La casse fait partie du jeu - Haut-Rhin
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La casse fait partie du jeu - Haut-Rhin
Q 2 ZOOM P Q VENDREDI 27 MAI 2016 SOCIAL Couacs au gouvernement, syndicats divisés, mobilisation intacte Confusion à tous les étages L’article 2 de la loi El Khomri divise jusqu’au sein du gouvernement où l’on a pu voir hier le Premier ministre et le ministre des Finances se contredire par déclarations télévisées, à quelques minutes d’intervalle. François Hollande a donné raison à Manuel Valls… pour l’instant. L e ministre des Finances qui est contredit par le Premier ministre. La CGT qui exige le retrait pur et simple de la loi El Khomri, retrait que la CFDT, au contraire, estimerait « inacceptable ». Des stations-services à sec le mercredi, mais réapprovisonnées le jeudi. Et inversement dans la ville d’à-côté… Voilà trois mois que le conflit est ouvert entre ceux qui veulent une réforme du droit du travail et ceux qui s’arcboutent sur la réglementation en vigueur. Et de semaine en semaine, le bras de fer devient de plus en plus confus. ne touchera pas à l’article 2. » Stupéfiante danse à trois temps (c’est une valse). À laquelle François Hollande, depuis le Japon, a mis un terme provisoire : « Ce qu’a dit Valls est ce qu’il fallait dire. » Point final ? Non, sans doute, car à l’Élysée, même les sons de cloche ont beaucoup varié cette semaine. Un jour apaisants, un autre jour plus fermes. Et Michel Sapin est un très proche du chef de l’État. Valls-Martinez, le défi Un texte qui bouge Confusion sur le contenu du texte : celui qui a été adopté sans vote grâce au 49-3 diffère grandement de la première mouture qui avait mis le feu aux poudres en février. La CFDT était opposée au projet initial. Elle est désormais l’un des plus fervents partisans de la loi. Et tout le monde évoque de « nouvelles améliorations » d’ici la deuxième lecture à l’Assemblée. Mais sans toucher à la philosophie. Comme dit Michel Sapin, « il faut travailler en finesse ». Quitte à ne plus rien y comprendre ? Manuel Valls face à Michel Sapin (à gauche), Emmanuel Macron, Ségolène Royal et Emmanuelle Cosse (en haut). Raccourci d’une semaine où le Premier ministre s’est trouvé plutôt seul à monter au front pour sauver la loi El Khomri. PHOTO AFP Une gauche déchirée Confusion à gauche : Martine Aubry, farouchement opposée à la loi Travail, n’a pas osé armer le bras des frondeurs au moment de déposer une motion de censure. Les deux gauches qui s’affrontent depuis l’arrivée de Manuel Valls à Matignon sont irréconciliables, mais préfèrent la cohabitation chaotique au divorce. Confusion au sein du gouver- personnes ont été interpellées hier dans l’Hexagone, selon la place Beauvau. Des incidents ont notamment éclaté dans la capitale où des manifestants cagoulés ont brisé des vitrines, dégradé des véhicules ou lancé des projectiles. À Caen, une vidéo d’un policier frappant un manifestant a par ailleurs suscité une nouvelle polémique. 77 nement et à la tête de la majorité : toute la semaine, on a entendu les déclarations les plus contradictoires. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, a été recadré par Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, quand il a évoqué la refonte de l’article 2 qui inverse la hiérarchie du droit du travail. Hier, on est monté d’un cran dans la cacophonie. Cacophonie gouvernementale Sur BFMTV, Manuel Valls s’est redit prêt à retoucher le texte, mais sans dénaturer l’article 2. Sur LCP, son ministre des Finances, Michel Sapin, assurait quelques minutes plus tard qu’il fallait « peut-être » toucher à l’article 2. Réplique immédiate de Manuel Valls : « On Dans la rue, la huitième journée d’action a été dans la lignée des précédentes : ni razde -marée ni baisse de la mobilisation (300 000 manifestants selon la CGT, 153 000 selon le gouvernement), toujours des violences. Par-dessus la cacophonie ambiante, deux hommes se défient de plus en plus ouvertement. D’un côté Manuel Valls qui a lancé : « Comment, je n’ai plus d’autorité ? Ce n’est pas parce que la CGT veut bloquer le pays que je vais partir, que je vais plier. » En face, le patron de la CGT, Philippe Martinez, se pose en leader de l’opposition. Ce sont, finalement, les deux hommes les plus résolus, les seuls qui campent sur leur position depuis le début de la confrontation. PATRICK FLUCKIGER R PHILIPPE MARTINEZ : « HOLLANDE N’A PLUS LA MAJORITÉ » L’imposant service d’ordre de la CGT et de Force Ouvrière à la manifestation de Paris rendait la tête du cortège quasi inaccessible, hier. Le cafouillage au gouvernement n’a pas échappé aux leaders syndicaux. Ainsi, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, s’étonnait : « Quelle est aujourd’hui la position du gouvernement ? Est-ce que c’est celle de Manuel Valls, de Michel Sapin, de Bruno Le Roux ? Cela nous met dans l’embarras pour savoir à qui s’adresser »… Pour le secrétaire général de la CGT devenu la bête noire du gouvernement, « la mobilisation s’amplifie, les Français sont derrière nous pour rejeter cette loi Travail qui diminue la protection des salariés. Ils répondent par la mobilisation à Manuel Valls et au président. Le président Hollande n’a plus la majorité ». Philippe Martinez devait hier soir faire un point avec les différentes fédérations et unions régionales ainsi qu’avec les autres syndicats. Objectif : amplifier la suite du mouvement. Il peut compter sur Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO à ses côtés dans le cortège parisien : « FO n’acceptera jamais, je dis bien jamais, l’inversion de la hiérarchie des normes contenue dans l’article 2 de la loi ». Cet article donne la primauté aux accords d’entreprise dans l’aménagement du temps de travail, une ligne rouge pour les syndicats qui redoutent le dumping social. ET AUSSI Un blessé grave à Fos-sur-Mer Q Un manifestant contre la loi Travail a été « sérieusement blessé », hier à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), après avoir été heurté par une voiture qui a forcé un barrage installé à un carrefour, à l’appel de la CGT. La victime, âgée de 51 ans, a été héliportée vers un hôpital voisin. Le chauffeur du véhicule en cause, âgé de 25 ans, a pris la fuite avant de se rendre au commissariat de Martigues où il a été placé en garde à vue. Accident à Cherbourg : un syndicaliste tué Q Un syndicaliste CGT, maire Front de gauche d’une petite commune de la Manche, a été tué hier à Cherbourg, et un autre a été grièvement blessé dans un accident de la route, devant un site fermé pour grève. Les deux hommes se trouvaient à moto lorsqu’ils ont été « percutés par une voiture qui faisait demi-tour devant une déchetterie » fermée pour grève. « Il s’agit d’un accident de la route, qui n’est pas directement lié » aux manifestations d’hier contre la loi Travail, même si les deux victimes « ont participé » à ces manifestations en cours, a indiqué la procureure de la République. Jean Lassalle soutient la CGT à l’Assemblée Q Le député centriste Jean Lassalle, candidat à la présidentielle, a rendu hier « hommage à la CGT pour l’action qu’elle conduit » contre le projet de loi Travail dans l’hémicycle de l’Assemblée. Le député, qui avait signé la motion de censure « de gauche » qui n’a pas été déposée à deux voix près, a aussi tiré un coup de chapeau au gouvernement : « Vous avez tant de difficultés à essayer d’assumer une politique qui est difficile - certainement pas celle qu’il faut, du reste, je le pense mais au moins avez-vous le courage et le mérite de la proposer ». « La casse fait partie du jeu » Q Entre 153 000 et 300 000 manifestants hier Les cortèges contre la loi Travail - ici au Havre - ont réuni hier au moins 153 000 manifestants selon la police, 300 000 selon la CGT. Une mobilisation toujours tendue dans certaines villes, et stable en terme d’affluence par rapport à la semaine dernière. PHOTO AFP Q Les centrales nucléaires toujours bloquées Si le ministère de l’Intérieur s’est félicité hier d’avoir débloqué au total 14 dépôts pétroliers sans incident, plusieurs sites en tous genres étaient toujours paralysés : les 19 centrales nucléaires comme ici au Tricastin, six raffineries sur huit, de nouveaux dépôts de carburants comme en Corse, plusieurs ports comme Brest ou Lorient, ou des sites industriels comme l’usine de sous-marins nucléaires de DCNS à Cherbourg ou celle de PSA à Valenciennes. AFP Renaud s’était « invité » hier dans les haut-parleurs des convois cégétistes à Paris, pour lancer le cortège de Bastille à Nation. Mais c’est le Renaud de 1975 avec Hexagone, pas celui de 2016 qui, sur son dernier titre, « embrasse les flics ». Hier, le slogan était plutôt parmi certains « J’ai embrasé un flic ». Depuis le début des manifestations contre la loi Travail, les forces de l’ordre ont plus pris des pavés, des crachats, des insultes que des embrassades. Accusées de violences gratuites, comme sur ce tract du syndicat Infocom’ de la confédération. Montrées du doigt pour attenter au droit de grève et de manifester. Au bout de quelques dizaines de minutes de défilé, la tension est montée lorsque les gendarmes mobiles ont tenté d’isoler quelques radicaux, casseurs supposés, ayant intégré le cortège. Gaz lacrymogène, quelques coups de matraque. « Libérez nos camarades », ont scandé les plus jeunes et virulents manifestants équipés de lunettes et de foulards. Des coups sont échangés. « On se croirait reve- Place de la Nation, hier à Paris nu au temps de Pinochet », a dénoncé une militante CGT d’origine argentine d’une soixantaine d’années, quand un sympathisant FO a déploré, lui, « les cafards de casseurs qui viennent parasiter le mouvement social ». « Le ras-le-bol général progresse » Le service d’ordre de la CGT, plusieurs centaines d’hommes, PHOTO XF s’est fait discret, préférant rester au contact des officiels. Sur la place de la Nation, le dispositif des forces de l’ordre impressionnait : plusieurs centaines d’hommes lourdement équipés. « Tout le monde déteste la police », ont entonné, provocateurs, les plus énervés. Julien, 41 ans, employé à la Sécu, s’est extirpé des échauffourées, les yeux rougis. « On veut aller à la grève générale, je suis prêt à faire un gros sacrifice financier… On sent que le ras-le-bol général progresse », a-t-il soufflé. « La casse, ça arrive de temps en temps, ça fait partie du jeu ». Le cortège s’est disloqué de facto alors que des groupuscules antifascistes et anti-capitalistes, en première ligne, s’échauffaient avec les militaires. Bettina, employée d’Air France, est restée en retrait, mais elle a manifesté pour la huitième fois contre la loi El Khomri. « On est très mobilisés, on ira jusqu’au bout », a-t-elle glissé entre deux mouvements de foule. « Ces groupes d’extrême gauche ont envie d’en découdre, ça nuit un peu au mouvement. On n’est pas d’accord avec eux. Moi, je suis pacifique, mais on finit par être habitués. Le gouvernement, lui, va profiter de ça ! ». Le jeu du chat et de la souris a duré deux heures à Nation, mais sans incident majeur : quelques blessés légers chez les manifestants, une quinzaine d’arrestations musclées, une ou deux boutiques cassées, un abribus tagué et un panneau brisé. XAVIER FRERE R TTE-LII 01