Fiche technique ESCA-v01

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Fiche technique ESCA-v01
ANALYSE XPS (ESCA)
I - Principe
La spectroscopie XPS (X-Ray Photoelectron Spectroscopy) ou ESCA (Electron Spectroscopy for
Chemical Analysis) est basée sur la photo émission. Lors de l'irradiation par des photons X, les atomes d'un
solide émettent, par effet photoélectrique, des électrons appelés photoélectrons.
Le principe de la spectroscopie XPS consiste à analyser en énergie cinétique les photoélectrons émis
lors de l'irradiation par un faisceau mono énergétique de photons X. Le diagramme énergétique du
phénomène est alors représenté par la figure suivante :
Figure 1 : Diagramme énergétique de la photo émission
L'énergie de liaison EB caractérisant un électron d'un niveau électronique donné, est directement
accessible par la simple relation de conservation de l'énergie :
EB = hν - EC
où hν est l'énergie des photons X incidents et EC l'énergie cinétique mesurée.
Tout électron des couches électroniques de cœur ou de valence dont l'énergie de liaison est
inférieure à hν peut être extrait. Le spectre des énergies de liaisons des électrons de cœur est spécifique d'un
atome ce qui permet son identification et son dosage dans un composé donné. Tous les atomes possédant
des niveaux de cœur (tous sauf H et He) sont détectables. L'XPS est une méthode d'analyse élémentaire.
Lors du transfert de l'électron vers la surface à travers le solide, celui-ci peut subir des interactions
inélastiques qui se traduisent par l'existence d'un libre parcours moyen. Ce libre parcours moyen joue un
rôle prépondérant en limitant l'épaisseur analysée : λ dépend de l'énergie cinétique de l'électron et du
matériau (composition, densité) et est de l'ordre de 1 à 5 nanomètres. Le transfert des électrons dans la
matière suit une loi d'absorption exponentielle et l'on montre que 98 % du signal provient d'une profondeur
inférieure à 3λsinθ (figure 2). L'XPS est donc une méthode d'analyse de surface.
1
Analyseur
Photons X
e
θ
100 P (%) 0
λ (63 %)
2λ (23 %)
3λ (9 %)
z
Echantillon
Figure 2 : Evolution du signal XPS en fonction de la profondeur
Enfin, compte tenu des faibles doses utilisées pour les photons incidents, les dégradations induites
en surface des échantillons sont donc relativement limitées : l'XPS est une méthode non ou très
faiblement destructive.
II - Les spectres
II - 1 Analyse élémentaire
Les spectres des photoélectrons sont représentés directement en énergie de liaison et l'identification
des éléments présents en surface du matériau est effectuée à partir des pics photoélectriques qui
apparaissent sur le spectre de survol (grande fenêtre en énergie) :
O1s
Si2p
O KLL
O2s
Si2s
C1s
1200
1000
800
600
Energie de liaison (eV)
400
200
0
Figure 3 : Spectre de survol de SiO2
La figure 3, correspondant au spectre de la silice, illustre parfaitement le type de spectres obtenus :
une série de pics apparaît, ceux-ci reflètent directement la structure électronique des atomes. Les pics sont
indexés de la même façon que les couches électroniques dont sont issus les photoélectrons. Ils sont repérés
par les nombres quantiques n, l, j. Les niveaux p, d, f sont dédoublés par l'interaction spin-orbite, les
rapports d'intensité des doublets p(1/2, 3/2), d(3/2, 5/2) et f(5/2, 7/2) sont respectivement 1/2, 2/3 et 3/4.
L'écart entre les raies d'un doublet varie de quelques eV à quelques dizaines d'eV (cf. cas du silicium avec
les pics Si2p3/2 et Si2p1/2 sur la Figure 4).
2
II - 2 Analyse chimique
Si2p3/2
CH
Si2p1/2
C-O
O-C=O
SiO2
108
106
104
Si
102
100
98
96
294
292
290
288
Energie de liaison
286
284
282
280
278
Energie de liaison
Figure 4 : Déplacement chimique - spectres Si2p (silicium oxydé) et C1s (PET)
Lorsque l'atome est engagé dans un composé chimique, les niveaux de cœur réagissent à la
modification de l'environnement électronique par rapport à l'atome isolé, avec en particulier des variations
d'énergie d'orbitales de 0.1 à quelques eV. Cette variation est appelée "déplacement chimique" car il dépend
des liaisons chimiques établies par l'atome émetteur et est caractéristique de la nature et du nombre de
coordinats entourants l'atome émetteur. Les informations obtenues à partir du déplacement chimique
concernent la nature des liaisons chimiques (groupements fonctionnnels : cas du carbone C1s du PET sur la
figure 4), l'identification de composés, la détermination des degrés d'oxydation (voir pic Si2p du silicium
avec une couche d'oxyde), etc. ... L'XPS est une méthode d'analyse chimique.
La détermination des formes chimiques est obtenue à partir d'une étape de traitement numérique des
spectres appelée décomposition : l'opérateur définit le nombre de composantes chimiques, leur forme et
leur position sur le pic photoélectrique.
II - 3 Analyse quantitative
L'intensité I d'un pic photoélectrique permet de réaliser la quantification d'un élément ou d'une
espèce chimique émettrice et de déterminer les stœchiométries avec une exactitude pouvant être meilleure
que 5 %. L'XPS est une méthode d'analyse quantitative.
Cette intensité, mesurée sur un spectre particulier après soustraction du bruit de fond, dépend de la
concentration atomique N de l'élément considéré (dans le cas d'une couche homogène d'épaisseur infinie)
selon la relation :
z
I = KNσλ[1−exp()]
λsinθ
K est une constante qui dépend de l'appareillage et notamment de la fonction de transmission de
l'appareil qui nécessite d'être connue dans la gamme d'énergie étudiée.
σ est la section efficace de photoionisation (probabilité d'ionisation du niveau de cœur considéré).
Ces valeurs de σ ont été calculées pour la plupart des niveaux électroniques excités par la raie Kα de
l'aluminium (tables de Scofield).
λ est le libre parcours moyen de l'électron. Dans une première approche, pour les énergies cinétiques
supérieures à 100 eV, il est admis que le libre parcours moyen de l'électron varie comme la racine carrée de
l'énergie cinétique : λ = (Ec)1/2.
θ et z sont respectivement l'angle d'analyse et la profondeur d'analyse.
Ainsi, il est possible d'établir très facilement les rapports atomiques de deux éléments A et B d'après
la formule :
IA σB(EB)1/2
NA
=
NB
IB σA(EA)1/2
3
La limite de détection de la technique dépend bien évidemment de la section efficace de
photoionisation de l'élément considéré : celle-ci peut être meilleure que 0.1 % d'une monocouche dans le
cas des éléments les plus sensibles.
III - Appareillage
L'XPS est une technique qui nécessite l'emploi de l'ultravide (~ 10-9 - 10-10 mbar), en effet, il
convient d'éviter aux électrons d'être diffusés par les molécules de l'atmosphère résiduelle au cours de leur
trajet jusqu'au détecteur.
Les principaux éléments d'un spectromètre de photoélectrons sont :
- une source de RX
- un analyseur permettant la mesure de l'énergie cinétique des électrons
- un système de détection et de comptage (associé à une informatique d'acquisition)
La source de RX est constituée d'une anode dont la surface est recouverte de l'élément à partir
duquel on souhaite obtenir la radiation X : il s'agit le plus souvent des raies Kα de l'aluminium ou du
magnésium (respectivement à 1486.6 eV et 1253.6 eV). L'émission X est alors obtenue par irradiation de
l'anode à l'aide d'un faisceau d'électrons de haute énergie. Cette émission est constituée d'une raie principale
accompagnée de raies satellites : l'utilisation d'un monochromateur permet d'éliminer ces raies satellites et
de minimiser la largeur de la raie X principale et ainsi d'améliorer les performances spectrales du
spectromètre.
L'analyseur le plus répandu sur les spectromètres XPS est l'analyseur hémisphérique à énergie
d'analyse constante (CAE). L'analyseur joue le rôle de filtre et l'application d'un potentiel retard à l'entrée de
l'analyseur jusqu'à l'énergie d'analyse (dénommée aussi énergie de passage) permet de balayer l'ensemble
du spectre de photoélectrons avec une résolution constante. Ce type d'analyseur, outre sa haute résolution
en énergie, permet de conserver une transmission élevée.
La détection des électrons est assurée par un multiplicateur d'électrons (de type Channeltron ou
galette de micro-canaux appelée aussi ChannelPlate) placé après la fente de sortie de l'analyseur.
Enfin, le plus souvent les spectromètres XPS sont équipés d'un canon à électrons (appelé aussi Flood
Gun) dans le but d'analyser les surfaces isolantes : les charges positives créées par la photoémission sont
compensées au cours de l'analyse par le flux d'électrons de faible énergie du canon.
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L'ensemble de ces éléments est décrit Figure 5.
Analyseur Hémisphérique
Détecteur
(Channel plates)
7 Critaux
disperseurs
RX
monochromatisés
Caméra CCD
Lentilles
Echantillon
Anode
Aluminium
Figure 5 : Schéma de principe du Scienta 200
IV - Applications
Le champ d'application de l'XPS est très vaste car cette technique permet d'analyser tout type de
surface compatible avec l'ultravide :
- métaux
- céramiques
- semi-conducteurs
- matériaux composites
- polymères et bio polymères
Spectroscopie
* La première application est bien évidemment la détermination de la composition au voisinage de
la surface :
- mesure de la stœchiométrie et détermination des formes chimiques des éléments détectés.
- détection et identification des éléments de contamination.
Mesure d'épaisseurs
* Dans le cas de recouvrements homogènes, il est possible de mesurer l'épaisseur d'une couche
superficielle (contaminations, oxydes, dépôts ...) d'après l'expression du § II-3. Cette mesure peut être
réalisée soit à partir du signal de l'élément caractéristique du dépôt soit à partir de l'atténuation du signal du
substrat.
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Profils de concentration et imagerie
* Comme nous l'avons cité précédemment, la profondeur analysée dépend de l'angle θ d'analyse
formé entre la surface de l'échantillon et le détecteur. Si l'on agit sur cet angle (plus la mesure est rasante,
plus le signal provient d'une couche superficielle), il est alors possible de mesurer l'évolution du rapport des
pics des différents éléments et d'établir ainsi des profils de concentration en fonction de la profondeur
analysée. Cette méthode est non destructive et est utilisée le plus souvent pour mettre en évidence des
ségrégations superficielles.
* Il est aussi possible d'établir des profils de concentration sur des épaisseurs beaucoup plus
importantes : l'échantillon est bombardé par un faisceau d'ions (en général de l'argon) de quelques keV
induisant ainsi une abrasion de la surface. L'alternance de points d'analyse et d'étapes de pulvérisation
permet de reconstituer des profils de concentration. Cette méthode, qui est destructive, nécessite une
bonne connaissance des vitesses de pulvérisation si l'on souhaite tracer l'évolution des concentrations en
fonction de la profondeur.
* Les nouvelles générations de spectromètres permettent désormais d'obtenir aussi une information
spatiale du signal XPS avec une résolution latérale variant de 5 à 20 µm :
- nous pouvons ainsi réaliser des profils des concentrations élémentaires ainsi que des formes
chimiques le long d'une ligne ("linescan"),
- mais aussi obtenir une image chimique (2D) de la surface, ce qui a une application dans le
cas d'échantillons hétérogènes (piqûres de corrosions, zones de contaminations, lithographies, etc. ...).
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