Justice imminente - Editions des Deux Terres

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Justice imminente - Editions des Deux Terres
Justice imminente [Réimpressio] 28/02/08 14.56 Page 5
JILLIANE
HOFFMAN
JUSTICE IMMINENTE
roman
TRADUIT DE L’ ANGLAIS ( ÉTATS - UNIS )
PAR JEAN ESCH
Justice imminente [Réimpressio] 28/02/08 14.56 Page 6
Titre original:
RETRIBUTION
Éditeur original: G. P. Putnam’s Sons,
a member of Penguin Group (USA) Inc.
© Jillian Hoffman, 2004
original: 0-399-15127-3
ISBN
Pour la traduction française:
© Éditions des Deux Terres, mars 2004.
ISBN
2-84893-005-5
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utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque
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REMERCIEMENTS
Il me faut remercier les personnes suivantes pour l’aide qu’elles
m’ont apportée dans ce projet; toutes m’ont fourni leurs précieuses
connaissances sans aucune réserve ni hésitation et je leur en suis
particulièrement reconnaissante: le Dr Reinhardt Motte et le Dr Lee
Hearn du Bureau de médecine légale du comté de Miami-Dade,
tous les agents du DFLE, et plus particulièrement l’agent spécial
Eddie Royal; la responsable de la Brigade des violences domestiques, Esther Jacobo du Bureau du procureur du comté de MiamiDade; les adjointes du procureur Julie Hogan et Marie Perikles, la
pharmacienne Elizabeth Chasko, et pour finir, M. Dean Mynks.
Un grand merci également à Marie Ryan, avocate du barreau, Leslie
Thomas, Penny Weber, Thea Sieban et John Pellman Sr. pour leur
temps précieux et pour leur discernement, ainsi qu’à mes amis et à
ma famille pour leur soutien, et à ma mère pour son talent.
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Pour Rich, l’amour de ma vie,
Qui n’a jamais douté.
Et pour Amanda et Katarina,
Qui ont toujours cru.
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PREMIÈRE PARTIE
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CHAPITRE 1
JUIN 1988 NEW YORK
C
hloé Larson était en retard, comme d’habitude. Elle
avait exactement dix minutes pour enfiler une tenue correcte
afin d’assister au Fantôme de l’Opéra – le spectacle le plus couru
de Broadway, dont toutes les places étaient vendues un an à
l’avance –, se maquiller et sauter dans le train de 18 h 52 à Bayside pour se rendre en ville, ce qui voulait dire un trajet de
trois minutes en voiture entre son appartement et la gare. Il
ne lui restait donc en réalité que sept minutes. Elle passa rapidement en revue sa penderie, qu’elle avait projeté de ranger
l’hiver dernier, et opta rapidement pour une jupe en crêpe
noire avec une veste assortie et un caraco rose. Tenant une
chaussure à la main, elle murmura le prénom de Michael, tandis qu’elle lançait, les unes après les autres, toutes les autres
chaussures entassées sur le plancher de la penderie, jusqu’à ce
qu’elle trouve la compagne de l’escarpin en cuir noir.
Elle se précipita ensuite dans la salle de bains au bout du couloir tout en enfilant ses chaussures. Ce n’était pas censé se passer
comme ça, se dit-elle en renversant sa longue chevelure blonde
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pour pouvoir se peigner rapidement d’une main, tout en se
brossant les dents avec l’autre. Elle aurait dû être détendue et
insouciante, un peu grisée par l’impatience, l’esprit libéré de
toute préoccupation lorsque lui serait enfin posée la question
qui mettait fin à toutes les autres. Au lieu de cela, elle courait
dans tous les sens, en manque de sommeil à cause des cours
intenses et des groupes de travail en compagnie d’autres personnes tout aussi angoissées; l’examen d’entrée au barreau de
New York faisait intrusion dans chacune de ses pensées. Elle
recracha le bain de bouche, s’aspergea de Chanel n° 5 et courut
quasiment jusqu’à la porte. Quatre minutes. Elle avait quatre
minutes encore, ou sinon, elle serait obligée de prendre le train
de 19 h 22 et elle manquerait certainement le lever de rideau.
L’image d’un Michael fringant et agacé, attendant devant le
Majestic Theater, une rose à la main, l’écrin dans la poche, et
regardant sans cesse sa montre, traversa son esprit.
Ce n’était pas censé se passer comme ça. Elle aurait dû être mieux
préparée.
Pendant qu’elle traversait la cour précipitamment jusqu’à sa
voiture, ses doigts habiles accrochaient les boucles d’oreilles
qu’elle avait attrapées au passage sur sa table de chevet. Elle
sentit le regard de son étrange voisin reclus glisser sur elle derrière la fenêtre de son salon au premier étage, comme tous les
jours. Il l’observait tandis qu’elle traversait la cour pour
rejoindre l’animation du monde extérieur et vivre sa vie. Elle se
débarrassa de cette sensation glaciale et dérangeante et monta
à bord de sa voiture. Ce n’était pas le moment de penser à
Marvin. Ce n’était pas le moment de penser à l’examen d’entrée au barreau. Elle ne devait penser qu’à une seule chose: la
réponse à la question que Michael allait certainement lui poser
ce soir.
Trois minutes. Elle n’avait plus que trois minutes en négligeant le panneau stop au coin de la rue et en passant de justesse au vert dans Northern Boulevard.
Le bruit assourdissant de la sirène du train retentit au
moment où elle gravissait deux par deux les marches de l’esca-
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lier conduisant au quai. Les portières se refermèrent sur elle
au moment où elle adressait un signe de la main au conducteur pour le remercier d’avoir attendu. Elle se laissa tomber
sur la banquette en vinyle rouge lacérée, essoufflée par cette
course sur le parking et dans l’escalier. Le train quitta la gare
en direction de Manhattan. C’était moins une.
Maintenant, détends-toi, Chloé, se dit-elle en regardant défiler
le Queens dans la lumière déclinante de la fin de journée. Car
ce soir, ce ne serait pas un soir comme un autre. Elle en était
convaincue.
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CHAPITRE 2
L
e vent s’était levé et les épais buissons de plantes à
feuilles persistantes qui masquaient son corps immobile se
mirent à se balancer en bruissant. À l’ouest, un éclair illumina
brièvement le ciel; des zébrures blanches et violettes clignotèrent derrière l’alignement éclatant des gratte-ciel de Manhattan. Cela ne faisait aucun doute, il allait pleuvoir à verse, et
dans peu de temps. Accroupi dans les profondeurs obscures
des fourrés, il crispa la mâchoire, raidissant les veines de son
cou, en entendant le grondement de tonnerre. Ce serait la cerise
sur le gâteau, non? Un orage, alors qu’il attendait que cette salope
rentre enfin chez elle.
Il n’y avait aucun souffle d’air sous le feuillage dense des
buissons qui entouraient l’immeuble, et la chaleur était devenue si étouffante sous le lourd masque de clown qu’il avait
l’impression de sentir fondre sa peau. L’odeur de feuilles en
décomposition et de terre humide envahissait ses narines et
il s’efforçait de respirer uniquement par la bouche. Une
minuscule chose passa à toute vitesse près de son oreille et il
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s’interdit d’imaginer les différentes sortes de vermines qui, en
cet instant, rampaient sur sa personne, remontaient à l’intérieur de ses manches ou s’insinuaient dans ses grosses chaussures de chantier. Ses doigts gantés manipulaient avec nervosité la lame aiguisée.
Il n’y avait aucun signe de vie dans la cour déserte. Tout était
calme, à l’exception du vent qui sifflait dans les branches des
chênes et du bourdonnement constant d’une douzaine de climatiseurs accrochés en équilibre précaire aux rebords des
fenêtres, au-dessus de lui. Les buissons épais longeaient
presque tout le côté de l’immeuble, et il savait que personne
ne pouvait l’apercevoir, même des appartements situés en
étage. Le tapis de mauvaises herbes et de compost craqua faiblement sous son poids lorsqu’il se redressa pour avancer à pas
feutrés au milieu de la grande haie, vers sa fenêtre.
Elle n’avait pas tiré ses rideaux. La lueur du lampadaire
découpait des rubans de lumière terne à travers la chambre. À
l’intérieur, tout était calme et sombre. Le lit était défait et la
porte de la penderie ouverte. Des chaussures – des escarpins,
des mocassins, des baskets – jonchaient le sol. À côté du téléviseur, une collection d’ours en paille était disposée sur la commode déjà encombrée. Des dizaines de billes noires brillantes
le regardaient dans les éclats de lumière ambrée qui entraient
par la fenêtre. Les chiffres rouges du réveil indiquaient 00: 23.
Ses yeux savaient exactement où regarder. Ils balayèrent la
commode et sa langue se promena sur ses lèvres sèches. Des
soutiens-gorge de couleur et des culottes en dentelle assorties
étaient entassés en vrac dans le tiroir resté ouvert.
Sa main se plaqua sur son pantalon et il sentit aussitôt
renaître son érection. Ses yeux glissèrent vers le rocking-chair
où elle avait posé sa chemise de nuit en dentelle blanche. Il
ferma les yeux et se caressa plus vite en la revoyant très précisément telle qu’elle lui était apparue la nuit précédente. Ses
seins fermes et ronds tressautaient à travers cette chemise de
nuit transparente, pendant qu’elle chevauchait son petit
copain. Elle avait rejeté la tête en arrière, ouvrant ses lèvres
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ourlées et gonflées de plaisir. C’était une vilaine fille, elle laissait les rideaux ouverts. Très vilaine. Sa main s’accéléra. Il
l’imaginait maintenant avec des bas en Nylon enveloppant ses
longues jambes, les pieds sanglés dans une paire d’escarpins
provenant de sa penderie. Il serrait les talons aiguilles dans ses
mains pour lui soulever les jambes, très haut, encore plus haut,
et les écarter au maximum, pendant qu’elle hurlait. De peur
d’abord, puis de plaisir. Sa crinière blonde s’étalait sur
l’oreiller, ses bras étaient solidement attachés à la tête de lit.
Sa jolie petite culotte rose en dentelle et son épaisse toison
blonde s’offraient à lui, tout près de sa bouche. Miam miam! Il
gémit bruyamment dans sa tête et son souffle siffla par la
mince fente au centre du large sourire rouge déformé. Il s’arrêta avant de jouir et rouvrit les yeux. La porte de la chambre
était entrouverte, et il voyait que le reste de l’appartement était
aussi sombre et vide. Il se laissa retomber à sa place sous le
feuillage. La sueur ruisselait sur son visage et le latex semblait
aspirer sa peau. Le tonnerre gronda de nouveau et il sentit son
sexe se ratatiner à l’intérieur de son pantalon.
Elle aurait dû être rentrée depuis des heures. Le vendredi
soir, elle ne rentrait jamais après 22 h 45. Mais ce soir, ce soir
comme un fait exprès, elle était en retard! Il se mordit la lèvre,
ce qui rouvrit la coupure qu’il avait mordillée une heure plus
tôt; le goût salé du sang envahit sa bouche. Il réprima une terrible envie de hurler.
Salope de pute de merde! Il ne pouvait s’empêcher d’être déçu.
Il était tellement excité, exalté, tout à l’heure en comptant les
minutes. À 22 h 45, elle passerait devant lui, à quelques pas
seulement, avec sa tenue de sport moulante. Les lumières s’allumeraient au-dessus de sa tête et il se redresserait lentement
vers la fenêtre. Il la regarderait soulever son T-shirt mouillé de
transpiration et faire glisser son short sur ses cuisses nues. Il la
regarderait se préparer pour aller au lit. Se préparer pour lui!
Tel un collégien enivré par son premier rendez-vous, il avait
ricané tout seul dans les buissons. Jusqu’où va-t-on aller ce soir,
ma chérie? Jusqu’au bout? Mais ces premières minutes d’intense
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excitation s’étaient prolongées et il était toujours là, deux
heures plus tard, tapi comme un vagabond, alors qu’une
infâme vermine rampait sur lui et se reproduisait sans doute
dans ses oreilles. La jouissance anticipée qui l’avait alimenté,
qui avait nourri ses fantasmes, s’était volatilisée. Sa déception
s’était peu à peu transformée en colère, une colère qui avait
enflé de minute en minute. Il serra les dents de toutes ses
forces et son souffle se mua en sifflement. Non, il n’était plus
excité. Il n’était plus exalté. Il avait dépassé le stade du mécontentement.
Il resta assis là, dans l’obscurité, à mâchonner sa lèvre sous le
masque pendant une heure encore lui sembla-t-il, quelques
minutes seulement en vérité. Les éclairs zébraient le ciel et le
tonnerre grondait de plus en plus fort; il comprit que le
moment était venu de s’en aller. À contrecœur, il ôta son
masque, reprit son sac d’accessoires et s’extirpa des buissons. Il
savait qu’il y aurait une prochaine fois.
Au même moment, des phares éclairèrent la rue noire et il
eut juste le temps de quitter l’allée cimentée pour bondir derrière la haie. Une BMW gris métallisé passa à toute allure
devant le bâtiment et s’arrêta en double file à moins de dix
mètres de sa cachette.
Les minutes passèrent comme des heures, mais la portière
du passager s’ouvrit enfin et deux longues et superbes jambes,
terminées par des pieds délicats parés d’escarpins à talons
hauts en cuir noir, apparurent. Il sut immédiatement que
c’était elle et une inexplicable impression de calme l’envahit.
Ce doit être le destin.
Le Clown retourna alors à l’intérieur des buissons. Pour
attendre.

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