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LES
TETES
BRULEES
Un
scénario
d'Emilie
Janin
d'après
la
nouvelle
de
Robert
Louis
Stevenson
L'histoire
du
jeune
aux
tartes
à
la
crème
‐
Mention
spéciale
du
jury
du
concours
Travelling
2013
‐
SEQ
01
­
Boîte
de
nuit
­
INT
NUIT
Des
stroboscopes
dessinent
des
corps
incertains.
La
musique
électro
assourdissante
bat
à
un
rythme
effréné.
Des
jeunes
filles
ondulent
sur
les
podiums,
les
danseurs
sont
en
transe.
D'un
couloir
bondé
sort
une
jeune
fille
de
17
ans,
ELUA.
Elle
est
blonde
avec
une
frange
et
a
les
cheveux
longs
et
fins.
Elle
porte
un
short,
des
bottes
et
un
t‐shirt
sans
forme,
dans
lequel
elle
flotte
vu
sa
minceur.
Elle
traverse
la
marée
humaine
de
la
piste
de
danse,
repoussant
gentiment
les
mains
d'hommes
qui
essaient
de
l'attraper
au
passage
et
se
dirige
vers
une
banquette.
Elle
s'assoit
à
côté
d'une
jeune
fille
brune,
SARAH.
Elle
a
une
coupe
de
cheveux
au
bol,
les
yeux
d'un
bleu
intense
et
des
pommettes
rebondies
bien
roses.
Elle
discute
à
bâtons
rompus
avec
les
jeunes
garçons
qui
sont
à
côté
d'elle.
La
discussion
est
en
anglais.
Elua
prend
un
cocktail
posé
sur
la
table
et
commence
à
le
boire
à
la
paille.
Elle
s'enfonce
dans
la
banquette
et
regarde
la
piste
de
danse,
ignorant
Sarah
et
ses
amis.
Sans
s'arrêter
de
parler,
Sarah
passe
quelque
chose
dans
la
main
d'Elua.
Celle‐ci
l'avale
machinalement
et
boit
de
nouveau
son
cocktail.
SEQ
02
­
Boîte
de
nuit
­
EXT
NUIT
Une
façade
en
brique
avec
un
panneau
lumineux
qui
indique
"Manufactory
of
Sound".
La
porte
de
la
boîte
de
nuit
s'ouvre
violemment.
Sarah
et
Elua
sortent
comme
des
furies,
hilares.
Bras
dessus
bras
dessous,
elles
hurlent
la
chanson
"Diamonds"
de
Rihanna
en
parodiant
les
mimiques
de
la
chanteuse,
et
s'amusent
à
chanter
faux.
SEQ
03
­
Quai
de
métro
­
INT
NUIT
Elua
et
Sarah
sont
assises
sur
le
bord
du
quai,
les
jambes
pendantes
au‐dessus
des
rails
du
métro.
Tête
contre
tête,
elles
regardent
le
quai
d'en
face
tout
en
buvant
leurs
bières.
De
profil,
on
voit
le
métro
arriver
sur
le
quai.
Sarah
tourne
la
tête
vers
le
métro
sans
réaction,
Elua
reprend
une
gorgée
de
bière.
Le
conducteur
klaxonne.
Le
métro
se
rapproche
d'elles
dangereusement.
Les
adolescentes
se
lèvent
mollement,
sans
grande
conviction.
Le
conducteur
leur
fait
un
signe
de
la
main
qui
insinue
"vous
êtes
cinglés!".
Les
filles
le
huent.
Sarah
mime
des
baisers
tandis
qu'Elua
soulève
son
t‐shirt
pour
lui
montrer
son
soutien‐gorge.
Elles
s'esclaffent.
Le
métro
s'arrête.
Elles
tambourinent
le
wagon
puis
montent
à
l'intérieur,
pleine
d'énergie.
SEQ
04
­
Chambre
d'Elua
­
INT
JOUR
C'est
le
noir
complet.
Des
rideaux
s'ouvrent
violemment.
Elua
se
redresse
paresseusement
et
observe
celle
qui
vient
de
la
réveiller.
C'est
ROSA,
une
femme
d'une
cinquantaine
d'années
en
tenue
classique
de
femme
de
chambre.
Elle
est
petite
et
se
tient
bien
droite.
Elle
ne
pipe
mot
et
se
retire
de
la
chambre.
SEQ
05
­
Salon
d'Elua
­
INT
JOUR
Un
gigantesque
salon
contemporain,
très
épuré,
spacieux,
aux
murs
gris
béton.
Au
premier
plan,
une
table
entièrement
en
bois
très
design.
Au
second
plan,
des
sièges
cocons
blancs,
suspendus
au
plafond.
Une
femme
lit
son
courrier,
qu'elle
dépose
au
fur
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
2
et
à
mesure
sur
la
table.
Elle
a
une
cinquantaine
d'années,
les
cheveux
d'un
blanc
profond,
les
traits
du
visage
fins
et
revêt
des
vêtements
élégants.
C'est
la
MERE
D'ELUA.
Elua
entre
dans
la
pièce
en
pyjama
et
s'assoit
à
la
table.
ELUA
(en
bâillant)
T'as
encore
changé
de
table...
SA
MERE
(sans
se
retourner
vers
sa
fille)
La
semaine
dernière
à
Berlin,
ce
weekend
à
Londres...
Franchement
Elua!
ELUA
Je
visite
du
pays
et
alors
?
C'est
d'un
mortel
ici...
SA
MERE
Je
crois
surtout
que
tu
ne
sais
plus
te
contenter
de
rien.
ELUA
Tu
parles
...
(elle
regarde
la
table)
C'est
à
moi
que
tu
dis
ça.
Sa
mère
se
retourne
et
la
dévisage.
ELUA
Rosa!
(silence)
P'tit
déj!
SA
MERE
T'as
vu
comment
tu
parles
au
gens?
(silence)
Faudra
apprendre
à
être
poli
un
jour...
La
mère
de
Sarah
ne
veut
plus
que
tu
ailles
dormir
chez
elle,
ce
qui
actuellement
ne
m'arrange
pas
du
tout!
Je
comptais
sur
elle
pour
te
garder
cette
semaine...
ELUA
(outrée)
Me
garder
???
SA
MERE
Je
t'ai
dit
que
j'allais
à
Singapour
cette
semaine.
Tu
te
souviens,
je
t'en
ai
parlé
mardi
quand
tu
es
rentrée
du
lycée.
ELUA
Me
garder
???????
SA
MERE
Oh
Elua,
ça
va
hein,
arrête
de
tout
prendre
au
pied
de
la
lettre,
t'es
chiante
avec
ça...
Rosa
entre
dans
le
salon
avec
le
plateau
d'un
petit
déjeuner
complet
et
se
dirige
vers
la
table
en
bois
design
pour
le
poser.
SA
MERE
Ah
non!
Pas
question
de
prendre
le
p'tit
déj
ici!
C'est
une
table
Starck
enfin!
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
3
ELUA
Je
mange
où
alors
???
SA
MERE
Où
tu
veux
mais
pas
ici,
pas
sur
cette
table!
La
mère
d'Elua
continue
de
lire
frénétiquement
son
courrier.
Elua,
suivit
de
près
par
Rosa,
se
dirige
vers
les
fauteuils
cocons
suspendus
au
plafond.
Rosa
hésite
puis
tente
de
poser
le
plateau
à
différents
endroits,
sans
y
parvenir,
le
salon
étant
très
épuré
et
donc
pas
pratique.
Elle
finit
par
poser
le
plateau
par
terre,
insatisfaite.
Elua
s'assoit
dans
un
des
cocons
suspendus
et
se
tord
dans
tous
les
sens
pour
arriver
à
tremper
ses
tartines
dans
son
chocolat.
SEQ
06
­
Cour
du
lycée
puis
couloirs
­
EXT
puis
INT
JOUR
Elua
et
Sarah
sont
accoudées
sur
un
mur,
les
bras
sous
le
menton.
Elles
fument.
Elles
sont
sur
une
sorte
de
plateforme
où
l'on
voit
en
contrebas
la
cour
bondée
et
bruyante
du
lycée.
Elles
regardent
vaguement
ce
qui
se
passe
dans
la
cour.
ELUA
Paraît
que
ta
mère
peut
plus
m'encadrer.
SARAH
Ouais.
(silence)
ELUA
On
s'éclate
où
ce
weekend
?
SARAH
Au
Meryl
?
ELUA
Pourave.
SARAH
A
l'Hélice?
ELUA
Ouais,
comme
tous
les
samedis
soir
quoi...
SARAH
Ché
pas...
Au
Pluto's
?
ELUA
Oh,
je
t'ai
demandé
où
on
s'éclatait
!?
SARAH
C'est
bon
là!
De
toute
façon,
ça
sert
à
rien
d'y
penser,
ma
mère
me
laissera
jamais
bouger...
ELUA
Elle
fait
chier
ta
mère.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
4
SARAH
C'est
toi
qui
fais
chier...
Sarah
se
relève
du
muret
et
se
dirige
vers
un
escalier
qui
descend
à
l'étage
inférieur.
Elua
la
rattrape.
ELUA
T'as
pas
répondu!
On
fait
quoi
ce
weekend
?
SARAH
(soupire)
Je
viens
de
te
le
dire.
Ma
mère
me
lâchera
pas!
Elle
a
même
menacé
de
tracer
mon
portable
si
on
continuait
nos
conneries.
Faut
faire
profil
bas
pendant
quelques
temps.
Elle
arrive
en
bas
de
l'escalier
et
entre
dans
un
couloir
ordinaire
de
lycée.
Un
jeune
homme
d'une
trentaine
d'année
fait
irruption
devant
elles
et
leur
barre
délibérément
la
route.
C'est
un
PION.
PION
Vous
venez
d'où
comme
ça
?
ELUA
Des
chiottes.
PION
Me
prenez
pas
pour
un
imbécile.
Vous
venez
du
toit...
ELUA
Nan,
on
vient
des
chiottes.
PION
(il
la
renifle)
Vous
puez
la
clope.
Allez,
direction
le
bureau
du
CPE.
Les
jeunes
filles
sont
indignées
et
prennent
une
posture
de
rebelle.
Elles
suivent
le
pion
en
traînant
des
pieds.
SARAH
Tu
sais
ce
que
ça
veut
dire
"faire
profil
bas"
ou
quoi
?
ELUA
Ok,
va
pour
le
Meryl
alors...
SARAH
Même
pas
en
rêve...
Elles
entrent
dans
le
bureau
du
CPE
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
5
SEQ
07
­
Salon
de
thé
puis
cuisine
­
INT
JOUR
Elua
tord
sa
bouche
en
regardant
autour
d'elle.
Sarah
l'observe,
amusée.
Elles
sont
assises
au
milieu
d'un
salon
de
thé
rococo:
murs
verts
et
roses
pâles,
vaisselle
en
harmonie
avec
le
mobilier
romantique
et
ambiance
feutrée.
Ce
sont
les
seules
clientes.
Il
n'y
a
personne
au
comptoir
mais
on
entend
quelqu'un
s'affairer
en
cuisine.
SARAH
(souriante)
Tu
voulais
un
endroit
qui
change...
ELUA
En
plein
dans
le
mille.
La
semaine
prochaine,
emmène‐moi
dans
chez
les
bonnes
sœurs...
SARAH
Je
t'empêche
pas
d'aller
t'éclater
avec
d'autres
potes.
ELUA
(soupir)
Ouais
mais
c'est
toi
qui
chope
les
plans
de
ouf
...
Et
aujourd'hui,
j'avoue,
le
plus
original
de
tous,
un
tea
time
party!!
D’ailleurs,
qu'est‐ce
qu'il
fout
le
serveur
?
GARY
J'ai
de
la
jelly!
Les
jeunes
filles
sursautent.
GARY,
le
patron
du
salon
de
thé
se
tient
juste
à
côté
d'elles.
Il
porte
une
veste
blanche
de
laboratoire
pas
très
propre,
une
toque
blanche
et
un
pantalon
en
velours.
Il
a
une
barbe
de
trois
jours
et
des
cheveux
mi‐longs
très
fins,
de
couleur
poivre
et
sel.
Son
look
contraste
avec
le
salon
cosy.
Il
tient
un
carnet
de
notes
et
les
regarde,
en
attente
de
leur
commande.
SARAH
(surprise)
Euh...
de
la
jelly?
GARY
Oui,
des
gâteaux
à
base
de
gelée,
si
vous
préférez.
J'ai
tous
les
parfums
en
stock!
Ma
spécialité,
c'est
la
jelly
abricot,
fondant
de
cranberry.
SARAH
(à
contrecœur)
Ok
pour
le
dessert
maison
alors...
ELUA
(plus
à
l'aise)
Moi
je
vais
prendre
un
cheese‐cake.
Au
spéculoos,
si
vous
avez.
GARY
Je
n'ai
que
de
la
jelly.
ELUA
(hargneuse)
Je
n'aime
pas
la
gelée.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
6
GARY
Pourtant
c'est
délicieux
et
je
suis
le
seul
sur
Paris
à
en
faire!
J'en
ai
préparé
en
trop
grande
quantité
aujourd'hui,
je
vous
fais
goûter
gratis!
ELUA
(énervée)
Je
DETESTE
la
gelée!
C'est
franchement
dégueulasse.
GARY
(troublé)
Si
vous
n'en
mangez
pas,
je
serai
dans
l'obligation
de
manger
votre
part,
j'en
ai
fait
beaucoup
trop...
ELUA
(en
se
penchant
vers
lui)
Et
bien
mangez‐là.
A
défaut,
vous
avez
certainement
quelque
chose
à
boire?
Du
thé
par
exemple?
Ou
un
whisky
coca?
GARY
(qui
ne
relève
pas
l'arrogance
d'Elua)
Oui
bien
sûr,
nous
avons
du
thé
noir
de
Ceylan,
du
trois
agrumes
automnales,
du
thé
blanc
du
japon,
une
tisane
aux
fruits
rouges,
un
thé
vert
revitalisant,
...
ELUA
Un
thé
à
la
cannelle,
vous
allez
bien
me
trouver
ça.
GARY
Bien
sûr.
Il
note
la
commande
et
repart
en
cuisine.
Les
filles
le
regardent
s'éloigner.
ELUA
J'hallucine,
il
est
grave
ce
mec!
SARAH
Ma
mère
m'avait
prévenue
qu'il
était
un
peu
frappé.
Mais
je
pensais
pas
à
ce
point.
Il
a
repris
le
salon
de
sa
femme
alors
qu'il
était
chimiste
...
ELUA
Un
chimiste
dans
un
décor
carton
pâte,
ça
détonne,
c'est
sûr.
SARAH
Surtout
que
les
seuls
desserts
qu'il
sait
faire...
GARY
Jelly
!
Les
filles
sursautent
de
nouveau.
Il
se
tient
encore
à
côté
d'elles,
un
plateau
entre
les
mains.
Il
dépose
son
plateau
sur
la
table
voisine.
Il
pose
ensuite
une
tasse
et
une
théière
devant
Elua,
se
retourne,
puis
glisse
une
jolie
jelly
multicolore
devant
Sarah.
Elua
se
sert
du
thé,
Sarah
touche
d'un
air
circonspect
sa
jelly
tremblante.
Elle
arrête
net
son
mouvement,
la
cuillère
suspendue.
Gary,
droit
comme
un
i,
tel
un
soldat
qui
effectue
sa
tâche
avec
honneur,
engloutit
une
jelly
verte
pomme
devant
elles.
Après
avoir
fini
de
la
gober,
il
se
met
à
pleurer,
prend
son
plateau
et
retourne
d'un
pas
hâtif
dans
la
cuisine.
Les
filles
le
scrutent
puis
se
regardent,
bouche
bée
avant
d'éclater
de
rire.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
7
ELUA
Bordel!
Ca
vaut
toutes
les
soirées
déjantées
où
tu
m'as
traîné.
Ta
mère
est
un
génie!
SARAH
Arrête,
le
pauvre
gars
quand
même.
ELUA
Faut
que
je
prenne
ça
en
photo!
SARAH
Déconne
pas...
ELUA
Faut
bien
que
j'illustre
mon
statut
facebook
"le
salon
de
thé,
l'endroit
le
plus
fun
du
monde!"
SARAH
Elua...
Elua
est
déjà
en
train
de
se
lever,
le
portable
à
la
main
et
se
dirige
sur
la
pointe
des
pieds
jusqu'au
comptoir.
Elle
se
tord
de
rire.
Sarah,
gênée,
coupe
sa
jelly
en
deux.
Elua
contourne
le
comptoir
puis
jette
un
œil
vers
sa
copine.
Sarah
regarde
le
comptoir
et
lâche
sa
fourchette.
Gary
attrape
fermement
le
poignet
d'Elua.
Elle
se
débat.
GARY
(froidement)
Si
tu
voulais
piquer
dans
la
caisse,
il
fallait
venir
avant.
Il
n'y
a
plus
rien
à
voler
ici.
Sarah
accourt
jusqu'au
comptoir.
SARAH
Nan,
elle
voulait
juste
vous
dire
que
votre
...
jelly
était
vraiment...
super
bonne!
Gary
observe
Sarah
puis
scrute
Elua,
qui
ne
se
démonte
pas.
ELUA
Mais
si
vous
n'aimez
pas
les
compliments...
GARY
(relâchant
le
poignet
d'Elua)
C'est
le
dessert
préféré
de
ma
femme,
bien
sûr
que
mes
jellys
sont
excellentes!
(s'adressant
à
Elua)
Je
suppose
que
vous
êtes
revenue
sur
votre
avis
?
Allez,
venez
vous
régaler...
Gary
entre
dans
la
cuisine,
suivi
des
adolescentes.
La
petite
cuisine
est
remplie
de
jellys
de
toutes
les
formes,
de
toutes
les
couleurs,
du
sol
au
plafond.
Les
filles
ouvrent
de
grands
yeux.
Elua
lève
son
portable
pour
prendre
une
photo
mais
Sarah
retient
son
bras,
le
regard
mauvais.
Gary
voit
leurs
réactions.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
8
GARY
(souriant)
J'ai
travaillé
toute
la
nuit,
c'est
un
petit
peu
exagéré
j'en
conviens...
(son
visage
se
ferme
radicalement)
Comme
personne
ne
les
mange,
en
plus,
c'est
ridicule.
Gary
se
laisse
glisser
contre
le
mur
de
la
cuisine
et
s'écroule
par
terre.
Les
filles
échangent
un
regard.
GARY
Vous
me
prenez
pour
un
fou
et
vous
avez
raison.
Je
ne
suis
plus
que
l'ombre
de
moi‐même.
Une
âme
errante
abîmée
par
la
vie,
abîmée
par
une
femme...
SEQ
08
­
FLASH
BACK
­
cuisine
­
INT
JOUR
La
scène
est
muette.
Gary
et
sa
femme
sont
dans
la
cuisine.
Ils
s'embrassent
et
Gary
sort
du
champ.
Sa
femme
fait
le
glaçage
d'un
gâteau.
Un
autre
homme
entre
dans
le
cadre
avec
un
dôme
en
caramel.
Il
démoule
délicatement
son
dôme
avant
de
le
poser
avec
douceur
sur
le
gâteau.
La
femme
de
Gary
applaudit,
en
extase.
Elle
prend
le
gâteau
et
leurs
mains
s'effleurent.
Elle
sourit
timidement
puis
sort
du
champ.
Le
pâtissier
sort
également
du
champ,
mais
à
l'opposé
du
cadre.
Il
revient
rapidement
avec
un
gâteau
en
forme
de
cœur,
la
femme
de
Gary
arrive
simultanément
du
salon.
Ils
se
dévisagent
puis
se
sautent
dessus.
La
pâtisserie
tombe
sur
le
sol.
Leur
étreinte
brûlante
les
conduit
au
hors
champ.
Gary
entre
dans
un
cadre
vide.
Il
voit
le
cœur
brisé
par
terre
et
s'écroule
contre
le
mur,
exactement
au
même
endroit
où
il
se
trouve
pour
son
récit.
SEQ
09
­
Cuisine
­
INT
JOUR
GARY
(désespéré)
Depuis
c'est
un
peu
compulsif.
Je
fais
de
la
gelée,
de
la
gelée,
de
la
gelée
...
en
attendant
que
mon
tour
vienne!
Ca
me
permet
de
me
défouler
quand
je
reviens
du
club.
Je
teste
des
textures
différentes...
Sarah
et
Elua
écoutent
sans
grande
attention
Gary.
Sa
dernière
phrase
interpelle
Sarah,
soudain
très
intéressée
par
son
récit.
SARAH
Quel
club
?
GARY
Un
club
très
privé,
dont
je
ne
peux
pas
parler...
(il
se
relève)
Toutes
ces
jellys
à
engloutir...
Je
suis
tellement
écœuré!
Mais
je
ne
peux
pas
les
jeter,
ce
serait
du
gâchis
et
ma
femme
aime
tellement
ça!
Il
faut
dire
qu'elle
est
anglaise...
Sarah
dévisage
Elua,
un
sourire
aux
lèvres.
Puis
elle
se
retourne
vers
Gary,
qui
est
déjà
en
train
de
manger
une
jelly.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
9
SARAH
Si
on
vous
aide
à
toutes
les
manger,
vous
nous
parlerez
de
ce
club
secret
?
Gary
les
toise
de
haut
en
bas
puis
prend
deux
jellys
à
côté
de
lui,
un
sourire
grandissant
aux
lèvres.
GARY
Vu
vos
tailles
de
guêpes,
je
crois
que
je
ne
prends
aucun
risque.
SEQ
10
­
Salon
d'Elua
­
INT
NUIT
Elua
traverse
le
salon
et
balance
sur
la
table
une
boîte
à
gâteau.
SEQ
11
­
Chambre
d'Elua
­
INT
NUIT
Elua
déboule
dans
sa
chambre,
jette
son
sac
sur
son
lit
et
se
précipite,
tout
en
se
déshabillant,
dans
son
dressing.
On
voit
des
vêtements
voler
au
dehors
du
dressing.
Une
sonnerie
de
portable.
Elua
sort
du
dressing,
à
moitié
vêtue
d'une
robe
de
soirée
noire
à
paillettes.
Elle
prend
son
portable.
C'est
un
texto
de
Sarah:
"Je
le
sens
pas.
On
laisse
tomber".
Elua
répond
instantanément
:
"Je
suis
chez
toi
dans
20mn".
Elle
enfile
le
haut
de
sa
robe
machinalement
et
entreprend
de
se
coiffer.
SEQ
12
­
Devant
la
maison
de
Sarah
puis
dans
la
rue
­
EXT
NUIT
Elua,
bien
apprêtée
avec
son
manteau
noir,
s'arrête
en
face
d'une
petite
maison
de
ville
à
un
étage.
Elle
se
cache
de
la
lumière
des
lampadaires
à
l'ombre
d'un
arbre.
Elle
écrit
un
texto
rapide
et
tapote
son
portable
contre
l'arbre.
Elle
semble
stressée
et
ne
détache
pas
son
regard
de
la
maison.
Elle
vérifie
son
portable.
Elle
se
mord
la
lèvre
inférieure.
Soudain,
un
bruit
léger
de
fenêtre
qui
s'ouvre.
Elua
se
détourne
de
son
portable
et
scrute
la
maison.
Sarah
enjambe
une
fenêtre
du
premier
étage.
Elle
porte
une
robe
de
soirée
noire,
plus
bouffante
que
celle
d'Elua
et
tient
ses
chaussures
à
la
main.
Elle
entame
une
descente
difficile,
sa
robe
se
prenant
dans
les
rosiers.
Elua
traverse
la
rue
et
se
colle
contre
le
portail.
Sarah
ouvre
lentement
la
porte
de
la
cour,
qui
grince
légèrement,
et
sort
de
chez
elle.
Elles
s'éloignent
de
quelques
mètres
dans
la
rue.
Sarah
s'arrête
pour
mettre
ses
chaussures.
SARAH
Ils
piquent
de
plus
en
plus
ces
rosiers.
Sarah
sourit
puis
elles
reprennent
leur
marche
dans
les
rues
de
Paris.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
10
SARAH
Elua,
on
n’est
pas
obligé
de
le
faire.
Ce
mec
est
dingo,
c'est
toi
qui
l’as
dit...
ELUA
Justement,
c'est
le
truc
le
plus
dingue
qu'on
ait
jamais
fait.
SARAH
On
sait
à
peine
ce
qu'il
se
passe
dans
ce
club...
ELUA
C'est
ça
l'intérêt!
Tu
trouves
pas
ça
kiffant?
SARAH
Nan,
plutôt
malsain
en
fait.
ELUA
Pourtant,
c'est
ça
qui
te
plaît
d'habitude
chez
un
mec...
Sarah
hausse
les
épaules
et
reste
silencieuse.
SEQ
13
­
Devant
le
salon
de
thé
­
EXT
NUIT
Les
filles
arrivent
devant
le
salon
de
thé,
qui
est
fermé
par
un
volet
roulant
métallique
tagué.
La
boutique
est
sur
une
petite
place
pavée,
parsemée
d'ombres
mouvantes.
Le
salon
de
thé
parait
beaucoup
moins
avenant.
La
rue
est
silencieuse.
SARAH
C'est
un
plan
foireux
cette
histoire...
GARY
Je
vois
que
vous
êtes
sur
votre
31!
Les
deux
filles
sursautent
avec
un
petit
cri
strident.
Gary
se
tient
juste
derrière
elles.
Il
porte
un
smoking
et
un
nœud
papillon.
Un
style
élégant
qui
rompt
avec
son
accoutrement
négligé
de
l'après‐midi.
Il
n'a
plus
de
toque,
ce
qui
révèle
un
crâne
bien
dégarni
sur
le
dessus.
Il
a
à
la
main
deux
cagoules
noires
qu'il
tend
aux
adolescentes.
GARY
C'est
coordonné,
vous
avez
de
la
chance!
SARAH
Vous
rigolez
?
GARY
Non,
justement,
c'est
très
sérieux.
Le
club
se
méfie
des
nouveaux
venus.
L’indiscrétion
d'un
seul
membre
et
le
club
disparait.
C'est
une
condition
sine
qua
non.
Il
leur
tend
de
nouveau
les
cagoules.
Elua,
pourtant
blême,
en
saisit
une
immédiatement
et
la
met
sur
sa
tête.
Sarah
rechigne
puis
finit
par
attraper
la
seconde
cagoule.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
11
SEQ
14
­
Voiture
de
Gary
­
INT
NUIT
Les
filles
cagoulées
sont
assises
à
l'arrière
d'une
voiture.
Gary
conduit.
Le
poste
radio
est
à
fond
et
il
chantonne
sur
la
musique.
La
lumière
des
lampadaires
défilent
et
cachent
parfois
leurs
silhouettes.
SEQ
15
­
Cour
d'une
maison
bourgeoise
­
EXT
NUIT
La
voiture
se
gare
devant
l'escalier
magistral
d'une
belle
maison
bourgeoise.
SEQ
16
­
Salon
de
la
maison
bourgeoise,
couloir
puis
boudoir
­
INT
NUIT
Gary
et
les
deux
jeunes
filles
entrent
dans
un
grand
salon
luxueux
où
se
tient
une
réception.
La
lumière
est
tamisée,
la
musique
d'ambiance
est
couverte
en
partie
par
le
brouhaha
des
invités.
Ceux‐ci
sont
habillés
de
façon
distinguée.
Ils
boivent
du
champagne
et
mangent
des
petits
fours
que
des
serveurs
en
uniforme
leurs
amènent.
Gary,
suivi
des
filles,
se
faufile
à
travers
les
groupes
d'invités
et
gagne
un
couloir
obscur,
presque
noir.
Dans
le
couloir,
une
porte
à
gauche
donne
sur
une
pièce
où
l'on
voit
furtivement
une
partie
fine.
Un
homme
nu
se
lève
d'entre
les
jambes
d'une
femme
de
profil
et
laisse
son
tour
à
un
autre
homme
qui
commence
à
se
déshabiller.
Au
fond,
en
flou,
se
dessinent
des
corps
nus
en
mouvement.
Elua
et
Sarah,
dont
la
lumière
de
la
pièce
éclaire
leurs
visages,
sont
estomaquées.
GARY
Le
Directeur
a
des
activités
diverses
et
variées
mais
ne
vous
inquiétez
pas,
ce
n'est
pas
notre
destination.
C'est
une
sorte
de
façade
en
fait.
Toujours
dans
la
pénombre,
ils
montent
un
escalier.
A
l'étage,
un
rayon
de
lumière
filtre
à
travers
l'entrebâillement
d'une
porte.
Ils
entrent
dans
une
petite
pièce,
aussi
minuscule
qu'un
boudoir,
dont
les
murs
sont
recouverts
de
fresques.
Les
filles
sont
blêmes.
GARY
Je
vous
laisse
faire
la
connaissance
du
Directeur.
Gary
sourit
puis
sort
de
la
pièce
en
refermant
la
porte
derrière
lui.
Sarah
prend
le
bras
d'Elua.
SARAH
Tirons‐nous
d'ici!
LE
DIRECTEUR
surgit
d'une
porte
dérobée,
camouflée
par
les
fresques.
Il
a
une
quarantaine
d'années
et
le
look
fringant
d'un
homme
d'affaire.
Son
sourire
est
carnassier.
Il
s'assoit.
Sarah
et
Elua
se
ressaisissent
et
sourient
à
leur
tour.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
12
DIRECTEUR
Que
puis‐je
faire
pour
vous,
mesdemoiselles
?
SARAH
(avec
une
voix
posée)
Nous
souhaitons
intégrer
le
club.
DIRECTEUR
A
quel
club
faîtes‐vous
référence
au
juste
?
SARAH
A
votre
club
hyper
select.
DIRECTEUR
Ah
oui?
Ce
club
est
en
effet
réservé
à
une
élite,
dont
vous
ne
faîtes
pas
parties.
(il
se
penche
vers
Sarah)
Cependant,
je
peux
vous
orienter
vers
un
autre
club
très
particulier,
où
vous
serez
très
bien
accueillies.
Il
sourit
plus
largement
encore
et
se
redresse
sur
son
dossier
de
chaise.
Sarah
perd
sa
prestance
et
cherche
le
regard
d'Elua.
Elua
fixe
le
directeur,
fait
une
petite
moue
puis
se
penche
vers
le
Directeur.
ELUA
(avec
un
air
condescendant,
qui
imite
le
phrasé
bourgeois
du
directeur)
Si
vous
êtes
en
train
de
nous
suggérer
subtilement
de
participer
à
vos
soirées
échangistes,
sachez
que
nous
avons
déjà
expérimenté
la
chose
et
que
nous
cherchons
quelque
chose
de
plus...
Comment
dire?
...
De
plus
"jouissif".
Elua
se
redresse.
Sarah
l'observe,
admirative.
Le
Directeur,
amusé,
les
regarde
tour
à
tour
en
se
balançant
sur
sa
chaise.
DIRECTEUR
Je
ne
sais
pas
ce
que
vous
a
raconté
votre
ami
Gary
mais
je
crois
que
vous
n'avez
pas
conscience
des
règles
du
jeu.
ELUA
(toujours
avec
son
air
condescendant)
Ah
oui?
Le
club
de
la
roulette
russe,
ça
me
paraît
pourtant
clair
comme
nom.
DIRECTEUR
Vous
n'avez
certainement
pas
pris
la
mesure
des
conséquences
qui
en
découlent.
SARAH
Vous
matez
les
infos
?
Vu
l'avenir
qu'on
nous
prédit,
c'est
étonnant
que
votre
Club
ne
soit
pas
plus
hype.
Le
Directeur
inspecte
du
regard
Sarah,
faisant
tourner
inlassablement
une
balle
de
tennis
entre
ses
mains.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
13
DIRECTEUR
Ecoutez,
le
coup
de
la
génération
sacrifiée,
je
l'ai
entendu
une
dizaine
de
fois.
Je
ne
vois
pas
en
quoi
ce
serait
une
raison
plus
valable
qu'une
autre.
C'est
même
un
peu
trop
convenu
je
trouve.
A
mon
avis,
vous
êtes
ici
pour
satisfaire
votre
curiosité
débordante.
Mais
il
n'y
a
pas
de
place
dans
mon
club
pour
l'indiscrétion.
Le
Directeur
se
lève
et
se
dirige
vers
la
porte.
DIRECTEUR
Mesdemoiselles.
Sarah
commence
à
se
lever
mais
Elua
lui
attrape
le
bras
et
la
force
à
se
rassoir.
Le
Directeur
ouvre
la
porte
puis
se
retourne
vers
les
adolescentes.
Il
est
surpris,
les
filles
sont
toujours
assises,
dos
à
lui.
DIRECTEUR
N'ai‐je
pas
été
assez
clair?
ELUA
Ce
n'est
pas
par
cette
porte
que
nous
sortirons
d'ici.
DIRECTEUR
On
ne
devient
pas
membre
de
mon
club
pour
des
raisons
aussi
futiles.
Elua
se
retourne
soudainement
et
scrute
d'un
regard
noir
le
Directeur.
ELUA
(agressive)
Mais
qu'est‐ce
que
ça
peut
te
foutre
à
toi
ce
qu'on
fait
là!
T'es
là
pour
raquer
la
tune
de
ceux
qui
veulent
se
foutre
en
l'air,
tu
crois
que
c'est
plus
"raisonnable",
hein?
De
la
merde
ouais!
Le
Directeur
la
toise,
silencieux.
Il
a
perdu
son
sourire
narquois
et
a
pris
une
mine
grave.
Sarah,
toujours
dos
au
Directeur,
est
effarée.
ELUA
(agressive)
Tu
la
veux
la
bonne
réponse?
On
a
le
fric
et
suffisamment
d'info
sur
ton
club
à
la
con
pour
venir
te
faire
chier
dans
ta
vie
de
croque‐mort!
Content?
Le
Directeur,
furieux,
retourne
hâtivement
à
son
bureau.
Il
lorgne
les
jeunes
filles
pendant
de
longues
secondes.
Elles
défient
son
regard,
sans
sourciller,
les
traits
durs.
Le
visage
du
Directeur
se
décrispe.
Il
prend
deux
feuilles
dans
un
tiroir
et
leur
tend.
DIRECTEUR
(qui
se
racle
la
gorge)
Bon,
il
y
a
un
petit
questionnaire
à
remplir...
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
14
SEQ
17
­
Cave
de
la
maison
bourgeoise
puis
pièce
secrète
­
INT
NUIT
Le
Directeur
conduit
les
filles
dans
une
petite
cave.
Il
se
dirige
vers
une
étagère
à
bouteilles
et
actionne
un
mécanisme
qui
débloque
une
porte
cachée.
Ils
les
invitent
d'un
geste
à
entrer
dans
la
pièce
puis
referme
la
lourde
porte
derrière
elles.
Le
mécanisme
se
referme,
il
n'y
a
pas
de
poignée
du
côté
de
la
pièce
secrète.
Une
vingtaine
de
personnes
se
tient
debout,
une
coupe
de
champagne
à
la
main.
La
plupart
des
convives
sont
jeunes.
Gary
est
dans
la
pièce,
il
tente
de
faire
goûter
de
la
jelly
à
une
jeune
fille
maigrichonne,
qui
refuse
avec
une
moue
écœurée.
L'ambiance
est
électrique,
les
voix
fusent
dans
tous
les
sens,
la
pièce
semble
bourdonner.
Les
filles
se
rapprochent
d'un
groupe
tout
en
prenant
une
coupe
de
champagne
au
passage.
HOMME
La
vie
au
boulot
est
insupportable.
D'ailleurs
si
le
Directeur
pouvait
me
concocter
un
scénario
au
pied
de
mon
entreprise...
UN
AUTRE
HOMME
J'ai
du
mal
à
te
comprendre.
Tu
as
un
boulot,
une
femme
et
DES
enfants.
Moi
je
suis
au
chômage,
je
suis
ce
qu'on
appelle
un
raté.
C'est
logique
que
je
sois
ici.
HOMME
Figure‐toi
que
les
enfants
au
quotidien
(...)
Sarah
se
détourne
de
la
conversation
et
voit
un
jeune
homme
d'une
trentaine
d'années,
PAUL.
Il
est
affalé
sur
une
banquette
à
l'opposé
de
la
pièce
et
sirote
joyeusement
son
champagne.
Elle
part
dans
sa
direction
pendant
qu'Elua
papillonne
vers
d'autres
groupes.
Elle
s'assoit
à
ses
côtés.
SARAH
Ca
fait
du
bien
de
voir
quelqu'un
de
calme
ici.
PAUL
Tu
as
l'air
un
peu
stressé...
SARAH
Je
préfère
connaître
les
règles
du
jeu
avant
de
jouer.
PAUL
Tu
t'adresses
à
la
bonne
personne
alors.
Ca
fait
deux
ans
que
je
suis
membre
du
club.
SARAH
Deux
ans
?
PAUL
Une
chance
insolente,
hein?
SARAH
A
ce
stade,
c'est
plus
de
la
chance!
Vous
avez
le
cul
bordé
de
nouilles!
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
15
Paul
émet
un
bref
rire
aigu.
Sarah
se
fige,
mal
à
l'aise.
Paul
mordille
frénétiquement
sa
coupe
de
champagne,
les
doigts
crispés
sur
le
pied
du
verre.
PAUL
Oui
c'est
un
peu
ça
mais
il
faut
dire
que
je
ne
viens
pas
ici
tous
les
soirs.
J'ai
un
statut
un
peu
spécial.
Je
suis
condamné
depuis
mon
enfance...
Paul
regarde
Sarah
et
lui
montre
ses
doigts
crochus
qu'il
a
du
mal
à
déplier.
PAUL
Arthrite
juvénile...
Je
n'ai
rien
à
perdre
à
ce
jeu,
contrairement
aux
autres
suicidés.
SARAH
Aux
autres
quoi?
PAUL
(qui
scrute
Sarah)
(silence)
Le
Directeur
a
fait
une
erreur
de
recrutement
à
ce
que
je
vois...
Tu
me
paraissais
bien
sereine...
Mais
puisque
tu
es
ici,
autant
que
tu
saches
à
quelle
sauce
tu
vas
être
mangé.
Chaque
soir,
le
hasard
choisit
deux
membres
du
club.
Le
suicidé,
celui
qui
est
trop
lâche
pour
se
donner
la
mort...
(il
plonge
son
regard
dans
celui
de
Sarah)
et
son
bourreau.
Sarah
se
glace.
Paul
observe
sa
réaction
et
s'humecte
les
lèvres.
Il
reprend
une
gorgée
de
champagne.
PAUL
C'est
très
amusant!
Le
Directeur
établit
un
scénario
bien
précis
pour
organiser
l’
“accident"...
Tu
verras,
tu
ne
liras
plus
les
faits
divers
de
la
même
façon!
Sarah
se
lève
brusquement,
une
grimace
horrifiée
sur
son
visage.
Le
Directeur
ouvre
les
portes
de
la
salle
de
jeu
et
les
membres
du
Club
s'y
engouffrent
avec
frénésie.
Sarah
cherche
Elua
en
se
faufilant
à
travers
les
suicidés
mais
celle‐ci
est
déjà
entraînée
à
l'intérieur
de
la
salle
de
jeu.
Sarah
croise
le
regard
d'Elua,
qui
est
rempli
d'effroi.
Dans
son
dos,
Paul
la
rejoint
en
béquilles.
Il
sourit
largement.
PAUL
(soufflant
à
l'oreille
de
Sarah)
Veille
sur
l'as
de
pique,
le
signe
de
la
mort
et
sur
l'as
de
trèfle
qui
désigne
l'exécuteur.
Il
entre
dans
la
salle
de
jeu
en
claudiquant.
Sarah
le
suit,
perdue.
SEQ
18­
Salle
de
jeu
­
INT
NUIT
Dans
la
salle
de
jeu,
seule
la
table
ovale
tapissée
de
vert
est
éclairée.
Chaque
membre
s'assoit
autour
de
la
table.
Sarah
rejoint
Elua,
déjà
assise.
Le
directeur
est
debout,
au
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
16
centre
de
la
table.
Il
mélange
les
cartes
avec
dextérité.
L'euphorie
a
laissé
la
place
à
un
silence
plombant.
DIRECTEUR
Tenez‐vous
prêts!
Le
Directeur
distribue
une
carte
à
chaque
membre.
Autour
de
la
table,
les
suicidés
se
dévisagent.
Elua
est
impassible,
Sarah
est
blême.
Gary
a
un
léger
sourire.
Paul
jubile,
les
yeux
exorbités,
ne
tenant
pas
en
place
sur
sa
chaise.
DIRECTEUR
Retournez
votre
carte!
Les
membres
retournent
fébrilement
leur
carte.
On
entend
des
"ah"
de
soulagement,
des
"oh"
de
désespoir,
des
soupirs.
Chacun
regarde
la
carte
de
son
voisin
à
la
recherche
des
fameux
as.
Elua
est
rayonnante.
Sarah
est
la
seule
qui
n'a
pas
retourné
sa
carte.
La
main
qui
est
sur
sa
carte
tremble
convulsivement.
Le
Directeur
la
fusille
du
regard.
Paul
s'humecte
les
lèvres.
Elle
lève
les
yeux
et
regarde
Elua.
Elle
retourne
sa
carte.
Elua
sourit.
Sarah
regarde
sa
carte,
c'est
un
as
de
cœur.
Elle
soupire
lourdement.
DIRECTEUR
(fâché)
Nous
allons
procéder
à
un
second
tour.
Le
regard
de
Sarah
s'affole.
Le
Directeur
distribue
de
nouvelles
cartes.
Le
silence
est
revenu.
DIRECTEUR
Retournez
votre
carte!
Elua
retourne
la
carte
de
Sarah
puis
la
sienne:
un
deux
de
pique
et
un
valet
de
carreau.
Sarah
rit
nerveusement.
Un
cri
aigu
retentit.
C'est
Paul.
La
bouche
ouverte,
il
fixe
sa
carte,
l'as
de
pique.
A
quelques
mètres
de
Paul,
Gary
a
la
tête
enfouie
dans
ses
mains.
Il
sanglote.
Les
membres
du
club
se
lève
de
la
table
avec
hâte
et
se
dirige
vers
une
autre
porte
au
fond
de
la
salle
de
jeu.
Les
filles
se
lèvent
mollement.
Le
Directeur
fait
signe
à
Elua.
Elle
s'approche
de
lui.
DIRECTEUR
Gary
ne
peut
plus
vous
ramener.
Je
vais
vous
mettre
à
disposition
un
chauffeur
pour
rentrer.
(Elua
acquiesce)
Mais
demain,
tu
reviens
sans
elle.
Elle
hoche
la
tête
puis
retourne
auprès
de
Sarah.
Elles
quittent
la
salle
par
la
petite
porte
du
fond.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
17
SEQ
19­
Devant
le
salon
de
thé
­
EXT
Aube
Une
voiture
luxueuse
s'arrête
devant
le
salon
de
thé.
Elua
et
Sarah
en
sortent.
La
voiture
repart
illico.
Elua
se
met
à
hurler
à
tue‐tête
et
à
sauter
partout.
ELUA
Putain!!
Quelle
partie
de
poker!
E‐N‐O‐R‐M‐E
!!
SARAH
(enjouée)
J'en
ai
encore
la
chair
de
poule!
ELUA
Wahaaaaa...
(elle
s'arrête
de
sautiller)
Moins
kiffant
pour
l'œuf
en
gelée
par
contre...
SARAH
Hmmm...
J'ai
le
cœur
qui
cogne
à
une
vitesse...
Mais
c'était
la
première
et
la
dernière
fois,
ok?
Ils
sont
geudins!
ELUA
One
shot,
comme
toujours!
SARAH
Faut
que
je
décolle.
Ma
mère
va
pas
tarder
à
se
lever.
Sarah
serre
dans
ses
bras
Elua
avant
de
sortir
du
champ.
Elua
la
regarde
partir,
confuse,
puis
elle
hurle
de
nouveau
à
tue‐tête
avant
de
sortir
du
champ
en
sautillant.
SEQ
20
­
Voiture
de
Gary
­
INT
NUIT
Quelqu'un
est
assis
à
côté
de
Gary,
côté
passager,
avec
une
cagoule
sur
la
tête.
Le
silence
règne.
Gary
a
le
visage
grave.
Il
fixe
la
route.
SEQ
21
­
Cave
de
la
maison
bourgeoise
­
INT
NUIT
Le
Directeur
ouvre
l'étagère
à
bouteilles.
Il
fait
un
sourire
bienveillant
à
Elua
et
Gary
qui
entrent
dans
la
pièce
secrète.
SEQ
22
­
Pièce
secrète
­
INT
NUIT
Gary
se
tient
à
la
place
qu'occupait
la
veille
Paul.
Il
fait
tourner
son
verre
de
champagne
au
creux
de
sa
paume.
Elua
passe
de
groupes
en
groupes,
sans
s'intéresser
aux
discussions.
Elle
a
l'air
distraite.
Son
regard
semble
chercher
l'horizon.
Le
directeur
ouvre
la
porte
de
la
salle
de
jeu.
Elua
part
dans
sa
direction.
SEQ
23
­
Salle
de
jeu
­
INT
NUIT
Tous
les
membres
sont
assis
autour
de
la
table.
Le
Directeur
distribue
les
cartes.
Elua
ne
détache
pas
son
regard
de
la
sienne.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
18
DIRECTEUR
Retournez
votre
carte!
Elua
retourne
d'un
geste
sec
sa
carte.
Elle
explose
de
joie
et
tape
du
poing
sur
la
table.
Elle
est
fébrile.
Elle
jette
sa
carte
vers
le
Directeur,
fièrement.
DIRECTEUR
Nous
allons
procéder
à
un
second
tour.
Il
mélange
les
cartes
avec
agilité
et
les
distribue
sans
perdre
de
temps.
Elua
tient
fermement
sa
carte.
Elle
la
caresse
doucement,
comme
un
joueur
soufflerait
sur
ses
dés
pour
lui
porter
chance.
DIRECTEUR
Retournez
votre
carte!
Elle
la
retourne,
le
sourire
aux
lèvres.
C'est
le
7
de
carreau.
Elle
s'esclaffe
et
prend
un
air
très
hautain.
DIRECTEUR
Nous
avons
notre
Bon
Samaritain.
Elua
redresse
la
tête.
En
face
d'elle,
un
très
jeune
garçon,
des
boutons
plein
la
figure,
tapote
l'as
de
trèfle.
Il
fait
une
tête
de
plus
que
les
autres.
Il
remet
sa
mèche
en
place,
regarde
le
Directeur
et
hausse
les
épaules,
d'un
air
entendu.
DIRECTEUR
Nous
allons
procéder
à
un
troisième
tour.
Il
commence
à
distribuer
les
cartes.
Le
jeune
garçon
boutonneux,
adossé
à
sa
chaise,
fixe
Elua
tel
un
prédateur.
Elle
détourne
le
regard.
Le
Directeur
termine
la
donne.
Elle
se
saisit
de
sa
carte
et
affronte
le
regard
du
jeune
homme
avec
un
air
de
défi.
Elle
retourne
sa
carte,
toujours
les
yeux
plongés
dans
celui
du
jeune
garçon.
Le
regard
du
boutonneux
passe
des
yeux
d'Elua
à
sa
carte.
Elua
baisse
la
tête.
Instantanément,
son
sourire
se
fane.
Sa
main
tremblante
tient
l'as
de
pique.
Gary,
qui
se
tient
juste
à
côté
d'elle,
jette
sa
carte
avec
rage.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
19
GARY
(en
colère)
Je
donnerais
tout
ce
que
j'ai
pour
être
à
ta
place!
Il
se
lève
de
la
table
en
furie
et
sort
d'un
pas
rapide
la
pièce.
La
salle
de
jeu
se
vide.
Elua
garde
les
yeux
fixés
sur
sa
carte.
Son
regard
est
embué.
Au
fond
de
la
salle
de
jeu,
le
Directeur
parle
à
voix
basse
avec
le
grand
boutonneux.
Celui‐ci
l'écoute
attentivement,
les
yeux
rivés
sur
Elua.
Il
hoche
la
tête
puis
sort
par
la
petite
porte.
Le
Directeur
se
dirige
vers
Elua.
Il
se
poste
derrière
elle
et
lui
met
les
mains
sur
les
épaules,
comme
pour
l'apaiser.
DIRECTEUR
Un
chauffeur
va
venir
vous
chercher
et
vous
conduire
dans
Paris.
Vous
vous
doutez
que
cette
fois‐ci,
ce
n'est
pas
pour
vous
ramener
chez
vous...
A
l'endroit
où
il
vous
déposera,
vous
suivrez
le
quai
en
direction
de
la
Tour
Eiffel.
Vous
croiserez
en
chemin
le
jeune
homme
qui
a
eu
l'as
de
trèfle.
Il
vous
donnera
ses
instructions
et
vous
vous
y
conformerez.
Il
est
investi
pour
cette
nuit
de
l'autorité
du
Club.
Elua
fait
un
mouvement
presqu'imperceptible
de
la
tête.
Elle
a
le
regard
éteint.
Le
Directeur
lui
prend
le
bras
et
la
soulève
doucement
de
sa
chaise.
Il
la
conduit
docilement
vers
la
petite
porte
du
fond.
SEQ
24
­
Quai
de
la
Seine
­
EXT
NUIT
Elua
sort
d'une
voiture
luxueuse.
Celle‐ci
redémarre
et
disparaît.
Elle
descend
les
escaliers
qui
mènent
au
quai.
Il
fait
froid,
le
souffle
rapide
d'Elua
fait
de
la
buée.
Ses
lèvres
sont
blanches.
Elle
marche
lentement,
regardant
partout
autour
d'elle.
Ses
talons
claquent
sur
les
pavés
de
façon
anarchique.
Elle
arrive
à
la
hauteur
d'un
pont.
Sous
le
pont,
il
n'y
a
presque
aucune
lumière.
Une
grande
silhouette
se
détache
de
l'ombre.
Elua
s'arrête,
comme
paralysée.
La
silhouette
apparaît
à
la
lumière
des
lampadaires.
C'est
le
grand
garçon
boutonneux,
mains
dans
les
poches,
visiblement
détendu.
Ils
se
scrutent.
Le
jeune
homme,
d'un
mouvement
de
tête,
invite
Elua
à
le
rejoindre
sous
le
pont.
Elle
déglutit
et
le
suit
dans
la
pénombre,
haletante.
La
lumière
rouge
d'une
cigarette
dans
l'ombre.
Les
yeux
d'Elua
se
détournent
du
jeune
homme
boutonneux.
Il
la
saisit
et
la
pousse
vers
l'eau.
Elua
résiste.
Ils
se
battent
comme
des
gamins,
gauches
et
maladroits.
Un
pavé
atteint
la
tête
du
jeune
homme.
Le
jeune
homme
est
projeté
sur
Elua,
qui
chute
en
arrière.
Elle
se
retrouve
allongée
sur
les
pavés,
de
nouveau
à
la
lumière
des
lampadaires,
le
jeune
homme
évanoui
sur
ses
jambes.
Elua
se
redresse
et
voit
Sarah
sortir
de
l'ombre,
une
clope
au
bec.
Elle
tire
sur
sa
cigarette
puis
sourit
à
Elua.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
20
SARAH
T'attends
le
réveil
du
prince
charmant
?
Elua
rigole
et
renverse
le
jeune
homme
sur
le
côté
pour
pouvoir
se
relever.
Elle
saute
sur
Sarah
et
la
prend
dans
ses
bras,
les
larmes
aux
yeux.
SARAH
Il
faut
qu'on
se
casse
d'ici.
Le
Dirlo
va
pas
tarder
à
se
pointer.
Les
deux
jeunes
filles
se
mettent
à
courir.
Elles
passent
sous
le
pont
puis
grimpent
les
marches
qui
mènent
à
la
route.
SEQ
25
­
Taxi
­
EXT
puis
INT
/
NUIT
puis
AUBE
Un
taxi
les
attend.
Elles
entrent
dans
le
taxi
à
toute
vitesse.
SARAH
C'est
parti!
Le
chauffeur
démarre.
Essoufflée,
Elua
regarde
Sarah
avec
bienveillance.
ELUA
Comment
t'as
su...
SARAH
Je
t'ai
dit,
ma
mère
menaçait
de
tracer
mon
portable.
Ben
elle
l'a
fait...
Elle
a
su
que
j'avais
fait
le
mur,
elle
m'a
pourri
la
gueule,
mais
au
final,
ça
m'a
bien
aidé!
ELUA
T'aurais
pu
me
choper
avant,
merde
!
Elles
éclatent
de
rire.
ELUA
Et
le
club
?
SARAH
J'ai
appelé
les
keufs,
ils
ont
qu'à
se
démerder
maintenant.
Je
suis
pas
wonder
woman,
le
taré
de
Dirlo,
je
leur
laisse.
Un
long
silence.
On
entend
la
voiture
rouler.
Les
jeunes
filles
regardent
la
lumière
qui
commence
à
poindre
sur
Paris.
Affalées
sur
le
siège,
elles
ont
des
cernes
qui
trahissent
leur
fatigue.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
21
ELUA
On
croirait
presque
qu'on
sort
de
boîte...
SARAH
Hmmmm.
Elua
se
tourne
vers
Sarah,
un
petit
sourire
espiègle
au
coin
des
lèvres.
ELUA
On
fait
notre
escale
habituelle?
SARAH
Oh
ouais...
Elles
rigolent
doucement
tout
en
s'effondrant
l'une
sur
l'autre.
SEQ
26
­
Salon
d'Elua
­
INT
JOUR
Elua
et
Sarah
entrent
dans
le
salon
en
se
trémoussant
et
en
chantant
"Diamonds"
de
Rihanna.
Dans
leurs
mains,
des
sachets
en
papier
provenant
de
la
boulangerie.
Elles
posent
les
sachets
sur
la
table
Starck
et
en
ôtent
des
gobelets
à
café.
La
mère
d'Elua,
en
robe
de
chambre,
les
cheveux
en
pagaille,
entre
à
son
tour
dans
le
salon.
MERE
D'ELUA
(ironique)
Déjà
debout
?
Elua
soupire
gentiment.
La
mère
d'Elua
s'approche
des
filles
et
leur
fait
la
bise.
MERE
D'ELUA
Je
vais
faire
chauffer
de
l'eau,
vous
voulez
du
thé
?
ELUA
(qui
montre
les
gobelets)
On
a
ramené
du
café.
MERE
D'ELUA
Ah
non,
pas
sur
la
table!
Rosa
a
déjà
laissé
du
gâteau
moisir
dessus
cette
semaine...
Elua
grogne,
agacée,
puis
s'assoit.
ELUA
Oh,
tu
saoules
avec
ta
table...
Assis‐toi
deux
secondes
et
déjeune
avec
nous
au
lieu
de
criser...
Sarah
s'assoit
et
tend
un
café
à
la
mère
d'Elua.
Elle
le
prend
et
se
résigne
à
s'attabler.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
22
ELUA
Une
table,
c'est
fait
pour
manger
dessus,
il
paraît.
Et
puis
c'est
plus
convivial,
nan?
MERE
D'ELUA
Hmmm
(elle
fait
une
moue
dubitative
en
fouillant
le
sac
en
papier)
Vous
avez
pris
des
pains
au
chocolat
?
ELUA
(blasée)
Attends!
D'habitude,
t'en
prends
jamais!
Y
en
a
que
deux
et
puis
j'ai
pris
des
pains
aux
raisins
dégueu
exprès
pour
toi...
Prends
autre
chose,
y
a
des
croissants...
La
sonnette
retentit.
La
mère
d'Elua,
étonnée,
se
lève
paresseusement
et
part
en
direction
de
la
porte
d'entrée,
qui
est
hors
champ.
MERE
D'ELUA
Un
dimanche
matin,
ça
peut
être
que
la
concierge...
Vous
avez
encore
foutu
le
bordel
dans
l'escalier!
Les
jeunes
filles
lèvent
les
yeux
au
ciel
et
continuent
de
tremper
leur
viennoiserie
dans
leur
café.
On
entend
la
mère
d'Elua
ouvrir
la
porte.
VOIX
DU
DIRECTEUR
Bonjour
madame!
Seriez‐vous
la
maman
d'Elua?
Les
jeunes
filles
se
pétrifient,
stoppant
tout
action,
comme
si
elles
étaient
devenues
des
statues.
VOIX
MERE
D'ELUA
(décontenancée)
Oui
c'est
moi.
Qui
êtes...
Deux
coups
de
feu
provenant
d'un
silencieux
se
font
entendre
puis
le
son
d'un
corps
qui
chute.
Les
deux
adolescentes
quittent
la
table
précipitamment
et
sortent
du
champ.
FIN
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
23
Les
Têtes
Brûlées
//
Lettre
d'intention
Après
avoir
lu
la
nouvelle
de
l’
«
Histoire
du
jeune
homme
aux
tartes
à
la
crème
»,
les
deux
aspects
du
récit
qui
m’ont
séduit
étaient
l’addiction
au
jeu,
représentée
par
le
Club
des
Suicidés,
et
le
caractère
burlesque
du
jeune
homme
aux
tartes
à
la
crème.
J'ai
retranscris
cette
nouvelle
dans
un
cadre
contemporain
car
le
Club
des
Suicidés
s'ancre
parfaitement
dans
un
contexte
social
difficile
et
dans
le
pessimisme
ambiant
que
l'on
ressent
aujourd'hui
en
France.
Mes
deux
têtes
brulées
font
parties
de
la
génération
«
Skins»,
une
jeunesse
déjantée
et
sans
futur,
mais
elles
restent
malgré
tout
des
personnages
positifs,
énergiques
et
vivifiants.
Ce
paradoxe,
qui
repose
essentiellement
sur
le
jeu
des
comédiennes,
est
très
important
pour
ne
pas
tomber
dans
une
histoire
dramatique
ou
malsaine.
Le
rôle
de
Gary
permet
de
sortir
d’un
récit
parfois
trop
réaliste
et
amène
la
fraîcheur
du
burlesque.
C'est
un
personnage
qui
titille
la
curiosité
du
spectateur,
tout
comme
l’effronterie
des
jeunes
filles.
Il
devra
en
permanence
osciller
entre
une
attitude
d'adulte
raisonnable
et
un
comportement
un
peu
fou.
Il
doit
intriguer
car
c'est
l'élément
déclencheur
qui
permet
d'emmener
le
spectateur
vers
une
terre
inconnue
et
bizarre,
le
club
improbable
des
suicidés.
Ce
que
j'ai
essayé
de
faire
dans
ce
scénario,
c'est
d'entremêler
étroitement
différentes
ambiances
et
différents
genres
cinématographiques.
On
retrouve
des
scènes
burlesques
et
comiques
dans
une
ambiance
"pop"
très
colorée,
qui
se
rapproche
de
l'univers
de
Jeunet,
ou
au
contraire
dans
une
atmosphère
très
épurée
et
industrielle,
qui
fait
plus
référence
aux
films
de
Tati.
En
revanche,
les
séquences
où
le
danger
se
fait
sentir,
empruntent
aux
codes
du
thriller
son
clair‐obscur.
Ce
mélange
détonnant
cherche
à
dépeindre
un
monde
qui
n'est
absolument
pas
manichéen,
dont
la
jeunesse
n'est
ni
perdue,
ni
cynique
mais
bien
vivante;
un
monde
où
la
cohabitation
entre
les
différents
univers
ou
les
différentes
générations
est
bien
possible.
Mon
récit
se
veut
léger,
presqu'enfantin.
Le
fait
d'utiliser
le
thème
du
suicide
de
façon
amusante
et
étrange
permet
d'aborder
l'histoire
de
manière
insouciante
comme
les
deux
adolescentes.
Cependant,
comme
la
fin
du
film
nous
le
dévoile,
tous
nos
actes
ne
sont
pas
sans
conséquences.
A
force
de
jouer
avec
le
feu,
on
se
brûle
les
ailes.
La
mise
en
scène
évoluera
en
ce
sens
car
le
clair‐obscur
s'imposera
de
plus
en
plus,
à
partir
du
moment
où
les
filles
intègrent
le
Club,
et
le
cadre
se
resserrera
jusqu'à
l'étouffement
d'Elua,
prise
au
piège
de
son
addiction
à
l'adrénaline.
La
dernière
séquence
sera
un
contrepied
total
à
cette
tension
mise
en
place:
réapparition
de
répliques
cinglantes,
d'une
lumière
diffuse,
de
la
désinvolture
des
jeunes
filles.
Cela
permettra
d'accentuer
le
retour
de
bâton
et
de
surprendre
le
spectateur
avec
la
violence
sonore
des
coups
de
feu
finaux.
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
24
Janin
Emilie
///
Monteuse
et
assistante
monteuse
27
ans
Permis
A
32
rue
Martin
Levasseur
93400
SAINT
OUEN
06/42/47/85/71
[email protected]
Formation
2011
Formation
AFDAS
sur
le
workflow
numérique
HD
sur
Avid
2008
Master
professionnel
des
métiers
de
la
postproduction
audiovisuelle
et
cinématographique
///
IUP
SATIS
(Université
de
Provence)
2005
BTS
audiovisuel
option
montage
et
postproduction
///
Lycée
Carnot
(Cannes)
2003
Baccalauréat
Littéraire,
option
cinéma
///
Lycée
Alain
Colas
(Nevers)
Expériences
cinématographiques
Octobre
2012
Montage
du
court
métrage
Mistinguette,
de
Sophie
Galibert,
tourné
avec
l'EOS
5D
Juin
2012
Mai
2012
Février
à
avril
2012
Janvier
2012
Assistanat
montage
sur
le
long
métrage
Vandal
de
Hélier
Cisterne
(Les
Films
du
Bélier),
tourné
en
Alexa
Assistanat
montage
sur
le
long
métrage
Colt
45
de
Fabrice
du
Weltz
(La
Petite
Reine),
tourné
en
35mm
Assistanat
montage
sur
le
long
métrage
d'animation,
Le
Secret
de
Loulou
d'Eric
Omond
(Prima
Linea)
Montage
du
court
métrage
Boudhi
Boudha
de
Sophie
Galibert
De
2009
à
2011
Assistanat
montage
sur
des
longs
métrages:
Nesma
de
Homeïda
Behi
(Mille
et
Une
Productions),
Red
Turtle
de
Michaël
Dudok
de
Wit
(Prima
Linea),
Margarida
de
Licinio
De
Azavedo
(Liaisons
Cinématographiques),
Death
For
Sale
de
Faouzi
Bensaïdi
(Entre
Chiens
et
Loups
Productions),
Nos
Résistances
de
Romain
Cogitore
(Cinéma
Defacto)
et
Eden
à
l’Ouest
de
Costa‐Gavras
(KG
productions)
Montage
de
courts
métrages:
Ice
Cream
de
Sophie
Galibert
et
Demande
à
la
mer
d’Eric
Paccoud
(Fenêtre
sur
Prod)
Assistanat
montage
sur
des
courts
métrages:
Bye
Bye
Maman
de
Keren
Marciano
(Mitiki),
Madeleine
et
le
facteur
de
Valérie
Donzelli,
Les
Fugitives
de
Guillaume
Leiter
(Les
films
à
1
dollar)
En
2008
Montage
et
habillage
de
nombreux
bonus
DVD
dont
Maradona,
Suspiria,
La
Nuit
nous
appartient
ou
Ran
pour
Wild
Side
(Fenêtre
sur
Prod)
Réalisation
d'un
court
métrage
docu‐fiction
sur
le
corail
rouge,
La
Fleur
de
Sang
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
25
Expériences
audiovisuelles
En
2012
Montage
régulier
de
sujets
courts
pour
l'émission
Thé
ou
café,
diffusée
sur
France
2
Assemblage
de
deux
émissions
Tellement
Vrai
sur
la
chirurgie
esthétique
(Ah!
Production)
en
format
90mn,
diffusées
sur
NRJ
12
Montage
de
sujets
durant
le
Tournoi
des
Six
Nations
(Digivision),
diffusé
en
streaming
Montage
régulier
du
journal
du
mois
pour
Médecins
Sans
Frontière,
diffusé
en
streaming
Montage
régulier
de
publicités
pour
des
sorties
DVD,
par
exemple
pour
la
série
Sherlock,
le
spectacle
de
Pierre
Palmade
J'ai
jamais
été
aussi
vieux
ou
le
film
Potiche
(Paraprod)
Montage
régulier
d'émissions
sur
des
compétitions
de
golf
(Digivision),
diffusées
sur
Eurosport
Montage
régulier
de
sujets
pour
l'émission
Certains
l'aiment
show
(Eden),
diffusée
sur
France
4
Montage
de
nombreux
reportages
pour
l'émission
Tous
au
vert
(Eden),
diffusée
sur
Public
Sénat
Montage
d'un
documentaire
interactif
sur
la
chorégraphe
Caroline
Carlson
(Diggin)
Montage
du
clip
Hit
the
floor
de
Big
Ali
(Sysmic
Films
et
Warner
Music)
En
2011
En
2010
En
2008
Les
Têtes
brûlées
/
10
février
2013
26