l’admission était de 108 semaines (écart-type = 7). Les informations concernant le traitement au cours du suivi ont été recueillies pour 84 patients. Au cours des deux ans de suivi, 2 patients sont décédés de cause non naturelle (suicide et noyade). Les données de ces deux patients n’ont donc pas été prises en compte pour les analyses faites au terme des deux ans. Modalités de prescription des traitements neuroleptiques lors de la première admission Seules sont présentées ici les données concernant les traitements neuroleptiques, celles concernant les autres psychotropes sont disponibles auprès des auteurs. Les prescriptions de neuroleptiques sont décrites dans le tableau I. Lors de la première hospitalisation, seuls deux patients n’ont pas été traités par neuroleptique (antidépresseur et anxiolytique pour le premier ; thymorégulateur et anxiolytique pour le second). Plus des trois quarts des 328 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 326-31, cahier 1 patients ont reçu une prescription de neuroleptiques sédatifs, et/ou au moins un antipsychotique de seconde génération au cours de l’hospitalisation, le plus prescrit étant l’amisulpride suivi de la rispéridone et de l’olanzapine. Les neuroleptiques conventionnels ont été prescrits chez un quart des patients ; le plus fréquemment utilisé a été l’halopéridol, que ce soit sous forme orale ou sous forme à action prolongée. Si on considère les 75 sujets qui ont eu au moins une prescription d’antipsychotique de seconde génération ou de neuroleptique conventionnel, 63 (84 %) ont reçu un neuroleptique antipsychotique en premier rang de prescription et 12 (16 %) un neuroleptique conventionnel. Lors de la première prescription hospitalière, 26 sujets (32,1 %) ont eu d’emblée une co-prescription de neuroleptiques, qui était à une exception près l’association d’un neuroleptique sédatif à un antipsychotique de seconde génération ou un neuroleptique conventionnel. À la sortie de l’hospitalisation, 9 patients sur 10 avaient une prescription de neuroleptique, incluant pour un tiers des sujets un neuroleptique sédatif (doses moyennes indiquées dans le tableau I). Un tiers des sujets (n = 26) sont sortis avec une co-prescription de neuroleptiques, qui était à deux exceptions près liée à l’association d’un neuroleptique sédatif à un neuroleptique conventionnel ou antipsychotique de seconde génération. L’association de neuroleptiques et d’anticholinergiques a été observée pour un peu moins d’un tiers des patients (n = 25, 32,9 %). L’association d’un anticholinergique a été retrouvée pour un peu plus d’un quart des 60 patients ayant une prescription d’antipsychotiques de seconde génération (n = 16, 26,7 %). Cette proportion est nettement plus importante chez les 15 patients traités par un neuroleptique conventionnel à la sortie de l’hospitalisation, les deux tiers (n = 10, 66,7 %) ayant une prescription d’un anticholinergique. Traitement au cours du suivi Au cours des deux ans de suivi, les trois quarts des patients ont eu au moins une prescription d’antipsychotique de seconde génération, le plus prescrit restant l’amisulpride. La proportion de patients sous neuroleptiques conventionnels a légèrement augmenté pendant les deux ans de suivi pour atteindre presqu’un tiers des patients. Un tiers des sujets recevaient un neuroleptique sédatif au cours du suivi. Pour les 67 patients sortant avec un traitement neuroleptique (sédatifs exceptés), seuls 37 (55,2 %) le recevaient encore au terme des deux ans de suivi. Diagnostics et prescriptions Les prescriptions en fonction du diagnostic figurent dans le tableau II. Pendant la première hospitalisation, les neuroleptiques conventionnels ont été prescrits plus fréquemment aux patients ayant un diagnostic de schizophrénie qu’à ceux ayant celui de trouble de l’humeur. À la sortie de l’hospitalisation, les neuroleptiques convention- L’Encéphale, 2007 ; 33 : 326-31, cahier 1 Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations TABLEAU I. — Neuroleptiques (NRL) prescrits pendant la première hospitalisation, à la sortie et pendant les deux ans de suivi. Pendant la 1re hospitalisation Rang de prescription Fréquence n = 83 n (%) 1 n 2 (%) n Durée de Fréquence Dose Fréquence prescription n = 84 (mg/jour1 ou mg/mois2) n = 84 (semaines) 3-5 (%) n Pendant les 2 ans de suivi À la sortie de la 1re hospitalisation (%) n (%) Moy3 ET4 Min-Max 76 (90,5) n Moy3 (%) Au moins un NRL 81 (97,6) Au moins un NRL sédatif Cyamémazine Lévomépromazine Alimémazine 64 (77,1) 56 (67,5) 53 (63,9) 46 (55,4) 16 (19,3) 10 (12,0) 1 (1,2) Au moins un NRL sédatifs exclus 75 (90,4) 73 (86,9) 75 (89,3) Au moins un antipsychotique de 2e génération Amisulpride Rispéridone Olanzapine Clozapine 67 (80,7) 41 (49,4) 60 (71,4) 63 (75,0) 34 (41,0) 19 (22,9) 12 (14,5) 24 (28,9) 14 (16,9) 8 (9,6) 19 (22,9) 8 (9,6) 5 (6,0) 0 Au moins un NRL conventionnel Forme orale Halopéridol Zuclopenthixol Loxapine Autres8 Forme retard Halopéridol décanoate Zuclopenthixol décanoate Fluphénazine décanoate Pipotiazine palmitate 21 21 10 8 8 6 10 5 4 0 1 (25,3) (25,3) 10 (12,2) (12,0) 3 (3,6) (9,6) 3 (3,6) (9,6) 4 (4,8) (7,2) 1 (1,2) (12,0) 10 (12,0) (6,0) 5 (6,0) (4,8) 4 (4,8) 0 (1,2) 1 (1,2) 7 5 1 3 4 2 1 (8,4) (6,0) (1,2) (3,6) (4,8) (2,4) (1,2) 1 3 2 6 4 1 2 3 (1,2) (3,6) (2,4) (7,2) (4,8) (1,2) (2,4) (3,6) 76 (90,5) 28 (33,3) 22 (26,2) 67,15 53,45 6 (7,1) 33,0 15,6 0 27 (32,1) 6166 3356 19 (22,6) 6,97 3,77 14 (16,7) 12,95 4,15 0 15 (17,9) 5 (6,0) 2 (2,4) 12,5 1 (1,2) 30 0 2 (2,4) 10 (11,9) 5 (6,0) 216 4 (4,8) 700 0 1 (1,2) 75,0 ET4 10,6 25-250 20-50 27 (32,1) 23 (27,4) 42,55 35,55 7 (8,3) 27,6 20,7 0 100-1200 34 (40,5) 41,15 31,25 2-16 28 (33,3) 38,56 30,76 7,5-20 26 (31,0) 42,65 325 1 (1,2) 72,0 5-20 106,8 133-400 200,0 400-800 26 (30,9) 18 (21,4) 4 (4,8) 25,0 26,8 7 (8,3) 33,25 14,95 1 (1,2) 6 (7,2) 9 (10,7) 6 (7,1) 39,3 35,5 1 (1,2) 96 1 (1,2) 1 (1,2) 96,0 1. En mg/jour pour les formes comprimés et gouttes ; 2. En mg/mois pour les formes retard ; 3. Moyenne ; 4. Écart type ; 5. Données manquantes = 1 ; 6. Données manquantes = 2 ; 7. Données manquantes = 3 ; 8. Flupenthixol, chlorpromazine, tiapride, sultopride, pipotiazine, sulpiride, penfluridol. TABLEAU II. — Comparaison des prescriptions selon les diagnostics lors de la première hospitalisation, à la sortie, et au cours du suivi. Diagnostic Au moins un Trouble de l’humeur n = 33 Test1 Schizophrénie n = 53 n (%) n (%) χ2 p Neuroleptique sédatif Pendant la 1re hospitalisation Neuroleptique antipsychotique Neuroleptique conventionnel 24 23 2 (77,4) (74,2) (6,4) 40 44 19 (76,9) (84,6) (36,5) 0,003 1,4 9,3 0,96 0,24 0,002 À la sortie Neuroleptique sédatif Neuroleptique antipsychotique Neuroleptique conventionnel 5 20 1 (16,1) (64,5) (3,2) 23 40 14 (43,4) (75,5) (26,4) 6,5 1,2 7,2 0,01 0,28 0,007 Pendant les 2 ans de suivi Neuroleptique sédatif Neuroleptique antipsychotique Neuroleptique conventionnel 4 21 6 (12,5) (65,6) (18,7) 23 42 20 (44,2) (80,8) (38,5) 9,1 2,4 3,6 0,002 0,12 0,06 1. Degré de liberté = 1 pour tous les tests. 329 A. Grolleau et al. nels et les neuroleptiques sédatifs ont été plus fréquemment prescrits dans la schizophrénie que dans les troubles de l’humeur. Au cours des deux ans de suivi, seuls les neuroleptiques sédatifs étaient plus prescrits si le diagnostic était celui de schizophrénie. DISCUSSION Synthèse des principaux résultats Les antipsychotiques de seconde génération ont été prescrits à plus des trois quarts des patients hospitalisés pour la première fois pour un trouble psychotique, que ce soit lors de cette première hospitalisation, à la sortie ou au cours des deux ans de suivi. L’initiation du traitement neuroleptique a été faite avec ces produits pour 80 % des patients lors de la prescription hospitalière initiale (sédatifs exclus). Toutefois 25 % de patients ont reçu un neuroleptique conventionnel au cours de la première hospitalisation, et 30 % au cours des deux années de suivi (sédatifs exclus). Les co-prescriptions de neuroleptiques ont été observées chez un tiers des patients aussi bien lors de l’hospitalisation que lors du suivi, essentiellement liées à l’association avec un neuroleptique sédatif. Limites méthodologiques La population étudiée présente une hétérogénéité diagnostique, inhérente au fait que les patients ont été inclus sur la base de la symptomatologie présentée et non d’un diagnostic catégoriel. Cette stratégie est actuellement adoptée dans la plupart des études portant sur les premiers épisodes psychotiques, car elle permet de réduire les erreurs de classification diagnostiques qui sont relativement fréquentes dans les premières hospitalisations. Certaines des recommandations de prescription des antipsychotiques auxquelles nous faisons référence ont été élaborées pour la catégorie diagnostique « schizophrénie », et pas « trouble psychotique débutant ». On peut néanmoins considérer qu’elles s’appliquent dès que l’indication d’un traitement neuroleptique/antipsychotique est posée chez un patient présentant un trouble psychotique débutant, y compris un trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques. L’inclusion de patients hospitalisés dans le service public pourrait entraîner un biais de recrutement en favorisant l’inclusion de patients présentant des formes plus sévères. Cependant, une étude antérieure conduite avec une méthode comparable a montré que moins de 10 % des patients remplissant les critères avaient été admis dans d’autres institutions psychiatriques de Bordeaux et ses environs, suggérant que notre échantillon est représentatif des patients admis pour la première fois pour un trouble psychotique (1). Les pratiques de prescriptions réalisées dans les deux centres hospitaliers de notre étude ne sont pas forcément représentatives de celles d’autres centres hospitaliers de France. En l’absence de données issues d’autres centres 330 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 326-31, cahier 1 sur des échantillons comparables, nous ne pouvons pas estimer l’impact de ce possible biais sur nos résultats. Il paraît toutefois probable que notre étude tend à sous-estimer plutôt qu’à sur-estimer l’écart entre les pratiques et les recommandations au sein des hôpitaux psychiatriques français en général. Interprétation des résultats En accord avec les recommandations internationales, les prescripteurs ont dans plus de 80 % des cas choisis de débuter le traitement des patients présentant un premier épisode psychotique par un antipsychotique de seconde génération (15). Les antipsychotiques de seconde génération les plus prescrits ont été l’amisulpride suivi de la rispéridone et enfin de l’olanzapine, contrairement aux études de Brunot et al. (4) et de Bret et al. (3) qui retrouvent l’amisulpride en dernière position. Ce dernier résultat est surprenant si l’on considère que l’étude de Bret et al. (3) a été conduite en 1999-2001 dans un des deux hôpitaux où les patients de l’étude actuelle ont été recrutés en 2001-2002. Ce résultat suggère que les cliniciens ont des stratégies thérapeutiques différentes en fonction du stade d’évolution de la pathologie, et choisissent en priorité les produits les plus anciens (en termes d’AMM) pour les troubles débutants, probablement dans une stratégie de minimisation des risques privilégiant une molécule bien connue pour un patient inconnu. Ce biais d’indication est très classiquement observé lors de la mise sur le marché d’une nouvelle molécule, qui est le plus souvent prescrite chez les patients les plus sévères et les plus résistants. Les neuroleptiques conventionnels ont été prescrits chez un quart des patients débutant la maladie, souvent en premier et deuxième rangs. Pourtant, les recommandations préconisent l’utilisation d’un antipsychotique de seconde génération jusqu’au deuxième, voire troisième rang de prescription, avant d’avoir recours aux neuroleptiques conventionnels. Les doses de neuroleptiques prescrites ont été plus élevées que celles recommandées lors des premiers épisodes, en particulier pour la rispéridone (6,9 mg/jour) alors que les doses recommandées sont de 2-4,5 mg/jour (10). Les patients présentant un premier épisode sont pourtant plus sensibles aux effets des neuroleptiques, de fortes doses peuvent donc entraîner des effets secondaires plus importants (2, 8, 11) pouvant conduire à une mauvaise observance. Ce résultat suggère la nécessité d’informer les psychiatres sur l’utilité de débuter un neuroleptique à de plus faibles doses pour les patients présentant un premier épisode. De même, les co-prescriptions de neuroleptiques sont fréquentes pendant et à la sortie de l’hospitalisation, avec là encore le risque d’augmenter la fréquence des effets secondaires et de réduire l’observance (14). Les anticholinergiques ont été plus fréquemment associés aux neuroleptiques conventionnels qu’aux neuroleptiques antipsychotiques à la sortie de l’hospitalisation, la meilleure tolérance extrapyramidale des neuroleptiques antipsychotiques mise en évidence dans les essais thé- L’Encéphale, 2007 ; 33 : 326-31, cahier 1 Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations rapeutiques est donc également observée en conditions naturelles de prescription. Enfin, la comparaison des prescriptions en fonction du diagnostic montre que la prescription de neuroleptiques sédatifs et conventionnels est plus fréquente chez les sujets avec un diagnostic de schizophrénie que chez ceux ayant un trouble de l’humeur. Les recommandations paraissent donc mieux respectées chez les sujets présentant un trouble de l’humeur psychotique. Ce résultat s’explique probablement par le fait que des molécules antipsychotiques ont récemment obtenues l’AMM dans le traitement du trouble bipolaire. Les diagnostics CIM-10 posés par les prescripteurs n’ayant pas été validés par un cotateur indépendant, nous ne pouvons pas exclure que les prescripteurs qui prescrivent préférentiellement les neuroleptiques conventionnels posent aussi plus fréquemment des diagnostics de schizophrénie chez les patients présentant selon les critères internationaux un premier épisode thymique avec caractéristiques psychotiques. CONCLUSION Cette étude suggère qu’il paraît souhaitable d’optimiser les pratiques de prescription, notamment en termes de posologie et de co-prescription. Étant donné le manque d’études pharmaco-épidémiologiques concernant le suivi des recommandations internationales des prescriptions de traitements psychotropes lors d’un premier épisode psychotique, il apparaît nécessaire d’effectuer des études complémentaires dans d’autres hôpitaux français, qui permettraient d’affirmer ou d’infirmer nos résultats. Remerciements. Cette étude a été subventionnée par le Réseau régional INSERM de Recherche en Santé Publique sur les troubles psychotiques débutants (2001-2003) et par le Programme hospitalier de Recherche clinique régional 2002 « Impact pronostique des modalités d’accès aux soins dans les troubles psychotiques débutants. Étude du devenir à deux ans d’une cohorte de patients hospitalisés pour un premier épisode psychotique ». Nous remercions les médecins des hôpitaux Charles-Perrens et Cadillac pour leur collaboration. Références 1. BERGEY C, VERDOUX H, ASSENS F et al. Évaluation de l’incidence hospitalière des troubles psychotiques. 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