Document : Palettes italiennes Un tableau - Un

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Document : Palettes italiennes Un tableau - Un
Secondaire
Document : Palettes italiennes
Un tableau - Un texte
Guido RENI dit LE GUIDE
(Calvenzano, 1575 - Bologne, 1642)
> Apollon écorchant Marsyas (autour de 1619)
Guido RENI dit LE GUIDE, Apollon écorchant Marsyas
(autour de 1619), 220x 167 cm
musée des Augustins. Cliché : Daniel Martin.
> Scène mythologique
Apollon, dieu archer, dieu solaire, est aussi dieu de la musique : il réside alors sur le mont
Parnasse entouré des neuf Muses. On lui associe les instruments à cordes, lyre, cithare
(« Apollon citharède »)… et même le violon (dans la tradition picturale moderne).
Ce dieu, associé à tous les arts, peut être aussi un dieu cruel, meurtrier : il met à mort le satyre
Marsyas qui a osé le défier dans un concours musical.
© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2003).
Secondaire
Athéna (Minerve, déesse de la Sagesse) avait inventé l’aulos sorte de double flûte. Mais
s’apercevant qu’elle lui déformait le visage, elle la jeta en maudissant celui qui la ramasserait.
Le satyre Marsyas s’en empara et apprit à en jouer. Il osa défier Apollon ; un concours fut
organisé avec le roi Midas comme arbitre. Midas préféra le son de l’aulos (et Apollon lui donna
des oreilles d’âne pour le punir de son mauvais goût !) Apollon finit par emporter le concours en
jouant de son instrument à l’envers. Le dieu vainqueur fut sans pitié pour son rival ; il l’attacha à
un arbre et l’écorcha vif.
Le concours entre le dieu et le satyre a été représenté sur les vases attiques, le supplice de
Marsyas sur la céramique italiote. Ce thème a été repris par les peintres de la Renaissance, en
particulier par Raphaël (1502 – Vatican), puis par les peintres baroques (Ribera).
Guido RENI, dit LE GUIDE, né à Calvenzano en 1575, mort à Bologne en 1642, a traité lui
aussi ce thème. Admirateur de l’Antiquité et de Raphaël, il a le culte de la beauté, de la
perfection et exclut de ses tableaux la laideur, la vulgarité. Après plusieurs séjours à Rome, il se
fixe définitivement à Bologne (1614). Il peint de nombreux tableaux à sujets mythologiques,
opposant deux personnages (Nessus et Déjanire, Atalante et Hippomène…) Apollon écorchant
Marsyas appartient à ce genre.
> Etude iconographique
La composition est construite sur une opposition totale entre les deux personnages, traités de
façon monumentale.
Apollon est représenté de profil, nu, une draperie jaune flottant derrière son épaule, jambe
gauche repliée, le pied posé sur un rocher. Armé d’un couteau, il commence à écorcher vif le
malheureux Marsyas, lui enlevant une lanière de peau sous l’aisselle. La victime, attachée par
le bras à un tronc d’arbre, la jambe gauche repliée dans un mouvement qui répond à la jambe
d’Apollon, hurle de douleur. Son visage contracté s’oppose de façon saisissante au calme «
olympien » du dieu qui fait son œuvre de bourreau avec une sérénité implacable. Le contraste
est grand aussi entre la blancheur du corps d’Apollon et l’ocre doré du corps de Marsyas.
Apollon est divin, presque immatériel, « hyperboréen », sa pâleur « aristocratique » contraste
avec la matérialité du satyre bien bronzé (cela avait été mal compris au XIXe siècle où l’on
prétendait qu’Apollon était inachevé, « ébauché de grisaille »).
Au pied de chacun des adversaires sont posés les instruments du fatal concours : la lyre et la
flûte (mais Guido Reni a remplacé ici l’aulos par une flûte de Pan).
> Etude iconologique
Lyre et aulos sont les deux principaux instruments de la musique grecque antique. La lyre avait
été inventée par le dieu Hermès à partir d’une carapace de tortue recouverte d’une peau sur
laquelle il avait tendu des boyaux de vache. C’est un instrument à onze cordes que l’on pince
avec les doigts ou à l’aide d’un plectre, une pièce de métal, d’os ou d’ivoire ; le son de la lyre
accompagne la poésie chantée ou récitée. C’est pourquoi la lyre est l’instrument d’Apollon, dieu
de la beauté, de l’harmonie, de la mesure, protecteur de la civilisation de la cité.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2003).
Secondaire
L’aulos, instrument à vent ressemblant à une flûte mais plus proche du hautbois, manque de
justesse, a une sonorité criarde, déforme le visage de celui qui en joue. C’est l’instrument de la
nature sauvage, de l’animalité, de la démesure. C’est l’instrument de Dionysos (Bacchus) et de
son cortège de bacchantes et de satyres.
A travers cette scène, Guido Reni célèbre paradoxalement la victoire de la musique savante, de
l’ordre, de la civilisation sur la musique populaire, la nature et son désordre. C’est pourquoi
cette scène cruelle est d’une beauté plastique si harmonieuse, presque sereine.
OVIDE
> Marsyas
Lorsque le conteur, dont j’ignore le nom, eut rapporté en ces termes la triste fin des paysans
Lyciens, un autre rappela le châtiment infligé par le fils de Latone1 au satyre qu’il avait vaincu
dans le combat de la flûte, due à la déesse du Triton : “Pourquoi m’arraches-tu à moi-même ?”
demandait celui-ci. Et il criait : “Ah ! quel est mon repentir ! Ah ! une flûte ne vaut pas d’être
payée si cher !” En dépit de ses cris, la peau lui est arraché sur toute la surface de son corps ; il
n’es plus qu’une plaie ; son sang coule de toutes parts ; ses muscles, mis à nu, apparaissent au
jour ; un mouvement convulsif fait tressaillir ses veines, dépouillées de la peau ; on pourrait
compter ses viscères palpitants et les fibres que la lumière vient éclairer dans sa poitrine. Les
Faunes rustiques, divinités des bois, les Satyres, ses frères, Olympus, qui même à ce moment
lui est encore cher, et les nymphes le pleurèrent, et, avec eux, tous les bergers qui sur ces
montagnes faisaient paître les bêtes à laine et les troupeaux de bœufs. Leurs larmes, en
tombant, baignèrent la terre fertile, elle les recueillit dans son sein et s’en abreuva jusqu’au fond
de ses veines ; puis, les ayant changées en eau, elle les renvoya vers les libres espaces de
l’air. Ainsi est né un fleuve qui va, entre les pentes de ses rives, se jeter dans la mer orageuse ;
c’est celui qu’on appelle le Marsyas, le plus limpide de la Phrygie.
Ovide, Les Métamorphoses, VI, 383-400
Collection des universités de France,
Guillaume Budé, T II, Paris 1955
1
Apollon
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2003).

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