Services financiers et traction animale

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Services financiers et traction animale
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Atelier Traction Animale et Stratégies d’Acteurs : quelle recherche,
quels services face au désengagement de l’Etat ?
Bobo Dioulasso – 17 – 21 novembre 2003
Services financiers et traction animale : quelles
perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Synthèse des cas
du Nord Cameroun, de l’Est Burkina et du Bassin
arachidier du Sénégal
Betty Wampfler
Cirad
Sur la base des travaux de
Ch. Kenikou (IRAD), A.Fall (ISRA), Tanor Ndao (ISRA), A.Traore (ATT),
S.Raubec (CNEARC), S.Videaut (ISTOM), I.Iboudo (Université Polytechnique de Bobo)
E.Vall, M.Havard, P.Kleene, V.Alary,R.Pirot, M.Roesch, G.Nguyen, B.Wampfler
(CIRAD)
Novembre 2003
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Résumé
La traction animale suppose un investissement important que les ménages agricoles les plus
vulnérables ne peuvent pas réaliser sur fonds propres. Le recours au crédit est alors nécessaire. Les
formes publiques de financement de la traction animale ont permis l’équipement de larges zones
pratiquant les cultures de rente. Mais ces dispositifs publics s’avèrent impossible à pérenniser et sont
aujourd’hui en très forte régression. Dans le vide laissé par l’Etat, émergent des innovations
institutionnelles portées par les organisations paysannes et la microfinance. Ces deux secteurs
expérimentent aujourd’hui à très petite échelle le financement de la traction animale mais rencontrent
eux aussi des difficultés importantes. Le développement de la traction animale implique la
mobilisation et la coordination de plusieurs types de services : financement, services vétérinaires et
zootechniques, conseil agricole, agro- équipements qui sont aujourd’hui encore largement
désorganisés suite au désengagement de l’Etat. L’avenir du financement de la TA réside dans
l’élaboration de contenus de services adaptés aux besoins et aux contraintes des utilisateurs et dans la
création d’un système de service durable autour de la traction animale. Les organisations paysannes et
l’Etat, à travers des politiques de financement adaptées ont un rôle majeur à jouer dans ces évolutions.
Mots clé :
Traction animale, services financiers, crédit, épargne, subvention, microfinance, système de services,
politique de financement de l’agriculture.
Sommaire
Introduction
I.
Les spécificités de la demande de financement de la traction animale
II.
Le financement de la traction animale, aux temps où l’Etat était « engagé »
III.
Quelles perspectives de financement de la traction animale face au désengagement de l’Etat ?
1. Ce qui reste des services financiers publics
2. Dans le vide laissé par l’Etat, émergent des innovations institutionnelles
21. Les organisations paysannes
22. La microfinance
3. Quelles sont les conditions de développement de nouvelles formes de financement de la
traction animale ?
Conclusion : Quel rôle pour la recherche ?
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Introduction
Le contexte dans lequel se développe la traction animale (TA) en Afrique de l’Ouest et Centrale se
modifie profondément avec le désengagement des Etats et la libéralisation du secteur agricole. Avant
la libéralisation, les services permettant l’accès et le développement de la TA étaient principalement
assurés par le secteur public, à travers les sociétés de développement, les projets, les banques
publiques : fourniture d’équipement et d’animaux dressés, crédit, intrants permettant l’intensification
des systèmes de production et la rentabilisation de la TA, santé animale... Avec la libéralisation, ces
services doivent se privatiser et s’insérer dans une logique économique : leur durabilité sera liée à leur
capacité à répondre à la demande, à dégager une rentabilité, et à se structurer en institution
financièrement et socialement viable.
Les services financiers ont été parmi les premiers secteurs touchés par la libéralisation. Dès le début
des années 80, l’échec quasi généralisé des banques publiques qui finançaient le développement a
conduit à une remise en cause profonde des approches en matière de financement rural. Les outils de
financement d’inspiration keynésienne utilisés après les Indépendances (banques publiques, projets de
développement, sociétés de développement) reposaient sur l’idée que l’injection de crédit dans les
économies rurales permettrait d’amorcer un cercle vertueux d’augmentation des revenus qui à son tour
engendrerait l’investissement par les ruraux. Mais le cercle vertueux ne s’est pas mis en place et les
services financiers issus de cette approche se sont avérés difficiles, voire impossible à pérenniser. La
libéralisation a fait table rase, a imposé la restructuration ou la liquidation des banques publiques, et a
instauré le concept de marché financier rural. Les systèmes de financement décentralisés, ou
microfinance, qui se développent un peu partout dans le monde aujourd’hui sont inspirés de cette
approche.
Les conditions de financement de l’agriculture ont été profondément modifiées dans cette nouvelle
approche. Les financements publics ont décliné très fortement. Les banques commerciales ne
s’aventurent pour l’instant que faiblement dans le monde rural. Les institutions de microfinance (IMF)
se sont développées en milieu rural, mais restent prudentes par rapport au secteur agricole, plus
difficile à financer que nombre d’activités économiques rurales (commerce, transport, transformation
agro alimentaire, …) (Wampfler, Lapenu, 2002). Au sein du secteur agricole, la traction animale
figure parmi les activités les plus difficiles à financer.
Le programme de recherche « “ La traction animale, composante essentielle des stratégies paysannes
en Afrique de l’Ouest et Centrale : quelles sont les pratiques de recherche face au désengagement des
Etats ? “ s’est attaché à étudier l’évolution des conditions de développement de la traction animale
dans trois régions présentant des degrés différenciés de désengagement de l’Etat : le Nord Cameroun,
la zone arachidière du Sénégal, la zone Gourmanche du Burkina. La démarche de recherche adoptée
repose sur une analyse systémique combinant l’étude des pratiques et stratégies paysannes avec une
analyse des services d’appui à la TA (conseil, fabrication d’équipement, financement). Cette synthèse
présente un volet de cette analyse et propose une réflexion sur l’évolution des conditions de
financement de la traction animale, à partir de ces trois études de cas.
Dans les trois zones étudiées, la problématique du financement de la traction animale se pose en des
termes différents, en fonction du degré de désengagement de l’Etat et d’émergence d’organisations
paysannes et d’institutions de microfinance. Dans une première partie, sont analysées les spécificités
des besoins de financement de la TA ; la deuxième partie revient brièvement sur l’analyse des acquis
et des limites du financement de la traction animale « aux temps où les Etats étaient « engagés » ; la
troisième partie analyse les perspectives de financement face au désengagement de l’Etat. En
conclusion, nous essayerons de dégager des pistes d’actions et de recherche susceptibles d’améliorer
le financement de la TA.
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
I. les spécificités des besoins de financement
pourquoi la TA est –elle si difficile à financer ?
de la traction animale :
L’équipement de TA des exploitations comporte les animaux (bovins, équins, asins, camelins en
milieu sahélien), le matériel aratoire (charrue, semoir, herse, sarcleuse,…) et le harnachement ; la
charrette, le tombereau peuvent compléter l’équipement de base. Le financement peut porter sur un
équipement initial (Nord Cameroun et Gourma burkinabe), ou sur le renouvellement d’un parc
d’équipement ancien et vétuste (Bassin arachidier du Sénégal).
Le montant d’investissement requis varie en fonction du niveau d’équipement (mono ou bi attelage,
type d’animaux, type et diversité de l’équipement), de la nature de l’équipement (
industriel/fabrication locale, neuf ou occasion), et du degré de disponibilité sur le marché local (en
fonction du parc global de matériel, de la période de l’année…).
Dans les trois zones d’étude, l’investissement requis est le plus souvent élevé au regard des revenus
monétaires annuels des ménages agricoles. La phase d’équipement peut être longue et difficile pour les
plus démunis. L’accès à la TA mobilise l’épargne de plusieurs années ou requière le recours au crédit.
A défaut, cet accès peut se faire ponctuellement par la location ou l’échange mais est alors tributaire
des disponibilités locales d’attelage, pouvant entraîner des retards importants dans la mise en place des
cultures et compromettre leur rentabilité. Les animaux représentent une part importante de
l’investissement ; mais rares sont les systèmes financiers qui acceptent le risque que comporte le
financement des animaux. Il y a donc dans la plupart des cas une mise de fonds importante à réaliser
par le ménage. Le schéma suivant modélise le financement de l’équipement pour trois catégories
d’exploitations de la zone cotonnière du Nord Cameroun (Source : Kenikou Ch., Raubec S., ATP
traction animale).
La capacité d’autofinancement de l’agriculteur,
élément déterminant du processus d’accumulation
Schéma de fonctionnement économique d’une exploitation
Activités génératrices
de revenus monétaires
et non monétaires
du ménage
Charges de reproduction
des forces productives
Entrées monétaires
et non monétaires
Autoconsommation
(travail, intrants)
Dépenses
exceptionnelles
(maladies)
Crédits
de précaution
(m-o, location, intrants)
Consommations
additionnelles
+
+
+
oui
Épargne de
précaution
non
Épargne excédentaire
= CAPACITE
d ’AUTOFINANCEMENT
Renforcement forces
productives
Accumulation
en capital
productif
Réserve de reproduction
Excédent
annuel
épargnable
Crédits
d’investissement
Crédits...
Légende :
Exploitations au seuil de reproduction
Exploitations au seuil de stabilisation
Exploitations > seuil d’accumulation
en gras, le processus d’accumulation en k productif...
Épargne de
transmission
Remboursement dettes
crédits divers
Crédits
de reproduction
Ce schéma montre que pour faire face à la
multiplicité des dépenses, l’agriculteur a recours à
plusieurs réserves d’épargne domestique et à de
multiples formules de crédit, le plus souvent
informelles et peu disponibles.
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
La capacité d’épargne des ménages dans les trois zones étudiées est limitée par la faiblesse des
revenus monétaires annuels, conjuguée avec la pression économique et sociale forte qui s’exerce sur
les chefs d’exploitation. Par ailleurs, les ménages continuent à marquer une préférence pour l’épargne
en bétail traditionnelle, l’épargne monétaire reste difficile à mobiliser.
S’il y a recours au crédit, celui ci sera un crédit de moyen terme et de montant relativement important,
deux facteurs qui conduisent à une prise de risque élevé pour le prêteur. Ce risque est renforcé encore
quand il s’agit de financer les animaux, qui peuvent mourir, disparaître, ou perdre de la valeur par
manque de soin par exemple. Pour couvrir ce risque, le prêteur aura recours à une demande de
garantie. La capacité des ménages agricoles non équipés à fournir cette garantie varie en fonction de
leur patrimoine, mais est le plus souvent faible et handicapée par le contexte institutionnel et
juridique : l’absence de titre foncier par exemple est un frein majeur au développement du crédit
moyen terme pour l’équipement.
Même si la TA permet d’améliorer les performances de l’agriculture vivrière, les trois études de cas
montrent que son développement est le plus souvent lié à l’adoption d’une culture de rente permettant
de dégager des revenus monétaires (arachide au Sénégal, coton au Burkina et Cameroun) sûrs et
réguliers. Le financement est facilité si l’équipement de TA génère une rentabilité monétaire directe :
ainsi observe –t-on un développement rapide de l’équipement en charrettes dans les zones où il existe
un marché du transport actif ; ce développement est beaucoup plus faible par exemple dans l’une des
sous zones analysées dans le Gourma Burkinabe (Botou) où la demande de services de transport est
faible et ne permet pas de rentabiliser une charrette.
La rentabilité de la traction animale est conditionnée par la conjugaison de différents facteurs
endogènes et exogènes à l’exploitation : disponibilité foncière, disponibilité de main d’œuvre, capacité
de fertilisation, changement de pratiques pour limiter l’érosion,… Cette rentabilité peut être différée
dans le temps, l’acquisition d’une technique sure demandant un apprentissage. Au delà des contraintes
inhérentes à l’exploitation et au contexte agricole, la rentabilité de la TA dépendra de la qualité des
services d’appui à l’agriculture, mais aussi de la qualité de l’accès au marché (pour l’accès aux
animaux, le renouvellement des pièces de l’équipement, mais aussi plus globalement pour la
commercialisation des productions qui permettront de rentabiliser la TA).
Le financement de la TA peut être facilité dans les contextes ruraux où la diversification des activités
économiques des ménages permet de générer des revenus monétaires complémentaires – voire plus
importants – que les activités agricoles elles-mêmes.
Les besoins de financement de la TA s’inscrivent dans un ensemble de besoins de l’exploitation
agricole (besoins de financement de campagne agricole, de stockage), mais aussi plus largement de
l’unité ménage/famille : besoins de financement d’activités productives non agricoles, mais aussi
besoin de consommation (vivres, écolage, …) et parfois besoins de financement d’urgence. Le
financement de la TA ne peut être raisonné en dehors de cet ensemble de besoins.
L’encadré suivant présente trois monographies d’exploitations agricoles du Bassin arachidier du
Sénégal qui illustrent la problématique de renouvellement de l’accès à l’équipement de TA.
Entretiens avec les paysans de Yeri Gueye
Source : Mission M.Havard /B.Wampfler Février 2003
Yeri Gueye est un village situé entre Diourbel et Mbacké qui a fait l’objet d’un travail d’étudiant sur les
exploitations agricoles dans le cadre de l’ATP.
Ce village a vu les premiers équipements de traction animale en 1936/1937. C’était un semoir de 3 500 Fcfa
obtenu a crédit auprès de la Société de Prévoyance (avance de 350 Fcfa plus 4 annuités). Il était tiré par un
cheval. Deux ans après, la traction animale a commencé à progresser avec l’acquisition de semoirs et de houes
occidentales.
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
A partir de 1960, la SODEVA et l’ONCAD ont introduit la traction bovine. Après 3 ans d’utilisation, les paysans
l’ont abandonnée.
Aujourd’hui, les paysans rencontrent des difficultés avec les semences : la variété d’arachide 55-437 est
dégradée, le niébé est disponible en quantités insuffisantes, celles de mil sont mauvaises quand la pluviométrie
est faible. Il y a très peu d’organisations dans le village : un GIE pour l’embouche bovine, et une association de
femmes. L’Etat a financé un moulin, puis son remplacement pour le groupement des femmes ; aujourd’hui, ce
moulin est en panne. Les paysans connaissent le CNCR par la manifestation organisée à Dakar (Six du village
ont participé).
Avec le chef de village et son fils, trois exploitations (une petite, une intermédiaire et une grande) ont été
choisies pour des entretiens, plus le gestionnaire de la coopérative (représentant CNCR pour les paysans ?).
Une petite exploitation
L’exploitation de A.G. se compose de 7 personnes (le chef d’exploitation, sa femme, sa mère, et 4 enfants).
Seuls les deux enfants les plus âgés (13 et 15 ans) travaillent. A.G. s’est installé il y a 10 ans, en héritant de son
père. L’héritage comprenait une houe qu’il a revendue pour acheter de la nourriture, et en a racheté une autre un
an après à 7500 Fcfa grâce à ses activités de petit commerce à Dakar. A son installation, il ne possédait pas
d’ânes, ni de chèvres et une seule case. Trois ans après son installation il a acheté un semoir qu’il a revendu 2
ans après.
Aujourd’hui, il possède 5 ha (2 ha de mil, 1 ha de niébé, 2 ha de jachère, et du Bissap autour des champs). Il a
abandonné l’arachide depuis 5 ans par manque de semences, la section villageoise ne leur faisant plus crédit pour
les semences. Il y a deux chèvres (une pour A.G ., l’autre pour sa femme) et trois poules avec leurs petits (une
pour lui, une pour sa femme, une pour sa mère). Sa mère fait le commerce des condiments au village.
Il possède 1 houe occidentale, 1 anesse et 2 petits. L’âne qu’il possède a été acheté (20 000 Fcfa) il y a 3 ans
grâce à une bonne production en mil. En moyenne, il produit de 500 à 600 kg de mil, ce qui est insuffisant pour
nourrir sa famille, de 50 à 100 kg de niébé, et 3 bassines de bissap (en vend deux entre 4 000 et 6 000 Fcfa
l’unité, et en consomme une).
Il a cessé ses activités de petit commerce car il n’a pas suffisamment de main d'œuvre pour les travaux dans sa
concession (entretien cases et palissade). Mais il fait le maçon au village et revend des pailles de mil pour
compléter sa ration alimentaire. La production de mil en 2002 a été mangée en 2 mois. Pour construire les cases,
il n’achète que les tôles, car il fait lui-même les briques, il coupe les branches d’arbres pour les piquets et il
récolte les chaumes. Puis, il fait appel à l’entraide pour construire.
Pour améliorer sa production il a besoin de crédit pour l’acquisition de matériels agricoles (semoir surtout pour
semer plus rapidement sans attendre que les autres paysans aient fini), d’engrais, de semences, et pour faire de
l’embouche. Il n’est pratiquement pas possible d’obtenir des prêts au village avec les autres paysans. La caisse
CNCA la plus proche est celle de Diourbel à 25 kms.
Il ne peut pas étendre ses terres dans le village, mais des possibilités existent dans les villages peuls voisins.
Mais, il n’a jamais envisagé de recourir à cette solution car il a encore des terres en jachère qu’il pourrait cultiver
s’il avait des semences.
Une grande exploitation
Le carré de I.S. est composé de 2 ménages dont celui de son grand frère basé à Dakar (2 femmes et 4 enfants).
Le ménage de I.S. (2 femmes) est composé de 15 personnes.
A son installation, il y a 17 ans il avait une femme, un âne, un cheval, un semoir, une houe. Il avait pris un crédit
avant son installation pour acheter 2 semoirs et 1 houe. Il cultivait 5 ha donnés de son père. Il a hérité de 15 ha
supplémentaires à la mort de son père.
I.S. possède 20 ha, en laisse 7 en jachère et il en loue d’autres dans le village. L’école coranique est chez lui. Il
ne recrute pas de sourga, ni de main d'œuvre. Tous les travaux sont réalisés avec la main d'œuvre familiale.
Son assolement est composé de 7 ha d’arachide (5 T de gousses environ), 7 ha de mil (3 T), 2 ha de niébé (1 T),
1 ha de sorgho (800 kg), 2 ha de manioc (48 sacs vendus), 1 sac de maïs (800 kg).
Il possède 5 houes occidentales dont une de fabrication artisanale, 3 semoirs, 4 souleveuses d’arachide, 2
charrettes, un pressoir manuel à huile d’arachide, et une décortiqueuse manuelle d’arachide. Son cheptel de trait
est composé de 3 chevaux (dont 2 juments) et de 2 ânes. Il a pu acquérir tous ces équipements et animaux à partir
de sa production.
Il a un bœuf dans le troupeau du village, 2 brebis, 3 poules. Ses femmes possèdent 20 brebis et 6 volailles.
Il a un atelier d’embouche composé d’un bœuf acheté 70 000 Fcfa il y a 9 mois, de 3 moutons en embouche pour
4 mois, dont 2 ont été achetés (25 000 Fcfa l’unité) et le troisième est né dans l’exploitation. Il compte revendre
son bœuf en avril à 100 000 Fcfa (les prix ne sont pas très élevés cette année), soit après un an d’embouche.
Pendant la saison sèche, les élèves de l’école coranique collectent de la paille qu’il revend.
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Il a besoin d’équipements supplémentaires (2 semoirs, 3 houes) pour augmenter ses superficies cultivées. Il
n’aurait pas besoin de chercher de nouvelles terres si ses sols étaient plus fertiles. Il estime que les sols se sont
appauvris depuis son installation, et qu’il pleut moins. Il utilise de l’engrais en quantité limitée : 3 sacs de NPK
sur arachide et 2 sacs sur mil. Il ne peut pas acheter les matériels agricoles sur les marchés en mai-juin, car à ce
moment là, il n’a plus l’argent en liquide. Il élève ses animaux de trait.
Pour lui, l’amélioration de sa situation ne peut passer que par une bonne gestion de sa production les années
favorables.
Une exploitation intermédiaire
M.G. s’est installé en 1975 sur 10 ha appartenant à un de ses oncles. Dix ans plus tard, les fils de son oncle ont
repris les 10 ha ; le père de sa mère lui a alors donné 5 ha. Il ne peut pas aujourd’hui compter sur de nouvelles
superficies.
Il a aujourd’hui 2 femmes et 8 enfants dont 2 ne sont pas actifs.
Il n’a pas fait d’arachide depuis 5 ans. En 2001, il a cultivé 2 ha de mil (production 500 kg) et 0,5 ha de niébé
(production de 100 kg). Les productions sont faibles à cause d’une faible pluviométrie. Le reste est cultivé par
ses femmes. Ses femmes possèdent 4 chèvres.
Ces productions ne permettent la nourriture de sa famille que pendant 7 mois. Pour compléter la nourriture, il fait
du petit commerce à Dakar. Il doit repartir à Dakar dans les jours à venir pour faire du commerce.
Il possède 1 semoir, 1 houe occidentale et 1 souleveuse arara. Ce matériel a été acquis à crédit avant 1980. Il
possède aussi un âne, mais il aimerait avoir un cheval pour cultiver plus facilement ses 5 ha.
Les besoins de financement s’expriment au niveau des exploitations agricoles, mais aussi au niveau
des artisans qui, dans un contexte libéralisé, peuvent prendre le relais de l’industrie pour la fabrication
du matériel. Un frein important au développement d’un artisanat de proximité est le manque de fonds
de roulement permettant l’achat de la matière première et des pièces importées qui composent certains
équipements aratoires. Les études menées dans les trois pays montrent que les ateliers sont en général
de très petite taille, faiblement dotés en patrimoine susceptible de constituer une garantie pour un
emprunt. Les ateliers sont le plus souvent dépourvus de comptabilité et leur gestion budgétaire n’est
pas dissociée de celle du ménage. Les comptes d’exploitation et la rentabilité de l’activité sont de ce
fait difficiles à appréhender par un éventuel prêteur. Par ailleurs, le secteur artisanal est faiblement
organisé et a peu de contacts avec les systèmes de financement de proximité et encore moins avec les
banques. Au Sénégal et au Burkina, des projets ont appuyé le secteur artisanal (fabrication de matériel,
appui à la gestion, accompagnement de l’organisation du secteur) mais touchent davantage l’artisanat
urbain que l’artisanat rural.
II.
Le financement de la traction animale, aux temps où l’Etat était
« engagé »
1. Trois « outils « pour financer la TA
Le développement de la traction animale a été financé pour une large part par des fonds publics sous
forme de crédit conjugués avec des subventions. Trois types d’institutions ont été utilisés pour
« acheminer » ce financement vers les bénéficiaires : les banques publiques, les sociétés de
développement, les projets de développement.
Les banques publiques
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
La plupart des pays d’Afrique de l’Ouest ont connu deux générations de systèmes de financiers
publics 1 fondées sur des principes similaires 2 et qui ont toutes deux abouti à des échecs sévères.
La première génération de systèmes de financement rural créés après les indépendances (1960-1980) )3
n’avait pas un vrai caractère bancaire. La distribution du crédit était assurée par une institution
publique (de type Banque de développement généraliste, société de développement, ou, beaucoup plus
rarement une institution bancaire spécialisée) et la réception du crédit était confiée au secteur
coopératif. Les services financiers fournis à travers ce modèle étaient avant tout centrés sur le crédit, et
plus spécifiquement encore, sur le crédit à l’agriculture de rente. Le crédit était essentiellement de
court terme, utilisé pour promouvoir une culture, une technique, ou un paquet technique ; les mêmes
institutions assuraient la fonction de crédit et la fonction de vulgarisation auprès des producteurs. Le
crédit, transitant par de multiples intermédiaires institutionnels et techniques, arrivait difficilement
jusqu’au producteur qui ne se sentait pas de fait, responsabilisé pour son remboursement. Au fil des
années 70, la plupart de ces systèmes financiers de première génération ont fait faillite, pour cause de
taux d’impayés insoutenables et de défaillance importante de gestion. Ces échecs ont été attribués
d’une part au caractère étatique et au manque de culture bancaire des institutions distributrices du
crédit, et d’autre part au manque de fiabilité des structures coopératives réceptrices du crédit. Une
conclusion s’est alors imposée : la fonction de financement rural ne pouvait être efficacement assurée
que par des institutions à caractère bancaire, autonomes et spécialisées. C’est de ce principe que sont
issues la plupart des banques agricoles d’Afrique de l’Ouest créées au début des années 80.
Même s’il se voulait en rupture avec la première génération de systèmes financiers, le schéma
institutionnel mis en place autour des banques agricoles différait finalement peu du modèle précédent :
en amont du dispositif, une banque agricole, centralisée, distribue le crédit à des structures
d’encadrement de la production agricole dans lesquelles le rôle de l’Etat est prédominant (Offices
Régionaux de Développement, Sociétés mixtes...). Ces structures d’encadrement assurent l’octroi de
crédits aux producteurs individuels, aux organisations paysannes, aux coopératives. Le crédit octroyé
est là encore limité au secteur agricole et, après l’échec de quelques tentatives de diversification
(pêche, artisanat), se focalise rapidement sur les cultures de rente, dont le mode de gestion intégrée
limite les risques d’impayés. Les crédits sont de court terme et de moyen terme (culture attelée
principalement). Les taux d’intérêt pratiqués sont bas, subventionnés, pour favoriser l’investissement
rural. La fonction d’épargne est plus diversement prise en charge dans ce schéma institutionnel :
quelques expériences de collecte de l’épargne paysanne montrèrent que celle-ci avait un coût élevé, et
ne constituait pas de ce fait une ressource intéressante pour la banque, au regard des faibles taux
d’intérêt sur le crédit.
Très rapidement, au fil des années 80, les banques agricoles se retrouvent confrontées à des taux
d’impayés importants, et des défaillances de gestion qui entraînent leur endettement croissant auprès
de la Banque Centrale. A la fin des années 80, la plupart des banques agricoles d’Afrique de l’Ouest
sont en liquidation ou en réhabilitation. Après restructuration, ne survivront que trois banques
agricoles, la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCA-S), la Banque Nationale de
Développement Agricole du Mali (BNDA), la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Burkina (CNCA
–B).
1
Von Pischke, J.D., Adams, D.W., Gordon, D., 1983. Rural financial markets in developing countries. Their use
and abuse. Economic development institute of the World Bank.
2
Lebreton Ph., 1989. Les banques agricoles en Afrique de l’Ouest. CCCE, Notes et Etudes n°24
3
Cette fourchette de dates est indicative, susceptible de variation selon les pays
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Les sociétés de développement
Partenaires des banques publiques, les sociétés de développement organisées autour des filières de
cultures de rente (coton au Burkina et Cameroun, arachide au Sénégal) ont été, et restent encore dans
quelques pays d’Afrique de l’Ouest, des outils importants de financement de l’équipement agricole et
de la TA.
Selon les contextes, le crédit TA donné par la société de développement porte sur l’équipement
aratoire uniquement (Cameroun, Burkina) ou peut inclure les charrettes ou, plus rarement, les animaux
de trait. Le crédit transite par les groupements de producteurs et est « sécurisé » par un prélèvement
direct du remboursement sur la récolte de la culture dont la société de développement détient le
monopole de collecte et de commercialisation. Le plus souvent, une seule culture est source de revenus
monétaires et doit permettre de faire face aux différents emprunts agricoles : intrants, équipement,
crédits sociaux.
Le crédit s’insère dans un ensemble de services organisés autour de la culture de rente
(accompagnement technique, approvisionnement, vulgarisation, commercialisation, …) qui contribuent
à en renforcer la sécurisation et la rentabilité.
Le crédit géré par les projets de développement
Le binôme banque/société de développement concentré sur les zones de production de rente laissant de
nombreuses zones dépourvues d’accès au financement, une fonction de crédit s’est développée
parallèlement au sein des projets de développement. Conçu pour appuyer les actions du projet
(développer une culture ou une technique données), le crédit est le plus souvent associé à un paquet
technique et subventionné. Au sein du projet, le système de crédit est géré par les équipes techniques,
assurant en même temps les autres fonctions du projet, ce qui peut conduire l’agent aménageur de
diguettes anti érosives, ou le conseiller agricole à devenir « agent de crédit ». La fonction épargne n’est
le plus souvent pas prise en compte.
Au sein des projets, le crédit à la traction animale finance l’équipement et/ou les animaux, selon le
degré de disponibilité de ceux ci dans une région donnée. L’équipement est choisi et fourni par le
projet. Le plus souvent, l’acquéreur bénéficie pendant la durée du projet, de services
d’accompagnement eux aussi subventionnés : formation technique à l’utilisation de la TA, suivi
sanitaire des animaux, entretien du matériel..
2. Des résultats mitigés
Au fil des années 80, dans le contexte de libéralisation croissante, les échecs sévères de ces modes de
financement publics et la difficulté de les pérenniser ont conduit à en faire brutalement table rase
(comme dans le cas de la Nouvelle Politique Agricole du Sénégal), ou à les réduire progressivement.
Quinze ans plus tard, la libéralisation montre elle aussi ses limites en la matière et les difficultés
rencontrées imposent de reconsidérer de manière plus objective les acquis et les limites du
financement public de l’agriculture. Le financement de la TA est à ce titre particulièrement
exemplaire.
21. Des réussites évidentes
Le financement public s’est avéré difficile à pérenniser, mais a néanmoins permis d’équiper en
matériel de traction animale de larges zones de cultures de rente (zones cotonnières, zones
arachidières) à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Le cas du Bassin Arachidier du Sénégal en est un excellent exemple. Tout le parc de matériel de TA
du Bassin a été mis en place à travers ce type de financement. En 1980, à l’issue de la période active
de financement public de l’équipement, le parc de matériel de traction animale était évalué à 190 000
semoirs, 296 000 houes, 124 000 charrettes, 82 000 souleveuses, 56 000 charrues, 8 900 butteurs et
2000 Unités de culture attelée. Pendant les vingt années suivantes, quasiment aucun matériel neuf n’a
été introduit dans le Bassin Arachidier ; le parc initial est maintenant vétuste et malgré l’habilité des
artisans à le réparer, demande à être renouvelé.
22. Mais aussi des limites fortes : des régions oubliées du développement
Les régions d’agriculture vivrière, les régions d’extension périphérique des bassins de culture de rente
ont été exclues de ces financements. La région du Gourma au Burkina est un exemple.
La région Est Burkina, une région oubliée du développement ?
La région Est est restée longtemps à l’écart des efforts de modernisation agricole et rurale engagés activement
dans les années 60 dans les régions Ouest et Centre du Burkina. L’encadrement agricole et le développement de
la TA ont été assurés jusqu’à la fin des années 80 par l’Office Régional de Développement de l’Est (ORD Est),
remplacée en 1988 par le Centre Régional de la Production Agricole (CRPA). Même avant la phase active de
désengagement de l’Etat, ces services ont toujours été faiblement dotés dans la région Est. Malgré des
conditions agro-climatiques favorables dans la partie méridionale de la Région Est, la production de coton ne
s’y est développée que très récemment. Ainsi, la province de la Tapoa, qui assure aujourd’hui environ les deux
tiers de la production de l’Est, produisait dans les années 70 environ 80 tonnes de coton annuellement. A la fin
des années 80, ce volume était tombé à moins de 20 tonnes par an. Une reprise de la production est observée au
début des années 90 (250 à 480 tonnes/an) et s’accentue véritablement à partir de 1996, avec la mise en œuvre
de la politique nationale de relance cotonnière.
La diffusion de la TA dans cette zone est très fortement liée au rythme de l’extension cotonnière. Son
financement a été très limité jusqu’au début des années 90. La Caisse Nationale de Crédit Agricole n’est
présente dans la zone Est que depuis 1990. Son implantation n’a pas été « spontanée », mais réalisée sous
l’impulsion d’un projet local de développement intégré (PDRI) qui a financé les infrastructures et pris en
charge le fonctionnement de la première agence pendant les premières années d’exploitation. L’agence de Fada
a été ouverte en 1999, sur ressources propres de la CNCA.
23. Et surtout, une quasi impossibilité de pérenniser le service
Les échecs des crédits publics à l’équipement agricole dispensés par les banques comme par les projets
participent à la problématique générale de l’échec du crédit agricole public. Si les causes de ces
échecs ont été partiellement conjoncturelles, liées aux risques co-variants de la production agricole (les
sécheresses sévères des années 80 qui ont détruit les récoltes et les troupeaux, et entraîné des déficits
vivriers graves, peu propices au remboursement des crédits), les raisons majeures en sont structurelles.
Dans toutes ces expériences, le crédit agricole a été faiblement remboursé. Plusieurs raisons y ont
contribué. Le crédit octroyé a souvent été détourné de la finalité qui lui donnait le prêteur : concentré
sur l’agriculture et les productions de rente, il ne répondait pas pleinement aux besoins réels des
ménages englobant la consommation, les investissements sociaux et les activités productives non
agricoles, plus rentables et moins aléatoires que l’agriculture. Le laxisme du suivi des crédits,
l’absence de responsabilisation des bénéficiaires sont une autre cause. Les systèmes de garantie
défaillants, l’absence de recours juridique ont limité les possibilités de pression coercitive.
Les taux d’intérêts faibles conçus dans une perspective d’injection de crédit dans les économies
locales, et très inférieurs au coût réel du crédit, n’ont pas permis de couvrir les frais de
10
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
fonctionnement et de reproduction du système de crédit. Les détournements de fonds, les impayés ont
renforcé les déficits des structures de crédit.
Les banques agricoles se sont avérées être des structures coûteuses, difficiles à gérer et à décentraliser.
Le crédit des banques comme celui des projets a été souvent utilisé à des fins politiques, entraînant une
détérioration profonde et durable des mentalités par rapport au crédit. Avec la baisse des fonds de
l’aide internationale, les ressources publiques dévolues à ces financements ont fortement baissé.
Comme aucun de ces systèmes de financement n’était appuyé sur l’épargne, l’épuisement de la
ressource financière a contribué à mettre en évidence les faibles perspectives de pérennisation de ces
systèmes de financement. Par ailleurs, quand les ressources de crédit diminuent, c’est toujours le crédit
à l’équipement, consommateur de ressources et risqué, qui est réduit en premier.
Tant que les filières sont restées fortement intégrées, les systèmes de crédit des sociétés de
développement ont globalement mieux résisté. Mais la sécurisation par le prélèvement direct sur la
collecte de culture de rente n’est pas infaillible (cf.III). Des baisses de production conjuguées à la
défaillance des systèmes de caution solidaire au sein des organisations paysannes intermédiaires ont
conduit ponctuellement à des situations d’endettement des producteurs et de blocage des systèmes de
crédit. Là encore, l’utilisation politique du crédit, qui a souvent conduit à l’effacement des dettes, a pu
favoriser la gestion laxiste et la détérioration des mentalités par rapport au crédit.
Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, cet ensemble de causes a conduit à un
désengagement rapide des Etat du financement de l’agriculture et de la traction animale en particulier
qui s’est généralisé au début des années 90.
III.
Quelles perspectives de financement de la traction animale face au
désengagement de l’Etat ?
Les trois études de cas montrent que l’offre de financement de la traction animale a été drastiquement
réduite au cours de la dernière décennie. Même s’il reste des contributions publiques (1.), l’offre
repose aujourd’hui essentiellement sur les innovations institutionnelles constituées par l’action
collective (2.) et les institutions de financement décentralisé (3.). La libéralisation n’a pour l’instant
pas abouti à le structuration d’une offre du secteur privé. Les banques commerciales classiques sont
très peu présentes dans le financement du monde rural, et inexistantes dans le financement de la
traction animale. Les enquêtes n’ont pas permis d’identifier un crédit fournisseur d’envergure. Tout
juste peut-on observer ponctuellement le développement de pratiques informelles (épargne
progressivement déposée par un acheteur auprès d’un artisan forgeron, …).
1. Que reste –t-il du financement public de la traction animale ?
11. Périphériques au financement, mais vitaux pour sa sécurisation, des services
d’accompagnement qui se désagrègent
L’analyse des besoins soulignait l’importance des services d’accompagnement de la TA pour la
sécurisation et la rentabilisation du financement. Dans nos trois études de cas, ces services
apparaissent intacts dans la zone cotonnière du Nord Cameroun, très fortement dégradés dans l’Est du
Gourma (cf. encadré), et dégradés mais en possible recomposition au Sénégal, sous forme de
programmes d’appui (ANCAR, …) en voie de « privatisation ».
11
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
La situation des services techniques agricoles dans la région Est du Burkina
(Source : Wampfler B, 2001)
Dans la zone de Diapaga, les services agricoles comptaient 30 personnes au début de la décennie 90 ;
aujourd’hui, les effectifs sont réduits à 20 personnes, dont plus de la moitié partira à la retraite dans les deux
ou trois années à venir. Les équipes ne sont renouvelées, leur moyenne d’age est élevée. Leurs moyens de
fonctionnement sont extrêmement limités : peu de moyens de transport, des bâtiments délabrés non réparés,
aucun ordinateur – qui ne serviraient de toute façon à rien puisqu’il n’y a d’électricité dans les bureaux -, plus
de fournitures …
Les activités de ces services ont été fortement réduites, et recentrées sur des « méthodes adaptées au processus
de libéralisation » : formation de paysans-relais qui devront retransmettre leur formation à des groupements
paysans, sensés rémunérer le formateur en fonction de l’efficacité de ses prestations…
Le personnel des services rencontrés apparaît profondément démotivé, et sans illusion sur un éventuel retour en
arrière.A l’extérieur, tant auprès des paysans que des autres institutions locales, l’image des services est
extrêmement dégradée (« services qui ne servent plus à rien, ne sortent plus, dont il ne faut plus rien
attendre… »), ce qui renforce évidemment la perception négative que le personnel public a de sa fonction.
La seule perspective pour l’administration agricole est le financement de certaines de leurs activités par des
projets ou par les bailleurs de fonds de nature très diverse qui prospectent dans la région Est (Coopérations
internationales ou bilatérale, mais aussi de plus en plus, coopérations décentralisées, ONG caritatives, sponsors
privés du Nord …).
Au delà de leur propre situation de détresse, les services agricoles expriment une préoccupation forte par
rapport à l’évolution de la gestion des ressources naturelles, menacées selon elles par un développement
anarchique du coton. Cette préoccupation est à resituer dans le contexte de concurrence qui oppose les services
agricoles aux services de la SOFITEX, publics eux aussi mais infiniment mieux dotés en moyens. Cela étant,
cette préoccupation apparaît aussi dans les discours des organisations paysannes et des ONG locales.
Le faible développement de la traction animale est perçu par les services agricoles comme l’un des freins
majeurs à l’intensification de la production agricole et à l’amélioration de la sécurité alimentaire, très précaire
dans la région Est. Le jugement porté sur les opérations de promotion conduites par l’Etat est mitigé et les
services agricoles sont bien souvent conscients de leurs défaillances et manques de compétence dans la gestion
de ces opérations, notamment au niveau des crédits. L’analyse s’achève cependant invariablement sur le constat
désabusé que tous les leviers du développement de la traction animale (financement, introduction de
l’équipement, formation) ont échappé au service public.
La dégradation des services d’accompagnement a un impact négatif direct sur la diffusion de la TA,
mais aussi plus globalement sur les conditions de sa rentabilisation au sein des exploitations. Ainsi, au
Sénégal par exemple, la rupture de l’approvisionnement en semences d’arachide, les
approvisionnements sporadiques en intrants, l’absence de conseil agricole ont contribué à la baisse
drastique de la production arachidière qui compromet les capacités d’autofinancement des
exploitations.
12. L’offre des banques publiques
Le Nord Cameroun ne compte aucune banque publique finançant la TA. Les banques agricoles qui
restent actives au Burkina et au Sénégal conservent un portefeuille encore essentiellement rural,
relativement diversifié pour le CNCA du Sénégal, fortement concentré sur la filière coton pour la
Banque Agricole et Commerciale du Burkina (nouvelle dénomination de la CNCA). Toutes deux
proposent un crédit moyen terme pour la traction animale.
Tableau X. L’offre de crédit traction animale des banques agricoles du Sénégal et du Burkina.
Objet financé
Taux d’intérèt
Durée
Type de garantie
BACB Burkina
CNCA Sénégal
Equipement (espèces) et animaux Equipement
(en nature)
10%
5 ans, avec un an de différé
Apport personnel de 10 à 30% +
12
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
garantie matérielle + prélèvement
direct sur recette cotonnière pour les
producteurs coton
Une offre de financement de la TA qui régresse
Si l’offre existe bien, les volumes de financement engagés sont faibles au regard des besoins et
régressent fortement dans les années récentes.
1997/1998
1998/1999
1999/2000
2000/2001
2001/2002
2002/2003
BACB Burkina – Crédit traction CNCA Sénégal
animale pour trois provinces de Crédit matériel agricole
l’Est (Millions CFA) (*)
Echelle
nationale
(Millions
CFA)(**)
100
1017
56,5
1248
24,5
1284
Moins de 20
586
16 M sur une ligne de 25 M
554
25 M mis à disposition
Prévision 109
Sources :
(*) : communication de la BACB à l’atelier ATP Fada Septembre 2002
(**) : communication CNCA du Sénégal à la mission Havard-Wampfler en février 2003
Ces évolutions s’expliquent à la fois par les difficultés rencontrées dans le recouvrement et par les
évolutions du contexte économique et institutionnel.
Dans le région Est Burkina
La stratégie de réduction des crédits à la TA de la BACB Est Burkina, est d’abord à resituer par
rapport à la stratégie de la banque au niveau national. Banque agricole publique, elle assure une part
importante du financement de l’agriculture au Burkina. Même si d’autres filières sont prises en
compte, la mobilisation de ses ressources est concentrée sur la filière coton (60% des engagements de
la Banque). Cependant, faute de ressources suffisantes, la CNCA a du réduire fortement sa
participation au financement de la filière : en 1999, par exemple, sa participation n’était plus que de 11
milliards sur l’enveloppe globale de 35 milliards accordée à la filière coton. Cette difficulté à porter le
développement de la filière coton fragilise la position institutionnelle de la CNCA. Par ailleurs, le
poids que la filière coton représente dans son activité et les difficultés liées à la croissance des impayés
de crédit coton la fragilisent sur le plan économique et financier. Ces différents facteurs contribuent à
expliquer sa très grande prudence dans le financement de la traction animale, risquée et à rentabilité
aléatoire, dans une zone encore aussi marginale que la région Est.
Les mauvais résultats obtenus avec le crédit TA au niveau régional renforcent les réticences de la
Banque. Les crédits culture attelée octroyés lors de l’installation de la CNCA à Diapaga en 1990 ont
connu d’emblée des problèmes graves de remboursement. Les impayés se sont accumulés sur les
crédits intrants entre 1993 et 1995 ; les octrois n’ont pu être repris que grâce à un apurement de la
dette des groupements de producteurs par l’Etat. mais les crédits culture attelée constituent encore
aujourd’hui 80% des impayés de la BACB –Est. Par ailleurs, l’expérience montre que la caution
solidaire utilisée comme garantie pour les crédits via les groupements de producteurs, ne fonctionne
pas de manière satisfaisante ; même avec la sécurisation offerte par le prélèvement du remboursement
de crédit sur la vente de la production, le système reste risqué.
Les actions mises en œuvre pour assainir la situation financière ont renforcé la sévérité des conditions
d’accès au crédit, tout particulièrement pour la TA : les groupements villageois initiaux (GV), de très
grande taille) ont été restructurés en groupements de producteurs plus restreints (GPC, comptant une
vingtaine de membres), à priori plus aptes à appliquer la caution solidaire ; un tri sévère a été fait
entre les « bons et les mauvais groupements » ; les mauvais payeurs ont été exclus de l’accès au
13
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
financement ; les conditions de garantie ont été renforcées : l’apport personnel initial a été porté de 10
à 25% du montant de crédit.
Malgré ces conditions drastiques d’accès au crédit, le système reste fragile. La garantie de
remboursement par prélèvement direct sur la récolte coton et les liens étroits avec la SOFITEX,
restent le cœur du dispositif de sécurisation du système financier de la CNCA.
Au Sénégal
L’analyse de l’évolution des financements de TA de la CNCA Sénégal illustre le poids de
l’environnement institutionnel sur la problématique du financement.
Le matériel agricole financé par la CNCA est essentiellement constitué par de l’équipement de traction
animale de fabrication industrielle, fourni par la SISCOMA et URPATA Sahel ; seul le matériel de
fabrication industrielle semble retenu comme une option fiable par la banque. De 1997 à 1999, on
observe trois années de contribution significative de la CNCA au financement de matériel agricole.
Les volumes annuels financés sont en croissance par rapport aux années précédentes, variant de 1,0 à
1,2 milliards de FCFA, sur un portefeuille « agricole » global de 12 milliards FCFA/an en moyenne.
La tendance s’inverse à partir de la campagne 1999/2000, avec une diminution forte des volumes de
crédits réalisés qui tombent à 109 millions en 2000/2001.
Selon la CNCA, ces variations sont étroitement liées à la conjoncture de la politique agricole
sénégalaise. La période 1997-1999 correspond à une tentative de reconstruire la confiance entre le
monde agricole et les systèmes financiers. Les organisations paysannes rassemblées au sein du CNCR
se sont investies dans la question du financement de l’agriculture : leurs propositions portaient sur un
nécessaire un assainissement du crédit rural 4 (un crédit doit se rembourser, ne doit pas être utilisé à
des fins politiques,…), sur une implication plus forte des organisations paysannes dans les systèmes de
financement du monde rural (participation au capital de la CNCA, création de mutuelles, …) et sur la
création de fonds de sécurisation du crédit agricole. Ce type d’outils avait été envisagé dès la création
de la CNCA en 1984, mais n’a finalement été mis en œuvre que quinze ans plus tard. Sous l’impulsion
des organisations paysannes et de la CNCA, l’Etat sénégalais s’est doté d’un fond de bonification des
crédits permettant à la CNCA de proposer un taux d’intérêt de 7,5% sur les crédits à l’agriculture, d’un
fond de garantie et d’un fonds de calamités. D’après les acteurs interrogés, la conjugaison de ces
différents éléments semble avoir contribué à reconstruire un semblant de confiance entre les différents
partenaires et serait à l’origine de la croissance des volumes de financement entre 1997 et 1999, ainsi
que des bons taux de remboursement observés à cette période.
La rupture de cette dynamique, visible en 2000, correspond à un facteur du même ordre. La campagne
présidentielle de 2000 a conduit à des discours ambigus sur le remboursement du crédit agricole (prise
en charge des intérêts, voire annulation des dettes), qui ont entraîné immédiatement des impayés
importants. Les systèmes financiers, la CNCA, mais aussi les systèmes de financement décentralisé, se
sont adaptés à cette situation de crise en se retirant des financements à risque, au premier rang
desquels figure le matériel agricole. La mauvaise campagne agricole et la détérioration du
fonctionnement de la filière arachide en 2002 ont encore renforcé l’incertitude du secteur agricole et la
grande méfiance des systèmes financiers.
Au delà du caractère conjoncturel de ces variations, la stratégie de la CNCA en matière de
financement de l’équipement agricole repose sur une grande prudence. Les contraintes auxquelles la
banque a à faire face se renforcent. Le secteur agricole, son principal client, s’enfonce dans une crise
toujours plus profonde (baisse de production, désorganisation des filières « porteuses »,
appauvrissement rapide de l’agriculture familiale). Par ailleurs, la concurrence s’intensifie dans le
4
CNCR, 1995. Propositions paysannes pour l’assainissement du crédit aux producteurs ruraux et la mise en
place d’un nouveau système de crédit agricole. Dakar, Aout 1995.
14
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
secteur bancaire, même en milieu rural (ou au moins dans les bourgs ruraux et vers les créneaux de
clientèles rurales aisées). Face à cette concurrence, la CNCA porte le poids de sa filiation publique et
politique (poids des impayés, tentation toujours vive de l’utilisation du crédit comme argument
politique), et rencontre des difficultés importantes à se décentraliser davantage (0,16 guichet pour 100
000 habitants ; 1 guichet pour 1000 villages5).
Deux orientation stratégiques qui peuvent influer sur l’offre de financement de la TA par les
banques agricoles
L’alliance avec les systèmes financiers décentralisés
Un partenariat renforcé avec les SFD apparaît comme une solution face aux difficultés de
décentralisation, de suivi et de recouvrement des crédits par les banques agricoles. Ce partenariat a été
expérimenté par les deux banques sous différentes formes (refinancement, formation professionnelle,
participation à la création de petites mutuelles, …), mais les résultats obtenus se sont avérés mitigés.
Le refinancement reste limité. Les grands réseaux mutualistes performants (Crédit Mutuel, ACEP,
PAMECAS au Sénégal, RCPB au Burkina) estiment ne pas avoir besoin de ce refinancement et se
positionnent plutôt en concurrence qu’en recherche de partenariat avec la CNCA. Quelques
collaborations existent entre les banques et de petites mutuelles, mais elles s’avèrent souvent
décevantes et risquées, du fait de la faible professionnalisation bancaire de ces petites structures. Par
ailleurs, l’implication des SFD dans le financement de la TA restant lui aussi prudent, il est sans doute
illusoire de penser qu’une amélioration substantielle du financement de la TA viendra de ce partenariat
banque agricole/SFD.
L’aspiration à devenir une « banque universelle »
Face aux difficultés de financement du monde rural et au développement de l’économie urbaine, les
banques agricoles aspirent aujourd’hui à s’affranchir de cette spécialisation pour pouvoir élargir leur
champ de clientèle, collecter l’épargne plus largement, sécuriser leurs opérations de financement. Le
changement de nom de la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Burkina, devenue Banque Agricole
et Commerciale du Burkina, illustre cette aspiration. Même si elle s’en défend aujourd’hui, confrontée
à la concurrence, la CNCA du Sénégal pourrait logiquement être tentée par ce type d’évolution. Que
deviennent à terme les mandats agricoles et ruraux de ces banques, il est trop tôt pour le dire
aujourd’hui. Mais il est évident que le financement de l’équipement agricole de l’agriculture familiale,
au regard de sa difficulté bancaire et des risques qu’il représente, ne serait sans doute plus une priorité
forte dans cette perspective.
12. Que reste –t-il de l’offre de financement de la TA des sociétés de développement ?
Parmi les trois sociétés cotonnières encore en exercice, seule la SODECOTON du Nord Cameroun fait
du crédit direct à ses producteurs. La SOFITEX au Burkina et la SODEFITEX du Sénégal se
« contentent » de gérer le recouvrement des crédits TA consentis par les banques agricoles. Mais leur
rôle reste néanmoins déterminant en matière de financement de la TA : elles structurent le
développement de la filière agricole qui fournit la majeure partie des ressources financières que les
exploitations agricoles peuvent investir dans la traction animale ; en détenant le monopole de la
collecte du coton, elles sont a priori un outil de sécurisation du crédit des banques agricoles.
5
Synergies, 2001. Etude pour la mise en place d’un système durable de financement du monde rural. Tome I et
II. Juillet 2001.
15
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Des résultats mitigés
Le système de crédit TA de la SODECOTON repose sur les groupes de caution solidaire constitués
par les GIC coton. Le crédit porte uniquement sur l’équipement, les animaux ne sont pas financés. Il
est consenti sur deux ans, à un taux d’intérêt de 10%/an, moyennant un apport personnel de 25 à 30%.
Le système permet de financer de 3000 à 4000 charrues par an pour un montant annuel de 400 à 700
millions FCFA.
Au Sénégal, le programme CNCAS/SODEFITEX de financement de matériels agricoles a connu des
difficultés importantes.
Tableau X . Evolution des financements
CNCAS/SODEFITEX Sénégal (1995-2001)
Campagnes
agricoles
1995/96
1996/97
1997/98
1998/99
1999/2000
2000/2001
Total
Montants de crédits Nombre
matériel
agricole bénéficiaires
(millions FCFA)
80,8
12, 3
75,8
93,6
73,6
50,9
387,2
de
matériel
agricole
du
programme
de Taux
de Volume
remboursement(au impayés
02/2003)
FCFA)
35
75%
12
50%
16
33%
19
0%
13
82%
9
ND
104
47%
des
(millions
26,6
7,9
45,3
55,9
3, 3
ND
139
Source : CNCAS Zone Sud
Dans la région Est du Burkina, la BACB indique que « environ 70% des impayés des crédits moyens
terme proviennent de crédit à la traction animale » 6 .
Deux facteurs peuvent à brève échéance compromettre ces dispositifs de financement public déjà
fortement ébranlés.
Les défaillances du système de sécurisation du crédit
Le dispositif de sécurisation du crédit n’est pas infaillible comme le montre les niveaux des impayés.
D’une part, il peut être remis en cause par des aléas agro-climatiques entrainant des volumes de
production faibles qui ne couvrent pas les coûts de production engagés à crédit ; d’autre part, il repose
sur la caution solidaire dont les limites ont été démontrées dans la filière coton, au Burkina comme
ailleurs.
Diverses mesures d’assainissement de la filière ont été mises en œuvre par la SOFITEX dans la
région Est Burkina : les groupements villageois initiaux (GV), difficiles à gérer du fait de leur grande
taille (100–200 membres), ont été restructurés en groupements de producteurs de coton (GPC) plus
restreints (une vingtaine de membres), à priori plus aptes à faire fonctionner efficacement la caution
solidaire ; un tri sévère a été fait entre les « bons et les mauvais groupements » ; les mauvais payeurs
ont été exclus de l’accès au financement ; la dette des groupements a été apurée en 1996.
Aucune de ces mesures n’est complètement satisfaisante. Malgré leur taille restreinte, les GPC ont du
mal à faire appliquer la caution solidaire, notamment parce que les bons payeurs ne veulent pas
s’engager pour les producteurs défaillants ; cette dé-solidarisation est particulièrement marquée dans le
cas de crédit d’équipement. Les mauvais payeurs exclus de l’accès au financement réussissent souvent
à créer ou à intégrer de nouveaux groupes qui peuvent reproduire les mêmes schémas de défaillance.
Les défaillances du système d’information et de gestion des groupements renforcent ce risque.
L’apurement de la dette des groupements mis en œuvre au niveau national a contribué à stimuler les
comportements de déresponsabilisation face au crédit.
6
Communication BACB Atelier ATP Fada N’Gourma, Septembre 2002.
16
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Les perspectives de privatisation de la filière coton.
Ces perspectives sont aujourd’hui plus précises au Burkina qu’au Cameroun. La privatisation de la
filière a été partiellement engagée avec l’ouverture du capital de la SOFITEX aux organisations
paysannes. Plusieurs scénarios sont envisagés pour poursuivre cette privatisation. Dans l’un d’entre
eux, les régions de production de coton marginales, parmi lesquelles figurent l’Est, seraient
« vendues » aux opérateurs privés, selon le schéma béninois.
L’exemple béninois montre que ce schéma aboutit, au moins dans un premier temps, à de grandes
difficultés de coordination de la filière, entraînant le démantèlement rapide des mécanismes de
sécurisation du crédit, et la raréfaction de l’offre de crédit.
Les interlocuteurs rencontrés pendant l’étude estiment que la privatisation est inévitable et que la
filière coton du Burkina n’échappera pas aux dysfonctionnements observés à la suite de la
privatisation au Bénin. Malgré cette prise de conscience, aucune stratégie claire ne semble être mise en
œuvre pour préparer la privatisation : l’information circule mal, les mécanismes de privatisation
restent opaques, le dialogue avec les organisations paysannes est limité … L’hypothèse avancée par
les différents acteurs est que le mécanisme de sécurisation par prélèvement sur la récolte par la
SOFITEX, pourra être appliqué de la même manière avec des opérateurs privés, moyennant
l’élaboration de nouvelles formes de régulation, de partenariats entre les diverses institutions
impliquées (banques, opérateurs privés, organisations paysannes). Mais peu de germes de cette
nouvelle régulation sont pour l’instant observables.
13. L’offre de financement de la TA par les projets et programmes de développement
Malgré la libéralisation, il subsiste quelques interventions de projet et de programme en matière
d’équipement agricole.
Au Burkina, la Région Est a bénéficié de deux programmes nationaux de promotion de la culture
attelée mis en œuvre au niveau national à partir de 1991 : l’opération « 30 000 charrues », financée
par la coopération autrichienne, visait à accélérer le rythme de la mécanisation et l’augmentation de
la productivité agricole (1991-1993); l’opération « 2000 multiculteurs », engagée par l’Etat dans le
prolongement de la précédente opération (1996-1997). A l’échelle nationale, ces deux opérations,
complétées par trois autres programmes qui n’ont pas été appliqués dans l’Est (FEER, UNAMA,
PNAMA), ont financé plus 70 000 matériels de traction animale pendant la décennie 90 (Bordet,
Havard, 1998). Dans les deux programmes, le matériel de traction animale était octroyé à crédit à des
groupements (villageois, groupements de jeunes, centres de formation, …) chargés d’assurer la
redistribution au producteur, et la collecte des remboursements de crédit, sous le contrôle de
l’administration. Les crédits étaient octroyés à un taux nul, sur une durée de 5 à 7 ans. Les taux de
remboursement des crédits ont été extrêmement faibles (moins de 20%) dans chacune de ces
opérations au niveau national.
Au Burkina toujours, le Programme d’Appui à la Mécanisation Agricole (PAMA) a initié un
partenariat avec une organisation paysanne, l’Association TIN TUA, pour la mise en œuvre d’un
programme expérimental d’appui à la gestion du passage de la culture manuelle à la culture attelée,
comportant une ligne de crédit pour la TA. Les acquis et les limites de cette expérience illustrent la
difficulté des organisations paysannes à gérer le financement de l’équipement agricole (cf. 2.1.).
Au Sénégal, malgré le désengagement précoce de l’Etat, il subsiste des programmes d’appui à la
modernisation de secteurs économiques en difficulté. Deux d’entre eux touchent à la question du
financement de l’équipement agricole, le Programme de Modernisation et d’Intensification de
l’agriculture (PMIA) et le PROMER. Par rapport aux projets antérieurs, le mode d’intervention de ces
programmes a évolué. Leur action est centrée sur la consolidation institutionnelle des secteurs
17
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
économiques (appui aux organisations et aux entrepreneurs de l’ agriculture et de l’artisanat). Les
fonds de crédit dont ils disposent doivent être octroyés par des voies pérennes et sont de ce fait
majoritairement confiés aux institutions de financement décentralisé.
Conclusion 1.
Que reste-il du financement public de la TA ? Malgré une persistance de différentes formes de crédit
public, les difficultés qui ont conduit à sa réduction drastique se répètent et laissent peu d’espoir de
voir émerger du secteur public une offre de financement de la TA substantielle.
2. Dans le vide laissé par l’Etat, émergent des innovations institutionnelles
Les innovations en matière de financement sont portées par deux secteurs : les organisations
paysannes et la microfinance.
21. Le financement de la TA, une préoccupation des organisations paysannes
La libéralisation et la décentralisation ont stimulé l ‘émergence des organisations paysannes (OP) dans
la dernière décennie. Leur degré de structuration est extrêmement variable selon les contextes : elles
sont faiblement développées et limitées au secteur coton au Nord Cameroun, embryonnaires dans
l’Est du Burkina, fortement développées au Sénégal, même si leur ancrage à la base peut souvent
poser question. Les formes des OP sont elles aussi très variables : OP structurées dans le cadre de
filières de cultures de rente (les GIC du Nord Cameroun, les groupements de producteurs coton du
Burkina), très petites OP issues de dynamiques locales plus ou moins appuyées par l’extérieur, OP
généralistes faitières telles le CNCR au Sénégal, OP/ONG, structures encore hybrides le plus souvent
nées de l’action d’un projet et autonomisées progressivement (association TIN TUA au Burkina par
exemple).
Le financement de l’équipement agricole est une préoccupation centrale pour la plupart de ces OP.
Face à la baisse drastique des financements publics et à l’insuffisance des apports des systèmes de
financement décentralisés, les OP expérimentent quatre principales formes de réponse (Wampfler,
Mercoiret, 2002).
211.
Créer en interne un service financier
Les résultats des OP en matière de financement agricole sont cependant globalement mitigés, et plus
encore quand il s’agit de la traction animale, dont la rentabilité reste plus aléatoire que la pêche par
exemple. L’expérience de l’Association TIN TUA (Est Burkina) est illustrative des difficultés
rencontrées.
L’Association TIN TUA est représentative de la catégorie des OP/ONG qui émergent assez fortement
dans la région Est Burkina (ATT, ARFA, APRG). ONG à l’origine, elles suscitent par leur travail de
sensibilisation et d’appui au développement, la création d’organisations paysannes qui restent
imbriquées ou associées à elles. Dans ce cadre, ces structures ont très vite confrontées à la question du
financement des activités de leurs membres.
Face à cette question l’Association TIN TUA a expérimenté plusieurs formes de réponse. La première
a été la mise en œuvre directe d’un programme de crédit à la traction animale, en partenariat avec le
PAMA.
Le programme « Passage de la culture manuelle à la culture attelée » PAMA/ATT
18
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Le Programme d’Appui à la Mécanisation Agricole 7 et l’ATT ont développé en partenariat en 1998 et 1999, un
programme expérimental d’appui à la gestion du passage de la culture manuelle à la culture attelée. L’objectif
en était d’élaborer et de tester une méthodologie et des outils permettant le développement de la culture attelée
et sa rentabilisation par une intensification des systèmes de production. La méthode expérimentée s’appuyait sur
la principe d’un “équipement évolutif” conçu et suivi à l’aide du conseil de gestion et renforcé par une
formation technique à la culture attelée.
Un système expérimental de crédit équipement complétait le dispositif : crédit moyen terme sur 3 ans sans
différé, payable par annuité, apport initial de 10%, taux était individuel , mais garanti par la caution solidaire
du groupement ATT auquel appartient l’emprunteur. L’emprunteur signe un contrat avec l’ATT, déposé au
commissariat. La ligne de crédit initiale était constituée par un fonds d’équipement donné par le PAMA,
complété en deuxième année par un auto-financement TIN TUA. Le programme a été cloturé en 1999, mais a
été prolongée à une très petite échelle en 2000, sur la base de reliquat d’équipements.
Les résultats de cette expérimentation ont été mitigés. En 1998, environ 80 crédits équipement auraient été
accordés, avec un taux de remboursement de environ 80%, qui s’est sensiblement dégradé en seconde année
(50%). Les mesures ont mises en place par ATT pour inciter au remboursement (visites dans les villages,
pression sur les groupes ATT, envoi de courrier..) ont contribué à améliorer le recouvrement, mais la mauvaise
campagne agricole 1999 est, selon l’ATT, l’une des causes majeures de la dégradation des remboursements. En
1999 et 2000, toutes les demandes d’équipement à crédit n’ont pu être satisfaites et l’ATT a du rembourser les
apports personnels versés par les exploitants demandeurs non satisfaits.
L’évaluation rapide du programme par le PAMA montre que la phase expérimentale de deux ans a permis
l’élaboration de méthodes et d’outils de diffusion, mais s’avère trop courte pour les actions de formation et la
diffusion des actions techniques. La gestion du fonds de crédit pose problème à l’ATT qui a fait, très
objectivement, le constat de ses compétences limitées en la matière. Le système d’information et de gestion des
crédits est, à l’évidence, trop peu performant pour assurer la sécurisation et donc la pérennité du crédit.
Dès 1999, l’association a contacté la CNCA pour mettre en place un crédit équipement direct CNCA/
bénéficiaire, l’ATT n’intervenant plus qu’avec une fonction d’intermédiation. Mais les négociations avec la
CNCA ont achoppé sur le mode de garantie et le schéma de crédit n’a pas pu être mis en place.
Les résultats obtenus à travers ces initiatives sont pour l’instant assez mitigés. Une offre de crédit a été
développée, mais, faute de connaissance des besoins et contraintes réels des ménages ruraux et
agricoles, elle n’est pas toujours bien adaptée aux besoins des populations. L’offre de crédit de moyen
terme est très limitée, notamment faute de ressources disponibles à moyen terme. La pérennité des
services créés est très incertaine. L’offre de financement est souvent limitée dans le temps, ce qui
favorise les comportements opportunistes des emprunteurs. Les impayés sont importants et s’avèrent
difficiles à récupérer. La difficulté est renforcée dans le cas des crédits de moyen terme à la traction
animale : les montants en jeu sont plus élevés, les durées de prise de risque plus longues …
Plusieurs facteurs contribuent à expliquer ces résultats mitigés des OP en matière de financement
direct . Elles manquent de compétences spécialisées en matière de financement. Leur information sur
les dynamiques économiques à l’œuvre (typologie et stratégies des exploitations agricoles et des
ménages ruraux, organisation des filières et des marchés, …) est insuffisante. Elles s’appuient sur des
« avantages comparatifs » qui n’en sont pas : la proximité avec les populations ne suffit pas pour faire
fonctionner correctement une institution de financement. Les fonctions de financement sont difficiles à
conjuguer avec les fonctions d’appui
212 ) Créer une structure autonome, une institution financière « fille des OP »
7
Ce programme PAMA/ ATT a été initié et suivi par Paul Kleen , chercheru CIRAD dans le cadre du
programme PAMA DE 1998 à 2000.
19
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Au Burkina, l’Association TIN TUA offre un exemple de ce type de démarche.
Le Sénégal offre l’exemple d’organisations paysannes qui ont créé des structures de financement qui
ont aujourd’hui une ampleur significatives, qui se sont autonomisées le plus souvent avec un statut de
mutuelles et qui sont capables, dans une certaine mesure de prendre en compte le financement de
l’équipement productif (dans le secteur de la pêche notamment, avec les Mutuelles de la
FENAGIPECHE).
213) Créer un partenariat avec des institutions financières existantes
Les partenariats avec des institutions plus spécialisées s’avèrent difficiles à établir, soit parce que de
telles institutions sont inexistantes dans ces zones, ou qu’elles sont présentes mais pas intéressées, soit
encore parce que l’ONG/OP les perçoit comme des concurrents.
214) Influer sur le cadre macro économique et institutionnel
Là encore le Sénégal offre un exemple de cette démarche des OP.
Analyse et propositions des OP du CNCR sur le financement de l’agriculture au Sénégal
L’analyse des OP est fortement critique par rapport à l’action de l’Etat et de la CNCA : faible
implantation rurale de la CNCA, taux d’intérêt trop élevés, conditions d’apport personnel excluant la
majorité des paysans et limitant fortement l’investissement agricole, propension à l’utilisation
politique de l’annulation des dettes qui génère une culture du non remboursement ... Si l’OP se
positionne clairement dans ce document pour un assainissement du crédit (« un crédit doit être
remboursé »), elle n’en rejette pas moins la responsabilité des dysfonctionnements du crédit antérieur
sur un système « qui a tenu à l’écart les organisations de producteurs, partenaires qui étaient
[pourtant]les plus à même de connaître les clients] « (p.2).
Trois axes d’intervention étaient préconisés pour améliorer l’accès au crédit :
- l’Etat doit * prendre à sa charge une partie du financement de l’agriculture par la bonification
des taux d’intérêt ; une attention particulière doit être consacrée aux zones défavorisées (sèches,
sylvo-pastorales) dont l’intensification sera plus difficile ; * contribuer à l’assainissement de la
situation financière des coopératives, GIE et des ménages agricoles par un étalement du
remboursement des arriérés de crédit sur 5 ans ; * réformer la CNCA-S : la prise de participation
au capital de la CNCA par le CNCR est un pas dans ce sens au regard des OP
- le micro-crédit permettant le financement des activités féminines et non agricoles doit être
développé
- les OP doivent contribuer au financement de l’agriculture familiale, en développant des réseaux
mutualistes liés aux OP, en initiant la création d’un fonds de calamité agricole permettant de faire
face au risque du crédit à l’agriculture dans les zones difficiles
Les outils de bonification du crédit et de sécurisation du financement agricole mis en place par l’Etat
Sénégalais entre 1997 et 1999 s’inspirent de ces propositions : fond de bonification permettant à la
CNCA de ramener le taux d’intérêt du crédit agricole de 13% à 7,5% ; fond de garantie couvrant les
impayés à hauteur de 75% ; fond de calamités
20
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
22. L’offre de financement de traction animale de la microfinance
221. La microfinance, de quoi parle –t-on ?
La microfinance se développe depuis une quinzaine d’années comme une alternative aux systèmes de
financement bancaires classiques. L’encadré suivant en rappelle les bases conceptuelles et les
conditions de son émergence en Afrique de l’Ouest.
Le secteur intermédiaire de la microfinance : une offre de services financiers qui se développe fortement , y
compris en milieu rural
La microfinance a émergé dans les années 80, dans un contexte de libéralisation, en réponse à l’échec des
modes de financement antérieurs par les banques agricoles publiques, les banques de développement, les projets
de développement.
L’émergence de ce secteur correspond à un changement conceptuel dans l’approche du financement rural. Dans
les approches antérieures, l’objectif était d’injecter du crédit dans les économies rurales pour initier un cycle
vertueux d’augmentation des revenus permettant l’investissement. Le crédit était essentiellement agricole,
considéré comme un intrant dans le processus de production, ciblé sur un paquet technique ou une culture, et
subventionné le plus souvent. La pression au recouvrement était faible, l’emprunteur peu responsabilisé, les
services d’épargne peu développés. A travers la microfinance, l’objectif n’est plus d’injecter du crédit dans une
production agricole, mais de construire un marché financier rural qui permette un accès durable aux services
financiers, en mettant en relation les agents disposant de ressources monétaires (épargnants) avec ceux qui en
ont besoin (les emprunteurs). L’objectif n’est plus de financer une production agricole mais de promouvoir des
activités économiques diversifiées et de donner aux populations exclues du système bancaire les moyens de
développer des activités génératrices de revenus et permettant l’accumulation.
Pour que ces marchés financiers ruraux puissent fonctionner durablement, les institutions qui assurent
l’intermédiation financière (microfinance) doivent être autonomes et pérennes. Le taux d’intérêt payé par
l’emprunteur doit permettre de couvrir le coût des services financiers et assurer la reproduction de l’institution.
Les innovations en matière de garantie (caution solidaire) et d’organisation (appropriation et gestion par les
bénéficiaires) visent à ouvrir l’accès des IMF aux populations défavorisées et à assurer la viabilité sociale des
IMF.
En 20 ans, la microfinance va connaître une croissance importante à l’échelle planétaire, et se développer sous
des formes institutionnelles variées (systèmes mutualistes, caisses villageoises, systèmes à caution solidaire, …)
dans les pays du Sud, de l’Est et dans une moindre mesure, du Nord. Les termes « micro finance» et, plus
restrictif encore, « microcrédit », sont trompeurs à la fois parce que le secteur compte aujourd’hui de très
grands réseaux (plusieurs millions de bénéficiaires pour les grands réseaux asiatiques), que les institutions de
microfinance fournissent des services diversifiés (épargne, crédit, voire assurance), et une gamme large de
crédits allant du très petit crédit (15 euros) à des crédits beaucoup plus importants permettant l’investissement
(3000 euros).
En Afrique, la microfinance a connu trois principales phases de développement, plus avancées en Afrique de
l’Ouest qu’en Afrique Centrale et en Afrique de l’Est. Dans les années 80, une phase expérimentale permet de
démontrer que les populations défavorisées pouvaient valoriser le crédit et gérer durablement des institutions
financières de proximité adaptées à leurs besoins. Au début des années 90, en Afrique de l’Ouest comme
ailleurs, une euphorie de croissance va conduire bon nombre d’institutions de microfinance dans des situations
de crise grave, avec parfois des disparitions de grands réseaux. Avec la 3ème phase qui s’ouvre vers 1993/1994,
la préoccupation de la pérennisation institutionnelle va s’imposer et conduire à concentrer les efforts sur les
performances financières des institutions. Il en résulte une tendance significative à se réorienter vers les villes,
et les bourgs ruraux des zones à fort potentiel et un retrait des zones défavorisées.
Source : B.Wampfler, C.Lapenu, Résumé exécutif du séminaire de Dakar – CIRAD/CERISE
21
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
222. Le développement de la microfinance : illustration par quelques chiffres à l’échelle de
l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale
L’apport majeur de ces vingt ans de développement en Afrique de l’Ouest est la création d’un tissu
d’institutions de microfinance (IMF) : dans les huit pays de l’UMEOA, on recensait en fin 2000, 303
institutions, offrant 2 778 points d’accès, et bénéficiant à 4,3 millions de personnes. Ces institutions
mobilisaient à cette date 116, 8 milliards FCFA d’épargne et avaient un encours de 103, 4 milliards
FCFA de crédit. Même si les volumes financiers traités par les IMF restent marginaux par rapport au
secteur bancaire, leur forte décentralisation constitue un avantage comparatif indéniable.
Au Sénégal, le secteur de la microfinance comptait en 2001, 170 institutions de base recensées, servant
environ 252 500 membres. L’encours d’épargne réalisée par les SFD a fortement augmenté dans les
années récentes (+34% entre 2000 et 2001) et s’établissait à 22, 6 milliards FCFA en 2001. L’octroi de
crédit a augmenté de 17% sur la même période et s’établissait à 29,8 milliards en 2001 (Ministère des
Finances, 2003).
En 2000, le Burkina comptait 36 institutions de microfinance reconnues par la loi, offrant 343 guichets
décentralisés. Les institutions de microfinance (IMF) burkinabé touchaient à cette date 503 718
bénéficiaires8, dont 48% de femmes. Le taux de pénétration calculé au prorata du nombre de familles,
indique que la microfinance touchait en 2000, environ 26 % des familles du Burkina. Les
performances financières des IMF burkinabé sont significatives : en 2000, elles avaient collecté 15
milliards FCFA d’épargne et octroyé 12, 3 milliards FCFA de crédit. 115 608 crédits avaient été
octroyés, pour un montant moyen de l’ordre de 106 000 FCFA/crédit. Le développement des activités
des institutions de microfinance est rapide depuis 1993/94. Entre 1993 et 1998, l’épargne collectée a
été multipliée par 10, les crédits octroyés par 8 ; entre 1998 et 2000, la collecte de l’épargne a continué
sa progression, à un rythme plus lent (+18%) ; le volume de crédit octroyé est resté constant, mais par
contre, le nombre de crédits octroyés a fortement augmenté (+173%).
Malgré une progression spectaculaire, le taux de pénétration de la microfinance en milieu rural est
encore insuffisant : en 1999, on estimait 9 que, en moyenne dans l’UEMOA, 20 % seulement des
ménages ruraux et 7,5 % de la population active avaient accès aux services financiers. Ces chiffres
moyens cachent de grandes disparités entre pays : au Bénin, où la microfinance est fortement
développée, 40 % ménages auraient accès aux services financiers ; au Niger, 5 % seulement des
ménages bénéficieraient de cet accès. De même, les volumes financiers traités par la microfinance sont
encore relativement faibles.
Le secteur de la microfinance reste très fragile, tout particulièrement en Afrique. La plupart des
institutions n’ont pas atteint l’autonomie financière. Une dégradation inquiétante de la situation
financière et de la qualité du portefeuille des IMF en Afrique de l’Ouest est observée depuis deux à
trois ans (à l’échelle de l’UEMOA, 13% de crédit en souffrance sur un encours de crédit de 101
milliards FCFA en 200110). L’autonomie technique des IMF est insuffisante et elles ont de grands
besoins de professionnalisation (en matière de gestion, de systèmes d’information, de système de
contrôle, …). La viabilité sociale des institutions n’est pas acquise, les crises de gouvernance sont
fréquentes et parfois graves. Enfin, l’insertion dans le marché financier est peu développée et les
relations avec les banques, notamment, restent difficiles.
En Afrique Centrale, le développement de la microfinance est plus récent et plus difficile à
appréhender faute de système d’information adéquat : en 2000, 1034 structures de microfinance
étaient répertoriées dans les pays de la CEMAC, touchant 411 000 membres.
8
Ce chiffre minore la participation effective, dans la mesure où les groupements sont comptabilisés comme un
bénéficiaire, alors que le crédit est souvent redistribué entre l’ensemble de leurs membres.
9
Source : BCEAO PASMEC : communication au séminaire de Dakar
10
Source : BCEAO PASMEC : communication au séminaire de Dakar
22
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
223. La contribution de la microfinance à l’agriculture reste limitée
Malgré une forte proximité avec le monde rural, on observe que la microfinance répond avec difficulté
aux besoins spécifiques du financement des agricultures familiales. Les analyses d’impact montrent
que les institutions de microfinance (IMF) rurales financent spontanément le développement
d’activités rurales telles que le commerce, l’artisanat, la transformation agro-alimentaire. Ces activités
génèrent des revenus réguliers, relativement sûrs, avec des cycles de rotation du capital rapides
limitant les risques et permettant des taux de rentabilité élevés. Les activités agricoles présentent, au
contraire, des degrés de risque importants, et une rentabilité souvent aléatoire ; par ailleurs, les besoins
de financement de l’agriculture portent sur du crédit de court terme (que les IMF pratiquent
couramment), mais aussi sur du crédit de moyen terme, que la microfinance assure avec plus de
difficulté. Ces facteurs contribuent à expliquer la grande prudence que montre la plupart des
institutions de microfinance à l’égard du crédit agricole. L’objectif de durabilité des services financiers
renforce cette tendance, les IMF étant naturellement portées à investir dans les secteurs économiques
les plus rentables et les moins risqués pour sécuriser leur pérennisation (Wampfler, Lapenu, 2002).
Deux études ont tenté une quantification à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest ; une évaluation sectorielle
a été réalisée par le FIDA en Afrique de l’Est et australe ; par contre, aucune étude de ce type ne
semble disponible aujourd’hui pour l’Afrique Centrale. Les deux études réalisées en Afrique de
l’Ouest aboutissent à des résultats assez proches. L’étude réalisée en 1999 pour l’UEMOA sur le
financement de l’agriculture en Afrique de l’Ouest 11 indique que, en 1997, sur un montant de crédit
total de 66 milliards FCFA, les institutions de microfinance auraient octroyé environ 20 milliards
FCFA à des activités agricoles, soit un tiers de leur portefeuille global. 12 Cette contribution à
l’agriculture variait suivant les pays : en 1997, elle était forte au Bénin et au Mali (4 à 6 milliards
FCFA/an), intermédiaire au Sénégal et au Burkina (2,5 à 3 milliards FCFA/an) et faible au Togo,
Niger, et en Cote d’Ivoire (de l’ordre de 1 milliard FCFA/an, voire moins). Ces différences étaient
liées à la fois à la dynamique globale des institutions de microfinance selon les pays, à l’origine et à la
nature des institutions (mutualistes d’origine agricole au Mali et au Bénin), et à la présence de cultures
de rente intégrées en filière (le coton au Mali et au Bénin).
La région Est Burkina
Le développement de la microfinance est particulièrement récent dans la région Est et reste concentré
sur quelques zones urbaines ou péri urbaines. En 2001, trois types d’institutions de microfinance
étaient actives : le Réseau des Caisses Populaires (RCPB), réseau mutualiste le plus important du
Burkina), un projet à composante de crédit, le PFA et plusieurs ONG/OP ayant des volets crédit.
En 2001, le RCPB était présent avec deux caisses populaires, implantées à Fada, à la fin des années
90, avec l’appui du projet PFA. Deux autres caisses sont prévues, dans des petites villes de la région
Est (Pama, Kantchari). La stratégie du réseau est très prudente dans la région, et prévue par
« extension concentrique » autour des implantations existantes. Celles-ci ont un rayon d’action de 30 à
40 km. Les activités des deux caisses de Fada sont essentiellement réalisées avec les commerçants et
les fonctionnaires. Les deux caisses de la Région Est ont néanmoins pris quelques initiatives à l’égard
de l’agriculture : elles ont financé quelques crédits pour l’achat de bœufs pour le commerce,
d’équipement (charrue, charrette) et de stocks de céréales, essentiellement pour des commerçants
pluriactifs, ayant une activité agricole ; elles ont établi des partenariats avec des ONG, des projets,
voire des OP, pour le financement de crédit de campagne et de crédit de stockage pour des
11
Deram, Riezenthaler, Wampfler, 1999. Le financement de l’agriculture en Afrique de l’Ouest . Etude réalisée
pour l’UEMOA.
12
Ces chiffres représentent l’octroi de crédit que les IMF estiment avoir fait à l’agriculture, mais ne préjugent
pas du volume de financement qui a été effectivement affecté à l’agriculture par l’emprunteur qui, au final,
reste libre de l’utilisation du crédit.
23
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
groupements ruraux. Elles assurent le service financier, moyennant une sécurisation par un fonds de
garantie déposé chez elles par les partenaires.
Au Sénégal
Le développement relativement important des SFD liés aux organisations paysannes est une
caractéristique forte du secteur de la microfinance du Sénégal. La contribution des SFD à l’agriculture
reste cependant limitée. L’étude UEMOA montre que sur les 41 SFD recensés en 1997, 23 déclaraient
contribuer au financement du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche), les autres étant des
réseaux urbains finançant les PME, les artisans et les femmes urbaines. La contribution totale en octroi
de crédit à l’agriculture estimée en 1997 était de l’ordre de 2,8 milliards FCFA, sur un portefeuille
global de 14 milliards octroyés, soit 20%. Elle était réalisée à hauteur de 67% par deux réseaux
mutualistes : le CMS (35% avec environ 967 millions de crédit) ; l’ACEP (30% avec environ 833
millions). Venaient ensuite deux projets à volet de crédit spécialisés à l’appui à la pêche (PAPEC) et à
l’élevage (PAPEL) contribuant respectivement pour environ 10% et 8% du volume de crédit total au
financement du secteur agriculture/élevage et pêche. Ces différentes institutions sont présentes dans le
Bassin arachidier, qui compte également un nombre semble-t-il important de très petites mutuelles
créées localement sans aide extérieure.
Dans le Nord Cameroun
Deux réseaux de SFD seulement financent un peu l’agriculture : les COOPEC /CAMCUL et le réseau
les CVCA.
224. Le financement de la TA
Dans les trois régions, les crédits octroyés sont essentiellement de court terme, mais on observe
quelques expérimentations de crédit de moyen terme permettant de financer l’équipement agricole
(RPSO, ADRK, UCEC/Z au Burkina, CMS au Sénégal). Hormis l’Association de Développement de
la Région de Kaya (ADRK), dont la mutuelle finance à grande échelle la traction animale, les autres
expériences restent plus marginales.
225. Pourquoi le financement de la TA est il si difficile pour la microfinance ?
Les difficultés du financement de l’équipement agricole sont nombreuses et complexes, mais huit
raisons principales se distinguent :
1. La microfinance est aujourd’hui de santé fragile, ce qui limite sa capacité à prendre des risques et
à innover.
2. La microfinance connaît mal l’agriculture et ne dispose pas de référentiels technico économiques
adaptés.
3. La rentabilité à court terme de la traction animale est souvent difficile à établir et demande une
analyse globale de l’économie de l’exploitation/ménage que la microfinance n’est pas aujourd’hui
en mesure de faire. Par ailleurs, des décennies de crédit équipement mal remboursé a donné à la
traction animale une mauvaise image de marque.
4. La traction animale requière des volumes de financement importants alors que la microfinance ne
dispose que de ressources limitées, notamment du fait de la faible mobilisation de l’épargne rurale.
La microfinance est fortement sollicitée pour des activités de court terme plus rentables et plus
sures que l’agriculture (commerce notamment) ; ses ressources sont souvent « englouties » par la
demande de crédit de court terme.
5. La traction animale implique une immobilisation des ressources sur une longue durée (2 à 5ans).
D’une part, ces mêmes ressources sont plus rentables pour le système financier quand elles sont
valorisées à travers une succession de trois ou quatre crédits de courte terme. D’autre part, la
24
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
microfinance souvent ne dispose pas des ressources longues nécessaires pour financer le crédit
moyen terme : l’épargne collectée est essentiellement de court terme et ne peut être utilisée pour le
crédit moyen terme.
6. Le financement de la traction animale est risqué. Les formes de garantie innovantes « inventées »
par la microfinance, fondées sur le principe de la caution solidaire, ne fonctionnent pas bien avec
le crédit moyen terme.
7. La microfinance a des taux d’intérêt élevés, justifiés par la nature et la structure du service rendu
(gestion d’un grand nombre de petits crédits, éloignement et dispersion des populations,…). Cette
caractéristique entraîne un coût de financement de la traction animale élevé pour le producteur.
8. Les services d’appui nécessaires au développement de la traction animale (agro équipement, santé
animale, conseil agricole ) sont aujourd’hui largement déstructurés par le désengagement brutal
des Etats. Leur réorganisation prendra du temps et fragilise pour l’instant le développement de la
traction animale.
226. Dans ce paysage sombre, quelques lueurs d’espoir : des innovations prometteuses …
•
Un exemple : le réseau CECAM de Madagascar
Le réseau des Caisses d’Epargne et de Crédit agricole de Madagascar offre l’exemple d’une
expérience de financement de l’agriculture à grande échelle et intégrant le financement de
l’équipement. Le réseau est implanté dans 8 régions de Madagascar ; il compte aujourd’hui 157
caisses, et environ 47 000 membres. En 11 années d’exercice, il a injecté 150 milliards FMG en crédit
dans l’économie rurale ; en 2001, le financement de l’équipement agricole représentaiT environ 25%
de son portefeuille de crédit.
•
Des innovations en termes de produits financier : le leasing
Le réseau CECAM propose une gamme de 10 crédits différents : cinq crédits de court terme (crédit de
campagne, de stockage, de financement des besoins d’urgence, crédit pour le commerce individuel,
crédit commercial pour les organisations paysannes) et quatre crédits de moyen terme (crédit
équipement, cultures pérennes, aménagement de terrain agricole, construction).
Le financement de l’équipement est assuré par un produit s’appuyant sur le principe de la location
vente (leasing).
Les principes de base de la location-vente La location-vente13 est une formule de financement à court ou moyen
terme permettant l’acquisition de matériel, d’équipement, véhicule, immobilisations corporelles »
Droit de propriété
Fournisseur
Livraison
Choix du bien
•
Paiement du bien
Loyer
Locataire
Organism
e
financeur
Location du bien
L’organisme financeur reste propriétaire du bien jusqu’à ce qu’il soit entièrement payé par le bénéficiaire.
Celui-ci est considéré comme locataire jusqu’à ce qu’il ait payé la valeur totale d’acquisition du bien (valeur
initiale + intérêts + frais).
13
On parle aussi de crédit-bail en français ou de leasing en anglais qui correspondent au même principe, même
s’il existe quelques nuances juridiques.
25
Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
•
•
•
Le locataire fait l’objet d’une sélection par l’organisme financeur ; celui-ci assure également un suivi du
bien, pendant toute la durée de la location.
Le locataire autofinance une partie du bien (de l’ordre de 25% en général) ; cette contribution est versée au
début de la location, afin d’accroître la responsabilisation du locataire.
En cas de défaillance de paiement du loyer, l’organisme financeur peut reprendre son bien, sans procédure
spécifique de contentieux.
Des innovations organisationnelles pour sécuriser le crédit
D’autres institutions de financement ont expérimenté des dispositifs innovants pour sécuriser le crédit.
Les sociétés de caution mutuelle en sont un exemple.
Les sociétés de caution mutuelle
La Société de Cautionnement Mutuel (SCM)
Cette expérimentation est conduite avec un groupe d’artisans, avec l’appui de l’Agence Française de
Développement et l’ABPCD (Association des Banques Populaires pour la Coopération et le
Développement).
La SCM est une société coopérative qui vise à favoriser l’accès de ses membres au crédit de la
banque. Elle garantit les emprunts de ses adhérents avec plusieurs ressources :
- son capital constitué par la cotisation des membres et de la Fédération des Caisses Populaires du
Burkina
- un fonds de garantie alimenté par les emprunteur via une contribution sur chaque crédit garanti
, une contribution de la FCPB, et une dotation du bailleur de fonds
- les revenus des placements
La FCPB assure la gestion et la comptabilité de la SCM, instruit les demandes de garanties et les
transmet au Comité de Crédit.
Source : Etude UEMAO 1999.
Des « innovations potentielles : le conseil agricole lié aux services de financement
D’autres voies pourraient être fécondes. Une liaison renforcée entre le conseil agricole et les services
financiers pourraient améliorer la connaissance des besoins et contraintes de financement des acteurs
et renforcer la sécurisation du crédit.
3. Les conditions du développement du financement de la TA
Dans l’état actuel du tissu économique et institutionnel, les perspectives de développement d’une offre
de financement à grande échelle de la traction animale sont étroites dans les trois régions d’étude.
Le développement de l’offre de financement de la traction animale s’insère dans la problématique plus
large du financement de l’agriculture. Plusieurs voies pourraient être explorées pour renforcer cette
offre :
- En amont , moderniser le secteur agricole : Les services financiers pour l’équipement agricole ne
peuvent être utilisés efficacement et rentabilisés que dans un contexte économique favorable. Or,
le secteur agricole est, plus que jamais en ces temps de libéralisation, un secteur à haut risque,
encore faiblement organisé et mal régulé. Sa modernisation, sa sécurisation sont donc des enjeux
majeurs, base de toute politique de financement de l’investissement.
- Renforcer les partenariats entre les organisations paysannes et les institutions de financement
- Favoriser la création d’institutions de financement locales, mais en assurant leur
professionnalisation
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
-
Développer des innovations techniques et organisationnelles qui permettent de sécuriser le crédit
à l’agriculture et particulièrement le crédit de moyen terme : fonds de garantie paritaires,
associations de caution mutuelle, leasing, centrale de risque, mais aussi liens entre services
d’appui à l’agriculture (conseil de gestion, …)
- Créer les conditions de la durabilité de chaque service nécessaire au développement de la traction
animale et favoriser la création d’un système de services durable.
- Favoriser l’émergence de politiques publiques de financement de l’agriculture élaborées en
partenariat avec les différents acteurs du secteur agricole et en synergie avec les autres politiques
de financement économiques.
Les organisations paysannes ont un rôle clé à jouer dans la mise en œuvre de ces orientations.
Conclusion : Quelles recherches ?
Les discussions de l’atelier de Bobo Dioulasso ont permis de dégager des pistes de réflexion sur le rôle
de la recherche.
La recherche peut aider à l’analyse des besoins et contraintes de l’accès à la TA (analyse
systémique d’exploitation/ménage, production de référentiels technico économiques, analyse
de filières, … ). Elle peut contribuer à l’analyse des dynamiques sociales, organisationnelles,
institutionnelles d’adoption de la TA. Pour ce faire, elle doit renouveler ses dispositifs de
recherche, s’appuyer sur des méthodes participatives. Mais elle ne doit pas perdre de vue non
plus sa mission prospective et doit conserver une capacité à mener des recherches plus
fondamentales dépassant les besoins immédiats des utilisateurs (par exemple, analyse de
l’impact des de traction animale sur les ressources naturelles). Une recherche financée par ses
utilisateurs immédiats (les organisations paysannes dans le schéma envisagé pour l’ANCAR
et la recherche au Sénégal par exemple) devra être particulièrement attentive à ce point.
La recherche doit produire des concepts et des résultats utilisables pour l’action, et donc
diffusés. Elle doit réfléchir à de nouveaux outils de diffusion. Elle doit participer à la
formation. La recherche du Nord doit apporter un appui volontariste à la
création/consolidation de ressources nationales de recherche sur la TA au Sud.
Enfin, une question reste ouverte : la recherche est elle légitime pour faire émerger les acteurs
dans les situations d’organisation sociale faible où des « acteurs » capables de dire les besoins
et de négocier, n’existent pas encore ?
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Production bibliographique des ATP CIRAD sur la TA et le financement
de l’agriculture
Travaux réalisés dans le cadre de l’ATP TA
Kénikou Mounkana C., 2000. Les marchés financiers ruraux. Quelles particularités pour les
exploitations agricoles des provinces du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun. Mémoire présenté
en vue de l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies en Sciences de Gestion, Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion, Université de Ngaoundéré (Cameroun), 136 p + annexes.
Nguyen G., 2000. Le financement de l’agriculture au Nord Cameroun. Rapport de mission
PRASAC/ATP CIRAD (EMVT-TERA) « La traction animale, composante essentielle des stratégies
paysannes en Afrique de l’Ouest et Centrale : quelles pratiques de recherche à envisager face au
désengagement des Etats ? »
Raubec S., 2001. » Le financement de la traction animale en zone de savane cotonnière du NordCameroun dans un contexte de libéralisation ». Mémoire ESAT 2année , soutenu au Cnearc en avril
2001.
Roesch M. Vall E., Kenikou Ch., 2002. Recettes, dépenses et crédits : comment accorder les rythmes ?
Que peut apporter le conseil de gestion au financement de l’exploitation agricole et aux institutions de
microfinance ? Communication au séminaire de Dakar , janvier 2002.
Roesch M., 2001. Le financement de la traction animale au Nord Cameroun. Rapport de mission
PRASAC/ATP CIRAD (EMVT-TERA) « La traction animale, composante essentielle des stratégies
paysannes en Afrique de l’Ouest et Centrale : quelles pratiques de recherche à envisager face au
désengagement des Etats ? »
Roesch M., Wampfler B., Kenikou Ch., 2002. Financer la campagne agricole dans un contexte de
libéralisation : de nouvelles formes de coordination entre acteurs à construire. Le cas du Nord
Cameroun. Communication au séminaire Prasac –Garoua, Cameroun. Mai 2002. 15 p.
Wampfler B, 2001. Le financement de la traction animale en pays Gourmanche (Burkina) : Analyse
des recompositions de l’offre de financement dans le contexte de libéralisation économique. Rapport
de mission. ATP CIRAD EMVT/TERA La traction animale, composante essentielle des stratégies
paysannes en Afrique de l’Ouest et Centrale : quelles sont les pratiques de recherche face au
désengagement des Etats ? “ . Cirad, 2001.
Wampfler B, à paraître 2003. Le financement de la traction animale dans un contexte de
désengagement de l’Etat : le Sénégal. Synthèse pour l’ATP CIRAD 99/70 : La traction animale,
composante essentielle des stratégies paysannes d’Afrique de l’Ouest et Centrale : quelles sont les
questions de recherche à envisager face au désengagement de l’Etat ?. CIRAD Montpellier, Décembre
2003.
Wampfler B., 2002. Contribution sur le financement rural et agricole pour le rapport « Eléments d’une
stratégie de développement rural pour le grand Nord Cameroun ». Cirad TERA Septembre 2002. 4 p.
Autres travaux du CIRAD sur le financement de l’agriculture
CERISE, 1999. Les contraintes et défis de la viabilité des systèmes de microfinance en zones rurales
défavorisées en Afrique. Etude réalisée pour le compte du Fonds d’Equipement des Nations Unies
(FENU). Mai 1999. 69 p.
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Services financiers et traction animale : quelles perspectives face au désengagement de l’Etat ?
Ces fiches sont conçues pour être des outils opérationnels pour les acteurs du développement. Elles
présentent en de courtes synthèses (5 pages) les principaux thèmes d’intérêt et les innovations
présentées au séminaire de Dakar et valorisent les expériences décrites dans les contributions des
participants. Vingt fiches sont diffusées par internet, sur le forum post séminaire de Dakar.
Collectif CIRAD CERISE. Fiches techniques du séminaire de Dakar, 2002.
Lapenu C., 2001. Adéquation entre l’offre des institutions de microfinance et la demande des ménages
agricoles. Synthèse thématique pour l’atelier 1 du séminaire de Dakar. « Le financement de
l’agriculture familiale dans un contexte de libéralisation : Quelle contribution de la microfinance ?(2124 janvier 2002) / ATP 41/97 CIRAD / CERISE.
Nguyen G., Wampfler B., Benoit Cattin M., Savadogo K., 2002. Characteristics of household demand
for financial services in highly uncertain economies: a review of evidence from Burkina Faso. In
« The Triangle of Microfinance p.46-68, Zeller M., Sharma M. ed., John Hopkins. Baltimore, 399 p.
Renard O. 1999. Sous quelles conditions les systèmes financiers décentralisés parviennent-ils à
financer l’investissement agricole ? Etude d’impact du crédit moyen terme à l’équipement de la
FECECAM dans le cadre de la privatisation de la filière coton au Bénin. Mémoire de fin d’études
Diplôme d’Agronomie Approfondie Mention : Economie – Gestion/Option : Politique Economique de
l’Agriculture et de l’Espace. ENSA Rennes. Co encadré avec Marc Roesch (Cirad) et P.Daucé (Ensa
Rennes).
Wampfler B., 2003. Coordination et pérennisation des services liés au financement de l’agriculture
familiale dans la zone Office du Niger au Mali. Etude CIRAD/URDOC. Juin 2003. TERA n° 27/03.
66 p.+ annexes
Wampfler B., Baron Ch., 2001. Microfinance, banques agricoles, banques commerciales : quels
partenariats pour le financement de l’agriculture ? Synthèse thématique pour l’atelier 3 du séminaire
de Dakar. « Le financement de l’agriculture familiale dans un contexte de libéralisation : Quelle
contribution de la microfinance ?(21-24 janvier 2002) / ATP 41/97 CIRAD / CERISE /décembre
2001. 15 p.
Wampfler B., Lapenu C. ed., 2003. Actes du séminaire « Le financement de l’agriculture familiale
dans un contexte de libéralisation : Quelle contribution de la microfinance ? Dakar, 21-24 janvier
2002. Séminaire co-organisé par CIRAD, CERISE, FIDA, CTA, MAE, AFRACA, Enda Graf. Publiés
sous forme de CDROM.
Wampfler B., Lapenu C., 2003. La microfinance au service de l’agriculture familiale ? Collection
Partenariats. Publications du Ministère des Affaires Etrangères. Février 2003. 70 p.
Wampfler B., Mercoiret M.R., 2001. Microfinance , organisations paysannes : quel partage des rôles,
quels partenariats dans un contexte de libéralisation ? Synthèse thématique pour l’atelier 5 du
séminaire de Dakar. « Le financement de l’agriculture familiale dans un contexte de libéralisation :
Quelle contribution de la microfinance ?(21-24 janvier 2002) / ATP 41/97 CIRAD / CERISE
/décembre 2001. 34 p.
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