8 Nombres premiers

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8 Nombres premiers
8
Nombres premiers
8.1 L'ensemble P des nombres premiers
L'ensemble Dn des diviseurs dans N∗ d'un entier n ≥ 2 contient toujours 1 et n, il est donc
de cardinal supérieur ou égal à 2. On s'intéresse ici aux entiers p ≥ 2 tels que Dp soit de cardinal
minimal, à savoir 2.
Dénition 8.1 On dit qu'un entier naturel p est premier s'il est supérieur ou égal à 2 et si les
seuls diviseurs positifs de p sont 1 et p.
Remarque 8.1
0 et 1 ne sont pas premiers et 2 est le seul nombre pair qui est premier.
On note P l'ensemble de tous les nombres premiers.
Exemple 8.1
n = 111111 est non premier (la somme des chires de n est égale à 6, donc n
est divisible par 3 < n).
Exemple 8.2 Les nombres de Fermat sont les entiers de la forme
Fn = 22 + 1où n est un
n
entier naturel.
Ces entiers sont premiers pour n = 0, 1, 2, 3, 4, mais pas pour n = 5 ou n = 6.
L'instruction Maple :
for n from 1 to 6 do factorset(2^(2^n)+1) od ;
nous donne :
{5}, {17}, {257}, {65537}, {6700417, 641}, {67280421310721, 274177}
soit pour n = 5 et n = 6 :
(
)(
)
5
F5 = 22 + 1 = 4294967297 = 641 × 6700417 = 27 · 5 + 1 27 · 3 · 17449 + 1 ,
6
F6 = 22 + 1 = 18446744073709551617 = 274177 × 67280421310721
(
)(
)
= 28 · 32 · 7 · 17 + 1 28 · 5 · 47 · 373 · 2998279 + 1 .
Euler (sans l'aide de Maple) avait montré que F5 n'est pas premier (voir l'exercice 1.24).
Le résultat qui suit se déduit du fait que toute partie non vide de N admet un plus petit
élément.
Théorème 8.1 (Euclide) Tour entier n supérieur ou égal à 2 a au moins un diviseur premier.
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Nombres premiers
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Démonstration. Pour tout entier n ≥ 2 l'ensemble Dn des diviseurs strictement positifs de
n a au moins deux éléments, 1 et n, donc Dn \ {1} est non vide dans N \ {0, 1} et il admet un
plus petit élément p qui est nécessairement premier. En eet si p n'est pas premier il admet un
diviseur q tel que 2 ≤ q < p avec q qui divise n, ce qui contredit le caractère minimal de p.
Corollaire 8.1 Tout entier relatif n ∈ Z \ {−1, 0, 1} a au moins un diviseur premier.
Démonstration. Tout diviseur premier de |n| ≥ 2 convient.
Un entier naturel non premier s'écrit donc n = pq avec p ≥ 2 premier et q ≥ 2. On dit alors
qu'il est composé.
Exercice 8.1 Soit b ≥ 3 une base de numération. Montrer que n = 12 · · · 21b , où le chire 2
est répété p ≥ 2 fois, est non premier.
Solution 8.1 On a :
n = 1 + 2b + · · · + 2bp + bp+1
bp − 1
= 1 + 2b
+ bp+1
b−1
bp+2 + bp+1 − b − 1
(bp+1 − 1) (b + 1)
=
=
b( − 1
b−
) 1
p−1
p
= (b + 1) 1 + b + · · · + b
+b
les deux termes de ce produit étant ≥ 2, donc n n'est pas premier.
Exercice 8.2 Soient a ≥ 2 et m ≥ 2 deux entiers et p = am − 1. Montrer que si p est premier
alors a = 2 et m est premier. La réciproque est-elle vraie ? On appelle nombre de Mersenne
tout entier de la forme 2m − 1. Le plus grand nombre premier connu à ce jour (16 septembre
2006) est le nombre premier de Mersenne : 232582657 − 1.
Solution 8.2 Supposons que p soit premier. On a :
p = a − 1 = (a − 1)
m
m−1
∑
ak = (a − 1) q
k=0
Si a > 2, on a a − 1 ≥ 2 et q ≥ 2 puisque m ≥ 2 et p ne peut être premier. On a donc
nécessairement a = 2 et p = 2m − 1. Si m n'est pas premier, il s'écrit m = ab avec a ≥ 2, b ≥ 2
et :
p = 2 − 1 = (2 ) − 1 = (2 − 1)
a b
ab
a
b−1
∑
(2a )k = (2a − 1) q
k=0
avec 2a − 1 ≥ 2 (puisque 2a ≥ 4) et q ≥ 2 (puisque b ≥ 2) et p ne peut être premier. L'entier
m est donc nécessairement premier.
Pour m = 2, 3, 5, 7, on a p = 3, 7, 31, 127 qui sont premiers et pour m = 11, on a p = 211 − 1 =
2047 = 23 × 89. La réciproque est donc fausse.
Un diviseur premier de n ≥ 2 est nécessairement inférieur ou √
égal à n. En fait, pour n non
premier, on peut toujours en trouver un qui est inférieur ou égal à n, c'est p = min (Dn \ {1}) .
Théorème 8.2 Tout entier
√ n supérieur ou égal à 2 qui est composé a au moins un diviseur
premier p tel que 2 ≤ p ≤
n.
L'ensemble P des nombres premiers
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Démonstration. En supposant n composé et en gardant les notations de la démonstration
du théorème précédent, on a vu que p = min (Dn \ {1}) est un diviseur premier de n. On a
donc n = pq avec 2 ≤ q ≤ n (on a q ̸= 1 puisque
n n'est pas premier) et q ∈ Dn \ {1} , ce qui
√
2
implique que p ≤ q et p ≤ pq = n, soit p ≤ n.
On peut aussi montrer ce résultat par récurrence sur n ≥ 4.
p = 2 divise n = 4.
Supposons le résultat acquis pour tous les entiers composés compris entre 2 et n − 1 ≥ 4. Si
n est premier, il n'y a rien à montrer, sinon il existe deux entiers a et b compris entre 2 et n − 1
tels que n = ab et comme ces deux entiers jouent des rôles symétriques, on peut supposer que
2
a ≤ b. Si a est premier, c'est
√ alors un diviseur premier de√n tel que a ≤ ab ≤ n, sinon il admet
un diviseur premier p ≤ a et p divise aussi n avec p ≤ n.
Le théorème précédent nous donne un premier algorithme, relativement simple, permettant
de savoir si un entier n ≥ 2 est√premier ou non : on eectue successivement la division euclidienne
de n par tous les entiers p ≤ n : si l'une de ces divisions donne un reste nul, alors n n'est pas
premier, sinon, n est premier.
Une petite amélioration peut être apportée à cet algorithme en
√ remarquant que si 2 ne divise
pas n, il est inutile de tester les divisibilités par les entiers p ≤ √n pairs.
Pour tester la divisibilité de n par les nombres premiers p ≤ n, on doit disposer de la liste
de tous ces nombres premiers. Le crible d'Eratosthène nous permet d'obtenir une telle liste. Le
principe est le suivant :
√
on se donne la liste de tous les entiers compris entre 2 et m (m est la partie entière de n
pour l'algorithme précédent) ;
on garde 2 et on supprime tous les autres multiples de 2 de cette liste ;
le premier entier strictement supérieur à 2 est 3 et comme il ne possède pas de diviseur
strict, il est premier, on le garde et on supprime tous les autres multiples de 3 de la liste ;
on continue ainsi de suite
√ et on s'arrête dès que l'on tombe sur un nombre premier strictement plus grand que n. La liste nale contient alors tous les nombres premiers inférieurs
à m.
Par exemple pour m = 25, on a la séquence suivante :
L0 = (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25) ;
2 est premier et on supprime de L0 tous les multiples de 2 qui sont diérents de 2, ce qui
donne la liste L1 = (2, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21, 23, 25) ;
3 est nécessairement premier et en supprimant de L1 tous les multiples de 3 qui sont
diérents de 3, on obtient la liste L2 = (2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 25) ;
5 est nécessairement premier et en supprimant de L2 tous les multiples de 5 qui sont
diérents de 5, on obtient la liste L3 = (2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23) ;
7 est nécessairement premier et en supprimant de L3 tous les multiples de 7 qui sont
diérents de 7, on obtient la liste L4 =√(2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23) . Tous les éléments de
cette liste sont premiers puisque 7 > 25.
Les résultats qui suivent sont élémentaires, mais souvent utiles.
Lemme 8.1 Soit p un entier naturel premier. Pour tout entier naturel non nul n, on a soit p
qui divise n, soit p qui est premier avec n.
Démonstration. Comme δ = p ∧ n divise p, on a soit δ = p et p divise n, soit δ = 1 et p
est premier avec n.
Lemme 8.2 Deux nombres premiers distincts sont premiers entre eux.
Démonstration. Soient p, q deux nombres premiers. Si δ = p ∧ q ̸= 1, le lemme précédent
nous dit que p divise q et q divise p, donc p = q.
Nombres premiers
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Lemme 8.3 Un entier p ≥ 2 est premier si, et seulement si, il est premier avec tout entier
compris entre 1 et p − 1.
Démonstration. Si p est premier, comme il ne divise pas k ∈ {1, · · · , p − 1} , il est premier
avec k.
Réciproquement si p n'est pas premier, il s'écrit alors p = ab avec a ≥ 2, b ≥ 2 et p n'est pas
premier avec a ∈ {2, · · · , p − 1} .
Le théorème de Gauss nous donne le résultat suivant qui nous sera utile pour prouver l'unicité
(à l'ordre près) de la décomposition en facteurs premiers d'un entier n ≥ 2.
Lemme 8.4 (Euclide) Soit p un nombre premier et r un entier naturel supérieur ou égal à
2. Si p divise le produit n1 n2 · · · nr de r entiers naturels non nuls, alors p divise l'un des nk .
Démonstration. On procède par récurrence sur n ≥ 2.
Si p divise n1 n2 , on a soit p qui divise n1 , soit p qui est premier avec n1 et il va alors diviser
n2 (théorème de Gauss).
Supposons le résultat acquis au rang n − 1 ≥ 2. Si p divise n1 n2 · · · nr , on a soit p qui divise
n1 , soit p qui est premier avec n1 et il va alors diviser n2 · · · nr et l'un des nk où k est compris
entre 2 et n.
Dans le cas où tous les nk sont égaux à un même entier n, on a :
(p premier divise nr ) ⇒ (p divise n)
Exercice 8.3 Soient p ≥ 2 un nombre premier et n, m des entiers naturels non nuls. Montrer
que p divise n ou pm est premier avec n.
Si p divise n c'est ni. Sinon p est premier avec n et le théorème de Bézout nous
dit qu'il existe deux entiers relatifs u et v tels que up + vn = 1. On a alors 1 = (up + vn)m =
um pm + vm n, ce qui signie que pm et n sont premiers entre eux.
Solution 8.3
Exercice 8.4 Soient a et b deux entiers relatifs non nuls. Montrer que :
(
)
a2 + b2 ∧ (ab) = (a ∧ b)2 .
Solution 8.4 Soient δ = a ∧ b et p, q premiers entre eux tels que a = δp et b = δq. On a :
(
)
( (
)) (
)
δ ′ = a2 + b2 ∧ (ab) = δ 2 p2 + q 2 ∧ δ 2 (pq)
((
)
)
= δ 2 p2 + q 2 ∧ (pq) .
Il s'agit alors de montrer que δ ′ = (p2 + q 2 ) ∧ (pq) = 1 si p ∧ q = 1 (on s'est ramené en fait au
cas où a et b sont premiers entre eux). Supposons que δ ′ ≥ 2, il admet alors un diviseur premier
d ≥ 2 et d qui divise pq (pq est multiple de δ ′ ) va diviser p ou q. Mais d divise p entraîne d
divise p2 avec d diviseur de p2 + q 2 (p2 + q 2 est multiple de δ ′ ), donc d premier divise q 2 , il
divise donc q, ce qui est impossible (p et q premiers entre eux ne peuvent avoir d ≥ 2 comme
diviseur commun). Comme p et q jouent des rôles analogues, d ne divise pas q. On a donc
nécessairement δ ′ = 1.
Exercice 8.5 Soient
Montrer que :
a et b deux entiers relatifs non nuls et n un entier naturel non nul.
an ∧ bn = (a ∧ b)n et an ∨ bn = (a ∨ b)n .
L'ensemble P des nombres premiers est inni
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Solution 8.5 Soient δ = a ∧ b et p, q premiers entre eux tels que a = δp et b = δq. On a :
an ∧ bn = (δ n pn ) ∧ (δ n q n ) = δ n (pn ∧ q n )
et (a ∧ b)n = δ n . Il s'agit alors de montrer que δ ′ = pn ∧ q n = 1 si p ∧ q = 1 (on s'est ramené
en fait au cas où a et b sont premiers entre eux). Supposons que δ ′ ≥ 2, il admet alors un
diviseur premier d ≥ 2 et d qui divise pn et q n va diviser p et q ce qui est impossible. On a donc
nécessairement δ ′ = 1.
Pour ce qui est du ppcm, on a :
an ∨ bn =
Par exemple, on a :
|a|n |b|n
(|a| |b|)n
n
=
n = (a ∨ b) .
n
n
a ∧b
(a ∧ b)
125 ∧ 27 = 53 ∧ 33 = 5 ∧ 3 = 1.
On peut déduire de l'exercice précédent que deux entiers relatifs non nuls a et b sont premiers
entre eux si, et seulement si, an et bn sont premiers entre eux, quel que soit l'entier n ≥ 1.
Exercice 8.6 Soient a, b, c, d des entiers relatifs non nuls. Montrer que si a ∧ b = c ∧ d = 1,
alors (ac) ∧ (bd) = (a ∧ d) (b ∧ c) .
Solution 8.6 En notant δ1 = a ∧ d et δ2 = b ∧ c, on a a = δ1 p1 , d = δ1 q1 , b = δ2 p2 et c = δ2 q2
avec p1 ∧ q1 = p2 ∧ q2 = 1, ce qui donne :
(ac) ∧ (bd) = δ1 δ2 ((p1 q2 ) ∧ (p2 q1 )) .
Si δ ′ = ((p1 q2 ) ∧ (p2 q1 )) ≥ 2, il admet alors un diviseur premier p qui divise p1 q2 et p2 q1 et on
a quatre possibilités :
soit p divise p1 et q1 , ce qui est impossible puisque p1 ∧ q1 = 1 ;
soit p divise q2 et p2 , ce qui est impossible puisque p2 ∧ q2 = 1 ;
soit p divise p1 et p2 et il divise alors a et b ce qui est impossible puisque a ∧ b = 1 ;
soit p divise q2 et q1 et il divise alors c et d ce qui est impossible puisque c ∧ d = 1.
La seule possibilité est donc δ ′ = 1.
8.2 L'ensemble P des nombres premiers est inni
On peut montrer de nombreuses manières que l'ensemble P des nombres premiers est inni.
La démonstration élémentaire qui suit, conséquence de l'existence de diviseurs premiers pour
n ≥ 2, est due à Euclide.
Théorème 8.3 (Euclide) L'ensemble P des nombres premiers est inni.
Démonstration. On sait déjà que P est non vide (il contient 2). Supposons que P soit ni
avec :
P = {p1 , · · · , pr } .
L'entier n = p1 · · · pr + 1 qui est supérieur 2 admet un diviseur premier pk ∈ P. L'entier pk
divise alors n = p1 · · · pr + 1 et p1 · · · pr , il divise donc la diérence qui est égale à 1, ce qui est
impossible. En conclusion P est inni.
Nombres premiers
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Remarque 8.2 En rangeant les nombres premiers dans l'ordre croissant, on constate que les
entiers nr = p1 · · · pr + 1 sont premiers pour r compris entre 1 et 5 (n1 = 3, n2 = 7, n3 = 31,
n4 = 211, n5 = 2311). Pour r = 6, n6 = 30 031 = 59 × 509 n'est pas premier. On ne sait pas si
la suite (nr )r≥1 contient une innité de nombres premiers.
Exercice 8.7 Montrer que pour tout entier naturel
plus grand que n. Conclure.
n, on peut trouver un nombre premier p
Solution 8.7 Pour tout
n ∈ N, l'entier m = n! + 1 ≥ 2 admet un diviseur premier pn . Si
pn < n alors pn est un diviseur de n!, donc de 1 = m − n!, ce qui est impossible. On peut donc
construire une suite strictement croissante (pn )n∈N de nombres premiers, ce qui implique que
P est inni.
Exercice 8.8 On note :
P1 = {p ∈ P | ∃n ∈ N ; p = 4n + 3}
P2 = {p ∈ P | ∃n ∈ N ; p = 6n + 5}
Montrer, en s'inspirant de la démonstration du théorème d'Euclide, que P1 [resp. P2 ] est inni
et conclure.
Solution 8.8 On remarque qu'un nombre premier diérent de 2 est nécessairement impair et
son reste dans la division euclidienne par 4 [resp. par 6] ne peut être que 1 ou 3 [resp. 1, 3 ou
5].
Supposons que P1 [resp. P2 ] soit ni et notons p1 = 3 [resp. p1 = 5] < p2 < · · · < pr tous ses
éléments. L'entier :
m = 4p1 · · · pr − 1 = 4 (p1 · · · pr − 1) + 3
resp. m = 6p1 · · · pr − 1 = 6 (p1 · · · pr − 1) + 5
qui est de la forme 4n + 3 [resp. 6n + 5] avec n ≥ 2 n'est pas premier puisque strictement
supérieur à tous les pk pour k compris entre 1 et r (m > 4pk − 1 > pk puisque pk ≥ 3) [resp.
m > 6pk −1 > pk puisque pk ≥ 5]. Comme m est impair [resp. impair non multiple de 3 puisque
congru à 5 modulo 3] ses diviseurs premiers sont de la forme 4k + 1 avec k ∈ N∗ ou 4k + 3
avec k ∈ N [resp. 6k + 1 avec k ∈ N∗ ou 6k + 5 avec k ∈ N] et ils ne peuvent pas être tous de
la forme 4k + 1 [resp. 6k + 1] sans quoi m serait aussi de cette forme, donc congru à 1 modulo
4 [resp. modulo 6] ce qui contredit le fait qu'il est congru à 3 [resp. à 5] (ou à −1) modulo 4
[resp. modulo 6]. L'entier m a donc un diviseur pk dans P1 [resp. dans P2 ] et comme pk divise
p1 · · · pr , il va aussi diviser −1, ce qui est impossible avec pk premier. L'ensemble P1 [resp. P2 ]
est donc inni.
De P1 ⊂ P [resp. P2 ⊂ P ] on déduit que P est inni.
Remarque 8.3 De manière plus générale on peut montrer que si
a et b sont deux entiers
premiers entre eux alors il existe une innité de nombres premiers de la forme an + b (théorème
de Dirichlet).
Pour tout réel x ≥ 2, on désigne par π (x) le cardinal de l'ensemble des nombres premiers
contenus dans l'intervalle [0, x] , soit :
π (x) = card (P ∩ [0, x])
L'ensemble P des nombres premiers est inni
175
Du théorème d'Euclide on déduit que :
lim π (x) = +∞.
x→+∞
Le théorème des nombres premiers (conjecturé par Gauss, puis montré par Hadamard et de
la Vallée-Poussin) nous dit plus précisément que :
∼
π (x)
x→+∞
x
.
ln (x)
En désignant par li la fonction logarithme intégral dénie par :
∫
∀x ≥ e, li (x) =
e
on a aussi :
π (x)
∼
x→+∞
x
dt
ln (t)
li (x) .
x
.
ln (x)
Exercice 8.9 Montrer que li (x) x→+∞
∼
Solution 8.9 Une intégration par parties donne :
[
t
li (x) =
ln (t)
avec :
(pour t ≥
]x
∫
+
e
e
x
dt
x
=
−1+
2
ln (x)
ln (t)
∫
e
x
dt
ln2 (t)
∫ √x
∫ x
dt
dt
dt
=
+ √
φ (x) =
2
2
2
ln (t)
e
e ln (t)
x ln (t)
√
√
x−e
x− x √
x
≤ 2
+4 2
≤ x+4 2
ln (e)
ln (x)
ln (x)
∫
x
√
√
ln (x)
x, on a ln (t) ≥ ln ( x) =
) et :
2
0<
φ (x)
x
ln(x)
ce qui donne l'équivalence li (x) ∼
x→+∞
ln (x)
4
≤ √ +
ln (x)
x
→ 0
x→+∞
x
.
ln (x)
Les exercices qui suivent nous donne une première idée de la répartition des nombres premiers.
Exercice 8.10 On note :
2 = p1 < p2 < · · · < pn < pn+1 < · · ·
la suite innie des nombres premiers rangée dans l'ordre croissant.
1. Montrer que :
n−1
∀n ≥ 1, 2n − 1 ≤ pn ≤ 22
2. En déduire que π (x) > ln (ln (x)) .
.
Nombres premiers
176
Solution 8.10
1. On procède par récurrence sur n ≥ 1.
2
Pour n = 1, on a 1 < p1 = 2 < 22 et pour n = 2, 3 = p2 < 22 .
On le suppose acquis pour tout entier k compris entre 1 et n ≥ 2. Comme pour n ≥ 2, pn
est impair, l'entier pn + 1 est pair donc non premier et pn+1 ≥ pn + 2. Avec l'hypothèse
de récurrence, on déduit donc que :
pn+1 ≥ pn + 2 ≥ 2n + 1.
Si p est un diviseur premier du produit p1 · · · pn + 1, on a nécessairement p ≥ pn+1 (sinon
p = pk où k est compris entre 1 et n, donc p divise p1 · · · pn et 1, ce qui est impossible).
On a donc :
pn+1 ≤ p ≤ p1 · · · pn + 1 ≤ 21 · · · 22
soit :
n−1
pn+1 ≤ 21+2+···+2
n −1
+ 1 = 22
n−1
+ 1,
n
+ 1 ≤ 22 .
2. Pour tout réel x ≥ 2, la partie entière m de ln (ln (x)) est telle que :
−1 ≤ m ≤ ln (ln (x)) < m + 1
et l'entier naturel n = m + 1 est tel que :
n − 1 ≤ ln (ln (x)) < n
ce qui équivaut à :
n−1
ee
≤ x < ee
n
La fonction π étant croissante, on a :
( n−1 )
( n−1 )
n = π (pn ) ≤ π 22
≤ π e2
≤ π (x)
soit :
π (x) ≥ n > ln (ln (x))
Exercice 8.11 Montrer que pour tout entier naturel n ≥ 2, on peut trouver n entiers naturels
consécutifs non premiers (la distribution des nombres premiers n'est pas régulière).
Solution 8.11 Les
n entiers mk = (n + 1)! + k où k est compris entre 2 et n + 1 sont non
premiers puisque mk est divisible par k qui est compris entre 2 et n + 1 < mk .
8.3 Décomposition en facteurs premiers
Le théorème qui suit est parfois appelé théorème fondamental de l'arithmétique .
Théorème 8.4 Tout entier naturel n ≥ 2 se décompose de manière unique sous la forme :
n = pα1 1 · · · pαr
r ,
où les pk sont des nombres premiers vériant :
2 ≤ p1 < p 2 < · · · < p r
et les αk sont des entiers naturels non nuls.
(8.1)
Décomposition en facteurs premiers
177
Démonstration. On démontre tout d'abord l'existence d'une telle décomposition par récurrence sur n ≥ 2.
Pour n = 2, on a déjà la décomposition.
Supposons le résultat acquis pour tout entier k compris entre 2 et n ≥ 2. Si n+1 est premier,
on a déjà la décomposition, sinon on écrit n + 1 = ab avec a et b compris entre 2 et n et il sut
d'utiliser l'hypothèse de récurrence pour a et b.
L'unicité d'une telle décomposition peut aussi se montrer par récurrence sur n ≥ 2. Le
résultat est évident pour n = 2. Supposons le acquis pour tout entier k compris entre 2 et
n ≥ 2. Si n + 1 a deux décompositions :
β1
βs
n + 1 = pα1 1 · · · pαr
r = q1 · · · qs ,
où les pj [resp. qi ] sont premiers deux à deux distincts et les αj [resp. βi ] entiers naturels non
nuls. L'entier p1 est premier et divise le produit q1β1 · · · qsβs , il divise donc nécessairement l'un
des qk . L'entier qk étant également premier la seule possibilité est p1 = qk . En simpliant par
p1 on se ramène à la décomposition d'un entier inférieur ou égal à n et il sut alors d'utiliser
l'hypothèse de récurrence pour conclure.
L'écriture (8.1) est la décomposition en facteurs premiers de l'entier n.
Le théorème précédent se traduit en disant que l'anneau Z des entiers relatifs est factoriel.
En fait, de manière plus générale, on peut montrer qu'un anneau euclidien (c'est le cas de
Z ou de K [x]) est principal et en conséquence factoriel.
L'unicité dans la décomposition en facteurs premiers peut être utilisée pour montrer que Q
(ou N2 ) est dénombrable.
Exercice 8.12 On désigne par f l'application dénie sur N2 = N × N par :
∀ (n, m) ∈ N2 , f (n, m) = 2n 3m
Montrer que f est injective. Il résulte que N2 est dénombrable.
Solution 8.12 L'égalité f (n, m) = f (n′ , m′ ) avec (n, m) et (n′ , m′ ) dans N2 équivaut à 2n 3m =
′
′
2n 3m et l'unicité de la décomposition en facteurs premiers d'un entier naturel non nul nous
dit que (n, m) = (n′ , m′ ) . L'application f est donc injective de N2 dans N et bijective de N2
dans f (N2 ) ⊂ N.
Exercice 8.13 Soient p > q ≥ 2 deux nombres premiers. Montrer que
ln (p)
est irrationnel.
ln (q)
ln (p)
α
=
avec α, β entiers naturels non nuls premiers entre
ln) (q)
β
(
eux. On a alors ln (pα ) = ln q β et pα = q β , ce qui est impossible du fait de l'unicité de la
Solution 8.13 Supposons que
décomposition en facteurs premiers.
Exercice 8.14 Soient
p1 < p2 < · · · < pr des nombres premiers. Montrer que les réels
ln (p1 ) , ln (p2 ) , · · · , ln (pr ) sont Q-libres dans R.
r
∑
α1
αr
αk
Solution 8.14 Supposons qu'il existe des rationnels , · · · , tels que
ln (pk ) = 0. En
β1
βr
βk
k=1
r
r
r
∑
∏
∑
αk
γk ln (pk ) = 0, où les γk sont des entiers
notant β =
βk , on a
β ln (pk ) = 0, soit
βk
k=1
k=1
k=1
r
∏
relatifs, ce qui équivaut à pkγk = 1 et les γk sont nécessairement tous nuls puisque les pk sont
k=1
premiers distincts (unicité de la décomposition en facteurs premiers).
Nombres premiers
178
Exercice 8.15 Soit n ≥ 2 un entier sans facteur carré, c'est-à-dire que n a une décomposition
r
∏
en facteurs premiers de la forme n =
pk où les pk sont premiers deux à deux distincts.
k=1
√
Montrer que n est irrationnel.
√
√
a
Solution 8.15 Si n est rationnel, il s'écrit alors n = , où a, b sont deux entiers naturels
b
2
2
non nuls premiers
entre
eux.
On
a
a
=
nb
et
si
p
est
un
diviseur premier de a (on a bien
√
2
2
2
a ≥ 2 puisque n > 1), p divise nb en étant premier avec b (a et b sont premiers entre eux),
√
il divise n (théorème de Gauss), ce qui contredit le fait que n est sans facteur carré. Donc n
est irrationnel.
Exercice 8.16 Soit
n un entier de la forme n = 2m + 1 avec m ≥ 0. Montrer que si n est
p
premier alors m = 0 ou m est une puissance de 2 (ce qui revient à dire que n = 22 + 1 est un
nombre de Fermat).
Solution 8.16 Si m = 0, alors n = 2 est premier.
Si m = 1 = 20 , alors n = 3 est premier.
On suppose que m ≥ 2. La décomposition en facteurs premiers de m permet d'écrire que m =
2p (2q + 1) où p et q sont des entiers naturels.
Si q est non nul, on a alors :
( p )2q+1
n = 22
+ 1 = a2q+1 + 1
= (a + 1)
2q
∑
(−1)k a2q−k = (a + 1) b
k=0
avec a + 1 = 22 + 1 ≥ 3 et :
p
a · a2q + 1
n
=
>1
a+1
a+1
b=
(a ≥ 2 et q ≥ 1), donc n n'est pas premier.
Exercice 8.17 Soit p = 2m −1 un nombre premier de Mersenne (donc m est premier). Montrer
que q = 2m−1 p est un nombre parfait, c'est-à-dire qu'il est égal à la somme de ses diviseurs
stricts (i. e. diérents de q ).
Solution 8.17 L'entier q = 2m−1 p est décomposé en facteurs premiers et ses diviseurs stricts
sont les 2k avec k compris entre 0 et m − 1 et les 2k p avec k compris entre 0 et m − 2. La
somme de ses diviseurs stricts est :
S=
m−1
∑
k
2 +p
k=0
m
m−2
∑
k=0
( m−1
=2 −1+p 2
Si n =
r
∏
2k
)
(
)
− 1 = p + p 2m−1 − 1 = q
pαk k est un entier décomposé en produit de facteurs premiers, alors les diviseurs
k=1
de n sont de la forme d =
r
∏
pγkk où les γk sont des entiers naturels tels que γk ≤ αk pour tout
k=1
k compris entre 1 et r. Il y a donc
r
∏
k=1
(αk + 1) diviseurs positifs possibles de n.
La décomposition en facteurs premiers peut être utilisée pour calculer le pgcd et le ppcm de
deux entiers naturels supérieur ou égal à 2.
Tout est basé sur le lemme qui suit.
Décomposition en facteurs premiers
179
Lemme 8.5 Soient n, m deux entiers naturels supérieur ou égal à 2 et :
n=
r
∏
pαk k , m =
k=1
r
∏
pβkk
k=1
leurs décompositions en facteurs premiers avec les pk premiers deux à deux distincts et les αk ,
βk entiers naturels (certains de ces entiers pouvant être nuls). On a alors :
(a divise b) ⇔ (∀k ∈ {1, 2, · · · , r} , αk ≤ βk )
Démonstration. Dire que n divise m équivaut à dire qu'il existe un entier q
m = qn et en écrivant q =
pγ11
où les γk sont des entiers naturels, on a :
· · · prγr
≥ 1 tel que
α1 +γ1
m = pβ1 1 · · · pβr
· · · prαr +γr .
r = p1
L'unicité de la décomposition en facteurs premiers de m nous dit alors que :
∀k ∈ {1, 2, · · · , r} , βk = αk + γk ≥ αk .
Théorème 8.5 Soient n, m deux entiers naturels supérieur ou égal à 2 et :
n=
r
∏
pαk k , m =
r
∏
pβkk
k=1
k=1
leurs décompositions en facteurs premiers avec les pk premiers deux à deux distincts et les αk ,
βk entiers naturels (certains de ces entiers pouvant être nuls). On a alors :
n∧m=
r
∏
min(αk ,βk )
pk
,
n∨m=
r
∏
max(αk ,βk )
pk
.
k=1
k=1
Démonstration. L'entier δ =
r
∏
min(αk ,βk )
pk
divise n et m d'après le lemme précédent.
k=1
Si d est un diviseur de n et m, il s'écrit sous la forme d =
r
∏
pγkk où les γk sont des entiers
k=1
naturels tels que γk ≤ αk et γk ≤ βk pour tout k compris entre 1 et r, on a donc γk ≤ min (αk , βk )
pour tout k compris entre 1 et r et d divise δ. Donc δ est bien le pgcd de n et m.
Pour ce qui est du ppcm, on a :
∏ α +β −min(α ,β )
nm
k k
=
p k k
n ∧ m k=1 k
r
n∨m=
avec :
αk + βk − min (αk , βk ) = max (αk , βk )
pour tout k compris entre 1 et r.
Le résultat précédent se généralise au calcul du pgcd et du ppcm de p ≥ 2 entiers naturels.
Exercice 8.18 On note 2 = p1 < p2 < · · · < pn < · · · la suite innie des nombres premiers et
on se propose de montrer la divergence de la série
(un )n≥1 dénie par :
+∞
∑
1
. Pour ce faire, on introduit la suite
n=1 pn
∀n ≥ 1, un = ∏
n (
k=1
1
1−
1
pk
).
Nombres premiers
180
1. Montrer que, pour tout n ≥ 1, on a :
un =
∑ 1
k
k∈E
n
où En est l'ensemble des entiers naturels non nuls qui ont tous leurs diviseurs premiers
dans Pn = {p1 , · · · , pn } .
2. En déduire que, pour tout n ≥ 1, on a :
un ≥
pn
∑
1
k=1
k
.
(
)
1
3. En déduire que la série ln 1 −
est divergente et conclure.
pn
∑ 1
4. Quelle est la nature de la série
où α est un réel ?
pαn
∑ z pn
5. Quelle est le rayon de convergence de la série entière
.
pn
∑
Solution 8.18
1. Pour n ≥ 1, on a :
( +∞ )
n
+∞
∑ 1
∏
∑
1
1
=
=
un =
1
i1 i2
i
p
1 − pk
p p · · · pinn
i=0 k
i1 ≥0,i2 ≥0,··· ,in ≥0 1 2
k=1
k=1
∑ 1
=
.
k
k∈E
n
∏
n
2. Résulte du fait que En contient {1, 2, · · · , pn } , la série étant à termes positifs.
(p
)
( n )
n 1
∑
∑ 1
3. La suite
étant extraite de la suite divergente vers l'inni
, on a
k=1 k n≥1
k=1 k n≥1
)
n (
pn 1
∏
∑
1
lim
= +∞, donc lim un = +∞ et lim
1−
= 0, ce qui entraîne :
n→+∞ k=1 k
n→+∞
n→+∞
p
k
k=1
(
))
)
n
n (
∑
∏
1
1
= lim
ln 1 −
lim ln
= −∞
1−
n→+∞
n→+∞
pk
pk
k=1
k=1
(
)
(
1
est donc divergente. Cette série étant à termes négatifs avec
La série
ln 1 −
pn
)
(
∑ 1
1
1
v − , on en déduit la divergence de
.
ln 1 −
pn +∞ pn
pn
∑
On a aussi la courte démonstration suivante :
+∞
∑ 1
Si
< +∞ il existe alors un entier r ≥ 1 tel que :
n=1
pn
+∞
∑
1
1
Rr =
< .
p
2
n=r+1 n
Valuation p-adique
181
On note P = p1 · · · pr . Pour tout n ≥ 1, les diviseurs premiers de 1 + nP sont dans
{pk | k ≥ r + 1} (pour 1 ≤ k ≤ r, le nombre premier pk divisant P ne peut diviser 1+ nP )
et on a :
m
sn
1
1 + nP = pm
r+1 · · · pr+sn
avec sn ≥ 1, mj ≥ 0 pour j compris entre 1 et sn et msn ≥ 1. On en déduit que pour tout
N ≥ 1, on a :
N
∑
n=1
( +∞
)j +∞ ( )
+∞
N ∏
sn
∑
∑
∑ 1
∑ 1 j
1
1
<
=
<
1 + nP
pmk
pr+k
2
n=1 k=1 r+k
j=1
j=1
k=1
+∞
∑
1
= +∞.
n=1 1 + nP
∑ 1
1
4. Pour α ≤ 0, on a α ≥ 1 et la série
diverge puisque son terme général ne tend pas
pn
pαn
vers 0.
∑ 1
1
1
Pour 0 < α ≤ 1, on a α ≥
et la série
diverge.
pn
pn
pαn
Pour α > 1, on a pour tout n ≥ 1 :
en contradiction avec
pn
n
+∞
∑
∑
∑
1
1
1
Sn =
≤
<
< +∞
α
α
p
k
kα
k=1 k
k=1
k=1
donc la suite des sommes partielles (Sn )n≥1 est majorée et la série
∑ 1
converge.
pαn
∑ z pn
diverge pour z = 1, son rayon de convergence est donc R ≤ 1.
pn
Pour |z| < 1 et n ≥ 1, on a pn ≥ n et :
pn z pn
n
pn ≤ |z | ≤ |z |
+∞
+∞
∑ n
∑ z pn avec
|z | < +∞, donc
< +∞ et R ≥ 1. On a donc R = 1.
n=1 pn
n=1
5. La série
Un théorème de Mertens nous dit que pour tout réel x ≥ 2, on a :
(
)
∑ 1
1
= C + ln (ln (x)) + O
p
ln (x)
p ≤x n
n
où C w 0.261.
On a aussi :
∑ 1
= ln (x) + O (1) .
p
n
p ≤x
n
8.4 Valuation p-adique
Pour tout nombre premier p et tout entier naturel non nul n, on note νp (n) l'exposant de p
dans la décomposition de n en facteurs premiers avec νp (n) = 0 si p ne gure pas dans cette
décomposition et νp (1) = 0. Cet entier νp (n) est appelé la valuation p-adique de n.
Nombres premiers
182
On a donc :
{
}
νp (n) = max k ∈ N | pk divise n
et :
νp (n) ̸= 0 ⇔ (p divise n) .
La décomposition en facteurs premiers de n peut donc s'écrire sous la forme :
∏
n=
pνp (n)
p∈Dn ∩P
où Dn désigne l'ensemble des diviseurs positifs de n, ce qui peut aussi s'écrire n =
∏
pνp (n) , le
p∈P
produit étant ni puisque νp (n) = 0 si p ne divise pas n.
On peut remarquer que si m est le nombre de zéros qui terminent l'écriture décimale
d'un entier n ≥ 2, alors n est divisible par 10m et pas par 10m+1 et en conséquence, m =
min (ν2 (n) , ν5 (n)) .
Théorème 8.6
1. Si p est un nombre premier et n, m sont deux entiers naturels non nuls, alors :
{
νp (nm) = νp (n) + νp (m)
νp (n + m) ≥ min (νp (n) , νp (m))
l'égalité étant réalisée dans la deuxième formule si νp (n) ̸= νp (m) .
2. Soient n, m deux entiers naturels non nuls.
(a) n divise m si, et seulement si, νp (n) ≤ νp (m) pour tout p ∈ P.
(b) Pour tout p ∈ P, on a :
{
νp (n ∧ m) = min (νp (n) , νp (m))
νp (n ∨ m) = max (νp (n) , νp (m))
Démonstration.
1. On a :
nm =
∏
q νq (n)+νq (m)
q∈P
ce qui entraîne νp (nm) = νp (n) + νp (m) pour tout p ∈ P et en supposant que νp (n) ≤
νp (m) :
n + m = pνp (n)
∏
q νq (n) + pνp (m)
q∈P\{p}

= pνp (n) 
∏
q∈P\{p}
∏
q νq (m)
q∈P\{p}
q νq (n) + pνp (m)−νp (n)
∏

q νq (m) 
q∈P\{p}
ce ∏qui entraîne νp (n + m) ≥
= min (νp (n) , νp (m)) . Si νp (n) ≤ νp (m) , alors
∏ νp (n)
q νq (m) ne peut pas être divisible par p et νp (n + m) =
q νq (n) + pνp (m)−νp (n)
q∈P\{p}
νp (n) .
2.
q∈P\{p}
Valuation p-adique
183
(a) C'est le lemme 8.5.
(b) C'est le théorème 8.5.
Exercice 8.19 On se donne un entier n ≥ 2 et un nombre premier p.
1. Déterminer, pour tout entier naturel non nul k, le nombre nk de multiples de pk compris
entre 1 et n.
2. Montrer que :
νp (n!) =
]
+∞ [
∑
n
k=1
pk
(formule de Legendre).
3. Donner un équivalent de νp (n!) quand n tend vers l'inni.
4. Déterminer le nombre de zéros qui terminent l'écriture décimale de 100!
Solution 8.19
1. Les multiples de pk compris entre 1 [et n] sont les entiers m = pk q où q est un entier
n
n
compris entre 1 et k , il y en a nk = k . Pour pk > n, on a nk = 0.
p
p
2. L'ensemble En = {1, 2, · · · , n} peut être partitionné sous la forme :
En =
+∞
∪
(Pk ∩ En )
k=0
où P0 est l'ensemble des entiers non multiples de p et, pour k ≥ 1, Pk est l'ensemble des
entiers multiples de pk et non multiples de pk+1 . Pour tout k ≥ 0 et tout m ∈ Pk , on a
νp (m) = k. De plus, pour k ≥ 1, Pk ∩ En est formé de l'ensemble des entiers compris
entre 1 et n qui sont multiples de pk privé du sous-ensemble formé des multiples de pk+1
et donc card (Pk ∩ En ) = nk − nk+1 .
On en déduit que :
νp (n!) =
n
∑
m=1
=
+∞
∑
k=0
νp (m) =
+∞
∑
∑
νp (m)
k=0 m∈Pk ∩En
k card (Pk ∩ En ) =
+∞
∑
k=0
k (nk − nk+1 )
Nombres premiers
184
cette somme étant en réalité nie. Précisément on a nk = 0 dès que pk > n, soit k >
[
]
ln (n)
On a donc, en posant q =
et en eectuant un changement d'indice :
ln (p)
νp (n!) =
q
∑
k (nk − nk+1 ) =
k=1
q
=
∑
k=1
knk −
∑
q
∑
knk+1
k=1
(j − 1) nj
j=2
= n1 +
q
∑
(knk − (k − 1) nk ) − qnq+1
k=2
=
knk −
q+1
k=1
q
∑
q
∑
ln (n)
.
ln (p)
nk =
k=1
+∞
∑
nk =
k=1
]
+∞ [
∑
n
k=1
pk
.
[
]
ln (n)
3. Avec les notations précédentes, on a pour tout entier k compris entre 1 et qn =
:
ln (p)
[ ]
[ ]
n
n
n
≤ k < k +1
k
p
p
p
et :
νp (n!) =
]
qn [
∑
n
k=1
ou encore :
pk
≤
qn
∑
n
< νp (n!) + qn
k
p
k=1
νp (n!) ∑ 1
νp (n!) qn
≤
<
+
k
n
p
n
n
k=1
qn
avec :
0<
qn
1 ln (n)
≤
n
ln (p) n
ce qui donne :
(
lim
n→+∞
→ 0
n→+∞
qn
∑
1
νp (n!)
−
k
p
n
k=1
)
=0
et tenant compte de lim qn = +∞, on a :
n→+∞
qn
+∞
∑
∑
1
1
1
=
−
1
=
n→+∞
pk
pk
1−
k=1
k=0
lim
1
p
−1=
1
p−1
1
n
νp (n!)
=
, soit νp (n!) ∼
.
n→+∞ p − 1
n→+∞
n
p−1
4. Si m est le nombre de zéros qui terminent l'écriture décimale de n! où n = 100, alors n!
est divisible par 10m et pas par 10m+1 et donc :
et lim
m = min (ν2 (n!) , ν5 (n!)) .
Valuation p-adique
185
On a :
ν2 (100!) =
]
+∞ [
∑
100
k=1
[
]
ln (100)
avec q =
= 6 et :
ln (2)
ν5 (100!) =
]
+∞ [
∑
100
k=1
]
ln (100)
= 2 ce qui donne :
avec q =
ln (5)
[
2k
5k
=
]
q [
∑
100
k=1
2k
]
q [
∑
100
′
=
k=1
5k
′
ν5 (100!) =
100 100
100
+
= 24 <
< ν2 (100!)
5
25
2
et m = 24, ce qui est conrmé par Maple :
100! = 93 326 215 443 944 152 681 699 238 856 266 700 490 715 968 264 38
621 468 592 963 895 217 599 993 229 915 608 941 463 976 156 518
286 253 697 920 827 223 758 251 185 210 916 864
000 000 000 000 000 000 000 000
On peut remarquer que ν2 (100!) w 100 et ν5 (100!) w 25.
Exercice 8.20 Pour tout entier naturel n supérieur ou égal à 2, on note Hn =
1
n 1
∑
.
k=1 k
a
1. Soit p un entier naturel non nul. Montrer que H2p = Hp +
où a, b sont des entiers
2
2b + 1
naturels avec a non nul.
2. Montrer par récurrence que pour tout entier naturel non nul Hn est le quotient d'un entier
impair par un entier pair et qu'en conséquence ce n'est pas un entier.
Solution 8.20
1. On a :
H2p
p
p−1
∑
∑
1
1
1
N
=
+
= Hp +
2k k=0 2k + 1
2
D
k=1
avec D = ppcm (1, 3, · · · , 2p − 1) qui est impair et N entier naturel non nul.
2. On a H2 =
3
∈
/ N. Supposons le résultat acquis au rang n ≥ 2. Si n = 2p, on a alors :
2
2a + 1
1
1
=
+
Hn+1 = Hn +
2p + 1
2b
2p + 1
(2a + 1) (2p + 1) + 2b
2a′ + 1
=
=
2b (2p + 1)
2b′
avec a′ = a + b + p + 2ap et b′ = b (2p + 1) . Si n = 2p + 1, on a alors :
1
c
+ Hp+1
2d + 1 2
c
1 2a + 1
4bc + (2d + 1) (2a + 1)
2a′ + 1
=
+
=
=
2d + 1 2 2b
4b (2d + 1)
2b′
Hn+1 = H2(p+1) =
Nombres premiers
186
avec a′ = a + d + 2ad + 2bc et b′ = b (2d + 1) .
Dans tous les cas, Hn est le quotient d'un entier impair par un entier pair et en conséquence, ce n'est pas un entier.
Exercice 8.21 Soient m < n deux entiers naturels non nuls et :
Hm,n
1. Montrer que :
n
∑
1
=
.
k
k=m
r = max ν2 (k) ̸= 0.
m≤k≤n
2. On veut montrer qu'il existe un unique entier k compris entre m et n tel que r = ν2 (k) .
Pour ce faire on raisonne par l'absurde en supposant que r = ν2 (k1 ) = ν2 (k2 ) avec
m ≤ k1 < k2 ≤ n.
k1 + k2
< k2 .
2
k + kj
(b) Montrer que la suite (kj )j≥2 dénie par kj+1 = 1
est une suite strictement
2
décroissante d'entiers naturels non nuls vériant r = ν2 (kj ) pour tout j ≥ 2 et
(a) Montrer que r = ν2 (k3 ) avec k1 < k3 =
conclure.
3. Montrer qu'il existe un entier impair s tel que :
ppcm (m, m + 1, · · · , n) = 2r s.
4. On désigne par k l'unique entier compris entre m et n tel que r = ν2 (k) .
(a) Montrer qu'il existe un entier impair nk tel que :
1
nk
= r .
k
2s
(b) Montrer que pour tout entier j compris entre m et n et diérent de k, il existe un
entier pair nj tel que :
1
nj
= r .
j
2s
(c) En déduire que Hm,n s'écrit comme le quotient d'un entier impair par un entier pair
et donc qu'il n'est pas entier.
Solution 8.21
1. Du fait que l'un des deux entiers m ou m + 1 est pair, on déduit que pour m < n on a
r = max ν2 (k) ̸= 0.
m≤k≤n
2. L'ensemble {m, · · · , n} étant ni il existe au moins un entier k compris entre m et n tel
que r = ν2 (k) et il s'agit ici de montrer que cet entier est unique. On suppose donc qu'il
existe deux entiers k1 < k2 compris entre m et n tels que r = ν2 (k1 ) = ν2 (k2 ) . On a
alors k1 = 2r q1 et k2 = 2r q2 avec q1 et q2 impairs.
Valuation p-adique
(a) L'entier k3 =
s'écrit :
187
k1 + k2
, milieu de l'intervalle [k1 , k2 ] , est compris entre m et n et il
2
k3 = 2r−1 (q1 + q2 ) ,
avec q1 + q2 pair. On a donc ν (k3 ) ≥ r et comme on a aussi ν2 (k3 ) ≤ r =
max ν2 (k) , on a nécessairement ν2 (k3 ) = r.
m≤k≤n
(b) En itérant la construction précédente, on peut construire une suite strictement dék +k
j
, m ≤ k1 < kj ≤ n et r =
croissante d'entiers (kj )j≥2 telle que kj+1 = 1
2
ν2 (k1 ) = ν2 (kj ) , ce qui est impossible. On peut donc conclure qu'il existe un unique
entier k compris entre m et n tel que r = ν2 (k) .
3. En utilisant les décompositions en facteurs premiers de tous les entiers compris entre m
et n, on a :
ppcm (m, m + 1, · · · , n) = 2r s,
où s est un entier impair.
4. Pour tout entier j compris entre m et n, on peut écrire :
1
1
= ν2 (j) ,
j
2
qj
où qj est impair et divise s. Soit en écrivant s = qj pj avec pj impair :
1
2r−ν2 (j) pj
=
.
j
2r s
(a) Pour j = k on a r = ν2 (k) et :
1
nk
= r ,
k
2s
avec nk = pk impair.
(b) Pour j ̸= k, on a ν2 (j) < r et :
1
nj
= r ,
j
2s
avec nj = 2r−ν2 (j) pj pair.
(c) En écrivant que :
1 ∑1
nk
u
nk + u
= +
= r + r =
,
k j=m j
2s 2s
2r s
n
Hm,n
j̸=k
avec nk impair et u pair, on déduit que Hm,n est le quotient d'un entier impair par
un entier pair. En conséquence Hm,n n'est pas un entier.
Exercice 8.22 Soit n ≥ 3 un entier.
Si I est un intervalle réel non vide dans R+,∗ , on note
∏
p∈I
p le produit
∏
p des nombres
p∈I∩P
premiers qui appartiennent à I, avec la convention que ce produit vaut 1 si I ∩ P = ∅.
1. Montrer que, pour tout réel x > 0, [2x] − 2 [x] vaut 0 ou 1.
n
sont compris entre 2 et 2n.
2. Montrer que tous les facteurs premiers de C2n
Nombres premiers
188
n
3. Calculer νp (C2n
) pour tout nombre premier p.
√
n
4. Montrer que si p est un nombre premier vériant 2n < p < 2n, alors νp (C2n
) vaut 0 ou
1.
2
3
√
6. Montrer que si p est un nombre premier vériant 2 ≤ p ≤ 2n, on a alors, en notant
n
mp = νp (C2n
) , pmp ≤ 2n.
n
5. Montrer que si p est un nombre premier vériant n < p < n, alors νp (C2n
) = 0.
7. Déduire de ce qui précède que :
n
C2n
√
≤ (2n)
∏
2n
√
p∈]
p
2n, 23 n
]
∏
p
p∈]n,2n]
Solution 8.22
1. Des encadrements :
{
on déduit que :
[2x] ≤ 2x < [2x] + 1
[x] ≤ x < [x] + 1
[2x] − 2 [x] > 2x − 1 − 2x = −1
soit [2x] − 2 [x] ≥ 0 et :
[2x] − 2 [x] < 2x − 2x + 2 = 2
soit [2x] − 2 [x] ≤ 1. On a donc bien [2x] − 2 [x] ∈ {0, 1} .
n
n
2. Si p est un diviseur premier de C2n
, il divise aussi (2n)! = (n!)2 C2n
et en conséquence il
divise l'un des entiers m compris entre 1 et 2n, il est donc nécessairement compris entre
2 et 2n.
3. On a :
(
)
n
n
νp ((2n)!) = νp (n!)2 C2n
= 2νp (n!) + νp (C2n
)
et en utilisant la formule de Legendre (exercice précédent) :
n
νp (C2n
) = νp ((2n)!) − 2νp (n!)
]
[ ])
+∞ ([
∑
2n
n
=
−2 k
.
k
p
p
k=1
√
2n < p < 2n, on a alors pour tout k ≥ 2 :
4. Si p est un nombre premier vériant
0<
2n
2n
n
<
≤
<1
pk
pk
p2
]
[ ]
n
2n
et k − 2 k = 0, ce qui donne :
p
p
[
[
n
)
νp (C2n
]
[ ]
2n
n
=
−2
∈ {0, 1}
p
p
Valuation p-adique
189
√
2
2n < n (c'est équivalent à 2n > 3 ou encore à 2n > 9), donc si p
3
[ ]
[ ]
2n
n
2
n
est un nombre premier tel que n < p ≤ n, on a νp (C2n ) =
−2
avec :
3
p
p

2n

 2≤
<3
p
n
3

 1≤ <
p
2
5. Pour n ≥ 5, on a
√
ce qui donne :
[
]
[ ]
2n
n
=
−2
= 2 − 2 = 0.
p
p
2
Pour n = 2, le seul nombre premier vériant 2 < p ≤ 2 est p = 2 et :
3
( 2)
ν2 C4 = ν2 (6) = 1.
n
νp (C2n
)
2
3
Pour n = 3, le seul nombre premier vériant 3 < p ≤ 3 est p = 3 et :
( )
ν3 C63 = ν3 (20) = 0.
2
3
Pour n = 4, le seul nombre premier vériant 4 < p ≤ 4 est p = 3 et :
( )
ν3 C84 = ν3 (70) = 0.
2
2
On peut aussi dire directement que si n < p ≤ n avec n ≥ 3, alors p > 3 = 2, soit
3
3
p ≥ 3, donc p2 ≥ 3p > 2n et pour tout k ≥ 2 :
n
2n
2n
< k ≤ 2 <1
k
p
p
p
[
]
[ ]
2n
n
ce qui donne k − 2 k = 0 et :
p
p
[ ]
[ ]
2n
n
n
νp (C2n ) =
−2
=2−2=0
p
p
puisque 2 ≤
2n
n
3
< 3 et 1 ≤ < .
p
p
2
]
[ ]
n
2n
6. En notant, pour tout entier k ≥ 1, ak = k − 2 k , on a :
p
p
[
mp =
n
νp (C2n
)
=
+∞
∑
ak
k=1
cette somme étant nie et les ak valant 0 ou 1. Si tous les ak sont nuls, alors mp = 0 et
pmp = 1 ≤ 2n. Sinon, il y en a seulement un nombre ni qui valent 1 et on désigne par r
le grand indice tel que ar = 1. On a alors :
mp =
r
∑
k=1
ak ≤ r.
Nombres premiers
190
2n
2n
≤ mp < 1 pour tout k ≥ mp et ak = 0, ce qui impose r < mp
k
p
p
(r ≥ mp donnerait ar = 0, alors que ar = 1) en contradiction avec mp ≤ r. On a donc
pmp ≤ 2n.
Si pmp > 2n, on a alors
n
n
7. Comme
√ les facteurs premiers de C2n sont compris entre 2 et 2n avec νp (C2n ) ∈ {0, 1}
pour 2n < p < 2n, on a :
n
C2n
=
∏
∏
pmp
√
p∈[2, 2n]
pmp
√
p∈] 2n,2n]
√
√
n
avec mp = νp (C2n
) et [√
pmp ≤] 2n pour 2 ≤ p ≤ 2n, mp ∈√{0, 1} pour
p ≤ 2n.
[√ 2n
] <√
Comme il y a au plus 2n nombres premiers entre 2 et 2n avec 2n ≤ 2n, on
déduit que :
√
∏
n
C2n
≤ (2n)
2n
pmp .
√
p∈] 2n,2n]
2
3
De plus on a vu que mp = 0 pour n < p ≤ n, ce qui donne :
√
n
C2n
≤ (2n)
∏
2n
√
p∈]
∏
pmp
2n, 23 n
]
√
pmp ≤ (2n)
∏
2n
√
p∈]n,2n]
p∈]
p
2n, 23 n
]
∏
p
p∈]n,2n]
8.5 Le postulat de Bertrand
On se propose ici de montrer le résultat suivant postulé par J. Bertrand en 1845 : si n est
un entier supérieur ou égal à 2, il existe des nombres premiers compris entre n et 2n.
La démonstration de ce lemme utilise la majoration :
√
n
∀n ≥ 2, C2n
≤ (2n)
∏
2n
√
p∈]
p
2n, 32 n
]
∏
p∈]n,2n]
établie avec l'exercice 8.22 et les lemmes techniques qui suivent.
Lemme 8.6 Pour tout entier r ≥ 1, on a :
et
∏
22r
r
≤ 22r
≤ C2r+1
2r
r
.
p divise C2r+1
p∈[r+2,2r+1]
Démonstration. Pour r ≥ 1, on a :
2r+1
2
2r+1
= (1 + 1)
=
2r+1
∑
k
C2r+1
k=0
≥
r
≤ 22r .
et C2r+1
r
C2r+1
+
r+1
C2r+1
r
= 2C2r+1
p
Le postulat de Bertrand
191
Pour k compris entre 1 et r, on a :
(2r)!
2r − k + 1
(2r)!
=
k! (2r − k)!
k
(k − 1)! (2r − (k − 1))!
2r − k + 1 k−1 k + 1 k−1
k−1
=
C2r ≥
C2r > C2r
k
k
k
C2r
=
r
k
Il en résulte que C2r
> C2r
pour tout k compris entre 1 et r − 1, cette inégalité étant encore
r−k
r+k
r
k
pour k compris entre 0 et r, on déduit que C2r
> C2r
valable pour k = 0. Et avec C2r = C2r
pour tout k ̸= r compris entre 0 et 2r.
De ces inégalités, on déduit que :
2r
2
= (1 + 1)
2r
=
0
C2r
+
r
C2r
+
2r
∑
k
C2r
k=1
k̸=r
r
r
0
r
+ C2r
+ (2r − 1) C2r
= 1 + 2rC2r
< C2r
22r
r
r
soit 22r ≤ 2rC2r
, ou encore
≤ C2r
.
2r
S'il n'y a pas de nombres premiers compris entre r + 2 et 2r + 1, alors
∏
p∈[r+2,2r+1]
p = 1
r
divise C2r+1
. Sinon, soit p un nombre premier compris entre r + 2 et 2r + 1. Cet entier p divise
r
(2r + 1)! = r! (r + 1)!C2r+1
et comme p ≥ r + 2, il ne peut diviser le produit r! (r + 1)! formé
d'entiers tous strictement inférieurs à r + 2 (sinon il diviserait l'un d'eux), il est donc premier
r
r
avec r! (r + 1)! et va diviser C2r+1
(théorème de Gauss). L'entier C2r+1
est donc divisible par
tous les nombres premiers compris entre
∏ r + 2 et 2rr+ 1, en conséquence, il est divisible par leur
produit. On a donc en particulier
p ≤ C2r+1 .
p∈[r+2,2r+1]
Lemme 8.7 Pour tout entier m ≥ 2, on a :
∏
p ≤ 4m .
p∈[2,m+1]
Démonstration. On procède par récurrence sur m ≥ 2. Pour m = 2, on a :
∏
p = 2 · 3 < 42 .
p∈[2,m+1]
Supposons le résultat acquis jusqu'au rang m − 1 ≥ 2.
Si m est impair, alors m + 1 est pair diérent de 2 et :
∏
p=
p∈[2,m+1]
∏
p ≤ 4m−1 < 4m .
p∈[2,m]
Si m est pair, il s'écrit m = 2r avec r ≥ 2 (puisque m ≥ 3) et :
∏
p∈[2,m+1]
∏
p=
p∈[2,2r+1]
≤4
r
r
C2r+1
∏
p=
p
p∈[2,r+1]
≤4 2
r 2r
=4
∏
p∈[r+2,2r+1]
2r
= 4m .
p
Nombres premiers
192
Lemme 8.8 Pour tout entier n ≥ 3, on a :
n
C2n
√
≤ (2n)
∏
2n
2n
43
p
n∈]n,2n]
et :
√
2n
2 3 ≤ (2n)1+
∏
2n
(8.2)
p.
n∈]n,2n]
Démonstration.
[
]
2n
2n
Pour n ≥ 3, en notant m =
, on a m ≤
< m + 1 et :
3
3
∏
∏
2n
p ≤ 4m ≤ 4 3
p≤
√
p∈[2,m+1]
p∈] 2n, 23 n]
ce qui donne :
n
C2n
≤ (2n)
En utilisant l'inégalité
∏
√
2n
p
√
p∈] 2n, 32 n]
∏
n
pC2n
≤ (2n)
√
2n
2n
43
p∈]n,2n]
√
p
p∈]n,2n]
22n
n
≤ C2n
, on en déduit que :
2n
22n = 4n ≤ (2n)1+
∏
2n
2n
43
∏
p
p∈]n,2n]
et :
n
3
4 =2
2n
3
√
1+ 2n
≤ (2n)
∏
p.
p∈]n,2n]
Lemme 8.9 En désignant par f et g les fonctions dénies pour x ≥ 3 par :
f (x) =
ln (x)
ln (2) x
et g (x) =
.
x
6 1+x
il existe un entier n0 > 3 tel que f (x) < g (x) pour tout x ≥ n0 .
ln (x)
ln (2)
= 0 et lim g (x) =
> 0, l'existence de x0 tel
x→+∞
x
6
que f (x0 ) = g (x0 ) est assurée. En dessinant les graphes de f et g sur [3, 35] , on voit que x0
est unique et localisé entre 30 et 31.
La fonction h = g − f est dérivable sur ]0, +∞[ avec :
Démonstration. Comme x→+∞
lim
h′ (x) =
ln (2)
1
1
2 + 2 (ln (x) − 1) > 0
6 (1 + x)
x
pour x ≥ 3. Cette fonction est donc strictement croissante sur [3, +∞[ et avec :
h (30) w −1.575 3 × 10−3 < 0, h (31) w 1.140 6 × 10−3 > 0
on déduit du théorème des valeurs intermédiaires que h s'annule en un point x0 ∈ ]30, 31[ et
h (x) > 0 pour tout x > x0 . La valeur n0 = 31 convient.
Les théorèmes de Fermat et de Wilson
193
Théorème 8.7 (Bertrand) Si n est un entier supérieur ou égal à 2, il existe alors des nombres
premiers compris entre n et 2n.
Démonstration. Pour n = 2, c'est clair.
Supposons que, pour n ≥ 3, il n'existe pas de
∏ nombres premiers compris entre n et 2n. A
fortiori, il n'en existe pas entre n + 1 et 2n et
p = 1. De l'inégalité (8.2) , on déduit alors
que 2
2n
3
√
1+ 2n
≤ (2n)
p∈]n,2n]
, ce qui entraîne :
(
√ )
2n
ln (2) ≤ 1 + 2n ln (2n)
3
ou encore :
(
√ ) (√ )
2n
ln (2) ≤ 1 + 2n ln
2n
6
encore équivalent à :
(√ ) ln (2) √2n
(√ ) ln (√2n)
√ ≤f
g
2n =
2n = √
6 1 + 2n
2n
√
960
et nécessairement 2n < n0 = 31, soit 2n < 312 = 961 ou encore n ≤
= 480.
2
On donc ainsi montré que pour tout entier n > 480, il existe des nombres premiers entre n
et 2n.
Pour les entiers compris entre 2 et 480, il n'est pas nécessaire de considérer tous les cas. On
peut remarquer que la suite strictement croissante de nombres premiers :
(pk )1≤k≤11 = (2, 3, 5, 7, 13, 23, 43, 83, 163, 317, 631)
est telle que pk < pk+1 < 2pk . Il en résulte que tout intervalle ]n, 2n] avec 2 ≤ n ≤ 480 contient
l'un de ces nombres premiers. En eet, en désignant pour n ≥ 2, par k le plus grand indice tel
que pk ≤ n, on a pk ≤ n < pk+1 < 2pk ≤ 2n et pk+1 ∈ ]n, 2n] .
8.6 Les théorèmes de Fermat et de Wilson
Le lemme qui suit nous donne une démonstration relativement simple du petit théorème
de Fermat.
Lemme 8.10 Un entier naturel
p ≥ 2 est premier si, et seulement si, pour tout entier k
p!
.
compris entre 1 et p − 1, p divise Cpk =
k! (p − k)!
Démonstration. Si p ≥ 2 est premier, comme il divise p! = k! (p − k)!Cpk et est premier
avec k! (p − k)! (sinon il diviserait ce produit et donc l'un des entiers j compris entre 1 et p − 1,
ce qui est impossible), il divise Cpk (théorème de Gauss).
Réciproquement, supposons que p divise Cpk pour tout entier k compris entre 1 et p − 1.
Pour tout k compris entre 1 et p − 1, on a :
k−1
k
Cp−1
+ Cp−1
= Cpk
k−1
k
modulo p et par
≡ −Cp−1
(triangle de Pascal) et avec Cpk ≡ 0 modulo p, on déduit que Cp−1
k
récurrence nie sur k compris entre 1 et p − 1, on déduit que Cp−1 est congru à (−1)k modulo
Nombres premiers
194
1
0
p. En eet, pour k = 1, on a Cp−1
≡ −Cp−1
= −1 modulo p et en supposant le résultat acquis
k−1
k
pour k − 1 compris entre 1 et p − 2, on a Cp−1 ≡ −Cp−1
≡ − (−1)k−1 = (−1)k .
Si p n'est pas premier, il admet un diviseur d compris entre 2 et p − 1 et on a :
p d−1
d−1
Cpd = Cp−1
= qCp−1
d
d−1
où q est un entier compris entre 2 et p − 1, avec Cpd ≡ 0 modulo p et Cp−1
≡ (−1)d−1 modulo
p, ce qui donne q (−1)d−1 ≡ 0 modulo p, encore équivalent à dire que p divise q (−1)d−1 avec
2 ≤ q (−1)d−1 ≤ p − 1, ce qui est impossible.
Donc p est premier.
Théorème 8.8 (Fermat) Soit p un entier naturel premier. Pour tout entier relatif n on a :
np ≡ n (p) .
Démonstration. On démontre tout d'abord ce résultat sur les entiers naturels par récurrence sur n ≥ 0. Pour n = 0 le résultat est évident. On le supposant acquis pour n ≥ 0, on
a:
p
p
(n + 1) = n +
p−1
∑
Cpk nk + 1 ≡ np + 1 ≡ n + 1 (p) .
k=1
Pour n < 0, on a (−n)p ≡ −n modulo p. Si p = 2 alors −n ≡ n modulo 2 et (−n)2 = n2 .
Pour p ≥ 3, p est impair et (−n)p = −np est congru à −n modulo p, donc np est congru à n
modulo p.
On peut aussi déduire du lemme 8.10 que si p est premier, alors pour tout couple (a, b)
d'entiers relatifs, on a :
p
p
(a + b) = a +
p−1
∑
Cpk ap−k bk + bp ≡ ap + bp (p) .
k=1
Par récurrence sur l'entier n ≥ 1, on déduit alors que pour tout n-uplet (a1 , · · · , an ) d'entiers
relatifs, on a :
(a1 + · · · + an )p ≡ ap1 + · · · + apn (p) .
Prenant tous les ak égaux à 1, on en déduit que np est congru à n modulo p. Ce résultat est
encore valable pour n = 0 et n < 0.
Théorème 8.9 (Fermat) Soit
multiple de p, on a :
p un entier naturel premier. Pour tout entier relatif n non
np−1 ≡ 1 (p) .
Démonstration. L'entier premier p divise np − n = n (np−1 − 1) et est premier avec n si n
n'est pas un multiple de p, il divise donc np−1 − 1.
Z
et le théorème de Lagrange pour les groupes nis,
nZ
Z
on peut donner la démonstration suivante du théorème de Fermat : pour p premier,
est un
pZ
( )×
Z
Z
corps, donc
=
\ {0} est un groupe d'ordre p − 1 et tout élément de ce groupe a un
pZ
pZ
ordre qui divise p − 1, ce qui entraîne ap−1 = 1 dans ce groupe.
Remarque 8.4 Connaissant les anneaux
Les théorèmes de Fermat et de Wilson
195
Si p est un entier pour lequel il existe un entier n compris entre 1 et p − 1 tel que np−1 ne
soit pas congru à 1 modulo p, alors p n'est pas premier puisque np−1 est congru à 1 modulo p
pour p premier et 1 ≤ n ≤ p − 1 d'après le théorème de Fermat.
La réciproque du théorème de Fermat est fausse. On peut en fait montrer que pour p ≥ 2,
la condition np−1 ≡ 1 (mod p) pour tout n premier avec p est équivalente à p premier ou
p=
r
∏
pk avec r ≥ 3, 3 ≤ p1 < · · · < pr premiers tels que pour tout k compris entre 1 et r,
k=1
pk − 1 divise p − 1 (un tel entier est appelé nombre de Carmichaël ou nombre pseudo-premier).
Par exemple 561, 1105, 1729, sont des nombres de Carmichaël.
En 1999, Alford, Granville et Pomerance ont montré qu'il y a une innité de nombres de
Carmichaël.
Exercice 8.23 Calculer le reste dans la division euclidienne de 52008 par 11.
Solution 8.23 Comme 11 est premier le théorème de Fermat nous dit que 510 est congru à 1
modulo 11. On eectue alors la division euclidienne de 2008 par 10, soit 2008 = 200 × 10 + 8
et on déduit que 52008 est congru à 58 modulo 11. Enn avec 52 ≡ 3, 54 ≡ 9 ≡ −2, 58 ≡ 4
modulo 11, on déduit que 52008 ≡ 4 modulo 11, ce qui signie que 4 est le reste dans la division
euclidienne de 52008 par 11.
Le principe de l'exercice précédent est le suivant.
On cherche le reste dans la division euclidienne de ab par p, où p ≥ 3 est premier.
On eectue la division euclidienne de b par p − 1, soit b = q (p − 1) + r avec 0 ≤ r ≤ p − 2
et on a ab = (ap−1 )q ar avec ap−1 ≡ 1 (p) si p ne divise pas a, ce qui donne ab ≡ ar (p) (on
a diminué b). Ensuite a ≡ s (p) avec 1 ≤ s ≤ p − 1 (on a diminué a) et ab ≡ sr (p) . On se
débrouille pour construire un exercice où sr est facile à calculer.
Exercice 8.24 Soit p ≥ 7 un nombre premier. Montrer que p4 − 1 est divisible par 240.
Solution 8.24 Comme 240 = 24 · 3 · 5, il sut de montrer que p4 − 1 est multiple de 24 , 3 et 5.
Comme p est premier diérent de 3 et 5, le petit théorème de Fermat nous dit que p4 − 1 est
congru à 0 modulo 5 et p3 congru à p, modulo 3, donc p4 est congru à p2 qui est lui même
congru à 1 modulo 3. L'entier p4 − 1 est donc multiple de 3 et 5.
D'autre part, on a p4 − 1 = (p − 1) (p3 + p2 + p + 1) avec p congru à 1 ou 3 modulo 4, puisque
p est premier diérent de 2.
Si p est congru à 1 modulo 4, alors p − 1 est congru à 0 modulo 4, donc multiple de 4, et
p3 + p2 + p + 1 est congru à 0, modulo 4, donc lui aussi multiple de 4 et p4 − 1 est multiple de
16.
Si p est congru à 3 modulo 4, il s'écrit alors p = 3 + 4q avec q ≥ 1 et :
p4 − 1 = 432q + 864q 2 + 768q 3 + 256q 4 + 80
chaque coecient de ce polynôme étant multiple de 16, il en résulte que p4 − 1 est multiple de
16. D'où le résultat annoncé.
Exercice 8.25 Soit n ≥ 2. Montrer que n5 − n est divisible par 30.
Solution 8.25 Comme n (n − 1) est pair et n (n − 1) (n + 1) est multiple de 3 (n est congru à
−1, 0 ou 1 modulo 3) m = n5 − n = n (n − 1) (n + 1) (n2 + 1) est divisible par 2 et 3, donc par
6. Le théorème de Fermat nous dit que m = n5 − n est divisible par 5, donc m est divisible par
30 = 6 × 5 puisque 6 est premier avec 5.
Nombres premiers
196
Lemme 8.11 Soit p ≥ 5 un nombre premier. Pour tout entier k compris entre 1 et p − 1, il
existe un unique entier r compris entre 1 et p − 1 tel que kr soit congru à 1 modulo p.
Démonstration. Pour k = 1, on peut prendre r = 1.
Tout entier k compris entre 2 et p − 1 étant premier avec p, il existe deux entiers relatifs u
et v tels que ku + pv = 1 et ku est congru à 1 modulo p (on peut aussi utiliser le théorème de
Fermat : comme k est premier avec p, k p−1 est congru à 1 modulo p et u = k p−2 convient). En
eectuant la division euclidienne de u par p, on a u = qp + r avec r compris entre 0 et p − 1 et
kr est congru à ku, donc à 1, modulo p, ce qui exclu la valeur r = 0.
Supposons que l'on ait trouvé un autre entier s ̸= r vériant la même condition que r. On
peut supposer que s > r. On a alors kr ≡ ks ≡ 1 modulo p avec r, s compris entre 1 et p − 1,
ce qui implique que k (s − r) ≡ 0 modulo p, donc p divise k (s − r) en étant premier avec k et
en conséquence il doit diviser s − r avec 1 ≤ s − r ≤ p − 1, ce qui est impossible. L'entier r est
donc unique.
Dans le lemme précédent, on aura k = r, si, et seulement si, k 2 − 1 = (k − 1) (k + 1) est
divisible par p, donc p doit diviser k − 1 ou k + 1, ce qui n'est possible que si k = 1 ou k = p − 1.
Théorème 8.10 (Wilson) Un entier p supérieur ou égal à 2 est premier si, et seulement si,
(p − 1)! est congru à −1 modulo p.
Démonstration. Si p n'est pas premier il s'écrit p = ab avec a et b entiers compris entre 2
et p − 1. L'entier a est alors un diviseur de (p − 1)! et de p qui divise (p − 1)! + 1, donc a divise
(p − 1)! + 1 et a divise 1, ce qui est impossible.
Soit p ≥ 2 un nombre premier. Pour p = 2, (p − 1)! + 1 = 2 est congru à 0 modulo 2 et pour
p = 3, (p − 1)! + 1 = 3 est congru à 0 modulo 3.
Pour p ≥ 5, en utilisant le lemme précédent, on partitionne l'ensemble E = {2, 3, · · · , p − 2}
en deux sous-ensembles E1 et E2 à
p−3
éléments de sorte que :
2
∀k ∈ E1 , ∃r ∈ E2 | kr ≡ 1 mod p
et on a alors :
(
(p − 1)! = 1 ·
∏
)(
k
∏
)
r (p − 1) ≡ p − 1 ≡ −1 mod p
r∈E2
k∈E1
Exercice 8.26 Montrer qu'un entier p supérieur ou égal à 2 est premier si, et seulement si,
(p − 2)! est congru à 1 modulo p.
Solution 8.26 Pour p ≥ 2, on a (p − 1)! = (p − 1) (p − 2)! ≡ − (p − 2)! modulo p, avec la
convention 0! = 1. Le résultat se déduit alors du théorème de Wilson.
8.7 Les anneaux Zn =
Z
nZ
et la fonction indicatrice d'Euler
Les démonstrations des propositions qui suivent sont faites au paragraphe 9.3.
Théorème 8.11 Pour n ≥ 2 il y équivalence entre :
1. n est premier ;
Les anneaux Zn =
Z
et la fonction indicatrice d'Euler
nZ
197
2. Zn est un corps ;
3. Zn est un intègre.
Ce résultat nous permet de retrouver le petit théorème de Fermat.
On peut également en déduire le théorème de Wilson.
Le résultat qui suit donne une généralisation du petit théorème de Fermat.
Dénition 8.2 On dit que deux polynômes P et Q à coecients entiers sont congrus modulo
un nombre premier p s'ils sont de mêmes degré et tous leurs coecients sont égaux modulo p
(ce qui se traduit aussi par P = Q dans l'anneau Zp [X] des polynômes à coecients dans le
corps Zp =
Z
).
pZ
Théorème 8.12
p est premier si, et seulement si, il existe un entier relatif n premier avec p
tel que (X + n) soit congru à X p + n modulo p.
p
Démonstration. On sait que si p est premier, alors pour tout entier k compris entre 1 et
p!
(lemme 8.10), ce qui implique en utilisant la formule du binôme
k! (p − k)!
de Newton que, que pour tout n ∈ Z, (X + n)p est congru à X p + np modulo p et le théorème
de Fermat nous dit que np est congru à n modulo p.
Si (X + n)p est congru à X p + n modulo p, on a alors Cpk nk ≡ 0 modulo p pour tout k
compris entre 1 et p − 1 et np ≡ n modulo p. Comme p est premier avec n et divise Cpk nk , pour
k compris entre 1 et p − 1, il va diviser Cpk (théorème de Gauss). On déduit alors du lemme
8.10 que p est premier.
Le calcul de φ (n) pour n ≥ 2, où φ est la fonction indicatrice d'Euler, peut se faire en
utilisant la décomposition de n en facteurs premiers grâce au théorème chinois.
p − 1, p divise Cpk =
Théorème 8.13 (chinois) Les entiers n et m sont premiers entre eux si, et seulement si, les
anneaux Znm et Zn × Zm sont isomorphes.
Corollaire 8.2 Si n et m sont deux entiers naturels non nuls premiers entre eux, alors φ (nm) =
φ (n) φ (m) .
Lemme 8.12 Soient p un nombre premier et α un entier naturel non nul. On a :
φ (pα ) = (p − 1) pα−1 .
Théorème 8.14 Si
n ≥ 1 a pour décomposition en facteurs premiers n =
p1 < · · · < pr premiers et les αi entiers naturels non nuls, alors :
)
r (
r
∏
∏
1
αi −1
(pi − 1) = n
1−
.
φ (n) =
pi
pi
i=1
i=1
r
∏
pαi i avec 2 ≤
i=1
De ce résultat on déduit que pour tout n ≥ 3, φ (n) est un entier pair. On déduit également
que φ (n) est compris entre 1 et n.
Exercice 8.27 Soit p un nombre premier impair.
×
1. En utilisant l'application x 7→ x2 de Z×
p dans Zp , montrer qu'il y a exactement
carrés dans Z×
p.
p−1
2
Nombres premiers
198
2. Montrer que l'ensemble des carrés de Z×
p est l'ensemble des racines du polynôme P (X) =
X
p−1
2
− 1.
3. En déduire que (−1) est un carré dans Zp si, et seulement si, p est congru à 1 modulo 4.
4. En déduire qu'il existe une innité de nombres premiers de la forme 4n + 1.
Solution 8.27
×
1. L'application
φ : x 7→ x2 est un morphisme de groupes de Z×
p dans Zp de noyau ker (φ) =
{
}
(−1), 1 (x2 = 1 ⇔ (x − 1) (x + 1) = 0 et −1 ̸= 1 dans le corps Zp pour p ≥ 3
(
{
})
p−1
, ce qui signie qu'il
2
p+1
(comme 0 est un carré, il y a exactement
2
premier). On a donc card (Im (φ)) = card Z×
p / (−1), 1
p−1
y a exactement
2
carrés dans Zp ).
carrés dans Z×
p
=
×
2
2. Si x ∈ Z×
p est un carré, il existe y ∈ Zp tel que x = y et x
= y p−1 = 1. Donc les
p−1
p−1
2 − 1. Comme il y a
carrés de Z×
carrés et
p sont racines du polynôme P (X) = X
2
p−1
au plus
racines du polynôme P dans Z×
p , on en déduit l'ensemble Im (φ) des carrés
2
p−1
2
− 1.
de Z×
p est l'ensemble des racines du polynôme P (X) = X
3. On a :
(
p−1
2
(
)
(
)
)
p−1
p−1
2
(−1) ∈ Im (φ) ⇔ (−1)
=1 ⇔
≡ 0 (mod 2)
2
⇔ (p ≡ 1 (mod 4))
4. Supposons qu'il y a un nombre ni d'entiers premiers de la forme 4n + 1. On désigne par
m le plus grand de ces entiers et par p ≥ 3 un diviseur premier de N = (m!)2 + 1, on a
alors p > m et (m!)2 = (−1), donc (−1) est un carré dans Zp et est premier de la forme
4n + 1, ce qui contredit p > m.

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