Sorcellerie et déplacement

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Sorcellerie et déplacement
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UNHCR
RMF31
Sorcellerie et
déplacement
Jeff Crisp
Le lien entre les déplacements de populations et les accusations de
sorcellerie est loin d’être nouveau et ignoré.
A la fin du XVIIe siècle, par exemple,
les procès en sorcellerie de Salem,
qui menèrent à de nombreuses
condamnations et exécutions,
affectèrent une région de la NouvelleAngleterre sérieusement touchée par
la violence et la migration forcée.
proférées contre certaines personnes
revenues, accusées d’implanter le virus
VIH ou le sida dans leur communauté.
En Angola, l’équipe a rencontré une
ONG qui s’est vue obligée d’établir une
« maison sûre » pour protéger certaines
femmes âgées accusées de sorcellerie.
D’après un auteur spécialiste du sujet,
« le port de Salem, dans le comté
d’Essex, était située en bordure d’une
zone de conflit. Le comté avait accueilli
des centaines de réfugiés du nord et
de l’ouest, effrayés par les attaques
françaises et amérindiennes sur leurs
villages. Tous ces nouveaux habitants
s’étaient répandus par-delà le bourg
de Salem, y compris la communauté
agricole de Salem Village à l’ouest. »
Alarmé par de tels indices, le Service
d’Evaluation et d’Elaboration de
la Politique Générale (PDES) a
promptement réagi et fait dresser
un rapide état des lieux de ce que
l’on sait à l’heure actuelle sur la
protection des réfugiés contre les
accusations de sorcellerie. Il en a
tiré les conclusions suivantes :
Quelque 300 ans plus tard, en octobre
2007, l’UNHCR publie un communiqué
qui démontre que le phénomène des
accusations en sorcellerie est encore et
toujours connecté aux déplacements de
population. Intitulé « Des accusations
de sorcellerie s’abattent sur les camps
tchadiens », ce texte affirme que:
« suite à la maladie puis au décès de
11 personnes dans la même semaine
au camp de réfugiés de Dosseye dans
le sud du pays, des accusations de
sorcellerie ont commencé à circuler
parmi les membres de la communauté,
donnant lieu à des attaques et à des
incendies criminels ». A une occasion,
continue le texte, « Adjara, veuve et
mère de huit enfants vivant dans le
camp, fut accusée par quinze personnes
d’avoir jeté un sort à trois frères et
sœurs morts en l’espace d’une heure ».
D’après de récentes missions d’évaluation
envoyées en Angola et au Sud-Soudan,
de telles accusations peuvent créer un
important problème d’injustice sexuelle,
et donc nécessiter une protection
particulière de certaines femmes dans
le contexte du retour des réfugiés.
Au Soudan par exemple, l’équipe
d’évaluation a relevé des accusations
tensions qui handicapent le processus
d’intégration ou de réintégration.
Par conséquent, les accusations en
sorcellerie contrecarrent l’objectif
primaire de l’UNHCR, qui est
de créer « un environnement
favorable à la protection ».
■■ Il semble que les accusations
de sorcellerie soient de plus en
plus souvent mentionnées pour
justifier des demandes d’asile
auprès de pays industrialisés. De
plus, et cela est plus troublant, le
nombre des abus d’enfants liés
à des accusations de sorcellerie
prononcées contre des demandeurs
d’asile jeunes est en augmentation.
1. Dans les populations réfugiées,
déplacées ou revenues, les accusations
de sorcellerie sont monnaie courante.
■■ Des indices tendent à prouver que
certains réfugiés et demandeurs d’asile
n’ont pas accès aux services de santé
qui devraient leur revenir lorsqu’ils
attribuent leur maladie à la sorcellerie.
2. Ces accusations touchent tout
5. Nous ne connaissons pas tous
particulièrement les femmes, les
enfants et les personnes âgées,
quoique certaines accusations aient été
relevées envers des hommes adultes.
3. Certaines de ces accusations sont
parfois prises en main par la justice
officielle, mais en général, elles sont
plus souvent associées à des formes
arbitraires de « justice » et de punition.
4. Les accusations en sorcellerie
ont plusieurs effets sur la protection
des personnes déplacées :
■■ Les réfugiés, IDPs et demandeurs
d’asile qui sont accusés de
sorcellerie se voient souvent en
butte à de sérieuses menaces
contre leur santé physique et
mentale, et contre leurs biens.
■■ Lorsque des populations locales
ou des populations hôtes profèrent
des accusations de sorcellerie
contre des réfugiés, des IDPs ou des
personnes revenues qui intègrent ou
réintègrent leur communauté, il en
résulte entre les deux groupes des
les tenants et aboutissants de cette
situation. On trouve ça et là des
éléments qui mentionnent des
accusations de sorcellerie dans
la documentation de l’UNHCR,
mais ce phénomène n’a pas encore
fait l’objet d’un examen et d’une
action concertés de la part de la
communauté internationale.
Sur la base de ces conclusions, le Service
d’Evaluation et d’Elaboration de la
Politique Générale de l’UNHCR (PDES)
se propose de mettre en œuvre une
analyse globale de la documentation et
des textes sur ce sujet, pour s’efforcer
de mieux comprendre le problème, de
mieux cerner son amplitude et de mieux
évaluer ses implications. Toute personne
désireuse de contribuer à cette initiative
est invitée à contacter [email protected]
Jeff Crisp ([email protected]) dirige le
Service d’Evaluation et d’Elaboration
de la Politique Générale de
l’UNHCR (www.unhcr.org/pdes)
1. Peter Charles Hoffer, „Salem Witch Trials“, www.
mrellingson.com/Puritan%20PDF’s/Salem%20Witch%20
Trials%20Cotton%20Mathers.pdf