Discours remise de medaille Lundi 3 Octobre
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Discours remise de medaille Lundi 3 Octobre
Discours remise de médaille Lundi 3 Octobre Monsieur le maire Mesdames et messieurs les élus Chers amis Je dois vous avouer, sans fausse modestie, avoir été très surprise lors de cette nomination parue au journal officiel du 14 juillet de l’année dernière et j’ai mis du temps à accepter cette distinction et décider qu’elle me soit remise, malgré les sollicitations nombreuses de ma mère avant son départ en décembre dernier. En effet quel mérite ? Celui d’avoir accepté, les éventualités proposées par la vie, d’avoir voulu continuer de vivre avant tout et celui aussi de trouver dans le partage avec des personnes confrontées aux mêmes problématiques la force de se lancer dans un projet un peu fou : celui de Une Souris Verte ! Vous avez Monsieur Phillip retracé un peu mon parcours, Si je suis là aujourd’hui c’est que j’ai eu la chance, et que j’ai été aidée et soutenue . J’ai reçu en effet : Avant tout de mes parents qui ont su me donner ainsi qu’à mes frères et soeurs une éducation qui a été un socle solide, sur lequel j’ai pu m’appuyer. Education faite à la fois de chaleur, d’amour, et basée sur une exigence morale, culturelle et spirituelle. , Exigence qu’ils se sont donnés pour principe de vie, et dont la devise choisie par eux pour fonder les bases de leur mariage est gravée sur la table de la salle à manger familiale « DE NOTRE MIEUX ». Ils nous ont montré l’importance de la tension à porter toujours haut les aspirations, refusant la facilité, dans leurs choix, dans leurs relations, dans leurs valeurs, dans leur environnement. Avec un grand sens de l’ouverture, Ouverture aux Autres : une grande maison toujours pleine (déjà bien remplie avec les 7 enfants !!) et les portes largement ouvertes aux amis Ouverture a la Culture : l’architecture, bien sûr, la peinture, la sculpture, la littérature, la musique, Ouverture au goût du travail, et du travail bien fait, l’exigence de développer ses capacités et ses connaisances…même si pour ma part avec une scolarité quelque peu chaotique, je leur ai donné sur ce point du fil à retordre !! Ouverture à une vie riche de sens : savoir intégrer et porter des valeurs humaines et spirituelles au quotidien Et aussi beaucoup d’humour, de joie, de rires J’ai aussi beaucoup appris dans ma vie professionnelle, la confrontation à la maladie, à la fragilité, à la mort aussi. la vie en équipe à l’hôpital, ce partage du travail, des réflexions, des apprentissages, et aussi des émotions, qui permettent de trouver richesse et satisfaction au travail. Accompagner les personnes a la fin de leur parcours : maintenir une pulsion de vie, continuer les projets et le partage avec ses semblables. Se concentrer sur ce qui fait l’essence même de la vie, les relations familiales et amicales, l’acceptation de ses ruptures aussi, les passions cultivées : pour un jardin, pour le bricolage, pour la peinture, la musique, et le bonheur des toutes petites choses simples de la vie, un bon dessert, un vase de fleurs, une visite attendue. Et surtout le sens à donner a son parcours, a la vie, a la mort toutes ces questions si difficiles a élucider quelques soient les croyances et la vie intérieure. En cela, les années passées à L’unité de soins palliatifs ont été d’une grande richesse professionnelle mais aussi, et surtout humaine. La vie professionnelle a été l’objet de rencontres, et m’a donné l’occasion de cultiver des amitiés solides, qui ont été pour moi un ancrage important dans les difficultés traversées. Je parlerais aussi de la place de la famille, et des amis, présents toujours et fidèles, ils ont énormément compté. L’affection si souvent et délicatement manifestée a été pour moi une vraie ressource. Je dois citer l’extraordinaire élan de solidarité qui s’est créée autour de Clémentine et Stéphanie, et qui a donné jour a l’association Clé de Pha, permettant un soutien financier pour les appareillages et les loisirs adaptés jusqu'à leur entrée en Maison d’Accueil Spécialisé. Une autre expérience de vie : celle de mère, Avec mes deux filles : Clémentine et Stéphanie. Leur arrivée dans la joie a été assez vite ternie par un retard rapidement décelé des apprentissages, et des acquisitions. Et le long chemin pour admettre le handicap, accepter la différence. Ce chemin complexe a permis d’ouvrir la réflexion sur ce que représente l’accueil d’un enfant, et son rôle de parent : l’accepter tel qu’il est, ne pas projeter nos propres souhaits sur son parcours. Se laisser guider par lui. Une grande leçon. Malgré les complexités médicales, chirurgicales, d’appareillage, mes filles m’ont fait découvrir leur joie de vivre. Et de comprendre qu’on peut aussi, malgré les vicissitudes, être heureux. Cela nous a amené, leur père et moi-même mais également tous les neveux, les amis, les proches qui les ont côtoyé, à développer un sens plus aigu de ce qui fait la qualité des relations humaines, l’importance de la solidarité, et la richesse qui est a trouver simplement, au quotidien , et qui ne se trouve pas dans la surface, le « bling bling » ou l’apparence. Et puis bien sûr, l’aventure de la Souris verte ! Au départ quelques parents, tous confrontés au handicap d’un enfant. Avec le souhait de permettre aux familles concernées de mener une vie la plus ordinaire que possible. Quel dynamisme a été déployé des le départ, avec la force de nos expériences, la certitude des améliorations possibles. Et le souhait qu’au handicap de l’enfant ne se surajoute pas un handicap social, et une mise à l’écart de la société. La recherche de fonds pour l’ouverture de la première structure a été un moteur extraordinaire, la chance de trouver à la Mairie de Lyon une oreille a l’écoute, sensibilisée et compréhensive en la personne de Anne Puvis de Chavannes, avait permis que l’on mette a notre disposition un local. Il s’agissait d’un local commercial en rez de chaussée d’immeuble, Rue Saint Antoine dans le 3° arrondissement, mais livré nu ouvert aux quatre vents, sans fenêtres ni portes et en béton brut. Nous avons du trouver le financement de toute la construction, des finitions et de l’équipement de ce local. Sur les plans de Pierre Dutournier, Architecte, nous n’avons pas hésité à mettre la main a la pâte en effectuant une partie des peinture, en récupérant a Debrousse des berceaux d’enfants…. ! Une aventure qui a soudé de nombreuses et profondes amitiés. Le déménagement effectué l’année dernière rue Kimmerling, s’est fait je l’avoue dans des conditions bien autrement favorables !! Je ne reviendrais pas sur les nombreuses activités développées depuis et qui vous ont été présentées. La Souris Verte, croyez le, ce n’est que très peu sa présidente, C’est d’abord, beaucoup, les professionnels qui y travaillent, tant dans la structure multi accueil que dans l’ensemble des autres activités. Ils déploient et développent une expertise extraordinaire et reconnue. Je tiens particulièrement à citer Nicolas Eglin qui dirige l’ensemble de cet édifice avec une très grande compétence, des qualités humaines et professionnelles remarquables, des valeurs extrêmement fortes, s’attachant à une action au plus proche des enfants et de leurs familles, recherchant à aider les personnes les plus isolées et démunies et cultivant les actions d’éducation à la citoyenneté dans les écoles, il est toujours en avance de deux ou trois projets et anticipe les évolutions. Ce sont aussi de nombreux bénévoles, donnant sans compter du temps et de l’énergie au service de nos activités, ce sont aussi beaucoup d’amitié et de convivialité partagées ils sont un maillon indispensable au maintien de notre action. Ce sont encore de nombreux donateurs et mécènes qui soutiennent nos activités et nos projets encore trop peu financés. Il nous faut trouver tous les ans entre 100 a 150 000 euros pour financer nos activités et lancer les projets nouveaux. Sans toutes ces aides privées, beaucoup d’activités n’existeraient pas Notre équilibre financier est très fragile et nous devons sans cesse aller à la recherche de nouveaux soutiens. Il faut souvent démarrer une activité et la lancer, faire la preuve qu’elle réponde aux besoins de la population et aux orientations politiques et démontrer qu’elle est viable, avant d’essayer d’obtenir un début de soutien financier. Nous souhaitons vivement pouvoir trouver rapidement des financements pérennes pour consolider nos actions. La Souris Verte est devenue en vingt ans, dans le domaine de la petite enfance et du handicap une référence pour la ville de Lyon pour le département et la Région. Et maintenant nous bénéficions d’une reconnaissance nationale. Intervenant dans toutes les régions de France, notamment par l’organisme de formation. Mais la Souris Verte ne serait pas là sans tous ces enfants extraordinaires : Ils nous apprennent a sortir de nos égoïsmes, ils nous centrent sur l’essentiel et non sur les apparences, sur la simplicité et non sur la sophistication, sur la tolérance et l’accueil de la différence et non sur l’intolérance, ils nous font toucher du doigt les valeurs qui font la force et la grandeur d’une démocratie évoluée. Je pense à tous ces enfants que nous avons accompagné, qui nous ont fait grandir et tout particulièrement ceux qui nous ont quitté parmi eux Marie Charline, Brice, Florian et Tom, Hughes et beaucoup d’autres……. Comme des Petits Princes ils continuent d’illuminer notre ciel et nous donnent la force et le courage de continuer notre action. Je leur dédie ce soir cette distinction. L’arrivée d’un enfant en situation de handicap, renferme dans un même temps de la douleur et par ailleurs elle nous pousse à nous élever C’est l’oxymoron utilisé par Cyrulnik dans son livre : un merveilleux malheur « La partie de la personne qui souffre se nécrose alors qu’une autre mieux protégée, encore saine, mais plus sécrète rassemble avec l’énergie du désespoir tout ce qui peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre….. L’oxymoron devient caractéristique d’une personnalité blessée mais résistante, souffrante mais heureuse d’espérer quand même ». (1) Clef de voûte de l’histoire d’une blessure : comme « dans l’art gothique les poussées opposés des arcs soutenant les voûtes se rencontrent » nous explique André Ughetto. « Le bâtiment ne tient debout que grâce à la croisée des ogives, les deux forces opposées sont nécessaires à l’équilibre » (2) « Car l’obligation de comprendre et demander « pourquoi » entraîne à apprendre. Puis le fait de se dire « et maintenant que vais-je faire avec ma blessure ? » invite à découvrir la partie saine de soi et à partir en quête de la moindre main tendue. Alors se tricote la résilience. La résilience n’est pas une substance, c’est un maillage ; Nous sommes tous contraints de nous tricoter dans nos milieux affectifs et sociaux Elle n’est pas a chercher seulement a l’intérieur de la personne, ni dans son entourage, mais entre les deux parce qu’elle noue sans cesse un devenir intime avec le devenir social » (1) C’est sur cette notion de résilience que se fonde le projet d’Une Souris Verte, sur la certitude que le dépassement des difficultés est possible, et qu’il peut permettre de faire encore plus. « Notre histoire n’est pas un destin Nos souffrances nous contraignent à la métamorphose et nous espérons toujours changer notre manière de vivre, »dit Boris Cyrulnick, « c’est pourquoi une carence précoce crée une vulnérabilité momentanée que nos rencontres affectives et sociales pourront restaurer ou aggraver » (1) La résilience c’est plus que résister c’est aussi apprendre à vivre « avant le fracas, on estime que la vie nous est due et le bonheur aussi…l’épreuve, quand on l’a surmontée, change le goût du monde. Toute situation extrême en tant que processus de destruction de la vie renferme paradoxalement un potentiel de vie, précisément là où la vie s’est brisée » (1) Et Une Souris Verte en accompagnant, en écoutant, en accueillant tente de mettre en tension ce « ressort invisible qui permet de rebondir dans l’épreuve en faisant de l’obstacle un tremplin, de la faiblesse une force, des impossibilités un ensemble de possibles » (3) Je vous remercie (1) CYRULNIK B un merveilleux malheur, Odile Jacob, 1996 (2) UGHETTO A, la «morale » de l’oxymore dans les fleurs du mal in analyse et réflexions ….Baudelaire, spleen et idéal, Paris, Ellipses, 1984 (3) FISHER G, le ressort invisible vivre l’extrême- Paris -le Seuil, 1994