presse King Lear.pub - Théâtre de Galafronie

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presse King Lear.pub - Théâtre de Galafronie
Quand King Lear kom hier
La Galafronie à Gand, Shakespeare au croisement des communautés
Chantre du théâtre jeune public, la Galafronie entend séduire adultes et adolescents à Gand. Quel mouche la pique ? Aucune, ou simplement la mouche de l’envie de voir plus loin que le bout de ses planches. Un projet détonnant se construit
en ce moment au Nieuwpoortteater – salle de spectacle gantoise. Les comédiens de la Galafronie et quelques autres artistes francophones unissent leurs forces au talent du metteur en scène flamand Johan Dehollander. Ensemble, ils entendent monter « Le Roi Lear ». Confrontant la pièce à des textes de Bunuel, Hartley, Carver, Deutsch et même Platon, ils
font souffler un vent fou, moderne et chaotique sur l’œuvre de Shakespeare. Imaginaire, flamand et comédiens francophones se croisent sous l’œil complice du bon génie élisabéthain.
Un père entend séparer ses richesses entre ses trois filles en fonction de l’affection que chacune lui avouera. La plus
jeune, la plus aimante, la plus aimée aussi, choisit de se taire. Et les tragédies s’enchaînent… On connaît la trame de la
pièce. Mais le spectacle que prépare la Galafronie a des allures de délire. Un juge à la perruque de guingois. Une infirmière enceinte qui chante Sœur Sourire. Un réparateur de télés. Une femme avide de sexe, d’argent et de pouvoir. Une
chanteuse de music-hall. Un marin sans bateau. Un curé égaré. Un maître d’hôtel. Un roi Lear en sous-vêtements. Des
musiques de cabaret. Un café sans alcool, sans menu, sans issue, sans rime ni raison où tout ce beau monde se retrouve
sans se rencontrer vraiment… Les détails entrevus lors d’une répétition gantoise laissent penser qu’un grand cru shakespearien murit en silence.
La pièce se joue en français. Un car partira de Bruxelles pour emmener à Gand le fan club de la Galafronie. Mais le
Nieuwpoorttheater entend aussi convier son public habituel à découvrir « King Lear Kom hier ». Ci après, les comédiens
racontent leur rôle, la genèse de la pièce et leur rencontre avec l’imaginaire flamand. Le metteur en scène Johan Dehollander et le musicien ajoutent leur son de cloche.
RÔLES EN PAGAILLE : LES CLIENTS DU CAFE DU GLOBE
Marianne Hansé – Clara
Mon personnage est inspiré par la Gonerille de Shakespeare. C’est une femme forte, avide de pouvoir, de plaisir, de luxe
et d’amour. Mais en même temps, elle est toujours à la recherche d’un maître. Jamais satisfaite, elle est en recherche
constante, mais ne vit que d’apparences.
Jean Debefve – le juge
A un moment, dans le texte de Shakespeare, Lear veut un juge. Mon personnage, juge-aubergiste, vient un peu de là.
Mais il trouve aussi son origine dans le personnage de Regane, fille de Lear. Il est dans son monde. Il fait marcher son
téléphone. Il soliloque. C’est un personnage assez contemporain, surtout pour nous, en Belgique. On a en ce moment
assez d’exemples de juges et de députés qui posent des questions incompréhensibles dans des débats plutôt formellement
déconstruits !
Didier de Neck – le réparateur de télés
Mon personnage vient d’Edmond, l’opportuniste, celui qui saisit toute occasion pour prendre une forme de pouvoir. Petit
à petit, il s’impose et continue à proposer l’ordre que Lear essaye de quitter. Il est le jeune qui renverse le vieux et empêche l’histoire d’aller dans le sens de la pureté, de la sagesse. Il vient nous rappeler que le monde à tendance à tourner en
rond. Un astre montant chaque fois recommence les mêmes bêtises, reproduit les mêmes erreurs…
Guy Chadelaud – ex marin, ex-homosexuel, serviteur
A l’origine de mon personnage, il y a Oswald, messager au service de tous. C’est l’exécutant, celui qui est toujours battu.
Jean-Paul Fréhisse – Lear
C’est un drôle de phénomène. D’une autre époque et pris dans un autre délire, Lear est en retrait par rapport aux autres
personnages. Mais en même temps, ces derniers luis sont très proches. Il leur ressemble, à des degrés divers.
Jean-Luc Piraux – le curé
Mon rôle vient de Gloucester. Un Gloucester qui a fort changé ! Il représente le côté aveugle des principes d’enseignement et d’autorité, une façon d’éduquer les gens, un certain rapport au céleste.
Alain de Neck – introducteur du propos et maître d’hôtel
Mon personnage de raisonneur du début est inspiré par le rôle de Kent. Mais son discours introductif sur la justiceinjustice est composé au départ de textes de Platon. Après, je deviens majordome. Je représente alors l’ordre établi, le
désir que tout se passe comme avant. Je ne suis pas soumis aux mêmes passions que les autres. Je suis le contrepoint.
Valérie-Marie Chadelaud – l’infirmière-serveuse
Mon personnage vient d’Edgar, fils aîné de Gloucester. Injustement chassé par son frère Edmond, il est l’image de l’éternelle victime. Le rôle devient féminin mais l’idée demeure. Je me fais violer par tous les hommes !
Catherine Mestoussis – chanteuse et entraîneuse du groupe
Mon rôle est inspiré par celui de Cordélia. Le personnage n’a plus l fraîcheur de cette dernière, mais conserve sa naïveté
et sa recherche de l’amour.
Michel Berckmans – compositeur et interprète des musiques
J’ai composé la musique au fil du temps, en essayant, sur les conseils de Johan, de ne pas faire la même chose que le
texte, d’ajouter une voix propre, à part. J’ai opté pour des airs de cabaret, des musiques orchestrales, des chants.
AU DEBUT ÉTAIT LEAR, GENESE D’UN DELIRE
Marianne Hansé. En septembre, on a réécrit la pièce de Shakespeare en langage moderne. Et en octobre, on a essayé de
jouer ça. Puis on s’est dit : « Boulechite, on s’emmerde ici ! C’est là qu’on a pété les plombs, qu’on a mis notre tête à
couper en-dessous de la main de Johan. On a gardé le noyau original de la pièce – le drame cruel de l’égoïsme, du pouvoir et de l’amour – et on lui a refait une jeunesse.
Jean Debefve. Le Lear de Shakespeare est perdu dans la lande. En Belgique, c’est pas dans la lande qu’on se perd, mais
dans les cafés…
Didier de Neck. Il a fallu un long travail pour arriver à sortir Lear de son passé. Il arrive dans notre présent avec le
même problème qu’il y a quatre cents ans – un problème de solitude, d’amour, d’injustice. Et il percute de plein fouet
notre réalité. La question qu’on s’est posé avec Johan c’est « Que veut dire Lear aujourd’hui ? » Au début, nous sommes
partis en tous sens. Mais dès qu’on a trouvé la métaphore du café comme métaphore du monde, tous s’est mis en place.
Johan Dehollander – metteur en scène. Lear est en haut de la pyramide. Il a sa propre notion de la justice. Il est dans
son monde. In ne connaît pas le bas. Le café, c’est le bas. Et il va le découvrir. Les personnages de « King Lear kon
hier » trouvent leur origine dans la pièce de Shakespeare. Mais ils sont entrés en collision avec les mondes de Bunuel,
Hartley, Deutsch, Carver…
ENTRE BRUXELLES ET GAND, RENCONTRE DES MONDES
Didier de Neck. Johan nous a beaucoup montré son monde. Et il est venu vers les nôtres. Mais cette rencontre dépasse
le clivage francophones Flamands. Chacun est en fait allé vers l’autre. Le travail fut avant tout une histoire de gens qui
se rencontrent. Cependant, il y a en Flandre un autre rapport au concret – beaucoup plus intégré à l’art. C’est une chose
qu’on a aussi découverte dans le jeu, en travaillant avec Johan.
Justice, fric, politique, pouvoir, désir d’amour… Les quêtes humaines vont se noyer dans les eaux troubles du quotidien
au fil de « King Lear Kom hier ». La couronne du roi fond. Elle est de glace, comme nos rêves de gloire et de domination. Un vent surréaliste se lève sur la Flandre… Une aventure shakespearienne post-moderne prend corps au Nieuwportteater.
Pascale Haubruge
15 janvier 1997 – Le Soir

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