Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose1 Sa robe

Transcription

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose1 Sa robe
Lire une réécriture : un plaisir d’initié
Documents
A – Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose… », Odes,
I, 17, 1550.
B – Guillaume Apollinaire, « La cueillette », Il y a, publication
posthume, 1925.
C – Pierre de Ronsard, « Quand vous serez bien vieille… », Sonnets
pour Hélène, 1578.
D – Guillaume Apollinaire, « Adieux » (extrait), Il y a, op. cit.
m En quoi les deux poèmes d’Apollinaire font-ils écho à ceux
de Ronsard ? Votre réponse devra aller à l’essentiel et
s’efforcer d’être synthétique.
Après avoir répondu à cette question, les candidats devront traiter au choix
un des trois sujets nos 131, 132 ou 133.
Document A
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Mignonne, allons voir si la rose…
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose1
Sa robe de pourpre2 au soleil,
A point perdu cette vesprée3
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! Voyez comme en peu d’espace4
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! las ! ses beautés laissé choir5 !
Ô vraiment marâtre6 Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
©HATIER
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Donc, si vous m’en croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne7
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Pierre de Ronsard, Odes, I, 17, 1550.
1. Avait ouvert. 2. Rouge très foncé. 3. Cette soirée. 4. En peu de temps. 5. Tomber.
6. Mauvaise mère. 7. Resplendit.
Document B
La cueillette
Nous vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
Roses pâles d’amour qui couronnent ta tête,
S’effeuillent chaque été ?
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Leurs tiges vont plier au grand vent qui s’élève.
Des pétales de rose ont chu dans le chemin.
Ô Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
Se faneront demain !
Mets-les dans une coupe et toutes portes closes,
Alanguis et cruels, songeant aux jours défunts,
Nous verrons l’agonie amoureuse des roses
Aux râles de parfums.
Le grand jardin est défleuri, mon égoïste,
Les papillons de jour vers d’autres fleurs ont fui,
Et seuls dorénavant viendront au jardin triste
Les papillons de nuit.
Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
Belle, sanglote un peu... Chaque fleur qui se fane,
C’est un amour qui meurt !
Guillaume Apollinaire, Il y a, 1925, posthume.
©HATIER
Document C
Quand vous serez bien vieille…
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant1 et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »
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Lors vous n’aurez servante oyant2 telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard3 ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux4 je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578.
1. Mettre le fil en écheveau à l’aide du dévidoir. 2. Entendant. 3. Devant la renommée de
Ronsard. 4. Les ombrages d’un bois de myrtes accueillent aux Enfers les amoureux disparus, selon la tradition du poète Virgile.
Document D
Adieux (extrait)
Lorsque grâce au printemps vous ne serez plus belle,
Vieillotte grasse ou maigre avec des yeux méchants,
Mère gigogne grave en qui rien ne rappelle
La fille aux traits d’infante immortelle en mes chants,
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Il reviendra parfois dans votre âme quiète
Un souvenir de moi différent d’aujourd’hui
Car le temps glorieux donne aux plus laids poètes
La beauté qu’ils cherchaient cependant que par lui.
Les femmes voient s’éteindre en leurs regards la flamme ;
Sur leur tempe il étend sa douce patte d’oie.
Les fards cachent les ans que n’avouent pas les femmes
Mais leur ventre honteux les fait montrer du doigt.
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Et vous aurez alors des pensers ridicules.
– C’est en dix neuf cent un qu’un poète m’aima.
Seule je me souviens, moi, vieille qui spécule,
De sa laideur au taciturne qui m’aima.
[...]
Guillaume Apollinaire, Il y a, 1925, posthume.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Distinguez le(s) registre(s) de ces poèmes. Justifiez votre réponse.
2. a) Analysez la situation d’énonciation dans ces poèmes.
b) Comment se manifestent la présence et l’implication du poète ; de la
jeune femme à qui le poème est adressé ?
c) Quels rapports s’établissent entre le poète et la femme aimée ?
3. a) Explicitez la métaphore sur laquelle reposent les poèmes et
commentez-en le rôle argumentatif.
b) Relevez et analysez quelques éléments symboliques dans ces poèmes.
4. Quelle image ces poèmes donnent-ils de la jeunesse et de la vieillesse ?
Quel effet produit l’opposition entre ces deux âges ? Quel est son rôle
argumentatif ?
5. Comparez les « leçons » de sagesse, les conceptions de la vie et la
« philosophie » qui se dégagent de ces poèmes.
6. Mettez en relation le titre et le contenu des poèmes.
7. Comment les poètes ont-ils tiré parti des ressources du vers pour
émouvoir et argumenter ?
8. Des deux poèmes d’Apollinaire, lequel est un pastiche ? lequel une
parodie ? Justifiez votre réponse.
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m Un
élève apprécie le poème de Ronsard « Mignonne, allons
voir si la rose… » (document A) ; il décide de le réécrire en
prose poétique. Dans une lettre à son professeur de français,
il explique son projet en mettant en lumière les principes
qu’il compte adopter pour mener à bien cette réécriture.
Vous écrirez sa lettre.
Le candidat peut s’appuyer sur les textes du corpus reproduits du sujet 130.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Au choix :
– choisissez un poème que vous aimez tout particulièrement et faites-en
le pastiche dans lequel transparaîtra votre admiration pour ce poème ;
– choisissez un poème et faites-en la parodie.
Veillez à ce que l’on reconnaisse le « poème source » de votre réécriture.
2. Votre professeur vous a reproché d’avoir « imité de très près » un texte
d’auteur pour composer votre devoir d’invention en français et il vous a
sévèrement sanctionné. Vous lui écrivez une lettre pour vous défendre :
« Imiter n’est pas copier et le pastiche présente de nombreuses vertus, tant
pour celui qui écrit que pour celui qui lit… » Composez cette lettre. Vous y
préciserez le sujet de l’écriture d’invention qui vous avait été donné et vous
ferez des références précises au texte qui vous a servi de source ainsi qu’à
votre production. Vous pourrez aussi nourrir votre argumentaire de références littéraires, notamment de réécritures ou de pastiches célèbres.
3. Imaginez le dialogue qui, dans des circonstances fantaisistes que vous
préciserez, mettrait face à face Ronsard et Apollinaire. Ronsard accuse
Apollinaire de plagiat et d’irrévérence à son égard. Apollinaire explique
ses intentions. Il fera allusion aux poèmes du corpus, mais aussi à
d’autres réécritures célèbres. Vous veillerez à ce que tous deux s’expriment en poètes, conformément à leur personnalité.
4. Composez la lettre qu’Hélène, après avoir lu le poème qui lui était
destiné (document C), envoie en réponse à Ronsard. Elle pourra
commencer par : « Quand vous serez bien vieux… ».
©HATIER