Rions beaucoup avec le parti québécois au pouvoir

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Rions beaucoup avec le parti québécois au pouvoir
RIONS BEAUCOUP AVEC LE PARTI QUÉBÉCOIS AU POUVOIR
Texte de Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences comptables et titulaire de la
Chaire d’études socio-économiques de l’Université du Québec à Montréal
Janvier 2010
En fouillant dans mes vieux articles de journaux, j’ai retracé des histoires drôles du temps où le
parti québécois était au pouvoir. Ce texte se veut positif et constructif sans aucune arrière pensée
méchante. Commençons par la pauvreté, qui est présente et qui doit l’être si l’on veut que le
marché soit en équilibre. C’est en gros ce que dit le sublime Bernard Landry : «Dans un monde
idéal, la pauvreté serait absente mais…» (Journal de Montréal, 28 octobre 1999). Mais comme
on ne vit pas dans un monde idéal, la pauvreté est en quelque sorte un dommage collatéral dans
un monde pas idéal. Il faut s’y faire et l’accepter. Cette pièce d’anthologie émane du ministre
d’État au travail et à la solidarité sociale du temps, monsieur Jean Rochon, qui, face à la montée
fulgurante de la pauvreté en pleine période de croissance économique avait largué cette perle afin
d’endiguer la misère une fois pour toutes : «Rochon invite les entreprises à se soucier des
pauvres» (La Presse, 27 décembre 2001).
Encore une fois, comme vous le constaterez, le patronat a répondu courageusement à cette
invitation au partage. Le gouvernement libéral de Jean Charest augmente un p’tit brin le salaire
minimum et «Les entreprises sont furieuses» (Journal de Montréal, 31 janvier 2009). Et, pour
lutter encore plus contre la pauvreté et l’exclusion : «Le patronat veut limiter à cinq ans le droit à
l’aide sociale» que signalait Le Devoir du 31 octobre 2002. Puis, pour aider davantage les
pauvres, Le Devoir du 13 décembre 2003 titre : «Le Conseil du patronat du Québec estime qu’il
faut aider… les mieux nantis en réduisant leurs impôts» et toujours dans Le Devoir : «Les
médecins spécialistes demandent une baisse d’impôts pour les plus riches». Faut dire que
Bernard Landy, encore et toujours lui, avait également répondu au cri du cœur de Jean Rochon
afin d’éradiquer la pauvreté et les pauvres en disant, le plus sérieusement du monde : «Imposer
l’aide sociale : une mesure équitable» (La Presse, 11 octobre 1996). Cela juste après avoir laissé
entendre : «Faire payer les riches : Bernard Landry n’y croit pas» (La Presse, 26 février 1996).
C’est son côté socialiste qui ressort!
Tout le contraire de Barack Obama aux États-Unis, qui vient d’augmenter de 35% à 45% (en
incluant la surtaxe), juste au fédéral, l’impôt sur le revenu des plus riches et a supprimé «des
dizaines de niches fiscales (abris et paradis fiscaux) qui coûtent des centaines de milliards de
dollars à l’État» qu’il a souligné et tel que rapporté dans l’article du Devoir du 12 mai 2009
intitulé : «États-Unis : Obama commence à démanteler l’héritage de Bush». C’est pas fini,
puisque Le Devoir du 7 mars 2009 nous apprend que la Banque Scotia s’est impliqué par le biais
d’un gros investissement dans le paradis fiscal des Îles Caïmans en faisant l’acquisition de Five
Continents Financial. Les pauvres ont beaucoup apprécié ce geste débonnaire.
Avec toutes ces mesures très solidaires, l’ancien président du Conseil du Patronat, Ghislain
Dufour, avait bien raison de prédire : «La distorsion entre riches et pauvres est en voie de se
résorber» (La Presse, 15 janvier 1996). Depuis 1996, les écarts se sont plutôt accentués
nettement et non résorbés mais le savant économiste lucide, monsieur Marcel Boyer de l’Institut
économique de Montréal, un organisme patronal très à droite, a dit que ce sont des «écarts
temporaires», tel que souligné dans sa savante opinion publiée dans La Presse du 7 janvier 2008.
Il a pondu cette merveille : «Dans une phase de création accélérée de richesse (il reconnaît
l’augmentation «accélérée» de la richesse), la distribution devient temporairement (sic)
inégalitaire avant de redevenir plus égalitaire». Des écarts temporaires à très long terme s’entend.
Faut juste être patient et faire confiance. En vérité, je vous le dis, éventuellement, le Québec ne
comptera que des riches. Et, si ces mesures ne suffisent pas, on aura qu’à appliquer les mesures
«modérées» avancées par les brillants économistes Malthus et Gilder : «La stérilisation comme
remède à la pauvreté» (Le Devoir, 20 février 2000). Faites pas vos âmes sensibles, le Journal de
Montréal l’a titré en première page : «Castrés mais heureux». Ils vont être heureux et on va les
empêcher de se reproduire et surtout de se multiplier.
Passons maintenant à la santé avec une autre perle du ministre péquiste de la santé d’alors, Jean
Rochon (il a hérité de plusieurs ministères) : «17 000 postes en moins et un réseau de santé plus
efficace» (La Presse, 26 février 1997). On doit donc conclure que si le réseau de santé publique
tire encore dangereusement de la patte, c’est qu’il aurait fallu doubler le nombre de postes
coupés. Pas grave, le nouveau leitmotiv pour améliorer la santé publique c’est dorénavant par la
voie de la privatisation qu’ils nous disent. Oh, surprise, quelques mois après sa réingénierie,
voilà que : «Listes d’attente : Rochon admet que la situation est critique» (La Presse, 7
novembre 1997) et beau geste humanitaire de sa part, tel que rapporté dans le Journal de
Montréal du 6 novembre 1997 : «Rochon s’excuse auprès des malades». Le succès fût donc très
éphémère.
Et l’inégalable Bernard Landry, qui en rajoute, tel que mentionné dans Le Devoir du 27 août
1997 : «La population souffre, c’est vrai admet le ministre des Finances. Mais, la consolation
c’est d’assainir les finances publiques du Québec. L’opération n’est pas terminée, mais elle est
en bonne voie. Et l’espoir est bon». Voilà la preuve objective que le PQ est bel et bien un parti de
gauche. C’est un peu ce qu’avait dit l’ineffable Jean Rochon, quelques mois auparavant :
«L’attente d’une chirurgie cardiaque contribue à assainir les finances publiques» (La Presse, 11
juin 1997). Alors, en signe de solidarité, les malades cardiaques et les cancéreux devraient
demander et même exiger que leurs traitements soient reportés, quitte à en mourir pour le bien de
la patrie.
Pensez-y, ça aide à assainir les finances publiques et aussi à financer une belle salle toute neuve
de plus de 300 millions$ à notre orchestre symphonique de Montréal (OSM). Jean Charest a dit
qu’elle était prioritaire (Journal de Montréal, 26 octobre 2008) et ça permet au Québec d’être,
selon l’Institut patronal du Fraser Institute, le «Royaume des subventions» (plus de 6 milliards$
par année) aux transnationales et aux entreprises prospères (La Presse, 28 novembre 2009). Ça
s’appelle mourir pour une cause juste et noble. L’OSM et le patronat vous remercient
chaleureusement d’attendre, de souffrir et de mourir. La banque milliardaire TD qui vient de
déclarer des profits records en plein crise financière l’a redit récemment : «Les Québécois
devront faire des sacrifices» (La Presse, 2 septembre 2009). Pas les banques, responsables de la
dite crise, qui doivent satisfaire avec raison leurs pauvres actionnaires et dirigeants, mais les
Québécois et seulement eux, soit ceux qui ont été les innocentes victimes de leur arnaque. Belle
leçon de solidarité de nos gouvernements : on taxe les victimes, on détaxe et on subventionne à
coups de milliards en fonds publics les responsables. Pour verser ces milliards en subventions
publiques aux responsables, les Québécois doivent donc se sacrifier sans rechigner. Allez, un
petit effort svp., pour enrichir nos nababs, ces bienfaiteurs qui nous permettent de vivre.
Dans le Journal de Montréal du 14 octobre 1999, le journaliste parlementaire Normand Girard
écrivait dans son billet : «Dépenser pour un hôpital, hélas! Ça ne rapporte pas. C’est juste pour
palier à des diffcultés de la vie. C’est vrai que cela peut être difficile à comprendre pour les gens.
Moi c’est mon devoir d’expliquer». Qui a dit ces «vérités»? Et oui, ça ne peut être que le seul et
unique Bernard Landry. Maintenant, on comprend enfin qu’on «dépense» dans les services
publics et on «investit» des fonds publics dans la nouvelle salle de 300 millions$ à l’OSM et
dans les subventions aux entreprises comme celle de financer la construction à Montréal d’un
hôtel de luxe pour… chiens et chats. Si seulement il pouvait prendre un «break». Mais c’est plus
fort que lui, Bernard va récidiver et sévir encore et souvent.
Quoi d’autre? Lucien «lucide» Bouchard, alors premier ministre, qui dit : «Couper pour assurer
la survie de l’État» (Le Devoir, 26 février 1996). Il faut donc conclure qu’investir davantage dans
les services publics en lambeaux amènera la mort de l’État. N’importe quoi… Toujours de
Lucien «Lulu» Bouchard, Le Devoir du 9 mars 1996 titre : «Le coût des programmes sociaux :
Bouchard veut aligner le Québec sur l’Ontario et les États-Unis». L’Ontario, dirigé alors par le
conservateur d’extrême-droite Mike Harris. Bel exemple de social-démocratie de la part du Parti
québécois. Et, Bernard Landry, ah non, pas encore lui, qui, dans le Journal de Montréal du 29
octobre 1997, a dit fièrement : «Ce sont les agences de crédit et les prêteurs au gouvernement qui
lui dictent sa politique fiscale et budgétaire». Si c’est vrai, la souveraineté du Québec va changer
quoi au juste? Voilà une autre belle preuve que l’on vit dans un pays libre et démocratique. En
passant, ce sont ces agences de notation et ces prêteurs qui sont à l’origine de la crise actuelle et
qui n’ont rien vu des multiples fraudes et des faillites d’Enron, World Com, Tyco, Nortel et
compagnie. La meilleure est pour la fin, tel que titré dans La Presse du 22 octobre 2004 :
«Pauline Marois accuse Bernard Landry de récupérer ses idées». Ayoye, ça peut ben aller mal au
parti québécois.