La dissertation « La matière première de la poésie est la vie

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La dissertation « La matière première de la poésie est la vie
La dissertation
« La matière première de la poésie est la vie humaine – ses accidents et ses incidents, ses
victoires et ses désastres –, filtrée par la mémoire et l’imagination. », écrit Octavio Paz dans la
préface à l’édition du recueil de Claude Roy, A la lisière du temps. Vous discuterez cette
affirmation en vous référant aux textes du corpus et à vos connaissances personnelles.
Les réflexions préliminaires et la lecture de l’énoncé
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« Vous discuterez » impose une réflexion organisée, dans la quelle on essaie de mettre en
question, voire de critiquer, de réfuter, l’affirmation donnée
Mais aussi, obligation de se poser la question de savoir ce que cette citation signifie.
L’obligation de s’appuyer sur les textes du corpus, ce qui veut dire TOUS les textes du
corpus, ou au moins 4 sur 5 ici.
L’obligation de s’appuyer sur d’autres textes, vus en classe, lus personnellement.
Les mots « filtrée par la mémoire et l’imagination » imposent de ne pas négliger Claude Roy
…
… mais obligent aussi à se demander ce qu’est la « matière première » : ça sert à construire,
à illustrer, ou c’est le thème ?
… mais obligent aussi à se demander ce qu’est « la vie humaine » : quel humain ?
Puisque l’on parle de poète, il s’agit d’écrivain, donc le sens des mots « filtrée » et
« imagination » laissent entendre que la poésie n’est pas l’autobiographie réaliste ou
intimiste, le carnet intime …
Il faut donc se poser la question du travail de l’écriture (objet d’étude vu en seconde, donc
révisé en première par tout élève studieux qui n’a pas jeté son classeur de l’an passé)
Une proposition de plan « dialectique » très sommaire, c’est-à-dire plus ou moins ThèseAntithèse-Tentative de synthèse, sans développement d’exemples, mais avec des pistes et
quelques liens Internet pour votre culture
1°) Certes, la vie humaine est bien un matériau, on en a des preuves dans certains types de
poèmes (qu’ils parlent de maladie ou non, de victoires ou de désastres) : des arguments et
quelques illustrations à développer
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La poésie intimiste, amoureuse, les récits de chagrins d’amour : Louise Labé
Le lyrisme des tragédies personnelles, Claude Roy, Armen Lubin
La réflexion sur un épisode de sa vie
Les choses vues, la famille, l’enfance, le thème de la vie intime, Rimbaud Ma Bohème,
Les poètes modifient la réalité, la filtrent, soit parce qu’ils utilisent des formes courtes (le
sonnet), soit par décence, soit parce qu’ils dissimulent, masquent ce qui serait trop intime,
mais on la sent parce que ça touche à des émotions que chacun peut ressentir
La chanson des Frères Jacques est bien une réécriture des thèmes de la maladie, de son
vocabulaire, mais ne racontent pas une vraie maladie ou un malaise comme Michaux dans
Ecuador
On peut d’ailleurs se poser la question de la sincérité …
2°) Mais il y a les poètes qui font apparemment une poésie sans lien avec la vie personnelle :
un catalogue à trier et organiser
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Ceux qui font « de l’art pour l’art », les Parnassiens, certains poètes de la Renaissance qui
évoquent des histoires d’amour très artificielles
Ceux qui décrivent la nature, Gautier, Le pin des Landes
Les fabulistes racontent des histoires sans rapport direct avec leur vie propre
D’autres parlent de théories, de choses abstraites (Baudelaire, Correspondances, Harmonie
du soir)
Le macabre de Baudelaire dans les Fleurs du Mal n’est pas le résultat d’un travail sur des
éléments personnels, mais se rattachent plutôt à des éléments de sa pensée, de ses
obsessions, de ses opinions
D’autres poètes prennent l’occasion des circonstances, comme Hugo qui fait une Fable ou
Histoire pour exprimer une opinion très liée à un moment de l’histoire contemporaine, mais
ne touche pas directement Hugo lui-même, et peut ensuite (chronologiquement ou
abstraitement) être généralisé à d’autres situations similaires de tyrans ou de pouvoirs
politiques autoritaires
La poésie didactique n’est pas liée à des émotions personnelles, à des victoires ou des
désastres
3°) Cependant, aucun poème n’est totalement déconnecté d’une réalité personnelle de son
auteur, c’est le fait même de l’individualité de l’acte d’écrire (retour à l’objet d’étude évoqué
plus haut) : un peu de réflexion théorique, légèrement illustrée, que vous étofferez vousmêmes
On ne peut pas enlever à des poèmes abstraits le fait que leur auteur a bien constitué sa pensée à
partir de sa vie, de son éducation : le filtre est alors celui du cerveau, de la pensée conceptuelle
Les poèmes historiques s’écrivent parce qu’un auteur a souffert, soit moralement, soit
politiquement, soit dans sa chair : Hugo, les poètes de la résistance lors de la deuxième guerre
mondiale, les auteurs engagés des guerres de religion
Les fables de La Fontaine sont indissociables de sa conception personnelle du pouvoir à l’époque de
Louis XIV, et même s’il était très monarchiste, on peut y trouver, par le filtre des animaux qui
parlent, qui sont rois, une vision du monde qui lui est propre
Même les poèmes en apparence totalement intellectualisés et faits sur des principes a priori, sont le
reflet d’une volonté inscrite en rupture ou en révolution par rapport à une vie littéraire : les
oulipiens
travaillent
la
forme,
Perec
écrit
les
Alphabets
{
HYPERLINK
"http://remi.schulz.perso.neuf.fr/or/alphabets.htm"
}
ou
{
HYPERLINK
"http://membres.multimania.fr/mjannot/froggy/alpha.htmv" } ou les lipogrammes d’après sa lecture
de tel ou tel poème, et Les chats de Baudelaire deviennent { HYPERLINK
"http://membres.multimania.fr/jccau/ressourc/sonnet/dest/destruct.htm" }, sans la lettre E, dans un
poème qui traite le même thème
Isidore Isou, qui invente { HYPERLINK "http://www.lelettrisme.com/pages/03_createurs/isou.php"
} ou { HYPERLINK "http://www.lelettrisme.com/pages/03_galerie.php?nom=isou" } (cliquez sur
un numéro de la colonne de gauche), se place en révolutionnaire du langage
4°) Conclusion squelettique, à étoffer et outiller de connecteurs et d’une formule finale
d’ouverture, pour ceux qui tiennent absolument à en mettre une (je rappelle qu’il est
préférable de conclure sans ouverture, que de faire une ouverture sans avoir conclu …)
On ne peut qu’accepter la phrase d’Octavio Paz, qui semblait une provocation ou un paradoxe, et
qui après examen s’avère assez évidente. Pas banale ou ordinaire tout de même, puisqu’elle obligé à
réfléchir sur la nature de la poésie, et un peu sur sa fonction.