Le deuxi`eme principe de la thermodynamique
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Le deuxi`eme principe de la thermodynamique
Chapitre 4 Le deuxième principe de la thermodynamique Sommaire 4.1 4.2 4.3 4.4 Nécessité d’un second principe . . . . . . . . Le 2ème principe pour les systèmes fermés . . Exemples de calculs de variation d’entropie . Le 2ème principe pour les systèmes ouverts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 74 82 85 Avec le 1er principe, le travail et la chaleur sont apparus comme des échanges d’énergie qui peuvent se transformer l’un en l’autre. Il existe néanmoins une différence importante entre travail et chaleur. Le travail est un échange d’énergie lié aux forces macroscopiques qui s’exercent sur le système (échange d’énergie ordonné), tandis que la chaleur est un échange d’énergie microscopique qui peut se produire en l’absence de forces (échange d’énergie désordonné). Le 2ème principe s’appuie sur un concept nouveau (l’entropie) pour définir l’orientation du temps, du passé vers le futur. On présente dans ce chapitre le 2ème principe et ses conséquences, aussi bien pour les systèmes fermés que pour les systèmes ouverts. 4.1 4.1.1 Nécessité d’un second principe Insuffisances du 1er principe Le 1er principe implique la conservation de l’énergie, mais nous allons voir sur quelques exemples qu’il n’est pas suffisant pour décrire le monde réel : 1. On considère une balle de tennis lâchée d’une hauteur h sans vitesse initiale (état 1). Au bout de quelques instants, la balle s’immobilise sur le sol (état 2). Du point de vue énergétique, ceci peut s’interpréter comme une transformation de l’énergie potentielle de gravitation Ep de la balle en énergie interne de la balle et du sol. Le 1er principe appliqué au système fermé et isolé (balle+sol) s’écrit pour la transformation 1 → 2 : U2 − U1 + Ep2 − Ep1 = 0 Thermodynamique classique, P. Puzo avec Ep2 − Ep1 = mgh 71 4.1. NÉCESSITÉ D’UN SECOND PRINCIPE En inversant tous les signes, on obtiendrait : U1 − U2 + Ep1 − Ep2 = 0 avec Ep1 − Ep2 = −mgh qui représente la mise en équation du mouvement 2 → 1. Le 1er principe est donc compatible avec l’évolution 2 → 1 qui n’est jamais observée 2. Si l’on plonge un morceau de métal chaud dans de l’eau froide, il va se refroidir tandis que l’eau va se réchauffer jusqu’à l’obtention d’un état d’équilibre pour le système (métal+eau). On ne verra jamais le morceau de métal se réchauffer spontanément en puisant de la chaleur dans l’eau, même si ce n’est pas contraire au 1er principe 3. La diffusion d’une goutte d’encre dans un verre d’eau est un phénoméne connu. La transformation inverse correspondant à la séparation spontanée de l’encre et de l’eau n’est jamais observée 4.1.2 Liens avec une irréversibilité microscopique On vient de voir sur quelques exemples une loi très générale qui caractérise les phénomènes irréversibles : la transformation qui consisterait à inverser le sens du temps lors d’un processus irréversible ne se produit jamais. Or le 1er principe n’explique pas pourquoi les transformations irréversibles se produisent toujours dans un sens déterminé. Les trois principales causes d’irréversibilité sont : 1. la non uniformité des grandeurs intensives dans le système : – si la densité volumique est différente en deux points de l’espace, on observe en l’absence de forces extérieures une diffusion des particules qui tend à uniformiser la densité. Cette diffusion est par essence irréversible – un transfert thermique irréversible spontané a lieu des zones chaudes vers les zones froides en cas de déséquilibre thermique – un transfert mécanique irréversible spontané a lieu des zones de haute pression vers les zones de basse pression en cas de déséquilibre mécanique – un déplacement irréversible spontané de charges électriques a lieu des zones de potentiel élévé vers les zones de faible potentiel 2. les forces de frottement dont le travail se transforme en chaleur. Il faut toutefois remarquer que ces effets peuvent être rendus aussi faibles que souhaités en ”ralentissant” l’écoulement du temps car ils s’annulent avec la vitesse 3. les réactions chimiques A chaque fois, la raison de l’irréversibilité se situe au niveau moléculaire. Pour décrire complètement un système, il est donc nécessaire d’ajouter aux variables macroscopiques telles que la pression, le volume, le nombre de moles, etc .. une information supplémentaire liée à la structure même de la matière. C’est ce que fait le 2ème principe avec la notion d’entropie. Puisque cette notion concerne la stucture microscopique de la matière, on conçoit bien qu’elle doit être d’essence essentiellement statistique. Ce fut l’apport fondamental de Boltzmann à la thermodynamique. Dans ce chapitre, on utilisera plutôt une formulation axiomatique du 2ème principe. L’interprétation statistique du 2ème principe sera détaillée au chapitre 11. Thermodynamique classique, P. Puzo 72 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS 4.2 4.2.1 Le 2ème principe pour les systèmes fermés Enoncé ”moderne” - Entropie Les énoncés historiques du 2ème principe (§ 4.2.3) étaient basés sur des considérations technologiques, au contraire des énoncés modernes qui privilégient la notion plus abstraite d’entropie 1 . On utilise ici une formulation de 2ème principe donnée vers 1950 par Prigogine. Entropie pour un système fermé On note (Σ) la surface fermée qui délimite un système fermé du reste de l’univers. Il existe alors une fonction d’état S extensive et non-conservative appelée entropie, telle que sa variation entre deux instants t1 et t2 s’écrive : Z t2 δQ r c r et Sc ≥ 0 (4.1) ∆S = S + S avec S = T S t1 oô S r est l’entropie reçue ou échangée, S c l’entropie créée ou produite et TS une grandeur appelée température thermodynamique qui est définie en chaque point de la surface fermée (Σ). L’unité d’entropie est le J K−1 . Remarques : – Le terme d’échange S r est directement relié à la chaleur reçue à travers la surface (Σ) qui délimite le système. Il n’a pas de signe particulier – Le terme de création S c a le même signe que l’intervalle de temps t2 − t1 . Si t2 est postérieur à t1 , le système créera de l’entropie. C’est ce terme qui fournit au niveau macroscopique l’information manquante du niveau microscopique évoquée au § 4.1 – La température thermodynamique ainsi définie sur la surface (Σ) est la température de contact avec le système de la source qui fournit le transfert thermique δQ. Cette température sera identifiée au § 4.2.8 avec la température absolue – En écrivant (4.1), on a implicitement supposé que la température était constante sur la surface (Σ). Si ce n’est pas le cas, il faut plutôt écrire : Z t2 Z δQ (4.2) Sr = (Σ) TS t1 – Les causes d’irréversibilité énoncées au § 4.1 correspondent au terme S c de création d’entropie. – La différence entre ”adiabatique” et ”isentropique” apparaı̂t clairement : ”adiabatique” signifie δQ = 0 soit dS = δS c > 0 tandis ”isentropique” signifie ”adiabatique réversible”, soit dS = 0. Entropie pour un système isolé On a δQ = 0 donc S r = 0 à tout instant pour un système isolé. On prendra donc dans ce cas l’énoncé suivant pour le 2ème principe : ∆S = S c ≥ 0 1. Le mot entropie a été créé par Clausius en 1850 à partir du mot grec signifiant transformation : ”J’ai intentionnellement formé le mot entropie pour qu’il soit aussi semblable que possible au mot énergie, puisque ces deux quantités, qui doivent être connues sous ces noms, sont si intimement liées dans leur signification physique qu’une certaine similitude dans leur nom me semblait avantageuse∗ ” ∗ R. Clausius, Annalen der Physik und Chemie, vol 125, p 353 (1865), traduction reprise de [23, page 43]. Thermodynamique classique, P. Puzo 73 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS Lorsqu’un système isolé subit des transformations irréversibles, son entropie augmente. Le système est en équilibre lorsque le maximum de l’entropie est atteint. Une conséquence importante de ceci est que toute évolution spontanée à partir de l’état d’entropie maximale est impossible car elle correspondrait à S c négatif. Entropie pour un système dans un état stationnaire Lorsque le système est en régime stationnaire, son entropie est constante : Sr + Sc = 0 (4.3) Il y a compensation exacte entre l’entropie reçue et l’entropie créée. L’entropie créée (correspondant au terme S c > 0) est compensée par une entropie d’échange (S r < 0). Par référence au § 1.3.2, on dira désormais qu’un système est en équilibre thermodynamique lorsqu’il est stationnaire en l’absence d’échange avec le milieu extérieur, ce qui implique qu’il n’y a pas de création d’entropie (S c = S r = 0). Principe d’entropie maximale Boltzmann en a déduit le principe d’entropie maximale (§ 4.2.9) : La valeur à l’équilibre d’un paramètre définissant l’état du système sans contrainte est telle qu’elle maximise l’entropie du système pour une valeur constante de l’énergie Pour mémoire, on peut relier ceci à son équivalent en mécanique, le principe d’énergie minimale 2 . Exemple d’un système isolé On peut montrer qu’à l’équilibre pour un système isolé, on a à la fois l’équilibre thermique et l’équilibre mécanique. Violation du 2ème principe Il existe des exemples classiques de réfutation du 2ème principe, mais la preuve de leur incohérence a finalement été apportée, parfois longtemps après leur formulation : 1. Paradoxe de la mort thermique de l’Univers Ce paradoxe, énoncé par Helmholtz en 1854, considère l’Univers comme un système isolé. L’application du 2ème principe conduit à l’uniformité, c’est à dire à la disparition des étoiles, galaxies, .. donc à la mort de l’Univers. Ceci est contraire aux modèles astrophysiques en vogue actuellement tendant à considérer l’Univers en expansion. Le paradoxe est levé si on prend en compte l’interaction gravitationnelle (§ 16.1) qui n’est pas négligeable à l’échelle de l’Univers, alors que c’est généralement le cas dans les applications courantes de la thermodynamique : le confinement spatial en étoiles et galaxies conduit bien 2. Ce principe s’énonce sous la forme : La valeur à l’équilibre d’un paramètre définissant l’état du système sans contrainte est telle qu’elle minimise l’énergie du système pour une valeur constante de l’entropie Thermodynamique classique, P. Puzo 74 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS à une diminution de l’entropie de l’Univers, mais il engendre également une augmentation de la température qui augmente l’entropie. Le bilan global est positif, ce qui lève le paradoxe de la mort thermique de l’Univers. 2. Paradoxe du Démon de Maxwell Ce paradoxe a été soulevé par Maxwell en 1871. Il considère un récipient isolé rempli d’un gaz contenu dans deux sous-systèmes (1) et (2) séparés par un orifice par lequel peuvent passer les molécules. On suppose qu’un démon est capable de ne laisser passer dans le sens 1 → 2 que les molécules rapides et dans le sens 2 → 1 que les molécules lentes. La température du compartiment (1) va diminuer, tandis que celle du compartiment (2) va augmenter, ce qui est en contradiction avec le 2ème principe puisque S c = ∆S serait négatif. Le paradoxe est levé (§ 11.1.5) si on prend en compte l’entropie créée au cours de l’observation. 3. Mouvement brownien Le mouvement brownien, observé pour la 1ère fois par Brown en 1827, est un mouvement incessant de petites particules en suspension dans un liquide. Ce fait paraı̂t en contradiction avec le 2ème principe, car le fluide semble fournir de manière permanente du travail aux particules en suspension. Cette contradiction a été levée par Einstein en 1910 à partir de la physique statistique (§ 11.3.4). La violation du 2ème principe conduirait au mouvement perpétuel de 2ème espèce, qui n’a finalement jamais pu être mis en évidence 3 . Coefficient thermoélastique Par analogie avec les définitions du § 1.2.3, on peut introduire un coefficient de compressibilité adiabatique donné par : 1 ∂V χS = − (4.4) V ∂p S En remplaçant la dérivée partielle par le taux d’accroissement δV /δp, ce coefficient χS permet de calculer la variation relative de volume δV /V = −χS δp sous l’effet d’une petite variation de pression δp (sans échange de chaleur). 4.2.2 Transformation réversible Dans une transformation réversible pour laquelle le sens de l’écoulement du temps n’a aucune influence, δS c = 0 et le système est à chaque instant en équilibre interne, avec une température T égale ou voisine à la température externe TS , donc : dS = δQrev T (4.5) Pour calculer la variation d’entropie pour une transformation allant d’un état initial vers un état final, il suffit donc de calculer : Z F δQrev (4.6) ∆S = SF − SI = S r = T I à condition d’utiliser une voie réversible pour aller de l’état initial à l’état final. 3. Il faut noter qu’historiquement, ces paradoxes n’ont jamais été considérés comme une remise en question du 2ème principe, mais plutôt comme des problèmes théoriques dont la résolution ne faisait aucun doute, bien que se faisant attendre. Thermodynamique classique, P. Puzo 75 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS Les évolutions réversibles sont extrêmement importantes même si elles représentent un cas limite car elles permettent la détermination des variations d’énergie interne et d’entropie pour des transformations réelles, donc irréversibles : comme ce sont des fonctions d’état, on peut faire les calculs le long d’un chemin réversible (réel ou imaginaire) allant du même état initial au même état final. 4.2.3 Enoncés ”historiques” Il existe trois énoncés du 2ème principe, différents de celui qu’on utilisera dans ce cours, ayant tous joués un rôle dans l’histoire de la thermodynamique. Ils sont bien entendu équivalents à l’énoncé donné au § 4.2.1. Dans l’ordre chronologique, ce sont : 1. Enoncé de Carnot (1824) : L’efficacité d’un moteur ditherme cyclique est inférieure à l’efficacité maximale d’un moteur ditherme cyclique réversible. Cette efficacité maximale ne dépend que de la température des deux sources Cet énoncé sera démontré au chapitre 9 sur les machines thermiques (§ 9.1.4). 2. Enoncé de Clausius (1850) : Il n’existe pas de processus dont le seul effet serait de faire passer de la chaleur d’une source froide à une source chaude Pour démontrer cet énoncé à partir du 2ème principe, on considère un système isolé constitué de deux sous-systèmes SC et SF et de températures respectives TC et TF avec TC > TF , pouvant échanger de l’énergie sous forme thermique uniquement. Les bilans énergétique et entropique entre deux instants séparés de dt s’écrivent respectivement : dU = δQF + δQC = 0 et D’où finalement : δQF dS = 1 1 − TF TC δQF δQC + = δS c > 0 TC TF ≥0 Comme TC > TF , on en déduit que δQF = − δQC > 0, c’est à dire que le corps chaud doit céder de la chaleur au corps froid, ce qui démontre l’énoncé de Clausius. Il est bien sûr possible de transférer de l’énergie sous forme de chaleur d’un corps froid à un corps chaud, mais de façon non spontanée en fournissant de la chaleur ou du travail (c’est ainsi que fonctionnent les réfrigérateurs et les pompes à chaleur étudiés au chapitre 9). 3. Enoncé de Kelvin (1852) : Un système en contact avec une seule source thermique ne peut, au cours d’un cycle, que recevoir du travail et fournir de la chaleur Pour démontrer cet énoncé à partir du 2ème principe, on considère un système échangeant W et Q au cours d’un cycle. En notant Ts la température de la source de chaleur, les bilans énergétique et entropique s’écrivent sur un cycle : ∆E = W + Q = 0 et ∆S = Q + Sc = 0 Ts avec Sc ≥ 0 Puisque Ts > 0, on en déduit que Q < 0 et W > 0, ce qui démontre l’énoncé de Kelvin. Cet énoncé sera redémontré ultérieurement (§ 5.1.2) à l’aide du travail maximum récupérable au cours d’une transformation. Thermodynamique classique, P. Puzo 76 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS 4.2.4 Etude de la température thermodynamique On considère deux sous-systèmes A et B en contact thermique et de volumes constants. Si le système A ⊕ B est isolé, son énergie interne U = UA + UB reste constante. On laisse UA évoluer librement. Pour une variation élémentaire dUA = δQA , la variation d’entropie associée est : dSA = De même : dSB = dUB dUA = − TB TB dUA TA car dU = 0 = dUA + dUB d’où on déduit que la variation dS d’entropie vaut : dS = dSA + dSB = 1 1 − TA TB dUA (4.7) Si le système est à l’équilibre, l’entropie est maximale, donc dS = 0, soit encore TA = TB . A l’équilibre thermodynamique, les températures des deux corps sont égales 4 5 . La température thermodynamique a donc bien le comportement attendu pour une température. 4.2.5 Forme locale du 2ème principe Comme pour le 1er principe, on peut exprimer le 2ème principe sous forme d’une équation locale. Pour cela, on considérera le système fermé constitué par le contenu d’une surface fermée (Σ) délimitant un volume (V ). L’entropie peut varier au cours du temps par échange avec l’extérieur et par création lors de transformations irréversibles. La quantité d’entropie échangée avec l’extérieur par unité de temps est égale au flux du vecteur densité d’entropie J~s à travers la surface (Σ). En notant σs la quantité d’entropie créée par unité de temps et de volume, on peut écrire : ZZZ ZZ c r σs dV (4.8) et δS = dt × δS = − dt × J~s . ~n dΣ (V ) (Σ) L’équation du bilan entropique dS = δS r + δS c peut donc s’écrire : ! ZZZ ZZ ZZZ ρ s dV = − dt × J~s . ~n dΣ + dt × d (V ) (Σ) σs dV (V ) où ρ est la masse volumique et s l’entropie massique. En appliquant le théoréme d’Ostrogradsky (A.52), ceci s’écrit : ZZZ ZZZ ∂(ρ s) ~ . J~s + σs dV dt × −∇ dV = dt × ∂t (V ) (V ) 4. On aurait pu utiliser le même raisonnement à pression constante en utilisant l’enthalpie au lieu de l’énergie interne. 5. On démontre également ainsi le principe zéro de la thermodynamique (§ 1.3.4) à l’aide de la relation (4.7) puisque si l’on considère trois sous-systèmes A, B et C dans les mêmes conditions qu’au paragraphe précédent, on aura : TA = TC et TB = TC soit TA = TB ce qui revient à démontrer le principe zéro. Thermodynamique classique, P. Puzo 77 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS Comme le volume (V ) et le temps d’intégration dt sont quelconques, on en déduit l’équation locale : ~ . J~s + ∂(ρ s) = σs ∇ ∂t avec σs > 0 (4.9) On déduit de (4.9) deux cas particuliers importants : • Lorsque la transformation est réversible (σs = 0), l’équation locale se réduit à : ~ . J~s + ∂(ρ s) = 0 ∇ ∂t (4.10) • En régime stationnaire (∂(ρ s)/∂t = 0), l’équation locale se réduit à : ~ . J~s = σs ∇ (4.11) ~ . J~s Si en plus, la transformation est réversible, on obtient ∇ conservatif. 4.2.6 = 0 : le flux de J~s est alors Diagrammes entropiques Par analogie avec le travail mécanique W des forces de pression évoqué sur les figures 1.8 dans le diagramme de Clapeyron, le diagramme entropique permet de faire une mesure graphique du transfert thermique Q (figures 4.1). Pour la figure 4.1 a, le transfert thermique sera compté positivement si la transformation va dans le sens A → B et négativement si la transformation va dans le sens B → A. Pour la figure 4.1 b et c, le transfert thermique sera compté négativement si la transformation a lieu dans le sens trigonométrique (cycle récepteur) et positivement si la transformation a lieu dans le sens des aiguilles d’une montre (cycle moteur). Attention, le signe est inversé par rapport au travail dans le diagramme de Clapeyron (§ 1.5.1). T a) Transformation ouverte T T b) Cycle récepteur c) Cycle moteur B A Q>0 Q<0 S S S Figure 4.1 – La chaleur échangée au cours d’une transformation réversible ouverte allant de A à B est l’aire hachurée (gauche). Au cours d’une transformation réversible fermée (ou cyclique), la chaleur échangée est également l’aire hachurée, comptée négativement pour un cycle récepteur (milieu) et positivement pour un cycle moteur (droite) 4.2.7 Identité thermodynamique Cas d’un fluide soumis aux seules forces de pression L’évolution d’un système est réversible si sa production d’entropie est nulle, c’est à dire si son évolution représente une suite continue d’états d’équilibre thermodynamique. Pour une transformation réversible, le bilan entropique s’écrira : δS c = 0 = dS − Thermodynamique classique, P. Puzo δQ T soit δQ = T dS (4.12) 78 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS Pour un système au repos n’échangeant de travail avec le milieu extérieur qu’à travers des forces de pression, on a toujours : dU = δQ + δW On peut donc en déduire : dU = T dS − p dV (4.13) qui montre que l’énergie interne U peut être considérée comme une fonction de l’entropie S et du volume V . Cette relation, appelée identité thermodynamique est en fait valable pour toute transformation infinitésimale, réversible ou non puisqu’elle ne fait apparaı̂tre que des variables d’état ou leurs dérivées. La seule contrainte à satisfaire est que les concepts de pression et de température aient un sens, ce qui est réalisé dès que les conditions de l’équilibre local sont réunies (1.3.3). Toutefois l’identification de δQ à T dS et de δW à −p dV ne peut se faire que pour une transformation réversible. On peut déduire de (4.13) que ; ∂U ∂U et p = − (4.14) T = ∂S V ∂V S On peut également réécrire (4.13) sous la forme : dS = p 1 dU + dV T T (4.15) qui montre que l’entropie S peut être considérée comme une fonction de l’énergie interne U et du volume V . La relation (4.15) est parfois appelée identité fondamentale de la thermodynamique. On en déduit deux relations qu’on utilisera comme définition de la température thermodynamique TS introduite au § 4.2.1 et de la pression thermodynamique : ∂S ∂S 1 = et p = T (4.16) T ∂U V ∂V U Dans le cas de l’équilibre local, la relation s(u, v) entre l’entropie massique s, l’énergie interne massique u et le volume massique v s’écrit simplement : ds = p 1 du + dv T T (4.17) Cette relation s’applique en particulier si U et V ne sont pas définis, mais si les grandeurs massiques associées le sont. Généralisation Pour un système plus complexe, le travail reçu lors d’une transformation réversible infinitésimale peut s’écrire : X δW = − p dV + Yi dXi i où Yi dXi est le travail fourni au système par la grandeur intensive Yi lorsque la grandeur extensive conjuguée Xi varie de dXi (cf § 1.5.1). L’identité thermodynamique s’écrit alors : X ∂U (4.18) dU = T dS − p dV + Yi dXi avec Yi = ∂Xi S,V,Xj6=i i Thermodynamique classique, P. Puzo 79 4.2. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES FERMÉS De même que dans le cas d’un fluide soumis aux seules forces de pression, on peut écrire dS sous la forme : 1 p 1X dS = Yi dXi (4.19) dU + dV − T T T i et ensuite définir Yi à partir de l’expression de dS par : ∂S Yi = − T ∂Xi U,V,Xj6=i 4.2.8 (4.20) Echelle thermodynamique On cherche à montrer dans ce paragraphe que la température thermodynamique TS définie au § 4.2.1 correspond à la température absolue T GP définie au § 2.1.4 à partir de l’équation d’état des gaz parfaits et satisfaisant pour un gaz parfait à : p V = n R T GP (4.21) Cas général On a pour un gaz parfait : p V = f (T ) et dU = CV dT en fonction de la température thermodynamique T . De plus : dU = CV dT = T dS − p dV = T dS − f (T ) dV V d′ où dS = CV f (T ) dT + dV T VT Comme S est une fonction d’état, dS est une différentielle totale exacte donc : ∂(CV /T ) ∂ (f (T )/T ) 1 ∂(f (T )/T ) = =⇒ = 0 ∂V V ∂T ∂T T V V car CV ne dépend que de la température. On obtient finalement : f (T ) = cste T d′ où p V = cste × T En comparant avec (4.21), on voit qu’on obtient T = T GP à condition de prendre n R pour valeur de la constante. Ce choix revient à fixer le Kelvin comme unité de température. Cas particulier du cycle de Carnot du gaz parfait On considère un gaz parfait décrivant de manière réversible un cycle de Carnot tel que décrit au § 3.5.2 dont on reprend les notations. L’identité de Carnot-Clausius relie les températures sur les branches isothermes du cycle 2 → 3 et 4 → 1 aux transferts thermiques sur ces mêmes branches : Q4→1 Q2→3 + = 0 GP TC TFGP (4.22) Les transformations 2 → 3 et 4 → 1 sont isothermes donc les variations d’entropie correspondantes sont : Q4→1 Q2→3 et ∆S4→1 = ∆S2→3 = TC TF Thermodynamique classique, P. Puzo 80 4.3. EXEMPLES DE CALCULS DE VARIATION D’ENTROPIE Les transformations 1 → 2 et 3 → 4 sont adiabatiques et réversibles, donc isentropiques : ∆S1→2 = ∆S3→4 = 0 La variation d’entropie sur un cycle 1 → 2 → 3 → 4 → 1 est donc : ∆S = 0 = Q2→3 Q4→1 + TC TF En comparant cette relation avec (4.22), on en déduit que T et T GP sont deux échelles proportionnelles. Il suffit de prendre la même unité, le Kevin, pour que ces deux échelles deviennent identiques. 4.2.9 Signification fondamentale de l’entropie On considère par exemple un gaz situé initialement dans l’un des deux compartiments d’un récipient isolé. Il occupe tout le volume disponible dès que la cloison qui les sépare est supprimée. Dans l’état final, la densité volumique est uniforme. Boltzmann a interprété cette évolution vers l’uniformité en terme de désordre : le système isolé tend vers un désordre maximal dont l’entropie est un estimateur. C’est le principe d’entropie maximale. Vers le milieu du XXème siécle, Shannon et Brillouin ont fait le lien entre l’entropie du système et le manque d’information : le désordre maximal correspond à une information minimale sur le système et donc à une information manquante maximale. La signification microscopique de l’entropie sera étudiée plus en détail au chapitre 11. 4.3 Exemples de calculs de variation d’entropie On donne dans ce paragraphe quelques exemples classiques de calculs d’entropies. 4.3.1 Calculs d’entropie lors de phénoménes réversibles Transformation adiabatique réversible Pour une transformation adiabatique, on a δQ = 0. Si cette transformation est en plus réversible, on a dS = 0. On dit qu’une transformation adiabatique réversible est isentropique (dS = 0). Transformation faisant intervenir un thermostat On appelera thermostat un système qui sera toujours en équilibre interne à une température constante T0 . Pour un tel système, toute transformation sera toujours réversible et donc sa variation d’entropie ∆S0 sera : Q0 (4.23) ∆S0 = T0 en appelant Q0 la chaleur que reçoit le thermostat au cours de la transformation. Thermodynamique classique, P. Puzo 81 4.3. EXEMPLES DE CALCULS DE VARIATION D’ENTROPIE Variation d’entropie du gaz parfait : cas général Pour calculer la variation d’entropie d’un gaz parfait entre deux états au cours d’une transformation réelle (donc irréversible), il suffit d’imaginer une transformation réversible entre ces deux états : l’entropie étant une fonction d’état, sa variation au cours d’une transformation ne dépend que des états initial et final, et non du chemin suivi. On aura donc entre deux états infiniment proches : dS = dU − δW CV dT + p dV dT dV δQ = = = n cv + nR T T T T V En intégrant entre les états initial et final, on obtient : VF TF + n R ln ∆S = n cV ln TI VI (4.24) En utilisant la loi des gaz parfaits et la relation de Mayer, il est aisé de montrer que : TF pF pF VF ∆S = n cp ln − n R ln = n cV ln + n cp ln TI pI pI VI (4.25) Transformation adiabatique réversible d’un gaz parfait : loi de Laplace Si une transformation est adiabatique et réversible, on aura ∆S = 0 car à la fois δS r = 0 (δQ = 0) et δS c = 0 (réversibilité). La transformation est dite isentropique. On peut donc appliquer la loi de Laplace à un gaz parfait subissant une transformation isentropique : pV γ = cste ou de manière équivalente en utilisant la loi des gaz parfaits et en notant ρ = m/V la masse volumique : T V γ−1 = Cste ou T γ p1−γ = Cste ou pµ−γ = Cste (4.26) comme on l’avait déjà vu au § 3.3.4 pour une transformation adiabatique quasi statique. 4.3.2 Calculs d’entropie lors de phénoménes irréversibles Méthode générale de calcul On calcule l’entropie crée par la différence S c = ∆S − S r . Comme l’entropie est une fonction d’état, le calcul de la variation d’entropie ∆S entre les états initial et final ne dépend pas du chemin suivi. On peut donc l’évaluer le long d’un chemin réversible (le plus commode pour les calculs), pourvu que les états initial et final soient les mêmes. Le calcul de l’entropie reçue permet ensuite d’atteindre le degré d’irréversibilité S c /∆S. On peut également obtenir le sens d’une transformation par le calcul de S c : on choisit arbitrairement un sens d’évolution et on calcule S c . Si le résultat obtenu est négatif, cela signifie que le sens originel est le mauvais ! Entropie de mélange On considère deux gaz parfaits diatomiques différents à la même température et occupant initialement deux compartiments (1) et (2) de même volume dans un réservoir isolé (figure 4.2). Les Thermodynamique classique, P. Puzo 82 4.3. EXEMPLES DE CALCULS DE VARIATION D’ENTROPIE nombres de moles de gaz sont donc identiques. L’expérience consiste à enlever la cloison et à attendre le nouvel état d’équilibre. Le 1er principe s’écrit : ∆U = ∆U1 + ∆U2 = 0 avec ∆U1 = 5 n R (Tf − Ti ) = ∆U2 2 On en déduit que Tf = Ti et donc que ∆U1 = ∆U2 = 0. Le bilan entropique s’écrit quant à lui : ∆S = ∆S1 + ∆S2 = S c ≥ 0 D’après (4.24), on a : Vf ∆S1 = n R ln = n R ln(2) = ∆S2 Vi d′ où ∆S = S c = 2 n R ln(2) (4.27) La variation d’entropie est bien positive, et correspond au caractère irréversible du mélange des deux gaz. La notion de mélange n’a de sens que si les deux gaz sont différents. L’extrapolation de ce résultat au même gaz initialement situé dans les deux compartiments conduit au paradoxe de Gibbs qui sera résolu au § 11.4.3. I 2 R2 R1 1 I 2 Etat initial Etat final 1 I Figure 4.2 – Etat initial et état final d’une expé- Figure 4.3 – Un conducteur ohmique parcouru rience consistant à mélanger deux gaz parfaits de même volume et de même température par un courant est le siége d’une création d’entropie Création d’entropie dans un conducteur ohmique parcouru par un courant stationnaire On considère le circuit modélisé sur la figure 4.3. En notant Ta la température ambiante, les bilans énergétiques et entropiques s’écrivent respectivement : dU = δW + δQ = 0 avec δW = R1 I12 + R2 I22 dt et dS = δS c + δS r = 0 avec δS r = δQ Ta On en déduit l’entropie créée δS c : δS c δW = = Ta Thermodynamique classique, P. Puzo R1 I12 + R2 I22 dt >0 Ta (4.28) 83 4.4. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES OUVERTS Réchauffement ou refroidissement d’une masse d’eau On fait varier la température d’une masse m d’eau de Ti à Tf en mettant cette eau en contact thermique avec un réservoir à la température Ta . En imaginant un chemin réversible entre les états initial et final, on a, la variation de volume étant négligeable : Z Z Tf dT δQ = mc = m c ln ∆S = T T Ti où c est la chaleur massique de l’eau supposée constante (c = 4, 18 J/g). L’entropie reçue par l’eau de la source qui fournit la chaleur à la température Ta vaut : Z m c (Tf − Ti ) δQ Q r S = = = Ta Ta Ta L’entropie créée S c est donc : S c = ∆S − S r Tf m c (Tf − Ti ) = m c ln − Ti Ta L’étude de cette fonction montre que S c est bien positif. 4.4 Le 2ème principe pour les systèmes ouverts Ce paragraphe est le pendant pour le 2ème principe du § 3.4 exprimant le 1er principe pour les systèmes ouverts et en reprend les mêmes notations. 4.4.1 Enoncé L’entropie du système fermé aux instants t et t + dt est respectivement : S(t) + se δme et S(t + dt) + ss δms en notant S(t) l’entropie du système à l’instant t et se et ss les entropies massiques à l’entrée et à la sortie. En supposant que la température est uniforme à la frontière du système et vaut T0 , on aura : δQ + δS c dS + ss δms − se δme = T0 On en déduit l’expression du 2ème principe pour un système ouvert : dS = δQ + δS c + se δme − ss δms T0 (4.29) L’équation (4.29) se simplifie encore si le régime est stationnaire (dS = 0), ou si la transformation est adiabatique (δQ = 0). 4.4.2 Forme locale Comme pour l’énergie, le bilan entropique local pour un système ouvert s’obtient en ajoutant un terme de convection à l’expression du système fermé : dS = δS r + δS c + δS conv Thermodynamique classique, P. Puzo (4.30) 84 4.4. LE 2ÈME PRINCIPE POUR LES SYSTÈMES OUVERTS avec : δS conv ZZ = − ρ s dt ~v . ~n dΣ = − dt (Σ) ZZZ ~ . (ρ s ~v ) dV ∇ (V ) en appliquant le théorème d’Ostrogradsky (A.52). En tenant compte de (4.8), l’équation bilan (4.30) s’écrit : ZZZ ZZZ ∂(ρ s) ~ . (J~s + ρ s ~v ) + σs dV dt × −∇ dV = dt × ∂t (V ) (V ) d’où l’équation locale : ~ . (J~s + ρ s ~v ) + ∂(ρ s) = σs ∇ ∂t Thermodynamique classique, P. Puzo avec σs > 0 (4.31) 85