Henning Eichberg Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and

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Henning Eichberg Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and
Henning Eichberg
Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and Culture,
Gerlev, Slagelse, Denmark, DK, 4200
LE NATIONAL, LE GLOBAL, LE TRIBAL
Une approche trialogique de l’identité dans les sports
Le sport a une dimension profondément psychologique dans le processus de construction de l’identité.
Quand des personnes jouent, ils forment des repères sociaux exprimant un qui « nous » sommes. Par
l’entremise du mouvement corporel, des identités collectives se mettent en action, se réalisent et
(pro)meuvent vers le contact mutuel – parfois même vers la compétition mutuelle. Le sport est un moyen
de dire « nous » aux autres.
Mais qui parle du sport en tant qu’entité simple n’a pas du tout compris le sport. De même, qui traite
du nationalisme comme un phénomène, ne peut aller au cœur du sujet. Ce n’est que par l’acceptation de
l’existence de la multiplicité dans la vie sociale comme point de départ que l’on pourra produire une
connaissance appropriée et pertinente. Dans le respect de ce postulat, seul un travail comparatif peut
fournir du sens, et cela signifie : la quête de l’altérité.
Par conséquent, commençons avec une situation concrète de « l’autre » dans le nord de l’Europe, au
Danemark dans la moitié des années 90. L’événement jettera la lumière simultanément sur deux choses :
la pratique danoise représentative de l’altérité (pour vous au Japon, mais aussi « l’autre » pour l’ouest du
monde) et la rencontre danoise de l’altérité, la rencontre entre les cultures nordiques et exotiques du
corps.
Capoeira en Nouvelle-Zélande – Gesamtkunstwerk (œuvre d’art collective) ou Supermarket ?
Le battement des percussions gronde le long des brûlantes collines de Nouvelle Zélande. Les sons
arrivent de la salle du mouvement d’une académie de sports donnant une vue dégagée vers la Grande
Ceinture à l’horizon. Une centaine de personnes – jeunes et vieilles – sont réunies dans le hall rond. Des
battements excitants de samba emplissent l’espace et font danser les gens dans un rythme identique –
alors que quelques enfants rampent entre leurs jambes.
Pendant une semaine, ces personnes ont vécu et se sont entraînées ensemble dans les cours d’été.
Maintenant elles se montrent leurs résultats mutuellement. Le soir, tout se terminera en un grand banquet.
Les premiers à présenter leurs activités ont été les gymnastes ; ils ont montré plusieurs figures de
chorégraphie de gymnastique transcendant les frontières entre gymnastiques, danse nouvelle et « théâtre
du corps » (body theatre). Cette Académie de sport est connue pour sa pratique non conventionnelle dans
ce domaine, expérimentant grâce au corps, à la surprise, au rythme et à la sensation.
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Les cours d’art martiaux ont été suivits d’une représentation des professeurs concernés. Confrontant et
mélangeant les techniques de taekwondo, karaté et judo dans un enchaînement harmonieux, ils présentent
des scènes humoristiques d’un personnage « Vandammesque ». Mais tout à coups, l’atmosphère change
lorsqu’une fragile femme chinoise pénètre dans l’arène saisit son épée avec la légèreté de l’art du tai chi
chuan. Ses mouvements semblaient se déployer d’eux mêmes et sans nécessiter aucune force, tout en
ondes, comme un corps glissant sous l’eau. Des cris sauvages d’attaque et le choc des corps tombant au
sol emplissant l’air laissaient maintenant place au silence complet. Suivant l’événement en retenant son
souffle, la foule semblait captivée par une fascination mystique.
Une nouvelle configuration de sons et de mouvements apparaît sitôt que la course de musique et de
rythme envahit la scène, timbrant une danse des pieds sud africaine. Les émotions sont excitées par ce qui
fut d’abord un chant de protestation des mineurs noirs dans l’Etat de l’Apartheid. Bien que leurs
conditions de vie soient aussi éloignées des danseurs danois que le sont leur tempérament rebelle, le
rythme saisit immédiatement. Ensuite, le groupe rythme et mouvement prend les percussions métalliques
de Rio de Janeiro dans leurs mains et propage la vibration de la samba au-delà des champs danois.
Voici le moment de la capoeira. Assis en large cercle, tous les participants se joignent à l’événement
final. Le jeune meneur danois de la capoeira débute son chant rythmique, accompagné par la percussion
et le berimbau, l’instrument à corde brésilien, et la foule réponde en répétant les refrains, créant ainsi une
atmosphère de plus en plus intense et collective. Les deux premiers combattants entrent dans le cercle,
effectuant des gestes rituels de révérence. Dansant mutuellement autour de l’autre en de lentes et
attentives positions ils essaient de trouver le rythme de l’autre et soudain commencent à pousser leurs
jambes l’une contre l’autre, tête la première. Le dialogue du chant commun est maintenant complexifié
dans sa répartition des partenaires, le groupe musical, le chœur et les combattants qui modulent leurs
mouvements selon le modèle du chant. D’autres combattant suivent, certains plus dansants, d’autres plus
violents, d’autres rusés, d’autres seulement au début de leur capacités ?. Certains des combattants
commencent même à défier les participants qui n’ont jamais essayé cet art du combat – et effectivement,
le processus du dialogue corporel avec les novices s’écoule en eux malgré tout, né du rythme de la foule
et des rieurs encourageants. Petit à petit, l’allure de la musique accélère, la tension redouble, et la foule
rend de plus en plus vifs les applaudissements. Une humeur de transe se propage répétition après
répétition, et le chœur continue de plus bel…
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La défaite de la Dichotomie
La situation décrite d’une rencontre sur le mouvement du corps donne un aperçu sur le futur de la
globalisation – mais quel type de globalisation ? Et y en a-t-il d’autres ? Que nous dit l’événement de
Nouvelle Zélande sur la relation entre nationalisation et globalisation dans les sports en général ?
D’un côté : l’expérience a lu dans une Académie populaire qui – depuis sa création en 1938 – a eu les
gymnastiques et le sport (en danois idræt) pour titre. Les gymnastiques en particulier ont été, depuis le
XIXème siècle dernier, pour une part essentielle de la culture traditionnelle paysanne au Danemark.
Respectant ce fait historique, la gymnastique prend part à la culture nationale danoise, à côté du
mouvement culturel de danse populaire considéré comme l’un des piliers de la danité. Ce par conséquent
pas une coïncidence si les performances de la gymnastique ont ouvert la voie à la représentation, décrite
plus précédemment. Pour cette raison, l’expérience – loin d’être atypique au Danemark – peut être
replacée dans le contexte de sport national, et exprime des tendances actuelles de l’identité nationale
danoise au travers les sports et la culture du corps.
Mais – d’un autre côté – les activités gymniques de l’expérience de Zélande sont suivies par d’autres
qui semblent a priori étrangers à la culture danoise, par des rythmes et des danses orientaux, sud africains
et afro-brésiliens. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce une contradiction avec l’aspect national du « le
nôtre » vis-à-vis de « l’étranger » ? – A première vue cela donne l’impression d’être en face d’un
supermarché d’éléments folkloriques transportés via la culture des médias et son processus de
globalisation. Assurément, les éléments exotiques ont également une odeur à la mode, mais leur
fascination au Danemark et simultanément marquée par une forte approche anti-commerciale et
alternative. La gesamtkunstwerk multiculturelle est liée au mouvement anti-Apartheid et à d’autres
mouvements de solidarité au niveau de leur fondations – impliquant le criticisme social. Et ce criticisme
social est relié à l’actuelle culture de l’académie populaire par ses précurseurs historiques, ayant été à la
fois nationaliste (Danois contre Allemands) et sociale critique (anarchisme des paysans contre la classe
dirigeante).
La contradiction entre le nationalisme et l’identitaire d’un côté et le « à la mode » et le global de
l’autre n’est, de quelque façon que ce soit, pas toute l’histoire. L’expérience décrite avec sa combinaison
typique d’éléments «nôtre » et « exotique » est partie prenante de ce qu’on appelle en danois le
folkelig idræt, le sport populaire – et ceci est une troisième dimension. Lorsque l’on a examiné le terme
de folkelig plus profondément, on rencontre un champ d’activités et de relations sociales qui ne sont
identiques ni aux stratégies gouvernementales d’identification nationale ni aux modes globales du
marché. L’académie de sports n’est que l’une des centaines de folkehøjskoler danoises, académies
populaires, étant privées, internats autonomes pour l’éducation libérale d’adultes. La folkehøjkole
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représente – avec le forening, l’association volontaire libre – le fondement du folkelig oplysning, du réveil
populaire au Danemark (Eichberg 1992).
Bien que placée du côté le plus expérimental des académies populaires et des sports populaires, les
activités dans la maison du mouvement de Zélande illustrent des aspects centraux de la culture populaire
au Danemark et du concept folkelig, « populaire », en général. Evidemment, la relation entre son propre
folklore et le folklore étranger n’est pas « c’est l’un ou l’autre ». Mais que signifie la culture populaire, si
la gymnastique danoise et la capoeira afro-brésilienne peuvent se rejoindrent au-delà du conflit, à
l’inverse de l’«identitaire » et de «l’autre » qui, dans d’autres, cas se heurtent en confrontations culturelles
nationales – au Danemark autant que dans d’autres pays ?
En quête de Catégories Critiques
Evidemment, nous tâtonnons à établir des catégories, et cette quête d’une terminologie théoriquement
appropriée et de classification nous conduit au-delà de modèles dualistes établis. Habituellement la
question nationale est traitée par constructions dichotomiques, où le global se confronte au national, le
moderne en conflit avec le traditionnel, et le cosmopolite exclut le tribal. A un niveau plus abstrait,
ceci est reflété par la prétendue contradiction entre l’universel et le particulier.
Même certaines des descriptions les plus différenciées ont coupé net les contradictions complexes des
conflits identitaires modernes en constituant une contradiction dichotomique entre modernité – sport
Olympique, rationalité, sécularisme, s’efforcer de battre des records, quantification, spécialisation – d’un
côté et « résistance » traditionaliste – les tournois de gymnastique allemands, sports traditionnels, rituels,
valeurs romantiques – de l’autre côté. Selon ce modèle dualiste un sens unique historique de l’un, le
particulier et le traditionnel, à l’autre, le moderne et l’universel, fut effectivement suggéré (Guttmann
1994, cf aussi Pfister 1995). Cependant, il est impossible, du fait de la structure de ce dualisme de
l’Ouest, de catégoriser et d’analyser une expérience aussi simple que celle décrite ici à propos de Zélande
qui est tout à la fois nationale et globale. Ce qui est moderne, mais non l’esprit des records, ce qui
appartient au- monde du sport, mais fondamentalement danois national. Ce qui est particulier et général
d’un côté. Si cela est vrai, comment alors ces pauvres catégories seraient-elle adéquates à la
compréhension du processus complexe de la future construction identitaire ?
Ce qui fait que le cas est encore plus urgent pour les études du sport réside dans le fait que le terme
même de « sport » est équivoque. Dans certaines connections culturelles – comme dans l’olympisme
classique occidental – certains hésitent à classer la danse des pieds sud africaine comme « sport ».
La gymnastique, le tai chi, le taekwon-do et le judo se tiennent plus près du « sport » ; historiquement
ils se sont de plus en plus laissé happés, par des voies détournées, par le « sport » ces dernières décennies,
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mais dans le cas Zélande l’élément compétitif est complètement absent. La capoeira est particulièrement
difficile à classer car basiquement elle combine l’attitude dansée de la communication du corps avec
l’expression musicale et la mythologie spirituelle afro-brésilienne ; dans le processus historique la
capoeira est devenue une activité sportivisée – par la médiation de la boxe brésilienne – mais la capoeira
danoise est marquée par un manque délibéré de compétitivité sportive. La classification des activités
décrites dans Zélande – que certains appelleraient en danois idræt, un mot du Nordique Ancien incluant
les sports et d’autres activités culturelles – n’est pas clairement du « sport » et vise plus précisément
quelque chose comme une culture du corps.
L’importance de folk est qu’il y a aussi un autre folk, pas seulement le mien. Et cette altérité signifie
qu’il y a des relations, que le dialogue est possible, et qu’il y a une possibilité de camaraderie/intimité
(togetherness).
Il semble que ce qui se rapproche du folkelig danois, sont les mots slaves comme narodnyi, dérivé du
russe narod, peuple, gens. Ceci correspond au hongrois népi, dérivé de nép, peuple. On nous dit qu’en
Inde folkelighed est traduit par antah shakti dans la langue Kannada. Il serait très intéressant d’inclure ici
les terminologies japonaises de peuple et de gens.
Les difficultés de traduction des sujets communs de culture et d’identité se manifestent encore dans la
relation avec le sport où certains trouvent des compositions comme volksport (allemand, flamant), sport
in popular culture, jeux populaires, giochi di tradizione popolare (italien), folkelig idræt (danois), folklig
idrott (swédois), Volksspiele (allemand), narodnaya fizicheskaya kultura (russe). Dans certains pays,
volkssport a désigné le sport de masse avec les consonances socialistes ou communistes ; en Italie, le
sport popolare était un concept communiste (renommé dans les années 90 sport per tutti, sport pour tous),
et en Libye le concept socialiste officiel est le sport public ou le sport du peuple. Dans d’autres pays
comme dans l’Allemagne nazie, Volkssport et völkisches Turnen (gymnastique populaire) avait des
connotations nationalistes voire racistes. En Flandres, le très développé volkssport est politiquement plus
neutre et désigne les anciens jeux – similaires aux jeux populaires (en français) – à l’inverse de folkelig
idræt au Danemark qui a une consonance d’opposition et qui est historiquement dérivé de la gymnastique.
Et ce qui est appelé populare culture en rapport avec le sport en anglais, en tant qu’il a été étudié dans la
tradition de l’école de Birmingham, inclut en particulier le comportement de fan de soccer côte-à-côte
avec le rock.
La plupart, mais pas tous les termes de volkssport ont des connotations nationales ou ethniques. Au
moins trois niveau différents de significations sont reliés ensemble, avec diverses accentuations :
nationale (« notre » sport vis-à-vis « des autres »), sociale (le sport du peuple vis-à-vis de la culture de
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l’élite) et universel-psychologique (la camaraderie et le rire). Ce modèle varié est aussi vrai de folk en
général.
A partir de la diversité des terminologies de folk dans le monde, il devient de plus en plus évident que
folk est l’intraduisible – et ce dans deux sens. L’un est que le mot nordique folk ne peut pas être traduit
exactement dans d’autres langues. Le second est que le mot folk désigne en soi ce qui est intraduisible
d’une culture à l’autre : l’identité issue de la différence.
D’un autre côté, cependant, les différentes cultures et langues construisant des mots intraduisibles ont
malgré tout dénommé quelque chose en commun : un troisième type de relations sociales qui ne sont
semblables ni aux activités des états ni aux transactions du marché. Il semble que dans toutes les cultures
ce troisième secteur est une base sociale et le sujet collectif original des sports et des jeux.
Histoire : Les Mouvements Populaires
La qualité d’être folk, de n’être pas traduisible, ancre ses racines dans l’historicité des relations
sociales. Chaque modèle social ou processus a son histoire propre, et ces histoires sont – bien que
comparables – fondamentalement différents et en cela « intraduisibles » d’une culture à l’autre. Jetons
plus attentivement un œil sur l’histoire danoise nous offrant l’élément de base du cas initial (Borish 1991,
Eichberg 1996).
Ce que l’on appelle mouvements populaires au Danemark, débutèrent au début du XIXème siècle avec
une renaissance religieuse parmis les paysans, advint en protestation contre l’église d’Etat et son alliance
avec le régime répressif de l’absolutisme et de l’aristocratie. Sous une forme piétiste, les paysans
« réveillés » essayèrent de trouver leur propre voie de l’expérience religieuse. Ce conflit trouva sa plus
impressionnante expression dans les psaumes et les écrits politico-philosophiques de N.F.S.Grundtvig
(1783 – 1872). Il s’agissait de ce poète romantique national qui propulsa l’idée du réveil populaire –
folkelig oplysning, en combinant de façon originale les traditions du Réveil Européen avec la notion
romantique de peuple (Korsgaard 1997).
Les renaissances religieuses furent bientôt suivies par des mouvements politiques de
d’autodétermination évoqués plus haut, se dirigeant vers la révolution de 1848 et plus tard vers la
formation de l’état moderne national danois. Dans le même temps, ceci fut l’impulsion initiale pour
l’établissement d’une culture libéral d’association. En parallèle à cela, des écoles et des académies libres
- folkehøjskoler – survinrent dès les années 1840. Au travers des associations volontaires – folkelige
foreninger – qui luttaient pour le renouvellement de la culture, les associations de sport (le tir et la
gymnastique) jouaient un rôle essentiel. L’association populaire de sport (forening) en tant qu’elle avait
partie prenante à la culture local correspondait, mais contrastait aussi avec les clubs de sport bourgeois
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(klub) des villes. Et dans la pratique corporelle, le sport populaire fut bientôt dominé par la gymnastique
folkelig pratiquée par les paysans de l’aile gauche démocratique, à la fin du XIXème siècle, comme une
alternative à la discipline militariste du sport et des exercices. Cette culture alternative était liée à la fois à
la construction des halls de réunion dans les villages et aux coopératives de productions agricoles, se
répandant alors dans tout le pays.
Depuis lors, la tradition folkelig fut enrichie par les expériences du mouvement socialiste des
travailleurs après 1900 et par le radicalisme culturel intellectuel des années 1920, bien que ce dernier fut
davantage élitiste et par conséquent non-populaire. Depuis 1968, les mouvements des origines ont
collaboré avec de nouveaux éléments, parmi lesquels l’ouverture au travers des peuples et des cultures
d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. (Ceci conduit plus sensiblement vers la capoeira et la danse des
pieds sud africaine en Zélande).
Le résultat est que le Danemark a toujours eu non seulement une organisation unitaire de sport, mais
plusieurs fédérations. Aujourd’hui les plus grandes sont la Danish Sport Confederation (DIF) formée
après le modèle international des disciplines sportives et de la production de records, et Les Danish
Gymnastics & Sports Associations (DGI) tentant d’exprimer l’approche danoise « alternative » du sport et
de la culture folkelig. Dans les sports populaires - l’idéal – ce sont les gens eux-mêmes qui organisent
leurs rencontres transversales et les dialogues par des activités corporelles. Le sport c’est le festif. Le
sport c’est l’association. L’expérience du corps du sport populaire est l’expérience de la camaraderie
sociale et de l’identité, de la conscience de soi et de la solidarité : « Nous le faisons par nous-mêmes »
(Bøje/Eichberg 1994).
La Culture Populaire comme Fondement de l’Etat et du Marché
La connexion spécifique du folkelig entre le sport et le festif ne désigne pas, cependant, que la culture
populaire soit une superstructure luxuriante comparable à la consommation des classes oisives de
l’aristocratie ou de la bourgeoisie. Au contraire : la culture populaire est devenue un facteur important du
développement du modèle agricole danois de modernisation. En même temps, la transformation
capitaliste de l’économie agricole aux XIXème et XXème siècles dans presque tous les pays aboutit à la
marginalisation des paysans au profit de la bourgeoisie urbaine, les paysans danois ont pu entrer dans la
compétition capitaliste grâce à leurs organisations coopératives et survivèrent, augmentèrent leur
production et contribuèrent à l’identité nationale de leur pays.
Depuis le début des années 1880, les coopératives laitières prirent leur envol et se déployèrent dans
tout le pays, bientôt suivies par les coopératives bouchères, par des travaux électriques locaux – nombre
d’entre eux basés sur l’énergie éolienne, par des magasins coopératifs, par des coopératives d’exportation,
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par des associations d’outillage culinaire, par des coopératives bancaires, par des cimenteries
coopératives, par des associations de fertilisants et d’achat de graines et d’autres formes d’autogestion.
Avec l’aide de ce nouveau réseau d’associations, les paysans s’arrangèrent pour maîtriser la crise du
marché pendant la dépression entre 1876 et 1900 et pour maintenir leur structure de possession
décentralisées en dépit de la pression du grand capital.
Les historiens se sont souvent interrogés pour savoir comment cette survie exceptionnelle a pu se
réaliser. Comment la solidarité a-t-elle été intégrée dans la vie concrète des paysans (n’ayant jamais réussi
dans bien d’autres pays) ? Quel était le mécanisme social reliant les idées des paysans et l’intérêt commun
avec leur coopération pratique économique ? Ici la culture populaire mérite notre attention, en particulier
la gymnastique folkelig qui s’étendait au Danemark à la même période, et en parallèle au mouvement
coopératif, constituant ainsi un lien corporel entre le travail et l’identité social dans la vie de l’individu.
Lorsque que les paysans – majoritairement jeunes – entraînaient leurs corps dans troupes de gymnastique
à l’accompagnement des chants nationaux romantiques sentimentaux et s’abstenaient de toute
compétition individuelle (qui était demandée dans les sports compétitifs), ceci exprimait un langage social
singulier. Ceci contribuait à leur collectivité et les rendait capables de concourir ensemble dans le marché
capitaliste.
Le cas danois montre donc que la gymnastique et la production ne sont pas deux sphères distinctes. La
culture du peuple et l’économie ne sont pas si éloignées l’une de l’autre, comme le prétendrait une pensée
productiviste étroite. Les mouvements populaires ont été fondamentaux à la fois pour la constitution de
l’état nation moderne et pour la survie dans le marché capitaliste. Mais en dépit de cette relation étroite,
l’état, le marché et les mouvements populaires – incluant le sport comme pilier/socle – inventent trois
secteurs fondamentalement différents constituants par leur combinaison contradictoire la société moderne.
C’est pourquoi l’expérience historique spécifique des sports danois – comme ceux de France (mais aussi
de Bretagne, de Corse, d’Elsass-Lothringens), de Russie (mais aussi de Tartare, de Tchétchénie, de
Karélie), d’Indonésie ( mais aussi de Java, de Bali, du Minangkabau, de Batak, d’Atjeh, du Timor
Oriental, de Papouasie Occidentale), de Tanzanie (mais aussi du Sukuma, du Massai) etc. – doit être
comprise dans un contexte sociétal le plus large. Ici nous pouvons nous retourner vers l’analyse
structurale de la culture populaire.
Les trialectiques Structurales : l’Etat, le Marché, la Société Civile
Des études sociales récentes ont attiré notre attention sur le fait que la société et l’économie ne
peuvent pas être décrites suffisamment seulement par les deux secteurs qui ont été dans les projecteurs de
la théorie sociale : l’état et le marché.
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L’État ou la sphère publique suit les décisions politiques. L’économie publique est déterminée par des
valeurs et des régulations politiques. La sphère publique a une structure monopolistique : il n’existe qu’un
seul État sur un territoire. Ce monopole est aussi la source de l’autorité de l’état, du pouvoir et de son
organisation hiérarchique.
Le discours sociétal à ce niveau concerne la relation de l’état et de l’individu – l’autorité vis-à-vis du
sujet, l’intérêt public vis-à-vis de l’intérêt individuel, le pouvoir vis-à-vis de la liberté . Ceci a été exprimé
par des auteurs comme Nicolas Machiavel, Jean Bodin, Thomas Hobbes, G.W.F. Hegel et Carl Schmitt
dans la tradition « étatiste », et par John Locke, Charles de Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau,
Emmanuel Kant et Jürgen Habermas dans la tradition plus libérale-individualiste.
Le marché, en contraste, consiste en une multiplicité d’acteurs en compétition. En tant que
producteurs ou fournisseurs, ils sont en relation mutuelle de concurrence. Leur survie en tant que
participants au marché dépend de leur succès et de leur gain sur le marché. Leurs actions ne sont pas
déterminées par des décisions politiques, mais par l’attente de profit et par l’optimisation intentionnelle
du ratio profit-perte.
Le discours sociétal à ce niveau se déploie autour des relations de la production et de la productivité –
le travail productif vis-à-vis des activités non productives, les producteurs vis-à-vis des consommateurs.
Ceci a été traité par Adam Smith, David Ricardo, Friedrich List et Karl Marx jusqu’à la théorie néoclassique.
Cependant, les rationalités du pouvoir et la logique du productivisme ne sont pas seulement
contradictoires. Elles sont aussi - comme l’a démontré Michel Foucault – apparentées l’une à l’autre,
liées par l’effort pour atteindre une vue panoptique à la fois par l’état et par le marché. Elles sont reliées
par l’abstraction évidente de la sensualité concrète et de l’existence corporelle de l’être humain, par un
haut degré de ce qui pourrait être appelé avec Jean Baudrillard la simulation.
La dualité de l’état et du marché est, plus encore, loin d’être suffisante pour expliquer la totalité de
l’activité économique et de l’action sociale. De larges pans des flux économiques réels existants ne sont
ni soumis aux décisions politiques monopolistiques ni déterminés par le principe du profit. Ils dévoilent
l’existence d’un troisième secteur, la société civile.
La société civile se constitue de réseaux bénévoles et autogérés et d’associations. Ceci est typique des
sociétés, des clubs et des associations libres, de toutes sortes de coopératives et de collectifs aussi bien
formels qu’informels. Les foreninger, les associations libres, et les folkehøjskoler, les académies du
peuple, constituant la base de la culture populaire au Danemark, sont des piliers caractéristiques de la
société civile.
Les unités collectives de la société civile suivent le principe de proximité et de communauté –
temporelle. Ainsi, elles sont comparables au modèle social de la famille ; et en effet, la famille et son
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économie interne – immense, mais non monétaire – peut également être considérée comme une part
importante de la société civile, bien qu’il manque certains traits d’une union volontaire.
Sous l’aspect de la pluralité contre le monopole, la société civile avec sa variété d’acteurs est
comparable au marché ; néanmoins, en contraste, les activités de la société civile ne visent pas par
essence le profit. La morale et le plaisir, c’est-à-dire les motivations complexes issues du comportement
social sont décisives et contrastent avec le préjugés utilitaire étroit du marché. Les considérations
affectives et normatives jouent un rôle important dans la société civile – contrastant avec la rationalité
tant invoquée des sujets du marché. Et les sentiments et les intérêts à vocation communautaire travaillent
dans la société civile à l’opposé de l’individualisme (prétendu) du sujet du marché. D’un autre côté, en
étant fondées sur des décisions politiques et orientées sur les valeurs, les actions de la société civile peut
aussi être comparées à celles de l’état ; à l’inverse, néanmoins, elles ne prennent pas part à la structure
monopolistique mais sont bénévoles et engagées.
La société civile n’est, ainsi, pas seulement une « catégorie au repos », et n’est pas non plus « la
deuxième meilleure solution » aux conditions imparfaites du marché, comme ont pu la caractérisée
certains économistes. La société civile désigne une vaste part de l’activité et de l’économie réelles
existantes.
Le discours sociétal à ce niveau a parfois été aussi dichotomique que dans les deux autres traditions,
Ferdinand Tönnies (1887) ayant proposé la dichotomie sociologique de la communauté vis-à-vis de la
société et Habermas ayant dichotomisé le monde vivant vis-à-vis du système monde. Plus significatives
ont été néanmoins les approches pluralistes des identités populaires, comme celles évoquées par Johann
Gottfried
Herder,
N.F.S.
Grundtvig
et
Martin
Buber.
Les
corporations
intermédiaires
et
l’associationnisme fut découverts par Alexis de Tocqueville (1835 – 40), Max Weber (1922) et Antonio
Gramsci (cf Kebir 1991), mais aussi débattus dans la tradition de Pierre-Joseph Proudhon, Charles
Fourier, Mikhail Bakunin, Piotr Kropotkin et Gustav Landauer, de la pensée fédéraliste, syndicaliste et
coopérationiste. La récente (re-)découverte de la société civile depuis les années 70 suivit de très
différentes expériences. D’un côté, ce fut dans l’économique– depuis Burton A. Weisbrod (1977) – qu’un
troisième secteur de non profit devint visible et les valeurs morales altruistes comme facteur économique
en général ont attiré l’attention avec Amitai Etzioni (1988). D’un autre côté, des dissidents d’Europe de
l’Est découvrirent que dans chaque système de monopole étatique se trouvaient les sources de la
résistance et d’autonomisation du peuple non soumises aux lois du marché. Le mouvement d’union de
Solidarité en Pologne fut un exemple paradigmatique de cette société civile. Et une expérience
supplémentaire fut celle des Nouveaux Mouvements Sociaux dans les pays de l’Ouest - mouvement pour
la paix, mouvement des femmes, renouveaux ethniques, mouvements verts écologistes - dirigeant
l’attention vers une sociabilité au-delà de l’état et du marché.
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L’une des plus révélatrices contributions récentes de la théorie sociologique à la dynamique du
troisième secteur fut la découverte des tribus ou – plus précisément – du tribal dans la société actuelle.
Michel Maffesoli (1996) a réfléchi au développement de néo-tribus et de pseudo-tribus dans les contextes
post-modernes. La « centralité sous-jacente » de la tribu est caractérisée par des rituels et des habitus
communs, par le rassemblement et la solidarité, par une certaine proxémique et la participation dans les
émotions à des caractères parfois extatiques. Les clubs de sport et les activités de fan sont des références
typiques de cette analyse (cf aussi Mangan 1996). L’un dans l’autre ceci signifie un renouveau et une
révision de la sociologie classique de la Gemeinschaften, des communautés, dans des conditions postmodernes. Cela représente une sociologie de ce qu’en français – encore intraduisible – on appelle la
puissance, le pouvoir de la socialité civile, faisant face au pouvoir, le pouvoir public.
Toutes ces recherches réunies montrent qu’en parlant de l’état, du marché et de la société civile
certains parlent des secteurs économiques concrets, mais en même temps en disent beaucoup plus, et
même plus que des secteurs sociétaux. En effet, le discours porte sur la trialectique des dimensions
fondamentalement différentes – mais reliées – de la vie sociale, ayant ses racines dans trois types de
psychologies différentes.
Henning Eichberg
Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and Culture,
Gerlev, Slagelse, Denmark, DK, 4200
Les Trois Sphères de la Vie Sociale
(dans la perspective de la société du bien-être scandinave)
Secteur
ETAT
MARCHE
SOCIETE CIVILE
Identité de l’agent
Citoyen
Producteur/Consom
Membre
mateur
Moyen d’action
Autorité
Auto-emploi
Bénévolat
Pratique
Redistribution
Echange
Réciprocité
But
Prévention
Rentabilité
Mobilisation
Financement
Subvention
Profit/Surplus
Frais d’adhésion des
membres
Organisation
Institution
Business
Réseau
Attitude
Soin
Productivité
Solidarité
Déviance
Tutelle
Egoïsme
Exclusivité
Vision de l’être
Problème et tâche
Marchandise et
Personne et source
humain
fonction
Henning Eichberg
Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and Culture,
Gerlev, Slagelse, Denmark, DK, 4200
Les Trois Cultures
Si l’histoire des mouvements folkelig au Danemark est considérée à la lumière de cette différenciation
structurale, le troisième secteur des activités volontaires hors profit révèle comme le lieu de la culture
associationniste populaire. Et plus encore : il ne s’agit pas seulement d’un « troisième », bien moins
encore une catégorie au repos. Mais la vie « tribale » du peuple fonde à la fois l’état démocratique au
Danemark – avec ses fondements dans la révolution de 1848, les constitutions de 1849 et 1856, et le
changement au travers le gouvernement de la majorité élue en 1901 – et le coopérationisme comme un
moyen de la survie agricole sur le marché. La signification du troisième secteur peut être décrit plus
précisément en comparant la trialectique sociétale avec le modèle de culture structurel. En effet, la
sociologie culturelle empirique a jeté la lumière sur une différenciation tripolaire similaire de la culture au
Danemark (Skot-Hansen 1984).
La culture de l’élite ou ce qu’on appelle en danois finkulturen, la culture raffinée, inclut à la fois la
culture éducative traditionnelle de la bourgeoisie moderne et la culture d’avant-garde plus provocatrice.
Les deux sont liées à un haut degré à la compétence verbale et aux discours d’«esprit », en danois ånd, en
allemand Geist. Les activités culturelles de ce secteur consistent pour l’essentiel en des expériences, des
production et des reproductions individuelles, lesquelles sont commentées, revues et discutées ; la culture
dénote intellectuellement de la capacité de problématiser ses expériences et celles des autres. La culture
académique a une position forte dans ce modèle.
La culture commerciale, à l’opposé, se fonde essentiellement sur la visibilité et sur l’oralité, sur
l’image et le son. Avec le développement technologique, ceci s’est fusionné dans l’audiovisuel de
l’industrie moderne. Celui à qui on s’adresse sélectionne, fixe du regard et écoute, mais demeure surtout
passif et réceptif en relation à la production culturelle – la culture de consommateur. La culture
commerciale offre du divertissement après le critère : Qu’est-ce qui se vend ?
En d’autres mots, l’événement concret confronte l’observateur avec l’urgence d’une nouvelle théorie
critique et d’une nouvelle série de catégorisations. « Critique » signifie ici : rompre avec les allant de soi
usuels et confronter les aspects disparates ensemble – cependant pas par de simples antagonismes
dualistes. La méthode, ainsi, est encore comparative, mais maintenant au cœur du phénomène, au cœur de
la situation elle-même. La tension trialectique entre le national, le global et le folkelig peut être un point
de départ pour notre analyse complémentaire.
Henning Eichberg
Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and Culture,
Gerlev, Slagelse, Denmark, DK, 4200
Le Folkelig – l’Intraduisible
Le terme le plus difficile dans cette complexité n’est ni le national ni le global, mais le troisième : le
folkelig, le populaire, le peuple.
A cet instant nous sommes face à un problème fondamental caractéristique du processus de la
communication interculturelle lorsque les personnes essaient de traduire certaines notions clé de leur
compréhension culturelle propre. Les concepts de folk (peuple), de folkelig (populaire) et de folkelighed
(popularité) sont les bases de la compréhension des phénomènes et des notions centrales de la vie
culturelle au Danemark comme le réveil populaire, les académies populaires, les mouvements populaires
et les sports populaires. Mais ils semblent être intraduisibles.
Cherchons des équivalents dans d’autres langues, en allemand et en anglais par exemple. Depuis le
18è siècle dernier le mot allemand volklich (en rapport avec le peuple) a recouvert un vaste panel de
significations similaire au folkelig danois, mais il n’est jamais entré dans l’usage courant. Il est demeuré
dans l’ombre du mot völkisch qui se répandit depuis le 19è siècle dernier et exprime l’élément nationaliste
du populaire, mais isolé de l’élément démocratique et avec des connotations racistes et en particulier
antisémites. (De ce point de vue, l’activité « folkelig » de la capoeira « noire » au Danemark ne serait pas
du tout völkisch, mais plutôt anti-völkisch.)
Folkelig pourrait également être traduit en allemand par volkstümlich, mais ceci résonne aujourd’hui
plutôt vieux-jeu, et comme le commentait Bert Brecht ironiquement : « Das Volk ist niemals tümlich »
(Le peuple – la masse – n’est jamais traditionel, le peuple n’est jamais populaire). Folkloristisch a le goût
du musée, offrant les associations d’une culture artificiellement reconstruite, du folklore comme le strict
ordre académique d’une matière morte. (Dans cette perspective, les activités orientale et les danses
africaines au Danemark – populaires sous leur formes d’origine, mais aussi mixées et syncrétiques – ne
sont ni volkstümlich ni folkloristisch.)
Populär – du latin populus (peuple, gens) – signifie les aspects populaires basics de la culture de
masse. Dans une forme plus récente comme pop cela se réfère aux produits triviaux de l’industrie du
divertissement. Ceci est devenu pop art comme un jeu sophistiqué avec le trivial. Encore plus dérogatoire
est ce que l’on appelle pöbelhaft et vulgär, le bas et le vulgaire, la populace dangereuse considérée par les
élites sociales. (La pratique danoise du tai chi serait populaire, mais n’est pas culturel de masse et pas du
tout vulgaire ou bas.)
Populistisch est utilisé pour les mouvements politiques et sociaux qui en appellent aux émotions
nationalistes, à l’avidité ou au primitif, aux intérêts populistes. Publik ou öffentlich se réfèrent au peuple
(folk) comme passif et réceptif plus qu’à un facteur actif dans la vie publique. A l’opposé à la fois le
national et le demokratisch (le démocratique) inclus les éléments actifs du folkelig, mais dans un sens
Henning Eichberg
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plus étroit, politique d’état, loin de la profondeur humaine de la culture populaire (folk) ; certains ont
récemment essayé de dépasser cela avec des mots dérivés de civil et de civic comme dans
Zivilgesellschaft (société civile) ou civic culture. Parfois certains font la différence entre national comme
le plus modéré et nationalistisch comme le plus extrême, et il y a aussi des différences entre nationaliste
et patriotisch qui a des consonances conservatives et étatiques mais est également utilisé dans l’aile
gauche pour exprimer un patriotisme constitutionnel (Verfassungspatriotismus). De même demagogisch
(démagogique) est dérivé du grec demos (folk). (La plupart de ces connotations sont étroitement liées à la
sphère politique d’état et, ainsi, loin de la pratique corporelle de la danse, du jeu et de la musique – sinon
il y a des effets instrumentalisés et démonstratifs.)
En sociologie, certains ont parfois confronté demos, la population de l’état, avec ethnos, la
signification ethnique et culturelle du peuple (Francis 1965). La différenciation montre d’autres
problèmes importants de traduction, mais il n’y a pas dichotomie entre ces deux là. Dans la réalité sociale,
c’est plus un champ de continuité qui connecte ethnos et demos, et dans de nombreux cas dans le monde,
les connections ethniques et linguistiques sont les conditions pour une participation active dans le
processus démocratique. Par conséquent, certains ont proposé le terme de demotic (populaire, folk)
signifiant une relation intermédiaire entre la communauté culturelle ethnique et politique démocratique
(Smith 1991). Le dénominateur commun de ethnos et de demos est la capacité à parler ensemble, mais
cette capacité n’est pas restreinte à la dimension linguistique. Dans une perspective plus large, la
définition de « ceux-là qui peuvent parler ensembles » incluse la culture commune et les activités
sportives.
La caractéristique commune de l’allemand Volk, du danois folk, du grec ethnos et d’autres est, ainsi,
que ce n’est pas la même chose que Bevölkerung, population, c’est-à-dire pas seulement une catégorie
passive d’inscription et d’administration. Le peuple (folk) est un acteur dans l’histoire, et folkelighed est
la relation de cette activité à l’identité collective. L’un dans l’autre, le problème pour communiquer la
culture folkelig danoise aux autres sociétés construit l’horizon particulier de l’expérience danoise – en
relation avec l’allemand et d’autres histoires – visible.
Un point fondamental dans la compréhension danoise de folkelig s’exprime par son usage composite
comme mellemfolkelig, signifiant quelque chose comme « inter-peuple », « entre les peuples » ou « de
peuple à peuple ». mellemfolkelig idræt peut signifier soit rencontre internationale dans le sport soit
contact inter-ethnique de sport. (En allemand, le correspondant zwischenvölkisch n’existe pas et serait –
comme « inter-raciste » - une contradiction en soi.)
Henning Eichberg
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La culture populaire, folkekultur, est fortement marquée par les activités corporelles et les
mouvements corporels comme ceux du sport, de la danse, du festif et de la musique rythmique.
L’expérience commune et les sentiments/sensations personnels ont une grande priorité. La compétence
corporelle est fondée sur la connaissance pratique et la médiation directe ici-et-maintenant. L’acteur
culturel est actif – ensemble avec les autres. La culture populaire au Danemark consiste en deux courants
avec des origines historiques différentes, la culture populaire traditionnelle du 19è siècle – sport, danse
populaire, chants en chœurs, théâtre amateur, fêtes de maison de rencontre – et la nouvelle culture
populaire développée depuis les années 1970. Cette culture d’origine inclus la culture rock, les nouvelles
sortes de festivals, les camps insulaires du tourisme alternatif, les initiatives écologiques, les fêtes de rues
et de quartiers, le carnaval urbain Whitsuntide, les organisations spontanées dans les subcultures de
jeunes, les nouveaux jeux, les marathons de masse et d’autres cultures du mouvement alternatives.
Lorsque l’on compare la trialectique de l’état, du marché et de la société civile avec les contradictions
internes de la culture d’élite, de la culture commerciale et de la culture populaire, des parallèles
structuraux deviennent évidents, mais également des liaisons directes. D’un côté, les élites sociales et
intellectuelles qui ont traditionnellement fait naître l’état, ont développé les cultures éduquées,
académiques et avantgardistes avec leurs traits hiérarchiques. De l’autre côté, le marché produit la culture
commerciale suivant les principes du divertissement et du profit. Et en troisième lieu, la majeure partie de
la culture populaire appartient à la société civile.
Les
trois
secteurs
ne
coexistent
pas
d’une
façon
non-problématique.
Ils
représentent
fondamentalement différentes valeurs qui se confrontent dans l’espace public. La culture dénote de la
contestation et la lutte entre – au moins – ces trois secteurs.
Cette lutte culturelle ne signifie pas que l’un de ces secteurs doivent ou puisse anéantir les autres. La
tentative de créer une pure culture – et une société – d’état monopolistique en Europe de l’Est durant les
dix dernières années devait s’effondrer. L’hégémonie du marché proposée comme la seule alternative par
les stratèges néo-libéraux, montre clairement ses limites également, et a déjà provoqué de violentes
réactions.
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La Lutte Culturelle
D’un autre côté, comme indiqué plus haut, la trialectique des relations culturelles ne décrit pas un
ordre harmonieux main dans la main, mais – exactement comme la relation entre l’état, le marché et la
société civile – procède d’un déséquilibre et d’une tension permanente. Les trois cultures se
concurrencent souvent pour des ressources rares, particulièrement pour des moyens financiers – puisqu’ils
sont administrés par les départements de la culture – et pour le temps – comme dans la transmission du
média public. En dernier mais pas des moindres ils se confrontent pour la participation et l’engagement
des sujets culturels.
Le sport et la gymnastique sont les champs caractéristiques des ces luttes. Historiquement nés, en tant
qu’activités d’association et ainsi – au Danemark comme dans la plupart des autres pays d’Europe de
l’Ouest – venant de la société civile et prenant part à la culture populaire, ils ont été marqués depuis les
deux ou trois dernières décennies par de fortes tendances dans les deux autres directions. Un
développement a été promu par les fonds d’état de plus en plus conséquents aux associations sportives,
qui fut suivit par les interférences de l’état providence au niveau des politiques du sport : faire du sport un
instrument des politiques sociales publiques. Certains essayent d’utiliser le sport comme « sport for all »
pour l’amélioration de la santé de la population, pour l’intégration de « groupes marginaux » etc. L’autre
développement est promu par l’attraction des sports médiatiques et transforme le sport en une foire du
cirque hautement rentable. Le sponsoring établit des liens étroits de plus en plus nombreux entre certains
clubs de sport et des entreprises seules (sur le marché ?). Et plus encore, les offres du sport commercial a
grandit côte-à-côte avec les associations de sport traditionnelles, créant un nouveau marché de la culture
de la forme physique – avec de remarquables succès. Les sports d’état et les sports du marché contestent,
ainsi, aujourd’hui le sport en tant que culture populaire (Riiskjær 1990).
Mais le processus ne devrait pas être regardé seulement dans cette direction qui tend à réduire la
sphère de la société civile. Des tendances opposées peuvent être observées aussi. Le cas des coureurs de
fond kénians est illustrative, comme cela a été récemment décrit par John Bale et Joe Sang (1996). Le
succès des coureurs de demi-fond kénians qui a surpris le monde depuis les Jeux Olympiques de 1968,
n’était pas remporté par l’unité « nationale » du Kenya en tant que telle, mais par certaines minorités
ethniques. 76 % des kénians détenteurs de records mondiaux étaient des coureurs originaires de la
province de Kalenjin ; et sans ce groupe c’était le peuple de Nandi qui ne représente que 1,8 % de la
population du Kenya, qui a élevé 42 % des meilleurs coureurs de la nation sur la piste. Ce développement
a ses base dans deux processus socio-historiques à la fois. D’un côté, la colonisation anglaise du pays
avec ses importations de sport et ses stratégies éducationnelles tourna sans dessus-dessous la culture du
corps native et se prolonge de nos jours par le système néo-colonial du monde du sport. Et de l’autre côté,
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les différents groupes ethniques ont réagit à cet impact de différentes manières, fondés sur leur modèles
sociaux respectifs, leurs caractéristiques ethniques et leurs traditions culturelles. La société civile dans sa
forme ethnique, ainsi, était une source décisive de dynamiques sportives pénétrant du Nandi et du
Kalenjin au niveau de l’état national du Kenya et plus loin au niveau global du marché du monde du
sport.
En comparaison au cas initial du Danemark, nous voyons ici la société civile avec son histoire
particulière comme base pour le sport. Le sport en tant qu’activité identitaire – en tant que pratique
sociale promouvant les processus d’identité – est relié au peuple tribal, à la société civile.
L’Identité, le Conflit et le Rire
La société civile comme perspective sur les sports a de nombreuses implications importantes, dont on
peut faire allusion de seulement quelques unes : l’identité, le conflit et la dimesion profondément
humaine.
1) Vue de l’expérience historique des mouvements populaires et du point de vue sociologique de la
société civile, le sport est fondamentalement relié à l’identité culturelle. L’identité la question
sans fin : Qui suis-je ? Qui est-tu ? Qui sommes-nous nous-mêmes ? – L’identité désigne une
opposition à l’aliénation : « Je ne sais pas qui je suis ». Et l’identité a toujours une dimension
collective. Il n’y a pas de Je sans un thou et un Nous. C’est ce que Martin Buber (1923) appelait
le principe dialogique. Il n’y a pas d’identité sans altérité, sans le dialogue avec d’autres
identités – sans « tu ». Et il n’y a pas d’identité personnelle sans identité culturelle – sans
« nous ». Le festif rend cette connexion concrète, visible et sensible. Par la rencontre dans le jeu
et la danse, le Je deviens un Tu et entre dans le Nous.
C’est à ce moment que la sociologie du sport comme culture populaire – et de la société civile
plus généralement – a besoin de connexions avec les observations de la psychanalyse. Dans le
prolongement de certaines remarques de Sigmund Freud, Erik H. Erikson (1950) a établit
l’étude de l’identité culturelle. Le contenu de l’ethnicité a trouvé plus de profondeur dans les
discussions grâce à l’ethno-psychanalyse, avec Mario Erdheim et d’autres. Mais dans toutes ces
études, le corps comme un identiel – comme une source et une référence d’identité – n’a trouvé
que peu d’attention ; les approches au travers une psychanalyse du corps construite par Wihelm
Reich et par la gestalt thérapie devrait peut-être aider à quelques extensions, mais le principal
travail doit encore être fait.
Henning Eichberg
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Une implication critique de cette perspective psychologique de l’identité pour la sociologie du
sport est que ce n’est pas suffisant de traiter du sport – comme il arrive souvent – comme une
part de la politique du loisir. La place du sport comme activité tribale moderne est à un niveau
complètement différent de l’administration publique de la reproduction de la population. La
culture populaire et le sport folkelig contribuent à l’identité et à la camaraderie et sont par
conséquent davantage qu’une activité de loisir et de temps libre, qu’une annexe au monde de la
production.
2) Lorsque la société civile se découvre comme un troisième secteur adjacent à l’état et au marché,
certains pourraient être tentés de le considérer seulement comme une ressource positive – et
comme harmonieuse. La société civile, malgré tout, n’est ni épargnée par des différences
internes, ni « civile » au sens de civilisée et non-violente. Au contraire, la société civile se
compose de tensions internes et de conflits – autant que le sport. Les hooligans racistes violents
font partie de la société civile au même titre que les roligans carnavalistes pacifiques (le type
danois de fans de soccer). La société civile peut se rassembler autour de la gymnastique (comme
au Danemark) ou autour des records sportifs (comme en Finlande ou au Kenya-Nandi), autour
les jeux populaires (comme en Flandres) ou autour de la danse sur percussion (comme au
Groenland), autour des activités de mise en forme (comme en Chine, voir plus bas) ou autour de
la lutte à la ceinture (comme le sumo japonais, le gouren breton ou la lutte d’huile yagli en
Turquie). Le Volkssport peut être d’aile gauche socialiste (comme le sport populare italien) ou
d’aile droite conservatrice (comme les völkisches Turnen allemands). Et les récentes tendances
fondamentalistes religieuses dans différentes parties du monde peuvent être comprises
seulement comme une part –problématique – de la société civile. Les sports aussi se sont
toujours développés dans un champ conflituel, pas seulement des conflits entre le peuple et le
pouvoir (d’état), mais aussi des conflits à propos du pouvoir ou de l’hégémonie interne à la
société civile. Le sport comme culture en général est une lutte culturelle ou ce que l’on appelle
en danois kulturkamp.
3) Par ses qualités psychologiques identitaires, il y a toujours une dimension plus profonde dans le
festif populaire et dans le sport, plus profonde que les politiques et les programmes. C’est la
relation humaine directe à la vie. Le sport populaire distingue ce qui est interne à l’individu – et
ce qui est davantage que l’individu unique : la dimension spirituelle de l’existence, le sacré.
C’est ce qu’exprime – de façon paradoxale – le carnivalisme de la culture populaire. Je trébuche
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– nous rions – et par cette camaraderie en convulsion corporelle « ça » arrive. Qu’est-ce qui
arrive ? Le sacré et le grotesque en même temps.
La vie est grotesque et mérite de n’être pas seulement prise au sérieux. Le festif populaire a
toujours les formes du non sérieux, du carnaval. Le sport populaire ne peut être compris qu’en
tant que prenant part à la culture du rire populaire, tel qu’il est décrit par Mikhail Bakhtin
(1968). Le corps fort est fascinant – mais n’est-il pas aussi grotesque, ridicule ? Les vainqueurs
de lutte à la corde tombent finalement sur les fesses. Les jeux populaires font étalage du
trébuchement et du raté ; la course de sac, le tournoi de moquerie, le combat sur poutre glissante
et la course d’échasse donnent les occasions au rire. Le clown et le fou sont des figures
importantes du festif populaire et de la culture du jeu traditionnel. Et la dernière illustration non
point des moindres, c’est la raison pour laquelle le peuple aime le sumo. Le corps puissant du
lutteur de sumo combine visuellement le grotesque et le sacré.
Ici, entre le sacré et le grotesque, la dimension profonde de la vie humaine est à rechercher.
Le peuple tribal est en contact avec cette dimension. Et le sport en est le rituel.
Le Peuple – le Civil – le Tribal
Lorsque l’on prend en considération la perspective du peuple tribal, de la société civile et de l’identité,
nous pouvons éviter l’erreur qui consiste à voir l’histoire comme un parcours en sens unique allant de
l’état national vers des groupuscules plus larges et vers le marché global. Nous considérerons le troisième
– qui est décisif.
Les évènements en Europe de l’Est et au Moyen Orient vers 1989/91 ont été illustratifs. A travers eux,
les théories dualistes et évolutionnistes sur la nécessité naturelle de larges groupuscules ont été réfutées
par la rupture des états multinationaux et des puissants systèmes étatiques du sport. Les nouveau états
nationaux et les nouveaux groupes de sport nationaux survinrent, mais une analyse plus rapprochée révèle
cela comme processus de la nouvelle tribalisation. La route appartenait à des groupes plus petits, et les
révoltes du peuple s’enracinaient dans la société civile qui, cependant, avait d’importantes implications au
niveau de l’état national.
Il n’est donc pas suffisant d’affirmer la dynamique de la globalisation et la crise de l’état national. Il
n’est pas suffisant de confronter la dynamique du monde (olympique, médiatique) du sport et la crise du
sport national. Sans la troisième composante, on ne peut attendre aucune connaissance pertinente.
En étant attentif au troisième, quelqu’il soit – le peuple, le civil, le tribal – les défis ne font que
commencer. Ils mènent – en théorie sociale – à de nombreux lieux inexplorés. Même les terminologies
fondamentales ne sont pas facilement compatibles. Le peuple (folk) porte la connotation de
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l’intraduisible ; il renvoie vers la dimension culturelle et vers son Unübersichtlichkeit universel,
l’impossibilité de survie. Le Volkssport, le sport populaire, ne peut être traduit de culture à culture. La
société civile, au contraire, dénote du fait que la même relation a aussi un côté plus traduisible ; comme
un universel sociologique elle décrit le troisième secteur qui côtoie l’état et le marché. Le sport civil est ce
qui n’est ni limité à une politique publique de représentation de la santé ni au marché médiatique. Le
tribal a la même place empirique, mais renvoie encore dans d’autres directions : vers les aspects
psychologiques de la construction identitaire et de l’identité contradictoire, vers le sacré et le grotesque.
Les sports tribaux impliquent l’incontrôlable – et montre que la société civile n’est pas toujours aussi
« civile » qu’on voudrait l’espérer.
L’un dans l’autre, le troisième n’est pas seulement une catégorie sociologique au repos, et pas non
plus seulement « subversive » comme Allen Guttman (1994) le concède. Mais il est une base à la fois de
l’état et du marché. Vu dans cette perspective, le sport est une ressource de connaissance sociologique en
général. Les théories du nationalisme ont été liées de façon dominante à l’histoire des idées – ou ont
même été réduites à une critique des idéologies – au lieu de prendre les formes sociales de la pratique
identitaire comme leur base, le sport étant l’une d’entre elles. Et l’étude sociologique du sport d’un autre
côté est demeurée trop pauvre par le simple transfert de théories générales du sport trop souvent
invoquées, et devant ainsi seulement une autre sociologie appliquée du trait d’union. Non, le point de base
est : le corps est social. Et le sport est un rituel corporel de la société civile – avec des implications pour le
corps public et le corps sur le marché.
Le Disike – le Disco des Vieilles Personnes en Chine
Après nos questionnements historiques, sociologiques et psychologiques nous pouvons retrouver les
grondements des percussions brésiliennes venant de la maison du mouvement à Zélande. Mais, peut-être,
devrions-nous nous tourner vers l’autre bout du monde où nous pourrions entendre une sorte de réponse
vers l’«exotisation » du sport « occidental ».
En Chine depuis la moitié des années 80, une nouvelle activité de mise en forme a émergé. Le
« disco » - disike – ressemble à la danse aérobic ou à un jazzercize [cf exercise ?] par le pivotement des
hanches et le roulement des épaules, avec applaudissements et pas croisés simultanés. La musique tend à
être de la pop occidentale dépassée. D’abord un engouement parmi les intellectuels, il devint populaire
parmi les travailleurs et les paysans et convenait particulièrement aussi aux vieilles personnes, à partir de
60 ans. « La disco des vieux » était réputée pour faire partie du « top trois » ou des plus gros engouements
en Chine avec le billard et le qigong. On disait qu’à Shanghai plus de 100 000 personnes pratiquaient en
salles de disco, et presque dans tout le parc Beijin très tôt le matin des gens se rassemblaient autour d’un
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lecteur de cassette, portant parfois de lourd manteaux pendant les mois d’hivers. Le disco des vieux
développait tel un pouvoir croissant que la télévision nationale il donnait une place spéciale dans ses
programmes, montrant tout azimut la performance d’un club de Shanghai fondé par une femme de 70 ans.
Susan Brownell (1995) en a donné une description détaillée et traite des aspects de la classe sociale, de
l’âge et du sexe du disike des vieux.
Ce qui est remarquable, ici, c’est la place du disco des vieux entre tradition et modernité, entre le
national et le global – ou au-delà. Au premier coups d’œil, cette activité a l’air d’une poussée
supplémentaire de l’occidentalisation, suivant les lois du marché global. En effet, les chinois les plus âgés
le considèrent comme « moderne » et « occidental ». Mais en fait, le disco des vieux n’existe pas à
l’Ouest. L’observation plus précise révèle les traits caractéristiques des traditions chinoises, du
rassemblement matinal de tai chi et d’une gymnastique saine radiodiffusée. Simultanément, le disco des
vieux n’est pas « national », ne venant pas de l’état. Il provient de plus bas, repoussant les formes de
disciples nationales jusqu’à l’allure particulière du subversif ; le disco a très tôt été banni car bourgeois et
décadent. C’est également dans un respect autre un briseur de tabous, l’allure des femmes âgées se
colorant de façon ostensible, rouge, ou paillettes ou vestes de soie remplaçant les couleurs plus sobres de
la tradition chinoise. Mais juste par l’intervention de cet élément subversif, le disike des vieux est
profondément chinois.
Le mot lui-même souligne linguistiquement la troisième position. Le disike est d’un côté une
approximation phonétique du mot occidental « disco ». Mais de l’autre côté, la syllabe chinoise di désigne
« éclairer ou guider ». C’est donc à la fois occidental et traditionnel chinois – tout autant que quelque
chose de nouveau. Comme néologisme, le disike des vieux marque une innovation venant de plus bas, de
la société civile. En danois nous dirions que c’est folkelig.
Le disco des vieux en Chine raconte, ainsi – bien qu’originaire de l’autre bout – la même histoire que
la capoeira folkelig au Danemark. Il n’y a pas qu’une voie unique de la globalisation. Et l’état national
n’est la seule – s’il y en a – source de résistance contre le marché néo-colonial et de la construction
identitaire. Le tribal est le joker.
Henning Eichberg
Idrætsforsk, Research Institute of Sport, Body and Culture,
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