quand le cigare s`éveille

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quand le cigare s`éveille
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CIGARE 
CHINE
quand le cigare
s’éveille
Le monde du cigare (aussi) a les yeux tournés vers la Chine. Perspective ou
illusion ? À l’occasion du deuxième festival du cigare chinois, nous avons
PROPOS RECUEILLIS
PAR CAMILLE SIFER
demandé à Éric Piras* ce qu’il en pense.
cigares « faits main » peuvent aussi utiliser une sous-cape
homogénéisée, etc. Une réglementation est en cours à ce
sujet.
L’Amateur de Cigare : Quel est l’état du marché chinois
aujourd’hui en matière de cigares premium ?
Éric Piras : La consommation de cigares premium en Chine
PHOTOS
© DR
connaît une croissance à deux chiffres tous les ans. C’est
un marché très prometteur qui, en valeur, est actuellement
aussi important que certains marchés européens et pourrait
dépasser le marché américain à l’avenir. Il est cependant
difficile d’obtenir des chiffres précis sur la production nationale, car il n’existe pas de catégories définies de cigares, au
contraire des marchés plus matures. Les chiffres annoncés
peuvent faire rêver mais ils ne sont pas comparables avec
les références classiques. Par exemple, un cigare dit « fait
main » peut être également à base de short-filler ; une cigarette aromatisée peut être comptée comme un cigare ; des
26  l’amateur de cigare
* Directeur du
développement
des cigares
premium
d’Imperial
Tobacco Group
pour la région
Asie-Pacifique.
L’ADC : Quels sont les quotas d’importation ? Par qui et
avec qui sont-ils décidés ?
É. P. : Le système est flou. Ces dernières années, les quotas
ont eu tendance à augmenter mais les chiffres sont confidentiels. La seule société habilitée à importer des cigares
en Chine est CTI (China Tobacco International), une filiale
de la société nationale STMA (State Tobacco Monopoly
Administration). Elle passe deux commandes par an, basées
sur les commandes des monopoles régionaux, ainsi que
sur le plan d’achat pour les produits importés.
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C
CIGARE  CHINE
 Ci-contre, Éric Piras.
Ci-dessous, les champs
de tabac à Hainan.
À droite, un rouleur cubain
enseigne les bons gestes à
un apprenti rouleur chinois.
Festivaliers à Pékin et à
Shanghai.
L’ADC : Chez Imperial Tobacco, par exemple, l’un des deux
groupes leaders sur le marché mondial, qui négocie avec les
responsables chinois ? Et comment cela se passe-t-il ?
É. P. : Pour les cigares cubains, c’est le responsable d’Infifon
(société importatrice des habanos) qui est en contact avec
CTI, et c’est moi qui m’occupe des non-cubains.
L’ADC : Quelles sont les marques d’importation les plus
vendues en Chine ?
É. P. : Pour les cubaines, ce sont Cohiba, Romeo y Julieta
et Partagas. Pour les non-cubaines faites main, Davidoff
est n° 1 pour l’instant. Quant à nous, nous venons d’enregistrer officiellement VegaFina, Don Diego (des cigares
faits main), Hav-A-Tampa et Phillies (machine) auprès du
monopole chinois CTI. Les ventes vont démarrer cette
année sur le marché domestique mais ces cigares sont déjà
présents sur le marché du duty free.
La ville de Danzhou
(Hainan) va devenir
la capitale du cigare
en Chine.
ment du catalogue machine et fait
main des cigares Great Wall, la marque
leader sur le marché domestique. C’est
dans ce cadre que nous venons de
lancer le Great Wall Cigar Spectacular
N° 2, un petit corona fait à la main,
composé d’une cape et d’une souscape indonésiennes et d’une tripe indonésienne et chinoise. Nous mettrons
bientôt sur le marché le Great Wall Cigar N° 1, un cañonaso.
Notre but est de produire des cigares chinois faits main
qui répondent aux standards internationaux.
L’ADC : Qu’en est-il aujourd’hui de la production nationale
chinoise ? Où sont situées les terres productrices de tabac pour
cigares et à qui appartiennent-elles ?
É. P. : Tout ce qui touche au tabac (plantations, manufactures,
cigares, cigarettes, etc.) est sous contrôle total du monopole
chinois. Lors du dernier festival du cigare, qui a eu lieu en
novembre, nous avons découvert que s’agissant de la culture
du tabac, les responsables chinois se focalisent actuellement
sur Hainan Island (sud de la Chine) ; une grande plantation
de 700 ha y a été développée récemment. Mais il y a aussi
d’autres plantations, comme à Shifang, près de Chengdu,
dans le Sichuan. Certaines sont en cours d’essais de tabacs,
comme le projet que j’ai initié et que je dirige à Chengdu
dans le cadre de la coopération d’Imperial Tobacco Group
avec STMA.
L’ADC : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette coopération ?
Et sur ce projet ?
É. P. : Nous travaillons depuis quatre ans sur le développe-
Le deuxième festival chinois du cigare s’est tenu du
17 au 22 novembre 2013, à l’instigation de la revue Cigar
Ambassador. Il a été lancé à Danzhou (Hainan Island),
dont le pouvoir entend faire la capitale du cigare en
Chine. Séminaires, concours, visites de plantations et de
manufactures et dégustations se sont succédé à Hainan,
Pékin, Shanghai, à destination surtout des professionnels
de dix-huit pays attirés par les quatre cents millions de
fumeurs officiellement recensés dans le pays.
Pour connaître les dates du prochain festival en Chine :
[email protected]
27  l’amateur de cigare

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CIGARE  CHINE

L’ADC : Ces cigares seront-ils exportés ? Pourrons-nous les
trouver en France ?
É. P. : China Tobacco Chuanyu exporte déjà les Great Wall
Cigar faits machine en France*, en Hollande, en Belgique.
Les faits main sont exportés dans quelques pays d’Amérique
du Sud et en Asie-Pacifique. Le Great Wall Cigar Spectacular
N° 2 devrait donc bientôt être disponible dans ces mêmes
pays mais pas encore en Europe.
 Fumer un cigare
sur la Grande
Muraille ou
découvrir
le Hall of Fame
de Danzhou :
de quoi étonner
plus d’un
amateur.
L’ADC : Quelles sont les principales manufactures ?
É. P. : Il y a en Chine quatre manufactures pour les cigares
faits main et faits machine : China Tobacco Chuanyu Industrial Co. (CTCIC), pour Great Wall Cigar – c’est la plus
importante –, China Tobacco Hubei, CT Shandong et CT
Anhui.
L’ADC : Pensez-vous que le terroir chinois ait de l’avenir ?
É. P. : Il est difficile de se prononcer sur ce sujet qui dépend
L’ADC : Qu’avez-vous pensé du festival du cigare de novembre
dernier par rapport aux autres festivals dans le monde ?
É. P. : Dans l’ensemble, il était bien organisé, même si, bien
sûr, cela n’a rien à voir avec les festivals Habanos à Cuba,
Pro-Cigar en République dominicaine ou Humo Jaguar,
qu’a organisé Maya Selva au Honduras en 2011. C’était un
festival itinérant dont le but était surtout de mettre en avant
les usines. Chacune a présenté ses marques et ses spécificités.
À Hainan, j’étais l’un des conférenciers : j’ai parlé du développement du cigare en Chine.
L’ADC : Quels ont été les moments forts ?
É. P. : L’étape la plus intéressante était sans doute celle
d’Hainan, où le gouvernement local veut développer le
tourisme et l’immobilier sur le thème du cigare – nous y
avons visité la future « ville-cigare ». Un autre moment fort
a été la visite de la Grande Muraille de Chine : nous sommes
tous (environ 150 personnes) montés au sommet pour
déguster un VegaFina avant de redescendre pour un excellent déjeuner local. C’était un festival majoritairement
professionnel, bien que des invités privés se soient joints
au dîner de gala à Hainan. Les festivaliers venaient de
partout dans le monde, y compris d’Équateur et de République dominicaine. Un groupe de reporters et photographes,
principalement américains, était également présent.
L’ADC : Comment décririez-vous les amateurs chinois ?
É. P. : La consommation de cigares est bien plus importante
que par le passé. Dans les villes principales (Shanghai,
Beijing…), il y a des réunions d’aficionados, qui sont de
plus en plus connaisseurs. Comme pour tous les produits
de luxe, la marque est cruciale. Cependant, à l’instar des
28  l’amateur de cigare
amoureux du vin, les amateurs essayent de découvrir de
nouvelles marques et d’élargir leurs connaissances. Le leader
du marché est toujours Habanos S.A. avec Cohiba, Montecristo, Romeo y Julieta, mais les autres marques sont maintenant connues des aficionados. Pendant le festival, j’ai
organisé une dégustation à Shanghai, au Waldorf Astoria,
sur des rythmes jazzy. Nous avons dégusté des whiskys pur
malt accompagnés par un VegaFina Fortaleza 2 Robusto
et un VegaFina Classic Perla. J’ai été surpris par les invités :
chinois, hommes et femmes mêlés, âgés de vingt-cinq à
cinquante ans, ayant étudié à l’étranger et occupant des
postes importants – professionnels de la finance, avocats,
entrepreneurs, etc.
* Commercialisés
par la société
Agio.
d’un très grand nombre de variables. L’avenir semble assez
prometteur pour les cigares faits machine, notamment sur
le marché domestique. Pour les faits main, le pays d’origine
des tabacs a son importance et CTI va sans doute devoir
accepter des importations de pays comme la République
dominicaine, l’Équateur ou le Nicaragua de manière à avoir
des produits plus compétitifs. Les opportunités sont là, le
gouvernement, par l’intermédiaire du STMA, est à l’écoute,
les investissements sont importants et la volonté est bien
présente. 
La Chine est le pays qui offre les plus brillantes perspectives de
développement pour le cigare à l’horizon 2015 : + 2,3 milliards de
dollars selon certaines sources ! Elle occupe aujourd’hui le deuxième
rang dans le monde avec 11,6 % du marché mondial en valeur, après les
États-Unis. En volume, la consommation y a augmenté de 220 % entre
2005 et 2010. Contrairement à presque tous les autres pays du monde
– à l’exception notable de la Pologne où l’on apprécie surtout les
cigares premium faits main –, la croissance chinoise ne repose pas sur
la consommation de cigarillos* mais sur les cigares, qu’ils soient faits à
la main ou à la machine. Les lois anti-tabac y sont pour l’instant peu
restrictives (voir p. 45).
La Chine est-elle pour autant un eldorado pour les producteurs
étrangers ? C’est à voir, car les quotas d’importation protègent
drastiquement le marché national : en 2013, le volume importé aurait été
de un million d’unités sur trois cents millions de cigares consommés. 
* Très petits cigares, composés à 100 % de tabac, pesant moins de trois grammes et d’un
diamètre inférieur à 11,41 mm.

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