quand le cigare s`éveille
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quand le cigare s`éveille
99 Chine_Amateur 10/02/14 09:54 Page26 CIGARE CHINE quand le cigare s’éveille Le monde du cigare (aussi) a les yeux tournés vers la Chine. Perspective ou illusion ? À l’occasion du deuxième festival du cigare chinois, nous avons PROPOS RECUEILLIS PAR CAMILLE SIFER demandé à Éric Piras* ce qu’il en pense. cigares « faits main » peuvent aussi utiliser une sous-cape homogénéisée, etc. Une réglementation est en cours à ce sujet. L’Amateur de Cigare : Quel est l’état du marché chinois aujourd’hui en matière de cigares premium ? Éric Piras : La consommation de cigares premium en Chine PHOTOS © DR connaît une croissance à deux chiffres tous les ans. C’est un marché très prometteur qui, en valeur, est actuellement aussi important que certains marchés européens et pourrait dépasser le marché américain à l’avenir. Il est cependant difficile d’obtenir des chiffres précis sur la production nationale, car il n’existe pas de catégories définies de cigares, au contraire des marchés plus matures. Les chiffres annoncés peuvent faire rêver mais ils ne sont pas comparables avec les références classiques. Par exemple, un cigare dit « fait main » peut être également à base de short-filler ; une cigarette aromatisée peut être comptée comme un cigare ; des 26 l’amateur de cigare * Directeur du développement des cigares premium d’Imperial Tobacco Group pour la région Asie-Pacifique. L’ADC : Quels sont les quotas d’importation ? Par qui et avec qui sont-ils décidés ? É. P. : Le système est flou. Ces dernières années, les quotas ont eu tendance à augmenter mais les chiffres sont confidentiels. La seule société habilitée à importer des cigares en Chine est CTI (China Tobacco International), une filiale de la société nationale STMA (State Tobacco Monopoly Administration). Elle passe deux commandes par an, basées sur les commandes des monopoles régionaux, ainsi que sur le plan d’achat pour les produits importés. 99 Chine_Amateur 10/02/14 09:54 Page27 C CIGARE CHINE Ci-contre, Éric Piras. Ci-dessous, les champs de tabac à Hainan. À droite, un rouleur cubain enseigne les bons gestes à un apprenti rouleur chinois. Festivaliers à Pékin et à Shanghai. L’ADC : Chez Imperial Tobacco, par exemple, l’un des deux groupes leaders sur le marché mondial, qui négocie avec les responsables chinois ? Et comment cela se passe-t-il ? É. P. : Pour les cigares cubains, c’est le responsable d’Infifon (société importatrice des habanos) qui est en contact avec CTI, et c’est moi qui m’occupe des non-cubains. L’ADC : Quelles sont les marques d’importation les plus vendues en Chine ? É. P. : Pour les cubaines, ce sont Cohiba, Romeo y Julieta et Partagas. Pour les non-cubaines faites main, Davidoff est n° 1 pour l’instant. Quant à nous, nous venons d’enregistrer officiellement VegaFina, Don Diego (des cigares faits main), Hav-A-Tampa et Phillies (machine) auprès du monopole chinois CTI. Les ventes vont démarrer cette année sur le marché domestique mais ces cigares sont déjà présents sur le marché du duty free. La ville de Danzhou (Hainan) va devenir la capitale du cigare en Chine. ment du catalogue machine et fait main des cigares Great Wall, la marque leader sur le marché domestique. C’est dans ce cadre que nous venons de lancer le Great Wall Cigar Spectacular N° 2, un petit corona fait à la main, composé d’une cape et d’une souscape indonésiennes et d’une tripe indonésienne et chinoise. Nous mettrons bientôt sur le marché le Great Wall Cigar N° 1, un cañonaso. Notre but est de produire des cigares chinois faits main qui répondent aux standards internationaux. L’ADC : Qu’en est-il aujourd’hui de la production nationale chinoise ? Où sont situées les terres productrices de tabac pour cigares et à qui appartiennent-elles ? É. P. : Tout ce qui touche au tabac (plantations, manufactures, cigares, cigarettes, etc.) est sous contrôle total du monopole chinois. Lors du dernier festival du cigare, qui a eu lieu en novembre, nous avons découvert que s’agissant de la culture du tabac, les responsables chinois se focalisent actuellement sur Hainan Island (sud de la Chine) ; une grande plantation de 700 ha y a été développée récemment. Mais il y a aussi d’autres plantations, comme à Shifang, près de Chengdu, dans le Sichuan. Certaines sont en cours d’essais de tabacs, comme le projet que j’ai initié et que je dirige à Chengdu dans le cadre de la coopération d’Imperial Tobacco Group avec STMA. L’ADC : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette coopération ? Et sur ce projet ? É. P. : Nous travaillons depuis quatre ans sur le développe- Le deuxième festival chinois du cigare s’est tenu du 17 au 22 novembre 2013, à l’instigation de la revue Cigar Ambassador. Il a été lancé à Danzhou (Hainan Island), dont le pouvoir entend faire la capitale du cigare en Chine. Séminaires, concours, visites de plantations et de manufactures et dégustations se sont succédé à Hainan, Pékin, Shanghai, à destination surtout des professionnels de dix-huit pays attirés par les quatre cents millions de fumeurs officiellement recensés dans le pays. Pour connaître les dates du prochain festival en Chine : [email protected] 27 l’amateur de cigare 99 Chine_Amateur 10/02/14 09:54 Page28 CIGARE CHINE L’ADC : Ces cigares seront-ils exportés ? Pourrons-nous les trouver en France ? É. P. : China Tobacco Chuanyu exporte déjà les Great Wall Cigar faits machine en France*, en Hollande, en Belgique. Les faits main sont exportés dans quelques pays d’Amérique du Sud et en Asie-Pacifique. Le Great Wall Cigar Spectacular N° 2 devrait donc bientôt être disponible dans ces mêmes pays mais pas encore en Europe. Fumer un cigare sur la Grande Muraille ou découvrir le Hall of Fame de Danzhou : de quoi étonner plus d’un amateur. L’ADC : Quelles sont les principales manufactures ? É. P. : Il y a en Chine quatre manufactures pour les cigares faits main et faits machine : China Tobacco Chuanyu Industrial Co. (CTCIC), pour Great Wall Cigar – c’est la plus importante –, China Tobacco Hubei, CT Shandong et CT Anhui. L’ADC : Pensez-vous que le terroir chinois ait de l’avenir ? É. P. : Il est difficile de se prononcer sur ce sujet qui dépend L’ADC : Qu’avez-vous pensé du festival du cigare de novembre dernier par rapport aux autres festivals dans le monde ? É. P. : Dans l’ensemble, il était bien organisé, même si, bien sûr, cela n’a rien à voir avec les festivals Habanos à Cuba, Pro-Cigar en République dominicaine ou Humo Jaguar, qu’a organisé Maya Selva au Honduras en 2011. C’était un festival itinérant dont le but était surtout de mettre en avant les usines. Chacune a présenté ses marques et ses spécificités. À Hainan, j’étais l’un des conférenciers : j’ai parlé du développement du cigare en Chine. L’ADC : Quels ont été les moments forts ? É. P. : L’étape la plus intéressante était sans doute celle d’Hainan, où le gouvernement local veut développer le tourisme et l’immobilier sur le thème du cigare – nous y avons visité la future « ville-cigare ». Un autre moment fort a été la visite de la Grande Muraille de Chine : nous sommes tous (environ 150 personnes) montés au sommet pour déguster un VegaFina avant de redescendre pour un excellent déjeuner local. C’était un festival majoritairement professionnel, bien que des invités privés se soient joints au dîner de gala à Hainan. Les festivaliers venaient de partout dans le monde, y compris d’Équateur et de République dominicaine. Un groupe de reporters et photographes, principalement américains, était également présent. L’ADC : Comment décririez-vous les amateurs chinois ? É. P. : La consommation de cigares est bien plus importante que par le passé. Dans les villes principales (Shanghai, Beijing…), il y a des réunions d’aficionados, qui sont de plus en plus connaisseurs. Comme pour tous les produits de luxe, la marque est cruciale. Cependant, à l’instar des 28 l’amateur de cigare amoureux du vin, les amateurs essayent de découvrir de nouvelles marques et d’élargir leurs connaissances. Le leader du marché est toujours Habanos S.A. avec Cohiba, Montecristo, Romeo y Julieta, mais les autres marques sont maintenant connues des aficionados. Pendant le festival, j’ai organisé une dégustation à Shanghai, au Waldorf Astoria, sur des rythmes jazzy. Nous avons dégusté des whiskys pur malt accompagnés par un VegaFina Fortaleza 2 Robusto et un VegaFina Classic Perla. J’ai été surpris par les invités : chinois, hommes et femmes mêlés, âgés de vingt-cinq à cinquante ans, ayant étudié à l’étranger et occupant des postes importants – professionnels de la finance, avocats, entrepreneurs, etc. * Commercialisés par la société Agio. d’un très grand nombre de variables. L’avenir semble assez prometteur pour les cigares faits machine, notamment sur le marché domestique. Pour les faits main, le pays d’origine des tabacs a son importance et CTI va sans doute devoir accepter des importations de pays comme la République dominicaine, l’Équateur ou le Nicaragua de manière à avoir des produits plus compétitifs. Les opportunités sont là, le gouvernement, par l’intermédiaire du STMA, est à l’écoute, les investissements sont importants et la volonté est bien présente. La Chine est le pays qui offre les plus brillantes perspectives de développement pour le cigare à l’horizon 2015 : + 2,3 milliards de dollars selon certaines sources ! Elle occupe aujourd’hui le deuxième rang dans le monde avec 11,6 % du marché mondial en valeur, après les États-Unis. En volume, la consommation y a augmenté de 220 % entre 2005 et 2010. Contrairement à presque tous les autres pays du monde – à l’exception notable de la Pologne où l’on apprécie surtout les cigares premium faits main –, la croissance chinoise ne repose pas sur la consommation de cigarillos* mais sur les cigares, qu’ils soient faits à la main ou à la machine. Les lois anti-tabac y sont pour l’instant peu restrictives (voir p. 45). La Chine est-elle pour autant un eldorado pour les producteurs étrangers ? C’est à voir, car les quotas d’importation protègent drastiquement le marché national : en 2013, le volume importé aurait été de un million d’unités sur trois cents millions de cigares consommés. * Très petits cigares, composés à 100 % de tabac, pesant moins de trois grammes et d’un diamètre inférieur à 11,41 mm.