Le Clonage Humain Reproductif - Faculté de médecine de l`USJ

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Le Clonage Humain Reproductif - Faculté de médecine de l`USJ
Le Clonage Humain Reproductif
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Réflexions sur le clonage humain reproductif
C’est pour moi un grand plaisir de participer à cette réunion consacrée au clonage
humain, dans une Institution qui, maintes fois, m’a offert le privilège de débattre de
bioéthique, entouré par des intervenants prestigieux.
Permettez-moi d’abord de me situer pour vous épargner le souci de bien
évaluer mes observations au sujet du clonage humain reproductif. Je suis croyant mais
profondément laïque, secrétaire général d’un Comité Consultatif National (officiel)
Libanais d’Ethique. Faisant partie d’un comité pluraliste et pluridisciplinaire mes idées
peuvent paraître éloignées de l’environnement de ce soir. Je respecte évidemment toutes
les croyances mais je ne m’inspire d’aucune d’elles. Mes idées sont celles d’un laïque
sans intonation religieuse, essayant d’institutionnaliser ce qu’on appelle la « bioéthique
laïque », une bioéthique pour les humains en tant que tels et en des termes
universellement accessibles.
Pour un laïc, l’expression « clonage humain reproductif » désigne
l’utilisation des techniques biomédicales avec pour fin de mettre au monde un enfant qui
présenterait le même ADN nucléaire que l’individu donneur (géniteur) de cet ADN. Une
autre définition est aussi pertinente : « Le clonage consiste a produire une population
d’individus possédants tous un ensemble identique de gènes dans le noyau de leurs
cellules. »
Depuis quelques années une immense émotion mondiale s’est concentrée
sur le fantasme de la reproduction humaine par clonage. Tous les responsables
politiques et Institutions internationales se sont tournés vers leurs comités d’éthique avec
l’attente d’une condamnation ferme et définitive. Une littérature pléthorique s’est
développée et continue de nous harceler. Au Liban, par saisine du Président du Conseil
des Ministres, le Comité Consultatif d’Ethique a émit en décembre 2001 et en juillet
2002 deux avis condamnant toute forme de clonage sur le sol national et prié les
instances concernées de demander à nos délégués aux Nations Unies de voter en faveur
de toute motion allant dans ce sens.
L’intensité des discussions et oppositions au clonage s’expliquent par la
nature même des interrogations qui y surgissent : se trouvent engagées nos relations à la
vie et à la mort, la sauvegarde de la dignité humaine, ainsi qu’une inquiétude, toujours
renaissante à l’égard de ce qu’on appelle le « pouvoir scientifique ». Cette inquiétude
s’exprime par une interrogation forte : jusqu’où le médecin ou le chercheur peuvent-ils
aller dans une expérimentation ou une thérapeutique que les percées de la science leur
permettent de pratiquer ?
Ce questionnement a pris son acuité du fait que dans nos sociétés
modernes, aux principes mouvants, nulle expérience n’apparaît exclue du champ de
l’expérimentation humaine. Dans ces conditions, toute la question est de savoir par qui
et comment désormais seront fixées les limites de notre expérimentation ? Faut-il s’en
remettre à la conscience des « savants » ? Nous savons bien que depuis le positivisme
d’Auguste Comte, « il n’y a pas d’éthique de la science. La recherche scientifique, en
tant que telle, ne connaît d’autres lois ni d’autres limites que celles de son propre
progrès ». Donc, puisque ces questions nous intéressent à tous, les limites de
l’expérimentation ne peuvent être instaurées que par l’effet de décisions publiques et
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démocratiques, c’est-à-dire par le mode délibératif, le dialogue et l’argumentation, loin
des législations jacobines.
Ce qui frappe d’emblée dans cette tempête due au clonage, c’est l’espèce
d’horreur existentielle et métaphysique que l’idée du clonage a soulevé, entraînant « a
priori » son universelle condamnation. Cette condamnation parle de « bouleversement
inacceptable de la condition humaine », « d’un attentat à la dignité de l’homme », d’un
« projet contre-nature », « d’une instrumentalisation des êtres humains » etc... Dans
cette littérature, les analyses sereines et prudentes sont rares, surtout avec des médias
qui cherchent par « gamétofolie » irresponsable des scoops inédits. Les médias sont
souvent aidés par des scientifiques parfois aveuglés par une concurrence et un amour
effréné de la publicité, masquant des intérêts financiers importants.
L’idée du clonage humain reproductif est cependant philosophiquement
intéressante précisément parce qu’elle appelle une condamnation universelle et absolue.
Toutes les autres formes de clonage du monde végétal ou animal sont considérées
comme des « techniques » pouvant être bien ou mal utilisées. On les tolère et parfois on
les légalise. Seul, le clonage humain est présenté comme le « mal absolu », sans aucune
circonstance atténuante. C’est le diable-loup introduit dans la bergerie humaine. Que
lit-on dans la presse ?
-Que le clonage est négateur de l’autonomie et de la dignité humaine,
-Qu’il procéderait à une instrumentalisation et à une chosification de
l’homme,
-Qu’il supprimerait la liberté individuelle par le déterminisme qu’il implique
par la manipulation totale du capital génétique et donc amenant des êtres prédéterminés
dérivant vers l’eugénisme et la discrimination.
-Et enfin, pour réussir il tolère actuellement des tueries d’embryons et de
foetus. Sans parler, que le clonage en série provoquerait l’implosion et l’explosion de
toute notre architecture sociale et parentale construite depuis des millénaires.
Il est évident que nous ne pouvons pas en quelques minutes développer
toutes ces accusations. J’en retiendrai deux : Le bouleversement inacceptable de la
condition humaine et l’instrumentalisation de la personne négatrice de l’altérité
individuelle.
Certains points sont d’abord à éclaircir :
-Si l’on veut condamner légalement le clonage il est de haute importance,
pour être efficace, que l’argumentation éthique invoquée naisse d’un consensus
international solide. Un tel effort de réflexion ne peut être ajourné vue la célérité de la
recherche biomédicale contemporaine.
-Il nous faut dissiper la confusion qui existe entre « identité génétique » et
« identité personnelle ». Certaines explications médiatiques illustrent la croyance que la
complète identité génétique de deux humains entraînerait ipso-facto leur complète
identité psychique et qu’un individu produit par clonage serait une incarnation du sujet
cloné. Cette croyance est dénuée de tout fondement scientifique. En toute assurance et à
cause de nombreux facteurs (mitochondriaux et environnementaux) on peut dire qu’un
clone et son géniteur ou deux clones issus du même géniteur ne peuvent être assimilés à
une même personne en double ou triple exemplaires. Chacun possédera ses caractères
psychiques propres et sa personnalité indépendante. L’exemple des jumeaux
homozygotes est démonstratif. Les deux points que je développerai sont :
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A) Les bouleversements inacceptables de la condition humaine :
Dans l’acte de procréation, un homme et une femme contribuent
conjointement a l’engendrement d’une personne aux caractéristiques imprévisibles et
irréductibles a celles des géniteurs : singularité et autonomie sont les éléments essentiels
de la dignité humaine. Respecter l’autonomie de la personne, sa liberté et par là sa
dignité commande entre autres d’accepter ce trait primordial de la condition humaine :
L’idiosyncrasie génétique de l’individu. Le capital génétique de tout individu est et doit
demeurer indécidable par quiconque. On ne peut garder à quelqu’un son autonomie et
sa liberté en le prédéterminant par des caractéristiques génétiques choisis et manipulés
par d’autres. Prédéterminer un gène ou deux dans un but médical serait éthiquement
acceptable mais manipuler tout le capital génétique et le prédéterminer ferait de
l’individu une chose, un moyen et non une fin en soi, un moyen d’expression pour un
génome choisi par un tiers. Sans parler des problèmes sociaux que le clonage
introduirait dans nos sociétés du point de vue généalogique : filiation, paternité, maternité
génétique et maternité utérine, problèmes discriminatoires. Ajouter à cela le statut civil
du clone, qui se saurait clone et qui sera accepté ou non comme un être normal issu d’un
coupe parental bisexuel ! Inextricables problèmes d’identité civile...et implosion de toute
notre architecture sociale.
B) L’inadmissible instrumentalisation de la personne :
Toutes les techniques du clonage humain offrent un trait commun, celui de
projeter de mettre au monde un ou des êtres non comme libres fins en soi mais comme
de purs moyens au service d’objectifs préalables et planifiés. C’est là une
instrumentalisation de la personne, même si les objectifs sont d’ordre médical. Ces
objectifs recouvrent souvent le sacrifice d’une personne à venir aux intérêts d’autres
personnes : tels seraient les clones réservoirs d’organes à greffer, les clones réservés à
des travaux spéciaux...) Il s’agit en somme d’une monstruosité inhumaine. Tels seraient
aussi les clones de remplacement, soit-disant réincarnations d’un enfant ou d’un mari
décédés étant entendu que les clones ne seront jamais les mêmes personnes sauf
peut-être par ressemblance physique. Ajoutez encore à tout cela les incidences
techniques comportant des malformations fréquentes et l’avenir biologique incertain des
clones.
Dans l’acte de procréation, un homme et une femme contribuent
conjointement à l’engendrement d’une personne aux caractéristiques imprévisibles et
irréductibles à celles de leurs géniteurs. C’est là reconnaissance de sa singularité et de
son autonomie, deux éléments essentiels de la dignité de la condition humaine.
Un enfant d’abord ça se conçoit. Chacun de nous avant de voir le jour a
été conçu comme une pensée. Les enfants « sont parlés » avant de venir au monde et ce
qui s’en dit n’est point sans effet sur ce qu’ils deviennent. Ceci indique que les enfants ne
sont pas seulement des êtres biologiques. La « gamétofolie » et le clonage dessinent sur
l’avenir de notre humanité une nébuleuse dont la cohérence n’est pas évaluée. Les
chercheurs en quête de brevets et de notoriété ne se préoccupent pas actuellement des
enfants que seront ces embryons de la biomédecine, tripatouillés et réfrigérés.
Le clonage porte gravement atteinte à l’indispensable indétermination
originaire de chaque individu. La bioéthique qui discute à partir de quel seuil on
commence à être humain doit aussi discuter à partir de quel seuil on cesse de l’être.
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