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22 Horizons Dialogues
0123
Samedi 14 novembre 2009
Photomontage
Médiatrice
S
Véronique Maurus
’il existait un prix du lecteur le
plus observateur, la palme
reviendrait sans conteste à Emile Chaneac. Eleveur d’ovins à
Meyrannes, dans le Gard, il
bénéficie, il est vrai, d’un atout
professionnel avoué : «Dans mon métier,
on emploie l’expression “avoir l’œil” pour
juger de l’état général d’un troupeau »,
écrit-il, avant d’expliquer sa méthode:
«On fait en sorte d’avoir quelques brebis
noires pour juger d’un seul coup d’œil si des
bêtes ne se sont pas égarées. Si vous gardez
1000 bêtes dont 30 noires, il vous suffit de
compter ces dernières ; s’il en manque, c’est
donc que vous en avez perdu bien plus. »
Une tactique apparemment infaillible.
Car de l’œil, il fallait en avoir pour repérer
les « sept erreurs » glissées dans la photo
panoramique illustrant, le 27 octobre, l’enquête de Luc Bronner, « Seine-Saint-Denis,
l’envers du décor».
Hormis le format inhabituel, cette photo n’avait, a priori, rien d’insolite : une foule de passants pressés sortaient d’une station RER. La légende reprenait une phrase
de l’article: « Entre 8heures et 10 heures, les
RER amènent de Paris à Saint-Denis des
wagons entiers de cadres blancs qui repartent le soir par la même voie ; ils croisent les
employés de nettoyage ou de sécurité, souvent noirs ou maghrébins, qui arrivent la
nuit et repartent le matin. »
Le regard infaillible du berger a eu pourtant vite fait de noter «qu’il y avait une
anomalie dans cette foule ». A son envoi,
M.Chaneac joint la photo du délit ; il y a
numéroté les sept passant(e)s qui se trouvent reproduit(e)s plusieurs fois, avec des
angles différents (face, profil, trois quarts,
dos). Deux « dames d’origine africaine»,
dit-il, ont été «clonées », l’une quatre fois,
l’autre trois fois, sur le cliché; de même
deux « cadres blancs» (quatre et deux fois
respectivement), une « femme à cartable »
(trois fois), une «de couleur indéterminée»
(deux fois) et une autre «en robe » (deux
fois). «La photo a toujours menti, ironise
notre vigilant lecteur. Maintenant qu’elle
est numérique, elle “supercherise”.»
M.Chaneac n’a pas été le seul à déceler
l’artefact, même s’il y a mis plus de métho-
Courrier
Souvenirs
La chute du Mur ne s’est pas faite
en un jour. J’étais en famille ce
mois de novembre1989 à Kreuzberg, lorsqu’on nous apprit, tard
dans la nuit du 9 novembre,
l’ouverture du point de passage
« Checkpoint Charlie ». Le froid
était insupportable, c’est donc au
petit matin que nous nous sommes rendus au poste frontière. Il
n’y avait encore que quelques Allemands de l’Est qui passaient avec
leur Trabant. Ces moments historiques, euphoriques se heurtaient à
la mentalité allemande. C’est donc
avec difficulté que les caméras de
de. Jean-Claude Mattiucci (Pau), autre
observateur émérite, a lui aussi remarqué
«un groupe de personnages, reproduit plusieurs fois dans la photo, à diverses étapes
de leur parcours, donnant ainsi une impression de nombre». Il en tire une conclusion
sévère : «On peut penser que le photographe a raté l’heure d’affluence et a voulu
reproduire la foule que l’on peut réellement
voir. (…) Ce montage non signalé n’a qu’un
caractère illustratif d’un article par ailleurs
intéressant, mais il introduit une suspicion
malvenue. »
a suspicion des lecteurs est légitime.
Pourtant, il n’y avait, dans cette image, ni intention cachée ni malice,
mais un procédé de prise de vue numérique propre au photographe, Timothée
Eisenegger. Comme le montre son site
(www.timographie360.fr), il est en effet
un spécialiste des panoramiques à 360˚,
dits « sphériques ». « C’est une suite de
L
télévision françaises durent chercher de jeunes Français ou Anglais
pour immortaliser l’instant… Ce
ne fut qu’à la Noël 1989 que nous
prîmes la mesure de ce qui se passait… Prenzlauerberg et Mitte, à
l’Est, vécurent cinq ans de liberté à
l’ombre du Mur avant de devenir
un sanctuaire pour star américaine… Si le Mur est tombé, il reste
toujours en ma mémoire la particularité du peuple est-allemand,
cultivé, instruit, mais profondé-
Les élections
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ment meurtri par ces années de
surveillance policière.
Igor Deperraz
Bully (Seine-Maritime)
Le mur de la réalité
Le vingtième anniversaire de la
chute du mur de Berlin constitue
un événement justement fêté et
célébré. Je souhaiterais, afin que le
symbole de la liberté retrouvée
soit sanctifié, une déclaration unanime et officielle dite « de la Brandenburger Tor », de la part des
chefs d’Etat invités le 9novembre,
sur les atteintes actuelles aux
droits des Palestiniens, des Mexicains, des Africains, des Irakiens…
empêchés par d’autres « murs de
la honte », actuels ceux-là, de se
rencontrer. Les images et les paroles se heurteront-elles toujours au
mur de la réalité?
Jean-Pierre Andry
Arnas (Rhône)
Les ruines de l’histoire
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pour piano que vous avez élues !
Martha Argerich, Claudio Arrau, Vladimir Ashkenazy,
Brigitte Engerer, Emil Gilels, Wilhelm Kempff,
Stephen Kovacevich, Lang Lang, Radu Lupu,
Nikita Magaloff, Pascal Rogé, Rudolf Serkin,
Jean-Yves Thibaudet, Rosalyn Tureck,
Lilya Zilberstein.
sept ou huit photos prises en rafale, de
manière à faire un tour complet, explique-t-il. Le problème est que si, pendant
que je tourne, des personnes sont en marche, elles vont se retrouver sur plusieurs
photos. Après l’assemblage, on aura des
doublons. Quand je peux, je l’évite, mais si
je veux saisir une foule, c’est impossible. Il
s’agit bien, techniquement, d’un photomontage, mais le but est de représenter la
réalité telle qu’elle est, non de truquer. »
Il eût été bon de l’expliquer aux lecteurs, en précisant dans la légende qu’il
s’agissait d’un procédé particulier de prise
de vue – ce qui aurait levé toute ambiguïté.
Nicolas Jimenez, responsable du service
photos, en convient, mais la publication
de tels clichés est si exceptionnelle que nul
n’a songé qu’ils pouvaient poser problème. «Nous ne retouchons jamais aucune
photo, précise-t-il, même pour les portraits
que nous faisons faire, nous ne retirons pas
Moi aussi, je me souviens. Aujourd’hui le monde entier est en liesse,
on commémore, on danse sur les
ruines du Mur, même L’Humanité,
à sa façon, célèbre l’anniversaire
d’une liberté retrouvée pour des
millions d’Allemands de ce qui
s’appelait la République démocratique d’Allemagne (RDA).
Je ne peux laisser passer ce trou de
mémoire, cette amnésie invraisemblable, qui a atteint ces milliers de
communistes français qui nous
expliquaient que le paradis était
de l’autre côté du mur.
Avez-vous oublié, camarades, les
réceptions en grande pompe dans
nos mairies communistes des leaders de la RDA? Avez-vous oublié
ces voyages organisés pour les
enfants de nos communes vers le
paradis communiste? Avez-vous
vraiment perdu la mémoire? Ai-je
rêvé?
Je me souviens comme si c’était
hier de cette belle exposition sur la
RDA, à la mairie d’Aubervilliers,
inaugurée par Jack Ralite en présence de responsables du Parti communiste de RDA, que s’est-il passé?
Stasi, Vopos, sont devenus des gros
mots, mais en ce temps du Mur,
mes camarades communistes ne
voulaient pas entendre parler de
ce qui n’était qu’affabulation anticommuniste… Dansons, camarades, dansons sur les ruines du Mur,
dansons sur les ruines de l’histoire,
dansons sur les ruines de la mémoire, mais laissez-moi pleurer sur les
mensonges que vous m’avez fait
partager pendant des années…
Alain Braun
Paris
Les autres murs
Les commémorations prendraient
tout leur sens si on en faisait explicitement des outils d’amélioration
du présent : ainsi les fêtes commé-
une ride, ne rajoutons pas une couleur.
Nous prenons la photo telle qu’elle est. »
Paradoxalement, d’autres lecteurs nous
le reprochent parfois. Ainsi Roger Dailler
(Crèches-sur-Saône, Saône-et-Loire) considère comme une «vraie provocation » que
«Le Monde publie en première page [le
23octobre] une photo avec un personnage
fumant une cigarette. »
Il s’agissait d’un portrait de Federico Fellini datant de 1957 et exposé au Musée du
Jeu de paume. Publié en l’état, donc avec
cigarette, ce qui au demeurant n’est pas
interdit par la loi si le personnage ne se
trouve pas dans un lieu public et s’il ne fait
pas de publicité pour une marque.
Fallait-il couper la cigarette au bec de
Fellini comme d’autres ont ôté à Tati sa
pipe? Ce serait admettre qu’il est des truquages vertueux et d’autres fautifs… p
Courriel : [email protected]
morant la chute du mur de Berlin
ne devraient-elles pas rebondir en
écho sur l’autre « mur de la honte», celui de Palestine, que la
pudeur hypocrite occidentale
appelle « barrière de séparation » ?
Curieuse « barrière » en effet, avec
ses 500km de barbelés, de terre
minée, de fossés, de miradors, de
pans de ciment de 8 m de haut.
Non moins curieuse façon de
« séparer », qui a pour fonction
vraie, derrière le prétexte de sécurité, de réaliser non seulement un
nouvel apartheid, mais une exclusion raciale, pour le plus grand
bien d’un autre « Lebensraum ».
Dans leur solitude, les Palestiniens
ont fait ce rapprochement : encore
une fois, l’Europe frileuse va-t-elle
rater une occasion de ne pas se taire? Et au moment même où l’on
tente de relancer la définition de
l’identité française, n’était-ce pas
pour nous autres du pays de
Lafayette et de De Gaulle, le
moment de montrer qu’être français c’est prendre acte aujourd’hui
comme hier des combats contre
l’humiliation et pour la liberté ?
Gonzague Hutin
Paris
Une grande chancelière
Voici une grande chancelière, qui
dit tout simplement et avec modestie qu’elle n’y croyait pas vraiment,
qu’elle a traversé le trou, pratiquement entraînée par la foule et (là,
ma libre interprétation, mais c’est
presque ça !) qu’elle s’est couchée
tôt parce qu’il y avait du travail le
lendemain.
Je faisais part de mon émerveillement à ma fille et nous nous
disions que tout « pipole » politique français, dans des conditions
similaires, nous aurait fait part de
sa parfaite conscience de l’importance historique du moment ou
même de sa participation décisive
à l’événement. C’est donc avec un
immense éclat de rire que j’ai
appris lundi, que, bien sûr, MM.
Sarkozy et Fillon y étaient, outillés,
et le 9, s’il vous plaît! J’ose encore
espérer qu’il s’agit d’une intervention sans finesse de la communication de l’Elysée. Le ridicule tue.
Walter Sobotka
Saint-Rémy-lès-Chreveuse
(Yvelines)
Lamentable
Que Nicolas Sarkozy ait été ou non
le 9 novembre 1989 à Berlin, ce
n’est pas ce qui importe. Sans doute le mieux est d’en rire, comme l’a
fait Ségolène Royal, qui se demandait s’il n’avait pas pris la Bastille le
14 juillet 1789. Il vaut mieux en rire
de peur d’avoir à en pleurer. Pleurer de voir un grand peuple tolérer
d’être représenté par un personnage aussi narcissique. Lamentable.
Je ne suis ni fier ni honteux d’être
français, je n’ai pas choisi ni mérité
ma nationalité. Ni fier ni honteux,
mais malheureux d’être représenté par ce personnage.
Jacques Piraud,
Sartrouville (Yvelines)
Vingt ans avant
De Gaulle est un nom issu d’une
forme germanique : « De Walle »
qui signifie le mur d’enceinte, le
rempart. Un jour d’automne, de
Gaulle s’est effondré sur sa table
de bridge où il alignait des cartes à
jouer. Malraux écrira un petit livre
à la mémoire du glorieux défunt:
Les Chênes qu’on abat. De Gaulle
est mort un 9novembre, il y a presque quarante ans. Cet homme au
grand destin a cédé à la même date
que le Mur de Berlin. Troublante
histoire des hommes.
Christian de Maussion,
Paris
Le mur de la honte
Le 9novembre 1989 tombait le
« mur de la honte». Honte aussi à
ceux qui, la veille encore, étaient
de l’autre côté du mur, le côté sombre. Tout le monde en connaît. Les
cérémonies sur « l’Esplanade
municipale de l’hypocrisie » vont
rassembler, entre autres certains
nostalgiques du communisme de
papa. Alors que les PC espagnol et
italien avaient déjà fait leur aggiornamento, redonnant à cet idéal
partageux un peu de son lustre, les
nôtres s’obstinaient dans l’erreur.
Ces inconditionnels de L’Huma,
ces pourfendeurs de yankees et
fidèles touristes de la RDA heureuse, ils étaient légion dans nos syndicats et chez nos intellectuels. Beaucoup occupent de hautes fonctions municipales ou départementales. Ils seront de la cérémonie.
L’Histoire n’est ni rancune ni
oubli. Renieront-ils enfin leurs
erreurs de jeunesse? Pour les historiens qui n’ont pas la mémoire
courte, ce serait pourtant une occasion de les mettre au pied du mur.
Jean Marie Baurens
Montpellier
Rectificatifs&précisions
Yémen Contrairement à ce que
nous avons écrit dans l’article titré
« La guerre à la frontière saoudienne s’intensifie», la guerre de Saada
a commencé en 2004 et non en
2005(Le Monde du 10 novembre).
Religion La tribune du théologien Hans Küng « La politique du
pape envers les anglicans et un
véritable drame! » (Le Monde du
29octobre) a été traduite de l’allemand par Pierre Deshusses.