Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle
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Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle
Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle* 1. L’histoire de la linguistique générale considère elle aussi le XXe siècle comme une époque à part. En effet, ce siècle commence par l’activité de Saussure, son initiative d’idées fondamentalement différentes ; les tendances postérieures ont, pour la plupart, fait avancer ses idées (par exemple les structuralistes) ou bien se sont créées contre celles-ci (par exemple l’approche cognitive). En Hongrie, on peut diviser ainsi l’époque qui va de 1918 jusqu’à nos jours : a/ L’entre-deux-guerres. – La linguistique a alors connu une situation matérielle difficile. Maints travaux sont restés inachevés, les périodiques étaient publiés tronqués ou ne paraissaient plus du tout. Pourtant, des savants éminents ont produit des ouvrages, et, en fait, c’est à cette époque que s’est profilée l’école dite de Budapest. b/ De la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à la fin des années soixante environ. – Au fond, les recherches linguistiques ont été menées dans bien des directions et à l’Institut d’Études linguistiques de l’Académie des Sciences de Hongrie et dans les universités, dans les écoles supérieures. Cependant, pour des raisons politiques, les nouvelles tendances occidentales n’ont pas pu se faire connaître. c/ Depuis les années soixante jusqu’à nos jours. – Les différentes tendances (par exemple le structuralisme, la grammaire générative, etc.) affluent en Hongrie, lentement à partir du début des années soixante-dix, puis, surtout après 1989, sans difficulté. Le côté théorique est plus fortement accentué, de nouvelles disciplines se développent, c’est la multiplicité des aspects qui caractérise désormais notre linguistique. Et voyons maintenant chacune des périodes en détail. 2. L’entre-deux-guerres Faute de moyens matériels, aucun centre scientifique n’a pu se créer : on n’a donc pas mené de recherche collective. Œuvre sans pareille du point de vue quantitatif et qualitatif, le dictionnaire étymologique hongrois de Zoltán Gombocz et de János Melich est resté inachevé. Tout comme l’unique projet de synthèse de grande envergure de l’époque : Le Manuel de la Linguistique hongroise, qui se proposait de faire, en 27 unités (monographies, amples études) écrites par les meilleurs linguistes de l’époque, la synthèse des résultats des disciplines linguistiques jusqu’alors acquis. Toutefois, seul un tiers des volumes a été publié. Les linguistes continuant néanmoins leur activité, le travail scientifique est resté à un très haut niveau. À preuve : c’est à cette époque que s’est profilée l’école dite de Budapest, reconnue également à l’étranger. Parmi ses représentants, on trouve János Melich, Zoltán Gombocz, Gedeon Mészöly, Dezső Pais, Géza Bárczi, István Kniezsa et d’autres. Quant à leur méthode, ce groupe de savants s’est efforcé d’éliminer les outrances, les rigidités de l’école néogrammairienne, les étroitesses de vue du positivisme et a développé en revanche un certain réalisme linguistique : se basant en premier lieu sur les données, mais cherchant l’équilibre entre * Extrait d’une étude Revue d’Études Françaises ¾ No 6 (2001) les faits et la théorie, le groupe s’est également appuyé sur l’imagination linguistique bien fondée. C’est dans l’histoire de la langue que ces vingt-cinq années ont produit le plus. Dynamique et bien formé dans les nouvelles idées de l’époque, Zoltán Gombocz s’est occupé de presque toutes les branches de l’histoire de la langue (phonétique, morphologie, sémantique, etc.) Dès 1925, ses conférences, polycopiées, sont passées de main en main, puis ont été imprimées – en partie après son décès : Nyelvtörténeti módszertan [Méthodologie de l’histoire de la langue] (1922), A magyar történeti nyelvtan vázlata [Esquisse de la grammaire hongroise historique] II Hangtan, hangtörténet [Phonétique, phonétique historique], III Alaktan [Morphologie] (1925), IV Jelentéstan [Sémantique] (1926), Syntaxis [Syntaxe] (1951), etc. L’ouvrage intitulé Magyar történeti mondattan [Syntaxe hongroise historique] (1928-1942) d’Antal Klemm a été une synthèse importante et particulière. Autres ouvrages importants à citer : Antal Horger, A magyar igeragozás története [L’histoire de la conjugaison hongroise] (1931), Gedeon Mészöly, A Halotti Beszéd tárgyas elbeszélő múlt alakjai [Les formes du passé simple transitif dans l’Oraison funèbre] (1931) et Nyelvtörténeti fejtegetések a Halotti Beszéd alapján [Analyses linguistiques à propos de l’Oraison funèbre] (1942). Dans le domaine de l’étymologie, outre de nombreuses études et maints articles étymologiques, on a publié Magyar szófejtő szótár [Dictionnaire étymologique hongrois] (1941) de Géza Bárczi, dictionnaire souvent consulté. L’onomastique a connu une période de prospérité : dans la recherche des noms géographiques, l’ouvrage de János Melich intitulé A honfoglaláskori Magyarország [La Hongrie à l’époque de la conquête du pays] (1925-1929) est un ouvrage de haute importance, tout comme l’étude de Dezső Pais intitulée Régi személyneveink jelentéstana [Sémantique de nos anciens anthroponymes] (1921-1922) dans l’anthroponymie. István Kniezsa a continué l’examen historique des noms géographiques dans plusieurs de ses études (par exemple Erdély víznevei [Les noms des eaux en Transylvanie], 1942 ; Kelet-Magyarország helynevei [Les toponymes de la Hongrie de l’Est], 1944), et des études fondamentales (par exemple Kalotaszeg helynevei [Toponymes de Kalotaszeg], 1942) ont été écrites par Attila T. Szabó à Kolozsvár (aujourd’hui Cluj). Les recherches de caractère descriptif se sont réduites à un domaine étroit. Dans le domaine de la phonétique seul sont parues trois synthèses : l’ouvrage Magyar fonetika [Phonétique hongroise] de Gombocz (1925), l’œuvre intitulée Általános fonetika különös tekintettel a magyar nyelvre [Phonétique générale, en particulier à la lumière du hongrois] (1929) et l’ouvrage de Gyula Laziczius, son ouvrage le plus volumineux dans ce domaine jusqu’à cette date, intitulé Fonetika [Phonétique] (1944). C’est la recherche dialectologique qui s’est développée avant tout, en premier lieu grâce à Bálint Csűry. En 1935-36, à partir d’un matériel collecté par lui-même et en utilisant une excellente méthode, il a publié les deux volumes de son dictionnaire de dialecte régional : Szamosháti szótár [Dictionnaire de Szamoshát], puis, en tant que professeur de l’Université de Debrecen, il a organisé l’Institut des Recherches de la Langue populaire et a lancé l’annuaire intitulé Magyar Népnyelv [Langue populaire hongroise]. Sous l’influence de Csűry et de ses disciplines, on a commencé à recueillir et à étudier les dialectes partout dans le pays. En outre, on a publié l’ouvrage de Horger intitulé A magyar nyelvjárások 162 ISTVÁN SZATHMÁRI : Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle [Les dialectes hongrois] (1934) et l’œuvre du même titre de Laziczius, basée sur les particularités phonologiques (1936). Cette période n’a pas négligé la linguistique générale non plus, en premier lieu grâce à l’intérêt qu’y ont porté Gombocz et Laziczius. L’œuvre de Gombocz en la matière a déjà été mentionnée : Nyelvtörténeti módszertan [Méthodologie de l’histoire de la langue] ; celle de Laziczius s’intitule Általános nyelvészet [Linguistique générale] (1942). Cette dernière reflète aussi l’influence de Saussure et de l’École de Prague. 3. De la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à la fin des années soixante environ : Dans ce quart de siècle, notre linguistique a d’une part amorti ses dettes envers le passé par un travail collectif, et de l’autre, a continué à se développer en sauvegardant son niveau antérieur, bien que privée pour des raisons politiques d’informations internationales, surtout occidentales. Le progrès mentionné ci-dessus a été possible parce que les savants de l’époque antérieure ont continué – en majorité comme dirigeants – à s’adonner au travail ; parce que l’Institut d’Études linguistiques de l’Académie des Sciences de Hongrie s’était constitué avec un grand nombre de chercheurs ; parce que le nombre des départements dans les universités et écoles supérieures avait augmenté et qu’ils étaient devenus eux aussi des ateliers de recherches. Non seulement les périodiques anciens étaient publiés systématiquement et à leur dimension habituelle, mais de nouveaux périodiques furent lancés. Nous pouvons mettre en évidence trois particularités de notre linguistique à cette époque. Premièrement qu’elle s’est tournée, dans une mesure jusqu’alors jamais vue, vers la vie pratique, vers les recherches de l’utilisation directe de la langue parlée et écrite. En conséquence, on trouve au centre de l’attention les disciplines pratiques : la grammaire descriptive, la stylistique, la diffusion du bon usage, la lexicographie, l’examen de la langue littéraire et même l’enseignement plus efficace de la grammaire et de la langue, la communication la plus économique possible ainsi que les recherches sur la traduction assistée par ordinateur. Il en découle la deuxième particularité, c’est-à-dire la différenciation de plus en plus forte de cette branche scientifique. Des disciplines jusqu’alors négligées se sont renouvelées ou des disciplines jusqu’alors inconnues sont nées. La stylistique, la diffusion du bon usage, l’examen de la langue littéraire sont des exemples pour le premier cas, les recherches historiques relatives aux dialectes, la lexicographie, la linguistique mathématique, etc. pour le deuxième. Enfin, nous pouvons aussi constater que les disciplines sont devenues complexes et requièrent ainsi des recherches multiples. Quelques mots sur les trois savants dirigeants de l’époque : Dezső Pais, Géza Bárczi et István Kniezsa. Tous les trois ont déployé une activité d’enseignement et d’organisation de la recherche, au fond ils ont fait école. Ils se sont occupés en premier lieu de l’histoire de la langue, qu’ils considéraient – à l’instar de János Melich – comme faisant partie des études hongroises. Ils ont dépassé de loin l’approche mécanique de l’école néo-grammairienne, ils ont pris position pour la liberté de la méthode. Ils ont lié la recherche sur la langue hongroise à l’examen de la langue littéraire, des sociolectes et de l’histoire de la culture. C’est la prédominance des communications plutôt brèves qui caractérise l’œuvre du professeur Pais, mais il s’est appliqué à présenter l’arrière-plan historico-culturel de certaines questions. Ses explications des documents de la langue, ses études étymologiques des mots et des noms en 163 Revue d’Études Françaises ¾ No 6 (2001) particulier témoignent d’une manière de voir originale. C’est lui qui a lancé l’examen de la langue littéraire hongroise. – Géza Bárczi est l’auteur de nombreuses synthèses dans la série intitulée Egyetemi magyar nyelvészeti füzetek [Cahiers universitaires de linguistique hongroise] et ailleurs. Il a dirigé les travaux collectifs de l’Institut. Il a lancé les recherches historiques sur les dialectes. Il a écrit une monographie sur La Charte de Fondation de Tihany et sur L’Oraison funèbre. – Slaviste de son métier, et slaviste de renommée européenne, István Kniezsa s’est vu lier à la linguistique hongroise par son activité. En tant que connaisseur excellent de l’histoire des langues slaves et en tant que linguiste très inventif, il a fait des recherches en premier lieu sur les mots d’emprunt slaves dans notre langue, mais il a également été l’instaurateur de l’histoire de l’orthographe hongroise. (Helyesírásunk története a könyvnyomtatás koráig [Histoire de notre orthographe jusqu’à l’époque de la typographie], 1952). Voyons brièvement la récolte de ce quart de siècle. – D’abord, les œuvres de caractère descriptif. L’Institut a terminé les travaux du dictionnaire A magyar nyelv értelmező szótára [Dictionnaire encyclopédique de la langue hongroise] I-VII, (1959-1962, sous la direction de Géza Bárczi et László Országh) ainsi que les travaux de sa variante plus petite, mais en même temps augmentée Magyar értelmező kéziszótár [Dictionnaire encyclopédique hongrois abrégé] (1972, rédacteurs : József Juhász, István Szőke, Gábor O. Nagy et Miklós Kovalovszky). En 1966, Gábor O. Nagy a publié son ouvrage intitulé Magyar szólások és közmondások [Locutions et proverbes hongrois]. Je signale ici l’œuvre particulière que Ferenc Papp a rédigé sur la base du dictionnaire encyclopédique : A magyar nyelv szóvégmutató szótára [Dictionnaire inverse de la langue hongroise] (1969). Une grande lacune de l’examen synchronique du système grammatical a été comblée par la grammaire descriptive en deux volumes préparée en travail collectif : A mai magyar nyelv rendszere [Système de la langue hongroise contemporaine] (1961-1962, réd. : József Tompa), synthèse et nouveauté à la fois. Sa variante allemande abrégée a été publiée sous le titre de Ungarische Sprache (1968). C’est à cette époque-là qu’a été achevé le cours universitaire intitulé A mai magyar nyelv [La langue hongroise contemporaine] (1968, réd. : Endre Rácz). Il sert également de manuel scientifique. Je signale encore le livre particulièrement intéressant de László Hadrovics intitulé A funkcionális magyar mondattan alapjai [Les bases de la syntaxe fonctionelle hongroise] (1969). La dialectologie a continué à s’enrichir. Sous la direction de Géza Bárczi, des dialectologues bien formés ont recueilli à peu près trois quarts de million de données dialectales dans 327 localités en Hongrie et 68 dans les pays voisins. Le matériau a été publié par l’Institut de 1968 jusqu’à 1977, en six volumes, sous le titre A magyar nyelvjárások atlasza [Atlas des dialectes hongrois], rédigé par László Deme et Samu Imre. En outre, des dictionnaires de dialectes de qualité ont été publiés, ainsi que l’atlas de la langue régionale d’Őrség et Hetés (1959). Ayant une grande tradition, les recherches historiques se sont bien sûr poursuivies. La plus grande entreprise collective a été la création du dictionnaire intitulé A magyar nyelv történetietimológiai szótára [Dictionnaire historique et étymologique de la langue hongroise] (I-IV, 1967-1976, sous la direction de Loránd Benkő). C’est à cette époque-là qu’on a publié l’ouvrage en quatre volumes intitulé A magyar szókészlet finnugor elemei [Les éléments finnoougriens du vocabulaire hongrois] (1967-1981, sous la direction de György Lakó). Les 164 ISTVÁN SZATHMÁRI : Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle recherches sur le lexique ont mené aux ouvrages suivants – outre l’œuvre de Kniezsa déjà mentionnée – : Lajos Tamás, Etymologisch-historisches Wörterbuch der ungarischen Elemente im Rumänischen (1966), Lajos Ligeti, A magyar nyelv török kapcsolatai a honfoglalás előtt és az Árpád-korban [Les relations turques de la langue hongroise avant la conquête du pays et à l’époque de la dynastie d’Árpád] (1986). La série Cahiers universitaires de linguistique hongroise a traité de façon synthétique l’histoire de presque tous les aspects de notre langue : Géza Bárczi, Fonetika [Phonétique] (1951), A magyar szókincs eredete [L’origine du lexique hongrois] (19582), Magyar hangtörténet [L’histoire des sons hongrois] (19582), Magyar történeti szóalaktan I. A szótövek [Morphologie historique des mots hongrois I. Les racines] (1958) ; – Dénes Szabó, A magyar nyelvemlékek [Les monuments de la langue hongroise] (19592) ; – Katalin D. Barta, A magyar történeti szóalaktan II.. A magyar szóképzés története [Morphologie historique des mots hongrois II L’histoire de la formation des mots hongrois] (1958) ; – Béla Kálmán, A magyar nyelvjárások [Les dialectes hongrois] (1951) ; – Jolán Berrár, Magyar történeti mondattan (Syntaxe historique hongroise] (1957), etc. La synthèse intitulée A magyar nyelv életrajza [Biographie de la langue hongroise] (1963) a été écrite par Géza Bárczi. Cet ouvrage présente l’histoire entière de notre langue au niveau le plus haut de la vulgarisation. Les œuvres suivantes ont été publiées comme cours universitaires : István Papp, Leíró magyar hangtan [Phonétique descriptive hongroise] (1966), Péter Hajdú, Bevezetés az uráli nyelvtudományba [Introduction dans la linguistique ouralienne] (1966), Géza Bárczi – Loránd Benkő – Jolán Berrár, A magyar nyelv története [Histoire de la langue hongroise] (1967). À cette époque aussi a continué la publication moderne des monuments de la langue. Dans le domaine de l’onomastique, l’ouvrage de György Győrffy intitulé Magyarország történeti földrajza az Árpádok korában [Géographie historique de la Hongrie à l’époque de la dynastie d’Árpád] est une publication de haute importance, dont 4 volumes ont été publiés jusqu’à nos jours (19631998). Lancées par Dezső Pais, les recherches sur la langue littéraire aboutissent : Loránd Benkő, A magyar irodalmi írásbeliség a felvilágosodás első szakaszában [L’écriture littéraire hongroise dans la première époque des Lumières] (1960), István Szathmári, Régi nyelvtanaink és egységesülő irodalmi nyelvünk [Des grammaires anciennes et une langue littéraire qui tend à devenir homogène] (1968), etc. Au sein de la linguistique appliquée, on met de plus en plus l’accent sur le bon usage (voir l’œuvre intitulée Nyelvművelésünk főbb kérdései [Les questions fondamentales du bon usage] rédigé par Lajos Lőrincze, 1953, et plusieurs autres livres de Lőrincze) ainsi que sur la stylistique (Pál Fábián – István Szathmári – Ferenc Terestyéni, A magyar stilisztika vázlata [Esquisse de la stylistique hongroise], 1958 ; István Szathmári, A magyar stilisztika útja [La voie de la stylistique hongroise], 1961 ; Katalin J. Soltész, Babits Mihály költői nyelve [Le langage poétique de Mihály Babits], 1966 ; etc.). Dans le domaine de la linguistique générale, il faut mentionner l’ouvrage de Géza Bárczi intitulé Bevezetés a nyelvtudományba [Introduction à la linguistique] (1953) et le périodique moderne lancé en 1963 qui paraît d’habitude annuellement, intitulé Általános nyelvészeti tanulmányok [Études de linguistique générale]. 4. Des années soixante jusqu’à nos jours : 165 Revue d’Études Françaises ¾ No 6 (2001) Cette période ne se sépare pas rigoureusement de la précédente, au fond tout se poursuit, mais on assiste au développement de l’interdisciplinarité et à la création de nombreuses branches nouvelles, les priorités changent et les générations se relèvent. Bien sûr, tout cela caractérise aussi la période à partir du début des années soixante – d’ailleurs Sándor Károly place la limite ici (voir Magyar Nyelv, 76, p. 280) –, j’ai pourtant estimé important que c’est à partir de la fin des années soixante, du début des années soixante-dix que les tendances étrangères ont exercé un effet considérable chez nous. Il ne faut toutefois pas oublier que cette période n’est pas encore terminée. En outre, tout est encore si proche qu’il est presque impossible de porter un jugement objectif. Si nous y ajoutons que dans ce quart de siècle, encore plus d’ouvrages ont été publiés que dans les précédents, peut-être comprendra-t-on que je ne passe maintenant en revue que les disciplines les plus importantes et ne soumets à l’attention que quelques nouveaux ouvrages essentiels. Grammaire descriptive. – Le groupe de travail du Département de hongrois contemporain à l’Université Eötvös Loránd a publié cette année (2000) la variante considérablement renouvelée de la grammaire hongroise classique sous le titre de Magyar grammatika [Grammaire hongroise], sous la direction de Borbála Keszler. – À l’Institut d’Études linguistiques de l’Académie des Sciences de Hongrie, on a préparé les deux parties d’une grammaire hongroise structuraliste représentant une manière de voir fondamentalement différente. La première partie s’intitule « Mondattan » [Syntaxe] (réd. : Ferenc Kiefer, 1992) et la deuxième « Fonológia » [Phonologie] (réd. : Ferenc Kiefer, 1994). En outre, Katalin É. Kiss, Ferenc Kiefer et Péter Siptár ont publié en 1998 une grammaire hongroise complète reflétant une manière de voir semblable, sous le titre suivant : Új magyar nyelvtan [Nouvelle grammaire hongroise]. Sémantique. – Je signale trois ouvrages : Sándor Károly, Általános és magyar jelentéstan [Sémantique générale et hongroise] (1970), László Hadrovics, Magyar történeti jelentéstan [Sémantique historique hongroise] (1992) et Tamás Szende, A jelentés alapvonalai [Les principaux éléments du sens] (1996). Je tiens à mentionner ici qu’on a publié des dictionnaires de synonymes : Gábor O. Nagy et Éva Ruzsiczky, Magyar szinonimaszótár [Dictionnaire de synonymes hongrois] (1978) ; rédigé par Gábor Kiss, Magyar szókincstár [Le Trésor du lexique hongrois] (1999) et d’autres travaux de lexicologie : Zoltán Kövecses, Magyar szlengszótár [Dictionnaire de l’argot hongrois] (1998), Gábor Kiss et Ferenc Pusztai, Új szavak, új jelentések 1997-ből [Des mots nouveaux, des sens nouveaux en 1997] (1999). Histoire de la langue. – Nous pouvons prendre en main, en tant que fruit d’un travail collectif, la grammaire historique hongroise rédigée sous la direction de Loránd Benkő, A magyar nyelv történeti nyelvtana [Grammaire historique de la langue hongroise]. Les trois volumes monumentaux s’intitulent : I. A korai ómagyar kor és előzményei [L’époque précoce de l’ancien hongrois et ses antécédents] (1991), II/1. A késői ómagyar kor. Morfematika [L’époque tardive de l’ancien hongrois. Morphématique] (1992), II/2. A kései ómagyar kor. Mondattan. Szöveggrammatika [L’époque tardive de l’ancien hongrois. Syntaxe. Analyse du discours] (1995). À mentionner en outre un ouvrage sans pareil : celui d’Attila T. Szabó, intitulé Erdélyi Magyar Szótörténeti Tár [Dictionnaire étymologique du hongrois transylvain], dont 9 volumes ont été publiés jusqu’à nos jours (1976-1997, A–Op.). Je signale encore les livres suivants : Jolán Berrár et Sándor Károly, Régi magyar glosszárium [Glossaire du hongrois ancien] 166 ISTVÁN SZATHMÁRI : Brève histoire de la linguistique hongroise au XXe siècle (1984) ; László Hadrovics, Magyar frazeológia. Történeti áttekintés [Phraséologie hongroise. Tour d’horizon historique] (1995) ; Loránd Benkő, Az Árpád-kor magyar nyelvű szövegemlékei [Monuments du hongrois de l’époque de la dynastie d’Árpád] (1980), János Balázs, Magyar deákság [Le latin en Hongrie] (1980). Analyse du discours. – Ouvrages dans ce domaine : István Szathmári et Imre Várkonyi (réd.), A szövegtan a kutatásban és az oktatásban [L’analyse du discours dans les recherches et dans l’enseignement] (1979), Ferenc Nagy, Bevezetés a magyar nyelv szövegtanába [Introduction à l’analyse du discours du hongrois] (1981), Endre Rácz et István Szathmári (réd.), Tanulmányok a mai magyar nyelv szövegtana köréből [Études d’analyse du discours du hongrois contemporain] (1983), János Balázs, A szöveg [Le texte] (1985), Gábor Tolcsvai Nagy, A szövegek világa [Le monde des textes] (1994), Irma Nagy Szikszai, Leíró magyar szövegtan [Analyse descriptive du discours en hongrois] (1999). Je signale encore les œuvres d’Imre Békési et Sándor János Petőfi et certains des volumes intitulés « Szemiotikai szövegtan » [Analyse sémiotique du discours], rédigés par eux. Sociolinguistique et dialectologie. – À mentionner un livre fondamental : l’œuvre de Jenő Kiss, Társadalom és nyelvhasználat (Szociolingvisztikai alapfogalmak) [Société et usage de la langue (Notions fondamentales de sociolinguistique)] (1995). L’ouvrage intitulé Új magyar tájszótár [Nouveau dictionnaire dialectal], sous la direction de Éva B. Lőrinczy, rentre également dans le domaine de la dialectologie : trois volumes ont été publiés jusqu’ici (19791992, A–M). En outre, on a publié de nombreux dictionnaires dialectaux et l’annuaire de Debrecen intitulé Magyar Nyelvjárások [Dialectes hongrois] fournit de multiples informations. Stylistique. – Pareillement à la grammaire descriptive, deux manières de voir différentes sont désormais représentées dans la stylistique : la stylistique fonctionnelle (voir par exemple István Szathmári, Stílusról, stilisztikáról napjainkban [Du style et de la stylistique de nos jours] 1994 et Három fejezet a magyar költői stílus történetéből [Trois chapitres de l’histoire du style poétique hongrois] 1955) et la stylistique cognitive (voir par exemple Gábor Tolcsvai Nagy, A magyar nyelv stilisztikája [La stylistique de la langue hongroise] 1996 et Lóránt Bencze, Mikor Miért Minek Hogyan [Quand Pourquoi Dans quel but Comment] 1996). En outre, je me réfère aux ouvrages suivants : István Fónagy, A költői nyelv hangtanáról [De la phonétique du langage poétique] (19892) et A költői nyelvről [Du langage poétique] (sans date {1999}) ; Mihály Péter, A nyelvi érzelemkifejezés eszközei és módjai [Les outils et moyens de l’expression linguistique des sentiments] (1991) ; Zoltán Szabó, Szövegnyelvészet és stilisztika [Analyse du discours et stylistique] (1988) et A magyar szépírói stílus történetének fő irányai [Les tendances principales de l’histoire du style littéraire hongrois] (1998) ; István Szathmári (réd.), Hol tart ma a stilisztika ? Stíluselméleti tanulmányok [Où en est la stylistique aujourd’hui ? Études stylistiques] (1996) ; István Szathmári (rééd.), Stilisztika és gyakorlat [Stylistique et pratique] (1998). Je ferai remarquer ici que des dictionnaires littéraires et poétiques ont également été publiés, en particulier le Dictionnaire Petőfi (I-IV, 1973-1987), sous la direction de László Gáldi. Onomastique. – Je ne peux citer ici que les dictionnaires et les recueils de noms les plus importants : Lajos Kiss, Földrajzi nevek etimológiai szótára [Dictionnaire étymologique des noms géographiques] (I-II, 19884) ; Ferenc Ördög, Zala megye népességösszeírásai és 167 Revue d’Études Françaises ¾ No 6 (2001) egyházlátogatási jegyzőkönyvei [Recensements de la population et procès-verbaux des visites pastorales dans le Comitat de Zala] (1745–1771), (I-IV, 1991–1998) ; Miklós Kázmér, Régi magyar családnevek szótára XIV.–XVII. sz. [Dictionnaire des anciens noms de familles hongrois du XIVe siècle au XVIIe siècle] (1993) et désormais le recueil des noms géographiques de presque tous les départements. Diffusion du bon usage. – Je ne cite que l’ouvrage le plus important : Nyelvművelő Kézikönyv [Manuel du bon usage], I-II, (1980, 1985, rééd. : László Grétsy et Miklós Kovalovszky). En outre, je considère comme importants les volumes qui publient les conférences faites aux congrès internationaux des linguistes hongrois, ainsi que les publications des « Journées de l’Enseignement de la Langue maternelle d’Eger » et les mélanges qui paraissent désormais en grand nombre. Pour finir, je ne peux rappeler que brièvement le fait que dans les pays voisins, dans les départements de hongrois des universités, des écoles supérieures, il s’est constitué de vrais ateliers de linguistique hongroise, ainsi à l’université de Bratislava (Pozsony), à l’université de Nitra (Nyitra), à l’université d’Oujgorod (Ungvár) et à l’École supérieure de Beregovo (Beregszász), aux universités de Cluj (Kolozsvár), de Bucarest, aux universités de Novi Sad (Újvidék) et de Maribor. ISTVÁN SZATHMÁRI Budapest 168