Tomes 44/2008, 45/2009 et 46-48/2010
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Tomes 44/2008, 45/2009 et 46-48/2010
Sélection d’ouvrages présentés en hommage lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie les trois dernières livraisons de la revue Antiquités africaines, dont le sous-titre est, rappelons-le, « L’Afrique du Nord de la protohistoire à la conquête arabe ». La première livraison par ordre chronologique est le tome 44, 2008, 265 pages sur deux colonnes. Il s’ouvre sur une biographie bien informée et sensible du savant spécialiste de l’Afrique antique que fut P. Salama, due à J.-P. Laporte, suivie d’une précieuse bibliographie des œuvres du défunt. Ensuite trois études d’inégale importance s’attachent à des domaines bien différents : coexistent en effet une note prudente et claire consacrée à une inscription libyque des environs de Tanger (M. Jaouhari et A . El Khayari), une étude d’une vingtaine de pages sur la céramique pré-impériale de Thysdrus (actuel El Jem) (I. Ben Jerbiana) et un copieux mémoire de quelque 65 pages sur le problème des circoncellions. Selon l’auteur, B. Pottier, il s’agirait d’une sorte de clergé donatiste parallèle, ascétique et gyrovague, qui se heurta souvent au clergé donatiste. Ces vues ne sont certes pas totalement originales, mais, exposées avec beaucoup de méthode, elles viennent enrichir un dossier touffu sans mettre pour autant un terme aux querelles d’exégèse sur le sujet. Le reste du tome 44 est occupé par la publication du dossier archéologique et historique de Hr Ghadaya, à environ 20 km au nord de Mactar (Tunisie centrale) et à 7 km au sud-ouest de l’actuelle Siliana, un site punique, puis romain qui comporte un sanctuaire de Baʻal Hammon, remplacé à la fin du IIe siècle de notre ère par un temple romano-africain à Saturne. La présentation d’ensemble du site, d’une soixantaine de pages, est faite par notre collègue tunisien A. M’Charek et trois de ses collaborateurs. Ce panorama provisoire est justifié et précisé par sept études de détail qui ont trait respectivement aux stèles à Saturne, aux inscriptions libyques, néopuniques et latines du site, aux céramiques à vernis noir, à la céramique postérieure et aux monnaies. Le tome 45, 2009, sensiblement plus court, ne compte que 152 p. On y trouve d’abord cinq brefs hommages à Yves Modéran, coryphée des études sur l’Afrique antique dans sa génération, prématurément disparu à 55 ans, ainsi que la riche bibliographie de ses œuvres, et un hommage, assorti aussi de la bibliographie du disparu, à C. M. Wells, qui dirigea l’équipe canadienne anglophone lors des fouilles de Carthage exécutées sous l’égide de l’UNESCO. On lira ensuite cinq études de dix à vingt pages concernant des sujets divers, sauf deux d’entre elles qui proviennent l’une et l’autre d’un colloque non publié consacré sous l’égide de Paris-Sorbonne à la femme dans l’Afrique du Nord antique. Les sujets évoqués sont les macella ou marchés clos et couverts, souvent concurrencés par les foires ou nundinae, et qui témoignent surtout de la volonté de reproduire le modèle de Rome (Ch. Hamdoune); l’évolution de l’ordre de www.aibl.fr 1 Sélection d’ouvrages présentés en hommage lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. présentation, en Maurétanie Tingitane, des listes de corps auxiliaires sur les diplômes : celle-ci en effet passe progressivement, au IIe siècle de notre ère, de la suite croissante des numéros qui font partie de la dénomination de ces corps à une répartition géographique fondée sur le lieu de cantonnement, apparemment dans le dessein de mettre en relief l’organisation de la défense militaire de la province (N. Labory) ; l’existence, entre 402 et 408 de notre ère, de jeux scéniques dotés de prix à Aradi (Sidi Jdidi), petite ville située en Byzacène, à la limite de la Proconsulaire, d’après une inscription bien datée qui a été remployée dans une basilique chrétienne (Ch. Hugoniot). Quant aux deux articles concernant la condition féminine, l’un passe en revue tous les métiers très variés, attestés par la documentation, qui permettaient à nombre de femmes de gagner leur vie dans l’Afrique romaine (N. Benseddik), l’autre s’attache à l’image de la femme dans huit passions de martyres africaines, en insistant sur la rupture avec les normes familiales et les solidarités traditionnelles d’un milieu aisé qu’on constate chez toutes ces héroïnes de la foi, au profit de la communauté fraternelle des chrétiens (S. Fialon et Ch. Hamdoune). Contrastant avec ces études relativement brèves, une brièveté qui n’exclut pas la portée, une monographie fouillée d’une cinquantaine de pages, munie d’un petit corpus des inscriptions locales, est consacrée par J.-P. Laporte et X. Dupuis à Négrine à l’époque romaine, ou plutôt au lieu-dit Hr Besseriani, à 5 km au sud de l’oasis de Négrine. La ville, située en Algérie au sud-est des monts Nemencha et sur leur piémont saharien, à quelque 120 km à vol d’oiseau à l’ouest de Gafsa, se serait appelée, selon les auteurs, vraisemblablement du nom d’une fraction de tribu, Nigrenses Maiores et non Ad Maiores comme on l’admettait jusqu’ici. Le tome suivant, le dernier que nous recensons ici, est triple, 46-48, et donc millésimé 2010-2012, bien qu’il ne compte que 200 p. Il s’ouvre aussi sur un obituaire important, en célébrant la mémoire de Georges Souville, Gilbert Hallier, Jean-Marie Lassère et André Laronde, notre regretté confrère, tant il est vrai qu’en matière d’archéologie et d’histoire antiques de l’Afrique du Nord, une génération exceptionnellement nombreuse d’érudits achève son destin sans être, tant s’en faut, entièrement relevée. La période punique est illustrée par un rapport inédit du Père Delattre sur sa quatrième année de fouilles (1901) dans la nécropole des Rabs à Carthage, que présente H. Bénichou-Safar. On est peut-être encore dans le royaume numide avec la tombe monumentale du milieu du Ier siècle avant notre ère, découverte dans le nord-ouest de l’île de Djerba, à Marguène, et publiée par S. Ben Tahar. M. Christol interprète une inscription de Furnos Maius (A. E., 1980, 908), dans la vallée de l’oued Miliane, comme un témoignage, s’ajoutant à d’autres, de l’implantation précoce de communautés de citoyens romains sur cette importante voie de communication naturelle. Prend place alors une présentation détaillée et rigoureuse des Thermes du Levant à Lepcis Magna par M. Paulin et G. Dagnas, avec la collaboration de M. Bonifay. Ce mémoire d’une cinquantaine de pages, bien illustré et muni de plans nombreux, est dédié au souvenir d’A. Laronde. N. Ferchiou revient sur la petite cité à sufètes d’Aïn Rchine (le nom antique reste inconnu), à l’est de la Fossa regia dans la haute vallée de l’oued Miliane, en s’attachant à ce qu’il reste du paysage architectural et au culte de Pluton attesté par l’épigraphie. Z. Ben Abdallah publie deux nouvelles inscriptions d’Ammaedara (Haïdra) dont l’une nomme pour la première fois la communauté locale www.aibl.fr 2 Sélection d’ouvrages présentés en hommage lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. populus Emeritensis, l’épithète, qu’on pourrait prendre pour un ethnique, étant en réalité formée sur le surnom Emerita qui qualifie cette colonie de soldats libérés du service militaire (emeriti) dans sa titulature officielle. La même inscription, par ailleurs, révèle un mot latin inédit, l’adjectif epulatiuus qui signifie « qui a trait aux banquets ». C’est l’histoire municipale problématique de la petite cité d’Vchi Maius, à quelque 10 km à l’ouest de Dougga, que, pour sa part, s’efforce de reconstituer W. Ben Akacha sur la base d’une documentation épigraphique que de récentes fouilles ont beaucoup accrue. Enfin Chr. Hamdoune procède à une nouvelle évaluation des mobiles, de la portée et de l’exploitation idéologique de l’expédition africaine de l’empereur Maximien en 297 de notre ère, en soumettant à une saine critique l’ensemble de la documentation. Au total, on se félicitera de la qualité constante des dossiers et des études publiés par la revue, mais on peut s’inquiéter d’une certaine raréfaction de la matière : vingtcinq articles, dont certains sont brefs, pour cinq millésimes. Et surtout ces dernières livraisons d’Antiquités africaines font de la revue presque exclusivement une publication franco-tunisienne. En ce qui concerne le Maghreb, on ne trouvera en effet entre 2008 et 2012 que deux signatures marocaines pour un même et court article et une signature algérienne concernant un sujet certes intéressant, mais sans rapport spécifique avec l’Algérie antique. Qui plus est, malgré la liberté offerte, comme il est d’usage, d’écrire en allemand, anglais, espagnol ou italien, on constate que pendant le même laps de temps aucun auteur qui ne fût français ou maghrébin n’a collaboré à la revue, sinon dans le domaine bien particulier de la nécrologie. Jehan Desanges www.aibl.fr 3