Khaled Hadj-Brahim est né un 29 février. “Hasard de la vie” diront

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Khaled Hadj-Brahim est né un 29 février. “Hasard de la vie” diront
Khaled Hadj-Brahim est né un 29 février. “Hasard de la vie” diront certains.
“Signe d’un destin hors du commun” répondent d’autres pour qui ce
fameux mektoub n’a rien à voir avec une partie de dés, fut-elle jouée
dans la fumée d’un bouge sombre en sirotant à petites gorgées un café
servi dans un petit verre mal dépoli.
Comme Prince, le Roi du Raï peut se passer de calendrier. Comme la star
de Minneapolis, le chanteur de Sidi El-Houari (dans la banlieue d’Oran)
peut, à l’énoncé de son seul nom, dater sa musique. Il fut Cheb Khaled et
déjà star, avant de se satisfaire de son seul prénom et d’incarner aux
oreilles du monde entier, l’âme de cette musique rurale devenue au fil
des années le blues des villes algériennes.
Ses épaisses moustaches sont aujourd’hui probablement aussi célèbres
que son “Didi” publié en 1992. Succès mondial – il est disque d’or dans de
nombreux pays dont l’Inde – “Didi” est un marqueur. Pour les musiques du
Maghreb, il y a l’avant et l’après “Didi”, comme il y eut quelques années
auparavant pour les musiques d’Afrique de l’Ouest, un avant et un après
Yéké-Yéké. Avant, on ose à peine se souvenir que jouer des musiques
enracinées sur l’autre rive de la Grande Bleue, déclenchait le plus souvent
les foudres d’un public qui, faute d’une palette suffisamment large et
nuancée, ne voyait au-delà de la couleur de cette mer commune que le
blanc et le rouge. Après, les oreilles se sont quelque peu ouvertes et les
conduits auditifs colorés d’une multitude de teintes, de rythmes et
d’harmonies. Pour ce qui est des esprits, l’avenir nous le dira… Inch’Allah
Bien sûr Khaled ne fut pas le seul à conduire cette révolution pacifique.
Bien sûr, mais de ses hérauts, il fut celui qui tourna une page. Son histoire
se confond d’ailleurs avec celle de sa musique. Artiste sur chacun de ses
souffles, artiste à chacun de ses battements de coeur, il est celui qui a
transmis le chant des anciens et celui qui lui a inventé un lendemain.
Passeur et créateur à la fois.
Au fil de ce Best of qui ne remonte que sur une quinzaine d’années (les
années post-“Didi”, me direz-vous) on entrevoit la richesse du
personnage. Tel un archéologue, il sait faire réapparaître les fondements
d’une musique enfouie dans les sables, donnant sens aux compositions de
Houari Blaoui (“H’Mama”) ou Mustapha Kada (“N’Ssi N’Ssi”, “Ouelli El
Darek”, “Abdel Kader”). Mais cet Indiana Jones du groove des Bédouins
de l’Est algérien peut d’un coup de fouet dynamiser le son récit en
s’acoquinant avec les producteurs Don Was, Michael Brook ou Philipe
Eidel, en s’inventant des cousinages avec les auteurs Jean-Jacques
Goldman ou Christophe Miossec.
Il peut aussi bifurquer sans crier gare et reprendre en chœur avec la
chanteuse de r’n’b Melissa le délicieux “Benthi” ou rebondir au côté de
Lady Laistee sur “Mon Premier Amour”, un inédit au tempo plutôt hip-hop.
Alors, hasard de la vie ou signe d’un destin hors du commun ?