INTERVIEW - Patrick Bertrand, Directeur Général de Cegid

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INTERVIEW - Patrick Bertrand, Directeur Général de Cegid
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INTERVIEW - Patrick Bertrand, Directeur Général de Cegid
« Nous visons clairement une place de leader européen du
logiciel »
« Alors que Cegid vient tout juste d’ouvrir son capital à SilverLake
et AltaOne Capital, deux fonds d’investissement anglo-saxons,
Patrick Bertrand, son directeur général, nous livre son sentiment
sur les implications stratégiques de cette opération et précise les
intentions de l’éditeur lyonnais en matière de croissance
externe. »
Propos recueillis par Christiène Brancier, Rédactrice en chef adjointe
Trente-trois ans après sa création, pourquoi Cegid a-t-elle décidé d’ouvrir son capital à des investisseurs étrangers ? N’y avaitil pas en France des acteurs capables d’opérer un tel rachat ?
Patrick Bertrand. Nous nous sommes posés la question. Pouvions-nous trouver en France, ou même en Europe, des éditeurs de
taille moyenne - je ne parle pas de sociétés comme SAP - qui soient suffisamment importants et en capacité de racheter une
entreprise comme la nôtre ? Et bien, la réponse est Non. Il y a dans notre pays un vrai problème de fragmentation du marché,
avec de très nombreux petits acteurs, un ou deux très grands et seulement quelques ETI, comme Cegid, qui se comptent sur les
doigts d’une main. Et cela n’est malheureusement pas un facteur de dynamisme pour les entreprises du secteur car il est très
difficile dans ces conditions de faire jouer l’écosystème pour créer de la valeur ajoutée et partager un projet de développement
ambitieux dans le temps. Qui plus est, la configuration actionnariale de Cegid, ne favorisait pas vraiment un rapprochement avec
une société d’une taille similaire à la nôtre. L’opération aurait conduit à une dilution des actions. Ce n’est pas ce que nous
souhaitions. Le rachat par un autre industriel du secteur aurait, en outre, posé la question du devenir des collaborateurs, des
clients, des produits… Avec des investisseurs comme SilverLake et AltaOne, tout est beaucoup plus simple. SilverLake possède
déjà une vraie compétence dans l’IT (c’est même l’un des plus gros fonds d’investissements du secteur avec dans son portefeuille
des acteurs comme Avaya, Dell, Alibaba, Talend, Broadcom ou encore Solar Winds, ndlr). Et AltaOne Capital a dans son ADN la
volonté de travailler avec des entrepreneurs, souvent fondateurs de leur entreprise, pour leur permettre de devenir des leaders
de leur secteur. Avec ces deux nouveaux partenaires à nos côtés, nous allons pouvoir accélérer encore notre stratégie de
développement. Leur arrivée ne change pas nos projets. C’est un moteur supplémentaire à leur réalisation. Et c’est bien là
l’essentiel. Quant à la question de leur origine géographique… J’aimerais bien savoir depuis quand la nature de l’actionnariat
qualifie la nationalité d’une entreprise ! Cegid reste un groupe au savoir-faire français. Avec, à sa tête, les mêmes hommes : JeanMichel Aulas, son fondateur, demeure président du Conseil d’administration et je continue d’en assurer la direction générale.
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L’arrivée de nouveaux actionnaires, engagés sur le long terme, va permettre à Cegid d’accentuer son développement à
l’international. Que représente aujourd’hui l’export dans l’activité du groupe ? Et quelles sont vos nouvelles ambitions dans
ce domaine ?
P. B. La conquête de nouveaux pays a vraiment démarré il y a cinq ans à travers notre activité Retail. Elle se poursuit aujourd’hui
sur le marché des RH et de la gestion des talents, grâce au rachat en décembre dernier du canadien Technomedia, qui réalise
l’essentiel de ses ventes outre-Atlantique. Nous sommes également très présents en Afrique et notamment en Afrique
subsaharienne, où nous avons des marchés en croissance de 7 à 10% sur une dizaine de pays, qui se modernisent, en particulier
dans le secteur public. En 2015, Cegid a réalisé un peu plus de 10% de son activité à l’étranger. Mais notre ambition est d’aller
beaucoup plus loin. Un plan de trois ans a déjà été élaboré pour accélérer notre internationalisation sur tous les continents. Et
nos nouveaux partenaires sont prêts à mobiliser leurs importantes ressources financières pour nous accompagner dans cette
conquête.
Depuis quelques années, Cegid concentre ses efforts sur le développement de son offre SaaS. Un tiers de vos
clients/utilisateurs auraient déjà migré dans le cloud. Mais ce marché est encore loin d’atteindre celui de la vente de licences.
Où en êtes-vous dans votre transition vers le cloud computing ?
P. B. Cegid a été l’un des premiers à s’engager sur ce marché, dès la fin des années 2000. Nous récoltons aujourd’hui les fruits
de nos investissements. Nos revenus SaaS augmentent de plus de 30% par an actuellement alors que le marché mondial
progresse, lui, de 25% en moyenne. En 2015, cette activité a généré 63 millions d’euros de revenus, soit plus d’un cinquième
(22%) de notre chiffre d’affaires total (282 millions d’euros, ndlr). Et, au 31 mars 2016, notre portefeuille de contrats s’élève déjà
à 211 millions d’euros ! Il y a un an, il n’était que de 116 millions. Avec le SaaS, nous bénéficions de revenus récurrents bien
moins volatils que ceux basés sur la vente de services. Notre ambition est donc d’accélérer encore nos positions sur ce marché.
Nous ne nous sommes pas fixés d’objectifs chiffrés précis à atteindre d’ici à trois ans. Mais si nous continuons sur le même
rythme de croissance, nous devrions multiplier par deux nos revenus dans le cloud, pour atteindre les 132 millions d’euros à
l’horizon 2019. Cette feuille de route est également celle de nos futurs actionnaires. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils se sont
intéressés à Cegid. Il n’y a pas beaucoup d’éditeurs sur le marché qui s’engagent, comme nous, dans le vrai SaaS alors que
d’autres se contentent de proposer de la licence hébergée…
Cegid est encore peu présent sur le secteur public. Quels sont vos projets sur ce marché ?
P. B. Nous avons une belle gamme de produits (en paie, finance, gestion des alertes, relation citoyenne, ndlr) et des références
prestigieuses, comme le Château de Versailles ou le Palais de Chaillot. Mais il est vrai qu’avec 17 millions d’euros de chiffre
d’affaires, nous avons encore une taille insuffisante sur ce marché. Depuis l’été dernier, nous cherchons donc à réaliser de la
croissance externe pour gagner en visibilité. C’est un marché qui va fortement investir, notamment dans le cloud, et il faut que
nous y soyons plus actifs.
En 2015, Cegid a réalisé cinq opérations de croissance externe : rachat d’Altaven, Technomedia, JDS Solutions, Magelia et prise
de participation dans Novigotech. Allez-vous continuer sur le même rythme cette année ?
P. B. Oui, c’est bien notre intention. SilverLake et AltaOne ont clairement indiqué qu’ils achetaient notre stratégie de croissance
externe. Ils vont donc nous soutenir dans cette démarche. D’ici au début de l’été, j’aimerai pouvoir annoncer un ou deux premiers
rachats. D’autres suivront. Nous avons les ressources nécessaires pour cela. Si nous réalisons toutes les opérations que nous
souhaitons, nous devrions augmenter notre chiffre d’affaires d’environ 70 millions d’euros, pour un investissement de l’ordre de
100 millions. Et dans les prochaines années, il est clair que Cegid va s’imposer comme un pôle de fédération de plus en plus
important des acteurs du logiciel. Avec un objectif : s’assurer une vraie place de leader européen de l’édition de logiciels et des
services cloud.
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L’avis de l’analyste - Patrick Rahali - Senior Analyst
La stratégie de Cegid (Cloud+ International + Verticals) a conduit de puissants investisseurs à s'intéresser à l'entreprise, jusqu’à
en devenir actionnaires. L’arrivée de ces nouveaux partenaires financiers traduit la réussite du groupe. Elle récompense une
stratégie claire et ambitieuse de ses dirigeants ainsi qu’une gestion très rigoureuse.
SilverLake est en effet, au niveau mondial, l’un des plus gros fonds d’investissements du secteur IT. Accompagné d’un autre
investisseur britannique, AltaOne, ils ont été séduits par le premier éditeur français de logiciels de gestion.
Pourquoi Cegid ?
A priori, cette opération intrigue car nous ne sommes pas habitués à voir de tels investisseurs miser sur une société française…
encore plus à l’heure de la transformation numérique qui booste la création de start up dont certaines françaises sont très
prometteuses.
En se penchant sur la question, tout s’éclaircit. Cegid dispose de nombreux atouts qui devraient donner raison aux investisseurs
anglo-saxons. En voici quelque uns.

Une croissance continue organique et externe. Depuis ses débuts en 1983, Cegid fait de la croissance. L’entreprise
a su développer son activité, aller vers de nouveaux métiers, concilier innovation, conquête de marchés et résultats.
Inspirés et motivés par la notoriété et le charisme de leurs dirigeants, Cegid a su accueillir de nouvelles sociétés et
ainsi réussir sa croissance externe (une fusion n’est pas forcément réussie !). Enfin, Cegid a toujours su préparer
l’avenir. Le groupe a misé avant les autres sur l’externalisation et fait figure de pionnier en France quant à sa mutation
vers le SaaS.

Une base installée intéressante, une position de leader en France. Au-delà d’un nombre de clients impressionnant
sur certaines offres, deux points semblent primordiaux. Tout d’abord, Cegid est présent, selon les offres, sur toutes
les tailles d’entreprises. Chez les TPE et professions libérales, chez les PME, chez les ETI et même chez certains grands
comptes. L’autre point est la nature des métiers adressés. Cegid est notamment présent dans le secteur public (en
pleine transformation), dans la Finance (et consolidation) et la gestion des ressources humaines (incluant la paie),
autant de secteurs où le logiciel nécessite une forte localisation. Le retail, l’ERP et certaines offres RH sont quant à
elles des offres « exportables » et donc destinées à un marché international.

Une stratégie claire et ambitieuse. Depuis une petite dizaine d’année, Cegid mise sur le Cloud, le métier et
l’international. Ces trois dimensions sont complémentaires dans le sens où une offre SaaS (Cloud public) doit être
verticale et adresse potentiellement un marché mondial (sous réserve que le progiciel s’y prête). Ces trois
orientations sont celles dictées par les leaders mondiaux de l’IT qui conduisent le système d’information vers plus de
services et à la demande. Cegid est quasiment prêt à relever le défi et les nouveaux moyens financiers faciliteront
son essor.
A ce propos, c’est avec le soutien de tels partenaires que les concurrents étrangers et notamment américains parviennent à être
si puissant et à dominer leurs marchés. C’est donc une nouvelle vie qui commence pour Cegid avec les mêmes dirigeants à la
tête et un moteur plus puissant.
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