Mementos LMD. Droit de l`Union européenne

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Mementos LMD. Droit de l`Union européenne
CHAPITRE
2
Le droit dérivé
Le droit dérivé comprend l’ensemble des actes unilatéraux que les institutions et
organes de l’Union européenne sont habilités à adopter en exécution des traités. Les
traités leur attribuent en effet un véritable pouvoir normatif autonome afin qu’ils puissent être à même de remplir les différentes missions qui leur sont dévolues.
Après avoir établi une classification des actes de droit dérivé en dissociant ceux
énumérés dans les traités communautaires de ceux prévus dans le cadre de la PESC et
de la CPJP (section 1), on évoquera par ailleurs la pratique institutionnelle qui a conduit
les institutions à générer d’autres actes unilatéraux (dits hors nomenclature) qui échappent à cette classification (section 2).
Section 1
Les actes de droit dérivé prévus
dans les « nomenclatures »
1 • LA NOMENCLATURE PROPRE AUX TRAITÉS
COMMUNAUTAIRES
Les traités communautaires comportent tous deux une nomenclature des actes de droit
dérivé que les institutions peuvent édicter et définissent également leur portée juridique
(art. 249, TCE ; art. 288, TFUE ; art. 161, TCEEA)1. Plus particulièrement, la nomenclature prévue à l’article 249 al. 1er, TCE (art. 288 § 1er, TFUE) mentionne que le Parlement
conjointement avec le Conseil, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et
des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations et des avis2.
On envisagera ces différents actes de droit dérivé en distinguant les actes obligatoires,
——
1.
2.
Seules les dispositions du Traité CE feront l’objet d’un développement par la suite.
L’article 110 § 1er TCE (art. 132 § 1er, TFUE) prévoit que la Banque centrale européenne peut également arrêter des règlements, prendre des décisions et émettre des recommandations et des avis
pour accomplir les missions confiées au Système européen des banques centrales (SEBC). Le régime
juridique de ces différents actes juridiques est identique à celui prévu à l’article 249 alinéa 2, 4 et 5
TCE (art. 288 al. 2, 4 et 5, TFUE).
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MÉMENTOS LMD – DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
en ce sens qu’ils sont juridiquement contraignants, et les actes non décisoires, c’est-àdire des actes qui ne lient en rien leurs destinataires.
A - Les actes obligatoires
Les règlements, directives et décisions constituent les actes obligatoires de droit dérivé
prévus par la nomenclature de l’article 249 al. 1er, TCE (art. 288 § 1er, TFUE). Bien que
chacun de ces actes présente des spécificités, il n’en demeure pas moins qu’un régime
juridique commun s’applique à ces trois actes de droit dérivé.
1) Le régime juridique commun aux actes obligatoires de droit dérivé
a) Le choix de l’acte
L’article 249 alinéa 1er TCE (art. 288 § 1er, TFUE) ne détermine pas les hypothèses d’utilisation des différents actes obligatoires qu’il énumère. Parfois, la disposition du traité
constituant la base juridique de l’acte prévoit directement l’acte juridique auquel les
institutions peuvent recourir3. Dans une telle hypothèse, les institutions n’ont alors pas
le choix des actes à adopter. En revanche, si cette disposition ne mentionne pas le ou
les actes juridiques dont les institutions doivent faire usage4, l’institution auteur de
l’acte est alors libre de recourir indistinctement au règlement, à la directive ou encore
à la décision.
b) La base juridique de l’acte
Dans la mesure où la Communauté européenne dispose seulement d’une compétence
d’attribution5, tout acte pris par les institutions de l’Union doit impérativement se
fonder sur l’article, voire même exceptionnellement sur les articles, du traité qui non
seulement attribue compétence à la Communauté européenne pour adopter un acte
mais détermine par ailleurs la procédure à suivre par les institutions pour son adoption.
Cet article constitue la base juridique de l’acte.
Les institutions de l’Union et les États membres ont très fréquemment des points de vue
radicalement divergents sur cette question de la base juridique, chacun cherchant bien
évidemment à faire prévaloir la base juridique qui lui confère le rôle le plus important
dans la procédure d’élaboration de l’acte. Il en résulte un contentieux abondant et
récurant (Pour des ex. récents v. not., CJCE, 23.10.2007, aff. C-440/05, Commission
c. Conseil, Rec., p. I-9097 ; 6.11.2008, aff. C-155/07, Parlement c. Conseil et Commission, Nep ; 10.2.2009, aff. C-301/06, Irlande c. Parlement et Conseil, Nep). Selon une
jurisprudence constante de la Cour de justice, le choix de la base juridique « doit se
fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels
figurent, notamment, le but et le contenu de l’acte » (CJCE, 11.6.1991, aff. C-300/89,
——
3.
4.
5.
Ex. : art. 44, TCE (art. 50, TFUE) ; art. 52, TCE (art. 59, TFUE) ; art. 83, TCE (art. 103, TFUE) ; art. 89,
TCE (art. 109, TFUE).
Ex. : art. 42, TCE (art. 48, TFUE) ; art. 49, TCE (art. 56, TFUE) ; art. 62, TCE (art. 77, TFUE) ; art. 63, TCE
(art. 78 et 79, TFUE).
V. LECLERC (S.), Mémentos LMD - Les institutions de l’Union européenne, 2e éd., coll. Fac-Universités,
Gualino éditeur, 2007, spéc. p. 77.
CHAPITRE 2 – Le droit dérivé
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Commission c. Conseil, Rec., p. I-2867, point 10 ; 7.7.1992, aff. C-295/90, Parlement
c. Conseil, Rec., p. I-4193, point 13). Lorsqu’un acte poursuit une double finalité, la
Cour de justice considère que c’est la finalité principale qui détermine le choix de la
base juridique (CJCE, 17.3.1993, aff. C-155/91, Commission c. Conseil, Rec., p. I939). Si les deux finalités poursuivies par l’acte sont liées, comparables et compatibles
(notamment si ces deux dispositions du traité prévoient la même procédure de décision), ce dernier peut alors, exceptionnellement, être fondé sur deux articles du traité
pertinents (v. not., CJCE, 12.12.2002, aff. C-281/01, Commission c. Conseil,
Rec., p. I-12049, point 35).
c) La motivation de l’acte
L’article 253 TCE (art. 296, TFUE) pose une obligation générale de motivation des actes
obligatoires. La Cour de justice considère que la motivation de l’acte doit non seulement permettre aux intéressés de comprendre la portée de la décision prise à leur
égard mais également mettre le juge communautaire en mesure d’exercer son
contrôle. Elle estime également que la motivation doit faire ressortir la base juridique
de l’acte adopté et « apparaître d’une façon claire et non équivoque les raisons sur
lesquelles l’acte est fondé » (CJCE, 9.7.1969, aff. 1/69, Italie c. Commission,
Rec., p. 277, point 9).
Les exigences en matière de motivation varient en fonction de la nature de l’acte, du
contexte de son adoption et de l’ensemble des normes juridiques régissant la matière
concernée. Le juge de Luxembourg admet donc, dans certaines circonstances, une
motivation sommaire (c’est-à-dire sans qu’il soit exigé que la motivation spécifie la totalité des différents éléments de fait ou de droit pertinents) à condition toutefois que les
éléments essentiels du raisonnement et l’objectif visé par l’autorité communautaire,
auteur de l’acte, soient suffisamment précisés (S’agissant de décisions adressées à des
entreprises v. not., CJCE, 8.2.1966, aff. 8/65, Acciairie e ferriere Pugliesi, Rec., p. 2.
S’agissant de décisions adressées aux États membres v. not., CJCE, 14.1.1981, aff.
819/79, Allemagne c. Commission, Rec., p. I-221). De ce fait, tout défaut manifeste
de motivation entraîne systématiquement l’annulation des actes adoptés par les institutions de l’Union (TPICE, 11.7.2007, aff. T-47/03, Sison, Rec., p. II-73).
d) La publication et la notification de l’acte
L’article 254 TCE (art. 297, TFUE) prévoit que :
– les règlements, directives et décisions adoptés conjointement par le Conseil et le
Parlement européen dans le cadre de la procédure de codécision sont signés par
les présidents de ces deux institutions et publiés au Journal officiel de l’Union européenne. Ils entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le 20e jour
suivant leur publication (art. 254 § 1er, TCE) ;
– les règlements du Conseil et de la Commission ainsi que les directives de ces institutions adressées à tous les États membres sont également publiés au Journal officiel de l’Union européenne et se voient appliquer le même régime que précédemment s’agissant de leur entrée en vigueur (art. 254 § 2, TCE) ;
– les décisions ainsi que les autres directives (c’est-à-dire celles qui ne sont pas adoptées en codécision avec le Parlement européen et qui ne sont pas adressées à tous
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MÉMENTOS LMD – DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
les États membres) sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette
notification (art. 254 § 3, TCE).
La Cour de justice a pendant longtemps considéré qu’un acte de droit dérivé non publié
ou non notifié n’était pas illégal mais qu’il était alors inopposable à son destinataire
(CJCE, 25.1.1979, aff. 98/78, Racke, Rec., p. 69). Procédant à un revirement de sa
jurisprudence antérieure, elle considère aujourd’hui que l’absence de notification d’un
acte est constitutive d’une violation des formes substantielles du traité de nature à
entraîner son annulation (CJCE, 8.7.1999, aff. C-227/92, Hoechst, Rec., p. I-4443).
L’article 297 TFUE reprend en substance l’article 254 TCE tout en procédant aux adaptations induites par l’évolution des procédures législatives.
Article 297 TFUE
« 1. Les actes législatifs adoptés conformément à la procédure législative ordinaire sont signés
par le président du Parlement européen et par le président du Conseil.
Les actes législatifs adoptés conformément à une procédure législative spéciale sont signés par
le président de l’institution qui les a adoptés.
Les actes législatifs sont publiés dans le Journal officiel de l’Union européenne. Ils entrent en
vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication.
2. Les actes non législatifs adoptés sous la forme de règlements, de directives et de décisions,
lorsque ces dernières n’indiquent pas de destinataire, sont signés par le président de l’institution qui les a adoptés.
Les règlements, les directives qui sont adressées à tous les États membres, ainsi que les décisions, lorsqu’elles n’indiquent pas de destinataire, sont publiés dans le Journal officiel de
l’Union européenne. Ils entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième
jour suivant leur publication.
Les autres directives, ainsi que les décisions qui désignent un destinataire, sont notifiées à leurs
destinataires et prennent effet par cette notification. »
e) Les effets dans le temps de l’acte
En principe, l’adoption d’un acte obligatoire (qui a pour effet de compléter ou de modifier le droit positif en vigueur) ne vise pas les situations antérieures à son entrée en
vigueur. Cependant, la Cour de justice considère que l’absence d’application rétroactive des actes obligatoires peut, à titre exceptionnel, s’effacer « lorsque le but à
atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée »
(CJCE, 25.1.1979, aff. 98/78, Racke, op. cit., point 20). La Haute juridiction admet
également l’application rétroactive d’une directive lorsque la version initiale de cette
dernière a été annulée et remplacée rapidement par une nouvelle afin d’éviter tout
vide juridique et d’offrir une base juridique aux mesures nationales déjà adoptées par
les États membres à condition que l’objet de la directive en question ne porte pas sur
la matière pénale (CJCE, 13.11.1990, aff. C-331/88, Fedesa, Rec., p. I-4023).
f) La présomption de validité de l’acte
Les actes obligatoires de droit dérivé bénéficient d’une présomption de validité. Ils
déploient donc leurs effets juridiques tant que leur illégalité n’a pas été établie par le
juge communautaire ou qu’ils n’ont pas été retirés régulièrement par les institutions
dont ils émanent.