Dossier « Cœur et Armées - sssm 45

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Dossier « Cœur et Armées - sssm 45
Médecine
&Armées
Revue du Service de santé des armées
Médecine & Armées ■ TOME 34 - N°4 - Octobre 2006 ■
« Cœur et Armées »
PAGES 289 à 384
Octobre 2006
N°4 TOME 34
ISSN 0300-4937
N°4 Octobre 2006
MÉDECINE
ET
ARMÉES
Revue du Service de santé
des armées
SOMMAIRE
Pages
T. 34 - n° 4 - Octobre 2006
Direction centrale
du Service de santé des armées
Médecine et Armées
1, Place Alphonse Laveran,
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MGI P. QUÉGUINER – MGI B. ROUVIER – PGI
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ÉDITION
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DOM-TOM et étranger :
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Prix du numéro :
7,5 €
Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agent
comptable de l’ ECPAD.
291 • Éditorial.
R. BRION
« CŒUR ET ARMÉES » : Physiologie
293 • Stress au cours du saut en parachute à très haute hauteur. Approche par l’étude de 38 holters ECG.
L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT.
299 • Étude de la variabilité sinusale lors d’immersion totale longue durée en eau froide.
G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO.
305 • Influence de l’activité physique sur la distensibilité aortique.
P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU.
« CŒUR ET ARMÉES » : Rythmologie
311 • Évaluation de l’influence de l’activité sportive sur l’électrocardiogramme de jeunes incorporés.
Apport d’une nouvelle méthode de traitement des données.
J.- R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION.
315 • Anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire.
S. K ÉRÉBEL , G. C ELLARIER ,C. J ÉGO , Y. L EDOLLEY , F. B ARBOU ,L. C ORGIE , R. P OYET , P. L AURENT ,
G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.
323 • Conduite à tenir devant une extrasystolie ventriculaire.
G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON.
329 • Indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire.
PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, E. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET, L. FOURCADE.
335 • Dysplasie ventriculaire droite arythomgène. Étiopathogénie, diagnostic, évolution, prise en
charge et retentissement sur l’aptitude au service.
PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ.
« CŒUR ET ARMÉES » : Divers
343 • Diagnostic et pronostic de la cardiomyopathie hypertrophique en 2006. Acquis et incertitudes.
P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU.
349 • Myocardite à forme pseudo-infarctoïde du sujet jeune. Revue de la littérature à propos de trois
observations.
X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION.
355 • Intérêt du scanner dans la maladie coronaire.
O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET.
361 • Insuffisance cardiaque en région tropicale. Prise en charge diagnostique et thérapeutique.
PH. PAULE, PH. HÉNO, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, L. BRAEM, B. JOP, P. VARLET, J.-É. TOUZE, L. FOURCADE.
369 • Cœur et spondylarthropaties.
U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU.
375 • Syndrome de Tako-tsubo. Une ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche.
F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT,
R. CARLIOZ.
379 • Syndrome du marteau hypothénar chez un jeune militaire.
P.-L. M ASSOURE , M. B EUSTES -S TEFANELLI , E. D ULAURENT , F. B IRE , J.-M. R IGOLLAUD , P. S HMOOR ,
S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER.
IMPRIMEUR ET ROUTAGE
Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007
Tulle Cedex.
Tél. : 05 55 93 61 00
Commission paritaire N° 0306 B 05721
ISSN : 0300-4937
COUVERTURE
Ghislaine PLOUGASTEL
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289
CONTENTS
Pages
« HEART AND ARMY » : PHYSIOLOGY
293 • Stress durind hight altitude parachute jumping. Approach by holter ECG.
L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT.
299 • Heart rate variability during long duration total body immersion in cold water.
G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO.
305 • Aortic distensibility and physical activity.
P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU.
« HEART AND ARMY » : RYTHMOLOGY
311 • Assessment of influence of sport activity on electrocardiograms of young recruits. Utility of
a data-processing new method.
J.- R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION.
315 • Abnormalities of the ventricular repolarisation and military aptitude.
S. K ÉRÉBEL , G. C ELLARIER ,C. J ÉGO , Y. L EDOLLEY , F. B ARBOU ,L. C ORGIE , R. P OYET , P. L AURENT ,
G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.
323 • Premature ventricular complex: appropriate management.
G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON.
329 • Radiofrequency catheter ablation of cardiac arrythima: indications and aptitude implications
in military medicine.
PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, E. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET, L. FOURCADE.
335 • Arrhythmogenic right ventricular cardiomypathy: etiopathogeny, diagnostis, evolution,
management and aptitude to serve.
PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ.
« HEART AND ARMY » : MISCELLANEOUS
343 • Diagnosis and prognosis of hypertrophic cardiomyopathy in 2006: knowledge and uncertainty.
P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU.
349 • Myocarditis mimicking myocardial infarction in the young: review of the literature about three
cases reports.
X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION.
355 • Interest of computed tomography in coronary artery disease.
O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET.
361 • Heart failure in the tropics: diagnosis and treatment.
P H . P AULE , P H . H ÉNO , D. M IOULET , J.-M. P ÉLONI , L. B RAEM , B. J OP , P H . V ARLET , J.-É. T OUZE ,
L. FOURCADE.
369 • Cardiovascular diseases in spondylarthropathies.
U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU.
375 • Tako-tsubo syndrome: a left ventricular transient apical ballooning.
F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT,
R. CARLIOZ.
379 • Hypothenar hammer syndrme in a young military.
P.-L. M ASSOURE , M. B EUSTES -S TEFANELLI , E. D ULAURENT , F. B IRE , J.-M. R IGOLLAUD , P. S HMOOR ,
S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER.
290
ÉDITORIAL
Il nous faut avant tout remercier la rédaction de la revue Médecine et Armées d'avoir
consacré à la cardiologie militaire un numéro thématique. Ce projet a abouti grâce à la
détermination de son coordonnateur, le médecin en chef J.-M. Chevalier et à la
participation de presque tous les services de cardiologie des Hôpitaux d’instruction des
armées qui ont produit une belle diversité de synthèses attractives et de travaux
originaux dans leurs domaines d'excellence.
Cette revue est également l’occasion de s’interroger sur ce que représente aujourd’hui
la cardiologie militaire.
Entité dynamique qui s'est très bien adaptée à l'évolution spectaculaire de la
cardiologie, elle a une identité forte à laquelle ses acteurs (présents ou passés) ont un
sentiment marqué d'appartenance.
Depuis 1991, les cardiologues militaires se réunissent chaque année. Ces réunions
initialement organisées à l’HIA du Val-de-Grâce par le médecin chef des services hors
classe J.-P. Ollivier se sont dans un second temps déplacées dans d’autres HIA avec un
succès constant encore renforcé par la participation plus récente des paramédicaux.
Ces réunions contribuent indiscutablement à unir la spécialité.
Depuis 2005, la cardiologie militaire a franchi un cap important au sein de la Société
française de cardiologie (SFC) avec l’institutionnalisation d’une séance de cardiologie
militaire au sein des « Journées européennes de la Société française de cardiologie ».
Cette séance, sous l’égide de la Société française de médecine des armées et de la
Société française de médecine aéronautique et spatiale, nous assure un espace
d’expression annuel dans le congrès international phare de la SFC (8 000 cardiologues)
et témoigne de la reconnaissance de notre spécificité par les instances scientifiques
civiles de la cardiologie.
Tout ceci est excellent mais est-ce suffisant ? Je ne le crois pas.
Parmi les acteurs de la cardiologie militaire on compte une quarantaine de praticiens
qualif iés, une dizaine d’internes et assistants en formation, sans oublier nos
médecine et armées, 2006, 34, 4
291
indispensables ESR et vacataires. Si l’on compare le nombre des praticiens militaires
certifiés au nombre de cardiologues civils en France il apparaît que nous représentons
environ 0,6 % du nombre global des spécialistes en cardiologie et environ 2 % du
nombre des cardiologues exerçant exclusivement en centre hospitalier public.
Ces chiffres mettent en évidence le fait que si chacun des neuf services ne représente
quantitativement que peu de chose, la cardiologie militaire regroupée représente un
nombre de praticiens loin d’être négligeable.
Or, lorsque l’on analyse le sommaire de cette revue, on s’aperçoit vite que pas une
seule publication ne relate un travail multicentrique émanant de plusieurs de nos
hôpitaux militaires. Force est de constater sur ce plan un éclatement en neuf entités. Si
nous voulons exister à l’échelle universitaire et faire émerger une « école de la
cardiologie militaire française » ce ne pourra être qu’à travers des travaux
suffisamment étayés pour qu’ils s'imposent comme des références internationales et
pour cela il sera indispensable d’unir nos données. Nous avons des domaines de
prédilection comme les limites de la normalité, le retentissement de l’entraînement
physique, l’influence des conditions extrêmes, la mise en évidence des pathologies de
l’adulte jeune, le suivi régulier des populations dont nous avons la charge etc.
Probablement devrons-nous également nous allier à d’autres spécialités devenues
proches comme l’endocrinologie et la pathologie métabolique.
Croyez bien que si nous ne saisissons pas rapidement et à l’échelle nationale les sujets
qui relèvent de nos spécificités d’autres le feront à notre place.
La nouvelle École du Val-de-Grâce pourrait être le support de ce type d’action
commune qui devra nécessairement impliquer nos internes. Un « conseil scientifique
de la spécialité » pourrait être créé, avec une représentation de chaque service et
l’objectif de définir des projets communs à plus grande échelle…
Ma génération de chefs de service a œuvré pour donner des moyens adaptés à chacun
des services de cardiologie des HIA et à développer un véritable professionnalisme. Je
crois que dans l’ensemble elle y a bien réussi. La génération suivante des chefs de
services qui se met progressivement en place aura à bâtir la transversalité entre les
services, condition qui sera indispensable pour que la cardiologie militaire conquière
toute la place qu’elle mérite.
MGI Richard Brion
HIA Desgenettes, Lyon
292
médecine et armées, 2006, 34, 4
Dossier « Cœur et Armées » : Physiologie
STRESS AU COURS DU SAUT EN PARACHUTE
À TRÈS GRANDE HAUTEUR
Approche par l’étude de 38 holters ECG
L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT
RÉSUMÉ
Le saut opérationnel à très grande hauteur avec dérive
sous voile est un concept aéroporté récent permettant de
parcourir une grande distance sous voile, puis de se poser
discrètement avant de réaliser une mission commando de
jour et surtout de nuit. Pour étudier les réactions
cardiovasculaires de ce type de saut extrême, nous avons
posé 38 holters rythmiques ECG (13 sauts de jour, 17
sauts de nuit et 8 vols avec intention de saut) chez 18
parachutistes très expérimentés (610 sauts et 32 ans en
moyenne). Comme prévu, les variations de fréquence
cardiaque (Fc) scandent les différentes phases de saut :
équipement, montée dans l’avion, dénitrogénation,
accélération franche lors du saut, décroissance très lente
lors de la dérive sous voile et rebond juste avant
l’atterrissage. Aucune anomalie rythmique ou ischémique
n’a été enregistrée. Mais de nuit, la Fc d’un même
parachutiste est toujours significativement plus élevée que
de jour, traduisant le stress psychologique engendré par
les conditions environnementales extrêmes. Cette étude
confirme que l’entraînement diminue les réactions de
stress (et donc la Fc) au fil des sauts et que les
parachutistes ont su gérer au mieux des incidents de saut,
situations parfois très dangereuses se traduisant par une
augmentation franche de la Fc sans trouble du rythme.
Mots-clés : Holter ECG. Parachutisme à très haute
altitude. Stress.
I. INTRODUCTION.
Le saut opérationnel à très grande hauteur (SOTGH) avec
dérive sous voile est un concept récent d’opération
aéroportée révélé au grand public par la très médiatisée
traversée de la Manche en tandem réussie le 7 novembre
1999 par deux militaires français (largage à 8 200 mètres,
40 km parcourus en 27 minutes). Effectué à haute altitude
(> 5 000 mètres) sous oxygène pur et avec ouverture
immédiate du parachute après la sortie de l’avion, son but
est l’infiltration discrète de personnels expérimentés
en territoire hostile. L’objectif de ce travail (1) est d’approL. AIGLE, médecin principal. J.-M. CHEVALIER, médecin chef des services,
praticien confirmé. L. JOURNAUX, médecin en chef. É. TREMSAL, médecin en
chef. Y. BODESCOT, directeur des activités holter, Ela France.
Correspondance : J.-M. CHEVALIER, Service de cardiologie, HIA Robert Picqué,
BP 28, 33998 Bordeaux Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
STRESS DURING HIGHT ALTITUDE PARACHUTE
JUMPING. APPROACH BY HOLTER ECG.
The high altitude parachute jumping, with drift under
sail is a recent concept allowing to cover a long distance,
then to land discreetly before realising his military
mission daily or nightly. To study cardiovascular’s
reactions of this extreme parachute jumping, we placed
38 holters ECG (13 daily jumps, 17 nightly jumps and 8
flights with jump intention) on 18 parachutists welltrained (mean 610 jumps and 32 years old). As planned,
the variations of the cardiac frequency scan the different
events of the jump. No rhythmical or ischemic abnormity
was registered. But by night and for the same
parachutist, the cardiac frequency is significantly higher
than by day, translating the psychological stress
consecutive to the extreme environmental conditions.
This study confirms that training lowers the reactions of
stress (then the cardiac frequency) jump after jump, and
when incidents occur, the parachutists may be able to
manage dangerous situations with an important but
normal increase of the cardiac frequency.
Keywords : Holter ECG. Parachuting at very high level.
Stress.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 293-298)
cher les réactions cardio-vasculaires de stress engendrées
par ce type de saut extrême en enregistrant l’activité
électrocardiographique par la méthode holter ECG (étude
des variations de fréquence, recherche d’une éventuelle
extrasystolie aux deux étages, voire d’une ischémie) chez
des parachutistes militaires très expérimentés et sans
facteur de risque cardio-vasculaire. Après un rappel sur
le SOTGH et ses différentes contraintes matérielles,
physiologiques et psychologiques, nous décrirons les
modalités de l’étude avant d’en présenter les résultats.
II. CONTRAINTES DU SAUT OPÉRATIONNEL
À TRÈS GRANDE HAUTEUR.
Le SOTGH est une activité militaire parachutiste de haute
technicité. Dans un but opérationnel (inf iltration
d’agents, actions commando, mise en place d’équipes de
293
D
O
S
S
I
E
R
recherche), des parachutistes sont largués à très haute
altitude sous oxygène pur, le plus souvent de nuit (plus de
4 500 m jusqu'à 7 500 m). Ils ouvrent leur parachute dès la
sortie de l’avion et effectuent ensuite une dérive sous voile
(DSV) qui sera variable, en durée (10 à 30 minutes) et en
distance (en moyenne une vingtaine de km, mais parfois
jusqu’à 40 km) selon de nombreux paramètres (altitude
de largage, direction et intensité des vents, terrain plat ou
accidenté, etc.). Ce type de saut entraîne à la fois des
contraintes physiologiques et des réactions de stress (2, 3),
mais aussi des contraintes importantes d’ordre technique
(avion particulier, qualification des personnels, matériels
spécifiques). En effet, ces parachutistes emportent jusqu’à
80 kg de matériel (fig. 1) pour réaliser ce type de saut: deux
parachutes, une bouteille d’oxygène pur au masque, un
système de vision nocturne, des moyens sophistiqués de
transmission, l’armement, le matériel de survie, etc.
Figure 1. Chuteur opérationnel équipé.
294
A) CONTRAINTES PHYSIOLOGIQUES
Les contraintes liées à l’altitude et à ce type de vol sont
multiples (4, 5) :
– baisse de la température liée à l’altitude (à 6 000 m il fait
- 40 °C) ;
– grande vitesse de chute initiale sous voile (10 m/s) en
raison de la moindre densité de l’air dans les hautes
couches de l’atmosphère ;
– le vent relatif est un facteur aggravant la sensation
de froid (wind chill factor) ;
– la longueur des vols impose des contraintes
positionnelles (ankylose des jambes par le harnais),
de mobilisation des commandes de vol (difficile maintien
prolongé des bras en l’air) et des difficultés de concentration nécessaire à la navigation de nuit avec jumelles
de vision nocturne.
L’ hypobarie d’altitude intervient sur l’organisme par
trois mécanismes :
– la diminution de la pression barométrique (loi de
Boyle-Mariotte) responsable de barotraumatisme
essentiellement lors de la chute libre initiale ;
– la diminution de la pression partielle en oxygène
responsable d'hypoxie aiguë qui peut avoir des
conséquences dramatiques sur la vigilance (6) et qui
impose la respiration d’oxygène pur pendant toute la
durée du vol et de la dérive sous voile. Dès 4 500 m, les
effets de l’hypoxie sont multiples, avec perturbation de la
motricité, altération de la vision, atteinte psychique avec
perte des capacités intellectuelles (6). Seule l’audition
résiste à l’hypoxie et peut donc servir de moyen de sauvetage ultime (importance des liaisons radiophoniques) ;
– la diminution de la pression partielle en azote observée
lors de la montée en altitude est responsable de la pathologie de décompression (lois de dissolution des gaz de
Henry) à la sortie de l’avion. En aéronautique, les formes
graves sont heureusement rares. Cette décompression des
gaz est prévenue par la dénitrogénation qui consiste en la
respiration préalable d’oxygène pur pendant toute la durée
de vol (vol stationnaire à une altitude cabine de 1 500 m
environ pendant une durée variable en fonction de la
hauteur de largage) afin d’éliminer la plus grande partie de
l’azote résiduel. Cette oxygénation sera poursuivie durant
la dérive sous voile jusqu'à l’arrivée au sol (fig. 2).
Figure 2. Longue dérive sous voile.
l. aigle
B) CONTRAINTES DE STRESS PSYCHOLOGIQUE (3, 7-9).
Le stress psychologique est un élément constant et majeur
lors du saut en parachute que ce soit chez le débutant (10)
ou le confirmé (4, 7) lors de sauts à ouverture automatique
(4, 11) et à ouverture retardée (12) avec une gestion très
individuelle du stress. Lors du SOTGH, le stress est bien
sûr lié à ce type de saut que l’on peut qualifier d’extrême,
mais aussi à l’anticipation de la mission à venir. Les
conséquences d’une mauvaise gestion de ce stress
peuvent entraîner des fautes de procédure lors des incidents de saut (retard à l’ouverture du parachute, mauvaise
adhérence du masque, mauvais réglage des jumelles de
vision nocturne, etc.), une dépense énergétique plus
importante et surtout un épuisement psychique majeur
avant même que la mission au sol ne débute.
III. ÉTUDE.
L’objectif a été d’approcher les réactions de stress lors du
SOTGH en enregistrant de façon continue l’électrocardiogramme par la méthode holter ECG, enregistrant ainsi
les variations de la fréquence cardiaque durant toutes les
phases du saut, de l’équipement jusqu’à l’arrivée au sol et
après si possible. Les enregistrements permettant
d’étudier chez un même parachutiste la variation de Fc
entre un saut de jour et un saut de nuit, entre des sauts
successifs, lors des incidents de saut et lors des vols avec
intention de saut (qui sont des vols avec équipement
complet mais annulation du saut pour des raisons
techniques, météorologiques le plus souvent).
A) PERSONNELS ÉTUDIÉS.
Se sont portés volontaires lors d’une campagne
de SOTGH en septembre 1999 18 militaires de carrière
appartenant au Commandement des opérations
spéciales. Tous ces hommes étaient très expérimentés,
avec une moyenne d’âge 32 ± 3,2 ans, plus élevée
que celle trouvée dans les unités parachutistes conventionnelles. Ils étaient tous des sportifs de très bon
niveau, sans antécédent personnel ou familial notable.
Seuls deux parachutistes étaient fumeurs réguliers.
Leur examen clinique était rigoureusement normal
avec une fréquence cardiaque moyenne de 63,7 ± 6,5
bpm. Leur pression artérielle systolique était en moyenne
de 124,5 ± 5,2 mmHg et la diastolique de 71,8 ± 9,8
mmHg. C’étaient des hommes parfaitement stables sur
le plan psychologique, ayant bénéficié de nombreux
tests de sélection préalable.
Leur expérience parachutiste est bien sûr significative,
notamment en chute libre avec un minimum de 250 sauts
commandés et un maximum de 1 500, soit une moyenne
de 610 ± 330 sauts. Le nombre de sauts à très grande
hauteur (SOTGH) était bien sûr beaucoup plus limité (14
± 5 sauts en moyenne, extrêmes de 5 à 25 sauts), car cette
activité est d’introduction récente avec un nombre très
limité (et très onéreux) de campagne de sauts.
stress au cours du saut en parachute à très grande hauteur
B) MATÉRIEL.
N’ayant pu bénéficier d’un soutien institutionnel (projet
de recherche refusé car jugé sans intérêt médico militaire !) nous avons utilisé du matériel aimablement prêté
par la société ELA médical avec 5 holters rythmiques de
type SYNEFLASH et 10 cartes mémoires type SYNESIS
de 20 méga-octets. Le holter se compose d’un boîtier de
faible encombrement (130 x 90 x 25 mm) et de faible
poids (290 g) avec un écran à cristaux liquide et un raccord
à cinq pistes. La séquence de mise en marche du holter est
simple et rapide. L’unité centrale de la société ELA
Médical nous a aussi été prêtée avec le logiciel d’interprétation SYNETEC qui a permis de sauvegarder sur place
l’ensemble des holters puis une analyse secondaire.
Après dégraissage de la peau, tous les holters ont été
posés de la même manière juste avant que les parachutistes ne s’équipent. À l’issue du saut, les données étaient
sauvegardées dans des fichiers individuels de l’unité
centrale puis les cartes mémoires étaient réinitialisées
pour une nouvelle utilisation.
C) MÉTHODE D’ANALYSE.
Avant de pouvoir analyser les variations de Fc et du
segment ST, un important travail de nettoyage des tracés a
été nécessaire. Il a consisté en la validation de toutes les
morphologies de QRS en commençant par les véritables
artefacts puis les complexes normaux et supra-ventriculaires pour finir par les vraies ESV (peu nombreuses).
Ensuite, la bonne position des curseurs pour l’intervalle
R-R a été vérif iée. Puis, il a fallu valider la totalité
des zones artefactées (ligne de base instable, défaut de
reconnaissance des complexes QRS) en revalidant si
nécessaire chaque battement tant en terme de positionnement que d’identification. Le T0 (heure de largage) a
ensuite été déterminé en réalisant un zoom sur le pic de Fc
et en le comparant avec l’horaire connu du largage, puis
validation déf initive. À l’issue de ce long travail de
« nettoyage-validation » nécessaire pour obtenir des
tracés fiables, les données de Fc ont été exportées dans un
fichier texte par périodes de 30 secondes, puis importées
dans un f ichier EXCEL et alignées sur le T0. Pour
l’analyse statistique des données, une loi polynomiale
d’ordre 4 a été utilisée pour le tracé de la Fc, car elle seule
permettait d’obtenir des coefficients de corrélation les
plus élevés possibles ainsi que la meilleure approche de la
réalité des courbes. Rapidement après le début de
l’analyse, de grosses variations dans les écarts-type ont
contraint de modifier la méthode d’étude en moyennant
les intervalles par minute puis en réalisant une moyenne
glissante lissée sur quatre minutes, pour améliorer le
coefficient de corrélation. Lors de l’analyse globale et
statistique des holters par la société ELA Médical, deux
tracés ont dû être rejetés car non exploitables.
D) LIMITES DE LA MÉTHODE.
Nous avons dû faire face à de nombreux problèmes. Le
premier, a été la conception artisanale du protocole
d’étude dans le cadre d’une thèse de doctorat en
médecine, sans f inancement institutionnel et avec
295
D
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R
uniquement la bonne volonté des médecins parachutistes
et le prêt gracieux du matériel par la Société Ela Medical.
Le second problème a été l’attente d’une campagne de
SOTGH. Cette campagne, plusieurs fois repoussée,
dépendait de nombreux paramètres dont la disponibilité
d’un avion, de différents techniciens et de la météorologie
car les enchaînements de sauts sont toujours sous sa
dépendance. La météo sera plutôt favorable mais de
nombreux problèmes d'avionique perturberont certains
sauts. En pratique, nous n’avons été prévenus que quinze
jours avant le début de la campagne de SOTGH. Il a donc
fallu récupérer rapidement tout le matériel d'enregistrement et d'analyse, apprendre à le manier et définir un
protocole d'étude. Puis il a fallu prendre contact avec les
médecins parachutistes assurant le soutien médical de la
campagne afin qu’ils transmettent auprès du commandement la demande d’autorisation de réaliser cette étude.
Tous ces problèmes techniques et ces contraintes expliquent surtout que nous n’ayons pas eu le temps de bien
décrire aux parachutistes l’intérêt de garder les holters
plus d’une heure voire 24 heures après le saut. Il n’y a pas
eu de problème avec le matériel de la société ELA, simple
d’emploi, fiable et très solide. Il n’y a pas eu de perte de
données grâce à un délai minimum entre le recueil et la
sauvegarde. Enfin, il n’y pas eu de défaut de stockage, et
l’activité musculaire n’a pas perturbé le signal. Secondairement, nous avons constaté qu’il aurait fallu recueillir de
façon plus précise les horaires de largage et surtout
d’arrivée au sol pour affiner les résultats. Ceci aurait pu
être facilement réalisable car il y avait un médecin en soute
et un autre au sol susceptibles de relever ces horaires.
IV. RÉSULTATS.
Au cours de cette campagne de SOTGH, 39 holters ECG
ont été mis en place. Un des holters n’a pas fonctionné
pour une raison inconnue. Sur les 38 autres holters posés,
8 parachutistes ont été équipés correctement mais les
sauts n’ont pas eu lieu (vols avec intention de saut) pour
des raisons matérielles et d’avionique. Secondairement,
deux tracés holter ECG ont été exclus car non exploitables. Au total, 28 holters avec dérive sous voile seront
été réalisés : 12 lors d’un saut de jour (entre 5 600 et
6 300 m), 16 lors d’un saut de nuit (5 600 m), 7 personnels
ayant sauté une fois de jour et une fois de nuit.
L’horaire de largage a été défini comme T0. Pour l’étude,
nous avons réalisé les moyennes des données en prenant
comme un intervalle de temps de 120 minutes avant T0 et
60 mn après.
Pour les huit vols avec intention de saut, les enregistrements s’arrêtent dans l’avion à différentes phases de la
procédure de dénitrogénation. Ils sont étudiés à part.
et fastidieuse (vérification du matériel). Ici les modifications de la Fc (qui varie de 95 à 105 bpm environ) sont
dues principalement à un effort physique (équipement,
longue station debout). En vol (2), les parachutistes sont
assis au repos complet et n’ont aucune tâche à effectuer.
Ils respirent de l’oxygène pur et leur fréquence cardiaque
diminue très lentement mais dans des proportions
moindres que l’on aurait été en droit d’attendre chez ces
hommes entraînés au repos. Pendant la dénitrogénation
(une heure environ), la Fc moyenne est de 85 bpm. Dans
cette situation, le stress psychologique est l’élément
fondamental responsable de la tachycardie relative
persistante. Viennent ensuite les deux pics de Fc (3 et 4)
correspondant à des efforts physiques en soute avant la
sortie de l’avion. En ce qui concerne les pics de Fc à la
sortie et à l'ouverture du parachute (5), ils sont quasiment
simultanés car l'ouverture de la voile est très précoce
(dans les cinq premières secondes). On trouve des valeurs
moyennes à 132 bpm le jour et 154 bpm la nuit avec des
extrêmes de 180 bpm, toujours inférieures aux Fc
maximales théoriques. Juste après l'ouverture, on note un
petit décroché dans la courbe (6) qui s'explique par les
manœuvres à réaliser pour la navigation (tour d’horizon,
vérification de l’azimut) et la sécurité de la dérive sous
voile. Lors de cette dérive sous voile (7), on note une
décroissance lente et régulière de la Fc, passant en
moyenne à 105 bpm en dix minutes de vol. L'autre
caractéristique de ces sauts est la phase d'atterrissage (8)
qui entraîne un ressaut tachycardique modéré en fin de
vol. Celui ci est lié à la crainte d’un obstacle imprévu, au
largage près du sol de la gaine contenant le matériel
emporté et à la difficulté du poser avec tout l’équipement.
Lors de cette dernière phase, la Fc passe à 115 bpm en
moyenne. Le dernier pic d’accélération (9) correspond au
déséquipement, avec l’euphorie relative post stress (3, 8)
sans différence entre un saut de jour ou de nuit.
Lors des douze sauts de jour (fig. 3, tracé en bleu), on
retrouve un tracé similaire à celui des 28 sauts moyennés
mais décalé vers des fréquences cardiaques plus basses
A) HOLTERS RYTHMIQUES DE 28 SOTGH.
La figure 3 représente le diagramme des fréquences
cardiaques moyennes des 28 sauts (en jaune), des 12 sauts
de jour (en bleu) et des 16 sauts de nuit (en rouge). Que ce
soit de jour comme de nuit, on individualise facilement
huit périodes. La phase d’équipement au sol (1) est longue
296
Figure 3. Diagramme des fréquences cardiaques moyennes des 28 sauts (en
jaune), des 12 sauts de jour (en bleu) et des 16 sauts de nuit (en rouge). 1 = long
équipement au sol ; 2 = assis dans l’avion avec dénitrogénation en O2 pur ; 3 et
4 = lever et efforts en soute ; 5 = sortie de l’avion et ouverture immédiate ;
6 = vérification de l’azimut ; 7 = dérive sous voile ; 8 = atterrissage ;
9 = déséquipement.
l. aigle
(moins dix bpm) sur l’ensemble de l’enregistrement, ce qui
est classique. La moyenne de Fc sous voile est de 98 bpm.
C’est la seule étude dans la littérature qui rapporte
les variations de Fc lors des sauts de nuit. En effet, les réactions cardiovasculaires ont été plusieurs fois étudiées par
la méthode holter (8, 11, 13-15) mais toujours lors de
sauts diurnes. Lors des 16 sauts de nuit enregistrés (fig. 3,
ligne rouge), on retrouve les huit périodes pré décrites
mais avec un Fc toujours au moins supérieure de 10 voire
15 bpm par rapport à la même période en saut de jour. Que
ce soit lors de la dénitrogénation assis dans l’avion ou lors
des mouvements de vérification de matériel en soute. Le
pic de Fc au largage est à 154 bpm en moyenne la nuit (soit
22 bpm de Fc en plus que le jour) ce qui traduit bien le
stress psychologique engendré par le saut de nuit. La
différence est encore plus caricaturale lors de la dérive
sous voile où la Fc est toujours supérieure à 110 bpm, soit
20 bpm de plus que le jour. Enf in, malgré un strict
repérage préalable et des cartes très précises, la crainte
d’un obstacle non vu à l’arrivée au sol (fossé récemment
creusé, souche d’arbre non arrachée, fil de fer tendu
récent) angoisse toujours ces grands professionnels (16,
17). L’étude montre que de nuit la différence est significative pour les variations de la Fc par rapport à celles de jour,
et que cette variation est essentiellement due au stress
psychologique car les contraintes matérielles et environnementales (froid, etc.) sont les mêmes hormis l’obscurité
et le port de jumelle à vision nocturne. Lors d'études
précédentes à l'ETAP (4), des vols avec intention de saut
(VIS) avaient été enregistrés chez des novices lors de
SOA. Il avait été noté, après une courte phase de
tachycardie liée à l’agitation du personnel de soute, une
bradycardie relative dès l'annonce de l'annulation du saut.
B) HUIT HOLTERS LORS DE VOL AVEC
INTENTION DE SAUT.
Lors des huit VIS (5 de jour et 3 de nuit) les résultats sur la
Fc sont différents chez ces parachutistes très expérimentés. L'annulation du saut n'a pas l'effet « libérateur de
stress » comme chez de jeunes recrues (4) et la fréquence
cardiaque poursuit sa rapide décroissance vers une valeur
proche de la Fc de repos. C'est une nouvelle preuve de
l'adaptation émotionnelle due à l’entraînement. Ceci
nous permet aussi de confirmer que lors d’un vol normal,
la Fc ne descend pas sous les 75 bpm traduisant bien la
concentration et le stress physiologique d’avant saut.
C) SEPT PERSONNELS ONT EFFECTUÉ UN
SAUT DE JOUR ET UN SAUT DE NUIT.
Pour chacun d’eux, la différence est significative avec une
Fc de nuit toujours plus élevée que celle de jour (pour l’un
des personnels, la Fc maximale de nuit est de 160 bpm, la
plus basse de jour au même moment est de 80 bpm). Un
parachutiste (tab. I) a effectué les 8, 10 et 11 septembre
1999 trois sauts de jour dans les mêmes conditions. Si la
chute et l’ouverture du parachute entraînent une réaction
catécholergique identique, on constate une nette
diminution de la Fc en récupération post saut. On peut en
stress au cours du saut en parachute à très grande hauteur
déduire que la répétition des sauts permet une meilleure
gestion du stress et donc une meilleure maîtrise de
l’activité. Ce qui confirme l’importance de l’entraînement pour des activités à risque comme le SOTGH, le
parachutiste devant être immédiatement apte à débuter sa
mission le plus souvent en milieu hostile et inconnu.
Tableau I. Évolution de la Fc après le saut d’un même parachutiste ayant
réalisé trois SOTGH diurnes à trois jours d’intervalle.
Temps après T0
08 /09
10/09
11/09
+ 5 minutes
87
84
86
+ 9 minutes
90
85
82
+ 15 minutes
101
84
81
+ 20 minutes
95
84
84
+ 25 minutes
117
105
108
D) INCIDENTS DE SAUT.
Au cours de cette étude, 4 incidents de sauts ont été
enregistrés :
– 2 à la sortie de l’avion (retard d’ouverture du parachute
de 3 à 6 secondes) ;
– 1 sous voile (inefficacité des jumelles à vision nocturne) ;
– et 1 à l’atterrissage (obstacle imprévu sur l’aire
de poser).
Lors d’un saut de nuit, le parachutiste P. S. fait sa séquence
d’ouverture mais sans succès. La voile se libère enfin
après six secondes. Pour un chuteur de son expérience,
cela reste une situation extrêmement anxiogène mais qui
a été analysée de manière sereine (il se laissait encore trois
secondes avant de tirer sur la poignée du parachute de
réserve). L’ECG parle de lui même, montrant une
tachycardie importante sur la durée de l’incident (165
bpm) et un lent retour à la normale. Alors que pour le
même saut de jour sa Fc était à 91 sous voile. Vingt
minutes après le saut, la Fc était toujours sinusale à 105
bpm après l’incident de saut, alors qu’il était préalablement à 86 bpm sans incident. Le parachutiste A. Ch.
effectue un saut de nuit avec un système de vision
nocturne cassé (fig. 4). Ceci se traduit par une tachycardie
qui s’est prolongée tout le vol (Fc moyenne à 135 bpm
sous voile) alors qu’elle était à 120 bpm lors d’un
deuxième saut avec jumelles à vision nocturne.
Les quatre incidents ne sont pas « critiques » si on se place
dans un contexte de parachutisme de loisir. Ils prennent ici
une tout autre signification : décider de libérer une voile et
de repartir en chute libre avant d’ouvrir le parachute de
secours de nuit, en charge sous oxygène et à 5 600 mètres
n'est pas une situation que tout un chacun est à même de
gérer facilement. L'expérience, la gestion du stress et des
événements sont des éléments capitaux mais qui n'empêchent pas une tachycardie réactionnelle plus ou moins
intense liée à la décharge physiologique d'adrénaline.
Mais les fréquences maximales retrouvées (de l’ordre de
180 bpm), restent en deçà des valeurs de la FMT. Surtout,
aucun trouble du rythme auriculaire ou ventriculaire
significatif n’a été révélé. Dans d'autres études (10, 18)
297
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Figure 4. Diagramme des fréquences cardiaques moyennées toutes les
5 minutes et centrées sur T0 (sortie d’avion) chez un même parachutiste. La
différence entre le saut de nuit (ligne du haut) et de jour (ligne du bas) est
manifeste lors de la dérive sous voile beaucoup plus anxiogène.
sans notion d'incident, des sujets plus novices passent
largement au-dessus des 200 bpm. Ceci traduit bien la
capacité à gérer différemment de tels événements.
V. CONCLUSION.
Ce travail représente la première étude des variations de
fréquence cardiaque lors des sauts en parachute de nuit
(jamais décrit) et de jour, qui plus est à grande hauteur
(> 5 000 m) en respiration d’oxygène pur et dans des
conditions d’atterrissage parfois difficiles. Cette étude a
permis d’obtenir un tracé ECG continu caractéristique du
SOTGH de jour et de nuit, avec ses différentes phases :
équipement initial, long vol assis en cabine pressurisée
avec dénitrogénation, puis saut agressif à très grande
altitude (froid, hypoxie, accélération), puis assez longue
dérive sous voile et atterrissage en milieu parfois hostile.
Les réactions cardio-vasculaires de stress sont franches
pour des personnels très entraînés sans toutefois dépasser
la FMT ni révéler d’anomalie rythmique. La Fc des sauts
de nuit est significativement supérieure de dix bpm au
moins à celle de jour lors de toutes les phases du saut et du
vol sous voile, tant individuellement que collectivement.
La succession de sauts entraîne une diminution relative
de la Fc moyenne et donc du stress témoignant de l’importance d’un l’entraînement régulier. Lorsque le parachutiste
est équipé mais n’a pas sauté, il n’y a pas d’appréhension
du saut. Par ailleurs, lors des incidents de saut, l’expérience
a permis une bonne gestion des situations.
Le SOTGH doit donc être considéré comme un parachutisme de l’extrême, qui nécessite une sélection médicale
et technique rigoureuse des candidats.
Il serait très intéressant d’envisager une préparation
mentale pour ces chuteurs comme cela se pratique déjà
dans de nombreux sports de haut niveau, car cette étude
révèle un stress anticipatoire franc pour des chuteurs très
entraînés qui, une fois au sol, auront besoin de toutes leurs
capacités psychiques pour réaliser leur mission. Il serait
aussi intéressant de refaire une étude en conservant les
holters lors d’un enchaînement saut-exercice de combat
commando afin d’étudier l’évolution de la Fc dans une
situation la plus proche possible de la réalité.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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l. aigle
Dossier « Cœur et Armées » : Physiologie
ÉTUDE DE LA VARIABILITÉ SINUSALE LORS D’IMMERSION
TOTALE DE LONGUE DURÉE EN EAU FROIDE
G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO, F. BARBOU
RÉSUMÉ
ABSTRACT
La variabilité sinusale peut être utilisée comme moyen de
dépistage non invasif de la fatigue physique. Nous nous
sommes intéressés à ses variations lors d’immersion de
longue durée en eau froide chez des nageurs de combat,
afin d’apprécier le retentissement sur les capacités
opérationnelles. La variabilité sinusale a été enregistrée
les nuits précédant et suivant l’immersion, et durant la
totalité de l’immersion, chez dix plongeurs totalement
immergés pendant six heures, à 10° et à 18°. Il existe une
diminution du tonus végétatif entre les nuits précédant et
suivant l’immersion (SDNN : -1 % à 18°), significative à
10° (SDNN : -14,2 %, p < 0,05) et plus marquée pour le
parasympathique (p < 0,05). La baisse parasympathique
est plus importante à 10° qu’à 18 °C (HF : -28,4 % versus
-47,6 %, p < 0,001). Durant l’immersion, il existe une
majoration de la variabilité sinusale (SDNN : +16,1 % à
18° [p = 0,03], et +6,2 % à 10° [p = ns]), prépondérante
au niveau du parasympathique (HF/LF : +19,9 % à 18° et
+16,0 % à 10°, p = ns). Il s’agit à notre connaissance de
la première expérimentation en immersion complète. La
modification des paramètres de variabilité sinusale au
décours d’une immersion prolongée en eau froide
pourrait être en rapport avec une fatigue physique et une
baisse des performances opérationnelles en fin
d’immersion qui persiste jusqu’au lendemain.
HEART RATE VARIABILITY DURING LONG
DURATION TOTAL BODY IMMERSION IN COLD
WATER.
Heart rate variability can be used for non invasive detection
of physical fatigue. We studied its variations during long
duration immersion of combat divers in cold water, in order
to evaluate the consequences on operational capacities.
Heart rate variability was recorded the nights preceding
and following immersion, and during the totality of
immersion, on 10 divers completely immerged during 6
hours, at 10° then 18 °C. There is a decrease of vegetative
tone the night following immersion comparing with the
preceding one (SDNN : -1 % at 18°), significant for
immersion at 10 °C (SDNN : -14.2 %, p < 0.05) and more
marked for the parasympathetic tone (p < 0.05). The
parasympathetic decrease is more important at 10° than at
18° (HF : - 28,4 % versus -47,6 %, p < 0,001). During
immersion, we observe an increase of heart rate variability
(SDNN : +16.1 % at 18° [p = 0.03], and +6.2 % at 10°, [p
= ns]), more marked for the parasympathetic tone (HF/LF:
+ 19.9 % at 18° and + 16.0 % at 10°, p = ns). As far as we
know, it is the first experimentation realized in complete
immersion with such data recordings. The heart rate
variability parameters modifications after a long duration
immersion in cold water may suggest a fatigue and a
diminution of the operational performances at the end of
the diving, prolonged at least the following day.
Mots-clés : Capacité opérationnelle. Fatigue physique.
Immersion totale. Tonus neurovégétatif. Variabilité
sinusale.
Keywords : Complete immersion. Heart rate variability.
Neurovegetative tone. Operational capacities. Physical
fatigue.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 299-303)
I. INTRODUCTION.
La variabilité sinusale (VS) représente les variations
physiologiques des intervalles RR (entre 2 QRS),
traduisant l’influence de la balance vago-sympathique
sur le nœud sinusal.
De nombreux auteurs ont démontré son intérêt
dans l’évaluation non invasive de l’entraînement, en
G. CELLARIER, médecin en chef, praticien confirmé. Cl. ROBINET, médecin
en chef, spécialiste de médecine de la plongée. L. MOUROT, post-doctorant.
A.-V. DESRUELLE, ingénieur d’étude et de fabrication. C. JÉGO, médecin
principal, praticien confirmé. F. BARBOU, médecin principal, praticien confirmé.
Correspondance : G. CELLARIER, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne,
BP 600, 83800 Toulon Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
particulier pour la détection du surentraînement et
de l’état de fatigue (1-9).
Le but de ce travail a été d’analyser la VS chez des
nageurs de combat, déterminer la faisabilité de son
enregistrement chez un plongeur en immersion complète
prolongée en eau froide, et étudier son application pour
évaluer le retentissement sur l’aptitude opérationnelle.
II. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL.
L’expérimentation a reçu l’accord du CCPPRB de
Marseille 1 (recherche biomédicale fondamentale en
conditions extrêmes, sans bénéfice individuel direct).
299
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A) SUJETS.
Nageurs de combat au nombre de dix (33 ± 3 ans, 173 ±
2 cm, 77 ± 3 kg), tous volontaires ayant signé un
consentement éclairé, ont été immergés totalement
pendant six heures, à deux reprises à une semaine
d’intervalle, à 18 °C et à 10 °C, dans un ordre déterminé.
Les plongeurs ont bénéficié d’une protection thermique
identique à celle utilisée pour leurs missions opérationnelles, modifiée pour permettre le passage des différents
câbles, capteurs et sondes.
B) MATÉRIELS.
L’immersion a été réalisée dans un bassin hors sol
spécifiquement créé, avec régulation thermique de l’eau.
Les sujets ont été sanglés et lestés en position demi-assise
sur un siège immergé de façon à ce que la tête soit
complètement sous l’eau. Un respirateur de type
« Benett » a permis la ventilation des plongeurs. Un
monitorage ECG et des températures cutanées et
centrales complétait l’équipement qui comportait un
dispositif de recueil urinaire, un enregistreur d’EMG et
un cathéter sanguin permettant notamment le recueil des
catécholamines plasmatiques (fig. 1, 2).
C) MÉTHODES.
L’enregistrement Holter a été réalisé par un appareil
miniaturisé Holter Vista ® , avec un logiciel Ultima
HolterSoft ® (Novacor SA), permettant 72 heures
d’enregistrement continu sur deux pistes. La variabilité
sinusale a été mesurée et analysée selon les recommandations ESC/NASPE (10). Les différents paramètres de VS
et leur signification sont rappelés dans le tableau I. La VS
a été analysée les nuits avant et après immersion et durant
la totalité de l’immersion. Les résultats sont illustrés par
les figures 3 à 5. Les analyses statistiques et les comparaisons de moyennes sont faites à l’aide du test t de Student
et les analyses multivariées en analyse de variance
(ANOVA à 1 facteur).
Figure 1. Schéma du protocole expérimental.
300
Figure 2. Plongeur immergé.
III. RÉSULTATS.
A) ANALYSE DE LA VS AVANT ET APRÈS
IMMERSION (FIG. 3).
Il existe une variation des paramètres de VS témoignant
d’une altération du tonus végétatif, plus marquée pour
le parasympathique.
1. Immersion à 18 °C.
Il existe une diminution (n’atteignant pas le seuil de
signif icativité) des paramètres de VS entre la nuit
précédant l’immersion et la nuit suivante. Cette
Figure 3. Variations de variabilité sinusale après immersion.
g. cellarier
Tableau I. Paramètres de variabilité sinusale et leur signification.
Analyse spectrale (reflet vago-sympathique)
Analyse temporelle (équivalence spectrale)
Très basses fréquences (VLF) : 0,0033 - 0,04 Hz
(thermorégulation et activité vasomotrice).
Basses fréquences (LF) : 0.04 - 0,15 Hz (activité sympathique).
Hautes fréquences (HF) : 0.15-0,4 Hz (activité parasympathique).
Rapport HF/LF : balance sympathique.
SDNN, ou écart-type des RR : densité spectrale totale.
SDANN 5 : écart-type sur 5 mn (LF).
PNN 50 : % de triplets avec > 50 ms de différence entre 2 RR (HF).
diminution concerne l’ensemble des indices de VS :
globaux (SDNN = 105 ms vs 104 ms ; PNN50 = 23,8 % vs
16,8 %), activité orthosympathique (LF = 2 048 ms2 vs
1 473 ms2), activité sympathique (HF = 680 ms2 vs 487
ms 2 ), et balance sympathique témoignant d’une
baisse plus marquée du tonus parasympathique (HF/LF
= 0,34 vs 0,29).
B) ÉVOLUTION DE LA VS AU COURS DE
L’IMMERSION (FIG. 4).
2. Immersion à 10 °C.
Il existe également une diminution des paramètres de
VS entre la nuit précédant l’immersion et la nuit
suivante, atteignant cette fois le seuil de significativité :
SDNN = 120 ms vs 103 ms (p = 0,05) ; PNN50 = 27,2 %
vs 16,1 % (p < 0,05) ; LF = 2 495 ms 2 vs 1 430 ms 2
(p < 0,05) ; HF = 963 ms2 vs 505 ms2 (p < 0,05) ; HF/LF
= 0,37 vs 0,32 (p = ns).
1. Immersion à 18 °C.
L’analyse de la VS durant l’immersion montre, entre le
début et la fin de la plongée, l’existence d’une majoration
des indices avec augmentation prépondérante du
tonus parasympathique.
SDNN = 91 ms vs 105 ms (p = 0,03) ; PNN50 = 15,4 % vs
24,3 % (p = ns) ; LF = 766 ms 2 vs 2 953 ms 2 (p = ns) ;
HF = 5 335 ms2 vs 1 037 ms2 (p = ns) ; HF/LF = 0,37 vs 0,44
(p = ns), au début de l’immersion versus à la f in de
l’immersion respectivement.
2. Immersion à 10 °C.
SDNN = 108 ms vs 115 ms (p = ns) ; PNN50 = 25,0 % vs
33,6 % (p = 0,01) ; LF = 3 356 ms2 vs 4 257 ms2 (p = ns) ;
HF = 1 472 ms2 vs 2 344 ms2 (p = ns) ; HF/LF = 0,48 vs 0,56
(p = ns), au début de l’immersion versus à la f in de
l’immersion respectivement.
C. INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE
D’IMMERSION (FIG. 5).
L’altération du tonus parasympathique la nuit
suivant l’immersion est plus importante à 10° qu’à 18 °C :
HF = 505 vs 487 ms2 (p < 0,001) ; HF/LF = 0,29 vs 0,32
(p = ns).
IV. DISCUSSION.
Figure 4. Évolution de la VS au cours de l’immersion.
étude de la variabilité sinusale lors d’immersion totale de longue durée en eau froide
Il s’agit à notre connaissance de la première expérimentation d’immersion totale, avec tête sous l’eau
des sujets. Cette étude a nécessité la conception et la
réalisation d’un bassin spécif ique par l’Institut de
médecine navale du SSA. La tête des plongeurs était
en affleurement juste sous le niveau d’eau, et la
ventilation comportait une pression inspiratoire
positive qui compensait la différence de pression due à
l’immersion.
La durée de l’immersion et les températures étudiées
reflètent les conditions réelles opérationnelles des
nageurs de combat. Elles ont nécessité une surveillance
continue de la température centrale, qui s’abaissait
à 36,24 ± 0,11 °C et 36,18 ± 0,11 °C lors des immersions
à 18° et 10° respectivement (p = ns entre les deux températures d’immersion). Un monitorage cardio-respiratoire
ainsi que l’enregistrement de la VS a été permis grâce
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Figure 5. Différences de variabilité sinusale après immersion selon la
température. Analyse multivariée (test ANOVA 1 facteur).
à l’adaptation des combinaisons permettant le passage
des fils, capteurs et sondes.
Concernant l’enregistrement Holter-ECG, il s’agit
également de la première analyse de la variabilité sinusale
en continu pendant une immersion totale.
Nous retrouvons une majoration de la VS au cours de
l’immersion, avec prépondérance de la majoration
parasympathique.
Ces données ont déjà été notées par différentes équipes
lors de la soumission des sujets à un stress physique (5, 79). Il est bien sûr diff icile de faire la part du stress
psychique engendrée par une immersion de cette durée
à des températures particulièrement basses. Dishman
et al. (11) ont rapporté l’influence inverse du stress
psychique préalable sur les variations du tonus
parasympathique. La connaissance de la température de
plongée avant l’immersion (cinq plongeurs commençant
par une immersion à 18° et cinq par une température
de 10° puis inversement) a certainement joué un rôle dans
la modulation de la composante HF lors de l’immersion.
Ceci peut expliquer, en partie, l’incrément paradoxalement moins important des basses fréquences durant
l’immersion à 10°.
Les travaux précédemment conduits lors d’immersion
tête hors de l’eau sont également superposables (12-17).
Miwa et al. décrivent une diminution des HF au repos
après trois jours d’immersion sèche (13), et retrouvent
tout comme dans notre travail une majoration du
parasympathique au cours d’une immersion aux épaules
(14). Ces modifications au cours de l’immersion sont
conf irmées par les travaux de Seps et al. qui les
rapprochent de celles relevées en microgravité (15).
Cette activation parasympathique en cours d’immersion
peut être en partie expliquée par les altérations hémodynamiques dues à l’immersion (avec notamment élévation
des pressions de perfusion thoraciques), comme l’a
montré l’équipe de Schipke (16). L’influence de la
température de l’eau semble néanmoins importante dans
ces modif ications survenant pendant l’immersion,
302
comme l’ont montré Mourot et al. chez des plongeurs non
totalement immergés à neutralité thermique puis en eau
fraîche (17). Nous mesurons d’ailleurs dans notre
expérimentation une sécrétion de catécholamines
plus importante à 10° tout au long de l’immersion, avec
un pic en milieu d’immersion plus marqué à 10° qu’à 18°
(adrénaline : 80,4 vs 48,8 pg/ml, p < 0,05 ; noradrénaline :
1 752 vs 1 020 pg/ml, p < 0,05). L’activation parasympathique pendant la plongée pourrait ainsi également
être la conséquence d’un à-coup vagal secondaire
au stress thermique.
Les travaux de l’équipe stéphanoise (4-6) ont bien
montré l’influence de la fatigue physique sur la VS. Bien
que réalisés dans des conditions différentes puisque
étudiant les conséquences d’un entraînement intensif, ils
peuvent faire émettre l’hypothèse que les modifications
prédominant sur le parasympathique la nuit suivant
l’immersion chez nos nageurs de combat, témoigne
d’une fatigue physique qui persiste au moins jusqu’au
lendemain de la plongée. D’autres travaux, incluant des
mesures de paramètres de forces physiques par exemple,
seront néanmoins nécessaires pour rattacher ces
modifications de VS à une fatigue physique.
Le rôle de la température dans ce stress physique parait
en revanche évident, et est confirmé dans notre étude par
une variation de la VS plus importante à 10° qu’à 18 °C
(avec baisse de HF > LF). D’autres travaux issus de cette
expérimentation et en cours de publication mettent
en évidence une déshydratation secondaire à la plongée,
persistant le lendemain, pouvant contribuer à la
majoration de cette fatigue physique.
A) LIMITES DE L’ÉTUDE.
La taille limitée de notre effectif, conséquence de la
lourdeur de l’expérimentation, explique certainement la
non significativité statistique des résultats à 18°.
Les conditions de stress différentes (ordre de passage et
températures connus avant l’immersion) ont un rôle sur le
tonus vago-sympathique. Des raisons techniques ne
rendaient pas possible la modulation immédiate de la
température du bassin, imposant le passage en deux
groupes de températures prédéfinies des sujets.
L’absence de corrélation à des tests d’exercice ne
permet pas d’affirmer formellement la fatigue physique
des plongeurs.
V. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES.
De cette première expérience d’analyse de la
variabilité sinusale chez des sujets soumis à une
immersion complète en eau froide, on retiendra, comme
dans les travaux précédemment réalisés (immersion
tête hors d’eau) une majoration du tonus parasympathique au cours de l’immersion, et une diminution
des paramètres de variabilité sinusale au décours de
l’immersion.
Ces résultats pourraient être liés d’une fatigue
physique corrélée à la contrainte thermique, présente
lors de la récupération nocturne suivante ; des travaux
g. cellarier
complémentaires sont nécessaires pour étayer cette hypothèse. Ils peuvent témoigner d’une diminution des
capacités opérationnelles des nageurs de combat,
apparaissant dès la fin de l’immersion, et persistant au
moins jusqu’au lendemain de la plongée.
La confection et l’essai de tenues à réchauffage
actif sont une voie de recherche af in d’optimiser
ces performances opérationnelles. Dans l’attente, il
faut insister sur l’importance de la réhydratation
après la plongée.
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en eau fraîche. Arch Mal Cœur 2004 ; 97 (4) : 413.
303
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VIENT DE PARAÎTRE
PHYSIOLOGIE ET MÉDECINE DE LA PLONGÉE
coordonnateurs B. BROUSSOLLE – J.-L. MÉLIET
coordonnateur associé M. COULANGE
2e ÉDITION
Par rapport à la 1re édition, les articles ont été remaniés, et pour la plupart complètement réécrits
pour tenir compte de l'évolution des connaissances et des techniques de plongée, aussi bien dans
le domaine sportif que professionnel, civil et militaire.
L'ouvrage a été coordonné pendant quatre ans par B. BROUSSOLLE et J.-L. MÉLIET, qui se sont
adjoints un comité de rédaction composé de A. BARTHÉLÉMY, E. BERGMANN, E. CANTAIS, Ph. CAVENEL,
J. CORRIOL, B. GRANDJEAN, M. HUGON, J. REGNARD et J.C. ROSTAIN.
M. COULANGE a été associé aux travaux pour finaliser la maquette et suivre l'édition. Qu'ils en soient
tous remerciés.
Ce livre tente de dresser le tableau le plus complet des connaissances dans chaque discipline,
avec deux principales parties :
– la physiologie et l'adaptation des principales fonctions soumises aux conditions très spécifiques
du milieu aqueux hyperbare ;
– la médecine, avec l'étude des accidents (barotraumatismes, accidents toxiques, accidents de
décompression) et de leur traitement.
Un chapitre spécial est consacré à la plongée en apnée qui connaît une vogue croissante.
L'aptitude, la prévention et la réglementation concernant les différentes formes de plongées,
la plongée de l'enfant et de la femme, font l'objet de chapitres particuliers. Enfin, les différentes
techniques de plongée, les appareils respiratoires, les systèmes de protection, sont passés
en revue.
Des annexes apportent tous les renseignements utiles et un index facilite les recherches.
Il s'adresse avant tout aux médecins, étudiants en médecine et personnel médical oeuvrant dans
le domaine si particulier de la médecine de plongée. Mais il peut être consulté avec profit par les
moniteurs, instructeurs et par les plongeurs eux-mêmes soucieux de leur sécurité.
Il est complémentaire du Traité de médecine hyperbare de F. WATTEL et D. MATHIEU, paru chez
le même éditeur.
ISBN 978-2-7298-2983-4 – Format 17,5 x 26 cm – Pages : 880 – Prix : 75 € – ELLIPSES-Édition Marketing, 32 rue Bargue
75740 Paris cedex 15 – Tél. : 01 45 67 74 19 – www.editions-ellipses.fr
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Dossier « Cœur et Armées » : Psysiologie
INFLUENCE DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE SUR LA
DISTENSIBILITÉ AORTIQUE
P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU
RÉSUMÉ
Notre étude analyse l’effet de l’activité physique sur la
distensibilité aortique et la pression artérielle centrale.
Trente volontaires sains (âge 34,5 +/-3 ans), 26 hommes et
4 femmes, normotendus et sans antécédent
cardiovasculaire ont été inclus et répartis en deux
groupes de 15 sujets selon la pratique de l’activité
physique. Les paramètres physiologiques sont enregistrés
au repos à distance de toute activité sportive. Les
pressions centrales sont mesurées chez les sportifs, et la
distensibilité aortique (évaluée par la vitesse de
propagation de l’onde de pouls carotido-fémorale) est
mesurée dans les deux groupes. Les deux groupes étudiés
(sédentaires vs sportifs) sont appariés selon l’âge (34 +/- 3
vs 35 +/- 3 ans) et les pressions artérielles brachiales
systoliques (PAS) (124 +/- 3 vs 125 +/- 3 mmHg) et
diastoliques (PAD) (76 +/- 2 vs 74 +/- 3 mmHg). Il n’y a
pas d’amplification de la pression pulsée aorto-brachiale
chez les sportifs. La distensibilité aortique, identique
statistiquement entre les deux groupes (9,1 +/- 0,3 vs 8,5
+/- 0,5 m/s, NS), est bien corrélée à l’âge (r = 0,53 ; p
< 0,05) et à la PAS (r = 0,56 ; p < 0,05) chez les sujets
sédentaires alors qu’elle est inversement corrélée à l’âge
(r = 0,74 ; p < 0,05) et n’est pas corrélée à la PAS chez les
sujets sportifs.
Mots-clés : Activité physique. Amplification de la
pression artérielle. Distensibilité aortique. Vitesse de
propagation de l’onde de pouls.
I. INTRODUCTION.
Les maladies cardiovasculaires représentent un problème
de santé publique en France comme dans le reste du
monde. Parmi les moyens de lutte contre l’apparition de
ces pathologies, figure la maîtrise des facteurs de risque
cardiovasculaire ainsi que la pratique de l’activité
physique (1, 2) qui permet d’atténuer l’importance de
certains facteurs cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle, la dyslipidémie, l’obésité et le diabète (3).
Les recommandations du Collège américain de médecine
du sport proposent de pratiquer une activité physique
P. LAURENT, médecin en chef, praticien certifié. P. MARENCO, praticien
hospitalier, doctorant. O. CASTAGNA, médecin des armées, adjoint IMNSSA.
R. CARLIOZ, médecin chef des services, professeur agrégé du SSA. J.-P. MENU,
médecin chef des services, professeur agrégé du SSA.
Correspondance : P. LAURENT, Service de cardiologie, HIA Sainte Anne,
BP 600, 83800 Toulon Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
AORTIC DISTENSIBILITY
ACTIVITY.
AND
PHYSICAL
The aim of this study is to analyse the influence of
physical activity on aortic compliance and central blood
pressure. Thirty healthy volunteers (26 men and 4
women, age 34,5+/-3 years) without hypertension or
cardiovascular diseases were included and divided in 2
groups of 15 subjects. Physiological parameters were
recorded at rest 24 hours at least after a physical activity.
Aortic pressure was measured in sportive patients and
aortic compliance (evaluated by aortic carotido-femoral
pulse wave velocity) was measured in both groups. Two
groups (sedentary vs trained) were matched by age (34+/3 vs. 35+ /-3 years), systolic (124+/-3 vs. 125+/-3 mmHg),
(SBP), and diastolic (76+/-2 vs. 74+/-3 mmHg), (DBP)
brachial arterial pressure. No aorto-brachial pulse
pressure (PP) amplification was found in the sportive
subjects. There was no aortic distensibility difference
(9,1+/-0,3 vs. 8,5+/-0,5 m/s: NS) between the two groups
and aortic distensibility was well age (r=0,53 :p<0,05)
and SBP correlated (r=0,56 :p<0,05) in the sedentary
group but it was reverse age-correlated (r=0,74 :p<0,05)
and not SBP correlated in the sportive group.
Keywords: Aortic distensibility. Arterial pressure
amplification. Physical activity. Pulse wave velocity.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 305-310)
quotidienne modérée d’au moins 30 minutes (4), la
réduction de l’incidence des accidents coronariens étant
directement proportionnelle au niveau de l’activité
physique pratiquée (5).
II. EFFETS DE L’EXERCICE PHYSIQUE.
Il existe une relation inverse entre le niveau d’activité
physique pratiquée et l’incidence des accidents
cardiovasculaires, aussi bien chez les hommes que chez
les femmes (6, 7). L’exercice physique fait partie des
recommandations pour la prévention primaire et
secondaire des pathologies cardiovasculaires (8) alors
qu’aucune explication physiopathologique claire n’a été
fournie concernant le rôle protecteur du sport sur le
système cardiovasculaire (9, 10). L’exercice physique
améliore la perfusion myocardique, mais n’a que des
effets limités sur l’extension des lésions d’athérosclérose
305
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(11). Les effets bénéf iques de l’exercice physique
régulier pourraient passer par des actions sur plusieurs
facteurs dont la restauration d’une fonction endothéliale
(notamment des artères coronaires) qui, lorsqu’elle est
perturbée, favorise le développement de l’athérosclérose
et de la thrombose (12). L’endothélium maintient un
certain degré de vasodilatation (production rapide de
prostacyclines et de monoxyde d’azote (NO) lors de
forces de cisaillements de la paroi), et participe ainsi à la
régulation de la pression artérielle. Chez l’animal (le
chien), la fonction endothéliale est améliorée par
l’exercice physique régulier grâce à des phénomènes
d’augmentation de l’expression génique de la NO
synthase (13).
De nombreux travaux ont mis en évidence la pertinence
de la mesure de la pression artérielle centrale comme
facteur de risque cardiovasculaire (14), ceci étant très
compréhensible d’un point de vue physiopathologique car
la pression mesurée au niveau de l’aorte est, réellement,
celle « vue par le cœur » contrairement à celle mesurée
classiquement au niveau de l’artère brachiale lors d’une
consultation clinique. La pression artérielle pulsée (PP)
mesurée au niveau de l’artère carotide commune est quasiidentique à la PP mesurée dans la crosse aortique (15).
Physiologiquement, il existe une augmentation de la
pression artérielle, du cœur vers la périphérie, communément appelée « amplification ». Cette amplification est
observée essentiellement pour la pression artérielle
systolique (PAS) et également pour la pression artérielle
pulsée (PP) qui correspond à la différence entre la PAS et
la pression artérielle diastolique (PAD), cette dernière
étant stable sur l’ensemble de l’arbre artériel.
Or, certaines études (16-18) ont montré qu’une baisse de
cette amplif ication de la PP pouvait constituer un
marqueur de risque cardiovasculaire supplémentaire. La
baisse d’amplification de la PP le long de l’arbre artériel
peut être dû à une augmentation de la rigidité artérielle
plus fréquemment observée chez les sujets âgés.
Notre étude a analysé l’influence de l’activité sportive sur la
pression artérielle centrale, sur l’amplification de la PP ainsi
que de la distensibilité aortique. Nous avons émis
l’hypothèse selon laquelle l’influence bénéfique de la
pratique d’activité sportive sur les pathologies cardiovasculaires agirait par le biais d’une baisse de la pression artérielle
centrale (et donc l’augmentation de l’amplification de la
PP) et d’une augmentation de la distensibilité aortique.
III. MÉTHODES.
De manière à évaluer l’influence de l’activité sportive sur
les différents paramètres hémodynamiques mesurés,
nous avons comparé les résultats obtenus à partir d’un
échantillon de patients sportifs à ceux issus d’une
population témoin de patients sédentaires.
A) POPULATION ÉTUDIÉE.
Nos patients sont répartis en deux groupes : un groupe de
15 sportifs pratiquant une activité physique régulière
depuis au moins une année à raison de 60 minutes par
306
séances, avec au moins 3 séances par semaine et un
groupe de 15 sujets sédentaires strict.
Le caractère sportif est établit sur les données aérobies de
consommation maximale d’oxygène (mesure de la V02max
réalisée au cours d’une épreuve d’effort) qui est supérieure à
120% de la théorique pour l’ensemble des sportifs.
Aucun sujet ne présente de facteurs de risque cardiovasculaire notés lors de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
B) PARAMÈTRES HÉMODYNAMIQUES.
Les paramètres hémodynamiques sont mesurés après
quinze minutes de repos en décubitus dorsal, chaque
volontaire étant installé dans une pièce climatisée à 21 °C.
1. Pression artérielle (PA) brachiale.
Chaque PA retenue au niveau brachial est le résultat d’une
moyenne de trois mesures réalisées au bras gauche avec
un appareil de mesure automatique de la pression
artérielle utilisant une technique de mesure par oscillométrie (Omron ® 705 CP). La fréquence cardiaque
moyenne est le résultat d’une moyenne de trois mesures
prises chacune sur une minute.
La pression artérielle systolique (PAS), diastolique
(PAD), moyenne (PAM), pulsée (PP = PAS-PAD), ainsi
que la fréquence cardiaque (FC) sont monitorées toutes
les cinq minutes, lors des mesures des autres paramètres
hémodynamiques.
2. Pression artérielle centrale (aortique).
Cette mesure est estimée lors du recueil de la pression
artérielle en regard de l’artère carotide réalisée par
tonométrie d’applanation (Sphygmocor®) grâce à l’aide
d’une fonction de transfert mathématique validée par de
nombreuses études (19, 20) permettant de calculer la
pression artérielle centrale (aortique). Cette pression à été
mesurée uniquement chez les sportifs car la mesure de la
pression artérielle centrale a déjà été largement étudiée
chez les sujets sédentaires.
3. Amplification de la pression pulsée (PP).
La PP (PP =PAS-PAD) n’est pas constante, mais augmente
de façon centrifuge dans les artères de gros calibre. Le
calcul de l’amplification de la PP impose une mesure de
celle-ci à différents niveaux de l’arbre artériel : aortique,
carotidien, brachial et radial. L’amplification est définie
comme la différence entre la PP distale et la PP proximale.
4. Mesure de la distensibilité aortique : calcul de la
vitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) carotido-fémorale.
La distensibilité aortique a été évaluée par la mesure de la
vitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) carotidofémorale à l’aide du Complior®, après dix minutes de
repos. Cet appareil de mesure automatisée procure une
excellente reproductibilité inter et intra-observateur et a
déjà été validé dans des études précédentes (21, 22). L’onde
de pression générée par l’éjection ventriculaire se propage
le long de l’arbre artériel en fonction des propriétés du mur
p. laurent
vasculaire. Deux capteurs mécanographiques cutanés sont
utilisés : l’un est placé en regard de l’artère carotidienne
droite, l’autre est en regard de l’artère fémorale droite. Les
ondes pulsatiles enregistrées au niveau des deux sites
apparaissent sur l’écran en temps réel. La tangente aux
courbes de pression est automatiquement calculée,
permettant de définir le pied de l’onde de pouls enregistrée.
La différence de temps entre les courbes est déterminée et
l’appareil fait alors le calcul de vitesse en fonction de la
distance mesurée entre les deux capteurs à l’aide d’un
ruban métrique appliqué sur la peau. Le résultat exprimé
correspond à la moyenne d’une dizaine de mesures. Cette
mesure permet d’évaluer la distensibilité aortique.
5. Étude de la fonction cardiaque.
Tous les patients ont bénéficié de la réalisation d’une
échocardiographie. L’évaluation des paramètres
cardiaques structuraux et l’analyse de la fonction
diastolique (fonction de remplissage), est toujours
pratiquée par le même opérateur, sur le même appareil
d’échographie doppler (General Electric Vingmed®)
muni d’une sonde de 2,5 MHz et selon les recommandations de la Société française de cardiologie. Le patient
est placé en décubitus latéral gauche, la main gauche
derrière la tête. Les mesures doppler sont effectuées en fin
d’inspiration. Les mesures sont toutes répétées trois fois à
l’occasion de cycles respiratoires différents, et seule la
moyenne des trois est retenue.
C) ANALYSE STATISTIQUE DES DONNÉES.
De manière à éviter tout biais dans l’interprétation
des résultats, les deux groupes de patients (sportif et
sédentaires) ont été appariés selon l’age, le poids et la
pression artérielle brachiale. En raison du faible effectif
de femmes (deux dans chaque groupe) aucune comparaison statistique liée au sexe n’a été réalisée.
Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel
Statview ® 5 (SAS intitute Inc, Cary, North Carolina,
USA) utilisé avec un ordinateur PC. Les valeurs ont été
exprimées en moyennes ± 1 déviation standard (DS) pour
les variables quantitatives, en nombres et pourcentages
pour les variables qualitatives :
– les calculs de moyennes, déviation standard (DS) et
erreur standard de la moyenne (ESM) sont réalisés dans
les statistiques descriptives ;
– les comparaisons des différentes pressions artérielles en
fonction du site de mesure ont été effectuées par un test de
Wilcoxon pour séries appariées ;
– tests de corrélation : nous n’avons pas effectué de tests
de corrélations linéaires multiples compte tenu de la taille
de l’échantillon. Les volontaires des deux groupes ont été
appariés sur les paramètres cliniques et hémodynamiques
et comparés par un test T de Student pour séries appariées
avec un seuil de significativité p < 0,05. Les corrélations
recherchées entre VOP, paramètres cliniques et hémodynamiques, ont été effectuées par un test de Spearman avec
également un seuil de significativité p < 0,05.
influence de l’activité physique sur la distensibilité aortique
IV. RÉSULTATS.
A) DESCRIPTION DE LA POPULATION
D’ÉTUDE.
Les 30 volontaires sains normotendus ont été répartis en
deux groupes appariés d’après l’âge (34 +/- 3 vs 35 +/- 3
ans : NS) et les pressions artérielles brachiales systoliques
(124 +/- 3 vs 125 +/- 3 mmHg : NS) et diastoliques (76 +/2 vs 74 +/- 3 mmHg : NS). Les données sont résumées
dans le tableau I. Chaque groupe est composé de 13
hommes et 2 femmes. Les sports pratiqués sont des sports
d’endurance : cyclisme sur route (n = 8) et course à pieds
(n = 7). Tous les volontaires de l’étude ont bénéficié d’une
échocardiographie qui a confirmé la normalité de la fraction d’éjection ventriculaire gauche et l’absence de
valvulopathie.
B)
MESURE
DE
LA
FRÉQUENCE
CARDIAQUE, DE LA PRESSION ARTÉRIELLE
CENTRALE ET AMPLIFICATION DE LA PP
AORTO-BRACHIALE CHEZ LE SUJET
SPORTIF.
La fréquence cardiaque moyenne du groupe sportif est
significativement beaucoup plus basse (57 +/- 2 vs 70 +/2 batt/mn, p < 0,0001) que celle du groupe témoin.
La mesure de la pression artérielle systolique aortique est
de 122 +/- 4 mmHg, la PAD est mesurée à 72 +/- 2 mmHg
et la pression pulsée est mesurée à 49 +/- 3 mmHg,
l’amplification de la PP aorto-brachiale étant nulle. Les
sportifs de notre étude, ne présentent donc aucune
amplification de la PP aorto-brachiale.
C) MESURE DE LA VITESSE DE PROPAGATION DE L’ONDE DE POULS.
La VOP carotido-fémorale ne diffère pas entre le groupe
sédentaire et le groupe sportif de l’étude (9,1 +/- 0,3 vs 8,5
+/- 0,3 m/s respectivement).
La VOP est bien corrélée à l’âge (fig. 1) et à la PAS (fig. 2)
chez les sujets sédentaires.
Tableau I. Caractéristiques cliniques des deux groupes de volontaires.
Paramètres
Goupe 1
(sportifs)
Groupe 2
(sédentaires)
N
15
15
p
Âge, années
35±3
34±3
NS
Tailles, cm
173±2
173±1
NS
Poids, kg
68±2
69±2
NS
PAS brachiale, mmHg
125±3
124±3
NS
PAD brachiale, mmHg
74±3
76±2
NS
PP brachiale, mmHg
50±2
48±2
NS
FC, batt/min
57±8
70±9
< 0,0001
VOP carotido-fémorale, m/s
8,5±0,5
9,1±0,3
NS
Valeurs moyennes ± esm, NS (non significatif)
307
D
O
S
S
I
E
R
Par contre, cette VOP est inversement corrélée à l’âge
(fig. 1) et n’est pas du tout corrélée à la PAS (fig. 2) chez
les sujets sportifs.
V. DISCUSSION.
Notre étude montre que la pratique de l’activité sportive
n’a pas d’influence sur la mesure de la VOP moyenne
carotido-fémorale au repos, notre population ayant un
age moyen de 35 ans. À la différence d’autres travaux
(23-25), nous n’avons pas retrouvé de différence de VOP
aortique au repos entre les sportifs et les sédentaires.
Cependant, les courbes de corrélation entre la VOP
et l’âge ont un prof il différent entre les sédentaires
et les sportifs, ces derniers semblant améliorer leur
distensibilité aortique avec l’âge, allant ainsi à l’encontre
du phénomène de « aging ».
Il est admis que la VOP augmente avec l’âge (26), aussi
bien chez l’homme que chez la femme. Les déterminants
physiologiques majeurs de la VOP sont représentés
par l’élasticité du vaisseau, et par la pression artérielle
systolique. L’augmentation âge dépendante de la VOP
est essentiellement liée à des altérations de la structure de
la média des vaisseaux (augmentation du collagène,
diminution de l’élastine et calcification). Elle se voit
aussi en l’absence d’athérosclérose ce qui en fait un
phénomène indépendant (27).
L’élasticité artérielle est gouvernée par des modifications
de structure de la matrice, mais aussi par la régulation
endothéliale du tonus musculaire vasculaire. Étant admis
que l’entraînement en endurance augmente la distensibilité artérielle et diminue la PAS, la durée et le type
d’exercice ont leur importance. Au cours d’un exercice
aérobie modéré, il est observé une augmentation de la
distensibilité artérielle des gros vaisseaux en seulement
quatre semaines chez des sujets sains normotendus (28).
L’augmentation de l’élasticité artérielle associée à
l’hypertension systolique isolée n’est pas réversible après
huit semaines d’entraînement, alors que la pratique d’une
activité physique est capable d’améliorer l’élasticité des
artères de gros calibre chez les sujets jeunes normotendus
en seulement quatre semaines.
Figure 1. Corrélations Âge/VOP dans les groupes 1 (Sportifs) et 2
(Sédentaires), p < 0,05.
308
Figure 2. Corrélations VOP/PAS entre le groupe 1 (sportifs) et le groupe 2
(sédentaires).
Lors d’un entraînement sur vélo, comme c’était le cas
pour la moitié de nos volontaires, les effets sur la
distensibilité artérielle sont visibles en seulement quatre
semaines d’entraînement aérobie modéré (29). Les
mécanismes impliqués passent par des modifications
du tonus vasculaire des vasa vasorum (30). Au cours
d’un exercice physique aérobie, la distensibilité
artérielle augmente donc immédiatement, pour revenir à
sa valeur normale dans l’heure qui suit. Ce mécanisme de
vasodilatation des vasa vasorum contribue à l’augmentation de la distensibilité aortique et ainsi, à la prévention
à long terme de la dégénérescence de la media et de
l’épaississement intrinsèque de l’aorte. Durant et après
l’exercice, il se produit une libération de métabolites
vasodilatateurs au niveau du lit vasculaire. Le NO libéré
par l’endothélium joue un rôle dans la réponse du flux
sanguin à l’exercice (31, 32). Les effets du NO sont
médiés par la relaxation isométrique des vaisseaux de
telle sorte que la distensibilité puisse être modifiée indépendamment du diamètre artériel. La vasodilatation est
donc un mécanisme à court terme permettant d’augmenter
la distensibilité lors de l’entraînement physique.
La pression artérielle varie selon le site anatomique où
elle est mesurée. La PAM reste stable tout au long de
l’arbre artériel car la PAS augmente progressivement
mais très significativement, alors que la PAD diminue
peu : La pression artérielle pulsée (PP = PAS-PAD)
augmente ainsi de l’aorte vers la périphérie. Ce phénomène appelé « amplif ication de la pression pulsée »
s’explique par le rôle joué par les ondes de réflexion
artérielle qui viennent moduler la PP. Les ondes de
réflexion qui surviennent en début de diastole permettent
la bonne perfusion des artères coronaires (33).
Ces ondes de réflexion sont plus tardives au niveau
périphérique (car elles viennent de loin), et contribuent
donc peu ou pas à l’amplification du pic de PAS et donc de
la PP. Par conséquent, les pressions périphériques sousestiment l’augmentation de la PAS centrale liée à l’âge
parce qu’elles ne tiennent pas compte de l’exagération du
pic systolique tardif caractéristique, observée dans les
artères centrales lors du vieillissement (34-36).
Il est admis que le phénomène d’amplification de la PP
aorto-radiale est faible chez les sujets de plus de 50 ans, en
p. laurent
raison d’une augmentation des ondes de réflexion
précoce, alors qu’il est bien réel chez les sujets jeunes. De
plus, chez les moins de 50 ans, le phénomène d’amplification diminue d’autant plus que la PAD augmente (37).
Alors qu’il a été clairement mis en évidence l’existence
d’une amplification centrifuge de la PP entre l’aorte et
les artères des membres supérieurs et inférieurs (38, 39)
dans d’autres travaux, le groupe de patients sportifs de
notre étude ne présente aucune amplification de la PP
aorto-brachiale. Ce résultat pourrait s’expliquer par la
fréquence cardiaque basse observée dans le groupe
sportif (40), l’amplification de la PP aorto-brachiale
dépendant de la durée de la systole (elle augmente lorsque
la durée de la systole diminue et inversement (41)). Cette
augmentation de la durée de la systole est responsable
d’une augmentation de la PAS centrale par addition de
l’onde de pression incidente et de l’onde réfléchie au
niveau de l’aorte avec pour conséquence une élévation
de la PP centrale et donc une baisse du phénomène
d’amplification de la PP.
Bien qu’il existe des données sur le remodelage
ventriculaire gauche (VG) lié au vieillissement (42, 43)
ou à l’entraînement en endurance, il y a peu de données
sur les interactions du sport et du vieillissement sur le
ventricule gauche. Gates et collaborateurs (44) ont
montré que les modifications de la structure ventriculaire
gauche et de la fonction diastolique liées au vieillissement chez les sédentaires en bonne santé, s’observent
également chez les sportifs malgré l’exercice physique
régulier. Arbab-Zadeh et collaborateurs (45) montrent
que l’entraînement prolongé en endurance préserve la
compliance ventriculaire gauche du vieillissement.
L’absence d’amplification de la PP (par l’augmentation
de la PAS centrale dont elle résulte), risquerait donc
d’augmenter la post-charge et d’aller à l’encontre des
effets bénéfiques sur la distensibilité vasculaire.
Le lien entre la fréquence cardiaque et l’amplification de
la PP a déjà été mis en évidence lors de nos précédents
travaux, à partir d’une population de patients hypertendus
(46). Une PP élevée est associée à une augmentation
de l’incidence des évènements cardiovasculaires (47) et
une VOP élevée est un facteur prédictif indépendant
d’évènements cardiovasculaires (48-50).
À ces phénomènes liés au vieillissement, viennent
s’ajouter des facteurs de risque cardiovasculaires
additionnels comme le tabac, l’HTA, les dyslipidémies,
le diabète, les facteurs génétiques. Tous ces facteurs ont
une finalité commune, la genèse de l’athérosclérose.
Notre étude comporte des effectifs insuffisants pour faire
des corrélations multiples. Des effectifs de 30 volontaires
dans chaque groupe permettraient d’avoir des données
statistiquement intéressantes et d’effectuer des corrélations multiples. Les sports pratiqués sont des sports
d’endurance, mais ils sont différents. Un plus grand
nombre de volontaires permettra de faire des groupes
homogènes et de comparer les différents sports entre eux.
La moyenne de notre population est jeune et il sera
intéressant de voir si ces observations persistent chez
des sujets plus âgés.
De plus, notre population comporte une majorité
d’hommes. Étant donné que le sexe à une influence sur
l’amplification de la PP (le phénomène d’amplification
de la PP chez l’homme est plus important que chez la
femme, surtout chez les sujets jeunes), il serait intéressant
de pouvoir distinguer les hommes des femmes. Nous
avons déjà montré par exemple, que la VOP est corrélée à
la FC chez les hommes, mais pas chez les femmes (51).
VI. CONCLUSION.
La pratique d’une activité physique régulière et soutenue
n’a pas d’influence sur la distensibilité aortique évaluée
au repos et atténue complètement le phénomène d’amplification de la pression pulsée. Le sport en endurance rend
la distensibilité aortique moins dépendante de la pression
artérielle systolique et de l’âge, et pourrait donc par ce
mécanisme, assurer un rôle protecteur du réseau artériel
par rapport au vieillissement physiologique de la paroi
artérielle aortique.
L’absence d’amplif ication de la pression pulsée
aorto-brachiale pose un autre problème. Elle pourrait par
contre, contribuer à une augmentation de la charge
myocardique et faciliter le développement d’une
hypertrophie myocardique.
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p. laurent
Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie
ÉVALUATION DE L’INFLUENCE DE L’ACTIVITÉ SPORTIVE
SUR L’ÉLECTROCARDIOGRAMME DE JEUNES INCORPORÉS
Apport d’une nouvelle méthode de traitement des données
J.-R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION
RÉSUMÉ
La réalisation d’un électrocardiogramme est
systématique lors de la visite d’aptitude dans les armées.
Le diagnostic le plus fréquemment suspecté grâce aux
résultats de cet examen est celui d’hypertrophie
ventriculaire gauche. Ce travail rendu possible grâce à la
numérisation des électrocardiogrammes enregistrés dans
les centres de sélection, permet de redéfinir les normes
des différents critères électriques d’hypertrophie
ventriculaire gauche (indices de Sokolow, Cornell, Lewis)
chez le sujet jeune. L’indice de Sokolow est
significativement influencé par l’activité sportive intense
(moyenne : 28 mm +/- 8 chez les sédentaires, 32 mm +/10 chez les sportifs), ce qui devrait nous conduire à tenir
compte du niveau de l’entraînement sportif du sujet
avant d’interpréter son électrocardiogramme.
Mots-clés : Électrocardiogramme. Hypertrophie
ventriculaire. Sportif.
ABSTRACT
ASSESSMENT OF INFLUENCE OF SPORT
ACTIVITY ON ELECTROCARDIOGRAMS OF
YOUNG RECRUITS. UTILITY OF A DATAPROCESSING NEW METHOD.
Recording electrocardiograms of young recruits is
systematic in French army. The most often suspected
diagnosis is therefore left ventricular hypertrophy, in
practice rarely confirmed by other means. This work,
thanks to electrocardiograms numerization of young
recruits, allows us to redefine normality criteria of
electrical left ventricular hypertrophy of the young male
(Sokolow, Cornell, Lewis index). The Sokolow criterion is
significantly influenced by intense sport activity (mean 28
+/- 8 mm for the sedentaries vs 32 +/- 10 mm for the
athletes). This result should bring us to evaluate
electrocardiogram of a young, in the light of his sportpractice habits.
Keywords : Athletes. Electrocardiogram. Myocardial
hypertrophy.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 311-313)
I. INTRODUCTION.
La réalisation systématique d’électrocardiogrammes
dans les armées a pour objet d’offrir un moyen de dépistage supplémentaire des cardiopathies, en particulier de
celles pouvant être à l’origine de morts subites (1).
Les industriels proposent depuis plusieurs années une aide
au diagnostic sous la forme d’un diagnostic automatisé.
Le diagnostic le plus couramment porté chez l’adulte
jeune est celui de « probable hypertrophie ventriculaire
gauche », qui n’est pratiquement jamais confirmée par les
méthodes d’imagerie (2). En effet, les travaux à l’origine
J.-R. CAIGNAULT, médecin principal, praticien certifié. S. GUÉRARD, médecin
principal, praticien certifié. V. GRIFFET, médecin principal, praticien confirmé.
F. BERNARD, médecin en chef, praticien certifié. R. BRION, médecin général
inspecteur, praticien certifié.
Correspondance : J.-R. CAIGNAULT, Service de pathologie cardiovasculaire,
HIA Desgenettes, BP 25, 69998 Lyon Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
de la définition des critères électriques d’hypertrophie
ventriculaire gauche ont été réalisés sur des populations
plus âgées, avec une sensibilité médiocre et une très
bonne spécificité. En revanche, elles ne sont pas validées
chez l’adulte jeune, a fortiori sain (3, 4).
Le travail que nous présentons, réalisé dans le service de
pathologie cardiovasculaire de l’hôpital d’instruction des
armées (HIA) Desgenettes dans le cadre d’un projet de
recherche du Service de santé des armées (SSA), utilise
une méthode originale de numérisation des tracés, puis
l’utilisation pour la détection des anomalies, non d’un
algorithme prédéf ini, mais d’un tri statistique de
variables (198 au total). L’anormalité se définit alors
comme le tracé s’écartant le plus de la moyenne de la
population étudiée (5).
Cette méthode trouve tout son intérêt dans le « screening »
de la population des jeunes sportifs, chez lesquels le
diagnostic d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG)
311
D
O
S
S
I
E
R
est le plus fréquemment porté par l’interprétation
automatisée. Le diagnostic de myocardiopathie
hypertrophique est alors particulièrement redouté.
L’hypertrophie ventriculaire gauche retentit sur l’électrocardiogramme en augmentant les amplitudes des
complexes QRS, une déviation axiale gauche, et de
grandes ondes S dans les dérivations précordiales. Les
anomalies de la repolarisation et d’une onde q sont
importantes à prendre en considération pour le diagnostic
d’hypertrophie ventriculaire gauche (1, 6).
L’objectif de ce travail était plus particulièrement
l’étude de la pertinence des critères classiques ECG
d’hypertrophie ventriculaire gauche dans la population
des jeunes sportifs, et l’établissement de nouvelles
normes de positivité le cas échéant.
II. CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION.
Notre population est constituée de 604 hommes jeunes,
de sexe masculin, dont l’âge moyen est de 21,3 ans. Ils
sont présumés sains grâce à l’établissement d’une fiche
de recueil des données anamnéstiques, cliniques et
électrocardiograhiques.
On définit trois groupes selon l’activité sportive déclarée
du jeune :
– groupe 1 (213) : sujets sédentaires ;
– groupe 2 (173) : sujets pratiquant du sport d’intensité
modérée ou moyenne, de façon occasionnelle ou
régulière pour des activités de loisir ;
– groupe 3 (198) : sport pratiqué de façon régulière
et intense voire en compétition.
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES.
Au total, 710 ECG ont été enregistrés sur des jeunes
incorporés du centre de sélection de Lyon, et analysés
par un cardiologue ; 85 étaient inexploitables :
doublons, mauvaise qualité, mauvais positionnement des
électrodes ; 21 tracés pathologiques (Wolff Parkinson
White, importants troubles de la repolarisation, bloc de
branche) ont été écartés.
La numérisation des tracés utilise un boîtier particulier
(boîtier corina®, Marquette-Hellige) relié à un ordinateur
utilisant le programme cardiosoft® (Marquette-Hellige).
Ces outils permettent d’extraire la matrice des mesures
réalisées par l’enregistreur numérique et de la traiter avec
un logiciel de statistiques. Les tracés « hors normes » sont
automatiquement mis en évidence ; la définition des
normes devient dynamique, évoluant avec la taille de la
base de données. Cette méthode permet le traitement
d’une grande quantité de données et d’adapter les
conclusions à la norme de la population étudiée, dans
notre étude, les jeunes, sportifs ou sédentaires.
Nous comparons la fréquence cardiaque, la largeur
du QRS et les critères électriques d’hypertrophie
ventriculaire gauche du groupe 1 et du groupe 3.
Les critères ECG les plus communs, pour le diagnostic
d’hypertrophie ventriculaire gauche, étudiés sont :
312
– l’indice de Sokolow : (SV1 + RV5 (ou RV6)) . Il est
considéré comme positif s’il dépasse 45 mm chez
l’homme avant 50 ans, 35 mm chez l’homme après 50 ans
et chez la femme après 15 ans ;
– l’indice de Lewis : (RD1 - RD3) + (SD3 - SD1). Il est
anormal au-dessus de 17 mm, il ne peut être positif que
lorsque l’axe du QRS est orienté à gauche.
– l’indice de Cornell (RaVL + SV3) est considéré comme
pathologique au-delà de 28 mm chez l’homme et 20 mm
chez la femme.
IV. RÉSULTATS.
A) FRÉQUENCE CARDIAQUE.
La fréquence cardiaque moyenne de repos de la
population est de 71 (+/- 12)/min. Il existe une différence
significative (p < 0,0001) entre la population sédentaire
(75 +/- 14/min) et la population de sportifs (64 +/12/min).
B) DURÉE DU QRS.
La répartition des durées de QRS n’est pas gaussienne,
sa valeur moyenne est de 100,8 ms.
Nous n’observons pas de différence entre les sédentaires
et les sportifs.
C) INDICE DE SOKOLOW.
La répartition des valeurs de l’indice de Sokolow répond à
la loi normale. Il existe une différence significative de la
valeur moyenne de l’indice de Sokolow entre les deux
groupes 1 et 3 (fig. 1). Il est de 32 (+/-10) mm chez les
sportifs, tandis qu’il n’est que de 28 (+/- 9) mm chez les
sédentaires. Si l’on choisit comme règle pour définir la
normalité la valeur en dessous de laquelle 95 % de la
population étudiée se trouve, on obtient alors comme
valeurs « normales » de l’indice de Sokolow :
– chez le sédentaire : inférieur à 43 mm ;
– chez le sujet entraîné : inférieur à 52 mm.
Figure 1. Répartition des indices de Sokolow dans les populations sportives
(catégorie 3, trait plein) et sédentaires (catégorie 1, pointillés). On observe une
augmentation significative de l’indice de Sokolow dans la population des
sportifs, par rapport à la population des sédentaires.
j.-r. caignault
D) INDICE DE LEWIS.
La distribution de l’indice de Lewis dans nos populations
répond à la loi normale. Il n’existe pas de différence
significative de l’indice de Lewis entre les deux groupes
de niveau d’entraînement (fig. 2).
Figure 3. Répartition des indices de Cornell dans les populations de sportifs
(catégorie 3, trait plein) et de sédentaires (catégories 1, pointillés). On
n’observe pas d’influence de l’activité sportive sur l’indice de Cornell.
Figure 2. Répartition des indices de Lewis des populations de sportifs
(catégorie 3, trait plein), et de sédentaires (catégorie 1, pointillés). On
n’observe aucune influence de l’activité sportive sur l’indice de Lewis.
E) INDICE DE CORNELL.
Il n’existe pas de différence entre les indices de Cornell
des groupes 1 et 3 (fig. 3).
V. CONCLUSIONS.
Différents indices prédictifs d’une augmentation
de la masse myocardique comme l’indice de
Sokolow (SV1 + RV5 (ou RV6)), l’indice de Lewis (RD1
- RD3) + (SD3 - SD1) ou l’indice de Cornell (RaVL
+ SV3), fréquemment utilisés dans le dépistage d’une
hypertrophie ventriculaire gauche ont été étudiés par une
méthode d’électrocardiographie numérisée dans une
population de 604 adultes jeunes présumés sains.
En comparant les mesures réalisées sur les tracés des
sédentaires par rapport à celles des sportifs, nous pouvons
établir que l’indice de Sokolow moyen chez le sujet non
ou peu entraîné est de 28 mm. La limite supérieure de la
normale est de 43 mm. Par contre, chez le sujet entraîné,
cette limite peut être portée à 52 mm. Ces données sont
conformes à celles de précédents travaux (6, 7).
L’indice de Lewis et l’indice de Cornell ne sont par
contre pas influencés par le niveau d’entraînement
sportif, ce qui les rend, à notre avis, plus intéressants
pour dépister une hypertrophie ventriculaire gauche
pathologique. L’association de la positivité de plusieurs
critères est certainement plus pertinente
Ces données sont à prendre en compte avant la
réalisation d’une échocardiographie à la recherche d’une
hypertrophie ventriculaire gauche.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Corrado D, Culasso F, Di Paolo FM. Screening for hypertrophic
cardiomyopathy in young athletes. N Engl J Med 1998 ; 339 (6) :
364-9.
2. Pelliccia A, Maron. BJ, Culasso F, Di Paolo FM, Spataro A, Biffi
A et al. Clinical significance of abnormal electrocardiographic
patterns in trained athletes. Circulation 2000 ; 102 (3) : 278-84.
3. Sato H, Ozaki H, Hori M. Echocardiographic examinations for
mass-screening of cardiovascular abnormalities. Rinsho Byori
1995 ; 43 (11) : 1 108-12.
4. Fournier C, Pellerin D. Hypertrophies auriculaires et
ventriculaires. Cardiologie. Encycl Méd Chir. Paris : Elsevier SAS,
1996 : 11-050-F-10.
5. Brion R, Gonnot G, Guérard S. Dépistage de masse des
cardiomyopathies par l'électrocardiogramme de repos. Archives
des maladies du cœur et des vaisseaux 2000 ; 93 (supplément au
numéro 1) : 21.
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right and septal hypertrophy in athletic students and sedentary
controls. Cardiology 1993 ; 82 (1) : 56-65.
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Beauchene H. Étude comparative de l'électrocardiogramme
numérisé chez 150 sportifs performants et 150 sédentaires de 20
ans. L'Homme à l'effort. Paris : 2e Congrès international Cœur et
Sport, 1989.
évaluation de l’influence de l’activité sportive sur l’électrocardiogramme de jeunes incorporés
313
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VIENT DE PARAÎTRE
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COMMENT UNE ÉPIDÉMIE GLOBALE A ÉTÉ STOPPÉE
Le SRAS a causé plus de peur et de perturbations sociales que n'importe quelle
autre maladie de notre époque. Bien que le nombre de personnes décédées soit
peu important, il a néanmoins perturbé l'économie, paralysé le commerce et les
voyages internationaux, et « dépeuplé » les rues de certaines des villes les plus prospères
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76 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected]
314
Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie
ANOMALIES DE LA REPOLARISATION VENTRICULAIRE ET
APTITUDE MÉDICO-MILITAIRE
S. KÉRÉBEL, G. CELLARIER, C. JÉGO, Y. LEDOLLEY, F. BARBOU, L. CORGIE,
R. POYET, P. LAURENT, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ
RÉSUMÉ
La découverte d’anomalies électrocardiographiques de la
repolarisation ventriculaire pose fréquemment un
problème d’interprétation pour la décision d’aptitude au
médecin expert. La hantise est de méconnaître l’existence
d’une cardiopathie sous-jacente, potentiellement
responsable d’une incapacité subite, le plus souvent du
fait de la survenue d’un trouble rythmique grave. On
peut schématiquement séparer les anomalies mineures,
largement dominées par le syndrome de repolarisation
précoce et par le « cœur du sportif », des anomalies
primaires et secondaires. Ces dernières sont alors la
traduction électrique d’une cardiopathie (cardiomyopathie hypertrophique, ischémique, valvulaire,
dysplasie arythmogène du ventricule droit), d’une
« canalopathie » (syndrome de Brugada, syndrome du
QT long congénital) ou de troubles électrolytiques,
métaboliques ou iatrogènes. L’anamnèse, les données de
l’examen clinique et la réalisation systématique
d’examens complémentaires au moindre doute doivent
permettre de les différencier.
Mots-clés : Anomalies de la repolarisation. Aptitude.
Électrocardiogramme.
I. INTRODUCTION.
La découverte d’anomalies de la repolarisation
ventriculaire sur un électrocardiogramme de surface est
loin d’être rare et n’épargne pas la population militaire,
bien que jeune le plus souvent. Dans ce contexte, il s’agit,
la plupart du temps, d’anomalies mineures ou bénignes,
mais le clinicien gardera à l’esprit la possibilité de
cardiopathies ou d’anomalies sous-jacentes pouvant
S. KÉRÉBEL, médecin principal, praticien confirmé. G. CELLARIER, médecin
en chef, praticien certifié. C. JÉGO, médecin principal, praticien certifié.
Y. LEDOLLEY, interne des Hôpitaux de Marseille. F. BARBOU, médecin
principal, praticien confirmé. L. CORGIE, médecin lieutenant, praticien en
formation. R. POYET, médecin, praticien confirmé. P. LAURENT, médecin
principal, praticien certifié. G. FOUCAULT, médecin en chef, praticien certifié.
C. BOUCHIAT, médecin en chef, praticien certifié. R. CARLIOZ, médecin en chef,
professeur agrégé du SSA.
Correspondance : S. KÉRÉBEL, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne, BP
600, 83800 Toulon Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
ABNORMALITIES OF THE VENTRICULAR
REPOLARISATION AND MILITARY APTITUDE.
Electrocardiographic abnormalities of ventricular
repolarization remain an usual problem in the decision of
aptitude. The obsessive fear is to mistake the existence of
an underlying cardiopathy, which can lead to sudden
incapacity by severe rhythm disorders. We can
schematically separate them in : minor abnormalities,
largely dominated by the “early repolarization
syndrome” and the "heart of the sportsman", and
primary or secondary abnormalities which represent
electric signs of a cardiopathy (hypertrophic
cardiomyopathy, ischaemic desease, arrhythmogenic
right ventricular dysplasia), a "canalopathy" (Brugada
syndrome, congenital long-QT syndrome) or an
electrolytic, metabolic or iatrogenic disorder. Medical
history, clinical exam with the systematic realization of
complementary exams in case of doubt may lead to their
exact cause.
Keywords : Aptitude. Electrocardiogram. Ventricular
repolarization abnormalities.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 315-322)
mettre en jeu le pronostic vital, lié le plus souvent à
l’occurrence d’un trouble rythmique grave.
Nous exclurons de notre propos les troubles de
repolarisation permanents ou transitoires tels que ceux
rencontrés dans les syndromes coronariens aigus et les
anomalies résultant d’une perturbation d’activation du
ventricule comme les blocs de branche gauche (1) ou droit
(bien que pouvant prêter à confusion), les préexcitations
ventriculaires (2) et les syndromes post-tachycardiques
(3) (effet Chatterjee).
II. COURANTS IONIQUES ET REPOLARISATION.
A) CONTRACTION CELLULAIRE MYOCARDIQUE.
Les cellules myocardiques ont des propriétés contractiles
liées à l’existence de différence de potentiels transmembranaires, en rapport avec des transferts ioniques. La
sortie rapide de sodium, et plus lente de calcium, sont à
315
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l’origine de la dépolarisation. La repolarisation,
phénomène tardif et lent, est surtout liée à une sortie de
potassium (fig. 1). Toutes modifications de ces courants
ioniques, d’origine primaire ou secondaire, vont être
à l’origine de perturbations de la repolarisation
ventriculaire (phases 1, 2 et 3 du potentiel d’action) (4).
III. ANOMALIES ÉLECTROCARDIOGRAPHIQUES DE LA REPOLARISATION.
A) ANOMALIES MINEURES.
1. Syndrome de repolarisation précoce.
Anomalie bénigne fréquente, intéressant souvent le sujet
jeune, sportif et longiligne, elle se définit comme une
surélévation du point J par rapport à la ligne de base, souvent
mieux vue dans les dérivations précordiales. Il existe une
concavité vers le haut du segment ST (aspect en « selle de
cheval »), un petit crochetage de la pente descendante de
l'onde R enfin, une onde T de grande amplitude et d'aspect
symétrique (fig. 2). Dans certains cas, cette élévation
peut être plus marquée (pouvant atteindre 1 mm à 4 mm)
et prêter à confusion avec certains aspects observés dans la
péricardite aiguë ou une lésion sous-épicardique d’origine
ischémique voire une forme atypique de canalopathie
(cf. Syndrome de Brugada). Le contexte permet le plus
souvent de redresser le diagnostic (6).
Figure 1. Le potentiel d’action cellulaire : les mouvements ioniques.
B) REPOLARISATION VENTRICULAIRE ET
ÉLECTROCARDIOGRAMME (ECG).
La repolarisation ventriculaire se déf init comme
l’intervalle entre le début du point J jusqu’à la fin de
l’onde T ou U. Le point J (pour « Jonction ST ») est défini
comme le point où le complexe QRS rejoint le segment
ST. Il correspond approximativement à la fin de la dépolarisation et au début de la repolarisation. Le segment ST est
la partie du tracé comprise entre la fin du complexe QRS
(point J) et le début de l'onde T. Il correspond à la phase 2,
en plateau, du potentiel d'action. Le segment ST est
normalement isoélectrique : son déplacement vers le haut
(sus-décalage) ou vers le bas (sous-décalage) indique
généralement un état pathologique. L'onde T correspond
à la phase 3 terminale de la repolarisation ventriculaire.
Elle a normalement un aspect asymétrique (montée plus
lente que la descente) et un sommet légèrement arrondi.
Son amplitude est faible (0,1 à 0,4 mvolt). Elle peut être
positive, isoélectrique ou négative en V1. Elle est en
règle positive de V2 à V6 chez l'adulte. Normalement,
l'onde T est plus ample en V6 qu'en V1. Chez l'adulte, les
dérivations périphériques montrent généralement une
onde T positive, excepté en aVR où l'onde T est toujours
négative. L'onde T peut être négative dans la dérivation III
si la position du cœur est horizontale et dans la dérivation
aVL si la position du cœur est verticale. Avec le segment
ST, l'onde T est la partie du tracé qui est la plus sensible
aux influences extérieures reflétant des phénomènes
physiologiques ou pathologiques. Enfin, l'onde U est une
déflexion positive de faible amplitude qui est parfois
observée après l'onde T. Elle est presque exclusivement
retrouvée dans les dérivations précordiales. Elle
s’observe chez les jeunes sujets normaux, dans des cas
d'hypertrophie ventriculaire, en cas de bradycardie
importante ou lors de troubles ioniques (5).
316
Figure 2. Syndrome de repolarisation précoce.
2. Onde T « juvénile ».
Parmi les anomalies « physiologiques », on peut retrouver
chez l'enfant et l’adulte jeune (surtout chez la jeune
femme) l’existence d’ondes T négatives de V1 jusqu'en
V3 (fig. 3) (5). Une onde T négative en V3 chez l’homme
est jusqu’à preuve du contraire pathologique et doit
faire rechercher, outre une ischémie, une dysplasie
arythmogène du ventricule droit (DAVD).
3. Sujet de race noire.
Dans cette population, la présence d’une « pseudo »
hypertrophie ventriculaire gauche et d’ondes T négatives
est également possible, mais le caractère ethnique des
particularités ECG reste un diagnostic d’élimination
(après échocardiographie) (5).
4. « Cœur du sportif ».
Avant de parler de « cœur d’athlète », il faut se rappeler
que les modif ications ECG liées à un entraînement
s. kérébel
écarter, en particulier, une cardiomyopathie hypertrophique (CMH) (tab. I). Pellicia et al. (8) retrouvent chez
1 005 athlètes, 145 (14,4 %) ECG comportant des
anomalies significatives. Ils isolent seulement 27 sujets
(2,7 %) porteurs d’anomalies de la repolarisation dans les
précordiales droites ou gauches, en règle associées à des
cardiopathies et des « canalopathies » (cf. infra). Enfin,
persiste le difficile problème du dopage chez le sportif de
haut niveau qui peut être responsable de modifications
structurelles myocardiques (hypertrophie et fibrose).
Il faut en conclure que la présence de troubles de la
repolarisation dans deux dérivations consécutives
(notamment en précordiale gauche) reste exceptionnelle
chez l’athlète et doit faire écarter une cardiopathie.
Tableau I. Critères discriminants entre cœur de sportif et CMH. (DTDVG
= diamètre télédiastolique du ventricule gauche, OG = oreillette gauche, VO2
max = consommation maximale d’oxygène) (17).
Figure 3. Onde T « juvéniles » chez une femme âgée de 28 ans.
(le plus souvent en endurance) ne se voient que pour
des charges importantes (> 10 heures/semaine). De plus,
le cœur du sportif est morphologiquement un cœur en
règle normal ; l’éventuelle hypertrophie concentrique
consécutive à un entraînement intensif est toujours
peu importante. Il n’est cependant pas rare de retrouver
sur l’ECG de ces athlètes une augmentation de l’indice
de Sokolow-Lyon, parfois associé à des troubles non
spécifiques de la repolarisation (ondes T négatives ou
aplaties, allongement de l’intervalle QT) (fig. 4) (7). La
découverte de telles anomalies doit inciter à la prudence
et doit faire éliminer une cardiopathie sous-jacente. Il est
indispensable de prendre un avis spécialisé, de réaliser
une épreuve d’effort et une échographie cardiaque pour
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B) ANOMALIES PRIMAIRES ET SECONDAIRES
DE LA REPOLARISATION.
Figure 4. Cœur de sportif « sain » (Indice de Sokolow-Lyon mesuré à 45 mm).
anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire
1. Associées à une cardiopathie.
Toutes les cardiopathies peuvent être responsables
de modifications de la repolarisation en rapport avec les
contraintes volumiques, de surcharge et/ou les modifications structurelles. Nous détaillerons certaines d’entre
elles responsables d’anomalies plus spécifiques et/ou
ayant une implication particulière dans les armées.
a) Cardiomyopathie hypertrophique (CMH).
La cardiomyopathie hypertrophique est la maladie
génétique cardiovasculaire la plus fréquente (1/500), de
phénotype et pronostic variable. Ce dernier est dominé
317
par le risque de mort subite, notamment à l’effort (jusqu’à
6 % des sujets jeunes). L’électrocardiogramme peut
retrouver avec une sensibilité de 60 % et une spécificité de
97 % (fig. 5, 6) : des troubles de la repolarisation (70 % des
cas) aspécifiques à type de sous-décalage du segment ST,
d’ondes T négatives ou plates, de territoire variable selon
la localisation de l’hypertrophie ; des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) (tab. II) (fig. 7) dans
55 % des cas ; des ondes Q de pseudo-nécrose en territoire
inférieur ou latéral dans 1/3 des cas (9, 10).
Figure 7. Hypertrophie ventriculaire gauche : surcharge systolique VG.
Figure 5. ECG de cardiomyopathie hypertrophique septale chez un candidat
à l’engagement âgé de 18 ans. l’engagement âgé de 18 ans.
Figure 6. Échocardiographie de CMH à prédominance septale chez un
candidat à l’engagement âgé de 18 ans (incidence paraseptale grand axe ; VG
= ventricule gauche, SIV = septum interventriculaire, OG = oreillette gauche,
Ao = aorte).
systématique après 40 ou 45 ans d’un ECG, d’autant
plus qu’il existe des facteurs de risque cardiovasculaires
et/ou des symptômes, est de pouvoir dépister une
coronaropathie silencieuse ou négligée. Outre les
séquelles de nécrose (ondes Q), l’ischémie chronique
pourra se traduire par les troubles de repolarisation
systématisés suivants : onde T négative (ischémie
sous-épicardique), sous-décalage de ST (lésion sousendocardique) (fig. 8). C’est l’occasion de rappeler
ici toute l’importance de posséder dans le dossier
médical des ECG antérieurs de référence (10) et la
nécessité de réaliser si nécessaire une épreuve d’effort
(malgré sa faible sensibilité) voire une échographie de
stress ou une scintigraphie cardiaque.
c) Dysplasie arythmogène (DVDA).
Les anomalies ECG retrouvées dans la DVDA
intéressent le QRS et l'onde T (fig. 9). Il peut s'agir d'une
déviation axiale, de la présence d'un bloc de branche
droit complet ou incomplet, d'un élargissement localisé
du QRS, d'une onde epsilon (30 %) aussi rare que
spécifique, ou d'une inversion de l'onde T. Ce dernier
signe est le plus classique et le plus fréquemment
retrouvé (54 % des cas), bien qu’il soit considéré
comme un critère mineur. Cette inversion des ondes T,
b) Cardiopathies ischémiques.
Théoriquement rares dans une population jeune et
sélectionnée, elles peuvent néanmoins être dépistées
chez les cadres plus âgés. L’intérêt de la réalisation
Tableau II. Critères ECG d'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG).
Indice de
Sokolow-Lyon
SV1+RV5 ou RV6 > 35 mm (âge > 35ans)
SV1+RV5 ou RV6 > 45 mm (âge < 35 ans)
Indice de Cornell
RaVL + SV5 > 28 mm (chez l'homme) RaVL
+ SV5 > 20 mm (chez la femme)
Surcharge
systolique VG
Sous-décalage du point J et du segment ST
convexe vers le haut, suivie d'une onde T
négative ou biphasique en V5-V6, DI, aVL.
Surcharge
diastolique VG
Aspect QS en V1, V2, jusqu'en V3
318
Figure 8. ECG de cardiopathie ischémique chronique.
s. kérébel
a) Syndrome de Brugada.
Rare (prévalence = 5/10 000) et décrit par les frères
Brugada en 1992, il s’agit d’une cardiopathie arythmogène héréditaire, à cœur échographiquement normal,
dont le diagnostic repose sur l’ECG avec un aspect de
surélévation du point J associé à un sus-décalage en dôme
> 2 mm du segment ST sur les dérivations droites, suivi
d’ondes T plates ou négatives (f ig. 11), sans cause
ischémique ou métabolique, responsable de mort subite
par trouble du rythme ventriculaire. L’ECG peut varier
dans le temps. Il existe trois phénotypes (fig. 12) (4, 13).
Figure 9. Dysplasie arythmogène du ventricule droit chez une jeune femme
âgée de 22 ans (flèche : onde epsilon, aspect de « post-excitation » de faible
amplitude à la partie terminale du complexe QRS traduisant le retard
d’activation du ventricule droit).
en l’absence de bloc de branche droit, est le plus
souvent notée dans les dérivations précordiales droites,
parfois en V5V6, et plus rarement en D2D3VF (11).
L’authentification de cette cardiopathie dans ses formes
débutantes ou focales se heurte à l’absence d’examens
complémentaires fiables.
d) Prolapsus valvulaire mitral.
Maladie fréquente (5 % de la population), elle peut
se traduire électriquement par des anomalies de la
repolarisation (inversion de l’onde T dans les dérivations
inférieures et latérales), ainsi que de façon inhabituelle
par un allongement de l’intervalle QT (12).
2. « Canalopathies » et troubles de la repolarisation.
Les canalopathies primaires se définissent comme des
anomalies intrinsèques des conductances ioniques
entraînant des anomalies primaires de la repolarisation
ventriculaire. Elles s’opposent aux canalopathies
dites secondaires, où la repolarisation est sous la dépendance de facteurs extrinsèques. Elles ont en commun
l’existence de mutations génétiques et une instabilité
rythmique ventriculaire, parfois létale (fig. 10) (4).
Figure 10. Aspects électriques des « canalopathies » (de gauche à droite :
syndrome du QT long congénital, syndrome du QT court, syndrome de Brugada).
anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire
Figure 11. Syndrome de Brugada.
b) Syndrome du QT long congénital (L-QT).
De prévalence égale à 1/5 000, il est caractérisé par
un allongement de l’intervalle QTc (normalement
< 400 ms chez l'homme et 440 ms chez la femme ; un
QTc > 440 ms est associé à une forte probabilité de
L-QT) et l’existence de syncopes et/ou de morts subites
par torsades de pointes. En France, les formes LQT1
sont les plus fréquentes (60 %), devant LQT2 (35 %), et
LQT3 (5 %) (4).
c) Syndrome du QT court.
Récemment décrit, cette forme familiale rare de « canalopathie » se caractérise par un intervalle QT < 320 ms et
des arythmies aux deux étages (14).
Figure 12. Les trois types du syndrome de Brugada.
319
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3. Troubles électrolytiques (5).
4. Désordres métaboliques.
a) Hyperkaliémie
L’augmentation d'amplitude des ondes T est la
manifestation la plus précoce. Elle apparaît quand la
kaliémie excède 5,5 mEq/L. Les ondes T sont amples,
positives, à base étroite (aspect en « tente »), d'aspect
symétriques, ou avec asymétrie inversée par rapport
à celle d'une onde T normale. L'intervalle QTc reste
normal ou est légèrement diminué. Le segment ST
présente une image de « pseudo-lésion ». Le complexe
QRS s’élargit (> 0,12 seconde) quand la kaliémie
excède 6,5 mEq/L (fig. 13).
a) Hypothermie profonde (< 28 °C).
Elle entraîne une bradycardie sinusale et une prolongation des intervalles PR et QT. La modification la plus
typique est l'onde J d’Osborn (fig. 14). Elle correspond
au crochetage de la branche terminale du QRS avec
sur-élévation en dôme, le point J est alors surélevé par
rapport à la ligne de base (15).
Figure 14. Onde J d’Osborn chez une patiente en hypothermie
profonde (24 °C).
Figure 13. Hyperkaliémie à 6 mmol/l.
b) Hypokaliémie.
L'hypokaliémie donne des troubles ECG diffus
apparaissant souvent avant les signes cliniques
(crampes, paresthésies…). Ces troubles s'installent
dans l'ordre suivant, selon le profondeur de l'hypokaliémie : ondes T aplaties, ondes U agrandies, d'où un
aspect de « pseudo» QT long (avec un espace QT normal),
dépression du segment ST. Les anomalies ne sont
pas aussi bien corrélées avec les taux sériques de
potassium que dans l'hyperkaliémie. Les modifications
caractéristiques de la repolarisation se produisent
généralement lorsque le potassium sérique descend
en deçà de 2,7 mEq/L.
c) Hypercalcémie.
L'hypercalcémie donne principalement un raccourcissement de l'intervalle QTc. Elle s’accompagne souvent
d’une bradycardie sinusale. Le segment ST peut
disparaître complètement, s’incorporer dans l'onde T
et donner un aspect semblable à l'hyperkaliémie.
L'hypocalcémie produit la manifestation ECG inverse :
allongement de l'intervalle QTc aux dépens du segment
ST qui devient particulièrement long tandis que la durée
de l'onde T n'est pas modifiée.
d) Autres électrolytes.
L'hypomagnésémie et l'hypermagnésémie donnent
respectivement les mêmes troubles ECG que
l'hypokaliémie et l'hyperkaliémie. Enfin, notons que les
anomalies de la natrémie ne provoquent pas des
modifications électriques.
320
b) Hypothyroïdie.
Outre la bradycardie sinusale et le micovoltage, elle
peut se traduire par un discret sous-décalage du
segment ST, un allongement de l’intervalle QT et par
des ondes T aplaties.
5. Médicaments et repolarisation (5, 16).
Nombreuses sont les spécialités pouvant modif ier
la repolarisation, ce risque est majoré en cas d’association
et/ou d’interactions médicamenteuses (tab. III). Le clinicien restera particulièrement vigilant aux situations
« potentialisatrices » (traitement par amiodarone chez un
patient sous diurétique, «canalopathie» frustre méconnue
par exemple).
a) Digitaliques.
Ils sont responsables d’un sous-décalage du segment ST
avec raccourcissement de l'intervalle QT (aspect « en
cupule »), un aplatissement de l'onde T qui peut prendre
un aspect biphasique ou s'inverser complètement.
Tableau III. Principales causes de QT longs acquis.
Médicaments
Amiodarone, Bépridil, Halofantrine,
Métronidazole, Pimozide,
Chlorpromazine, cisapride…
Troubles ioniques
Hypokaliémie, hypomagnésiémie…
Troubles métaboliques
Hypothermie, hypothyroïdie…
s. kérébel
Il existe une augmentation d'amplitude de l'onde U. L'aspect le plus caractéristique de l'imprégnation digitalique
est la cupule avec onde T biphasique. Cet aspect est
compatible avec une concentration plasmatique correcte
et indique simplement l'effet thérapeutique de la digitale.
Le signe d'une possible intoxication est l'apparition d'un
sous-décalage plus marqué du segment ST avec une onde
T complètement négative (fig. 15).
d) Amiodarone (CORDARONE®).
Allonge la repolarisation (onde U fréquente).
e) Autres antiarythmiques.
Les médicaments de la classe IB (lidocaïne, mexilétine),
de la classe IC (propafénone, flécaïnide, cibenzoline)
n’ont que peu d’effets sur la repolarisation ventriculaire
en l’absence d’anomalie primaire sous jacente.
IV. CONSÉQUENCES SUR L’APTITUDE.
Figure 15. Effets des digitaliques sur la repolarisation (A : cupule
= imprégnation ; B : surdosage).
b) Antipaludéens.
L'halofantrine (HALFAN ® ), à un degré moindre la
quinine (QUINIMAX®) provoquent un allongement de
l’intervalle QT. La chloroquine (NIVAQUINE ®) a le
même effet mais à doses toxiques. Un ECG est obligatoire
avant le traitement pour mesurer l’intervalle QT.
c) Bépridil (CORDIUM®).
Il peut être responsable d’un allongement de
l’intervalle QT, de torsades de pointes en cas
d’hypokaliémie associée, d’aplatissement de l’onde T
et d’apparition d’onde U.
Concernant la décision médico-militaire, deux situations
se présentent :
– il s’agit à l’évidence d’anomalies mineures ou
physiologiques de la repolarisation ventriculaire
(syndrome de repolarisation précoce) ou « innocentes »,
voire attendues (cupule digitalique) : l’aptitude à l’emploi
peut être maintenue, sans examen complémentaire,
éventuellement sous réserve de surveillance ;
– dans tous les autres cas : troubles de la repolarisation
acquis (ECG modifié par rapport à la VSA précédente),
anomalies inexpliquées, douteuses ou difficiles (sportif
et doute sur une CMH, discret bloc de branche droite
incomplet et doute sur un syndrome de Brugada…), il est
indispensable d’éliminer une cardiopathie sous-jacente,
potentiellement responsable de mort subite ; des examens
et un avis spécialisé sont souvent nécessaires. Toutes
cardiopathies et/ou « canalopathies » engendrent une
inaptitude à l’engagement et des restrictions d’aptitude
en visite révisionnelle voire l’inaptitude.
V. CONCLUSION.
L’électrocardiogramme, prolongement de l’examen
clinique, peut être l’occasion de dépister des cardiopathies « silencieuses » révélées par une anomalie de la
repolarisation, sous réserve d’une analyse appliquée et
consciencieuse. Aucune interprétation hâtive ou facile
n’est permise ; tout doute diagnostic doit être levé, et donc
s’accompagner d’un avis spécialisé cardiologique.
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Consensus Cardio 2006 ; 15 : 10-6.
VIENT DE PARAÎTRE
« MÉTÉO ET SANTÉ »
Jean-CLaude COHEN, Jean-Louis SAN MARCO
« Météo et santé » aborde tous les dérèglements climatiques et apporte des conseils simples de
comportement face aux risques atmosphériques pour « mieux vivre » au fil des saisons en cas de
canicule ou de grand froid (avec ou sans neige). On y découvre aussi un regard nouveau sur la
pollution, sur les risques allergiques liés aux pollens ou sur les bienfaits et méfaits du soleil. Il est
indispensable que chacun d'entre nous retrouve avec plaisir un art de vivre adapté au temps du jour
(habitat, vêtements, alimentation, activités et loisirs).
L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), organisme créé par le ministère
de la Santé, s'est associé à Météo-France pour stimuler au travers de ce guide une nouvelle culture du
risque météo. Le professeur Jean-Louis SAN MARCO est à l'origine du premier système d'alerte canicule,
à Marseille, suite à l'épisode caniculaire de l'été 1983.
Avec cet ouvrage, la météo ouvre désormais une nouvelle voie à la médecine préventive.
Les auteurs :
– Jean-Claude COHEN, ingénieur à Météo-France depuis 1979, est spécialiste en biométéorologie,
coordinateur « météo et santé » pour Météo France depuis 1996 et membre de la Société internationale
de biométéorologie.
– Jean-Louis SAN MARCO, professeur de médecine à la faculté de Marseille, a été président de l'INPS.
ISBN 2-74910-408-4 – Pages 200 – Prix : 18 € – Éditions Le Cherche-Midi Collection « Santé » – Contacts presse : Météo France ;
Julien GUILLAUME – Tél. : 01 45 56 71 32 – [email protected]
Éditions Le Cherche-Midi ; Brigitte LIOT – Tél. : 01 6066 26 44/06 32 75 79 81 – [email protected]
322
s. kérébel
Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie
CONDUITE À TENIR DEVANT UNE EXTRASYSTOLIE
VENTRICULAIRE
G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON
RÉSUMÉ
La découverte à l’électrocardiogramme d’extrasystoles
ventriculaires est le plus souvent fortuite et de bon
pronostic. Il s’agit d’un des motifs de consultation les
plus fréquents en matière d’aptitude cardiologique.
L’organicité est rare, mais potentiellement grave
justifiant la réalisation d’examens complémentaires
simples qui permettront dans la majorité des cas de
conclure. L’apport des techniques d’imagerie récente
permettra, dans les situations litigieuses, de trancher.
ABSTRACT
PREMATURE VENTRICULAR COMPLEX :
APPROPRIATE MANAGEMENT.
Premature ventricular complexes are observed
commonly in clinical practice and vary from the more
benign to potentially fatal. The appropriate management
depends on the associated symptoms, characteristics of
premature ventricular complexes and associated long
term prognosis of a structural heart disease.
Keyword : Premature ventricular complex.
Mot-clé : Extrasystole ventriculaire.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 323-327)
I. INTRODUCTION.
II. DÉFINITION.
Circonstance très fréquente en pratique quotidienne, la
découverte à l’électrocardiogramme d’extrasystoles
ventriculaires (ESV) est le plus souvent fortuite.
L’organicité est rare mais potentiellement grave justifiant
la réalisation d’examens à la fois anatomiques et
fonctionnels. Il importe alors de distinguer le bénin de ce
qui ne l’est pas, la distinction à l’instant t étant parfois
délicate nécessitant alors le recul du temps. L’apport des
techniques d’imagerie récente permet le plus souvent
sinon de trancher, du moins d’orienter.
En pratique médico-militaire cardiologique, il s’agit
du motif principal de demande de consultation avec
l’hypertension. Depuis la fin de l’ère cosmétologique du
traitement de l’extrasystolie (étude CAST en 1989 (1)),
les écrits ont considérablement chuté sur le sujet. La
démarche diagnostique n’en demeure pas moins une
question d’actualité au sein d’une population jeune et
sportive chez qui on craindra en priorité une dysplasie
arythmogène du ventricule droit (DAVD) ou une
myocardiopathie.
Il s’agit d’une dépolarisation ventriculaire prématurée,
donc élargie par rapport à un complexe de base (100 ms et
le plus souvent > 120 ms), non précédée d’une activité
auriculaire initiatrice, suivie d’une repolarisation de sens
opposé au QRS.
G. QUINIOU, médecin en chef, praticien certifié. U. VINSONNEAU, médecin
principal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecin lieutenant, praticien en
formation. C. VANOYE, médecin lieutenant, interne des hôpitaux des armées.
P. GODON, médecin en chef, praticien certifié.
Correspondance : G. QUINIOU, Service de cardiologie, HIA Clermont Tonnerre,
BP 41, 29240 Brest Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
III. PRÉVALENCE.
Celle-ci est particulièrement variable selon la population
considérée (âge, caractère symptomatique, présence
d’une cardiopathie) et surtout le mode de dépistage
(clinique, ECG, holter rythmique) (2, 3). La présence
d’ESV lors de l’enregistrement sur 24 heures est du
domaine du physiologique (40-75 % des sujets), quelle
que soit la population. Dès lors, un certain nombre de
paramètres sont à prendre en considération pour séparer
le banal du pathologique.
IV. MÉCANISMES.
A) RÉENTRÉE.
Il s’agit d’un mécanisme faisant appel à une anomalie
de la conduction de l’influx électrique, au sein du
myocarde ventriculaire, lié à la présence d’un obstacle
fonctionnel ou anatomique.
323
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B) FOYER AUTOMATIQUE.
Lié à l’altération de l’automatisme cellulaire
myocardique (spontané).
C) ACTIVITÉ DÉCLENCHÉE.
Elle est le résultat d’une seconde dépolarisation soit
au décours, soit en fin de repolarisation et influencée par
le rythme cardiaque qui la précède.
V. CARACTÉRISTIQUES DE L’EXTRASYSTOLIE VENTRICULAIRE.
Parfois ressentie par l’intéressé ou objectivée lors de
l’examen clinique, l’extrasystolie sera le plus souvent
découverte sur un électrocardiogramme systématique.
A) LOCALISATION (AXE ET RETARD
RENSEIGNENT SUR L’ORIGINE DU
COMPLEXE PRÉMATURÉ).
1. Retard.
Le retard droit (aspect de bloc de branche droit) définit
une ESV naissant du ventricule gauche. Le retard gauche
(aspect de bloc de branche gauche) définit le plus souvent
une ESV naissant du ventricule droit (seule exception, les
ESV naissant du septum ventriculaire gauche haut).
2. Axe.
Il est calculé de la même manière qu’en rythme sinusal,
et fait appel schématiquement à l’orientation et l’amplitude des vecteurs en D1 et aVf. Il renseigne sur le site de
l’ESV. À gauche, un axe droit ou hyperdroit évoque
la région apicale, un axe gauche évoquant la région
septale. À droite, un axe vertical positif (au sens du
cercle trigonométrique) évoque une localisation
infundibulaire ou septale haute, un axe vertical négatif
une localisation apexienne.
B) MORPHOLOGIE.
Une ESV comprise entre 100 et 120 ms est en faveur
d’une origine septale haute rendant compte d’une
dépolarisation peu désynchronisée des deux ventricules.
Une ESV large et crochetée est par contre en faveur d’une
cardiopathie. De même, la présence de plus de deux
morphologies est un argument de poids en faveur d’une
organicité. Mais, on prendra soin de différencier deux
morphologies d’ESV, d’une fusion entre une ESV et un
complexe ventriculaire normal. En effet, l’aspect de
l’ESV sera alors modifié, pouvant faire croire à tort à la
présence de deux morphologies distinctes.
C) PRÉMATURITÉ.
Elle est définie par l’intervalle de couplage reliant l’ESV
au complexe précédent. Elle rend compte classiquement
du potentiel de gravité de l’ESV quand elle survient
dans la période réfractaire ventriculaire du complexe
précédent. C’est en effet, dans cette période que le risque
de déclencher un trouble du rythme soutenu (tachycardie
324
ventriculaire (TV) ou fibrillation ventriculaire (FV)) est
le plus grand. On considère qu’un couplage est court
quand l’index de prématurité RR/QT est < 0,85. Au-delà
de 1, l’ESV est dite tardive (4). C’est ainsi que l’on
explique le mécanisme du commotio cordis (traumatisme
thoracique responsable de mort subite chez les joueurs de
hockey sur glace, en cas d’impact à grande vitesse d’un
palet sur la poitrine avant le pic de l’onde T (5)). Par
analogie, le choc électrique sur l’onde T est utilisé pour
déclencher une fibrillation ventriculaire lors de la mise en
place d’un défibrillateur automatique implantable.
D) INTERVALLE DE COUPLAGE.
Le couplage de l’ESV (distance séparant l’ESV du QRS
précédent) rend le plus souvent compte du mécanisme de
celle-ci. Lors de la présence d’une parasystolie, on assiste
fréquemment à une variation du couplage de l’ESV. En
effet, il s’agit ici d’un trouble de l’automatisme d’un
groupe cellulaire avec, sur l’ECG de surface, la présence
d’intervalles interectopiques variables pouvant être
réduite à un plus petit dénominateur commun. C’est
fréquemment ici que l’on observe des phénomènes de
fusion. À l’inverse, lorsqu’il existe une réentrée, le
couplage est classiquement f ixe, puisque l’ESV est
déclenchée par l’arrivée du rythme spontané et donc
dépendante de celui-ci.
Par ailleurs, le couplage de l’ESV et de l’activité
auriculaire est souvent la raison de confusion. En effet,
selon la séquence réalisée, on pourra suspecter une pré
excitation lorsque l’espace P/ESV est court ou, à tort,
prendre l’ESV pour un complexe supra ventriculaire
conduit avec aberration (aspect de bloc de branche).
L’étude attentive de plusieurs ESV permettra en présence
de couplage variable de rectifier le diagnostic (l’espace
P/ESV est alors fluctuant). Si le doute persiste, la réalisation d’un effort (dix flexions) permettra de faire varier la
fréquence sinusale et les rapports à l’onde P (ici quelques
millisecondes suffisent pour éliminer un diagnostic par
excès de pré excitation ou d’aberration).
E) NOMBRE D’ESV.
La classification de Lown et Wolff (6) permet d’évaluer
numériquement l’extrasystolie ventriculaire. Mais
celle-ci est actuellement désuète car sans intérêt
diagnostique ou pronostique, le nombre en lui-même ne
représentant pas un facteur de gravité.
F) CARACTÈRE RÉPÉTITIF.
L’alternance régulière d’ESV et du rythme spontané,
fait appel à des mécanismes électrophysiologiques
sans valeur pronostique particulière. Il peut s’agir d’un
bigéminisme (alternance ESV rythme sinusal) ou d’un
trigéminisme (1 ESV pour 2 battements sinusaux). La
présence de doublet, de triplet, voire de tachycardie
ventriculaire non soutenue (plus de trois ESV de suite),
est par contre plus rare dans l’extrasystolie bénigne et
survient plus volontiers en présence d’anomalie organique.
Mais ce caractère n’est pas univoque car il existe
d’authentique tachycardie ventriculaire sur cœur sain.
g. quiniou
G) CONDUCTION RÉTROGRADE.
Il s’agit d’une caractéristique intéressante permettant
d’aff irmer l’origine ventriculaire d’un complexe
(éliminant ainsi une aberration de conduction), qui signe
la dépolarisation rétrograde du myocarde auriculaire via
le nœud auriculo ventriculaire. Cette propriété est
variable d’un individu à l’autre et fonction de la fréquence
ventriculaire (phénomène de Wenckebach). Elle se
caractérise par une onde P incluse dans l’onde T de l’ESV
en cas de remontée complète vers l’oreillette. Cette
conduction rétrograde peut aussi être responsable de
phénomène de ralentissement de la conduction auriculo
ventriculaire lors du battement suivant l’ESV, car le nœud
auriculo ventriculaire n’a pas encore totalement
récupéré. Dans ce cas, on assistera à un allongement du
PR post ESV. C’est ainsi qu’on explique aussi les phénomènes de repos compensateur à l’issue d’une ESV en
fonction de la dépolarisation rétrograde ou non du massif
auriculaire. On assistera, soit à un repos compensateur
complet (le complexe sinusal succédant à l’ESV est
bloqué, il faut donc attendre l’intervalle suivant), soit à
l’absence de repos compensateur (ESV interpolée), en
cas de non remontée de la dépolarisation au massif
auriculaire. Tous les intermédiaires sont ainsi possibles.
VI. ÉTIOLOGIE.
On pourra opposer les ESV sur cœur sain qui ne
nécessite qu’exceptionnellement une thérapeutique
(essentiellement en cas de symptomatologie) et les ESV
sur cardiopathie. L’ESV sur cardiopathie ischémique est
la plus fréquente, mais quelque soit la cardiopathie, il
s’agit d’une manifestation satellite habituelle (myocardiopathie dilatée, myocardiopathie hypertrophique
(CMH), valvulopathie, DAVD). En pratique quotidienne,
une étiologie doit être recherchée.
VII. RECONNAÎTRE
PATHOLOGIQUE.
LE
BÉNIN
DU
A) ESV DITE BÉNIGNE DE ROSENBAUM.
Observable à tout âge, et fréquemment chez l’adulte
jeune (d’autant plus que l’on réalise des ECG systématiques), celle-ci présente des critères de bénignité. Elle
naît de l’infundibulum pulmonaire ou du septum
interventriculaire haut, de type retard gauche, axe vertical
positif ne dépassant pas 120 ms à couplage variable plutôt
long, le plus souvent isolée monomorphe, peu ou moyennement fréquente, non aggravée par l’effort (fig. 1).
Malheureusement, d’authentiques DAVD ont cet aspect.
Il est donc nécessaire de s’appuyer sur d’autres critères.
B) À QUEL MOMENT UNE ESV DEVIENTELLE PRÉOCCUPANTE ?
Quand elle est large et crochetée (signature d’une
cardiopathie sous jacente), qu’elle est polymorphe (plus
de deux morphologies traduisent l’étendue de la lésion),
conduite à tenir devant une extrasystolie ventriculaire
Figure 1. ESV de type retard gauche axe vertical positif.
quand elle se majore à l’effort (signant sa sensibilité aux
catécholamines). Le nombre à l’inverse importe peu.
Quant à la répétitivité, elle est soumise à interprétation
puisque les TV sur cœur sain présentent un bon pronostic
(7). L’élément essentiel à prendre en considération est
la présence d’une cardiopathie sous jacente, qui
conditionne le pronostic.
De rares publications tempèrent cette vision manichéenne. Chez seize patients présentant des FV et/ou des
TV polymorphes responsables pour certains de morts
subites récupérées (cinq d’entre eux), l’extrasystolie
unitaire ne diffère en rien de la classique ESV de
Rosenbaum (8, 9). L’équipe de Haïssaguerre a publié
en f in d’année dernière une série de 36 patients
présentant des FV initiées par une extrasystolie
caractéristique (10). Chez huit patients étaient
objectivées des ESV de type retard gauche, axe inférieur
ne les différenciant en rien d’ESV bénignes. La différence
clinique essentielle dans ces deux publications tient au
caractère symptomatique de ces patients. Ces éléments
récents doivent donc rendre prudent toute conclusion
concernant une extrasystolie ventriculaire ne présentant
pas tous les critères de bénignité classiques, et en
particulier une histoire clinique de syncope.
VIII. EN PRATIQUE.
Deux cas de figures :
– la cardiopathie est connue et la prise en charge est
spécifique et déborde du cadre de cet article ;
– l’ESV est découverte chez un sujet asymptomatique ou
pauci symptomatique.
L’interrogatoire doit être drastique à la recherche
d’antécédents familiaux de cardiopathie ou de
mort subite, d’antécédent personnel parfois oublié
ou minimisé (malaise à l’effort ou lors d’un stress), et
bien sur de signes cliniques tels qu’une dyspnée, des
épisodes de douleur thoracique ou des sensations de
tachycardie. La recherche de prise de médicaments,
mais aussi de toxiques potentialisant ou révélateurs
(alcool, café, cannabis, cocaïne) ou de produits dopants
(surtout chez l’adulte jeune sportif), doit faire partie
intégrante de l’interrogatoire. L’examen est, par contre,
325
D
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rarement contributif hormis la recherche d’un souffle
organique (myocardiopathie hypertrophique, prolapsus
valvulaire mitral).
En fait, l’ECG sera déjà révélateur et devra être lu avec
attention, à la recherche d’un QT long (QT corrigé
> 440 ms, calculé par la formule de Bazett : QT corrigé
= QT mesuré en milliseconde/racine carrée de l’espace
RR mesuré en seconde). On sera très attentif à l’aspect
du QRS en précordiale droite à la recherche d’un
élargissement supérieur à 110 ms, la présence d’une onde
epsilon ainsi qu’à des troubles de la repolarisation
évocateurs d’une DAVD. La présence de séquelle
ischémique (onde q) ou de troubles de la repolarisation
évoquera une coronaropathie passée inaperçue.
Une HVG électrique, un aspect pseudo infarctoïde
feront rechercher une CMH. En fait, le plus souvent,
celui-ci est subnormal et c’est la réalisation d’examens
de première intention fonctionnels et anatomiques
qui permettront de trancher.
A) ÉCHOCARDIOGRAPHIE.
L’échocardiographie objectivera une altération de la
fonction ventriculaire gauche (FEVG) segmentaire
(en cas de coronaropathie) ou globale (myocardiopathie
dilatée), une valvulopathie (prolapsus valvulaire mitral).
Une dilatation des cavités droites avec altération
de la fonction contractile du ventricule droit, présence
de trabéculations importantes, aspect d’empilement
d’assiettes seront recherchés en cas de suspicion
de DAVD. Une HVG avec un septum inter ventriculaire
supérieur à 13 mm sera suspect de CMH (dont le
diagnostic différentiel avec le cœur du sportif est
parfois délicat).
B) HOLTER RYTHMIQUE DES 24 HEURES.
Le holter rythmique des 24 heures va permettre de
caractériser, plus finement que l’ECG, cette ESV.
C) RECHERCHE DE POTENTIELS TARDIFS.
La recherche de potentiels tardifs (PTV) dont la valeur
prédictive a surtout été objectivée dans la coronaropathie
et la DAVD (positifs si trois critères positifs).
D) ÉPREUVE D’EFFORT.
L’épreuve d’effort qui, hormis l’aggravation possible
de l’extrasystolie, s’intéressera au niveau d’effort réalisé
et à l’apparition de signes d’ischémie.
À l’issue de ces examens : soit l’extrasystolie est, de toute
évidence, bénigne ou il existe des atypies : symptomatologie clinique, anomalies échocardiographiques,
présence de phénomènes répétitifs au repos ou à l’effort,
bimorphisme voire polymorphisme, PTV positifs.
Dès lors, il est nécessaire de passer à des examens de
seconde intention dont la plupart auront pour but
d’éliminer le diagnostic de DAVD.
326
Pour certains (l’école bordelaise), le test à l’Isoprotérénol
(1 ampoule dans 100 cc) représente un test d’une grande
valeur dans la recherche d’une DAVD.
L’IRM représente actuellement la méthode non irradiante
la plus répandue. Elle peut apporter des renseignements
sur la structure, l'épaisseur et la taille du VD ainsi que sa
cinétique segmentaire et globale. Un hypersignal détecté
dans la paroi myocardique est très spécifique de l'infiltrat
adipeux. Une atteinte associée du VG peut être également
recherchée. Pour Grimm (11), l’IRM présente une très
bonne valeur prédictive négative permettant d’éliminer la
présence d’une DAVD sur un examen normal.
L'angioscintigraphie isotopique avec analyse de phase
de Fourrier permet d'étudier l'hétérogénicité de la
contraction ventriculaire droite et de visualiser des
zones d'hypokinésie, d'akinésie ou de dyskinésie. Les
fractions d'éjection droite et gauche, peuvent être
évaluées d'une façon fiable. Le pronostic étant d’autant
plus mauvais qu’il existe des anomalies ventriculaires
gauches associées (12).
L'angiographie ventriculaire droite conventionnelle est
classiquement considérée comme l'examen de référence
dans la DAVD. Elle doit être réalisée d'une façon sélective
en deux incidences différentes. Dans les formes diffuses,
les anomalies angiographiques consistent en une
dilatation cavitaire droite avec dysfonction systolique et
baisse de la fraction d'éjection. Ces signes ne sont
malheureusement pas retrouvés dans les formes localisées et cette technique reste très opérateur dépendant.
La biopsie endomyocardique a été utilisée dans certaines
études pour dépister une DAVD dans les arythmies
ventriculaires sur cœur apparemment sain, ou pour
conf irmer le diagnostic déjà suspecté par les autres
examens paracliniques. Néanmoins, cette méthode
présente plusieurs limites. Les faux négatifs sont
possibles dans les formes localisées de la maladie.
D'autre part, un infiltrat adipeux de la paroi ventriculaire
droite n'est pas toujours synonyme de DAVD (richesse
particulière du VD normal en adipocytes). Enfin, la
biopsie endomyocardique n'est pas sans risque dans cette
pathologie où la paroi du VD est particulièrement
amincie et fragilisée.
Une exploration électrophysiologique sera parfois
réalisée dans les formes avec ESV complexes et/ou TV,
soit dans un but pré-thérapeutique d’ablation (TV
soutenue), soit afin de s’assurer de l’absence de TV
électro-déclenchables (en présence de TV non soutenue).
À l’issue de ce panel d’examen, il est bien rare que la
situation ne soit pas claire. En l’absence de certitude
diagnostique le recul du temps permettra de trancher.
En effet, il est de bonne pratique de réévaluer la situation
à un ou deux ans du bilan initial en l’absence de stricte
normalité des examens. Chez un sportif, il peut être
encore plus difficile de s’assurer de la stricte bénignité
des ESV, et c’est parfois l’arrêt de l’activité couplée à un
bilan exhaustif qui permettront d’assurer le diagnostic de
cœur de sportif (13). Dans tous les cas, il conviendra de
rappeler aux patients asymptomatiques la nécessité de
g. quiniou
consulter en cas de signes d’appels, que sont des
palpitations, un malaise ou une inadaptation à l’effort.
IX. CONCLUSION.
Bien qu’il s’agisse dans l’immense majorité d’une
anomalie plus que d’une pathologie, la présence d’une
extrasystolie ventriculaire nécessite quelques
examens simples permettant d’écarter une organicité
sous jacente. La présence de signes cliniques rendra
prudent le clinicien, d’autant plus que depuis peu,
certaines formes d’extrasystoles considérées comme
bénignes ont pu être rendues responsables de mort subite.
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327
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VIENT DE PARAÎTRE
CODE SANITAIRE POUR LES ANIMAUX TERRESTRES
L'objectif du Code sanitaire pour les animaux terrestres est d'assurer la sécurité sanitaire des échanges
internationaux d'animaux terrestres et de leurs produits dérivés, grâce à la définition détaillée des mesures sanitaires
que les Autorités vétérinaires des pays importateur et exportateur doivent appliquer afin d'éviter le transfert d'agents
pathogènes pour l'animal ou pour l'homme, tout en prévenant la création de barrières sanitaires injustifiées.
Les mesures sanitaires recommandées dans le Code terrestre (présentées sous forme de normes, lignes directrices
et recommandations) sont formellement adoptées par le Comité international de l'OIE qui rassemble tous les
Délégués des Pays Membres de l'OIE.
La 14e édition intègre les amendements apportés au Code terrestre lors de la 73e Session générale tenue en
mai 2005. Ces amendements ont été insérés dans les chapitres et annexes portant sur les sujets suivants : définitions
générales, notification et informations épidémiologiques, zonage et compartimentation, critères d'inscription de
maladies sur la liste de l'OIE, fièvre aphteuse, fièvre catarrhale du mouton, fièvre de la Vallée du Rift, tuberculose
bovine, encéphalopathie spongiforme bovine, peste porcine classique et influenza aviaire. Y ont été également
introduites de nouvelles annexes sur la semence de bovins et de petits ruminants, la surveillance générale de la santé
animale et les systèmes de surveillance de l'encéphalopathie spongiforme bovine, la fièvre aphteuse, la peste porcine
classique et l'influenza aviaire. La présente édition intègre quatre nouvelles lignes directrices sur le bien être animal
(transport par voies maritime et terrestre, abattage à des fins prophylactiques et abattage à des fins de consommation
humaine), ainsi que des annexes révisées sur l'usage des antimicrobiens.
L'élaboration des normes, lignes directrices et recommandations de l'OIE est le fruit d'un travail continu entrepris par
l'une des commissions spécialisées de l'OIE, la Commission des normes sanitaires pour les animaux terrestres.
Cette Commission fait appel aux meilleurs spécialistes mondiaux pour préparer de nouveaux projets d'articles du
Code terrestre ou bien procéder à la révision des articles déjà existants en fonction des progrès de la science
vétérinaire.
Le fait que les mesures figurant dans le Code terrestre résultent d'un large consensus des Autorités vétérinaires des Pays
Membres de l'OIE et que cet ouvrage ait été retenu par l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre de l'Accord
sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires pour être la norme internationale en matière de santé animale
et de zoonoses, lui confèrent une valeur double.
Dans une première partie sont présentés les définitions des termes ou expressions utilisés, la liste des maladies animales
visées par l'OIE, les modalités de déclaration de ces maladies au niveau international, les règles d'éthique en matière
d'échanges internationaux et de certification, les principes de l'analyse de risque à l'importation, ainsi que la façon dont
doivent s'organiser les procédures d'importation et d'exportation.
Une seconde partie s'attache à examiner, pour chaque maladie animale considérée par l'OIE comme importante
dans les échanges internationaux, les conditions sanitaires auxquelles un pays exportateur doit répondre, en
fonction des maladies sévissant sur son territoire, afin d'assurer la sécurité sanitaire des échanges internationaux
d'animaux terrestres vivants, de semence, d'embryons, de produits carnés ou laitiers et d'autres produits d'origine
animale.
Des annexes rappellent les épreuves diagnostiques à mettre en œuvre avant l'exportation (faisant ainsi le lien avec
le Manual of Diagnostic Tests and Vaccines for Terrestrial Animais de l'OIE), et décrivent les modalités du contrôle
sanitaire et de l'hygiène spécialement dans le domaine de la reproduction, les procédés d'inactivation des agents
pathogènes, les conditions de protection des animaux dans les transports internationaux, les principes généraux
applicables aux systèmes de surveillance pour la reconnaissance du statut indemne d'une maladie ou d'une
infection donnée ainsi que les lignes directrices pour le bien-être animal et pour l'antibiorésistance.
En fin d'ouvrage sont présentés les modèles de certificats vétérinaires internationaux approuvés par l'OIE.
Le Code terrestre est un document de référence indispensable à tous les opérateurs concernés par les échanges
internationaux d'animaux terrestres et de leurs produits dérivés. Compte tenu de la nécessité d'y intégrer les
dernières informations scientifiques disponibles, il fait l'objet d'éditions annuelles.
ISBN 92-9044-636-6 - Pages : 682 - Format : 21 x 29,7 cm - Prix : 55 euros - OIE, 12 rue de Prony, 75017 Paris - [email protected]
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Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie
INDICATIONS ACTUELLES DES TECHNIQUES ABLATIVES ET
INCIDENCE SUR L’APTITUDE EN MILIEU MILITAIRE
PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, É. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET¸ L. FOURCADE
RÉSUMÉ
Les techniques ablatives sont proposées depuis un peu
plus de quinze ans dans le traitement radical des
arythmies. La technique la plus employée actuellement
est l’ablation par radiofréquence. Cet article a pour
objectif de préciser les indications, les résultats, les
complications et les implications médicomilitaires des
techniques ablatives en centrant notre propos sur
l’ablation des arythmies rencontrées chez le sujet jeune.
Les problèmes pratiques soulevés par l’aptitude en
milieu militaire après ablation sont également envisagés.
Mots-clés : Ablation par radiofréquence. Aptitude. Sujet
jeune.
ABSTRACT
RADIOFREQUENCY CATHETER ABLATION OF
CARDIAC ARRHYTHMIA : INDICATIONS AND
APTITUDE IMPLICATIONS IN MILITARY
MEDICINE.
Ablation techniques are proposed since 15 years for
arrhythmia treatment. The most used technique is
actually radiofrequency catheter ablation. The aim of
this article is to precise indications, results, and
complications of this technique. We also detail
medicomilitary implications of radiofrequency ablation
and focus on arrhythmias of the young adult. The
particular problems of military aptitude after
radiofrequency catheter ablation are also discussed.
Keywords : Military aptitude. Radiofrequency catheter
ablation. Young adult.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 329-333)
I. INTRODUCTION.
Les techniques ablatives sont proposées depuis un
peu plus de quinze ans dans le traitement radical des
arythmies. La technique la plus employée actuellement
est l’ablation par radiofréquence (RF). Depuis peu, une
nouvelle technique, la cryo-ablation est également
disponible et est venue compléter l’arsenal thérapeutique. Ces méthodes ont récemment bénéf icié de
l’essor des systèmes de cartographie cardiaque électroanatomique qui ont permis de mieux comprendre le
mécanisme de certaines arythmies et de les rendre
accessibles à l‘ablation. C’est le cas notamment de la
fibrillation atriale (fig. 1) et des arythmies post chirurgie
cardiaque, qui peuvent désormais bénéf icier d’un
traitement radical par ablation. L’objectif de cet article est de
préciser les indications, les résultats, les complications et
Ph. HÉNO, médecin en chef, praticien certifié. L. BRAEM, médecin principal,
praticien confirmé. D. MIOULET, médecin des armées, praticien confirmé.
J.-M. PELONI, médecin principal, praticien confirmé. É. BASTARD, interne
des hôpitaux. Ph. PAULE, médecin principal, praticien certifié. P. VARLET¸
médecin en chef, praticien certifié. L. FOURCADE médecin en chef, praticien
certifié agrégé.
Correspondance : P. HÉNO, Service de pathologie cardio-vasculaire, HIA Laveran,
BP 50, 13998 Marseille Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
les implications médico-militaires des techniques ablatives,
en centrant notre propos sur l’ablation des arythmies
rencontrées chez le sujet jeune et les problèmes pratiques
soulevés par l’aptitude en milieu militaire après ablation.
Figure 1. Ablation de fibrillation atriale : isolation des veines pulmonaires avec
système de cartographie électroanatomique.
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II. TECHNIQUE (1, 2).
Le geste d’ablation est le plus souvent réalisé dans le
même temps que l’exploration électrophysiologique
(EEP). Plusieurs cathéters d’électrophysiologie
diagnostique ainsi que la sonde d’ablation sont introduits
sous anesthésie locale par voie veineuse fémorale, sousclavière ou dans de rares cas par voie rétrograde artérielle
fémorale. Les sondes sont ensuite positionnées au niveau
de l’endocarde sous contrôle radioscopique (fig. 2).
L’exploration électrophysiologique permet de préciser le
mécanisme de l’arythmie : existence d’un foyer, d’un
circuit de réentrée, d’une dualité nodale ou d’une voie
accessoire. L’utilisation de systèmes de cartographie plus
sophistiqués est parfois nécessaire, en particulier pour les
tachycardies atriales et la fibrillation auriculaire (FA).
L’ablation endocavitaire assure le traitement radical
curatif en transformant le substrat myocardique
arythmogène en une cicatrice fibreuse électriquement
neutre. La technique la plus utilisée est actuellement
l’ablation par courant de radiofréquence, qui permet
de réaliser un échauffement localisé à l’interface
électrode-endocarde. Cet échauffement entraîne un effet
lésionnel irréversible, lorsque la température en bout de
sonde est supérieure à 50 °C. L’utilisation dans certains
cas de cathéters « irrigués » permet de délivrer des puissances supérieures et de créer des lésions plus profondes.
Ces cathéters limiteraient également la formation de
caillots intracavitaires au contact de la sonde.
Contrairement au courant de radiofréquence qui induit un
échauffement tissulaire responsable de la lésion, il est
possible de provoquer des lésions tissulaires par le froid,
appelées cryothérapie (3). Cette technique apparue en
1991 est encore actuellement peu développée en France.
Elle possède toutefois plusieurs avantages qui pourraient
voir son utilisation augmenter en particulier chez le sujet
jeune. Cette technique permet notamment grâce au
« cryomapping » de créer des lésions tissulaires
transitoires et réversibles, qui permettent de déterminer
plus précisément le site proximal d’ablation, d’éviter des
lésions inutiles en diminuant le nombre d’applications
d’énergie et surtout de diminuer le taux de complications
à type de bloc auriculoventriculaire (BAV). Cette
nouvelle technique semble particulièrement intéressante
dans l’ablation des tachycardies jonctionnelles par
réentrée intranodale et des voies accessoires proches des
voies normales de conduction (voies antéroseptales et
« midseptales »), où la proximité des voies de conduction
normales du cœur rend le risque de BAV iatrogène non
négligeable. L’autre intérêt réside dans le fait que pendant
la délivrance du froid, l’électrode se colle au tissu, la
rendant parfaitement stable.
III. INDICATIONS.
L’ablation peut désormais être proposée dans la plupart
des arythmies. Nous limiterons notre propos aux
arythmies rencontrées chez le sujet jeune indemne de
cardiopathie, qui correspondent aux arythmies
rencontrées le plus souvent en milieu militaire.
Les tachycardies jonctionnelles sont les tachycardies les
plus fréquentes chez le sujet jeune. Le groupe des
tachycardies jonctionnelles comprend les tachycardies
par réentrée intranodale et les tachycardies utilisant
une voie accessoire.
A) TACHYCARDIES JONCTIONNELLES PAR
RENTRÉE INTRANODALE.
Les tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale
(1, 2, 4) constituent la cause la plus fréquente de
tachycardie supraventriculaire régulière (maladie de
Bouveret). Ces patients présentent une dualité de la
conduction nodale, et la technique consiste à aller
pratiquer l’ablation de la voie lente nodale située en
région postéroseptale. La complication majeure de cette
procédure est représentée par le risque de survenue de
BAV complet dans 1 % à 5 % des cas. Le taux de succès
immédiat est de 97 %. Le taux de récidive à long terme
est de 5 %. Ce type d’ablation est proposé chez les
patients symptomatiques présentant des crises de
tachycardie en rapport avec une réentrée intranodale,
résistantes au traitement médical ou avec mauvaise
tolérance du traitement. Compte tenu du risque de BAV, la
radiofréquence nous semble devoir être déconseillée
chez le sujet jeune, et la cryothérapie à privilégier pour
l’avenir dans ce contexte (3).
B) FAISCEAUX DE KENT.
Figure 2. Radioscopie : incidence oblique antérieure gauche. Position des
sondes endocavitaires lors de l’ablation de flutter atrial commun.
330
Les faisceaux de Kent correspondent à l’existence de
connexions électriques anormales entre l’oreillette et les
ventricules. L’électrocardiogramme (ECG) montre un
aspect de pré-excitation ventriculaire avec PR court
(inférieur à 120 ms) et empâtement du pied du QRS (onde
delta). Le syndrome de Wolff-Parkinson-White
est déf ini par l’association de symptômes à type de
ph. heno
palpitations à cet aspect électrocardiographique. Les
faisceaux de Kent sont composés de fibres musculaires à
conduction rapide et peuvent « court-circuiter » les voies
de conductions normales. Il est possible de rencontrer
différentes arythmies chez les patients porteurs d’un
faisceau de Kent. Il peut s’agir de tachycardies par rythme
réciproque empruntant la voie accessoire dans les sens
antérograde ou rétrograde. Il peut survenir également des
arythmies atriales telle que la FA avec conduction rapide
aux ventricules. Il existe alors un risque de mort subite par
fibrillation ventriculaire lors des passages en FA, en
particulier lorsque la période réfractaire de la voie
accessoire est courte (< 250 ms) et la réponse ventriculaire très rapide (> 200/mn). L’ablation des faisceaux de
Kent est indiquée chez les patients porteurs d’une voie
accessoire présentant une dangerosité potentielle
(période réfractaire courte, profession à risque, pratique
du sport en compétition), en particulier lorsque existent
des antécédents d’arythmie supraventriculaire clinique
ou déclenchée au cours de l’EEP (2, 4-6).
C) TACHYCARDIE PERMANENTE JONCTIONNELLE RÉCIPROQUE.
La tachycardie permanente jonctionnelle réciproque dite
tachycardie de Coumel (7). Il s’agit d’une tachycardie
empruntant une voie accessoire à conduction rétrograde
lente et décrémentielle. La topographie du faisceau est
généralement postéroseptale droite. L’ECG inscrit une
tachycardie à QRS fins, avec onde P’ rétrograde, négative
en DII, DIII, VF avec un espace RP’ supérieur à P’R. La
tolérance de ces tachycardies est variable. Les formes
permanentes et rapides peuvent être responsables
chez l’adulte jeune de cardiomyopathies rythmiques
avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire
gauche (FEVG). L’ablation par RF représente le
traitement de première intention de ces tachycardies,
et s’accompagne d’une amélioration de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche.
D) TACHYCARDIE EMRUNTANT UNE FIBRE
DE MAHAIM (7).
Les fibres de Mahaim sont rares et correspondent à des
voies accessoires à type de connexions fasciculo-ventriculaires, sans expression clinique, ou nodo-ventriculaires
responsables de tachycardie. En tachycardie, l’ECG
inscrit un QRS large à type de bloc de branche
gauche avec un axe gauche. L’ablation par radiofréquence
est indiquée dans les formes récidivantes et mal tolérées
de tachycardie.
circuit de réentrée (fig. 3). L’ablation par radiofréquence
représente désormais le traitement de première intention
en raison de taux de succès dépassant 96 % au terme
de deux années de suivi et d’un taux de complications
très faible. Le taux de récidive à long terme se situe entre
5 % et 9 % selon les séries. Dans notre expérience du
flutter du sujet jeune, la procédure s’est toujours soldée
par un succès. Nous ne détaillerons pas l’ablation des
autres flutters (flutter atypiques, flutter cicatriciel,
cardiopathies congénitales…).
F) TACHYCARDIES ATRIALES.
Les tachycardies atriales (1, 2), en particulier focales
par automatisme anormal, peuvent survenir en l’absence
de toute cardiopathie et sont rencontrées de manière
sélective chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune.
Elles sont très résistantes au traitement médical et
l’ablation par radiofréquence est une bonne indication.
Les études les plus récentes revendiquent un taux
de succès de 92 % à 100 % avec un taux de récidive variant
de 4 % à 10 %.
G) FIBRILLATION AURICULAIRE.
La fibrillation auriculaire (FA) est une arythmie qui
peut être rencontrée chez le sujet jeune, en particulier
dans ses formes dîtes vagales (période nocturne ou post
prandiale) et cathécolergiques (lors d’un stress ou à
l’effort). Cette technique d’ablation nécessite un abord de
l’oreillette gauche par cathétérisme transseptal. Le risque
de perforation cardiaque est très faible dans les centres
entraînés (0,002 %). La technique d’ablation consiste à
déconnecter les quatre veines pulmonaires où sont situées
les foyers arythmogènes initiateurs de la tachycardie.
Cette déconnexion est éventuellement complétée par
la réalisation de lésions linéaires auriculaires gauches.
Les complications sont représentées par la sténose des
veines pulmonaires (1,9 %), la survenue d’accidents
thromboemboliques systémiques (1,1 %) et les lésions
de l’œsophage. Il existe encore un taux important de
récidives (30 %) dans les premiers mois nécessitant au
moins une nouvelle procédure. Malgré sa relative
complexité, l’ablation de la fibrillation atriale semble
E) FLUTTER ATRIAL COMMUN.
Le flutter atrial commun (1, 2, 8) est une arythmie par
macro réentrée atriale droite, rare chez le sujet jeune, et
plus souvent rencontrée chez le patient d’âge mûr. Nous
l’avons cependant rencontrée chez de jeunes militaires
dans de rares cas. Le principe de l’ablation est la création
d’une ligne de bloc de conduction bidirectionnelle au
niveau de l’isthme cavo-tricuspide afin d’interrompre le
Figure 3. Ablation de flutter atrial commun. Arrêt du flutter pendant le tir de
radiofréquence.
indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire
331
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pouvoir être proposée chez de jeunes patients souffrant
de fibrillation atriale paroxystique invalidante, c'est-àdire demeurant symptomatiques après échec d’au
moins un ou deux médicaments antiarythmiques.
Une densité minimale d’arythmie est exigée avec au
moins un épisode tous les quinze jours. Les indications
de l’ablation de la FA ne sont toutefois pas encore
complètement validées (9).
H) TACHYCARDIE INTRAFASCICULAIRE
SENSIBLE AU VÉRAPAMIL.
La tachycardie intrafasciculaire sensible au vérapamil ou
tachycardie de Belhassen, se présentent sous forme d’une
tachycardie ventriculaire à QRS peu élargis (autour de
140 ms) à type de retard droit et d’axe supérieur gauche
(2). Il s’agit d’une tachycardie ventriculaire sur cœur sain
survenant classiquement chez l’homme entre 15 et 40 ans
pouvant être responsable de cardiomyopathie rythmique
avec altération de la FEVG. L’ablation est indiquée chez
les patients symptomatiques présentant des lipothymies
ou des syncopes, ou en cas de tachycardies récidivantes
ou résistantes au traitement médical. Le taux de succès est
de 80 à 90 %. Il existe d’autres tachycardies ventriculaires
bénignes sur cœur sain telles que la tachycardie en salve
de Gallavardin que nous n’aborderons pas.
IV. COMPLICATIONS.
Le taux de complications est variable selon l’arythmie
traitée (10). Un travail portant sur 1 050 patients
adressés pour ablation d’arythmie supraventriculaire,
et comportant 1 136 gestes d’ablation a montré la
survenue de complications graves chez 3 % des
patients et de complications mineures chez 8,1 % des
patients (11). Le taux de mortalité était de 0,2 %. Ces
complications peuvent être liées à la ponction veineuse,
au geste de cathétérisme, ou à l’ablation elle-même. Les
complications liées à la ponction veineuse comprenaient
les hématomes au point de ponction (3 %), les pseudoanévrysmes, les fistules artérioveineuses, les thromboses
veineuses ou artérielles, voire une exceptionnelle
infection. Il est survenu un pneumothorax en cas de
ponction sous clavière chez 1 % des patients. L’ablation
pouvait être compliquée d’épanchement péricardique
(2 %, dont une tamponnade), de bloc auriculoventriculaire (0,8 % dont six blocs auriculoventriculaires
complets) ou de troubles du rythme. Il a été également
rapporté la survenue de lésions d’une artère coronaire
pouvant se compliquer d’infarctus du myocarde (0,1 %
dans la série de Calkins) et de lésions valvulaires
responsables d’insuff isance mitrale, tricuspide ou
aortique (0,1 %). Des accidents thromboemboliques
peuvent survenir en particulier lors de procédures
d’ablation dans les cavités gauches (1 % d’accidents
vasculaires cérébraux dans le travail sus cité). Enfin,
quelques patients ressentent des douleurs thoraciques
transitoires pendant le tir de radiofréquence. Dans le
registre européen MERFS le taux de complication était de
332
5,1 % et le risque de mortalité faible de 0,04 % (2). Le
risque radique est faible (12). Il a été estimé que chaque
heure de radioscopie était associée à un risque de
survenue de cancer fatal de 0,1 % et d’un risque
d’anomalie génétique de 20 par million de naissance.
Il est à noter que la grande majorité des ablations
est réalisée avec moins d’une heure de scopie. Les
procédures d’ablation ne doivent bien entendu pas être
réalisées en cours de grossesse, sauf cas particuliers
(urgence vitale).
Au regard de ce risque de complications, heureusement
relativement rares mais parfois graves, on comprend que
les procédures d’ablation doivent être rigoureusement
justifiées, en particulier chez les sujets asymptomatiques
demandeurs d’aptitude au service dans les armées.
À l’opposé, plusieurs études ont montré que l’ablation
des arythmies avait un impact positif sur la qualité de vie
des patients traités (1, 2), aussi bien en ce qui concerne
l’amélioration des symptômes que la qualité de vie
générale. Plusieurs études randomisées ont également
montré que l’ablation était supérieure au traitement
médical en terme de qualité de vie.
V. IMPLICATIONS MÉDICO-MILITAIRES.
La découverte d’une arythmie à l’engagement ou en
cours de carrière est souvent synonyme d’une restriction
d’aptitude voire d’une inaptitude. L’ablation, technique
radicale, peut permettre à ces militaires de recouvrer
leur aptitude. Les modalités concernant l’aptitude après
ablation ont été récemment précisées dans l’instruction
de référence (13). L’aptitude doit être évaluée dans un
service de cardiologie d’un hôpital d’instruction des
armées (HIA). Il convient d’attendre six mois après
l’ablation en raison du risque non négligeable de récidive,
comme nous l’avons vu précédemment. Ce délai doit être
porté à un an après ablation de FA. Le cardiologue expert
doit disposer du compte rendu détaillé de l’EEP et du
geste d’ablation. L’expertise doit commencer par un
interrogatoire rigoureux à la recherche de la persistance
des symptômes ou de l’apparition de nouveaux signes
fonctionnels. L’examen clinique doit s’attacher à
l’examen des points de ponction avec auscultation des
axes vasculaires af in de s’assurer de l’absence de
complication locale. L’examen cardiovasculaire doit être
complet et rechercher en particulier l’existence d’un
souffle cardiaque. Du point de vue paraclinique, un ECG
12 dérivations doit toujours être réalisé. L’échocardiographie évaluera plus précisément l’appareil valvulaire, la
fonction ventriculaire gauche et le péricarde. Une
épreuve d’effort et un holter ECG seront également
effectués. Le holter ECG sera réalisé à la recherche de la
persistance d’arythmie. L’épreuve d’effort permettra de
s’assurer de l’absence de déclenchement d’arythmie en
situation cathécolergique. Dans le cas d’une ablation
d’une voie accessoire à conduction antérograde, un test à
la Striadyne sera réalisé. L’injection rapide de 20 mg de
Striadyne par voie intraveineuse permet en effet de
bloquer la conduction par les voies normales et de révéler
ph. heno
l’existence d’une préexcitation ventriculaire résiduelle.
Cet examen doit être réalisé sous monitorage continu de
l’électrocardiogramme, avec de l’atropine à disposition.
Ce test est contre indiqué chez les patients asthmatiques.
À l’issue de cette consultation spécialisée, le patient
sans cardiopathie associée ayant bénéficié avec succès
de l’ablation d’une tachycardie jonctionnelle pourra
être classé G = 2 ou G = 3. De même le patient sans
cardiopathie associée ayant bénéficié avec succès de
l’ablation d’une tachycardie atriale ou d’un flutter atrial et
ne nécessitant pas de traitement médical, pourra être
classé G = 2 ou G = 3. Le militaire ayant bénéficié en cours
de carrière de l’ablation d’une fibrillation auriculaire
pourra être classé au bout d’un an, de G = 3 à G = 5, en
l’absence de récidive et de séquelle. À l’engagement, le
classement sera G = 4. Les syndromes de pré-excitation
ventriculaire pourront être classés après ablation de G = 2
à G = 4, en fonction de la persistance éventuelle de symptômes ou de l’existence de séquelles. En ce qui concerne
les rares tachycardies ventriculaires sur cœur sain, la
réglementation fixe le classement de G = 4 à G = 6, y
compris après ablation. Pour tous les patients, les décisions seront prises au cas par cas. En ce qui concerne les
aptitudes particulières (personnel navigant, plongée,
chute opérationnelle…), la décision d’aptitude sera
prononcée au cas par cas, après réalisation d’une
évaluation approfondie (cf. supra) et en concertation et
collaboration avec les autorités concernées (CPEMPNA,
CEMPNA, CEMPP…).
VI. CONCLUSION.
En raison de son bon rapport eff icacité-sécurité,
l’ablation par RF est devenue un traitement de choix de
beaucoup d’arythmies. L’ablation par cryothérapie
semble désormais une bonne alternative chez certains
patients récusés pour une ablation classique à haut risque.
À côté des indications indiscutables (mauvaise tolérance,
altération de la FEVG, résistance aux traitements
anti-arythmiques, risque de mort subite dans les cas des
faisceaux de Kent « malins »), les jeunes patients sont de
plus en plus demandeurs d’indications de confort (raison
professionnelle, engagement, compétition sportive…). Il
convient de discuter ces indications au cas par cas, en
informant de manière éclairée le patient sur le rapport
bénéfice/risque de la procédure. Il convient également de
rappeler que même en cas d’ablation avec succès un délai
de six mois à un an est nécessaire avant de pouvoir
prononcer une révision d’aptitude.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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radiofrequency catheter ablation of accessory atrioventricular
connections. Circulation 1991 ; 84 : 2 376-82.
13. IM N° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME relative à la détermination de
l’aptitude médicale à servir du 6 décembre 2004, livre II, titre VI,
chapitre premier, article 156 (BOC, p. 6413-4. BOEM 620-4*).
indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire
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VIENT DE PARAÎTRE
L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES
« HYMNE À LA VIE »
François PÉDRON, Jacques BRAVO
" Pour que ceux qui ont risqué leur vie ou versé leur sang pour la défense de la monarchie,
finissent leurs jours dans la tranquillité "
Ordonnance du roi Louis XIV, 1670.
Depuis l'édification des Invalides sous le règne de Louis XIV au XVIIe siècle, l'Hôtel des Invalides abrite
derrière ses hauts murs les hommes et les femmes gravement atteints en défendant la liberté ou
l'indépendance de la France. Aujourd'hui, l'Institution nationale des Invalides (INI) accueille une
centaine de pensionnaires. Parallèlement, c'est un établissement médical de pointe spécialisé dans le
traitement du grand handicap, qui s'est ouvert depuis quelques années aux blessés civils.
Avec le livre l'Institution nationale des Invalides « Hymne à la vie », édité par Corinne K REBS , le
journaliste François PÉDRON et le photographe Jacques BRAVO donnent un éclairage inédit à la vie
quotidienne de ce lieu, à son histoire et aux personnes qui l'animent avec passion et dévouement.
En mots et en images, ils esquissent les portraits émouvants de ses pensionnaires, dernières
victimes et témoins des conflits et barbaries du XXe siècle.
Sommaire
– Les Invalides : un morceau d'histoire de France.
– Destins d'hommes et de femmes au service de la Liberté.
– L'Institution Nationale des Invalides, un établissement médical de pointe dans le traitement du
handicap et des traumatismes.
– Le Cercle sportif de l'INI, une référence mondiale pour les sportifs handicapés de haut niveau.
– La cathédrale Saint Louis des Invalides, un lieu de solennité et de recueillement bientôt
tricentenaire.
Les auteurs : Jacques BRAVO et François PEDRON sont allés à leur rencontre pour recueillir, souvent pour
une ultime fois, leur récit, leur douleur, mais aussi leur sourire ou leur optimisme.
Ils ont composé avec tendresse 10 portraits de femmes et 22 portraits d'hommes exceptionnels.
Au fil des pages, nous découvrons les destins tragiques, étonnants, miraculeux et toujours dignes de
ces personnes. Certaines, trop meurtries dans leur chair ou dans leur esprit, enfermées dans leur
passé, communiquent avec difficulté. D'autres ont conservé une énergie, une formidable joie de vivre
malgré les épreuves et ne sont pas avares d'anecdotes.
L'institution Nationale des Invalides - Hymne à la vie a été dédicacé par Monsieur Jacques CHIRAC,
Président de la République.
Ce livre a été édité par l'association L'esprit de tous les combats, en partenariat avec le Ministère de la
Défense et l'Association Les Gueules Cassées.
ISBN 2 95 25428 0 5 – Pages :184 – Prix : 55 € – Contacts presse : Géraldine MUSNIER – Tél. : 06 60 94 05 49 – [email protected]
– Florence Maeso 06 66 60 02 51 – [email protected]
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Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie
DYSPLASIE VENTRICULAIRE DROITE ARYTHMOGÈNE
Étiopathogénie, diagnostic, évolution, prise en charge et
retentissement sur l’aptitude au service
PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ
RÉSUMÉ
La dysplasie ventriculaire droite arythmogène est une
cardiomyopathie associant des changements
histologiques du myocarde ventriculaire droit et des
arythmies exposant au risque de mort subite, décrite
pour la première fois en 1977. Il existe une diversité de
formes cliniques révélatrices, que nous avons voulu
illustrer à travers trois observations qui concernent des
militaires en activité. L’affirmation du diagnostic
repose sur l’association d’arguments cliniques,
électrocardiographiques et morphologiques que nous
passons en revue avant de préciser l’évolution, le
pronostic et la prise en charge thérapeutique. Les
difficultés liées à la détermination d’une aptitude à servir
sont illustrées à travers ces trois observations.
Mots-clés : Dysplasie ventriculaire droite arythmogène.
Insuffisance cardiaque. Mort subite. Troubles du rythme
ventriculaire.
I. INTRODUCTION.
La dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA)
est une cardiomyopathie associant des changements
histologiques du myocarde ventriculaire droit et des
arythmies. Cette entité anatomo-clinique a été décrite
pour la première fois par Fontaine et al. en 1977 (1) à partir
d’observations per-opératoires.
Histologiquement, il s’agit d’un remplacement
fibro-adipeux progressif et transmural, plus ou moins
diffus, du myocarde du ventricule droit.
Cette pathologie rare concerne le plus souvent des adultes
jeunes avec une prédominance masculine de l’affection.
PH. BRANDSTÄTT, médecin en chef, praticien certifié. J.-M. CHEVALIER,
médecin en chef, praticien certifié. J.-M. RIGOLLAUD, médecin principal,
praticien certifié. F. BIRE, médecin en chef, praticien certifié. P.-L. MASSOURE,
médecin principal, praticien confirmé. R. CARLIOZ, médecin en chef, professeur
agrégé du SSA.
Correspondance : PH. BRANDSTÄTT, Service de cardiologie, HIA Robert
Picqué, BP 28, 33998 Bordeaux Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
ARRHYTHMOGENIC RIGHT VENTRICULAR
CARDIOMYOPATHY: ETIOPATHOGENY, DIAGNOSIS, EVOLUTION, MANAGEMENT AND
APTITUDE TO SERVE.
Arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy is a
heart muscle disease: first described in 1977, it is
charaterized by histologic changes involution of the right
ventricle associated with ventricular arrhythmia and
sudden death. The clinical presentation is variable. The
diagnosis is based on association of clinical,
electrocardiographic and morphological abnormalities
which are reviewed before description of natural history,
prognosis and therapy. Difficulties to determine the
aptitude to serve are illustrated through three
observations concerning militaries.
Keywords: Arrhythmogenic right ventricular dysplasia.
Heart failure. Sudden death. Ventricular arrhythmia.
(Médecine et armées, 2006, 34, 4, 335-342)
Elle expose au risque d’arythmie ventriculaire grave
à déclenchement catécholergique.
À partir de trois observations concernant des militaires,
colligées à l’HIA Percy et l’HIA Robert Picqué,
nous rapportons les différentes formes de présentation
clinique de cette affection, les moyens diagnostiques
et évoquons les problèmes d’aptitude qui ne manquent
pas de se poser.
II. OBSERVATIONS.
A) OBSERVATION 1.
Une jeune femme, âgée de 26 ans, sous-officier sous
contrat, présente depuis de nombreuses années des
malaises sans perte de connaissance et sans relation avec
l’effort, étiquetés crises de « spasmophilie ». Elle est
admise aux Urgences en avril 2002 en raison d’une perte
de connaissance complète précédée de manifestations
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à type de paresthésies des extrémités avec une gêne
visuelle reproduisant les malaises qu’elle connaissait.
Compte tenu d’anomalies de la repolarisation sur
l’électrocardiogramme (ECG) avec onde T négative en
D2, D3 et aVF et de V1 à V5 (fig. 1), une hospitalisation
avec surveillance monitorée de l’ECG est réalisée. Celleci permet d’identifier la survenue de salves de tachycardie
à complexes QRS larges à type de retard gauche-axe
gauche, se prolongeant pendant plusieurs minutes
(fig. 2). La présence de plusieurs complexes de fusion
et de capture et l’existence d’une dissociation
auriculo-ventriculaire signent l’origine ventriculaire des
salves de tachycardie. Cependant, contrastant avec
l’inquiétude légitime du personnel soignant alerté par
les alarmes du scope, la patiente ne ressentait que les
manifestations étiquetées spasmophiliques, ce qui
permettait d’affirmer a posteriori le caractère ancien
et répété de ces épisodes de tachycardie ventriculaire,
habituellement bien tolérés avec cependant un épisode
récent syncopal. Compte tenu de l’origine ventriculaire
droite de cette tachycardie ventriculaire et de la négativité
de l’onde T en précordiales droites, l’hypothèse d’une
dysplasie ventriculaire droite est évoquée.
L’échocardiographie s’avère sans particularité notamment au niveau du ventricule droit. Le Holter ECG
retrouve une extrasystolie ventriculaire monomorphe
non répétitive en dehors d’un quadruplet de même
morphologie. Les potentiels tardifs ventriculaires (PTV)
s’avèrent négatifs pour deux critères, seul le voltage RMS
étant positif à 36 microvolts. Une angioscintigraphie
myocardique note simplement une discrète dilatation du
ventricule droit mais la cinétique pariétale et la fraction
d’éjection sont normales. L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) cardiaque ne retrouve pas d’infiltration graisseuse de la paroi ventriculaire droite en spin
écho mais il existe un bombement de la paroi antérieure
avec une absence de contractilité compatible avec
le diagnostic de DVDA.
Une stimulation ventriculaire programmée réalisée sous
aténolol s’avère négative mais le test à l’isoprénaline est
Figure.1. ECG de la patiente 1 à l’admission.
336
Figure 2. Tachycardie ventriculaire avec complexes de fusion et complexe
de capture.
positif avec déclenchement de salves non soutenues
de tachycardie ventriculaire.
Un traitement par sotalol est proposé et progressivement
augmenté à une posologie de 400 mg/j afin de contrôler
l’extrasystolie ventriculaire. Un classement G = cinq est
proposé et le contrat n’est pas renouvelé.
La patiente interrompt son traitement par sotalol au
bout d’un an ainsi que le suivi cardiologique qui avait
été instauré. Deux ans après la découverte de la DVDA,
il est fait mention, lors de la surveillance post-opératoire
d’une appendicectomie, d’une persistance de salves
de tachycardie ventriculaire non soutenues en l’absence
de tout traitement.
B) OBSERVATION 2.
Un jeune homme, âgé de 22 ans, appelé du Service
national, sans antécédent personnel ou familial,
présente en 1996, lors d’un test de Cooper, un arrêt
cardio-circulatoire en rapport avec une fibrillation ventriculaire qui est réduite par un choc électrique externe.
Malheureusement, la récupération est incomplète avec
des séquelles neurologiques importantes liées à l’anoxie
cérébrale prolongée, ce qui conduit à une réforme
prononcée par la Commission de réforme du Service
national. Les investigations cardiologiques sont menées
au cours de son séjour en rééducation. L’ECG note
un élargissement anormal du ventriculogramme en
précordiales droites sans trouble de la repolarisation.
L’ECG à haute amplification montre une durée anormale
du QRS filtré mais les deux autres critères sont négatifs.
Le Holter ECG et l’épreuve d’effort n’identifient pas
d’extrasystolie signif icative. L’échocardiographie
suspecte des anomalies de cinétique au niveau du
ventricule droit, ce que confirme l’angiographie avec une
discrète dilatation du ventricule droit, une hypokinésie
diffuse, des anomalies de cinétique au niveau de la portion
inféro et latéro-basale avec une dilatation presque
anévrysmale de la région sous-tricuspidienne,
une akinésie avec image en éperon de la paroi antérolatérale de l’infundibulum pulmonaire. La stimulation
ventriculaire programmée, y compris sous isoprénaline
p. brandstätt
Figure 3. ECG du patient 3 témoignant d’un microvoltage des complexes QRS avec onde T négative de V1 à V5.
est négative. Le diagnostic de DVDA est aff irmé
et compte tenu de l’arrêt cardiaque inaugural, un défibrillateur implantable est mis en place avec poursuite d’un
traitement par bétaxolol 10 mg/j. Le dernier contrôle
réalisé avec un recul de sept ans témoigne d’un état stable
sans récidive d’un trouble du rythme.
C) OBSERVATION 3.
Un homme, âgé de 48 ans, sous-officier de carrière, est
hospitalisé en 2001 pour prise en charge d’un tableau
d’insuffisance cardiaque globale. L’interrogatoire nous
apprend qu’il a déjà une longue histoire cardiologique
inaugurée par une tachycardie ventriculaire en 1977,
réduite par cardioversion électrique. Une évaluation deux
ans plus tard fait état d’un ventricule droit un peu dilaté et
le protocole de stimulation ventriculaire programmée
s’avère négatif : le diagnostic retenu est celui de
tachycardie ventriculaire sur cœur apparemment
sain relevant d’un traitement par sotalol. Lors du suivi
marqué par des épisodes de récidive du trouble du
rythme, le diagnostic de DVDA est évoqué devant
l’apparition d’anomalies échocardiographiques du
ventricule droit qui apparaît dilaté avec des anomalies
segmentaires de la contractilité.
Alors que le patient n’a pas présenté de récidive de tachycardie ventriculaire depuis 1994 sous sotalol 320 mg/j, il
constate une diminution progressive de ses capacités à
l’effort jusqu’à l’installation du tableau d’insuffisance
cardiaque globale qui conduit à son hospitalisation.
L’ECG s’inscrit en rythme sinusal avec un microvoltage
diffus des complexes QRS associé à une négativité de
l’onde T de V1 à V5 (fig. 3) ; il n’existe cependant pas
d’onde epsilon. L’échocardiographie surprend par
l’aspect de dilatation bi-ventriculaire (fig. 4) avec, d’une
part un ventricule droit très dilaté et hypocontractile de
dysplasie ventriculaire droite arythmogène
façon nette au niveau de la paroi latérale, et d’autre part
un ventricule gauche globalement hypokinétique avec
fraction d’éjection ventriculaire gauche estimée en
Simpson monoplan à 29 %. Les potentiels tardifs ventriculaires sont positifs pour les trois critères (fig. 5). Le
Holter ECG retrouve une hyperexcitabilité ventriculaire
modérée mais polymorphe avec de rares doublets mais
sans aucune salve. L’épreuve d’effort couplée à une étude
des gaz respiratoires réalisée après stabilisation de l’état
hémodynamique est limitée à 140 watts par une dyspnée
importante, sans atteinte du seuil ventilatoire, le pic
de VO2 s’établissant à 22 ml/kg/mn avec présence
d’extrasystoles ventriculaires à type de retard gauche
pendant l’effort dont un seul doublet.
L’angioscintigraphie myocardique confirme l’atteinte
bi-ventriculaire, la fraction d’éjection du ventricule
droit étant chiffrée à 43 % avec une importante dilatation
Figure 4. Dilatation bi-ventriculaire à l’échocardiographie.
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Figure 5. Potentiels tardifs ventriculaires positifs pour trois critères.
cavitaire alors que le ventricule gauche non dilaté présente
une cinétique altérée et une fraction d’éjection à 28 %.
L’examen IRM confirme les éléments précédents avec
un amincissement de la paroi ventriculaire en région antérieure mais sans infiltration pariétale par de la graisse.
Le diagnostic de DVDA étant retenu sur l’ensemble de
ces arguments, le patient bénéficie d’une stimulation
ventriculaire programmée réalisée sous bisoprolol qui
s’avère négative. Une coronarographie complète les
investigations et apparaît normale, permettant d’éliminer
une origine ischémique à l’atteinte du ventricule gauche.
Dans un premier temps, l’intéressé est mis en congé de
longue maladie pour une durée de six mois avant de faire
valoir ses droits à la retraite.
Avec un recul de 30 mois, le patient est stabilisé sur le plan
clinique sous un traitement associant du bisoprolol
5 mg/j, un inhibiteur de l’enzyme de conversion, un
diurétique et un anti-vitamine K. Il n’a présenté aucun
épisode documenté de tachycardie ventriculaire.
III. DISCUSSION.
Depuis la première description en 1977, de nombreux progrès ont été réalisés dans le domaine de la
pathogénie, de la génétique, du diagnostic de la dysplasie
ventriculaire droite arythmogène, qui est intégrée depuis
1996 dans le cadre plus vaste des cardiomyopathies
ventriculaires droites arythmogènes (2).
La DVDA se caractérise par des anomalies structurelles
et fonctionnelles du ventricule droit induites par
le remplacement fibro-adipeux des cardiomyocytes.
Le mécanisme de l’atrophie progressive de la paroi
ventriculaire droite peut être lié à l’apoptose, qui
lorsqu’elle est sévère, peut produire un certain degré
de fibrose. Le mécanisme de l’adipogénèse reste cependant obscur. Avec le temps, le remplacement
fibro-adipeux des cardiomyocytes du ventricule droit
va s’accentuer, conduisant à une déhiscence de sa paroi
qui va se dilater, manifestant par endroit des zones
anévrysmales localisées, situées d’abord au niveau de la
jonction trabéculo-infundibulaire de la paroi antérieure
338
du ventricule droit, l’apex puis la région sous-tricuspidienne étant atteints plus tardivement (3). Les
phénomènes inflammatoires observés dans certains
cas de DVDA correspondraient à des phénomènes
environnementaux venant se superposer à l’anomalie
génétiquement déterminée (4).
La prévalence de la DVDA est d’environ 1 pour 5 000
dans la population générale (5). Les formes familiales
représentent plus de 50 % des cas avec une transmission
autosomique dominante sauf dans la maladie de Naxos où
elle est associée à des anomalies cutanées et où la
transmission est autosomique récessive. Trois gènes ont
été identifiés à ce jour (6).
Les premiers signes cliniques de la maladie apparaissent
avant 40 ans dans plus de 80 % des cas. Une prédominance
masculine est retrouvée dans toutes les séries.
Les circonstances de découverte de la DVDA sont
variées. À coté des formes symptomatiques de la maladie
où l’arythmie ventriculaire est au premier plan, responsable de palpitations, lipothymies, syncopes ou d’une
mort subite en particulier sur les terrains de sport et qui est
fréquemment l’élément révélateur de la maladie (7),
il existe des formes asymptomatiques ou pauci
symptomatiques, découvertes devant des anomalies
ECG, la présence d’extrasystoles ventriculaires (ESV) ou
dans le cadre d’enquêtes familiales. La découverte d’une
DVDA devant un tableau d’insuff isance cardiaque
comme dans notre observation 3 reste exceptionnelle.
L’ECG en rythme sinusal peut orienter le diagnostic en
montrant des anomalies très évocatrices d’une DVDA :
il peut s’agir d’une déviation axiale, d’un élargissement
localisé du QRS supérieur à 110 ms en V1-V2 traduisant
un retard de conduction pariétale dans le ventricule droit,
d’une inversion de l’onde T notée le plus souvent en
V1-V2-V3 mais parfois jusqu’à V5-V6 voire en D2-D3aVF. On peut observer une anomalie plus spécifique telle
que l’onde « epsilon » de post-excitation ventriculaire
survenant après le complexe QRS au début du segment
ST. Il peut parfois exister un bas voltage des QRS comme
dans les observations 1 et 3. L’arythmie ventriculaire peut
se limiter à des extrasystoles ventriculaires qui typiquement ont une morphologie de retard gauche, mais des
aspects de retard droit peuvent se rencontrer. Ces ESV ont
tendance à se majorer à l’effort, témoignant du caractère
adrénergique de l’arythmie avec survenue potentielle de
salves de tachycardie ventriculaire (TV), soutenues ou
non, dont l’aspect a été particulièrement étudié par
Leclercq et al. à partir de 47 cas (8) : dans 96 % des cas
elles ont un aspect de retard gauche, dans 91 % des cas
l’axe est compris entre -80° et +110°, la largeur moyenne
du QRS de la TV est de 151 +/-28 ms soit moindre que
dans les cardiomyopathies congestives et le postinfarctus mais plus que dans les TV idiopathiques.
L’apport de l’ECG à haute amplification est indéniable
mais la recherche de potentiels tardifs ventriculaires a
globalement une sensibilité de 80 % et une spécificité de
88 % pour le diagnostic de DVDA ; toutefois la valeur
diagnostique des PTV est plus élevée dans les formes
diffuses et en cas de présence de TV soutenue (9).
p. brandstätt
La normalité de l’examen ne permet cependant
pas d’éliminer formellement une forme peu évoluée
de DVDA comme l’illustrent nos observations 1 et 2 avec
un seul critère positif.
L’échocardiographie recherche une dilatation du
ventricule droit, des anomalies de la cinétique pariétale
et une éventuelle atteinte associée du ventricule
gauche. Cependant les formes mineures restent
difficiles à identifier avec cette technique.
L’angioscintigraphie isotopique en contraste de
phase permet d’étudier l’hétérogénéité de la contraction
ventriculaire droite, d’évaluer de manière fiable les
fractions d’éjection ventriculaire droite et gauche.
La mise en évidence d’anomalies du ventricule droit
lors d’une angioscintigraphie isotopique réalisée devant
des troubles du rythme sévères provenant du ventricule
droit apparaît comme hautement prédictive d’un
risque de décès aussi bien que la présence d’anomalies du
ventricule gauche (10).
L’angiographie ventriculaire droite est encore considérée
par certains experts comme la méthode de référence pour
évaluer la fonction ventriculaire droite ; les critères
diagnostiques actuellement retenus ont été proposés par
Daubert et al. (11) : une dilatation ventriculaire droite
d’importance variable mais non systématique, des
anomalies de la cinétique segmentaire et des anomalies
de la morphologie réalisant typiquement l’aspect de
voussures arrondies, akinétiques ou dyskinétiques,
ressortant nettement sur le contour télédiastolique
pouvant créer de véritables images d’anévrysme. Ces
anomalies sont soit isolées, soit associées chez un même
patient atteignant par ordre de fréquence l’apex, la face
antérieure de l’infundibulum pulmonaire et la paroi
postéro-diaphragmatique du ventricule droit correspondant au triangle de la dysplasie (12). Lors d’une étude
prospective portant sur 85 DVDA (13), il a été montré
qu’une diminution de l’excursion de la tricuspide
(TAPSE < 12 mm) permet d’identifier les patients dont
la fraction d’éjection ventriculaire droite est inférieure
à 35 % (sensibilité : 96 %, spécif icité : 78 %) et que
la présence d’un anévrysme de l’infundibulum
pulmonaire identifie ceux dont la fraction d’éjection
ventriculaire gauche est inférieure à 40 % (sensibilité :
86 %, spécificité : 96 %).
L’imagerie par résonance magnétique devient l’examen
clé du diagnostic car elle permet d’étudier les anomalies
morphologiques du ventricule droit (dilatation,
amincissement pariétal, déformation des contours…) et
elle met en évidence la présence de tissu adipeux se
traduisant par un hypersignal en écho de spin. Enfin les
techniques de ciné-IRM apportent des renseignements
sur les anomalies de cinétique segmentaire du ventricule
droit (akinésie ou dyskinésie) (14, 15).
Le scanner multi barrettes permet également de
rechercher la présence de graisse dans la paroi latérale
du ventricule droit, dans le septum et la paroi latérale
gauche, un aspect festonné de la paroi latérale du
ventricule droit (16).
La stimulation ventriculaire droite programmée
recherche l’inductibilité des tachycardies ventriculaires :
dans les formes diffuses, plusieurs morphologies
de tachycardie ventriculaire peuvent être déclenchées.
Haïssaguerre et al. ont montré que la perfusion
d’isoprénaline à haute concentration permet d’induire
une tachycardie ventriculaire dans 85 % des cas
de DVDA (17).
Tableau I. Critères diagnostiques de la DVDA d’après Mc Kenna et al. (18).
Critères majeurs
Critères mineurs
- Dilatation importante du ventricule droit (VD) et réduction de
la fraction d'éjection du VD sans (ou avec légère) altération du
ventricule gauche (VG)*,
- Anévrismes du VD*,
- Dilatation segmentaire sévère du VD*,
- Infiltration fibro-graisseuse du myocarde sur la biopsie endomyocardique,
- Onde epsilon ou allongement (> 110 ms) des complexes
QRS en dérivations précordiales droites (V1-V3),
- Maladie familiale confirmée par nécropsie ou chirurgie.
- Dilatation modérée et globale et/ou légère réduction de la
fraction d'éjection du VD avec VG normal*,
- Dilatation segmentaire modérée du VD*,
- Hypokinésie segmentaire du VD*,
- Inversion des ondes T en dérivations précordiales droites
(V1-V3) (sujets de plus de 12 ans ; en l'absence de bloc de
branche droit),
- Présence de potentiels tardifs ventriculaires (ECG à haute
amplification),
- Tachycardie ventriculaire (soutenue ou non) à type de retard
gauche (ECG, Holter, épreuve d'effort),
- Extrasystoles ventriculaires fréquentes (> 1 000/24 heures) au
Holter,
- Antécédent familial de mort subite précoce (< 35 ans) due à
une DVDA suspectée,
- Antécédent familial (diagnostic clinique basé sur ces
critères).
* Détecté par échographie, angiographie, imagerie par résonance magnétique ou scintigraphie.
dysplasie ventriculaire droite arythmogène
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La biopsie endomyocardique n’est que rarement réalisée
compte tenu de ses limitations (des faux négatifs sont
possibles dans les formes localisées) et de ses risques.
Considérant les difficultés rencontrées pour établir le
diagnostic de DVDA, un groupe d’experts a établi en
1994 des critères diagnostiques (18) : la présence de deux
critères majeurs, ou d’un critère majeur et de deux critères
mineurs, ou de quatre critères mineurs permet de retenir
le diagnostic de DVDA (tab. 1).
Le problème du diagnostic différentiel se pose surtout
devant les manifestations rythmiques de la maladie :
le diagnostic d’ESV bénignes d’origine infundibulaire
ou de tachycardie ventriculaire bénigne naissant du
ventricule droit nécessite la normalité des examens
morphologiques et l’absence de potentiels tardifs ventriculaires mais une surveillance est indispensable afin
de ne pas passer à coté d’une forme débutante et/ou focale
de DVDA. Le problème du rapport entre DVDA et
syndrome de Brugada reste l’objet de controverses.
Certaines DVDA peuvent présenter des anomalies ECG
avec un sus-décalage du segment ST comparable à ce qui
est décrit dans le syndrome de Brugada. Corrado et al.
(19) ont montré, lors d’une étude autopsique portant sur
273 morts subites d’origine cardiovasculaire survenues
avant 35 ans, que 13 sujets présentaient à l’ECG un sus
décalage du segment ST isolé (9 cas) ou associé à un bloc
de branche droit (4 cas) et que tous sauf un présentaient
une DVDA à l’autopsie ; mais contrairement aux DVDA
sans sus décalage du segment ST de la même série,
les décès étaient survenus sans relation avec l’effort chez
des sujets ayant souvent présenté des changements dynamiques de l’ECG et des tachycardies ventriculaires
polymorphes qui sont plutôt l’apanage des syndromes
de Brugada, témoignant de formes de recouvrement entre
la DVDA et le syndrome de Brugada.
L’évolution et le pronostic de la DVDA sont encore mal
connus. Ils restent dominés par le risque de mort subite
rythmique, particulièrement au cours de l’effort sportif.
Une étude histologique (20) réalisée dans la région de
Venise concernant les causes de mort subite chez des
jeunes gens de moins de 35 ans montre qu’un tiers des 60
décès colligés entre 1979 et 1986 sont dus à une DVDA.
Furlanello et al. (21), examinant 1 642 athlètes de
compétition italiens présentant des troubles du rythme,
portent le diagnostic de DVDA chez 6 % d’entre eux: lors
d’un suivi moyen de huit ans, 4 % présentèrent un arrêt
cardiaque ou une mort subite, les sujets porteurs d’une
DVDA représentant un quart du nombre total des athlètes
ayant présenté l’un de ces évènements, confirmant ainsi
le fait que la DVDA est la cause principale de mort subite
à l’effort parmi les athlètes italiens. La relation entre la
mort subite chez le sportif et la DVDA soulève plusieurs
questions. D’abord, l’effort n’est-il que le facteur déclenchant du trouble du rythme fatal chez un sportif porteur
d’une DVDA : à partir d’une série autopsique de 300
morts subites chez des sujets de moins de 35 ans, Corrado
et al. (22) montrent que le fait de pratiquer une activité de
compétition entraîne un risque significativement plus
élevé de mort subite, en grande partie lié à l’existence
340
d’une pathologie cardiovasculaire sous-jacente, le
sport favorisant l’émergence d’arythmies ventriculaires
fatales durant l’exercice physique. Mais aussi, le sport
peut-il favoriser le développement d’une DVDA:
Heidbüchel (23) fait l’hypothèse que certains sports
d’endurance pratiqués à un haut niveau (en particulier
le cyclisme) peuvent entraîner des atteintes structurelles
du ventricule droit qui ne seraient pas apparues sans
cette pratique sportive, expliquant que sur une série
de 46 athlètes de haut niveau (dont 80 % de cyclistes)
présentant des arythmies ventriculaires complexes,
59 % étaient porteurs d’une DVDA certaine et 30 %
d’une DVDA probable.
Par ailleurs, avec le recul évolutif portant sur de
nombreuses séries de la littérature, il est apparu que le
risque d’insuffisance cardiaque s’avère être supérieur à
20 % des cas de DVDA. Fontaine et al. (4) proposent une
classification des modalités évolutives de la DVDA
en fonction de l’altération de la fraction d’éjection du
ventricule gauche: dans le type I, la FEVG est supérieure à
50 % et le risque apparaît exclusivement rythmique ; dans
le type II, la FEVG est comprise entre 30 % et 50 % : la
forme est stable et peut le rester pendant de nombreuses
années ; dans le type III avec une FEVG inférieure à 30 %,
il existe une dégradation progressive du myocarde avec
un risque d’insuffisance cardiaque progressivement
irréversible. Plus récemment, une étude multicentrique
à la fois clinique et histologique portant sur 42 cas
de DVDA avec diagnostic histologique (autopsie ou
transplantation cardiaque) démontre que l’atteinte du
ventricule gauche est présente dans 76 % des cas, qu’elle
apparaît dépendante de l’âge, plus fréquente en cas
d’histoire clinique longue, qu’elle progresse au cours
du suivi échographique et qu’elle est associée à des
évènements cliniques d’ordre rythmique plus fréquents
ainsi qu’à un taux d’insuffisance cardiaque plus important (24). Aussi, l’évolution semble s’établir en plusieurs
phases (25) : une phase avec des changements structurels
minimes du ventricule droit, sans ou avec des troubles
du rythme ventriculaires peu sévères, pendant laquelle
une mort subite peut être la première manifestation
clinique ; une phase avec un désordre électrique manifeste responsable de troubles du rythme symptomatiques
susceptibles d’être à l’origine d’un arrêt cardiaque,
associé à des anomalies structurelles et fonctionnelles
du ventricule droit ; une phase d’insuff isance
ventriculaire droite par extension progressive de
l’atteinte du ventricule droit, le ventricule gauche restant
plus ou moins préservé ; enfin une dernière phase avec
insuffisance cardiaque globale liée à la progression de
la dysfonction ventriculaire gauche: à ce stade, la
DVDA ressemble aux cardiomyopathies dilatées avec
atteinte bi-ventriculaire.
Les trois observations que nous rapportons illustrent
parfaitement cette diversité clinique et évolutive. L’observation 2 correspond à une forme dont la première
manifestation clinique est une mort subite récupérée
survenue lors d’un effort sportif, l’atteinte du ventricule
droit n’étant retrouvée qu’à l’angiographie ventriculaire
p. brandstätt
droite. L’observation 1 correspond à une atteinte
ventriculaire droite pure responsable d’une tachycardie
ventriculaire soutenue révélatrice de la DVDA, l’atteinte
ventriculaire droite étant suspectée sur l’angioscintigraphie ventriculaire droite. Enfin la troisième observation
pour laquelle existe un recul de 27 ans témoigne
de l’évolutivité de l’affection avec initialement
des épisodes de tachycardie ventriculaire avec atteinte
isolée du ventricule droit puis apparition d’une atteinte
ventriculaire gauche asymptomatique et enfin survenue
d’un tableau d’insuff isance cardiaque globale sans
récidive de troubles du rythme soutenus.
La prise en charge thérapeutique des patients atteints
de DVDA reste encore très empirique. Les patients
présentant des arythmies ventriculaires bien tolérées
et non menaçantes sont habituellement mis sous antiarythmiques en utilisant de préférence les bêtabloquants
et en particulier le Sotalol (26), compte tenu du caractère
adrénergique des troubles du rythme, en s’aidant
du contrôle de l’eff icacité du traitement par la
stimulation ventriculaire programmée. Les techniques
ablatives constituent un complément logique du
traitement antiarythmique, quand celui-ci devient
inefficace pour le contrôle des récidives. Le défibrillateur
automatique implantable (DAI) fait figure de protection
ultime et universelle vis-à-vis de la mort subite
rythmique. Cependant, les recommandations françaises
et nord-américaines actuelles n’envisagent pas la DVDA
comme une entité à part et la rareté de la maladie rend
difficile les études randomisées. Dans ces conditions,
la plupart des implantations se font à l’occasion d’un
évènement clinique majeur : mort subite récupérée
(comme dans l’observation 2), tachycardie ventriculaire
syncopale, mal tolérée ou non contrôlée par le traitement
pharmacologique ou l’ablation, les indications
réellement prophylactiques (histoire familiale de mort
subite liée à une DVDA, altération de la fonction ventriculaire gauche…) restant rares. La plus grande étude
à ce jour a été menée chez 132 patients porteurs d’une
DVDA et implantés (27) : 48 % ont eu un déclenchement
approprié du DAI lors d’un suivi moyen de 39 mois
dont la moitié pour un trouble du rythme potentiellement
fatal. Par ailleurs, une histoire avant implantation d’arrêt
cardiaque récupéré, de tachycardie ventriculaire
mal tolérée hémodynamiquement, un âge jeune et une
altération ventriculaire gauche étaient des facteurs
prédictifs indépendants de survenue d’une fibrillation
ou d’un flutter ventriculaire.
Les nombreuses incertitudes concernant l’évolution
spontanée et l’eff icacité des différentes thérapeutiques ont conduit à proposer en 2000 la création
d’un registre international sur la DVDA (28). À l’échelon
européen, il est réalisé la mise en place de banques
de données cliniques, anatomo-pathologiques,
génétiques ainsi qu’une évaluation des thérapeutiques
avec une stratif ication du risque concernant cette
pathologie, l’ensemble de ces travaux étant f inancé
par la Communauté européenne (6).
dysplasie ventriculaire droite arythmogène
L’étendue de ces incertitudes rend bien sûr la détermination de l’aptitude médicale à servir dans les Armées très
délicate : la présence ou la découverte d’une DVDA à
l’engagement doit conduire à prononcer une décision
d’inaptitude. L’identification formelle d’une DVDA
en cours de carrière doit conduire à des restrictions
importantes d’activité, imposant souvent des
changements de spécialité voire une inaptitude définitive. Selon les nouvelles normes d’aptitude en cardiologie
datant du 06/12/2004 (29), le classement proposé est
G = quatre à six pour « autres cardiomyopathies », « tachycardies ventriculaires qu’elle qu’en soit la cause »,
« insuffisance cardiaque chronique » ou « insuffisance
cardiaque aiguë, compliquant une affection non curable».
Les éléments à prendre en compte sont représentés par
la présence de troubles du rythme ventriculaire et
l’efficacité de leur contrôle par les bêtabloquants en
particulier, ainsi que par l’existence d’une altération
de la fonction ventriculaire gauche. La survenue
de complications évolutives (mort subite récupérée,
insuffisance cardiaque…) ou la nécessité de certaines
thérapeutiques (mise en place d’un déf ibrillateur
implantable…) paraissent incompatibles avec le
maintien en activité qui ne saurait s’envisager que de
manière personnalisée et restrictive, par dérogation
aux normes médicales et sous couvert d’un suivi
cardiologique imposé.
Les décisions d’inaptitude à l’emploi prononcées dans le
cas de nos trois observations illustrent ces propositions :
la survenue d’une mort subite récupérée avec séquelles et
d’une insuffisance cardiaque étaient incompatibles avec
le maintien en activité ; seule l’observation 1 aurait pu
faire discuter un maintien en activité chez une secrétaire,
sous réserve d’une efficacité du traitement bêtabloquant
et d’un suivi périodique avec bien sûr le maintien d’une
activité sédentaire stricte : cependant, le recul nous a
montré l’absence de compliance et d’observance de la
patiente qui valide a posteriori notre prudence initiale.
IV. CONCLUSION.
La DVDA est une entité anatomo-clinique rare dont la
première description remonte seulement à 1977 et dont la
prévalence, l’étiologie et l’évolution, malgré des progrès
certains, restent encore bien mal connus. Le diagnostic,
qu’il faut savoir évoquer devant des anomalies ECG en
précordiales droites, des arythmies ventriculaires symptomatiques ou non, bénéficie des progrès de l’imagerie du
ventricule droit et s’appuie sur des critères diagnostiques
définis en 1994. En dehors du risque rythmique qui doit
toujours rester à l’esprit, il existe un risque non
négligeable d’insuffisance cardiaque lié à la progression
de l’atteinte d’abord au niveau de l’ensemble du
ventricule droit puis au niveau du ventricule gauche.
L’ensemble de ces incertitudes a conduit à proposer
la création d’un registre international sur la DVDA et d’un
ensemble de banques de données européennes afin de
progresser dans le domaine du diagnostic, de l’histoire
naturelle et de la stratification du risque.
341
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6 décembre 2004. n° 50 : 6 409-35.
p. brandstätt
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC DE LA CARDIOMYOPATHIE
HYPERTROPHIQUE EN 2006
Acquis et incertitudes
P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU
RÉSUMÉ
ABSTRACT
Des progrès considérables dans la connaissance de la
cardiomyopathie hypertrophique ont été accomplis au
cours des dernières années. Il demeure important
d’éviter les erreurs par défaut, surtout chez le sujet jeune
étant donné le risque de mort subite qui s’attache à cette
maladie mais, à l’inverse, les erreurs par excès entraînent
un handicap psychologique et social grave. L’électrocardiogramme et l’échocardiographie sont toujours la
pierre angulaire du diagnostic mais l’imagerie par
résonance magnétique et l’analyse génétique peuvent
contribuer aux diagnostics difficiles. La cardiomyopathie
hypertrophique demeure en 2006 une maladie complexe,
probablement moins grave que ce que l’on pensait
initialement pour la majorité des patients mais pouvant
être à l’origine d’événements cardiovasculaires majeurs
et de décès prématurés encore difficilement prévisibles.
Mots-clés : Cardiomyopathie
Diagnostic. Mortalité. Pronostic.
hypertrophique.
DIAGNOSIS AND PROGNOSIS OF HYPERTROPHIC
CARDIOMYOPATHY IN 2006: KNOWLEDGE AND
UNCERTAINTY.
Considerable progress has been accomplished in the
understanding of hypertrophic cardiomyopathy (HCM)
over the last years. It remains important to avoid
overlooking this diagnosis especially in young subjects,
because of the risk of sudden death but, conversely, false
positive diagnosis can result in a serious social and
psychological handicap. Electrocardiogramm and two
dimensionnal echocardiography are currently the
standard tests for the clinical diagnosis of HCM but
magnetic resonance imaging and genetic diagnosis may
be helpful for difficult diagnosis. HCM remains a
complex disease, less serious than initially thought in the
majority of patients, but the cause of major
cardiovascular events and premature deaths wich still
remain difficult to prevent.
Keywords: Diagnosis. Hypertrophic cardiomyopathy.
Mortality. Prognosis.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 343-348)
I. INTRODUCTION.
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH), bien que
finalement assez peu fréquente en pratique quotidienne,
continue d’occuper une place importante dans
l’imaginaire médical.
À l’origine de décès subits survenant chez des patients
jeunes, notamment lors d’un effort sportif, elle jouit ainsi
d’une mauvaise réputation et demeure, à juste titre, une
préoccupation constante de nombreux médecins, qu’ils
soient médecins d’unité, médecins du sport, urgentistes
ou cardiologues.
En sa défaveur demeure la complexité de la maladie qui,
malgré un déterminisme génétique et des caractéristiques
P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. U. VINSONNEAU, médecin
principal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecin lieutenant, praticien en
formation. C. VANOYE, médecin lieutenant, praticien en formation. G. QUINIOU,
médecin en chef, praticien certifié.
Correspondance : P. GODON, Service de cardiologie, HIA Clermont-Tonnerre,
BP 41, 29240 Brest Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
anatomiques univoques, s’exprime toujours avec un
polymorphisme clinique et évolutif majeur et parfois
déroutant.
Cependant ces dernières années ont vu évoluer la maladie
avec une phase diagnostique plus précise et plus
rigoureuse, une stratégie de prise en charge mieux établie,
un pronostic sans doute moins péjoratif que ne le laissait
transparaître les premières séries, des thérapeutiques
plus agressives et efficaces et, enfin, l’irruption de la
génétique dans tous les aspects de la maladie.
II. DÉFINITION – PHYSIOPATHOLOGIE.
La CMH est une cardiomyopathie caractérisée par une
hypertrophie primitive portant essentiellement sur le
ventricule gauche, sans dilatation cavitaire.
Cette hypertrophie est typiquement asymétrique,
prédominant sur le septum interventriculaire (SIV).
Toutefois le siège et le degré de l’hypertrophie peuvent
être très variables. Ainsi l’hypertrophie peut siéger, outre
343
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le SIV, sur la paroi antérolatérale voire, plus rarement,
être diffuse et symétrique (< 5 % des cas) ou purement
localisée à l’apex. Quant au degré d’hypertrophie il peut
être rudimentaire ou considérable, dépassant 30 mm,
avec parfois une grande variabilité dans le temps chez un
même individu.
Microscopiquement on observe des cellules myocardiques hypertrophiées dont l’agencement est désorganisé
avec une augmentation du taux de fibrose.
Cette hypertrophie pathologique induit plusieurs
conséquences à l’origine des manifestations cliniques
de la maladie :
– une altération de la fonction diastolique responsable de
certains tableaux d’insuffisance cardiaque à fonction
systolique conservée ;
– des anomalies de la microcirculation potentiellement
responsables de manifestations angineuses ;
– une obstruction sous aortique dynamique, liée à
l’hypertrophie septale, présente chez 30 % des patients, à
l’origine du souffle caractéristique de l’affection. Cette
obstruction contribue à la survenue, ou l’aggravation, de
symptômes à l’effort ;
– l’intrication d’une ischémie fonctionnelle, d’une
inadaptation hémodynamique et d’altérations
structurelles fait alors le lit des complications rythmiques
qui vont influencer le pronostic vital.
Longtemps suspectée sur l’existence de cas familiaux,
l’origine génétique de la maladie a pu être démontée
en 1989 avec l’identif ication d’un premier gène
responsable. Depuis, plus de 300 mutations ont été
identifiées à partir de treize gènes différents faisant de la
CMH une affection particulièrement hétérogène en terme
génétique. Cependant plus de 80 % des mutations
retrouvées concernent deux gènes : MYBPC3 codant la
protéine C qui lie la myosine et MYH 7 codant la chaîne
lourde ß de la myosine.
La transmission se fait sur un mode autosomique
dominant à pénétrance variable, les formes familiales
représentant 60 % des cas.
Il faut ainsi reconnaître en 2006 notre absence totale
de connaissance de la prévalence de la CMH en France
ou en Europe.
IV. COMMENT FAIRE LE DIAGNOSTIC ?
Le diagnostic de CMH peut être évoqué dans des
situations diverses :
– c’est naturellement toujours la découverte d’un souffle
ou d’une anomalie à l’électrocardiogramme (ECG) qui
peut conduire au diagnostic ;
– ce peut être aussi la survenue d’un symptôme
inhabituel, malaise, syncope, dyspnée, angor, surtout
lorsqu’il survient à l’effort ;
– ce peut être une découverte fortuite dans le cadre d’une
enquête génétique chez un patient asymptomatique
mais dont l’un des apparentés est porteur de l’affection ;
– enfin, malheureusement, ce peut être une découverte
nécropsique, devant une mort subite inopinée, inattendue
ou inexpliquée, particulièrement lors d’une séance
de sport.
Lorsque la possibilité d’une CMH est évoquée
l’établissement d’un diagnostic formel et, si possible,
rapide devient alors une nécessité absolue en raison des
conséquences potentielles de cette affection et des
répercussions psychologiques, sociales ou professionnelles qui peuvent en découler.
A) EXAMEN CLINIQUE.
L’examen clinique occupe toujours une place
incontournable bien qu’il puisse être normal chez
un patient asymptomatique sans gradient de pression.
La principale anomalie est un souffle très particulier,
présent uniquement chez les patients dont l’hypertrophie
induit une obstruction ventriculaire. Le souffle est alors
mésosystolique, distinct des premiers et deuxièmes
bruits, accru en position debout, en expiration, par
le Valsalva, diminué au contraire en position accroupie
ou en inspiration.
B) ECG.
III. ÉPIDÉMIOLOGIE.
Il faut bien reconnaître qu’elle est encore très mal connue.
La plupart des publications font état d’une prévalence
de 1 cas pour 500 dans la population générale mais toutes
ces publications se réfèrent à l’unique étude d’envergure
réalisée sur le sujet par BJ Maron en 1995 sur une
population de 4 111 jeunes Américains (1). Ces conclusions suggèrent ainsi une fréquence importante de
la maladie dans la population générale.
Pourtant la CMH reste relativement rare en consultation
cardiologique et les cohortes de suivi de patients
porteurs d’une CMH sont f inalement assez peu
importantes : 247 patients inclus sur une période de 28
ans par une équipe nantaise (2) ou bien encore 225
patients suivis par le Thorax Center de Rotterdam sur
la période 1970-1999 (3).
344
L’ECG vient naturellement compléter l’examen
clinique et se montre souvent anormal avec quatre
types d’anomalies :
– une HVG électrique dans 60 % à 90 % cas avec
une augmentation parfois considérable de l’amplitude
des ondes R en V5, V6 ;
– la présence d’ondes Q anormales, supérieures à 3 mm de
profondeur pour une durée supérieure à 0,04 secondes
chez 30 % à 50 % des patients, siégeant particulièrement
en D2, D3, VF et V4-V6 ;
– des anomalies diverses de la repolarisation ; ondes T
négatives amples et profondes ou au contraire géantes
et pointues ;
– des troubles conductifs aspécifiques.
Alors que l’ECG est rarement normal, moins de 15 % des
cas, ces anomalies électriques peuvent être parfois très
précoces, voire survenir avant l’existence d’une réelle
p. godon
hypertrophie échographique du VG chez des patients
porteurs d’une mutation génétique (4).
C) ÉCHOCARDIOGRAPHIE.
L'échocardiographie demeure la pierre angulaire
du diagnostic de CMH (fig. 1).
D'autres anomalies échographiques sont fréquemment retrouvées : absence de dilatation ventriculaire
indispensable au diagnostic, dilatation de l'oreillette
gauche, insuff isance mitrale, anomalie du doppler
mitral. Plus récemment certains auteurs (6) ont rapporté
des anomalies précoces du doppler tissulaire avec
effondrement des vélocités myocardiques qui pourraient
être contributives lors des diagnostics difficiles.
D) IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
(IRM).
Figure 1. Aspects échographiques d’une CMH à prédominance antéroseptale.
Toute anomalie auscultatoire, toute constatation d’un
trouble de la repolarisation ou d’une extrasystolie, a
fortiori ventriculaire, sur l’ECG doit justifier la réalisation systématique d’une échocardiographie avant de
délivrer un certificat d’aptitude au service et/ou au sport.
L'hypertrophie ventriculaire gauche est naturellement
l'anomalie dominante. Siégeant habituellement sur le
septum inter ventriculaire elle peut en revanche être plus
étendue, voire diffuse ou bien au contraire localisée en des
topographies inhabituelles (pointe). Maron a ainsi défini
quatre types de CMH en fonction du siège de l'hypertrophie, sur la partie antérieure du septum pour le type I
(10 % des cas), l'ensemble du septum pour le type II
(20 %), le septum et la paroi antérolatérale pour le type III
(50 %) et enfin les localisations ne touchant pas le septum
antérieur pour le type IV (20 % ) (5). Pour être compatible
avec le diagnostic de CMH cette hypertrophie doit
être significative et dépasser 15 mm (13 mm s'il existe
des cas familiaux authentifiés), sans s'accompagner
de dilatation cavitaire.
Cette hypertrophie peut être diff icile à mettre en
évidence, ou à évaluer et il est alors essentiel de savoir
renouveler l'examen, si possible par un second opérateur,
avant de porter un diagnostic de CMH, tant ce diagnostic
peut être lourd de conséquences.
La seconde anomalie essentielle à rechercher lors de
l'examen échographique est l'existence d'un obstacle à
l'éjection ventriculaire gauche. Celui ci s'exprime par un
mouvement anormal, systolique, de la valve antérieure
mitrale (SAM) et, lors de l'analyse doppler, par une
accélération du flux antérograde aortique qui prend un
aspect caractéristique avec pic de vélocité télésystolique
(aspect en « lame de sabre »). Ces anomalies sont ainsi le
reflet d'un gradient de pression à l'intérieur du VG que l'on
retrouve chez environ 1/3 des patients.
diagnostic et pronostic de la cardiomyophatie hypertrophique en 2006
L'IRM n'est pas systématiquement nécessaire au
diagnostic de CMH.
En revanche, il peut arriver que l'échocardiographie
s'avère techniquement difficile, notamment chez les
patients peu échogènes. L'IRM, qui fournit toujours des
images de haute résolution, peut alors contribuer aux
diagnostics diff iciles, surtout lorsqu'il existe une
incertitude sur les mesures d'épaisseur pariétale ou lors
d'une localisation inhabituelle de l'hypertrophie (apex).
Certaines séquences d'acquisition IRM (tagging)
permettent par ailleurs de mettre en évidence des anomalies de contractilité segmentaire pathognomoniques de la
CMH. Ces séquences trouvent tout leur intérêt lors du
diagnostic différentiel avec un cœur d'athlète (7).
L'IRM bénéficie ainsi actuellement d'une indication de
classe II dans le diagnostic de CMH (8).
E) DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE.
L'association d'un contexte clinique, d'anomalies
électriques et échographiques suffit en général à porter
le diagnostic de CMH (9).
La découverte d'une anomalie génétique pourrait alors
conforter le clinicien dans ses hypothèses diagnostiques
lorsque l'on connaît le pronostic et les conséquences
parfois redoutables de la CMH.
Il faut alors garder à l'esprit que le diagnostic génétique
représente une analyse coûteuse (6 800 € pour l'analyse
de cinq gènes) et longue (1 an minimum avant le rendu
définitif des résultats) et qu'elle n'identifie une mutation,
dans l'état actuel des connaissances, que chez 2/3 des
patients porteurs d'une authentique CMH (10).
Aussi la réalisation d'un diagnostic génétique n'est-elle
recommandée que dans quatre situations :
– pour un diagnostic prénatal, possible dès la 10e semaine,
lorsque l'un des deux parents est porteur d'une CMH
avérée avec une anomalie génétique authentifiée ;
– lors d'une enquête familiale chez les apparentés d'un
patient porteur d'une CMH avérée, avant que ces
apparentés ne développent des anomalies électriques
ou échographiques ;
– à titre diagnostic lorsque les anomalies électriques
ou échographiques sont ambiguës, chez un sportif
par exemple ;
– à titre pronostic puisque certaines mutations sont
considérées comme plus à risque de mort subite. Cette
indication demeure toutefois controversée en raison
du trop faible nombre de travaux à ce sujet.
345
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V. ÉCARTER CE QUI N'EST PAS UNE CMH.
VI. QUELLES EXPLORATIONS COMPLÉMENTAIRES RÉALISER DEVANT UNE CMH ?
Il s'agit d'un aspect essentiel puisque les conséquences
et la prise en charge peuvent être radicalement différents.
Outre l'ECG et l'échocardiographie qui posent le
diagnostic plusieurs examens supplémentaires peuvent
être envisagés.
A) MALADIES
PRESSION.
DE
SURCHARGE
DE
Les maladies de surcharge de pression (rétrécissement
aortique, HTA) sont en règle faciles à écarter.
B) PATHOLOGIES INFILTRATIVES.
Les pathologies infiltratives (amylose, hémochromatose), plus rares, s'inscrivent dans un contexte souvent
évocateur qui permet de redresser le diagnostic.
C) AFFECTIONS TRÈS PARTICULIÈRES.
Certaines affections très particulières, syndrome
de Noonan, ataxie de Friedreich, myopathies mitochondriales, comportent une hypertrophie VG s'inscrivant
dans un tableau clinique tel que l'ambiguïté n'est
pas permise.
D) MALADIE DE FABRY.
La maladie de Fabry ou déficit génétique en α galactosidase A lié au chromosome X mérite d'être évoquée chez
tout adulte jeune porteur d'une HVG. L'hypertrophie,
souvent homogène et symétrique s'accompagne
d'acroparesthésies, d'angiokératomes et d'anomalies
rénales (protéinurie, insuffisance rénale).
La prévalence de cette affection en présence d'une HVG
n'est pas négligeable puisqu'une récente étude fait
apparaître cette anomalie chez 6 patients sur 153
étiquetés CMH (11).
L'intérêt d'un tel diagnostic repose sur la possibilité
de mettre en oeuvre un traitement spécif ique par
enzymothérapie substitutive.
A) IRM CARDIAQUE ET LE GÉNOTYPAGE.
L'IRM cardiaque et le génotypage de la maladie, que nous
avons abordé précédemment.
B) ÉPREUVE D'EFFORT.
L'épreuve d'effort, plus ou moins incontournable, permet
de documenter les éventuels symptômes fonctionnels des
patients (dyspnée, angor, palpitations) et de les corréler à
des anomalies électriques, ischémie électrique, arythmie
ventriculaire ou supraventriculaire, profil tensionnel à
l'effort anormal.
C) ENREGISTREMENT HOLTER DE L'ECG.
L'enregistrement Holter de l'ECG sur 24 h permet
d'évaluer l'existence d'arythmies asymptomatiques.
Si la présence d'ESV est extrêmement banale et sans
signification pathologique, en revanche la découverte
de tachycardies ventriculaires non soutenues (TVNS = 3
ESV ou plus) représente un marqueur de risque
rythmique de signif ication péjorative. Ainsi sur un
récent travail portant sur 178 patients porteurs d'une
CMH et ayant bénéf icié d'un enregistrement
Holter l'existence d'une ou plusieurs salves de TVNS
présente une faible valeur prédictive positive (9 %) mais
une bonne valeur prédictive négative (95 %) quant
au risque de mort subite (13).
Tableau I. Critères distinctifs usuels entre une hypertrophie d'adaptation et
une CMH chez un sujet sportif.
CMH
Cœur
d’athlète
Contexte familial
oui
non
Anomalie ECG
oui
non
Sexe féminin
oui
non
Regression à l'arrêt du sport
non
oui
Hypertrophie asymétrique
oui
non
Diamètre télédiastolique VG<45 mm
oui
non
Dilatation OG
oui
non
Doppler mitral anormal
oui
non
Anomalies doppler tissulaire
oui
non
E) « CŒUR D'ATHLÈTE ».
Le « cœur d'athlète » représente le diagnostic différentiel
le plus délicat à aborder pour le médecin militaire
confronté à un patient jeune et sportif porteur d'une HVG.
Il convient en premier lieu de s'assurer de la réalité d'un
entraînement soutenu qui doit comporter au moins dix
heures d'activité hebdomadaire pour engendrer un
retentissement significatif sur le muscle cardiaque.
Plusieurs arguments échographiques (tab. I) permettent
souvent de faire le diagnostic différentiel entre une
hypertrophie physiologique, « d'adaptation » ou
pathologique (12).
Parfois, lorsque le doute persiste, c'est l'interruption
de l'entraînement sportif pendant plusieurs mois qui,
en permettant d'observer la régression de l'hypertrophie
fait écarter le diagnostic de CMH.
346
p. godon
D) RECHERCHE DE POTENTIELS TARDIFS.
La recherche de potentiels tardifs ventriculaires n'a
pas démontré d'intérêt dans l'évaluation pronostique
d'une CMH.
E) EXPLORATION ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE.
L'exploration électrophysiologique avec stimulation
ventriculaire programmée ne permet pas, sauf indication
particulière, de différencier les patients à faible risque
de ceux à haut risque de complications rythmiques (14).
En effet, même avec des protocoles de stimulation
peu agressifs, on parvient assez facilement à déclencher
une arythmie ventriculaire soutenue chez ces patients
sans permettre un screening satisfaisant des patients
les plus à risque.
Dans le cadre du suivi d'un patient porteur d'une CMH
le renouvellement de ces différentes explorations, ECG,
échocardiographie, épreuve d'effort, Holter ECG,
s'envisage sur un rythme annuel que l'on peut éventuellement raccourcir selon les cas.
VII. COMMENT ÉVALUER LE PRONOSTIC
D'UNE CMH ?
Une fois les diff icultés diagnostiques résolues c'est
la seconde diff iculté majeure à laquelle se heurte le
clinicien.
En dépit de grandes incertitudes qui demeurent en 2006
sur l'évolution individuelle de la maladie il convient en
effet d'essayer de répondre du mieux possible aux interrogations du patient et de son entourage, alors que la plupart
des sites Internet grand public diffusent une information
focalisée essentiellement sur le risque de mort subite.
A) LES COMPLICATIONS DE LA CMH SONT
ESSENTIELLEMENT AU NOMBRE DE
QUATRE :
1. Mort subite.
La plus connue en est la mort subite dont certaines
observations ont parfois défrayé la chronique. En dépit de
certaines avancées cette complication majeure garde son
caractère peu prévisible et représente parfois la première,
et seule, manifestation de la maladie.
2. Évolution progressive vers une insuff isance
cardiaque.
Un mode évolutif moins connu mais tout aussi fréquent
est l'évolution progressive vers une insuff isance
cardiaque avec amincissement progressif des parois qui
contiennent de plus en plus de fibrose, dilatation cavitaire
et altération progressive de la fonction systolique.
3. Accident vasculaire cérébral ischémique.
L'accident vasculaire cérébral ischémique, en raison
des fréquentes arythmies, et notamment de la
fibrillation atriale, reste une complication classique.
diagnostic et pronostic de la cardiomyophatie hypertrophique en 2006
4. Greffe endocarditique.
La greffe endocarditique sur la valve mitrale ou le
septum demeure rare.
B) LE PRONOSTIC GLOBAL DE LA CMH
DEMEURE EN 2006 MAL CONNU.
Ceci est lié pour une part à la grande hétérogénéité de la
maladie avec de nombreuses formes asymptomatiques
qui demeureront méconnues et, à l'inverse, certaines
morts subites qui restent sans étiquette en l'absence
d'autopsie.
Cela explique les divergences de pronostic que l'on peut
observer dans la littérature selon que les données émanent
de centres de référence, avec un biais de recrutement lié à
des malades souvent plus « complexes », ou qu'elles
proviennent de populations moins sélectionnées.
Ainsi Kofflard et al. (3) ont comparé leur propre série de
patients néerlandais non sélectionnés à six séries de
patients provenant de centres de référence et six séries de
patients « tout venant ». Lorsque les patients sont issus de
séries très sélectionnées le pronostic apparaît alors
sombre avec une mortalité cardiovasculaire annuelle de
l’ordre de 2 % à 4 % chez les adultes et jusqu’à 6 %/an
chez les enfants. En revanche lorsque l’on étudie des
patients suivis dans des centres moins spécialisés la
mortalité annuelle d’origine cardiovasculaire est plus
faible, entre 0 % et 1,3 % et la mortalité subite annuelle est
évaluée entre 0 % et 0,7 %.
Le CHU de Nantes a récemment rapporté le suivi à douze
ans en moyenne d’une cohorte de 243 patients porteurs
d’une CMH (2). Lors du suivi, 54 patients sont décédés
dont 41 d’une cause cardiovasculaire (mortalité cardiovasculaire annuelle = 1,37 %) avec 20 morts subites, 17
décès liés à une insuff isance cardiaque, 3 accidents
vasculaires cérébraux et 1 complication chirurgicale.
Il apparaît donc raisonnable de considérer aujourd’hui
le pronostic de la CMH comme certainement moins
péjoratif que ne le laissait supposer les premières données
historiques dont les conclusions reposaient sur un biais
de recrutement. Il n’en demeure pas moins que la CMH
n’est pas une maladie bénigne et génère incontestablement une surmortalité cardiovasculaire. Celle-ci
s’exprime pour moitié par des décès subits, le plus
souvent chez des patients jeunes entre 10 ans et 40 ans, et
pour l’autre moitié par une insuffisance cardiaque qui
survient plus tardivement vers 60 ans.
C) PEUT-ON PRÉDIRE LE RISQUE DE MORT
SUBITE ?
La CMH parait donc désormais associée à un risque de
mort subite évalué entre 0 % et 1 % par an chez l’adulte,
peut-être un peu plus chez l’enfant. La prédiction de ce
type de risque pour un individu donné demeure l’un des
problèmes les plus difficiles posés par la maladie et l’un
des aspects les plus angoissants pour le patient.
Un exemple récent a mis en exergue le rôle de l’activité
sportive dans la survenue d’une mort subite. Cependant
celle-ci survient le plus souvent dans les efforts de
347
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la vie quotidienne et chez des patients peu ou
pas symptomatiques.
Plusieurs travaux récents ont permis d’identif ier
l’existence de facteurs de risque de mort subite ce
qui autorise actuellement une relative stratif ication
individuelle du risque de mort subite (15) :
– l’existence d’antécédents personnels ou familiaux
de mort subite (au moins 2 cas avant 40 ans) ;
– des syncopes répétées (au moins 2 par an) ;
– une faible élévation tensionnelle lors du test d’effort
(moins de 25 mm) ;
– une hypertrophie myocardique supérieure à 30 mm ;
– l’existence de salves de tachycardie ventriculaire non
soutenue sur le Holter.
Ainsi l’incidence annuelle de mort subite serait inférieure
à 1 % en l’absence de facteur de risque, de 1,2 % en
présence d’un facteur, 3 % en présence de 2 facteurs et
11 %/an au-delà.
D’autres facteurs sont également incriminés tels que
l’existence d’une ischémie à l’effort ou d’un gradient
intra ventriculaire gauche mais leur importance est moins
démontrée. L’épaisseur myocardique tient également une
certaine place puisque dans un travail portant sur 480
patients suivis 6,5 ans (15) aucune mort subite n’est
survenue chez les patients dont l’épaisseur du septum
inter ventriculaire n’excédait pas 15 mm (16).
Enfin le type de mutation génétique en cause pourrait
également influencer le pronostic et notamment le risque
de mort subite. Ainsi les altérations du gène codant
la chaîne lourde de la myosine (MYH 7) ou celui de la
troponine T (TNNT2) comporteraient un risque plus
élevé de mort subite. Cependant, bien que l’on puisse
espérer à l’avenir une meilleure stratification du risque
fondée sur la génétique il n’existe pas à l’heure actuelle de
données suffisantes pour accorder au type de mutation
une signification pronostique précise.
VIII. CONCLUSION.
Responsable de morts subites chez des sujets jeunes le
dépistage d’une cardiomyopathie hypertrophique
demeure une priorité du Service de santé des armées. Ce
dépistage demeure néanmoins encore imparfait et
parfois très problématique en 2006, tout particulièrement
lorsque l’on se retrouve confronté à des manifestations
électriques ou échocardiographiques compatibles avec
un cœur d’athlète. Le diagnostic de CMH générant une
inaptitude au sport et donc, de facto, à l’engagement,
toute erreur de diagnostic, par excès ou par défaut,
pourra inévitablement être à l’origine de contentieux.
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p. godon
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
MYOCARDITE A FORME PSEUDO-INFARCTOÏDE DU SUJET
JEUNE
Revue de la littérature à propos de trois observations
X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION
RÉSUMÉ
La myocardite à forme pseudo-infarctoïde est un mode
de révélation fréquent des myocardites du sujet jeune
désormais bien rapporté dans la littérature. Associant
une douleur thoracique d’allure coronarienne, des
modifications électrocardiographiques parfois
systématisées évocatrices d’ischémie et une élévation
plasmatique des marqueurs cardiaques, le principal
problème est celui du diagnostic différentiel avec une
ischémie myocardique d’origine coronarienne dont la
prise en charge et le pronostic sont radicalement
différents. Le développement de nouvelles techniques
d’imagerie, dominées par l’IRM, permet actuellement un
diagnostic plus aisé, évitant le plus souvent de recourir à
la biopsie endomyocardique qui est considérée comme
l’examen de référence. Nous rapportons trois
observations concernant de jeunes militaires atteints de
myocardite à forme pseudo-infarctoïde avant de faire
une mise au point sur cette entité clinique particulière
pouvant poser des problèmes médico-militaires à court
ou moyen terme.
Mots-clés : Douleur thoracique. Ischémie myocardique.
Myocardite. Pseudo-infarctoïde.
I. INTRODUCTION.
La myocardite est définie par une atteinte inflammatoire
du myocarde liée le plus souvent à un processus
infectieux dont l’origine virale prédomine largement.
Son expression clinique est variable : défaillance
cardiaque aiguë fébrile, tableau de douleurs péricardiques ou parfois, mort subite dramatique chez un
jeune en apparente bonne santé.
La révélation d’une myocardite mimant cliniquement,
électriquement et biologiquement une ischémie
myocardique appelée également forme pseudoX. ROUX, lieutenant, praticien en formation. J.-M. CHEVALIER, médecin chef des
services, praticien certifié. Y.-M. GAVEAU, lieutenant, praticien en formation.
P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. F. BIRE, médecin en chef, praticien
certifié. R. BRION, médecin chef des services, praticien certifié.
Correspondance : X. ROUX, Service de cardiologie, HIA Robert Picqué, BP 28,
33998 Bordeaux Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
MYOCARDITIS MIMICKING MYOCARDIAL
INFARCTION IN THE YOUNG : REVIEW OF THE
LITERATURE ABOUT THREE CASES REPORTS.
Myocarditis mimicking acute myocardial infarction is a
useful clinical aspect of myocarditis of the young, well
reported in the literature. This entity join a coronary-like
chest pain, electrocardiographic abnormality and
elevated cardiac enzyme and the main difficult is the
differential diagnosis with an acute coronary syndrom
because treatment is different. The developpement of
new imaging technologies, particulary the Magnetic
Resonance Imaging, allows an easier diagnosis and often
ovoid endomyocardial biopsy, which is the gold standard.
We report three cases of young military recruits with
myocarditis mimicking acute myocardial infarction and a
review of the literature about this clinical entity which
can have a medico-military consequences in short or
middle-long term.
Keywords : Chest pain. Myocardial infarction.
Myocarditis.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 349-354)
infarctoïde, est une présentation classique et désormais
bien rapportée dans la littérature. Il semble également que
ce mode de révélation soit plus fréquent chez les hommes
jeunes, expliquant qu’un certain nombre de séries soit
issues des forces armées françaises ou étrangères.
Nous rapportons trois observations d’hommes
jeunes ayant présenté une myocardite aiguë à forme
pseudo-infarctoïde. Après analyse de leurs caractéristiques cliniques et paracliniques, nous ferons une mise
au point sur cette entité clinique qui est loin d’être
exceptionnelle.
II. OBSERVATIONS.
Voici trois observations de jeunes militaires ayant
consulté dans les Hôpitaux d’instruction des armées
(HIA) de Lyon ou de Bordeaux (1).
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A) OBSERVATION N° 1.
Il s’agit d’un homme, âgé de 22 ans, consultant pour des
douleurs thoraciques évoluant depuis 24 heures. Ces
douleurs sont medio thoraciques, irradiant dans le bras
droit et évoluant dans un contexte fébrile. Les facteurs de
risque cardiovasculaire du patient sont un tabagisme
modéré à cinq cigarettes par jour et un antécédent familial
d’infarctus du myocarde à l’âge de 40 ans. L’examen
physique du patient est sans particularité si ce n’est une
fièvre à 38,5 °C.
L’électrocardiogramme (ECG) retrouve un sus-décalage
en DI, aVL et de V2 à V6. La biologie met en évidence
une ascension des marqueurs cardiaques (troponine Ic à
34,4 µg/L) associée à un syndrome inflammatoire (CRP
> 96 mg/L). Une échographie transthoracique (ETT)
révèle une hypokinésie apicale localisée sans altération
de la fonction ventriculaire gauche mais avec une
petite lame d’épanchement péricardique. Une imagerie
par résonance magnétique (IRM) cardiaque confirme
le diagnostic de myocardite et l’épreuve d’effort à
quinze jours, maximale, est négative avec une quasinormalisation de l’ECG de base. Le patient ressort de
l’hôpital asymptomatique sous acide acétylsalicylique
(Aspégic®) prescrit à doses anti-inflammatoires.
L’étiologie virale, suspectée, n’a pu être mise en évidence.
B) OBSERVATION N° 2.
Il s’agit d’un homme, âgé de 21 ans, appelé du contingent,
consultant pour des douleurs medio thoraciques intenses,
sans irradiation, dans un contexte d’asthénie fébrile.
Il rapporte quinze jours auparavant un épisode de
rhino-pharyngite spontanément résolutif. L’examen
physique retrouve une tachycardie à 100 battements par
minute avec une tension artérielle à 120/80 sans signe de
décompensation cardiaque. L’électrocardiogramme
montre un sus-décalage du segment ST plutôt diffus sans
image en miroir. La biologie montre une élévation des
CPK et LDH avec également une CRP augmentée
(55 mg/L) L’ETT réalisée est normale. Les symptômes
disparaissent sous acide acétylsalicylique (Aspégic®)
trois grammes par jour et le patient est asymptomatique à
un mois avec épreuve d’effort négative. L’enquête
étiologique est restée négative.
Figure 1. Électrocardiogramme initial de l'observation N° 3 : sus-décalage du
segment ST de V3 à V6 ainsi qu'en inférieur.
d’anomalies sur le réseau coronaire. L’IRM est non
contributive. À un mois, le patient est revu, asymptomatique, avec amélioration de l’ECG (fig. 2) et de l’ETT.
Aucune étiologie n’est retrouvée.
III. DISCUSSION.
Ces trois observations de jeunes patients atteints de
myocardite illustrent un mode de présentation classique
qu’est la forme pseudo-infarctoïde. Cette entité clinique
pose le difficile problème de son diagnostic différentiel
que sont les syndromes coronariens aigus pour lequel tout
retard diagnostic doit être évité.
A) PHYSIOPATHOLOGIE.
La myocardite est une atteinte inflammatoire du muscle
cardiaque quelqu’en soit la cause (1, 2). Elle se caractérise
histologiquement par un inf iltrat inflammatoire,
de l’œdème, des foyers de nécrose et de la fibrose en
proportion variable (3). Son origine est le plus souvent
infectieuse et notamment virale dans la majorité des
cas. La multiplicité des agents potentiellement en
causes (virus, bactéries, parasites…) rend l’enquête
étiologique exhaustive quasiment impossible et explique
le nombre important de myocardite dite « idiopathique »
pour lesquelles aucun agent infectieux précis n’a pu
être identifié (4).
L’atteinte myocardique est secondaire à deux mécanismes
principaux : cytotoxicité directe de l’agent infectieux et
réaction immunitaire à l’encontre des cellules cardiaques
pouvant entraîner des phénomènes inflammatoires
C) OBSERVATION N° 3.
Il s’agit d’un homme, âgé de 26 ans, hospitalisé pour une
douleur thoracique typiquement angineuse paroxystique
alors que celui-ci est traité par macrolides depuis trois
jours pour une angine. L’unique facteur de risque
cardiovasculaire rapporté par le patient est un tabagisme
actif évalué à cinq paquets-année. L’examen physique
d’entrée est strictement normal. L’ECG initial retrouve un
sus-décalage du segment ST de V3 à V6 ainsi qu’en
inférieur, sans miroir (fig. 1). La biologie montre une
élévation de la troponine Ic (16 µg/L) et de la myoglobine
associée à une CRP à 118 mg/L. Une ETT retrouve
une contraction inhomogène dans le territoire inférieur.
Une coronarographie diagnostique ne retrouve pas
350
Figure 2. Électrocardiogramme à un mois : disparition du sus-décalage
avec apparition secondaire d'ondes T négatives en inférieur et V5-V6.
x. roux
persistants responsables des complications chroniques
(cardiomyopathies dilatées) (5).
L’atteinte inflammatoire myocardique peut être
ainsi responsable :
– d’une défaillance cardiaque aiguë, allant de la simple
hypotension au choc cardiogénique rapidement
progressif ;
– de troubles de conduction par inflammation du tissu
conductif avec bloc de conduction auriculo-ventriculaire
(BAV) ou intra ventriculaire ;
– de troubles du rythme aux deux étages ;
– d’une symptomatologie douloureuse, soit par une
atteinte péricarditique fréquemment associée donnant
une symptomatologie volontiers positionnelle, soit par la
souffrance myocardique mimant une douleur angineuse
responsable des formes pseudo-infarctoïdes ;
– d’anomalies biologiques, électrocardiographiques et
échographiques, variables selon les cas.
B) ÉPIDÉMIOLOGIE.
Bien que son incidence ne soit pas connue avec certitude
en raison des diff icultés diagnostiques des formes
atypiques et d’un nombre important de formes asymptomatiques, la myocardite est estimée aux alentours de
1,06 % selon une série autopsique suédoise (4).
Celle-ci est bien documentée comme cause de mort subite
chez le sujet jeune avec des fréquences variant de 10 % à
20 % des causes de décès d’origine cardiaque chez les
jeunes recrues militaires (6-11). Cette incidence élevée
chez les jeunes militaires semble liée à une plus grande
promiscuité (favorisant la transmission des agents
infectieux) associé à une exposition accrue aux exercices
physiques intenses (facteur potentiellement aggravateur
ou révélateur de myocardite) (12).
La forme pseudo-infarctoïde mimant une atteinte
coronarienne semble être un mode de révélation fréquent
notamment chez le sujet jeune. Une série finlandaise
portant sur une population de 672 672 jeunes militaires
montre que la majorité des 98 myocardites se présentait
avec une forme pseudo-infarctoïde (13) lorsqu’ils étaient
symptomatiques.
C) CLINIQUE.
La myocardite, quand elle est symptomatique, peut se
révéler sous différentes formes : insuffisance cardiaque
aiguë fébrile, mort subite, troubles du rythme… (14).
La forme pseudo-infarctoïde est définie par la triple
association :
– d’une douleur thoracique d’allure angineuse (rétro
sternale, oppressive, parfois irradiante…) ;
– de modification électrocardiographique évoquant
une atteinte ischémique (cf. infra) ;
– d’anomalies biologiques avec augmentation
plasmatique des marqueurs cardiaques.
Le terrain est souvent celui d’un sujet de sexe
masculin, d’âge jeune, avec pas ou peu de facteurs de
risque cardiovasculaire (15).
myocardite à forme pseudo-infarctoïde du sujet jeune
Sur le plan des douleurs, celles-ci sont le plus souvent
rétro sternales, avec parfois des irradiations classiques
d’atteinte coronarienne (bras gauche, maxillaire
inférieur) comme cela est le cas chez le patient N° 1. Son
caractère oppressant est régulièrement retrouvé.
Des douleurs positionnelles ou majorées à l’inspiration
profonde sont parfois présentes évoquant une atteinte
péricarditique ou pleurale.
L’examen physique est le plus souvent normal, mais
peut retrouver des signes d’insuff isance cardiaque.
Un frottement péricardique est parfois audible à
l’auscultation (16).
Les signes généraux bien que fréquents, sont inconstants
avec l’existence d’une fièvre souvent modérée lorsqu’elle
est présente (38-38,5°), une asthénie inconstante,
rarement une franche altération de l’état général.
Des signes extra cardiaques peuvent être présents, en
relation avec l’agent causal : rash cutané, érythème
migrant (maladie de Lyme), énanthème buccal,
adénopathies cervicales… Le plus souvent, ces signes
précèdent l’épisode de myocardite de quelques jours
et une infection d’allure virale préalable est évocatrice
du diagnostic, bien que présente moins d’une fois
sur deux (17).
D) PARACLINIQUE.
1. Biologie.
Celle ci montre plusieurs anomalies :
– anomalies non spécifiques, en rapport avec le syndrome
inflammatoire lié à l’agent infectieux en cause : élévation
de la CRP dans plus de la moitié des cas (17) souvent
modérée, parfois plus importante, hyperleucocytose à
prédominance lymphocytaire ou de polynucléaires
neutrophiles selon l’étiologie (virale, bactérienne) ou
quelquefois un syndrome mononucléosique franc (18) ;
– anomalies spécif iques avec l’augmentation des
marqueurs cardiaques. Il existe une augmentation
des CPK et de la myoglobine, en règle modérée mais
parfois très élevée, et de la troponine I ou T, plus
spécifique d’une atteinte myocardique. La spécificité
de la cinétique des marqueurs biologiques dans la
myocardite reste controversée.
Le « Brain natriuretic peptid » (BNP) est fréquemment augmenté dans les myocardites, témoin d’une
insuffisance cardiaque associée. Bien que peu spécifique
de la myocardite, il peut être intéressant pour mettre
en évidence une atteinte myocardique dans un tableau
typique de péricardite lorsque le dosage de troponine
est normal (19).
2. Électrocardiogramme.
Les anomalies électrocardiographiques observées sont,
par définition, évocatrices d’une ischémie myocardique,
parfois fluctuantes dans le temps. Le plus souvent,
il s’agit d’une élévation du segment ST de plus d’un
millimètre dans au moins deux dérivations qui se suivent
avec un miroir possible, mais en règle absent.
351
D
O
S
S
I
E
R
Il peut y avoir également un sous décalage du ST, des
ondes Q pathologiques. Ces anomalies peuvent siéger en
antérieur, en inférieur et des anomalies diffuses sont
également possibles (13). Les formes avec ondes Q
seraient de moins bon pronostic car plus fréquemment
associées à une évolution fulminante (20).
Des troubles du rythme sont rapportés en période
aiguë avec des extrasystoles auriculaires, ventriculaires
et parfois de véritables tachycardies ventriculaires
engageant le pronostic vital. Des troubles de la
conduction comme des blocs de branche sont décrits, plus
rarement des blocs auriculo-ventriculaires parfois
complets. Ces anomalies, liées à l’inflammation, tendent
à disparaître en quelques jours mais peuvent persister
dans le temps en cas de fibrose cicatricielle (16).
3. Échographie.
L’échographie cardiaque est peu spécif ique dans la
myocardite et permet surtout une évaluation rapide de la
fonction ventriculaire gauche, globale et segmentaire.
Des anomalies de la cinétique segmentaire sont souvent
mises en évidence sans prédilection particulière pour un
territoire donné. L’échographie peut également mettre en
évidence une atteinte péricardique fréquemment
associée, montrant un épanchement péricardique
généralement modéré.
4. Autres examens d’imagerie.
La scintigraphie et l’IRM myocardiques permettent
d’évoquer fortement une myocardite dans le cadre d’un
syndrome douloureux thoracique.
La scintigraphie myocardiaque, pas toujours facile
d’accès et de moins en moins pratiquée, consiste en
l’injection d’anticorps anti-myosines marqués à l’indium
111 avant acquisition des images. Cet examen montre
bien les zones de nécrose et, couplé à une scintigraphie
traditionnelle au thallium, aurait une bonne sensibilité et
spécificité dans le diagnostic de myocardite, notamment
dans les formes pseudo-infarctoïdes. (21-24).
L’IRM connaît un développement important dans
le domaine de la cardiologie et semble présenter un
intérêt dans les myocardites aiguës (25). Celle ci met en
évidence de multiples foyers inflammatoires fixant le
gadolinium au temps tardif de topographie le plus
souvent sous épicardique. Elle permet une bonne
discrimination entre inflammation myocardique et
atteinte d’origine ischémique.
E) DIAGNOSTIC.
Le diagnostic positif de la myocardite repose sur l’étude
histopathologique issue des fragments de biopsie
endomyocardique. La conf irmation repose sur les
critères de Dallas édité en 1987 (26). Cependant, la
biopsie manque de spécificité et de sensibilité compte
tenu de l’existence de zones myocardiques saines
entre les foyers de nécrose responsables de faux
négatifs. Son caractère invasif et les risques qui lui sont
352
associés ainsi que le peu de bénéfice attendu explique
sa faible utilisation (27-30).
Le diagnostic positif est donc le plus souvent porté
sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques
où l’imagerie non invasive (IRM) prend une place
croissante.
Dans les formes pseudo-infarctoïdes, le principal
diagnostic différentiel est celui d’un syndrome coronarien aigu et notamment d’un authentique infarctus
qui nécessiterai des gestes de revascularisation en
urgence. À ce titre, toute suspicion clinique d’atteinte
coronarienne devant un tableau atypique (absence
de fièvre, de syndrome inflammatoire) ou traînant doit
faire pratiquer une coronarographie diagnostique
dans les meilleurs délais.
La péricardite provoque plutôt une symptomatologie
positionnelle, avec des anomalies ECG diffuses parfois
évocatrice (anomalies du PQ, sus-décalage concave vers
le haut…) et ne s’accompagne pas d’une élévation des
marqueurs cardiaques. Rappelons que les deux entités,
relativement proches, peuvent être associées.
Les cardiomyopathies de stress et notamment le syndrome
de tako-tsubo peuvent simuler en tout point une
myocardite lorsqu’elles surviennent dans un contexte
infectieux (sepsis, infection sévère…). Le diagnostic
est souvent porté sur l’aspect caractéristique du
ventricule gauche à la ventriculographie montrant
une ballonisation de tout l’apex de celui-ci avec normalité
du réseau coronarien.
Les autres diagnostics différentiels sont ceux de toute
douleur thoracique aiguë : embolie pulmonaire,
dissection aortique… à évoquer systématiquement.
F) COMPLICATIONS.
Les complications possibles des myocardites à forme
pseudo-infarctoïde sont celles de toute myocardite.
Les complications de la phase aiguë sont dominées
par l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythme
et/ou conductifs. L’insuffisance cardiaque gauche ou
globale peut être d’installation rapidement progressive,
voir fulminante, conduisant parfois à un état de choc
nécessitant un traitement rapide.
Les troubles du rythme sont possibles au niveau
supra ventriculaire avec extrasystoles, épisodes de
f ibrillation auriculaire, tachysystolie. Les troubles
du rythme ventriculaire (tachycardie ventriculaire,
fibrillation ventriculaire) engagent le pronostic vital et
seraient responsables d’une partie des morts subites
observées chez le sujet jeune (31, 32).
Les troubles de conduction sont classiques avec
notamment l’apparition de bloc auriculo-ventriculaire
parfois complet nécessitant une électrostimulation
transitoire. Les blocs intraventriculaires (droit ou gauche)
sont rarement symptomatiques.
Les complications à long terme sont essentiellement
représentées par la myocardiopathie dilatée. Il est
maintenant clairement établi qu’un certain nombre de
myocardiopathies dilatées idiopathiques sont secondaire
à un épisode ancien de myocardite, symptomatique ou
x. roux
non (33, 34). Cette évolution reste imprévisible mais il
semblerait que les formes pseudo-infarctoïdes soient un
facteur protecteur (16, 18). La physiopathologie de
cette évolution n’est que partiellement élucidée et ferait
intervenir des mécanismes d’auto-immunité liés a
la persistance d’antigènes viraux (3, 35-37).
La relation entre myocardite et atteinte coronarienne
est rarement observée mais pose un réel problème
diagnostique dans les formes pseudo-infarctoïdes.
Quelques cas de thromboses coronariennes (septale)
ont été rapportés (38). Un mécanisme de vasospasme
est aussi décrit (39).
G) TRAITEMENT.
Le traitement des myocardites à forme pseudoinfarctoïde ne présente pas de spécificité particulière si
ce n’est le traitement de la douleur, souvent intense, qui
ne doit pas être négligé.
L’aspirine à dose anti-inflammatoire (un gramme trois
fois par jour) est parfois utilisée par analogie avec la
péricardite sans que son innocuité soit démontrée dans
l’évolution des lésions myocardiques (40).
L’utilisation de traitements immunosuppresseurs
ou immunomodulateurs n’ont pas fait la preuve de leur
efficacité mises à part pour quelques rares étiologies :
myocardite des connectives, à cellules géantes… (41).
La prise en charge de l’insuff isance cardiaque, des
troubles du rythme ou de conduction ne présente pas
de particularité. Le traitement de l’agent infectieux est
rarement possible en dehors des causes bactériennes,
fongiques ou parasitaires (42). En effet, l’agent viral en
cause est rarement identifié et il n’existe bien souvent
pas de traitement antiviral validé.
Toute myocardite diagnostiquée doit entraîner la
suspension des activités sportives pour une durée qui n’est
pas codifiée mais qui devrait être de l’ordre de trois mois (9).
H) ÉVOLUTION/PRONOSTIC.
L’évolution classique habituelle des myocardites est la
récupération ad integrum d’une fonction cardiaque
normale avec disparition des symptômes, comme chez
nos trois patients, une fois la phase aiguë passée. Ce bon
pronostic varie en fonction de l’étiologie et un pronostic
sévère et souvent défavorable s’observe dans certains
types histologiques (myocardite à cellules géantes) (43).
Cependant, un certain nombre de patients vont évoluer
secondairement vers une cardiomyopathie dilatée
d’installation progressive pouvant se révéler plusieurs
années après l’épisode aigu (33-36). La nécessité d’une
surveillance clinique et échocardiographique à distance
de l’épisode aigu doit être expliquée au patient.
IV. CONCLUSION.
La myocardite aiguë à forme pseudo-infarctoïde est un
mode de révélation classique des myocardites du sujet
jeune. Bénéficiant des progrès récents de l’imagerie
médicale, son diagnostic est devenu plus aisé mais reste
parfois difficile dans les formes atypiques. La volonté de
ne pas passer à côté d’une atteinte coronarienne doit être
une préoccupation pour le clinicien. Le recours à des
explorations complémentaires comme l’IRM, voire la
coronarographie, s’impose en cas de doute diagnostique.
Rarement confirmée par une biopsie, son traitement
repose essentiellement sur la gestion des complications à
la phase aiguë, l’exemption de toute activité physique
intense pour une durée prolongée et un suivi ultérieur
régulier.
L’application du dogme « pas de sport en période
fébrile » reste essentielle dans les unités.
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x. roux
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
INTÉRÊT DU SCANNER DANS LA MALADIE CORONAIRE
O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET
RÉSUMÉ
Le scanner prend une place croissante dans la prise en
charge de la maladie coronaire. Le score calcique,
largement utilisé en Amérique du Nord et dont
l’utilisation se développe en Europe, permet une
quantification des calcifications artérielles coronaires.
Ces dernières sont un marqueur habituel de
l’athérosclérose coronaire. Cette quantification présente
une valeur diagnostique intéressante dans la maladie
coronaire, la valeur prédictive négative d’un score nul
permettant pratiquement d’éliminer la maladie. Surtout,
la valeur pronostique forte, graduée, indépendante du
score calcique est utilisée pour établir une stratification
du risque coronaire. Le coro-scanner réalise une
coronarographie non invasive. La nécessité de résolutions
élevées impose l’utilisation de multi coupe (si possible au
moins 64), et rend compte de la nécessité, en pré-requis,
d’une fréquence cardiaque non accélérée et si possible
régulière. Les calcifications coronaires sont un facteur
limitant du coro-scanner, à l’origine de la grande
majorité des artéfacts. La précision diagnostique
progresse, expliquant son utilisation en pratique clinique
par de nombreuses équipes chez les patients à niveau de
risque pré test peu élevé ou intermédiaire. En analyse
per-patient, la valeur diagnostique se rapproche de celle
de la coronarographie conventionnelle.
Mots-clés : Calcification artérielle coronaire.
Coronarographie. Maladie coronaire. Scanner. Score
calcique.
ABSTRACT
INTEREST OF COMPUTED TOMOGRAPHY IN
CORONARY ARTERY DISEASE.
Computed tomography takes an increasing place in
coronary artery disease. Calcium scoring, widely used in
North America and progressing in Europe, allows a
quantification of coronary artery calcifications which are
a usual marker for coronary atherosclerosis. This
quantification presents an interesting diagnostic value in
coronary artery disease, the negative predictive value of
a null score virtually ruling out the disease. Especially,
the strong, graduated, independent prognostic value of
calcium scoring is used to establish a stratification of the
coronary risk. The multi-slice computed tomography
coronary angiography carries out a non-invasive
coronarography. The need for high resolutions imposes
the use of a recent multi-slice device (if possible at least
64 slices), and accounts for the need, as a prerequisite, of
a non-elevated heart rate, if possible regular. Coronary
calcifications are a limiting factor of multi-slice
computed tomography coronary angiography, at the
source of the large majority of pitfalls. The diagnostic
accuracy is improving, which accounts for its use in
clinical practice by many teams on patients with a
relatively low or intermediate pre test risk level. In
per-patient analysis, the diagnosis accuracy approaches
the high standard of conventional coronarography.
Keywords: Calcium scoring. Coronary artery
calcification. Coronary artery disease. Multi-slice
computed tomography coronary angiography.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 355-359)
I. INTRODUCTION.
Pandémie responsable de la première cause de mortalité
dans le monde, la maladie coronaire est très insidieuse,
puisqu’environ la moitié des infarctus du myocarde et des
morts subites sont inauguraux. Actuellement certaines
O. GUIRAUDET, médecin en chef, praticien certifié. L. BONNEVIE, médecin en
chef, professeur agrégé. P. MARION, médecin en chef, praticien certifié. B. BOYER,
médecin chef des services, professeur agrégé. D. MARTIN, médecin chef des services,
praticien certifié. X. CHANUDET, médecin chef des services, professeur agrégé.
Correspondance : O. GUIRAUDET, Service de cardiologie et médecine vasculaire,
HIA Bégin, 69 avenue de Paris, 00498 ARMÉES.
médecine et armées, 2006, 34, 4
associations de facteurs de risque, comme le syndrome
métabolique, sont en pleine expansion. Les différentes
sociétés savantes (American Heart Association (AHA),
European Society of Cardiology) insistent actuellement
sur l’importance d’un dépistage précoce des sujets à
risque intermédiaire ou à haut risque.
Le calcium est un composant facultatif mais habituel de
l’athérome et constitue un marqueur de l’athérosclérose
coronaire, notamment infra-clinique. Le coro-scanner,
en progression constante, gagne en précision diagnostique ; il est déjà utilisé par beaucoup d’équipes en
routine, dans certaines indications, en remplacement de
la coronarographie conventionnelle.
355
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II. LIMITES DES MÉTHODES ACTUELLES.
Une méthode de dépistage doit être non invasive, valide,
précise, facilement applicable et acceptable, non
génératrice d’effets indésirables (1).
Celles actuellement disponibles concernant la maladie
coronaire sont limitées. Les recommandations de l’AHA
de 2002 concernant la pratique de l’ECG d’effort
comportent une stratif ication pré-test du niveau de
risque, éventuellement facilitée grâce à l’émergence de
facteurs de substitution comme l’épaisseur intima média
ou l’index de pression systolique. L’indication reste de
classe II b chez le sujet asymptomatique, en cas de
facteurs de risque multiples ou de maladie vasculaire
non coronaire connue, de classe III sinon. La sensibilité
est voisine de 50 % et la spécificité de 90 % (2). Échographie de stress et scintigraphie myocardique, plus
performantes, sont indiquées en cas de non faisabilité de
l’ECG d’effort pour la première ; la deuxième, à l’origine
d’une irradiation (10 à 15 mSv), est de plus relativement
coûteuse (372 € si négative et 672 € avec la réinjection de
repos en cas de positivité ; l’échographie de stress est non
cotée, habituellement assimilée à une échocardiographie
trans-thoracique, donc d’un montant d’environ 100 €,
l’ECG d’effort coûte pour sa part environ 80 €). Compte
tenu des limites des méthodes non invasives actuellement
disponibles force est de souvent recourir à la coronarographie, qui reste le gold-standard La maladie coronaire est
en pratique définie angiographiquement par la présence
d’athérome, non sténosant pour des lésions inférieures
à 50 % de perte de diamètre sur deux incidences
orthogonales, sténosant au delà, réalisant alors la
maladie coronaire chronique. De plus c’est la seule
méthode diagnostique du spasme coronarien. Cependant,
la coronarographie répond mal au pré-requis d’une
méthode de dépistage : elle reste (faiblement) invasive,
à l’origine d’une irradiation (2 à 4 mSv), nécessite
l’injection de produit de contraste, est coûteuse (environ
300 €), de plus elle image le flux et la lumière mais
méconnaît l’évaluation de la paroi, comme en témoigne
l’échographie endo-coronaire. Or on connaît actuellement l’importance des lésions intermédiaires dans la
genèse des accidents coronariens.
III. APPORT DU SCANNER CARDIAQUE.
C’est une méthode d’imagerie en coupes développée
depuis 1990 pour la tomographie par faisceau d’électrons
(qui n’est plus utilisée en France car trop coûteuse, trop
spécifique et actuellement dépassée par son concurrent)
et 1999 pour le multi-détecteur. L’apport de ce dernier
est proportionnel au niveau de progression technologique
et informatique le concernant, notamment pour le
coro-scanner. En effet, les impératifs associés de résolution spatiale, temporelle et de contraste sont une gageure
pour imager l’athérosclérose coronaire. Actuellement les
64 coupes permettent l’acquisition volumique de
l’ensemble du massif cardiaque en moins de 12 secondes,
avec une épaisseur de coupe infra millimétrique (0,6mm),
356
un temps de rotation du statif de 330 ms. La synchronisation ECG est indispensable à la reconstruction diastolique.
La résolution temporelle est de la moitié ou du quart du
temps de rotation. Le voxel est isotropique, d’environ
400 µ de coté (le double du pixel de la coronarographie).
L’examen est réalisé en contraste spontané pour le calcul
du score calcique coronaire (SCC) et avec injection de
produit de contraste pour le coro-scanner. La quantité
nécessaire de celui-ci diminue proportionnellement
au nombre de détecteurs (actuellement 60 à 80 ml).
L’irradiation peut nettement dépasser celle d’une
coronarographie conventionnelle, atteignant jusqu’à 10
à 15 mSv (soit environ 3 à 4 fois plus). Toutefois,
l’optimisation des doses en fonction de l’anatomie
permet des réductions substantielles, ainsi que la
modulation ECG. (« ECG pulsing »), l’association des
deux permettant des réductions supérieures à 50 % et de
descendre à des doses alors équivalentes à celles de la
coronarographie conventionnelle. Pour le score calcique
ces mesures permettent de réduire la dose délivrée au
mSv. Un logiciel dédié est indispensable au calcul de
ce dernier. Le post-traitement pour le coro-scanner utilise
le MIP (« maximum intensity projection »), le MPR
(« multi planar reconstruction »), les reconstructions
curvilinéaires (curvilignes multiplanaires) et le VRT
ou rendu volumique.
Les limites du coro-scanner sont en partie inhérentes
à ses capacités de résolutions et la coronarographie
conventionnelle, dans ce domaine encore nettement
plus performante, permet une meilleure luminographie.
Les fréquences cardiaques élevées, régulières ou non,
sont proscrites, l’optimum étant moins de 65 par minute.
Le béta-blocage permet, outre la réduction des artéfacts
cinétiques, de réduire l’irradiation. Certains proposent
de plus, comme lors d’une coronarographie conventionnelle, l’utilisation systématique de dérivés nitrés.
Une autre limite importante est représentée par les
calcifications, notamment coronaires, responsables plus
volontiers de faux-positif de sténose (par blooming)
plutôt que de faux-négatif. Le maintien d’une apnée,
dont la durée se réduit avec le nombre de détecteurs,
est également à considérer. L’insuffisance rénale sévère
et l’allergie sont des contre-indications relatives.
Actuellement le scanner, injecté ou non, est côté Z19
soit environ 140 €.
IV. SCORE CALCIQUE CORONAIRE.
Les calcifications sont détectables par le scanner, ce
qui permet de quantifier leur dépôt global sous forme
d’un score de calcification (2). Sont considérées comme
des calcifications, les images de densité supérieure ou
égale à 130 UH, dont la surface est supérieure à 1 mm2. Le
SCC. décrit par Agatston et al en 1990 (3) correspond
à la surface totale des calcifications coronaires. Si la
tomographie à faisceau d’électrons (TFE) constitue la
technique de référence pour le calcul du SCC, le scanner
multicoupe a été validé dans cette indication (1). De plus,
il présente l’avantage d’une meilleure reproductibilité
o. guiraudet
Figure 1. Comparaison des images de calcifications coronaires obtenues par la
tomographie par faisceau d’électrons puis avec un 4 détecteur.
(fig. 1). Les études histo-pathologiques démontrent une
corrélation forte avec la charge athéroscléreuse totale.
Environ 2/3 des plaques sont calcifiées. Toujours pour
l’AHA, le degré de calcif ication est également un
marqueur de vulnérabilité au niveau de la plaque, de
même que la charge calcique coronaire totale à l’étage
panartériel. Au niveau systémique, la protéine C réactive
(autre marqueur de vulnérabilité) est corrélée au score
calcique. La calcif ication est un phénomène actif,
favorisé par l’apoptose et les lipides oxydés. La vitesse de
progression du score calcique a une valeur pronostique :
en effet elle est corrélée au risque d’événements.
A) RECOMMANDATIONS ACC/AHA 2000.
Elles retiennent pour la TFE une sensibilité de 92 % et
une spécificité de 55 % pour le diagnostic de sténose
coronaire significative (2). La positivité du score est
déterminée par une valeur seuil. Elles soulignent
l’excellente valeur prédictive négative : l’absence de
calcification élimine très probablement la présence de
plaque d’athérosclérose. A contrario, un score élevé
implique la présence de plaques et plus celui-ci est élevé
plus grande est la probabilité de sténose(s) serrée(s), sans
toutefois de relation absolument linéaire avec ces
dernières. Il n’existe pas non plus corrélation anatomique
entre la localisation des calcif ications et celle des
sténoses serrées.
L’intérêt diagnostique est limité par la faible spécificité.
Pour le pronostic, l’insuffisance des données conduit
à une proposition d’utilisation au cas par cas afin de
permettre une meilleure stratif ication du risque et
notamment le dépistage des patients à haut risque, dans le
sous groupe des patients initialement classés comme
à risque intermédiaire.
B) RECOMMANDATIONS ESC 2003.
Pour le diagnostic, la valeur prédictive négative de
presque 100 % permet pour des douleurs atypiques avec
intérêt du scanner dans la maladie coronaire
un score nul « d’éviter facilement » la coronarographie,
d’éliminer les faux positifs de l’ECG d’effort, très rarement pas ou peu de calcium est observé en cas d’infarctus
du myocarde (1). Par contre, on tient compte des faux
positifs avec coronarographie seulement en cas
d’ischémie.
Le score d’Agaston est devenu un facteur de risque
indépendant pour l’extension de la maladie coronaire et
pour le pronostic, apportant une information forte,
graduée et supplémentaire à celle fournie par l’analyse
des facteurs de risque conventionnels. Les valeurs
seuils alors habituellement proposées se situent entre 80
et 160 ou intéressent les scores élevés (400 voire 1 000).
L’utilisation des percentiles distribués en fonction de
l’âge et du sexe permet une meilleure stratif ication
(classes extrêmes : inférieures au 25°, supérieures au 75°
ou 90° percentile). La détermination d’un niveau
de risque équivalent à celui de la situation de prévention
secondaire est possible ; la majorité des évènements
surviennent pour des scores supérieurs au 75° percentile.
Les indications restent pour l’ESC identiques à celles
de l’AHA.
C) ACTUELLEMENT.
Principalement aux USA et en Allemagne, le score
calcique est utilisé seul ou en association avec la
recherche d’ischémie pour une stratification pronostique
chez les sujets à risque, avec comme à l’occasion de la
réalisation d’un examen diagnostique de l’ischémie,
établissement d’une probabilité pré-test, puis post-test
d’évènement. L’objectif étant le traitement des sujets à
risque intermédiaire ou élevé (risque de morbi-mortalité
cardiovasculaire à dix ans compris respectivement entre
5 % et 20 % puis dépassant 20 %).
Se développe le concept d’âge coronaire, avec proposition de remplacement de l’âge de l’état civil par un
équivalent dérivé du score calcique, intégré ensuite
dans l’équation de Framingham, af in d’aff iner la
stratification du risque.
Enfin et d’importance, la valeur pronostique forte, indépendante, des calcifications coronaires est également
retrouvée en prévention secondaire.
V. CORO-SCANNER.
Il ne fait pas encore l’objet de recommandations, actuellement en évaluation. Toutefois, les très bons résultats
homogènes publiés légitiment son utilisation habituelle
en pratique clinique par de nombreuses équipes. Dans
certaines indications, il pourrait remplacer en effet la
coronarographie conventionnelle diagnostique, et ce
depuis déjà plusieurs années (fig. 2, 3).
Des progrès techniques récents le conduisent vers la
validation, comme en atteste l’étude de Zurich (4). Celleci est réalisée avec un 32 détecteurs effectuant 64 coupes,
avec un temps de rotation de 370 ms et un tube à haute
puissance (680 mA) disponible depuis 2004. Elle inclut
67 patients d’âge moyen 60 ans, de fréquence cardiaque
moyenne 66 battements par minute (bpm), avec exclusion
357
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Figure 2. Lésion du tronc commun distal avec plaque hétérogène lipidique et
calcifiée, sur une coupe native. À gauche la coronarographie, à droite
l’imagerie par scanner coronaire.
de la f ibrillation auriculaire, devant tous bénéf icier
d’une coronarographie diagnostique. Cette dernière a
montré la présence de lésions significatives chez 70 % et
tritronculaires chez 50 % de l’ensemble des patients. Les
coro-scanners sont réalisés sans SCC préalables
(remplacés par une évaluation qualitative), ni bétablocage, ni administration de dérivés nitrés. La dosimétrie
est adaptée à l’anatomie. L’ECG pulsing n’est pas
utilisé car il empêche l’examen proto-diastolique
supplémentaire souvent nécessaire, notamment pour la
coronaire droite. La durée médiane de l’apnée est douze
secondes. La reconstruction fait appel à un algorithme
passant à deux secteurs en cas de fréquence cardiaque
supérieure à 65 bpm. À partir de 1,5 mm de diamètre
toutes les artères sont évaluées.
En analyse per segment la sensibilité est de 94 %, la
spécificité de 97 %, la valeur prédictive positive de 87 %
et négative de 99 %, retrouvant les résultats d’une étude
récente réalisée avec un 16 détecteur et un tube à haute
puissance (5). Mais cette fois ci, en analyse per patient
le classement est parfait, malgré un calibre seuil
d’évaluation plus faible. La progression en précision
prédictive est impressionnante (on rappelle les faibles
valeurs prédictives négatives jusqu’alors habituelles en
analyse per patient : 75 % en 2004 avec un 16 détecteurs et
sur une population de caractéristiques voisines).
Aucune exclusion n’a été rendue nécessaire pour des
critères de qualité d’image. Toutefois la limite importante
est représentée par des calcifications massives qui affectent 18 % de l’ensemble des segments. Ces calcifications
importantes sont responsables de 58 % des pertes de
Figure 3. Sténose serrée du genu superius de la coronaire droite. À gauche la
coronarographie, à droite l’imagerie par scanner coronaire en mode M.I.P.
358
qualité d’image, de tous les faux positifs et de 72 % des
faux négatifs. Les calcif ications, quand elles sont à
l’origine d’erreur d’interprétation, génèrent trois fois
plus de faux positifs (75 %) que de faux négatifs
(25 %). Loin derrière viennent ensuite les artéfacts de
mouvement, affectant 5 % des vaisseaux (et volontiers le
deuxième segment de la coronaire droite). Ils sont
responsables de 13 % des dégradations de qualité
d’image et rendent compte des 28 % de faux négatifs
restants. Ces artéfacts sont favorisés par les fréquences
cardiaques élevées et peuvent être le plus souvent
compensés par la sélection manuelle de la phase la
moins polluée. Les problèmes d’hyposignaux deviennent
également plus rares, atteignant 8 % des artères et à
l’origine de 20 % des pertes de qualité d’image, la
plupart survenant sur la rétro ventriculaire gauche et
l’inter ventriculaire postérieure. Mais ils n’ont pas
entraîné d’erreur importante d’interprétation. Enfin, les
interactions avec des structures adjacentes sont peu
fréquentes et à l’origine de dégradations modérées en
qualité d’image.
La rançon de conserver une possibilité d’analyse
proto-diastolique est une dosimétrie plus élevée.
La possibilité d’analyse de la paroi est une supériorité
importante du scanner vis-à-vis de la coronarographie
conventionnelle. De plus elle est aidée par l’acquisition
volumique, qui fait également défaut à cette dernière. En
effet, l’étude de la plaque d’athérome, de son volume et de
sa constitution (en fonction des densités), ainsi que du
remodelage sont validés par les comparaisons avec
l’échographie endo-coronaire d’une part et l’anatomopathologie d’autre part. De plus, la quantification des
sténoses s’enrichit alors des possibilités de planimétrie
du luminogramme, technique inspirée de l’échographie
endo-coronaire, mais avec une moindre précision liée à la
moins bonne résolution spatiale.
Nous mentionnons uniquement, car relevant de la
prévention secondaire, l’intérêt du coro-scanner dans le
dépistage de la maladie du greffon (précision diagnostique similaire à l’analyse du réseau natif) et l’évaluation
des anastomoses (fig. 4). Le dépistage de la resténose
intra-stent souffre quant à lui des artéfacts métalliques.
En pratique, dans l’attente des recommandations, on
peut proposer la réalisation du coro-scanner :
Figure 4. Analyse en rendu volumique puis en curviligne multi planaire d’un
pontage aorto-marginal.
o. guiraudet
– dans certaines indications de la coronarographie
diagnostique, sans élargissement compte-tenu de la
dosimétrie et sans logique prévisible de revascularisation
dans le même temps (écartant d’emblée les patients
ischémiques). Les indications pour cette dernière raison
excluent la classe I et sont limitées à certaines de classe II,
avec une probabilité pré-test basse à modérée. C’est le cas
des coronarographies « d’élimination », comme, par
exemple, celles réalisées chez des patients asymptomatiques ou présentant des douleurs thoraciques atypiques
et une épreuve d’effort litigieuse ou non contributive,
voire non réalisable. L’hypertrophie ventriculaire gauche
connue plaide également en faveur d’une approche non
invasive, comme le bilan pré chirurgie cardiaque hors
cardiopathie ischémique, type remplacement valvulaire
chez un patient présentant peu de facteurs de risque, ou
encore le diagnostic étiologique d’une cardiomyopathie
dilatée. Les rares anomalies d’origine et de trajet des
coronaires constituent également une bonne indication ;
– une sélection rigoureuse des patients est impérative.
L’examen est différé en cas de tachycardie, régulière ou
non. L’apnée, même brève, doit être réalisable. Pour
beaucoup un SCC inférieur à 1000 (ou une masse calcique
inférieure à 300 mg) est un pré-requis « obligatoire » pour
une interprétation correcte avec un 16 détecteurs. Un
SCC plus élevé, témoignant d’une athérosclérose
importante, de mauvais pronostic, invite à rechercher, à
l’aide d’un test sensible, une ischémie ; la présence de
cette dernière est requise pour aller à la coronarographie
conventionnelle en raison à la fois des limites d’interprétabilité du scanner et de la probable revascularisation
associée dans le même temps ;
– la préparation est également importante, avec
béta-blocage (sauf contre indication) en cas de fréquence
cardiaque supérieure à 65 bpm nitrés et entraînement
à l’apnée (fig. 5).
VI. CONCLUSION.
Le scanner a déjà pris une place importante dans le
dépistage de la maladie coronaire. Sur le continent nordaméricain et en Allemagne principalement, le score
calcique est utilisé comme marqueur de l’athérosclérose,
Indications
Limitées à un sous-groupe de la coronarographie diagnostique conventionnelle :
- patient non ischémique (absence d’indication prévisible de revascularisation)
- prévalence pré coronarographie basse ou intermédiaire
Sélection
- FC < 90 bpm
- bonne faisabilité de l’apnée
- SCC
SCC < 1 000
SCC > 1 000
Recherche d’ischémie
Stop
+
Coronarographie
conventionnelle
Préparation
- entraînement à l’apnée
- béta-blocage en l’absence de contre-indication si FC > 65 bpm
- dérivés nitrés IV
Figure 5. Conditions pratiques de réalisation du coro-scanner.
à valeur pronostique forte, graduée, indépendante. Le
coro-scanner, en progression constante, vient d’atteindre
en analyse per patient une précision diagnostique
satisfaisante. Restant irradiant et requérant l’injection de
produit de contraste, il remplace progressivement la
coronarographie conventionnelle en cas de prévalence
pré test faible ou intermédiaire. Mais tachycardie et
calcifications restent des facteurs limitants. Bien qu’en
termes de résolutions la coronarographie reste le goldstandard, il dépasse cette dernière dans les domaines
d’acquisition volumique et d’analyse de la paroi, dont on
connaît l’implication en termes de compréhension
physiopathologique de la maladie coronaire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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clinical practice. Third Joint Task Force of European and other
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359
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VIENT DE PARAÎTRE
LA MAÎTRISE DES MALADIES INFECTIEUSES
UN DÉFI DE SANTÉ PUBLIQUE, UNE AMBITION MÉDICO-SCIENTIFIQUE
Sous la direction de Gérard ORTH et Philippe SANSONETTI
Le temps n'est pas éloigné où l'on pensait que les maladies infectieuses seraient maîtrisées grâce
à la généralisation des mesures d'hygiène et à l'utilisation des antibiotiques et des vaccins.
Cet espoir a malheureusement été déçu et l'on assiste à une résurgence des maladies infectieuses
et des parasitoses et à l'émergence régulière de nouveaux agents infectieux, le plus souvent
d'origine animale. Les populations les plus défavorisées de la planète payent le plus lourd tribut,
mais force est de constater que le développement engendre aussi son lot de pathologies
infectieuses.
Ce problème de santé publique ancien se présente, depuis ces dernières décennies, avec une
ampleur et des caractéristiques nouvelles. C'est pour cette raison que l'Académie des sciences a
jugé indispensable de lui consacrer une réflexion approfondie.
Les causes de cette situation sont multiples : elles sont analysées dans la première partie du
rapport, d'où il ressort que, s'il faut admettre qu'il y aura toujours des maladies infectieuses,
l'homme a sa part de responsabilité dans leur recrudescence actuelle.
La deuxième partie de l'ouvrage développe les différents aspects de la réponse que nos sociétés
doivent opposer à ce défi : cette réponse nécessitera un effort coordonné, sans précédent, de
recherche, d'enseignement et d'actions en santé publique.
Des recommandations sont adressées aux pouvoirs publics, aux différents acteurs de la santé et
de la recherche, ainsi qu'à l'ensemble de nos concitoyens, car une information complète, étayée et
lucide est aussi l'un des éléments de la maîtrise des maladies infectieuses.
ISBN : 2-86883-888-X – 488 pages – Prix : 59 € – EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, Parc d'activités de Courtabœuf - BP
112, 91944 Les Ulis Cedex A – Contact Presse : Élise Chatelain – Tél. : 01 69 18 69 87 – [email protected]
360
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
INSUFFISANCE CARDIAQUE EN RÉGION TROPICALE
Prise en charge diagnostique et thérapeutique
PH. PAULE, PH. HÉNO, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, L. BRAEM, B. JOP, P. VARLET, J.-É. TOUZE, L. FOURCADE
RÉSUMÉ
Les maladies cardiovasculaires constituent un grave
problème de santé publique à l’échelle mondiale, et les
pays en développement sont de plus en plus concernés.
L’évolution des facteurs de risque cardiovasculaire dans
ces pays favorise notamment l’incidence des
coronaropathies. L’insuffisance cardiaque est une entité
fréquente, et c’est dans le cadre des missions extérieures
et de l’aide médicale aux populations que le médecin
militaire peut être conduit à prendre en charge ces
affections. Le traitement symptomatique de l’insuffisance
cardiaque ne comporte pas de particularité, mais les
étiologies sont variées et les carences des systèmes de
soins conduisent à une prise en charge souvent retardée.
Il existe des maladies plus spécifiques du monde tropical
et des causes cosmopolites qui traduisent le phénomène
de transition épidémiologique dans les pays en
développement. À travers des tableaux typiques, les
auteurs illustrent certaines étiologies qui présentent un
intérêt par leur fréquence, leur mode de survenue, leur
présentation clinique ou des spécificités thérapeutiques.
Ils soulignent les caractéristiques de la cardiomyopathie
du péri-partum, du Béribéri cardiaque, de la fibrose
endomyocardique, du rétrécissement mitral, de la
péricardite chronique constrictive, de la maladie de
Chagas, des cardiomyopathies associées à l’infection par
le VIH, et de l’impact de l’hypertension artérielle sur
l’insuffisance cardiaque.
Mots-clés : Béribéri cardiaque. Cardiomyopathie du péripartum. Fibrose endomyocardique. Hypertension
artérielle. Insuffisance cardiaque. Maladie de Chagas.
Péricardite chronique constrictive. Rétrécissement mitral.
I. INTRODUCTION.
Actuellement les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité dans le monde, et sont
responsables d’environ 30 % des décès. En Afrique
subsaharienne, la mortalité cardiovasculaire représente
PH. PAULE, médecin principal (TA), praticien certifié. PH. HÉNO, médecin en
chef, praticien certifié. D. MIOULET, médecin des armées, praticien confirmé.
J.-M. PÉLONI, médecin principal, praticien confirmé. L. BRAEM, médecin
principal, praticien confirmé. B. JOP, interne CHU. P. VARLET, médecin en chef,
praticien certifié. J.-É. TOUZE, médecin général, praticien certifié agrégé.
L. FOURCADE, médecin en chef, praticien certifié agrégé.
Correspondance : PH. PAULE, Service de cardiologie, HIA Laveran, BP 50,
13998 Marseille Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
HEART FAILURE IN THE TROPICS : DIAGNOSIS
AND TREATMENT.
Cardiovascular diseases constitute a serious public health
issue on a worldwide scale and developing countries are
more and more concerned. The emergence of
cardiovascular risk factors in these countries favours the
development of coronaropathy. Heart failure is a
frequent entity and with the multiplication of foreign
assignments and humanitarian care, the military unit’s
medical officer becomes more and more involved in the
management of these diseases. Symptomatic treatment
does not pose a real problem but causes are very varied
and the lacks in the care systems lead to a delay in the
treatment. Some heart diseases are more specific to the
tropical world, which together with cosmopolitan causes
of heart failure conveys the epidemiological transition in
developing countries. The authors illustrate some
particular features of the cardiopathies observed in the
tropics, which are interesting because of their frequency,
their mode of occurrence, their clinical presentation or
the therapeutic possibilities. They emphasize the
characteristics of peri partum cardiomyopathy, cardiac
beriberi, endomyocardial fibrosis, rheumatic disease,
constrictive pericarditis, Chagas’ disease, cardiomyopathy associated with HIV infection and the impact
of hypertension on heart failure.
Keywords : Cardiac beriberi. Chagas’disease. Chronic
constrictive pericarditis. Endomyocardial fibrosis. Heart
failure. Hypertension. Mitral stenosis. Post-partum
cardiomyopathy.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 361-367)
maintenant la deuxième cause de mortalité au
même niveau que les infections respiratoires, alors
qu’en Asie elle occupe déjà la première place (1).
Expression clinique évolutive de la plupart des
maladies cardiovasculaires, l’insuffisance cardiaque
(IC) est très fréquemment rencontrée dans les pays
en développement (PED).
Dans les PED de la zone tropicale, la migration des
populations vers les zones urbaines induit des
modifications des habitudes alimentaires et de l’activité
physique. L’augmentation de la consommation du
tabac, l’élévation de l’index de masse corporelle et le
développement du diabète de type 2 contribuent à la très
nette augmentation de la maladie coronaire. Les facteurs
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de risque cardiovasculaire classiques des pays
développés sont dorénavant transposés sous les tropiques,
à l’origine du phénomène de transition épidémiologique.
À côté de la pathologie ischémique en expansion,
d’autres affections plus spécifiques aux PED génèrent
des tableaux d’IC souvent sévères (2).
Ainsi outre mer cohabitent la pathologie des pays riches et
des maladies que les praticiens européens, généralistes ou
spécialistes n’ont plus l’occasion de rencontrer dans leur
exercice habituel. Cependant dans le cadre des OPEX, les
médecins militaires sont souvent amenés à participer à
l’aide médicale aux populations, et des expériences
récentes ont montré l’importance de l’IC dans ce
contexte. Au-delà de la prise en charge d’un épisode aigu,
il importe de savoir réaliser un bilan étiologique simple
afin d’orienter utilement l’attitude thérapeutique.
Cet article a pour but de rappeler les éléments du
diagnostic étiologique d’une poussée d’IC, avec les
moyens limités disponibles dans un hôpital de campagne,
afin de déterminer la prise en charge la mieux adaptée.
Le diagnostic positif de l’IC congestive ainsi que le
traitement purement symptomatique des épisodes aigus
n’y seront pas abordés.
II. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE.
A) ÉTAPE CLINIQUE.
Devant des signes d’IC, l’enquête étiologique passe
avant tout par une démarche clinique minutieuse. Il
s’agit dans un premier temps de rechercher des
antécédents de cardiopathie ou de souffle cardiaque
ancien, de rhumatisme articulaire aigu durant l’enfance,
d’hypertension artérielle (HTA) négligée, de grossesse
récente, la notion d’une infection à VIH ou un antécédent
de tuberculose. Ces notions seront souvent difficiles à
identif ier chez des patients ne bénéf iciant d’aucun
suivi, opposant parfois la barrière de la langue et chez
lesquels les cardiopathies sont souvent diagnostiquées
tardivement. Il faut préciser les facteurs de risque
cardiovasculaire identifiables, la prise de toxiques (khât à
Djibouti, éthylisme…). Chez l’insuffisant cardiaque,
outre l’évaluation de la dyspnée, l’interrogatoire
recherche des signes fonctionnels associés tels que des
précordialgies, des palpitations, des malaises.
On recherche une altération de l’état général, ainsi que
l’existence d’une fièvre prolongée. D’emblée, l’examen
cutané et des muqueuses recherche une pâleur des
conjonctives, un ictère des sclérotiques ou des signes en
faveur d’un syndrome carentiel. L’examen de la peau peut
être difficile chez des sujets de race noire, notamment à la
recherche d’une éruption cutanée, d’un pouls capillaire,
de faux panaris d’Osler (élévations rouges violacées
douloureuses, situées à la pulpe du doigt, sans suppuration). L’examen des mains peut révéler un hippocratisme
digital. L’attention sera retenue par la brillance du regard
ou une exophtalmie. La palpation de l’aire cardiaque peut
percevoir un frémissement. L’auscultation du cœur
recherche des bruits surajoutés : souffles systolique ou
362
diastolique en précisant leur localisation et leur
irradiation, roulement diastolique ou frottement
péricardique. La recherche soigneuse des différents
pouls est importante ainsi que la mesure de leur fréquence,
leur régularité et le caractère bondissant ou paradoxal
(diminution en inspiration) du pouls radial. L’auscultation des trajets vasculaires et la palpation de l’abdomen
à la recherche d’une masse battante permettent d’évoquer
l’existence d’une athérosclérose diffuse. La mesure de la
pression artérielle est réalisée aux deux bras. On
recherche des signes de phlébite au niveau des membres
inférieurs. La palpation des aires ganglionnaires et de la
rate est systématique. Cette étape clinique ne doit pas
omettre le dépistage de foyers infectieux au niveau de la
sphère ORL et de l’appareil dentaire.
B) PARACLINIQUE.
Facilement disponible, l’ECG permet d’évaluer la
fréquence et le rythme du cœur, l’axe du complexe QRS,
des troubles éventuels de la repolarisation. On recherche
des troubles de conduction ou du rythme, des signes de
surcharge ventriculaire, d’ischémie ou de nécrose.
La radiographie thoracique permet la mesure de l’index
cardiothoracique, la mise en évidence d’une modification
de la silhouette cardiaque et de l’existence de calcifications
vasculaires, annulaires ou péricardiques sur des clichés de
face et de prof il. On apprécie l’état du parenchyme
pulmonaire et l’existence d’un épanchement pleural.
Des examens biologiques simples peuvent être réalisés,
notamment la numération formule sanguine pour mettre
en évidence une anémie, une polynucléose à neutrophiles
ou une hyperéosinophilie. On doit rechercher une insuffisance rénale, une anomalie des tests fonctionnels
hépatiques et une dysthyroïdie au moindre doute. Dans
les situations aiguës, la gazométrie artérielle permet
d’apprécier la sévérité de la situation clinique, et l’existence d’un effet shunt. L’élévation des enzymes
cardiaques (CPK et CPK MB) et de la troponine oriente
vers un syndrome coronaire aigu. La sérologie VIH doit
être d’indication large.
Un appareil d’échographie (non obligatoirement dédié
à l’étude du cœur) peut être disponible et permettre
la réalisation d’un examen de débrouillage facilitant la
démarche diagnostique. On recherche une atteinte de
la fonction systolique du ventricule gauche (VG), un
trouble de la cinétique segmentaire, une hypertrophie
ventriculaire, une dilatation des cavités cardiaques, un
épanchement péricardique. La disponibilité d’un module
doppler permet l’évaluation de la pression artérielle
pulmonaire systolique ou d’une valvulopathie. L’étude
des pressions de remplissage du VG est utile pour
identifier un profil restrictif et apporter des arguments en
faveur d’une péricardite chronique constrictive.
Au terme de cette première évaluation, la plupart des
situations paraîtront évidentes et leur diagnostic
posera peu de problèmes face à des affections souvent très
évoluées. Il s’agit essentiellement de causes cosmopolites. Par contre, certains tableaux plus spécifiques aux
régions tropicales peuvent être individualisés et seront
ph. paule
détaillés dans le chapitre suivant. Enfin quelle que soit la
cardiopathie en cause, on n’omettra pas de rechercher le
facteur de décompensation expliquant la poussée
d’insuff isance cardiaque : une surcharge en sel, un
sevrage thérapeutique, une poussée hypertensive, un
trouble du rythme, une ischémie, une anémie, une
dysthyroidie, une pneumopathie intercurrente.
III. ÉTIOLOGIES.
A) QUELQUES TABLEAUX ORIGINAUX…
1. Un contexte particulier.
a) Exemple 1.
Une patiente, âgée de 28 ans, sans antécédent, est
hospitalisée à l’Hôpital principal de Dakar pour une
dyspnée au moindre effort puis au repos, survenue un
mois après un accouchement non compliqué. Elle a
présenté trois grossesses préalables qui se sont déroulées
sans problème. Elle est admise dans un tableau clinique
d’insuffisance cardiaque gauche. L’ECG enregistre une
tachycardie sinusale avec une négativation de l’onde T
dans les dérivations latérales. Le cliché thoracique
conf irme le diagnostic d’œdème aigu du poumon et
met en évidence une cardiomégalie (fig. 1). La NFS ne
montre pas d’anémie.
L’échocardiographie trans-thoracique (ETT) objective
un VG dilaté globalement hypokinétique avec une
fraction d’éjection effondrée à 25 %, sans autre anomalie
par ailleurs.
Il faut évoquer dans ce contexte une cardiomyopathie du
péri-partum (CMPP), présente sous toutes les latitudes,
mais rencontrée avec une plus grande incidence (1/100 à
1/1 000 délivrances) en Afrique sub-saharienne chez les
femmes Noires de niveau social modeste et multipares.
Elle survient par définition durant le dernier mois de la
grossesse ou les cinq mois suivant l’accouchement chez
des jeunes femmes sans antécédent cardiovasculaire (3).
Elle se présente sous la forme d’une insuff isance
cardiaque d’évolution aiguë, associée en échocardiographie à une dilatation cavitaire et une hypokinésie
avec altération sévère de la fraction d‘éjection du VG. Le
traitement symptomatique associe le repos strict et le
régime hyposodé, l’utilisation de diurétique de l’anse et
d’IEC puis de bêtabloquant pendant plusieurs mois,
permettant la guérison ad integrum dans 30 % à 50 % des
cas. Les complications rythmiques et surtout emboliques
sont redoutées et imposent souvent la mise en route
d’un traitement anticoagulant. La mortalité est de 10 % à
30 % à la phase aiguë et la récidive est possible lors d’une
future grossesse. Cette affection d’étiopathogénie toujours
mystérieuse comporte un risque d’évolution vers une
cardiomyopathie dilatée et un tableau d’IC chronique (4, 5).
b) Exemple 2.
Un jeune réfugié, âgé de 25 ans, est recueilli à la frontière
du Darfour. Très asthénique et dyspnéique au moindre
effort, il est cachectique et présente des signes évidents de
dénutrition. On note un tableau clinique d’insuffisance
cardiaque globale à dominante droite avec de volumineux
œdèmes des membres inférieurs et des organes génitaux
externes. L’examen met aussi en évidence un déficit
sensitivo-moteur en faveur d’une polyneuropathie
des membres inférieurs. L’ECG est sans particularité.
Le cliché thoracique montre une volumineuse cardiomégalie. L’ETT objective une dilatation des cavités droites
avec une insuffisance tricuspidienne et une atteinte de la
fonction ventriculaire droite. Les cavités gauches sont de
volume normal sans altération de la fonction systolique
du ventricule qui apparaît plutôt hyperkinétique.
Il s’agit d’un Béribéri cardiaque associé à une atteinte
neurologique signant la forme « humide » de la carence
en thiamine (vitamine B1). Maladie de la misère, on la
rencontre dans le contexte de populations déplacées
et de camps de réfugiés (5). Elle est souvent secondaire
à une alimentation à base exclusive de riz blanc, et peut
être favorisée par l’éthylisme chronique. Ce déf icit
vitaminique entraîne une vasodilatation systémique
et l’élévation du débit cardiaque, associée à une atteinte
directe du myocarde. Lorsque les mécanismes de
compensation se trouvent dépassés, s’installe un tableau
d’IC globale à prédominance droite. Le traitement
impose l’apport de thiamine par voie parentérale
(500 mg/jour) relayé par voie orale, sans lequel les
mesures thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque
n’ont aucune efficacité. L’amélioration clinique rapide
et spectaculaire (48 heures) confirme alors le diagnostic
et l’évolution est favorable (6) sous réserve de la prise
en charge de la dénutrition et d’autres éventuelles
carences alimentaires.
2. Une anomalie auscultatoire.
Figure 1. Cliché thoracique de face objectivant une cardiomégalie chez une
patiente porteuse d’une cardiomyopathie du péri-partum.
insuffisance cardiaque en région tropicale
a) Exemple 1.
Un adolescent ivoirien, âgé de 15 ans, consulte
dans un tableau d’insuff isance cardiaque globale.
Essoufflé pour des efforts minimes, il présente un retard
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staturo-pondéral, une volumineuse ascite contrastant
avec des œdèmes modérés des membres inférieurs.
L’auscultation perçoit un bruit de galop et un souffle
holosystolique intense en jet de vapeur irradiant dans
l’aisselle. L’ECG montre simplement des signes
d’hypertrophie auriculaire gauche. Le cliché thoracique
confirme les signes congestifs et montre l’augmentation
de l’index cardiothoracique avec un double contour de
l’arc inférieur droit. Il existe une hyperéosinophilie à
1 200 éléments/mm 3. L’ETT montre un comblement
f ibreux de la pointe du VG, un épaississement de
l’appareil sous-valvulaire mitral ainsi qu’une oreillette
gauche très dilatée (fig. 2). La fonction systolique ventriculaire gauche est conservée. Il existe une insuffisance
mitrale sévère sans épaississement des feuillets. On met
en évidence une hypertension artérielle pulmonaire.
Compte tenu du contexte épidémiologique et de la
symptomatologie, il faut évoquer chez ce jeune patient
une fibrose endomyocardique de Davies. Il s’agit d’une
cardiomyopathie restrictive secondaire à la toxicité
des protéines basiques libérées par les polynucléaires
éosinophiles et dirigées contre l’endocarde. Cette
affection est l’apanage presque exclusif des régions
tropicales où sévissent de manière endémique les
helminthiases à cycle tissulaire, contractées tôt dans
l’enfance. Le comblement fibreux peut intéresser l’un
ou l’autre des ventricules voire les deux, et impliquer
l’appareil sous-valvulaire mitral ou tricuspidien. Il s’y
associe une forte propension à la formation de thrombus
intra-ventriculaire. Le phénomène de restriction
au remplissage ventriculaire est presque toujours
associé à des fuites valvulaires sévères (4). La symptomatologie associe de façon variable des signes d’IC
gauche et/ou droite, et des fuites valvulaires mitrale et/ou
tricuspidienne. Le diagnostic est affirmé par l’aspect
échographique de comblement apical des ventricules et
d’ectasie des oreillettes. Il existe une relation inverse
entre le taux d’éosinophiles qui peut s’être normalisé et
le temps écoulé depuis le début des symptômes. Le
pronostic est sombre avec 50 % de décès dans les deux ans
qui suivent le diagnostic (5). Seule l’endocardectomie
chirurgicale peut infléchir cette évolution, associée à la
réalisation d’une plastie ou d’un remplacement
valvulaire (7).
b) Exemple 2.
Une jeune Afghane, âgée de 25 ans, enceinte de trois
mois est hospitalisée dans un tableau d’œdème aigu
du poumon rapidement amélioré par l’injection de
furosémide IV. Son entourage rapporte de nombreuses
angines inconstamment traitées durant son enfance,
et des épisodes répétés de douleurs et de fluxions
articulaires. Après amélioration de l’état hémodynamique, l’examen clinique retrouve un éclat du premier
bruit du cœur au foyer mitral, un dédoublement du
deuxième bruit et un roulement diastolique. L’ECG enregistre une fibrillation auriculaire à 120 bpm. Le cliché
thoracique montre un dédoublement de l’arc inférieur
droit sans augmentation de l’arc inférieur gauche. L’ETT
montre un épaississement de l’extrémité des feuillets
mitraux, rigides et déformés en canne de golf (fig. 3), avec
un aspect de fusion des commissures valvulaires, sans
calcification de l’appareil sous valvulaire. La surface
mitrale est évaluée à 1 cm2 par planimétrie et le gradient
de pression trans-mitral mesuré par doppler est élevé
à 14 mm Hg. Il n’existe pas d’insuffisance mitrale. La
fonction systolique du ventricule gauche est conservée.
La pression artérielle pulmonaire systolique est évaluée
à 50 mm Hg.
Cette jeune patiente présente un rétrécissement mitral
d’origine rhumatismale compliqué de f ibrillation
auriculaire. Le traitement des angines streptococciques
a permis de faire disparaître cette affection dans les
pays industrialisés. Les valvulopathies rhumatismales
Figure 2. Échocardiographie en incidence para-sternale grand axe :
comblement fibreux du ventricule gauche et dilatation de l’oreillette gauche
dans le cadre d’une fibrose endomyocardique.
Figure 3. Échocardiographie en incidence para-sternale grand axe :
rétrécissement mitral avec feuillets mitraux épaissis et déformés, limitation de
l’ouverture mitrale en diastole.
364
ph. paule
demeurent fréquentes dans les PED, représentant
environ le tiers des causes d’hospitalisation en
cardiologie (2). Le rétrécissement mitral se complique
volontiers de troubles du rythme supra-ventriculaire et
d’embolies systémiques. Outre le traitement de la
poussée d’insuffisance cardiaque, ici favorisée par la
grossesse, il est souhaitable de réaliser un traitement
étiologique qui dépend des possibilités logistiques
locales. En zone tropicale, le traitement par valvuloplastie mitrale percutanée par ballonnet continue de
poser des problèmes de coût ; la commissurotomie
percutanée par dispositif métallique réutilisable
représente un espoir pour l’avenir (8). La commissurotomie chirurgicale à cœur fermé ne nécessite pas de
circulation extra-corporelle, peut être réalisée par
un chirurgien généraliste pratiquant l’abord du cœur
par thoracotomie latérale, et constitue une alternative
qui demeure d’actualité (9). En cas d’insuff isance
mitrale associée, seul le remplacement valvulaire
peut être proposé.
3. Une insuffisance cardiaque droite au premier plan.
Un tchadien, âgé de 50 ans, est admis dans un tableau
d’anasarque comportant des œdèmes des membres
inférieurs et une ascite, une hépatomégalie et une
évidente turgescence des veines jugulaires. Ses
antécédents sont mal connus. L’auscultation perçoit un
bruit vibrant proto-diastolique maximum à l’apex,
augmenté à l’inspiration. L’ECG enregistre une
tachycardie sinusale à 110 bpm, un microvoltage avec des
ondes T négatives diffuses. La radiographie thoracique
met en évidence un petit cœur triangulaire à bord gauche
rectiligne avec des calcifications péricardiques mieux
visibles sur le cliché de profil (fig. 4), un épanchement
pleural bilatéral minime et une opacité parenchymateuse
apicale droite. L’ETT objective des oreillettes dilatées
contrastant avec des ventricules de taille normale. La
fonction systolique du VG est normale, mais il existe
une expansion du ventricule droit en inspiration avec
inversion de la courbure septale. Au doppler, l’amplitude
du flux de remplissage du cœur gauche diminue à
l’inspiration. On note une dilatation de la veine cave
inférieure, sans modification de son diamètre par les
mouvements respiratoires. Le péricarde apparaît épaissi.
Il s’agit d’un tableau de péricardite chronique
constrictive. Dans ce contexte, l’origine tuberculeuse
est fortement probable. L’incidence de la péricardite
tuberculeuse augmente en Afrique en raison de sa
fréquente association à l’infection par le VIH. L’évolution
vers l’épaississement fibreux et la constriction puis
la calcif ication péricardique induit un phénomène
hémodynamique d’adiastolie, à l’origine des signes d’IC
à prédominance droite. La prise en charge nécessite
l’utilisation de diurétique afin de diminuer les signes
congestifs, et un traitement antibiotique antituberculeux
biphasique d’une durée de six mois. Il faut y associer
une péricardectomie chirurgicale d’emblée en cas de
calcification, ou après évaluation de l’efficacité d’un
traitement antituberculeux de 4 à 8 semaines.
En l’absence de traitement, l’affection peut évoluer
vers l’IC terminale ou un tableau de pseudo-cirrhose
hépatique (10). Il faut systématiquement rechercher une
infection associée par le VIH.
4. Syncopes et IC en Amérique Latine.
Un Garimperos d’origine brésilienne, âgé de 35 ans,
consulte à l’antenne médicale du camp Régina en
Guyane. Ce patient qui vit en forêt amazonienne depuis
plus de vingt ans, décrit un essoufflement d’aggravation
progressive survenant désormais pour des efforts
modérés, et plus récemment plusieurs épisodes de
syncopes au repos et à l’effort. L’examen clinique
retrouve un bruit de galop à la pointe, chez un patient
tachycarde. L’électrocardiogramme enregistre un rythme
Figure 4. Clichés thoraciques de face et de profil : calcifications péricardiques (flèches) dans le cadre d’une péricardite chronique constrictive.
insuffisance cardiaque en région tropicale
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sinusal avec un bloc de branche droit, une onde Q de V3 à
V5 et de nombreuses extrasystoles ventriculaires
polymorphes. Le cliché thoracique montre une
cardiomégalie. L’ETT obtenue à l’hôpital de Cayenne
objective une altération de la fonction systolique
globale du VG qui apparaît dilaté et l’existence
d’un anévrysme apical.
Il s’agit d’une cardiomyopathie constituant la principale manifestation au stade chronique de la maladie
de Chagas. Cette parasitose due à Trypanosoma Cruzi,
protozoaire transmis par les déjections d’une punaise,
constitue une cause fréquente d’insuffisance cardiaque
chez les enfants et les adultes jeunes en Amérique du Sud.
Seuls 15 % à 30 % des patients infectés développent
une forme chronique, cardiaque ou digestive, dans un
délai de 15 à 20 ans (11). L’ECG peut montrer des troubles
conductifs de haut degré et des troubles du rythme
ventriculaire qui se traduisent volontiers par des malaises
syncopaux. L’ETT met en évidence une cardiomyopathie
dilatée hypokinétique, et souvent la présence d’un
anévrysme apical caractéristique pouvant se compliquer
de la formation de thrombus. La mort subite secondaire à
une arythmie ventriculaire émaille souvent le cours de la
maladie. À ce stade, les parasites sont difficiles à mettre
en évidence (xénodiagnostic de Brumpt éventuellement
sensibilisé par PCR sur déjections de réduves) et les
méthodes sérologiques ont une valeur d’orientation
compte tenu du nombre de réactions croisées. Outre le
traitement symptomatique de l’insuffisance cardiaque, la
prise en charge doit prendre en compte les complications
thromboemboliques par l’anti-coagulation, et les
troubles du rythme peuvent nécessiter l’utilisation
d’anti-arythmiques ou l’implantation d’un défibrillateur,
rarement disponibles dans les PED. Tous les patients
doivent bénéf icier d’un traitement anti-parasitaire
(nifurtimox, benznidazole), à l’exception du stade
chronique en phase terminale.
B) DES CAUSES COSMOPOLITES…
Il ne s’agit pas d’établir une liste fastidieuse et
certainement non exhaustive des différentes cardiopathies rencontrées en zone tropicale. Celles-ci sont
rappelées dans le tableau I. Cependant certaines causes
cosmopolites d’IC se distinguent par leur fréquence ou
par des particularités tropicales.
Les facteurs de risque de la maladie coronaire sont
dorénavant présents sur tous les continents et les pays
tropicaux ne font plus exception. En Afrique par exemple,
cinq paramètres contribuent à la survenue de 90 % des
infarctus du myocarde : tabac, hypertension artérielle
(HTA), diabète de type 2 et obésité, anomalies du bilan
lipidique (notamment rapport apo B/apo A) (12). La
consommation de tabac est en pleine expansion
dans les PED où la consommation de tabac a progressé de
plus de 100 % ces dernières années. Les modifications du
régime alimentaire associées à l’urbanisation ont favorisé
le développement de l’obésité et du diabète qui deviennent de réels problèmes de santé publique. Les projections
épidémiologiques établissent ainsi une progression de la
366
mortalité cardiovasculaire en Afrique de 15 % en 1995 à
35 % en 2015 (13). Avec l’accroissement des coronaropathies, la part des cardiomyopathies ischémiques
est appelée à augmenter en tant que cause d’IC, d’autant
plus que les moyens thérapeutiques font cruellement
défaut dans ce domaine. En l’absence de possibilité
de revascularisation, l’IC constitue plus souvent un
mode évolutif de la maladie coronaire. Les poussées
d’IC émaillant le suivi du coronarien concernent des
patients plus jeunes qu’en Europe, avec un pronostic
moins bon à court et long terme.
L’HTA est déjà le premier des facteurs de risque
cardiovasculaire dans le monde en terme de fréquence.
Dans les PED, on estime que son incidence progressera de 80 % à l’horizon de 2025, avec 1,15 milliard
d’adultes hypertendus (14). Les cardiopathies
hypertensives constituent un problème fréquent dans
ces pays, en Afrique subsaharienne notamment. L’HTA
y est fréquente et diagnostiquée avec retard, très
souvent au stade des complications. L’absence de prise
en charge thérapeutique adaptée favorise l’émergence
des cardiopathies hypertensives (5). L’hypertrophie
ventriculaire gauche concentrique est déjà présente
chez 75 % des patients lorsque le diagnostic d’HTA est
porté, cause possible d’IC par trouble du remplissage
du VG. À plus long terme, on assiste à un remodelage
du VG avec dilatation cavitaire progressive et altération
de la fonction contractile. À ces stades avancés, le
retentissement cardiaque de l’HTA s’associe volontiers
à l’insuffisance rénale et au risque majoré d’accident
vasculaire cérébral (15).
En marge du phénomène mondial de transition
épidémiologique qui voit globalement diminuer
la morbi-mortalité de cause infectieuse, l’infection à
VIH participe en Afrique de manière non négligeable
à la mortalité cardiovasculaire. Si dans les pays
riches nous sommes surtout confrontés actuellement au problème des effets secondaires métaboliques
des trithérapies, il s’agit dans les PED de faire face
aux complications cardiaques du virus et des infections
Tableau I. Principales causes d’insuffisance cardiaque en zone tropicale.
Atteintes
cosmopolites
Cardiopathie ischémique
Cardiomyopathies dilatées
Cardiomyopathie hypertrophique
Cardiomyopathie hypertensive
Cardiopathies congénitales
Cardiopathies valvulaires
Myocardites
Endocardites
Tamponnade
Embolie pulmonaire
Atteintes plus
spécifiques
aux zones
tropicales
Cardiopathies du VIH
Cardiopathies parasitaires : maladie de Chagas,
bilharziose …
Cardiopathies carentielles : Béribéri, anémie,
éthylisme…
Cardiomyopathie du péri-partum
Fibrose endomyocardique
Péricardite chronique constrictive
Cardiothyréose
ph. paule
opportunistes qui peuvent toucher les trois tuniques
du cœur (5). Les séries autopsiques rapportent 30 %
à 40 % de cardiomyopathie dilatées chez les sujets
infectés par le VIH, surtout quand le déficit en CD4
est important au stade de SIDA. En termes de mortalité
et de morbidité, même si la part rapportée aux
atteintes cardiovasculaires du SIDA est difficilement
chiffrable en milieu tropical, elle représente une
étiologie courante de cardiopathie dilatée hypokinétique
du sujet jeune (16).
Il faut citer la fréquence des cardiopathies congénitales
vieillies (CIV, CIA…), non dépistées durant l’enfance ou
non corrigées faute de moyens. Elles constituent une cause
fréquente d’IC et de complications infectieuses
par endocardite à l’âge adulte.
Enfin, l’anémie profonde et prolongée constitue une cause
d’IC, tout particulièrement chez l’enfant où il n’est pas rare
d’observer des taux d’hémoglobine inférieurs à 5 g/dl. En
zone tropicale, il s’agit d’anémies souvent multifactorielles
(parasitoses digestives, hémoglobinopathies, grossesses
itératives, carences).
L’hyperthyroïdie prise en charge tardivement est
fréquemment diagnostiquée au stade de cardiothyréose
associant IC et arythmie supra-ventriculaire. Dans le cas
de l’anémie et de la cardiothyréose, le tableau d’IC est
d’autant plus marqué qu’il existe une cardiopathie
préexistante.
C) À PROPOS DU PALUDISME.
Si le paludisme ne se complique pas de manifestations
cardiaques directement en rapport avec le rôle de
l’hématozoaire, il n’en demeure pas moins qu’il existe
un risque d’œdème du poumon d’origine lésionnelle au
cours des accès graves. Véritable capillarite parasitaire,
cet œdème lésionnel n’est pas associé à une dysfonction
myocardique, mais il est favorisé par une surcharge
volumique liée à une réhydratation parentérale excessive.
En cas de fonction cardiaque sous jacente préalablement
altérée (cardiomyopathie, valvulopathie), la situation
peut alors se compliquer d’une défaillance hémodynamique avec œdème pulmonaire à la fois cardiogénique et
lésionnel. Cela constitue entre autres, un argument pour
souligner l’importance de la sélection des personnels
militaires désignés pour servir outre mer.
IV. CONCLUSION.
Avec le développement inexorable des maladies
cardiovasculaires dans les PED, la prise en charge de
l’IC y devient un problème de santé publique. Dans le
cadre de l’aide médicale aux populations locales en
OPEX, le médecin militaire projeté doit pouvoir
prendre en charge des patients en IC souvent jeunes
et porteurs d’affections inhabituelles ou parfois
oubliées des pays développés. Si la prise en charge initiale
symptomatique pose peu de problèmes, il en va tout
autrement du traitement étiologique. Celui-ci peut
parfois s’avérer simple et peu onéreux, mais bien
souvent il nécessite une prise en charge au long cours
ou la mise en œuvre de moyens chirurgicaux peu
accessibles à ces populations.
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367
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VIENT DE PARAÎTRE
RAPPORT SUR LA SANTÉ EN EUROPE 2005
L'action de santé publique : améliorer la santé des enfants et des populations
Les gouvernements et les décideurs de la Région européenne de l'OMS savent que la santé est
une ressource essentielle pour le développement économique et social. Ils ont tout lieu de se
féliciter de l'amélioration globale de la santé dans la Région, mais il subsiste encore, entre les pays
de ses parties occidentale et orientale et entre les groupes socioéconomiques dans les pays, des
disparités croissantes qu'il est crucial de réduire. Le Rapport sur la santé en Europe 2005 montre
que cet objectif peut être atteint. Il résume les grands problèmes de santé publique auxquels la
Région doit faire face et qui touchent en particulier les enfants, et indique les moyens d'y remédier.
Il contribue ainsi à diffuser les informations fiables dont il faut disposer pour prendre des décisions
judicieuses dans le domaine de la santé publique.
Le rapport fait la synthèse d'informations factuelles et d'analyses provenant de l'OMS et d'autres
sources. Il montre que les maladies non transmissibles sont la principale cause de la charge de
morbidité dans la Région et que les maladies transmissibles représentent une charge
supplémentaire pour les pays de la partie orientale, en raison de la pauvreté et de l'insuffisance du
financement des services de santé. Il fait valoir qu'en ayant recours à des interventions globales
bien connues pour s'attaquer aux principaux facteurs de risque (tabagisme, consommation
d'alcool, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, surcharge pondérale, consommation
insuffisante de fruits et de légumes, et sédentarité), il serait possible de prévenir dans une large
mesure les problèmes de santé les plus préoccupants : cardiopathie ischémique, troubles
dépressifs unipolaires, maladies cérébrovasculaires, troubles dus à un abus d'alcool, maladies
pulmonaires chroniques, cancer du poumon et traumatismes résultant d'accidents de la circulation.
Il met ainsi en évidence la nécessité d'agir.
Le Rapport sur la santé en Europe 2005 porte plus particulièrement sur la santé des enfants, car
celle-ci détermine la santé pendant toute l'existence et au cours de la génération suivante. Il
souligne que les problèmes de santé des enfants et des adultes ne sont pas les mêmes, et qu'il
existe d'importantes différences dans les causes et les taux de mortalité et de morbidité chez les
enfants dans la Région. Il met ainsi en évidence la nécessité de politiques complémentaires ciblant
les adultes et les enfants, et la complexité de la tâche dont les pays doivent s'acquitter pour
améliorer la santé des enfants. Le rapport reconnaît que chaque pays doit suivre sa propre voie,
mais montre que la pauvreté et l'inégalité socioéconomique sont les principales menaces qui
pèsent sur la santé des enfants; il demande l'accomplissement d'efforts accrus en matière de
protection et de promotion de la santé; et il dresse, à partir d'informations factuelles, une liste des
caractéristiques des politiques et des programmes les plus efficaces. Investir dans la santé des
enfants, c'est investir dans l'avenir.
ISBN 92-890-2376-7 – Pages : 144 (allemand, anglais, français et russe) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland –
Tél. : +41 22 791 24 76 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected] – http://who.int/bookorders
368
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
CŒUR ET SPONDYLARTHROPATHIES
U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU
RÉSUMÉ
Les spondylarthropathies sont caractérisées par une
atteinte inflammatoire des enthèses axiales et/ou
périphériques. La morbi-mortalité cardiovasculaire de ce
groupement de pathologies, ne s’explique pas uniquement par les classiques complications valvulaires et
les troubles conductifs rencontrés. Cette morbi-mortalité
est secondaire d’une part, à une prévalence accrue de
certains facteurs de risque conventionnels et au risque
spécifique de cette pathologie rhumatismale et d’autre
part, aux thérapeutiques utilisées et à une sous estimation
des comorbidités cardiovasculaires. Ces patients
nécessitent donc une prise en charge globale, dont
l’estimation de leur risque cardiovasculaire absolu.
Mots-clés: Mortalité cardiovasculaire. Spondylarthropathies.
ABSTRACT
CARDIOVASCULAR DISEASES IN SPONDYLARTHROPATHIES.
Spondylarthropathies refer a group of inflammatory
arthrites caracterized by an association with HLA B27
and the development of sacroiilitis and enthesitis.
Spondylarthropathies appear to be associated with an
increased cardiovascular mortality and morbidity.
Available data indicates an increased cardiovascular risk
in spondylarthropathies. This postulated could be caused
by a higher prevalence of conventional cardiovascular
risk factors, but also a specific risk factor for developing
cardiovascular disease, and the undertreatment of
cardiovascular comorbidity. Rheumatologists should be
aware of the enhanced cardiovascular risk in patients
with spondylarthropathies.
Keywords: Cardiovascular disease. Spondylarthropathies.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 369-374)
I. INTRODUCTION.
Les spondylarthropathies (SP) regroupent un ensemble
de pathologies dont la lésion élémentaire est une atteinte
inflammatoire des enthèses axiales et/ou périphériques.
Les manifestations cardiovasculaires classiques sont
dominées par une atteinte valvulaire aortique, des
troubles conductifs, parfois des myocardites et rarement
des péricardites. Celles-ci sont de sévérités variables
et conditionnent le pronostic vital. Cependant, ces
manifestations n’expliquent pas totalement la surmortalité d’origine cardiovasculaire (1). En effet, les SP sont
associées à une augmentation de la prévalence des
facteurs de risque cardiovasculaires conventionnels et
sont considérées comme un facteur de risque indépendant
à part entière. Paradoxalement, il existe aussi une sous
estimation de la morbidité cardiovasculaire chez ces
patients fréquemment algiques (2).
U. VINSONNEAU, médecin principal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecin
lieutenant, praticien en formation. C. VANOYE, médecin lieutenant, praticien en
formation. P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. G. QUINIOU, médecin
en chef, praticien certifié.
Correspondance : U. VINSONNEAU, Service de cardiologie, HIA Clermont
Tonnerre, BP 41, 29240 Brest Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
II. SPONDYLARTHROPATHIES.
A) DÉFINITION.
Les spondylarthropathies (SP) constituent un groupe
homogène de rhumatismes inflammatoires comprenant :
la spondylarthrite ankylosante, les arthrites réactionnelles ou syndrome de Reiter, le rhumatisme psoriasique,
les manifestations articulaires des entérocolopathies
inflammatoires chroniques (maladie de Crohn et
rectocolite hémorragique) ainsi que les spondylarthropathies indifférenciées. Les SP ont en commun un terrain
génétique comme l’atteste l’existence de cas familiaux et
la forte liaison avec l’antigène d’histocomptabilité de
classe I : HLA B27. Elles sont caractérisées sur le plan
clinique et radiologique par des enthésopathies axiales
(pelvi-rachidienne) et des arthrites périphériques. Les
atteintes extra articulaires intéressent la peau, l’appareil
uro-génital, l’appareil digestif, l’œil et plus rarement le
système cardiovasculaire (3).
B) ÉPIDÉMIOLOGIE.
Les SP se déclarent le plus souvent chez l’adulte jeune
entre 16 et 30 ans, mais il existe des formes précoces avant
369
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l’âge de 15 ans (arthrites chroniques juvéniles) (4). En
Europe 10 % à 15 % des SP débutent avant 15 ans alors
que dans les pays du Maghreb ce pourcentage est de
l’ordre de 30 %. On note une prépondérance masculine
pour la spondylarthrite ankylosante (2 à 3 hommes pour 1
femme) ainsi que pour les formes génito-urinaires des
arthrites réactionnelles (2 à 6 hommes pour 1 femme). La
prévalence des SP est de l’ordre de 0,2 % à 0,5 % et donc
proche de celle de la polyarthrite rhumatoïde (5, 6).
Par ailleurs, il est intéressant de noter que la prévalence de
la spondylarthrite ankylosante est en hausse en raison
d’une meilleure connaissance des formes cliniques juvéniles, féminines et frustres et qu’il en est de même du
rhumatisme psoriasique. À l’inverse, la prévalence des
arthrites réactionnelles est en baisse dans les pays occidentaux du fait de la modif ication de l’écologie
bactérienne et de l’utilisation plus fréquente des
antibiotiques. Enfin, les sujets vivants ou originaires du
Maghreb ainsi que les sujets infectés par le VIH sont plus
à risque de développer une SP (7).
C) CRITÈRES DIAGNOSTIQUES DES SPONDYLARTHROPATHIES.
L’European Spondylarthropathy Study Group (ESSG)
a établi des critères diagnostiques cliniques et
radiologiques dont la sensibilité et la spécificité sont de
87 %. Il est ainsi décrit des critères mineurs et des critères
majeurs. Le diagnostic est retenu si au moins un critère
majeur et un critère mineur sont présents (tab. I) (8)
Tableau I. Critères diagnostiques des spondylarthropathies selon l’ESSG.
Critères majeurs
– Douleurs rachidiennes
inflammatoires
– Synovites asymétriques ou
prédominant
aux membres inférieurs
Critères mineurs
– Antécédents familiaux de SP
– Psoriasis
– Maladie inflammatoire intestinale
– Urétrite
– Diarrhée aiguë
– Douleurs fessières à bascule
– Enthésopathie
– Sacro iléite radiologique
D) MORTALITÉ DES SPONDYLARTHROPATHIES.
La mortalité des spondylarthropathies est accrue par
rapport à une population témoin, et s’avère d’origine
cardiovasculaire (9-13) (tab. II). Cette surmortalité est
une notion peu connue et ne s’explique pas par les classiques complications des SP. En effet, ce groupe de
pathologie rhumatismale voit son risque cardiovasculaire
augmenté du fait de son mode de vie, des traitements
associés et probablement des facteurs propres au rhumatisme inflammatoire (2).
370
Tableau II. Évaluation de la mortalié cardiovasculaire au cours de
spondylarthrite ankylosante.
Auteurs/
année
Nombre
de
patients
Décès
observés
Radford et al ;
1977 (10)
836
42
33
1,29
Karprove et al ;
1980 (11)
138
25
12
2,13
Smith et al ;
1982 (12)
14111
476
355
1,2
Décès Observés/
attendus attendus
III. COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRES
CLASSIQUES DES SPONDYLARTHROPATHIES.
La racine aortique est la cible préférentielle de la maladie.
Les lésions histologiques sont décrites au niveau des trois
tuniques de la paroi artérielle. L’adventice est le siège
d’un épaississement qui renferme des inf iltrats
lympho-plasmocytaires non spécifiques en manchon
autour des vasa-vasorum dont l’intima peut s’épaissir.
La média-aortique voit son architecture élastique
dissociée par des cicatrices f ibreuses mutilantes et
parfois des éléments inflammatoires. L’intima est le siège
d’une fibrose sous endothéliale notamment à la base
d’insertion des sigmoïdes. En continuité avec cette
sclérose inflammatoire aorto-sigmoidienne, des coulées
d’aspect semblable viennent empâter la base des
cupules sigmoidiennes et la région sous-sigmoidienne
où elles forment un petit bourrelet (bombement
sous-aortique ou « subaortic bump »). Une extension vers
la grande valve mitrale et le septum est possible. Cette
topographie lésionnelle explique les atteintes cardiaques
centrées sur la valve aortique essentiellement ainsi que
les troubles conductifs.
A) ATTEINTE DE LA RACINE AORTIQUE ET
INSUFFISANCE AORTIQUE.
Les anomalies de la racine aortique (insuff isance
aortique exclue) sont rapportées chez 61 % des patients
porteurs d’une spondylarthrite ankylosante en
échographie cardiaque (14, 15). On peut observer un
épaississement pariétal de la paroi postérieure de la racine
(16). Il peut exister une dilatation de la racine aortique en
regard de la valve sans dilatation des sinus de Valsalva ou
de la jonction sino-tubulaire (17). Malgré cette atteinte
aortique, on ne rapporte pas dans la littérature de cas de
dissection ou d’anévrysme de l’aorte initiale.
Au niveau valvulaire, l’atteinte débute par un épaississement des sigmoïdes aortiques (épaississement de 2 mm
sur au moins deux sigmoïdes). Cet épaississement peut
prendre la forme d’un nodule hyper-échogène à contour
régulier. L’insuffisance aortique résulte à la fois d’une
distension de l’aorte initiale, d’un épaississement et de
l’éversion des bords libres des sigmoïdes aortiques vers le
u. vinsonneau
ventricule gauche. Les prolapsus sont rares (4 % des cas)
(16). L’insuffisance aortique survient habituellement vers
l’âge moyen de la vie ou après 10 à 15 ans d’évolution de la
maladie. Une, des premières séries, rapportée évaluait la
prévalence de l’insuffisance aortique clinique au cours des
spondylarthrites ankylosantes à 2% à 10 ans et à 12% après
30 ans d’évolution (18). Deux études plus récentes, sur des
effectifs restreints (24 et 29 patients), ont évalué en
échographie trans-thoracique (ETT) et/ou trans-œsophagienne (ETO), cette prévalence à respectivement 34 % et
30 % à 10 ans d’évolution (14, 15). Ces insuffisances
aortiques sont le plus souvent modérées et nécessitent
rarement un remplacement valvulaire. En échographie, le
bombement sous-aortique correspond à un épaississement
hyperéchogène de la jonction aorto-mitrale et est défini en
ETO par une longueur supérieure à 7,7 mm et une hauteur
supérieure à 3,2 mm (15, 17).
B) INSUFFISANCE MITRALE.
Une atteinte mitrale est rapportée en échographie
trans-thoracique par Roldan et al chez 30 % de l’effectif
d’une série de 44 sujets atteints d’une spondylarthrite
ankylosante (16). Ils ont observé un épaississement
de la base de la valve mitrale antérieure, évoquant
une extension mitrale du bombement sous-aortique
chez tous les patients qui avaient une insuff isance
mitrale au moins modérée. Cet épaississement est à
l’origine d’une restriction des mouvements de la valve
mitrale antérieure avec conservation de la mobilité de
ses portions moyennes et distales, responsable de
l’insuffisance mitrale. D’autres mécanismes susceptibles d’entraîner une régurgitation mitrale ont aussi
été décrits. Il s’agit de prolapsus valvulaires mitraux
antérieurs ou postérieurs, de dilatation du ventricule
gauche secondaire à une insuffisance aortique et de greffe
oslérienne. L’association d’une régurgitation mitrale et
aortique est parfois décrite (6).
C) TROUBLES DE LA CONDUCTION
AURICULO-VENTRICULAIRE.
Ils sont secondaires au processus inflammatoire
atteignant le septum membraneux siège des voies de
conductions. Tous les degrés de bloc auriculo-ventriculaire peuvent être observés. Il s’agit en général d’un
simple allongement de l’espace PR associé ou non à
un trouble de la conduction intra-ventriculaire. Ils sont
associés près d’une fois sur deux à une insuff isance
aortique. En l’absence de celle-ci, ils sont rarement
présents (19). La topographie de ces troubles appréciée
par une exploration électrophysiologique objective un
bloc nodal ou infra nodal (20). Les blocs auriculoventriculaires complets sont retrouvés chez 1 % à 9 % des
patients atteints d’une spondylarthrite ankylosante et
peuvent évoluer par poussées, régressives le plus souvent
sous traitement anti-inflammatoire stéroïdien. Les blocs
de haut grade permanent nécessitant la mise en place d’un
stimulateur cardiaque définitif sont en fait rares et signent
une cicatrice fibreuse définitive des voies de conductions
cœur et spondylarthropathies
(21). La prévalence d’un bloc complet au cours d’une
arthrite réactionnelle est estimée à 6 % par Good et al dans
une série historique de 1974 de 164 patients (22).
D) AUTRES TROUBLES CONDUCTIFS.
Les dysfonctions sinusales sont rares. Le mécanisme est
une oblitération de l’artère du nœud sinusal secondaire à
une hypertrophie de l’intima (23).
E) ATTEINTES
PÉRICARDIQUES.
MYOCARDIQUES
ET
Des tableaux cliniques de myocardite et d’insuffisance
cardiaque sont rapportés dans la littérature chez des
patients atteints de spondylarthrite ankylosante (19).
Ribeiro et al ont observé chez 28 patients atteints de
spondylarthrite ankylosante une atteinte de la fonction
systolique ventriculaire gauche dans 18 % des cas. Les
anomalies échographiques retrouvées sont une dilatation
cavitaire et une altération modérée de la fraction
d’éjection (24). Brewerton et al ont biopsié le myocarde
indifférencié de 30 patients atteints de spondylarthrite
ankylosante et retrouvent chez 28 d’entre eux une
hypertrophie du tissu de soutien sans inf iltration
cellulaire inflammatoire. Ces patients étaient tous
normotendus et indemnes d’ischémie myocardique ou
d’atteinte valvulaire (25). La dysfonction diastolique est
plus fréquente que l’atteinte systolique au cours des
spondylarthrites ankylosantes (25, 26), d’autant plus que
la maladie évolue depuis au moins quinze ans. Le profil
de remplissage est de type trouble de la relaxation et
traduit souvent une atteinte infra-clinique (27, 28). La
prévalence varie de 20 % à 53 % selon les auteurs (25, 29).
L’atteinte péricardique est le plus souvent asymptomatique et rare avec moins de 1 % des patients présentant
un tableau clinique de péricardite (26). La présence en
échographie d’un épanchement péricardique dans la
spondylarthrite ankylosante est en revanche plus souvent
rapportée et varie énormément selon les auteurs entre 4 %
et 42 % sans explication précise (30, 31).
Il est malheureusement bien diff icile de tirer des
conclusions d’études non randomisées portant sur des
effectifs réduits.
IV. SPONDYLARTHROPATHIES ET FACTEURS
DE RISQUE CARDIOVASCULAIRES CONVENTIONNELS.
A) TABAGISME.
Le tabagisme actif chez des patients atteints de
spondylarthrites ankylosantes est un facteur de mauvais
pronostic fonctionnel. En effet, les auteurs ont observé
qu’un tabagisme actif est associé à une atteinte clinique
et radiologique plus sévère par rapport à une population
de non-fumeurs. Cette atteinte fonctionnelle est un
facteur prépondérant de sédentarité, majorant ainsi
(32, 33) le risque cardiovasculaire de ces patients.
371
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S
S
I
E
R
B) BILAN LIPIDIQUE.
Pour certains auteurs, le prof il lipidique des SP
serait caractérisé par une diminution du cholestérol total
avec une baisse privilégiée du HDL cholestérol (34, 35).
Mais ces résultats méritent d’être conf irmés pour
Rossner et al (36).
C) AUTRES FACTEURS
CONVENTIONNELS.
DE
RISQUES
La prévalence de l’hypertension artérielle au cours des SP
est sensiblement identique à la population générale et est
estimée entre 8 % et 18 % (2, 37). Les SP n’ont pas
d’influence sur le poids des patients, en effet il n’existe
pas d’augmentation significative de l’indice de masse
corporelle chez les patients atteints de rhumatisme
inflammatoire par rapport à la population générale (35).
Enfin, il n’existe pas de données épidémiologiques sur
l’association spondylarthropathies et diabète.
Ainsi, pour certains auteurs, il existe une prévalence accrue
des facteurs de risques cardiovasculaires conventionnels
chez les patients porteurs de spondylarthropathies (2). En
pratique, la modification du profil lipidique avec une
diminution du HDL cholestérol ainsi que le tabagisme
actif sont deux facteurs de risques cardiovasculaires
majeurs à contrôler chez les patients atteints de SP.
V. SPONDYLARTHROPATHIES: UN FACTEUR DE
RISQUE CARDIOVASCULAIRE SPÉCIFIQUE.
Une augmentation de la morbidité cardiovasculaire au
cours des SP n’est pas seulement liée aux atteintes
classiques des SP et à l’augmentation de la prévalence des
facteurs de risques conventionnels. La diminution de
l’activité physique, le terrain génétique HLA B27 et
l’inflammation jouent un rôle propre (2).
A) DIMINUTION DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE.
Plusieurs critères influençant l’incapacité physique ont
été mis en évidence. Il s’agit des douleurs aiguës ou
chroniques, axiales et périphériques, du tabagisme actif,
de la dépression, mais aussi de l’anxiété, de l’âge et du
sexe féminin (38) Ces différents facteurs conduisent à
terme à la sédentarité.
B) TERRAIN GÉNÉTIQUE HLA B27.
La physiopathologie des spondylarthropathies fait appel
à un terrain immunogénétique prédisposant (HLA B27).
L’enthèse est le siège électif de l’atteinte inflammatoire,
mais pas seulement du fait de l’observation d’une atteinte
extra articulaire notamment cardiaque au cours de ces
maladies. L’Ag HLA B27 est un facteur génétique
important dans la genèse de troubles conductifs de haut
grade (19). En effet, Bergfeldt et al ont observé chez des
patients appareillés pour troubles conductifs de haut
grade et indemnes de rhumatisme inflammatoire, une
prévalence augmentée de l’Ag HLA B27. Ces auteurs ont
également observé sur une série de 223 patients
appareillés pour bloc auriculo-ventriculaire de haut
372
grade, une prévalence supérieure à celle attendue dans
une population témoin de spondylarthrites ankylosantes
(13 patients soit 6 %) et d’arthrites réactionnelles (15
patients soit 9 %). L’Ag HLA B27 était présent chez 22
des 28 patients avec atteintes rhumatologiques. Les
auteurs ont ainsi déf ini le concept du « HLAB27
associated cardiac disease » où l’Ag HLA B27 serait un
facteur génétique prédisposant aux troubles conductifs
de haut grade (19). Cependant, cette hypothèse reste à
confirmer par d’autres études.
C) INFLAMMATION ET ATHÉROSCLÉROSE
ACCÉLÉRÉE.
L’athérosclérose est responsable d’une augmentation
de la mortalité cardiovasculaire au cours des maladies
inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite
rhumatoïde ou le lupus érythémateux disséminé. Il
est démontré que l’inflammation chronique favorise
la formation des plaques d’athérome et participe à
l’instabilité de celles-ci (39). Certains auteurs ont utilisé
le terme d’athérosclérose accélérée secondaire aux
maladies inflammatoires chroniques. L’élévation de la C
réactive protéine, du fibrinogène et des plaquettes sont
des marqueurs spécifiques de l’athérosclérose précoce
(40-43). Cette relation n’est pas déf initivement
démontrée dans les spondylarthropathies car peu de
données sont disponibles. Laurent et al ont montré
qu’une élévation signif icative du f ibrinogène est
retrouvée chez des sujets atteints de SP et qu’elle reflète
l’activité inflammatoire de la maladie (44). Les données
sur la corrélation CRP et activité inflammatoire de la
maladie sont contradictoires. Ruof et al ne retrouve pas
d’élévation significative du taux de CRP chez des sujets
atteints de spondylarthrite ankylosante en dehors des
poussées inflammatoires (45), alors qu’une élévation
significative et chronique de la CRP serait associée aux
formes cliniques de spondylarthrite ankylosante avec
arthrites périphériques ainsi qu’au rhumatisme
psoriasique, pour Spoorenberg (44, 46).
VI. SOUS-ESTIMATION
CARDIOVASCULAIRE.
DU
RISQUE
Les atteintes cardiaques classiques des SP sont le plus
souvent bien connues par les cliniciens. En revanche,
l’influence de ces pathologies sur le risque cardiovasculaire absolu l’est moins. Reldeimer et al (47) ont ainsi
montré qu’il existe une sous estimation des facteurs de
risque conventionnels chez les patients atteints de
pathologies chroniques rhumatologiques. De plus, la
prise en charge thérapeutique rhumatologique est parfois
délétère d’un point de vue cardiovasculaire. En effet,
le traitement des spondylarthropathies est centré sur
les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dont
le rôle est reconnu dans la déstabilisation de l’équilibre
tensionnel. Pope et al ont ainsi montré au cours
d’une méta-analyse que les AINS interfèrent avec les
traitements anti-hypertenseurs, notamment ceux dont
u. vinsonneau
la cible d’action est le système rénine-angiotensinealdostérone, en les inhibant (48). Whelton et al ont
comparé, dans une population de patients souffrant de
rhumatisme inflammatoire chronique et d’hypertension
artérielle, le Celecoxib et le Rofecoxib. Les résultats
ont montré que le Rofecoxib déstabilise plus l’équilibre
tensionnel que le Cerecoxib lors de traitement
concomitant par béta-bloquant, inhibiteur de l’enzyme
de conversion ou antagoniste des récepteurs de
l’angiotensine 2. En revanche, ces molécules n’ont pas
d’influence sur la pression artérielle des patients
traités par inhibiteurs calciques ou diurétiques (49).
Depuis, le Rofecoxib a été retiré du marché devant les
résultats intermédiaires de l’étude APPROVe qui
montraient un risque deux fois plus important de
présenter un événement cardiovasculaire de type
infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral
chez les patients traités (50).
En pratique, le clinicien doit rester vigilant devant
l’association d’un traitement anti-hypertenseur et
d’un AINS quant à l’équilibre tensionnel. Son choix
thérapeutique doit être guidé par la connaissance
des interactions des AINS et des molécules agissant sur
le système rénine-angiotensine.
Le traitement de fond des SP a connu une révolution avec
l’avènement des anti-TNF-alpha (notamment
l’Infliximab). Nous rappellerons que ce traitement
présente quelques restrictions d’usage chez l’insuffisant
cardiaque car contre-indiqué dans l’insuff isance
cardiaque évoluée et à manier avec précautions dans les
formes plus légères. Les effets secondaires rapportés sont
multiples, rythmiques tensionnels et thrombotiques.
Enfin, dans le cadre de la prise en charge des douleurs
thoraciques aux urgences, la responsabilité du
rhumatisme inflammatoire dans la genèse de ces
douleurs est parfois trop rapidement évoquée, laissant
dès lors peu de place au diagnostic d’insuff isance
coronarienne (31).
VII. RHUMATOLOGUE ET CARDIOLOGUE :
UNE ALLIANCE OPPORTUNE.
Ainsi, la mortalité cardiovasculaire accrue des patients
atteints de spondylarthropathie nécessite une surveillance
cardiologique adaptée. À côté des atteintes cardiaques
classiques, la surveillance doit porter sur l’évaluation et le
traitement des facteurs de risque conventionnels chez un
patient susceptible de développer une athérosclérose
précoce. Un bilan comprenant un examen clinique,
un électrocardiogramme et une échographie transthoracique sont le plus souvent effectués à la demande
des rhumatologues, en présence d’un point d’appel
clinique, autour de la dixième année d’évolution, quand
apparaissent les atteintes cardiaques classiques. Une
évaluation plus précoce, permettant d’évaluer le risque
cardiovasculaire absolu et de dépister une insuffisance
coronaire, serait certainement intéressante dans la prise
en charge de ces patients. Le clinicien devra alors
s’adapter et proposer un examen fonctionnel interprétable (scintigraphie au dypiridamole, échographie de
stress), en cas de limitations fonctionnelles.
VIII. CONCLUSION.
Les manifestations cardiaques au cours des spondylarthropathies ne se limitent pas aux classiques atteintes
valvulaires aortiques et aux troubles conductifs. Il
existe fréquemment une augmentation du risque
cardiovasculaire absolu chez ces patients, nécessitant
une gestion globale des spondylarthropathies, où le
cardiologue a pleinement sa place.
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u. vinsonneau
Dossier « Cœur et Armées » : Divers
SYNDROME DE TAKO-TSUBO
Une ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche
F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ
RÉSUMÉ
ABSTRACT
Le syndrome de ballonisation apicale transitoire du
ventricule gauche ou syndrome de « Tako-tsubo » mime
un syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du
segment ST. Il est caractérisé par une akinésie réversible
des segments apicaux et moyens sans lésion coronaire
associée ni élévation enzymatique concordante avec
l’étendue des territoires akinétiques. Il touche
principalement des femmes entre 50 ans et 60 ans et fait
suite à un stress émotionnel ou physique. Le pronostic est
excellent chez les survivants avec récupération rapide
d’une fonction systolique normale. La physiopathologie
reste discutée, excluant une myocardite au profit d’une
sidération.
TAKO-TSUBO SYNDROME : A LEFT VENTRICULAR
TRANSIENT APICAL BALLOONING.
Mots-clés : Sidération myocardique. Syndrome de
ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche.
Tako-tsubo.
Keywords : Left ventricular transient apical ballooning.
Myocardial sideration. Tako-tsubo.
The syndrome of left ventricular transient apical
ballooning, or tako-tsubo syndrome, presents like acute
coronary syndrome with ST segment elevation. It is
characterised by reversible akinesia of the middle and
apical segments with no associated coronary lesion or
enzymatic elevation concordant with the extent of the
akinetic areas. It mainly affects women between 50 and
60 years old and follows emotional or physical stress. The
prognosis is excellent in survivors with a rapid return of
normal systolic function. The pathophysiology remains
debatable, excluding myocarditis in favour of sideration.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 375-377)
I. INTRODUCTION.
II. PRÉSENTATION CLINIQUE.
Le syndrome de ballonisation apicale transitoire du
ventricule gauche, appelé « Tako-tsubo » par les auteurs
japonais en raison de la ressemblance angiographique du
ventricule gauche à un vase en terre cuite servant de piège
à pieuvres, a été décrit pour la première fois par Dote (1)
en 1991. Les principales séries concernent des patients
japonais (2-4), plus récemment quelques cas ont été
rapportés chez des sujets caucasiens (5-7). Nous nous
proposons de faire le point sur cette pathologie méconnue
pouvant faire évoquer à tord le diagnostic de syndrome
coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST.
Le syndrome de ballonisation apicale transitoire du
ventricule gauche associe un tableau clinique de
syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment
ST à une libération limitée des enzymes de nécrose
myocardique et à l’absence de sténose coronaire
angiographique significative.
Il touche essentiellement des femmes entre 60 ans et
70 ans (âge moyen 67 ans) (2) et débute par une douleur
angineuse faisant suite à un stress émotionnel ou
physique (2-7). Plus rarement, il succède à un accident
vasculaire cérébral, une crise d’asthme ou une chirurgie
extracardiaque (2). Un facteur déclenchant est retrouvé
dans 67 % à 100 % des cas. Les patients peuvent avoir des
signes d’insuffisance cardiaque gauche (6 des 13 patients
de Desmet) (5), allant de la simple dyspnée d’effort
jusqu’au choc cardiogénique. Plus rarement (2, 3), le
motif d’hospitalisation est la survenue d’un malaise ou
d’une syncope liés à des troubles de la conduction
auriculo-ventriculaire (8 % à 16 % des patients).
F. BARBOU, médecin principal, praticien confirmé. S. KÉRÉBEL, médecin
principal, praticien confirmé. Y. LEDOLEY, praticien en formation. C. JÉGO,
médecin principal, praticien certifié. P. LAURENT, médecin principal, praticien
certifié. G. CELLARIER, médecin en chef, praticien certifié. G. FOUCAULT,
médecin en chef, praticien certifié. C. BOUCHIAT, médecin en chef, praticien
certifié. R. CARLIOZ, médecin en chef, professeur agrégé du SSA.
Correspondance : F. BARBOU, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne, BP 600,
83800 Toulon Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
375
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Typiquement, l’électrocardiogramme (fig. 1) montre à la
phase aiguë un sus-décalage du ST de V3 à V6, sans
miroir, qui est suivi en quelques jours par une inversion
des ondes T (3) et parfois de petites ondes q transitoires.
Plus rarement, l’ECG ne montre qu’une ischémie
sous-épicardique ou se révèle normal (4). L’intervalle QT
est fréquemment allongé dès l’admission, avec un
maximum au 2e ou 3e jour. Une équipe japonaise (8) a
déterminé des critères ECG permettant de différencier le
syndrome de Tako-tsubo et les patients présentant un
infarctus antérieur transmural aigu. L’absence d’images
en miroir assure une sensibilité de 100 %. Associée à un
rapport de la somme des sus-décalages ST V4-V6/V1-V3
supérieur ou égal à un, la spécificité est de 100 %. Il s’agit
néanmoins d’une étude rétrospective portant sur un
collectif de seulement 26 patients. L’augmentation des
biomarqueurs cardiaques est modérée et n’est jamais
corrélée à l’importance des territoires akinétiques. La
ballonisation apicale se caractérise à l’échocardiographie
et à la ventriculographie (fig. 2) par une akinésie des
segments apicaux et moyens associée à une hyperkinésie
des segments de la base. La coronarographie doit toujours
être réalisée en urgence de manière à éliminer une
occlusion coronaire épicardique, celle-ci est le plus
souvent normale et ne montre pas de lésion compatible
avec l’étendue de la zone akinétique.
Figure 2. Ventriculographie initiale en OAD. Akinésie des segments
antérolatéral, diaphragmatique, septo-apical, inféro-postérieur, apical et
hyperkinésie des segments de la base.
IV. PHYSIOPATHOLOGIE.
Le pronostic est bon chez les survivants avec récupération
systématique d’une fonction ventriculaire gauche
normale en deux semaines (fig. 3) (5). Dans la série de
Tsuchihashi (2) on ne note qu’un décès pour 88 patients,
survenu par défaillance poly-viscérale. La phase aiguë
peut parfois être émaillée par des complications
rythmiques, une insuffisance cardiaque gauche voire un
choc cardiogénique nécessitant le recours aux amines
vasopressives, à la mise en place d’un ballonnet de contre
pulsion intra-aortique voire d’une assistance ventriculaire (2, 3). Le traitement est empirique, associant le plus
souvent IEC, inhibiteurs calciques, dérivés nitrés et
diurétiques. Dans quelques cas, les bêtabloquants ont
été employé avec succès (5). Enfin, il semble qu’une
récurrence à distance soit possible, trois cas ont été décrits
avec un intervalle libre de 1 an à 6 ans (2, 5).
La physiopathologie de ce syndrome reste discutée et
inexpliquée. L’hypothèse d’une myocardite peut être
exclue car il n’a jamais était retrouvé de syndrome
inflammatoire, d’élévation des anti-corps antiviraux ni
d’anomalie histologique évocatrice sur les biopsies
myocardiques (3). L’altération sévère de la cinétique
segmentaire associée à une libération limitée des enzymes
cardiaques et à une récupération complète relativement
rapide de la fonction systolique sont évocateurs d’une
sidération myocardique. Cette sidération ne semble pas
être liée à un spasme sur une artère épicardique car les
tests de provocation sont le plus souvent négatifs (2, 4), les
biopsies et les études IRM ne montrent pas de lésion de
nécrose (9) et surtout les territoires akinétiques ne sont
pas irrigués par une seule artère. De la même façon, on
explique mal que des spasmes multiples soient responsables d’une akinésie intéressant systématiquement les
mêmes territoires. Pour sa part, Mohri (10) a montré que
des spasmes microvasculaires pouvaient être à l’origine
d’une ischémie myocardique en l’absence d’anomalie
coronaire épicardique. Cette hypothèse est peu probable
dans le Tako-tsubo car l’étude doppler intracoronaire à la
phase aiguë n’a pas montré d’atteinte de la microcirculation (4). Les défects scintigraphiques de perfusion
myocardique, en l’absence d’anomalie du flux coronaire
s’expliqueraient par une dysfonction mitochondriale (4,
11). La possibilité d’un obstacle dynamique transitoire
de la chambre de chasse du ventricule gauche a été
également évoquée comme pouvant être responsable de
ce tableau clinique (12). En effet, il a été noté dans
Figure 1. ECG initial. Sus-décalage du ST de V1 à V5 sans miroir en inférieur.
Figure 3. Ventriculographie en OAD à J10, normalisation de la fonction
ventriculaire gauche.
III. ÉVOLUTION-PRONOSTIC.
376
f. barbou
plusieurs observations l’existence d’un gradient
VG/aorte à la phase aiguë (2), gradient lié à un systolic
anterior motion (SAM) et régressant avec l’amélioration
hémodynamique. L’exposition à une stimulation
adrénergique intense serait responsable de l’apparition de
cet obstacle chez des patientes présentant une chambre de
chasse de petite taille associée à un volume ventriculaire
réduit. Il induirait une élévation des pressions intracavitaires et pariétales, une diminution de la perfusion et
l’apparition d’une ischémie des portions moyennes et
apicales. Toutefois, le gradient VG-aorte n’est pas
toujours mis en évidence (13 % dans la série de Bybee
(13)), les biopsies endomyocardiques ne montrent pas de
signe d’ischémie et Tawarahara (14) a décrit un cas
d’anomalie réversible de la cinétique des segments
de la base associée à une hyperkinésie apicale qui ne peut
être expliquée par un obstacle à l’éjection ventriculaire.
Une autre hypothèse est l’action toxique directe des
catécholamines sur les myocytes comme cela a été décrit
dans l’hémorragie méningée (15). Les récepteurs
adrénergiques cardiaques facilitent la perméabilité de la
membrane cytoplasmique au calcium qui, en excès dans
le cytosol, devient cytotoxique. En outre, les récepteurs
adrénergiques sont localisés de façon préférentielle à
l’apex du ventricule gauche (16), permettant d’expliquer
le retentissement focal du facteur autocrine. Ueyama (17)
a développé un modèle animal de ballonisation
transitoire du ventricule gauche en soumettant des rats à
un stress émotionnel. Cette dernière hypothèse est séduisante d’autant qu’il existe des similitudes histologiques
sur les biopsies endomyocardiques de ces patients et les
lésions objectivées dans les cardiopathies catécholergiques (18). Le taux de catécholamines circulantes n’est
toutefois pas toujours élevé (3). Enfin, Ueyama a suggéré
que la baisse du taux d’œstrogènes pourrait expliquer la
prédominance de ce syndrome chez la femme âgée (19).
La physiopathologie de ce syndrome reste donc à
explorer, l’hypothèse d’un mécanisme plurifactoriel ne
pouvant être exclue.
V. CONCLUSION.
Le syndrome de ballonisation apicale transitoire du
ventricule gauche est une cardiomyopathie transitoire
induite par le stress dont le pronostic est toujours excellent
en l’absence de complication initiale. La survenue d’un
syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment
ST chez une femme âgée et dans un contexte de stress
intense doit faire évoquer le diagnostic et faire préférer une
coronarographie en urgence à une éventuelle fibrinolyse.
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VIENT DE PARAÎTRE
POUR UNE ÉTHIQUE DU MÉTIER DES ARMES
Vaincre la violence
Jean-René BACHELET
Avec le général BACHELET – il a commandé à Sarajevo en 1995, et a été le principal artisan d'une
réflexion sur l'exercice du métier des armes dans l'armée de Terre qui a abouti à un « code du
soldat » –, nous découvrons une armée qui ne veut laisser dans l'ombre aucune des questions qui
se posent au soldat dans ce XXIe siècle où l'affrontement armé prend des formes inédites. Mais
point de bavardage chez BACHELET. Un souci de tout explorer et de tout dire. Exercer le métier des
armes c'est être confronté à la violence, contraint, en dernière instance, de détruire et de tuer.
On ne peut donc éluder ni les déterminants politiques, ni les implications éthiques et
philosophiques. Ni celles liées directement aux modalités techniques de l'action. L'auteur nous livre
ainsi une sorte d'introspection magistrale de l'armée de Terre d'une nation démocratique qui place
au centre de ses principes les droits de l'homme, le respect et la dignité de l'Autre, et qui,
cependant, doit aussi être capable de faire un usage « efficient » de la force. Jusqu'à tuer cet Autre
dont on sait qu'il est un homme et non l'incarnation du Mal. Cela implique que l'armée soit au
service de l'autorité légitime – le pouvoir national – et qu'elle ait une double obsession. Être, d'une
part, une force efficiente et, d'autre part, maîtriser cette force, lui fixer des limites strictes. Pour des
raisons éthiques – afin de ne pas basculer dans la barbarie –, mais aussi parce qu'une « efficience
sans limites » est non seulement inutile mais de surcroît contre-productive.
Max GALLO
L’auteur : Jean-René BACHELET a effectué une carrière militaire complète dans l'armée de Terre
jusqu'aux plus hauts niveaux de responsabilités. En tant qu'officier général, il a exercé de multiples
commandements, dont celui du secteur de Sarajevo, en 1995.
ISBN : 2 7117 7297 8 – Format : 16x24 cm – Pages : 192 – Prix 19 € – Éditions Vuibert 12 rue des Cordelières, 75013 Paris –
Tél. : 01 44 08 49 00 – Fax : 01 44 08 49 29 – [email protected]
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Dossier « Cœur et Armées » : Divers
SYNDROME DU MARTEAU HYPOTHÉNAR CHEZ UN JEUNE
MILITAIRE
P.-L. MASSOURE, M. BEUSTES-STEFANELLI, E. DULAURENT, F. BIRE, J.-M. RIGOLLAUD,
P. SHMOOR, S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER
RÉSUMÉ
Le syndrome du marteau hypothénar est une cause rare
d’ischémie digitale le plus souvent secondaire à
l’occlusion embolique des artères digitales résultant de
traumatismes répétés de l’artère ulnaire au niveau de
l’arche palmaire. Nous rapportons le cas d’un jeune
militaire qui a eu une ischémie digitale secondaire à une
embolie à partir d’un anévrysme d’une branche de
l’artère ulnaire. Ceci était probablement en rapport avec
des traumatismes répétés de la paume de la main,
provoqués par son précédent emploi d’électricien. Le
diagnostic topographique, difficile à préciser avec
l’angiographie par résonance magnétique, a été facilité
par l’artériographie préopératoire. L’intervention a
consisté en une résection de l’anévrysme et suture
artérielle bord à bord sans séquelle à douze mois.
Mots-clés : Angiographie par résonance magnétique.
Maladie professionnelle. Personnel militaire. Syndrome
du marteau hypothénar.
I. INTRODUCTION.
Les manifestations ischémiques digitales des membres
supérieurs sont rares chez l’homme jeune. L’activité
professionnelle actuelle ou passée des personnels
militaires ou civils est susceptible de provoquer des
lésions par traumatismes répétés, en particulier des
traumatismes vasculaires. L’observation que nous
rapportons illustre les problèmes diagnostiques et
thérapeutiques rencontrés dans le syndrome du
marteau hypothénar.
II. CAS CLINIQUE.
Nous rapportons le cas d’un militaire, âgé de 22 ans,
droitier, caucasien, engagé depuis un an dans l’armée de
P.-L. MASSOURE, médecin principal, praticien confirmé. M. BEUSTESSTEFANELLI. E DULAURENT, médecin lieutenant. F. BIRE, médecin
en chef, praticien certifié. J.-M. RIGOLLAUD, médecin en chef, praticien
certifié. P. SCHMOOR, médecin en chef, praticien certifié. S. SKOPINSKI,
médecin principal, praticien certifié. J.-M. CHEVALIER, médecin chef des services,
praticien certifié.
Correspondance : P.-L. MASSOURE, Service de pathologies cardio-vasculaires,
HIA Robert Picqué, BP 28, 33998 Bordeaux Armées.
médecine et armées, 2006, 34, 4
ABSTRACT
HYPOTHENAR HAMMER SYNDROME IN A YOUNG
MILITARY.
Hypothenar hammer syndrome is a rare cause of finger
ischemia secondary to embolic occlusion of the digital
arteries as a result of repetitive trauma to the palmar
ulnar artery. We report the case of a young military
found to have digital embolic complications from an
ulnar artery aneurysm. This is thought to have developed
as a result of palmar trauma experienced during his
former job as an electrician. Precise topographic
diagnosis was difficult with Magnetic Resonance
Angiography whereas arteriography was useful before
surgery. Resection of the aneurysm and direct
anastomosis was performed with favourable outcome
within 12 month of follow up.
Keywords : Hypothenar hammer Syndrome. Magnetic
resonance angiography. Military personnel. Occupational disease.
(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 379-382)
Terre comme chauffeur de poids lourds, qui a consulté
en urgence pour une sensation « de doigt mort » au niveau
du majeur droit, apparue spontanément 48 heures
auparavant alors qu’il marchait en montagne.
Il a exercé le métier d’électricien pendant trois ans en
milieu civil avant de s’engager. Son tabagisme était estimé
à trois années tabac, avec consommation occasionnelle de
cannabis. Il n’ a jamais pratiqué d’activité sportive
particulière en dehors de son activité militaire. Il n’a pas
rapporté d’antécédent médical personnel ou familial.
Il a consulté en urgence pour une sensation « de doigt
mort » au niveau du troisième doigt de la main droite.
L’examen local a retrouvé une pâleur et une cyanose au
niveau de la 2e et 3e phalange du majeur droit avec une
hypoesthésie totale au niveau de ces deux phalanges sans
trouble trophique. Le doigt était froid. Il n’y avait pas de
lésion cutanée au niveau du doigt, de la main ou des deux
membres supérieurs. La manœuvre d’Allen était positive
à droite. Le diagnostic d’ischémie sub aiguë du 3e doigt de
la main droite a été porté.
L’examen clinique général et vasculaire était normal avec
perception de tous les pouls sans souffle. La recherche
d’une cardiopathie emboligène était négative (ECG,
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Holter ECG des 24 heures, échocardiographie trans
thoracique et trans œsophagienne). La recherche exhaustive d’une thrombophilie congénitale et acquise était
négative.
L’échographie Doppler des membres supérieurs était
normale au niveau brachial et antébrachial. Les
manœuvres positionnelles à la recherche d’un syndrome
de la traversée cervico-thoraco-brachiale étaient
négatives. L’échographie Doppler artériel des artères
palmaires a mis en évidence un anévrysme sur le réseau
de l’artère ulnaire mesurant environ 10 mm de grand axe
(f ig. 1). L’angiographie par résonance magnétique
(ARM) du membre supérieur droit a mis en évidence une
artère radiale et ulnaire droite de bon calibre mais il
existait une malformation anévrysmale de 8 x 6 mm au
dépend d’une branche artérielle siégeant au niveau
du carpe médian avec défaut de la vascularisation au
niveau de troisième doigt (fig. 2, relue par deux équipes
différentes). L’artériographie a redressé le diagnostic
topographique car l’anévrysme siégeait au niveau d’une
branche de l’artère ulnaire (f ig. 3). Il n’y avait pas
d’atteinte controlatérale.
Figure 1. Échographie bidimensionnelle des artères palmaires révélant la
présence d’un anévrysme de l’artère ulnaire droite.
Figure 3. Artériographie des membres supérieurs : anévrysme de l’artère
ulnaire droite.
L’ensemble des signes cliniques et radiologiques était
donc en faveur d’un syndrome du marteau hypothénar.
L’origine professionnelle était ici probable (ancien
électricien, microtraumatismes répétés au niveau du
poignet droit) même si la durée d’exposition était faible.
Le patient n’a pas décrit de traumatisme unique ou répété
dans son activité de loisir mais il est également possible
que le mécanisme causal soit ancien et soit passé inaperçu.
En un mois, l’anévrysme a augmenté de volume (11 x
9 mm) et le patient a développé un trouble trophique distal
(fissurations et ulcérations).
Le traitement médical initial a consisté en une anticoagulation par héparine de bas poids moléculaire à dose
curative et molécule vaso-active (buflomédil 400 mg/j
intraveineux). Un relais per os est était ensuite proposé ; il
associait aspirine (300 mg/jour) et vaso-actifs. Deux mois
plus tard, l’intervention chirurgicale a consisté en une
résection de l’anévrysme avec suture artérielle simple,
bord à bord, sans complication secondaire. L’analyse
histologique de l’anévrysme a mis en évidence une
fibrodysplasie de la paroi artérielle.
À six mois, les troubles trophiques étaient limités. Le
patient a été maintenu apte au service (classement S 3
temporaire) à l’exclusion de tout travail de manutention
potentiellement traumatique. À douze mois, il n’y avait
plus de séquelle trophique.
IV. DISCUSSION.
Figure 2. Angiographie par résonance magnétique du membre supérieur droit
mettant en évidence un anévrysme sur une branche médiane des artères du carpe.
380
Le syndrome du marteau hypothénar (SMH) se présente
comme une ischémie digitale unilatérale décrite
historiquement par Von Rosen en 1934 (1). Il est provoqué
par l’occlusion d’une artère digitale par embolisation à
partir de l’artère ulnaire palmaire et est associé à des
traumatismes répétés de la paume de la main.
Le substrat anatomique est déterminant. Le trajet superficiel de l’artère ulnaire rend ce vaisseau sensible aux
traumatismes mécaniques répétés. Il faut noter le rôle de
l’os crochu qui peut jouer le rôle « d’enclume » sur
laquelle l’artère est traumatisée. De nombreuses
p.-l. massoure
expositions professionnelles (mécanicien, charpentier,
électricien, mineur…) ou sportives (vélo tout terrain,
hockey, karaté, badminton, handball, baseball, gardien de
but, golf, tennis) sont rapportées (2-6). L’atteinte peut être
bilatérale. Cependant, ces activités professionnelles ou
sportives sont très répandues et il n’y a que très peu de cas
décrits. Les occlusions de l’artère ulnaire peuvent être
asymptomatiques ; Little et Ferguson ont dépisté par
manœuvre d’Allen et Doppler une occlusion de cette artère
chez 14 % des travailleurs manuels utilisant leur main
comme un marteau (7). Le facteur traumatique n’est donc
pas le seul en cause. Le plus souvent, une dysplasie
f ibromusculaire des artères ulnaires est retrouvée
comme pour notre patient. Sur le plan histologique, il s’agit
d’une hyperplasie intimale, d’une hyperplasie de la
média, parfois associée à une effraction de la limitante
élastique interne.
Sur le plan physiopathologique, l’ischémie peut être
provoquée soit par occlusion segmentaire de l’artère
ulnaire par un thrombus, soit par un spasme au niveau de
l’anévrysme, soit par embolie à partir d’un thrombus intra
anévrysmal. Vayssairat et al ont rapporté 17 cas de SMH
avec 10 occlusions de l’artère ulnaire et 7 anévrysmes de
l’artère ulnaire (6). Dans les plus larges séries, une
anomalie angiographique (sténose, ectasie vasculaire,
anévrysme) est toujours retrouvée chez les patients
symptomatiques (2, 6).
Les symptômes cliniques classiques sont l’intolérance au
froid au niveau des doigts, un phénomène de Raynaud, la
cyanose, une sensation de douleur ischémique comme
dans notre observation. La manœuvre d’Allen est le plus
souvent positive. L’examen du membre controlatéral
s’impose. La palpation d’une masse pulsatile sur le trajet de
l’artère ulnaire au niveau du carpe est possible. Des signes
neurologiques (paresthésies distales dans le territoire
ulnaire) induits par la compression au niveau de
l’anévrysme ont été décrits chez 3 patients sur 5 dans la
série de Duverger et al (8). Les troubles trophiques (ulcères,
fissurations) ne se développent que secondairement. Dans
les cas les plus graves, une gangrène digitale et des
rétractions ischémiques ont été décrites. Le syndrome du
canal carpien, le syndrome du canal de Guyon, et les
accidents emboliques systémiques sont les principaux
diagnostics différentiels. La recherche d’une thrombophilie congénitale ou acquise est en général négative (2).
Les examens d’imagerie sont déterminants tant sur le
plan étiologique que pré-thérapeutique. L’exploration
doit être bilatérale à la recherche d’une atteinte
controlatérale asymptomatique. L’échographie doppler
est l’examen de première intention mais ne saurait suffire
dans le cadre pré-thérapeutique. L’imagerie non invasive
est performante avec en particulier l’ARM qui permet
de décrire précisément les lésions, la vascularisation
collatérale et permet l’exploration dans le même temps du
membre controlatéral. Cependant, cet examen ne donne
pas d’information dynamique sur le flux artériel. Cet
examen est parfois limité par des problèmes de résolution
spatiale comme dans notre observation (9). Ces problèmes
sont probablement plus liés aux conditions d’acquisition,
syndrome du marteau hypothénar chez un jeune militaire
au choix des séquences, qu’aux limites intrinsèques de la
technique. L’angioscanner spiralé multi barrettes a des
performances équivalentes. Si l’angiographie sélective
bilatérale reste pour beaucoup l’examen pré-opératoire
de référence, elle peut être prise en défaut lorsque
l’anévrysme est thrombosé, éventualité non rare.
L’avantage de l’ARM et de l’angioscanner est de
permettre la mise en évidence de l’anévrysme même s’il
est thrombosé et d’en préciser les rapports anatomiques.
Ces examens tendent à devenir les examens de référence.
Chez les patients symptomatiques, le traitement
chirurgical est indiqué dans les formes anévrysmales. Les
interventions les plus fréquentes sont la résection de
l’anévrysme et l’anastomose bord à bord comme pour
notre patient, ou la résection avec interposition d’un
greffon veineux saphène. L’utilisation d’un greffon
artériel (épigastrique inférieur) a été récemment proposée
(10). Dans les formes non anévrysmales (thrombotique
isolée), le traitement est en général conservateur. Le
traitement médical n’est pas clairement codif ié et
repose sur les antalgiques, les traitements dermatologiques locaux, les antiagrégants et éventuellement
l’ilomédine associée aux anticoagulants. La fibrinolyse
in-situ (urokinase ou rt-PA) est indiquée dans les cas
d’ischémie aiguë sévère avec gangrène. Des perfusions
d’antagonistes calciques (diltiazem) sont parfois
proposées ainsi que l’hémodilution (2, 6, 10).
L’arrêt du tabac et le reclassement professionnel
s’imposent (6).
Une déclaration comme maladie professionnelle doit
être réalisée si l’activité en cause est en lien avec une
profession exercée dans la vie civile (tableau n° 69 des
maladies professionnelles). Cependant, une durée
d’exposition de cinq ans est requise pour pouvoir déclarer
le SMH comme maladie professionnelle, ce qui n’était
pas le cas de notre patient.
Pour notre patient, la survenue de cette ischémie est
survenue hors service et son emploi dans l’armée ne
prédispose pas à cette pathologie. La poursuite des
activités militaires est possible mais dans un emploi qui
ne peut en aucun cas entraîner une récidive homo ou
controlatérale puisqu’il existe probablement un terrain
favorisant (dégénérescence fibromusculaire de la paroi
artérielle). Selon l’instruction déterminant l’aptitude
médicale à servir dans les forces françaises, les lésions
artérielles mécaniques sont classées S, I, G 2 à 6, les
anévrysmes et embolies (artères périphériques) S, I, G 4 à
6 (11). Le syndrome du marteau hypothénar, pathologie
artérielle traumatique pouvant entraîner une déformation
artérielle anévrysmale et des embolies digitales ne
fait l’objet d’aucun classement spécifique. La détermination de l’aptitude est à moduler en fonction de la sévérité
de l’atteinte, de la gène entraînée et du traitement
entrepris. La correction chirurgicale et le reclassement
professionnel ont été considérés comme des facteurs de
bon pronostic pour notre patient, justifiant le maintien de
son aptitude à servir.
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V. CONCLUSION.
Ce cas typique d’ischémie digitale par syndrome
du marteau hytpothénar est original par la faible
durée d’exposition professionnelle, et par la difficulté
du diagnostic topographique en ARM, diagnostic
redressé ici par l’artériographie préopératoire.
Cependant, l’ARM et l’angioscanner, examens non
invasifs, tendent à devenir les examens de référence. Le
traitement chirurgical est habituel devant un anévrysme
ulnaire et le reclassement professionnel s’impose dans
la mesure de sa compatibilité avec l’aptitude à servir
lorsqu’il s’agit d’un militaire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Von Rosen S. Ein fall von thrombose in der arteria nach einwirkung
von stumpfer gewalt. Acta Chir Scand 1934 ; 73 : 500-6.
2. Ferris BL, Taylor LM, Oyama K, Mc Lafferty RB, Edwards JM,
Moneta GL et al. Hypothenar hammer syndrome : proposed
etiology. J Vasc Surg 2000 ; 31 : 104-13.
3. Kreitner KF, Duber C, Muller LP, Degreif J. Hypothenar hammer
syndrome caused by recreational sports activities and muscle
anomaly in the wrist. Cardiovasc Interv Radiol 1996 ; 19 : 356-9.
4. Applegate K, Spiegel P. Ulnar artery occlusion in mountain bikers.
J Sport Med Phys Fitness 1995 ; 35 : 232-4.
5. De Monaco D, Fritsche E, Rigoni G, Schlunke S, Von Wartburg
U. Hypothenar hammer syndrome : retrospective study of nine
cases. J Hand Surg 1999 ; 24 : 731-4.
6. Vayssairat M, Debure C, Cormier J, Bruneval P, Laurian C, Juillet
Y. Hypothenar hammer syndrome : seventeen cases with longterm-follow-up. J Vasc Surg 1987 ; 5 : 838-43.
7. Little JM, Fergusson DA. The incidence of the hypothenar
hammer syndrome. Arch Surg 1972 ; 105 : 684-5.
8. Duverger V, Meyrat L, Singland JD, Bonnet S, Bauer B, Vergos
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cinq cas. e-mémoire de l’Académie nationale de chirurgie 2004 ; 3
(2) : 51-5.
9. Winterer JT, Ghanem N, Roth M, Schaefer O, Lehnhardt S, Thurl
C et al. Diagnosis of the hypothenar hammer syndrome by highresolution contrast-enhanced MR angiography. Eur Radiol 2002 ;
12 : 2 457-62.
10. Smith HE, Dirks M, Patterson R. Hypothenar hammer syndrome :
digital ulnar artery reconstruction with autologous inferior
epigastric artery. J Vasc Surg 2004 ; 40 : 1 238-42.
11. Ministère de la Défense. Instruction N° 2100/DEF/DCSSA/
AST/AME du 1er octobre 2003 modifiée le 18 novembre 2004.
BOC N° 50 du 6 décembre 2004 : p. 6416.
VIENT DE PARAÎTRE
LE COMITÉ D'EXPERTS DE L'OMS
SUR LA NORMALISATION BIOLOGIQUE
Ce rapport présente les recommandations d'un comité d'experts de l'OMS chargé de coordonner des
activités amenant à adopter des exigences internationales pour la production et le contrôle des vaccins et d'autres
produits biologiques et à établir des produits biologiques de référence sur le plan international.
Le rapport commence par une discussion de sujets généraux portés à l'attention du comité et fournit des informations
sur l'état et le développement de produits de référence pour différents anticorps, antigènes, produits et dérivés
sanguins, cytokines, facteurs de croissance et substances endocrinologiques.
La deuxième partie du rapport, relevant plus particulièrement des fabricants et des autorités législatives nationales,
contient des recommandations pour la production et le contrôle de qualité des vaccins conjugués antiméningococcique du groupe C, des indications sur les exigences réglementaires en matière d'évaluation clinique des
vaccins, des indications pour la production et le contrôle de la qualité du vaccin oral inactivé contre le choléra, et des
indications sur les procédures d'inactivation et de suppression virales destinées à assurer la sécurité virale des
produits dérivés du plasma humain.
ISBN : 92 4 120924 0 – 232 pages (en langue anglaise) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland – Tél. : +41 22 791 24 76 –
Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected]
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p.-l. massoure
VIENT DE PARAÎTRE
SCIENCE EXPÉRIMENTALE ET CONNAISSANCE DU VIVANT
La méthode et les concepts
Pierre VIGNAIS, Paulette VIGNAIS
Ce livre présente l'importance de l'expérimentation, à travers l'histoire jusqu'aux limites que la
méthode expérimentale semble connaître aujourd'hui.
L'ouvrage permet de comprendre comment les nouveaux instruments, les nouvelles techniques, les
découvertes ont engendré des concepts générateurs d'idées qui, une fois testés, ont permis la
mise en œuvre de la méthode expérimentale. L'analyse est prolongée jusqu'aux limites que la
méthode expérimentale semble rencontrer aujourd'hui (au sens biologique, philosophique,
sociologique) face à la complexité du vivant. Le lecteur se trouve ainsi placé face aux questions
concernant sa propre identité biologique et l'évolution dans le futur de la science et de la société.
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Avec précision et une grande honnêteté intellectuelle, Pierre VIGNAIS propose un travail de mémoire
dont chacun peut avoir besoin, une aide à la compréhension historique, une mise au point sur la
méthode expérimentale qui a amené la notion de modèles (biologiques, intellectuels).
L'ouvrage concerne les biologistes, les médecins, pharmaciens, scientifiques concernés par les
sciences du vivant, mais aussi les historiens et philosophes, comme tous les citoyens cultivés
soucieux de comprendre les mutations de la science et de la société.
Pierre VIGNAIS est professeur honoraire de Biochimie de la Faculté de médecine de Grenoble
(Université Joseph F OURIER ). Ses travaux dans les domaines de la biologie cellulaire et des
interactions hôtes- pathogènes (plus de 200 publications) font autorité et lui valurent la médaille
d'argent du CNRS et le Grand Prix de l'Académie des Sciences. Il est l'auteur de l'ouvrage « La
biologie des origines à nos jours » (Grenoble Sciences, EDP Sciences).
Paulette VIGNAIS est Directeur de Recherche au CNRS, Laboratoire de Biochimie et Biophysique
des Systèmes Intégrés (CEA Grenoble, Direction des Sciences du Vivant). Elle est une spécialiste
reconnue des systèmes de réponse adaptative bactérienne et de l'expression des facteurs de
virulence.
ISBN : 2 86883 897 9 – Pages : 432 pages – Prix : 45 € – EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, Parc d'activités de Courtabœuf
- BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A. – Contact Presse : Élise CHATELAIN – Tél. : 01 69 18 69 87 – [email protected]
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RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS
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L'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un
travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical,
pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…).
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A) SECTION.
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seuls les deux extrêmes sont présentés, séparés par un trait d'union;
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LES RÉFÉRENCES
Les références comportent obligatoirement, dans l'ordre suivant:
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suivis des initiales des prénoms en majuscules accentuées séparés par une virgule, le
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À propos d'un article extrait de revue:
– nom de la revue suivi de l'année de parution, puis d'un point virgule;
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– ville de l'éditeur puis deux points;
– éditeur suivi d'un point virgule;
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À propos d'un chapitre extrait d'un livre:
– titre du chapitre et point;
– puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurs
suivis de « ed » ou « eds » et d'un point;
– titre du livre et point;
– ville de l'éditeur puis deux points;
– maison d'édition et virgule;
– année d'édition et deux points;
– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,
séparés par un trait d'union et point final.
À propos d'une thèse:
– ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule;
– année de la thèse et nombre de pages et point final.
COMITÉ DE LECTURE
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Les manuscrits originaux ne doivent avoir fait l'objet d'aucune publication antérieure,
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articles ou reproduites dans les analyses, n'engagent que leurs auteurs, notamment
pour les médicaments. Les règles concernant l'exercice du droit d'expression dans les
armées doivent être observées, particulièrement lorsqu'il s'agit d'informations
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1957 modifiée, relative à la propriété littéraire et artistique, s'impose.
Toute correspondance doit être adressée à : M. le rédacteur en chef, secrétariat « Médecine et Armées »
1, place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 05 – Tél. : 01 40 51 47 44 – Fax : 01 40 51 51 76 – Email : [email protected]
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Revue du Service de santé des armées
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Médecine & Armées ■ TOME 34 - N°4 - Octobre 2006 ■
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e numéro de Médecine et Armées, entièrement consacré à
la pathologie cardio-vasculaire s’adresse de façon égale aux
médecins généralistes et spécialistes. Du stress lors du saut en
parachute à l’insuffisance cardiaque en milieu tropical, les auteurs
abordent l’ensemble des grands thèmes de la cardiologie moderne,
avec chaque fois que cela a été possible l’analyse du retentissement
sur l’aptitude au service.
SGA/SMG Impressions
N°4 TOME 34
ISSN 0300-4937
N°4 Octobre 2006