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72 Voyages La skyline de San Francisco vue depuis Treasure Island: une autre manière d’apprécier la ville. Migros Magazine 35, 28 août 2006 Voyages Migros Magazine 35, 28 août 2006 73 L’autre San Francisco Fuyant les circuits touristiques, «Migros Magazine» s’est laissé guider par Arno Ghelfi, un graphiste suisse indépendant qui s’épanouit dans la ville du Golden Gate Bridge. M oins arrogante là que se cache la vraie que New York Chinatown et ses échoppes («Nous somvendant grenouilles, pigeons et tapirs.» mes le centre du monde») et moins suEt Alcatraz, alors? perficielle que Los Ange«La prison est intéressante les («J’adore tes nouveaux à visiter. Le plus beau resseins, Ashley»), San Frante toutefois la vue qu’offre cisco surpasse la plupart l’île sur la ville. Les détedes villes américaines au nus vivaient un enfer dans niveau de la qualité de vie. un coin de paradis. Il paDe taille humaine, elle alraît même qu’ils entenlie l’audace des grandes daient les bruits des fêtes métropoles à une certaine qui se déroulaient sur la nonchalance des cités sarive...» Pour être sûr de chant jouir de la vie. Cet pouvoir se rendre sur le heureux mariage attire Arno Ghelfi et son épouse Ariana célèbre rocher, mieux vaut chaque année des milliers connaissent toutes les bonnes adresses. réserver un billet au début d’immigrés. Le Neuchâtede son séjour déjà. Le lois Arno Ghelfi est de nombre de places étant liceux-là. Arrivé il y a huit ans pour suivre des mité. Moins classique, le trajet en ferry juscours d’anglais, il n’est jamais reparti. qu’à Sausalito offre un panorama tout aussi «N’allez pas au Fisherman’s warf. Ce car- splendide, et le sommet d’Angel Island permet naval n’a rien à voir avec San Francisco», aver- de découvrir l’ensemble de la baie. tit tout de go le graphiste de profession. Au fil Côté shopping, les grands magasins autour des ans, le trentenaire a amassé nombre de d’Union Square proposent un assortiment idenbons plans: «Au lieu de faire la file d’attente tique à ceux présentés dans toutes les grandes durant des heures au départ de l’une des lignes villes américaines. Les boutiques des créateurs de cable-cars, il suffit de se poster un peu plus locaux ou les magasins de second hand de loin, au premier arrêt du parcours, et d’atten- Hayes Street valent par contre le détour. dre qu’un des trams passe. Ils ne partent jamais à plein du terminus.» Le prix du billet – cinq Une ville verte, des habitants écolos dollars, soit plus de trois fois plus qu’une cour- Presque entièrement entourée par le Pacifique, se normale à San Francisco – ressemble fort à San Francisco offre de sublimes plages, même un attrape-touriste. «Si vous êtes en famille et si les courants froids empêchent toute baignapressé, autant prendre un taxi.» de. Toujours côté nature, la ville dispose de A Chinatown, inutile de flâner le long de nombreux parcs publics, dont un des plus Grant Avenue: beaucoup trop touristique. «Les grands du monde: le Golden Gate Park. En son Chinois font leurs courses sur Stockton Street centre, les architectes suisses Herzog et de et dans le dédale de ruelles avoisinantes. C’est Meuron ont bâti le De Young Museum, tout de Voyages Migros Magazine 35, 28 août 2006 zinc vêtu. Inauguré l’automne passé, les habitants se pressent dans ce musée des arts américains, africains et océaniens, notamment pour admirer la vue qu’offre sa tour torsadée. En ville, dans les salons, une même question tourmente les happy few: faut-il le préférer au Musée d’art moderne, construit par Botta en 1995, et qui est rapidement devenu un des symboles de San Francisco? Verte, la ville l’est aussi de par les habitudes de vie de ses habitants. San Francisco dispose d’un système relativement fonctionnel de transports publics. Posséder un vélo – malgré les rues à forte déclivité – n’a rien d’exceptionnel et le centre-ville se parcourt facilement à pied. Les ventes de voitures hybrides explosent et les systèmes de location façon Mobility connaissent un joli succès. «Historiquement, la ville a toujours été progressiste. Que ce soit avec le mouvement hippie, celui contre la guerre du Vietnam ou même avec la création et le développement de la Silicon Valley», explique Arno en compagnie de sa femme Ariana, une pure San-Franciscaine. Aujourd’hui, c’est dans le domaine environnemental que la métropole entend jouer un rôle de leader aux Etats-Unis. Organic food A San Francisco, l’organic food, ou alimentation biologique, séduit un nombre toujours plus important de citadins. «Le samedi, il vaut la peine de se rendre – tôt – au marché du Ferry Building spécialisé dans les produits bio», précise Ariana. Pour leur repas de noce, le couple a choisi le Greens, un restaurant végétarien à Fort Mason dont les larges baies vitrées s’ouvrent sur la marina – au loin, le Golden Gate Bridge barre l’horizon. Ici, depuis plus de vingt ans, les tenanciers proposent une cuisine biologique dont beaucoup de produits sont issus de leur propre ferme. San Francisco propose aussi d’autres expériences culinaires. Chez Ozumo, un établissement japonais à la carte contemporaine, le risotto aux oursins vous emporte, d’un coup de fourchette, sur une côte à marée basse. La vivifiante odeur de vase réveille vos papilles et vos narines. Surprenant. Convaincant. Les sushis au thon blanc promettent, eux, une sensation gustative rare: le poisson qui fond sur la 75 San Francisco offre une excellente qualité de vie. Ses nombreux parcs et ses côtes sauvages y sont pour beaucoup. Slow Club: l’endroit est très couru pour ses brunchs dominicaux. langue! Pour les brunchs, les SanFranciscains se pressent au Slow Club, dans le quartier de Mission. Le dimanche, il est de bon ton de déguster de copieux petits-déjeuners en sirotant un Mimosa (champagne et jus d’orange). Le respect d’autrui «Lorsque je suis arrivé, j’ai dormi plusieurs semaines au Saint-Moritz, un hôtel miteux.» Aujourd’hui, le graphiste vit dans un bel appartement de Nob Hill. Engagé par des magazines spécialisés, Arno Ghelfi a gravi rapidement la hiérarchie jusqu’à devenir directeur de la création. Conscients de son talent, ses employeurs ont tout fait pour qu’il puisse travailler aux Etats-Unis. Après de longues et coûteuses démarches administratives, Arno Ghelfi a obtenu le statut envié de résident permanent. Après plusieurs postes dans différentes revues, le graphiste s’est mis à son compte. Aujourd’hui, sa notoriété a déjà atteint la côte est. Désormais intégré, le Neuchâtelois a bénéficié du sens de l’accueil, de la tolérance et de la curiosité des San-Franciscains. Ses amis lui ont d’ailleurs offert un caquelon afin qu’il leur prépare une fondue. Ville américaine au caractère européen, San Francisco bénéficie aussi des influences orientales. Les vagues du Pacifique apportant un souffle d’Asie sur la baie. «A San Francisco, les habitants ne font pas que tolérer les minorités. Leurs fêtes sont célébrées.» Pour leur Nouvel-An, les Chinois défilent lors d’une gigantesque parade. Chaque 5 mai, les Mexicains commémorent la victoire de leurs troupes sur les Français. En juin, l’artère principale habille ses lampadaires des couleurs gay. Et la ville de se mélanger en un grand melting-pot. Encore une chose. Pour vous intégrer vous aussi, ne dites jamais «Frisco» en parlant de la ville. Seuls les habitants de Los Angeles emploient ce terme. Et toujours pour dénigrer sa grande rivale. Non, ici vous êtes à «San Fran». Et c’est si bon ainsi. Pierre Wuthrich Photos Winni Wintermeyer Site d’Arno Ghelfi: www.starno.com