Philosophie et histoire des Droits de l`homme I. Considérations

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Philosophie et histoire des Droits de l`homme I. Considérations
Philosophie et histoire des Droits de l’homme
I. Considérations générales
1) Les droits de l’homme
a) Définition.
Ils sont un ensemble de principes visant à protéger l’homme contre les abus de pouvoir et à lui procurer les
meilleures conditions de vie possibles en lui donnant le pouvoir de posséder, de faire ou d’exiger soit ce qui
est permis (avoir le droit de…) soit ce qui est prévu par la loi (avoir droit à…).
Homme doit être entendu au sens du mot latin « homo » qui désigne à la fois le masculin et le féminin. Pour
Benjamin Constant, il désigne l’individu autonome devant lequel s’arrête le pouvoir de l’Etat. Pour Marx,
l’homme dont il s’agit est le membre de la société bourgeoise c’est à dire un individu replié sur lui-même,
sur son intérêt privé et son bon plaisir et séparé de la communauté. Pour Hannah Arendt, il désigne le peuple
souverain car seule la souveraineté populaire peut garantir les droits de l‘homme. Pour Claude Lefort, il
désigne un homme indéterminé et sans visage c’est à dire tout homme quelles que soient ses origines, sa
religion, ses opinions……
b) Nature
La question est de savoir si elle est juridique, politique ou éthique.
La particularité des droits de l’homme est qu’ils relèvent de la conception du droit naturel selon laquelle
l’homme possède des droits du seul fait qu’il est un homme. Dès lors, ils existent même ignorés par la
législation et sont transcendants et irréductibles à l’ordre juridique qui est leur destination et non leur
origine.
Par contre, ils appartiennent à la sphère de l’éthique dès lors qu’ils sont des principes transcendants qui
invitent au respect d’autrui sans lequel une vie sociale pacifiée n’est pas possible et représentent un idéal qui
impose de prendre en compte l’égale dignité, et la liberté de l’autre. Luc Ferry les qualifie de « charte de la
moralité commune ».
Sur leur nature politique, les avis sont partagés entre ceux qui les conçoivent comme concernant lavie
collective de la cité etceux qui les conçoivent comme concernant l’individu. Ainsi, selon Claude Lefort, les
droits de l’homme ont aussi et nécessairement une dimension politique car leur conquête suppose une
reconnaissance publique portée par un débat politique et une lutte collective, ils ne peuvent exister sans une
politique démocratique et ils sont les principaux critères de l’évaluation de la légitimité politique. Par contre,
Marcel Gauchet soutient que les droits de l’homme ne sont pas une politique : concernant des individus, ils
ne peuvent contenir un projet de vie collective et s’opposent à la nécessité d’être ensemble alors que former
une société qui est le rôle de la politique implique nécessairement une limitation de l’autonomie individuelle
et l’existence d’une sphère collective forte. En faire une politique c’est courir le risque de porter atteinte au
« vivre ensemble » et, dans les faits, quand le politique tient le discours des droits de l’homme, c’est
uniquement pour cacher son impuissance à améliorer la société.En outre, tels que les conçoive le militant,
les droits de l’homme sontune forme d‘absolu, exigent la vérité des faits et sont une fin en eux-mêmesalors
que la telle que la dévoile Machiavel,la politique relève de la contingence, a le mensonge comme mode
d’expression et pour objectif la conquête et la préservation du pouvoir. Et on sait par expérience que les
relations entre les droits de l’homme et la politique sont rarement pures, le politique ayant tendance à les
utiliser comme armepolitique, dénonçant chez ses adversaires des atteintes qu’il préfère ignorer chez ses
amis ou qu’il commet lui-même. En conclusion, droits de l’homme et politique appartiennent à deux
domaines différents même s’ils peuvent parfois collaborer.
2) La philosophie des droits de l’homme
a) Son objet.
Elle est une réflexion critique tentant de répondre aux questions que pose l’existence des droits de l’homme.
Quels sont-ils? Qu’est-ce qu’il justifie que l’homme en soit possesseur ? Pour quelles raisons leur
reconnaissance a-t-elle était si tardive ? Sont-ils universels ou ne concernent-ils que les occidentaux ? Sontils absolus ou relatifs? Sont-ils par ou contre l’Etat? ……
b) Son utilité.
Plutôt que de philosopher ne vaut-il pas mieux traduire les droits de l’homme en normes juridiques et veiller
à leur application ?
-Philosophie et normes juridiques. La philosophie étudie leurs concepts et leurs principes, dit leur raison
d’être et permet de découvrir les valeurs qui les fondent. Dès lors, elle concourt à les rendre
compréhensibles et confortent leur bien-fondé.
-Philosophie et application des droits de l‘homme. La philosophie est dévoilement de la vérité et des
règles de la morale : elle désigne le Vrai et le Bien. Dès lors, elle conduit à la sagesse c’est à dire à la bonne
application des droits de l’homme.
3) Histoire des droits de l’homme
Avec les droits de l’homme, la philosophie rencontre l’histoire car ils ont des origines à la fois
philosophiques et historiques. Ils sont le produit de l’évolution des idées et de la succession des événements.
Ils ne se comprennent que par rapport aux cheminements de l’Histoire et aux courants de pensée successifs
qui au cours de siècles se sont heurtés ou mélangés, ont forgés des mentalités et des structures
intellectuelles. Ils sont l’aboutissement d’une réflexion composite, polémique et mêlée de traditions
diverses. Ils ont une histoire qu’il faut aller chercher jusqu’aux sources de l’humanité si nous voulons la
comprendre et la poursuivre. C’est leur genèse que l’on abordera avec quatre exposés : le premier sur les
sociétés des origines auxquelles l’idée que l’homme a des droits opposables à la société était totalement
étrangère, le deuxième sur le temps de la chrétienté au cours duquel sont nées les premières libertés, le
troisième sur la Renaissance et le XVIIième siècle qui ont vu l’émergence du sujet libre et autonome, la
naissance de l’humanisme et la reconnaissance du droit naturel et le quatrième sur les origines directes de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 avec notamment le rôle joué par la philosophie
des Lumières. Nous analyserons ensuite cette déclaration qui est l’expression privilégiée de la philosophie
des droits de l’homme et les nombreuses contestations dont elle a fait l‘objet. Elle est le point d’arrivée
d’une longue gestation mais aussi un commencement. En effet, le droits de l’homme ne sont pas figés car ils
sont influencés par l’évolution de la société. Aussi, nous étudierons l’évolution qu’ils ont subie de 1789 à
1948 puis la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui en est le produit et enfin, nous
terminerons par un tableau de leur situation actuelle.