L`économie du médicament et du brevet. Samira Guennif CEPN
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L`économie du médicament et du brevet. Samira Guennif CEPN
Les aspects socioéconomiques du médicament Samira Guennif Université Paris 13 1 1. Introduction générale (i) La pharmacologie sociale ou l’étude des interactions entre le médicament et la société. – Analyse des effets bénéfiques : augmentation de l’espérance de vie, baisse des taux de mortalité, des taux de morbidité, … – Analyse des effets néfastes : médicamentation des populations, inégalité des populations face aux médicaments, pressions sur les dépenses publiques, … 2 (ii) L’introduction du brevet dans la pharmacologie sociale ou l’analyse des effets du brevet de médicament dans la société. – Evaluation des effets positifs : incitation à la R&D, accès à des innovations thérapeutiques, amélioration du bien être des populations. – Evaluation des effets négatifs : monopole, hausse des prix, problème d’accessibilité des médicaments, préjudice pour le bien être des populations. 3 (iii) Une pharmacologie sociale avec les points de vue du Nord et du Sud : – Au Nord, questionnement sur le brevet en tant qu’incitation à l’innovation dans un contexte de hausse du prix des médicaments et des dépenses de santé qui pèsent sur les systèmes de santé. – Au Sud, questionnement sur l’introduction du brevet de médicament et ses effets sur l’accessibilité des médicaments essentiels dans un contexte sanitaire difficile du fait de la propagation de multiples épidémies. 4 (iv) Qu’est-ce qu’un médicament? Produit destiné à prévenir les maladies, à les traiter, voire les déceler. Les médicaments peuvent en combattre la cause (comme les antibiotiques contre les infections bactériennes) ou en atténuer les manifestations (comme les antalgiques utilisés pour soulager la douleur). Agit par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs substances actives associées à des excipients (sans activité thérapeutique) qui permettent la préparation du médicament. 5 (v) Qu’est-ce qu’un brevet? Un médicament est protégé par un brevet. Apparu au 15ième siècle à Venise, le brevet sur le médicament s’est développé dans les pays du Nord durant la seconde moitié du 20ième siècle. Le brevet est un droit de propriété industrielle accordé par une autorité publique (INPI en France) à celui qui révèle, décrit de façon complète et suffisante et revendique une invention. En pratique, octroi d’un monopole d’exploitation protégeant le détenteur du brevet d’éventuelles copies de son invention pendant au moins 20 ans. 6 L’utilité sociale du médicament Le développement et l’usage de médicaments : • Contribuent à améliorer les soins, les conditions sanitaires et l’espérance de vie des populations. • Permettent également d’économiser sur les dépenses de santé en évitant hospitalisations et opérations chirurgicales coûteuses pour la collectivité. Conditions requises : il doit être accessible (disponible, abordable et de qualité). 7 L’utilité sociale du brevet questionnée depuis la fin du 19ième siècle • Favorise-t-il l’innovation et améliore-t-il le bien être général? • Permet-il l’octroi de monopoles, tire-t-il le prix des médicaments vers le haut et porte-t-il préjudice au bien être général? 8 2. L’utilité sociale du brevet : Une démonstration théorique en deux étapes 9 (i) Un monde sans brevet dans la pharmacie Une entreprise investit des millions en R&D pour la mise au point d’un nouveau médicament Elle commercialise le médicament Effet de la concurrence : Le médicament est immédiatement copié par d’autres. Résultat pour l’innovateur Pertes sèches : Il n’a pas vendu suffisamment de médicaments à un prix couvrant inv. en RD et coûts de production. Résultat pour les concurrents Des bénéfices : ils n’ont pas eu à dépenser en R&D et ont vendu des médicaments à un prix couvrant coûts de production. Conclusion : Les entreprises ne sont pas incitées à innover. 10 (ii) Un monde avec brevet dans la pharmacie Une entreprise investit en R&D et met au point un nouveau médicament Elle brevète le médicament Elle détient un monopole d’exploitation temporaire qui la met à l’abri de la concurrence et de la copie La population accède à des innovations thérapeutiques amélioration des conditions de vie Conclusion : Le brevet incite à l’innovation et contribue au bien être général. 11 3. Pourtant une utilité sociale du brevet aujourd’hui contestée 12 (i) Un coût en R&D contesté • Près d’un milliard de dollars pour mettre au point un nouveau médicament, depuis le screening jusqu’à la commercialisation en passant par la réalisation des tests cliniques selon l’industrie pharma (Cf. cycle de vie du médicament). 13 14 • Ou une 100aine de millions de dollars (Public Citizen, 2001, Association de consommateurs), corrections faites du mode de calcul qui intègre : - Les dépenses de marketing en « Développement » (visiteurs médicaux) pour assurer le succès commercial du produit. - Un coût d’opportunité représentant la moitié des dépenses en R&D: bénéfices retirés si l’argent investi en R&D dans la pharmacie l’avait été dans un autre secteur plus rentable. 15 • Résultats après corrections : R&D équivaut à 12% du chiffre d’affaires dans l’industrie pharmaceutique et marketing 30%. • Conclusion : La pharmacie, une industrie basée plus sur le marketing que la R&D. Fin d’un mythe? 16 (ii) Une productivité en baisse • Sur la période 1989-2000, 1035 demandes d’autorisation de mises sur le marché (AMM) déposées auprès de l’agence du médicament des Etats-Unis. • Analyse de ces demandes d’AMM. 17 Trois constats majeurs • 35% de ces AMM concernaient la commercialisation d’une nouvelle molécule chimique; • 65% de ces AMM concernaient donc la commercialisation d’un médicament incorporant une molécule chimique déjà connue. • Après examen des données cliniques soumises, 153 demandes d’AMM concernaient une nouvelle molécule chimique présentant une amélioration thérapeutique significative par rapport aux traitements déjà commercialisés. 18 • Conclusion : Les médicaments vraiment innovants représentent moins de 15% des demandes d’AMM. 19 • Une explication : Le durcissement des critères de commercialisation dans les années 80. Une incitation plus forte pour les entreprises à exploiter les pistes de R&D existantes plutôt que d’explorer de nouvelles pistes de R&D (dilemme exploration/exploitation). Plus d’innovations mineures autour de molécules déjà connues (les me-too drugs) et moins d’innovations majeures (nouvelles molécules chimiques). 20 • Une autre explication : Dans un contexte de financiarisation de nos économies, volonté de l’industrie pharma : - d’investir peu en R&D (trop risqué); - Et d’investir plus en marketing (moins risqué); - Pour obtenir une rentabilité (un revenu maximum à partir de l’argent investi). 21 • Une dernière explication : Une division des tâches : - Recherche dans les laboratoires publics sur la base d’investissements publics : activité la plus risquée sur fonds publics. - Développement dans l’industrie pharma : porter le produit jusqu’au marché sur fonds privés. 22 (iii) Une R&D faible en faveur des maladies négligées • Qu’est-ce qu’une maladie négligée? Une maladie qui frappe une population large non solvable. • Ne pas confondre avec les maladies orphelines : Maladies rares dont la prévalence est faible parmi la population, entre 1/1000 et 1/200000 selon les définitions nationales. À ce jour, il existerait entre 5000 et 8000 maladies orphelines ou rares. 23 Des maladies prégnantes au Sud • Les maladies tropicales négligées touchent environ un milliard de personnes dans le monde, principalement des populations pauvres (vivant avec moins de 1 dollar par jour) qui résident dans des régions tropicales ou subtropicales. 24 • Alors qu’1/6 habitant de la planète est atteint de maladies tropicales négligées, moins de 1% des 1400 médicaments homologués entre 1975 et 1999 était destiné au traitement des maladies tropicales. 25 • Le syndrome « 90/10 » : 90% des dépenses mondiales en R&D portent sur des maladies qui affectent 10% de la population mondiale. 26 • Conclusion : Le brevet n’incite pas à la R&D dans les champs les plus sensibles, ceux où l’amélioration du bien être général serait potentiellement la plus importante. Le brevet oriente la R&D vers les maladies dominantes sur les marchés les plus lucratifs, ceux du Nord. 27 De fait, un marché du médicament essentiellement concentré au Nord • En 2013, le marché du médicament est estimé à 640 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 4,5% par rapport à 2012. • Le marché américain reste le plus important avec 38% du marché mondial (cf. données suivantes). 28 Les marchés les plus lucratifs par zone geographique Amérique du Nord 28,5% 40,6% Amérique Latine Europe 24,9% 6,0% Afrique, Asie, Pacifique, Australie 29 Les marchés les plus lucratifs par pays Pays Etats-Unis Japon Chine Allemagne France Italie Royaume-Uni Brésil Espagne Canada En % du marché mondial en 2013 38.2 9.4 7.2 5.1 4.4 3.3 2.6 2.5 2.4 2.4 Source : IMS Health, 2014. 30 Les 10 produits les plus vendus dans le monde en 2013 (IMS health, 2014) 31 Top ten des entreprises pharma. dans le monde en 2013 32 (iv) Des prix en hausse constante • Les médecins ont tendance à prescrire des médicaments nouveaux (AMM récentes). • Des médicaments souvent plus chers que les autres : effet R&D ou effet marketing? 33 • Des médicaments pas forcément plus performants, voire nocifs : cf. Vioxx et Celebrex (médicaments contre l’arthrose) ou Médiator (traitement contre le diabète prescrit pour la perte de poids). 34 D’où un effet à la hausse sur les dépenses de santé et pas toujours de bénéfices thérapeutiques en contrepartie (en termes de bien être général). 35 4. Les dépenses de médicaments dans les pays du Nord 36 (i) De façon générale, des dépenses de santé importantes dans les pays de l’OCDE 37 En moyenne, les pays de l’OCDE ont dépensé 3322$ par habitant en 2011. 38 Dépenses totales de santé par habitant en 2011 39 En 2011, les pays de l’OCDE ont consacré en moyenne 9,3% de leur PIB à la santé. 40 Dépenses totales de santé en % du PIB en 2011 41 • Les dépenses de santé ont augmenté en moyenne de 4,1% par an entre 2000 et 2011. 42 Variation des dépenses de santé par habitant sur la période 2000-2011 43 Un lien entre PIB et dépenses de santé : Plus un pays est riche, plus il dépense en santé (Cf. graphique). Confirmation de la loi Wagner : niveau de développement d’un pays consommation en biens supérieurs dont santé financée pour partie par la collectivité. (Un bien supérieur est un bien dont la consommation augmente avec le revenu). 44 Un lien entre PIB et dépenses de santé 45 Un lien entre dépenses de santé et espérance de vie : Plus les dépenses de santé augmentent, plus l’espérance de vie augmente dans un pays. Finalement, plus un pays est riche, plus ils dépensent en santé, plus les conditions de vie des populations s’améliorent. 46 Un lien aussi entre dépenses de santé et espérance de vie Espérance de vie en années 84 ITA JPN CAN AUS CHE ISL ISR ESP SUE NZL KOR AUT NOR GRC 80 NLD DEU FIN PRT CHL LUX FRA SVN IRL DNK GBR USA BEL CZE 76 POL MEX SVK EST CHN HUN TUR BRA 72 IDN RUS 68 R² = 0,69 IND 64 0 2000 4000 6000 8000 Dépenses de santé par habitant (USD PPA) 47 (ii) Une dépense de médicaments importante dans les pays de l’OCDE • Parmi ces dépenses de santé, celles pharmaceutiques représentent une proportion non négligeable : 650 milliards en 2007, soit 15% des dépenses de santé et en moyenne 1,5% du PIB [1-2%] (Cf. graphique). • En 10 ans, la dépense/habitant en produits pharmaceutiques a augmenté en moyenne de 50% et se situe entre 200-880$ par tête (Cf. graphique). 48 Dépenses en produits pharmaceutiques (2007 par habitant et en % du PIB) 49 (iii) La dépense de médicaments en France Un indicateur pour analyser la dépense de médicaments en France : Analyser la consommation de soins et biens médicaux (CSBM) retracée chaque année dans les comptes nationaux de la santé … Sur un marché qui comporte 2800 substances actives différentes se présentant sous la forme de 11 000 spécialités disponibles. 50 La CSBM comprend: – La consommation de soins hospitaliers : soins dispensés dans les établissements hospitaliers publics et privés, soins dispensés dans les sections médicalisées. – La consommation de soins ambulatoires : médecins, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, laboratoires d'analyses, cures thermales, .... – La consommation liée au transport des malades. – La consommation de médicaments : médicaments distribués en ville, dans les pharmacies hospitalières. – La consommation de biens médicaux : optiques médicales, prothèses, véhicules pour handicapés physiques - et petits matériels et pansements. 51 L’évolution de la CSBM en France • Une CSBM de près de 190,6 milliards d’Euros. • Une CSBM en hausse de 2,5% par rapport à 2013. • Une part importante des soins ambulatoires : 102 milliards, soit 54% de la CSBM. • Une hausse de la CSBM tirée essentiellement par les soins ambulatoires (en hausse de 2,8%). 52 • Une consommation de médicaments de 33,9 milliards en 2014, en hausse de 2,7% par rapport à 2013. Une hausse supérieure à celle de la CSBM. • Une consommation de médicaments qui dérape à nouveau : hausse de la consommation après 2 ans de croissance négative. 53 54 Une hausse de la CSBM en % du PIB Sur longue période, on note une croissance importante de la CSBM en % du PIB. En 1950, la CSBM représentait 2,5% du PIB contre 9% aujourd’hui, soit multipliée par 3,6. Confirmation de la loi de Wagner : hausse niveau de développement d’un pays, hausse de la demande en santé et hausse finalement des dépenses de santé et de la CSBM. 55 Part de la CSBM dans le PIB sur longue période en france 10,00 9,00 8,00 7,00 6,00 5,00 4,00 3,00 2,00 1,00 0,00 CSBM 56 Un problème : une croissance de la CSBM supérieure à la croissance économique • Dans l’idéal, la hausse de la CSBM ne devrait pas excéder la hausse du PIB …. (taux de croissance équivalents). • … Pour qu’une hausse des richesses nationales puisse financer une hausse de la CSBM. Plus de richesses, plus de ressources et donc plus de dépenses possibles. • Or, la CSBM tend à augmenter plus vite que le PIB. D’où une insuffisance de la richesse nationale pour financer la CSBM et un risque donc de déficit public et d’accroissement de la dette publique. 57 58 Surtout ces dernières années : le taux de croissance de la CSBM repart à la hausse par rapport au taux de croissance du PIB depuis 2012. 59 60 Répartition de ces dépenses • Essentiellement à la charge de la sécurité sociale : 77,4%, en baisse de 0,8 point depuis 2006. • Contre 13,8% pour les complémentaires santé, en hausse de 0,8 point depuis 2006. • Un reste à charge de 8,8% pour les ménages, en stagnation depuis 2006. 61 62 (iv) Des facteurs explicatifs à cette hausse des dépenses de médicaments Des explications démographiques : • Le vieillissement de la population : la consommation de médicaments augmente avec l’âge, donc plus la population vieillit plus la consommation de médicaments s’accroît. • Le poids des maladies chroniques : cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, cholestérol, …. coûteux en médicaments. 63 Des explications comportementales : • Des prescriptions plus importantes : en France, 90% des consultations se terminent par une ordonnance contre 83% en Espagne, 72% en Allemagne et 45% aux Pays-Bas. • Des ordonnances plus longues en France : en moyenne 4 médicaments par acte pour les généralistes. • Des médicaments prescrits plus chers : Une tendance à prescrire les dernières innovations thérapeutiques plus chères. 64 Conclusion : Une surconsommation de psychotropes, antibiotiques. médicaments : Une consommation en médicaments de plus en plus chers : médicaments récents plus chers. 65 5. Des politiques pour maitriser les dépenses de médicaments 66 (i) Un marché du médicament remboursable administré • Des prix administrés : En France, le prix des médicaments sous ordonnance ouvre droit à remboursement. Le prix n’est pas libre. Il est le résultat de négociations entre le Ministère de la santé et l’industrie pharma. selon le caractère innovant du médicament (évaluation du service médical rendu) et la taille du marché (volumes de ventes escomptés). • Des prix libres pour les médicaments hors ordonnance, non remboursables. • Des réformes en cours : - Limiter la consommation de médicaments. - En abaisser le coût pour la collectivité. 67 Circuit administratif du médicament 68 (ii) Transférer une part plus importante des dépenses de médicaments vers le patient • Franchise de 0,5 euro/boîte de médicaments (2008). • Dérembourser ou taux de remboursement des médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant (SMR). Sur période 2002-2011, sur 486 médicaments à SMR insuffisant, 369 sont déremboursés et 117 restent remboursés, à 15% pour la plupart. 69 (iii) Soutenir la prescription et la consommation de génériques Qu’est qu’un générique : un médicament composé du même principe actif que le médicament original dont le brevet a expiré. Définition à la fois sanitaire et juridique du générique. 70 Précisément, trois types de génériques : • La « vraie copie » ou « auto-génériques » : Il s'agit de la même molécule, avec le même dosage, la même forme galénique (apparence) et les mêmes excipients (substances autres que le principe actif qui donnent la consistance, le goût et la couleur du médicament). • Les « médicaments similaires » : ils comportent le même principe actif, le même dosage, la même forme galénique que le médicament classique, mais des excipients différents. • Les « médicaments assimilables » : le principe actif se présente sous une autre forme chimique que celle du médicament classique, tout en ayant le même dosage. Ils ont une forme galénique et des excipients différents. 71 • Présentation sous la forme d’une dénomination commune internationale (DCI). Système DCI défini par l’OMS, existe depuis 1953 et permet utilisation de substances actives sans ambiguïté dans le monde. • Des médicaments qui coûtent en moyenne 30% moins chers (pas de coûts en R&D à amortir, seuls les coûts de production). 72 Une aide à la prescription/l’usage des génériques : Construction d’un répertoire des génériques où figurent les molécules originales et leurs génériques. Répertoire qui couvre 20,4% des médicaments remboursables en valeur et 32,4% en volume. 73 Promouvoir le générique en pharmacie • Dès 1999, possibilité pour le pharmacien de substituer un générique à un médicament de marque (sauf mention contraire du médecin). • 2012 - Mise en place du « Tiers payant contre générique » chez les pharmaciens : réserver le tiers payant aux seuls assurés acceptant la substitution ou pour lesquels le médecin prescripteur a porté la mention « non substituable » sur l'ordonnance. Si le patient refuse la substitution, il avance donc la totalité de la dépense. • Un objectif de 85% de substitution pour les pharmacies. 74 Promouvoir le générique auprès des patients En 2003, mise en place d’un tarif forfaitaire de responsabilité. Le principe : Rembourser le médicament de marque sur la base du prix du générique disponible et référencé le moins cher. Un objectif : Inciter les patients à utiliser et accepter le générique en pharmacie. 75 Promouvoir le générique auprès des médecins En 2002, hausse des honoraires des médecins contre plus de prescriptions de génériques : revalorisation de 1,5 euros contre une prescription d’au moins 12,5% de génériques. 76 Résultats de ces mesures • Forte croissance du marché des génériques : entre 2002 et 2013, leur part dans le marché des médicaments remboursables est passée de 10% à 30% en volume, et de 5% à 15,5% en valeur (cf. graphique). • Une boite sur 3 est génériqué en France contre plus de 3 boites sur 4 aux Pays-Bas, en Allemagne et au RoyaumeUni (cf. graphique). • Depuis 2002, des économies de près de 10Mds d’€ réalisées. 77 78 79 Des marges de manœuvre importantes • Etendre le répertoire des génériques pour soutenir davantage la prescription/substitution pour.. • Accroître davantage l’usage des génériques … • Et augmenter les économies réalisées : un objectif de 10 Mds d’€ d'économies d'ici 2017. 80 (iv) Vers un vrai partenariat Etat/Entreprises autour du médicament • Pour un meilleur accès aux dépenses de R&D des entreprises. • Pour une meilleure gestion des AMM. • Pour une fixation plus juste du prix des médicaments : fixation du taux de remboursement après évaluation poussée/objective des dépenses de R&D et du SMR lors de la délivrance d’une AMM. • Vers une pharmacovigilance plus serrée des médicaments : amélioration des procédures concernant le suivi des médicaments déjà commercialisés, la révision des taux de remboursement et le retrait des médicaments. 81 6. Des stratégies commerciales toujours plus offensives pour préserver les rentes 82 • Un réseau de visiteurs médicaux importants : formation ou marketing auprès des médecins (19000 aujourd’hui contre 9000 dans les années 70; 1 visiteur médical pour 14 médecins). Un projet : réduire le nbre de visiteurs pour réduire leur influence sur les médecins et leurs prescriptions. • Le « switching » : Opter pour le déremboursement et viser le marché de l’automédication (marché de 1,9 milliards avec prix libres et publicité directe auprès des patients). • Le « disease mongering » pour élargir les parts de marché d’un médicament. - Exagérer la prévalence de certains troubles en modifiant la valeur des seuils diagnostiques (cas du cholestérol) ; - Redéfinir des caractéristiques banales du comportement en pathologie et prescription médicale (cas de la timidité). - Requalifier des troubles bénins en maladie (le symptôme des jambes sans repos). 83 • Etendre la publicité auprès des consommateurs : une discussion européenne en cours et des supports internet importants sous couvert d’information médicale auprès des patients. • Payer les génériqueurs pour qu’ils ne génériquent pas les médicaments dont le brevet arrive à expiration (Cf. enquête de l’Union Européenne). 84 7. L’économie du médicament et du brevet au Sud : Enjeux et perspectives. 85 Un écart sanitaire criant entre pays du Nord et pays du Sud 86 (i) Une concentration des dépenses de santé au Nord • A l’accroissement de l’écart de revenu entre les pays du Nord et les pays du Sud (écart multiplié par 40 en 150 ans) du fait d’une globalisation et d’un accroissement du commerce international qui profitent essentiellement aux pays du Nord. 87 • S’ajoute un accroissement de l’écart sanitaire entre pays du Nord et pays du Sud : - Dépenses de santé dans le monde : plus de 4000 milliards de dollars. - Selon le syndrome “20/90”, 30 pays membres de l’OCDE regroupent 20% de la population mondiale et absorbent 90% des dépenses mondiales de santé (OMS, 2007). 88 Etats des dépenses de santé dans le monde Pays à Général revenu élevé Pays à faible revenu Pays à revenu moyen inférieur Pays à revenu moyen supérieur Dépenses totales en % PIB 4.3 4.5 6.3 10.0 8.2 Dépenses par tête 57 181 707 848 790 Dépenses pub. en % des dép. tot. de santé 36.2 43.2 55.1 60.7 57.6 Dépenses priv. en % des dép. tot. de santé 63.8 56.8 44.8 39.3 42.4 Source : OMS, 2009. 89 (ii) Une concentration des infections au Sud Principales causes de mortalité dans le monde Les maladies non transmissibles notamment les maladies cardiaques et cérébrovasculaires avec 1/5 décès. Les maladies transmissibles comme VIH/Sida, paludisme et TB, seconde cause de maladie dans le monde avec 3 /10 décès. Pays développés (PD) frappés par l’un grâce transition épidémiologique Pays en développement (PED) frappés par les deux faute de transition épidémiologique 90 • D’où une concentration de la charge de morbidité au Sud - Les pays d’Afrique et d’Asie du Sud-est concentrent 50% de la charge de morbidité, 37% de la population mondiale et seulement 2% des dépenses mondiales de santé. - En comparaison, les pays membres de l’OCDE supportent moins de 10% de la charge de morbidité, rassemblent 20% de la population mondiale et absorbent 90% des dépenses mondiales de santé. 91 (iii) Un enjeu de taille • Réduire l’écart sanitaire entre les pays du Nord et les pays du Sud : accroître les dépenses de santé au Sud. • A défaut, risque pour la santé des populations et le développement dans les pays du Sud. Dans le cas VIH/Sida, l’épidémie peut réduire la croissance économique de plusieurs points : jusqu’à 4% de croissance en moins selon les études. D’où un risque de sous-développement spécialement en Afrique Sub-saharienne. durable, 92 Un renforcement du brevet au Sud 93 (i) Les deux modalités de ce renforcement au Sud La ratification de l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce (ADPIC) en 1994 : Gouvernance globale du brevet avec mise en place de standards minimums dans la zone OMC pour la protection de la propriété intellectuelle (PI). La multiplication des accords de libre échange: USFTAs et UEFTAs avec la mise en place de standards allant bien au delà de l’ADPIC dispositions “ADPIC plus”. 94 (ii) Effets pratiques de ce renforcement • Introduction du brevet sur le médicament pour minimum 20 ans monopole d’exploitation. En 2005 pour les PED et 2015 pour les pays les moins avancés. • Justification économique : le brevet permet aux entreprises de récupérer leurs investissements en R&D via un monopole d’exploitation de leur innovation Incitation à R&D, divulgation publique connaissances et mise au point de nouveaux médicaments Amélioration bien être général. 95 (iii) Un défi majeur Réduire l’écart sanitaire entre les pays du Nord et les pays du Sud en améliorant l’accessibilité des médicaments (disponibilité et abordabilité)… Sous renforcement du brevet au Sud. 30% de la population mondiale n’a pas accès aux médicaments essentiels, c’est-à-dire ces médicaments qui « satisfont les besoins de la majorité de la population en matière de soins de santé » (OMS). 96 (iv) Une promesse Gouvernance globale de la PI et renforcement du brevet au Sud Investissements directs étrangers (IDE) et transferts technologiques (TT) vers le Sud Meilleur accès aux dernières innovations techniques et thérapeutiques au Sud Amélioration conditions sanitaires et bien être des populations au Sud Conclusion : avec protection forte PI, possibilité de réduire l’écart sanitaire entre pays du Nord et pays du Sud. 97 (v) Un risque Avec une gouvernance globale de la PI et un renforcement du brevet au Sud Multiplication des monopoles Un effet négatif sur l’écart de revenu - Prix - Richesses allant du Sud vers le Nord (rapatriement au Nord des profits réalisés par les multinationales au Sud) - Écart de revenu entre PD et PED concurrence prix médicaments Un effet négatif sur l’écart sanitaire - Prix - Accessibilité médicaments - Écart sanitaire entre PD et PED Conclusion : avec protection plus forte PI, risque de creuser les écarts de revenu et sanitaire entre PD et PED. 98 (vi) Aux plus sceptiques, un rappel • Rappel des principes généraux de l’ADPIC rappelés à Doha en 2001 : la protection de la santé publique avant la protection de la PI. • L’ADPIC contient des flexibilités : Dispositions légales permettant de suspendre un brevet pour assurer la promotion de la santé publique au Sud. • Principales flexibilités : Période de transition (2005 et 2015), importations parallèles, licences obligatoires (LO), importations sous LO. • L’usage de ces flexibilités éviteront de creuser l’écart sanitaire entre PD et PED. • Finalement, promotion santé publique possible sous ADPIC! 99 Le principe des importations parallèles Un médicament Commercialisé à un prix de 20 dans un pays A. Commercialisé à un prix de 10 dans un pays B. Possibilité pour le pays A d’exporter le médicament depuis le pays B. 100 Le principe des licences obligatoires Un médicament breveté Commercialisé à un prix de 20 dans un pays A Pays A peut délivrer une LO. Autoriser la production locale d’un médicament générique moins cher (10). 101 Le principe des importations sous licence obligatoire Un médicament Breveté et commercialisé dans un pays A à 20. Un pays B qui possède une industrie pharma. Un pays A qui ne possède pas d’industrie pharma. Les pays A et B délivrent une LO sur leur territoire respectif. A importe de chez B un générique moins cher (10). 102 (vii) Aux plus optimistes, un rappel • Pas de lien empirique entre régime de brevet fort, IDE et TT vers le Sud. • Un effet exportation : avec protection plus forte de la PI, exportations vers marchés protégés du Sud peu ou pas d’IDE et de TT. • Facteurs autres que brevet expliquent IDE et TT : stabilité politique, infrastructures, éducation, taille du marché, …. . • L’ADPIC ne contient pas d’obligations en matière d’IDE et de TT pour les pays développés. • Historiquement dans les pays développés, accès aux dernières innovations techniques et thérapeutiques grâce à un régime de brevet faible (brevets sur les process uniquement). Introduction brevet fort à partir fin 50s en Angleterre, France, Allemagne, Suisse ou encore Japon. • Pressions commerciales fortes sur les PED qui veulent utiliser les flexibilités prévues par l’ADPIC (Cf. Thaïlande). 103 8. L’accessibilité des médicaments : l’exemple des antirétroviraux (ARV) 104 (i) Les ARV de 1ière ligne/1ière génération • Des traitements mis au point avant 1994, avant ratification ADPIC. • Capacités industrielles larges en Inde : production principes actifs et formulation “pharmacie du monde”. • Dans cas ARV, grâce régime de brevet souple en Inde capacités industrielles larges concurrence vive sur les marchés internationaux prix ARV et accessibilité. • Capacités industrielles indiennes au cœur des LO utilisées au Brésil et en Thaïlande dans programmes d’accès universel et gratuit aux ARV. 105 (ii) Effet de la concurrence indienne sur le prix d’un traitement de 1ère ligne/1ière génération (MSF, 2010) 106 L’accessibilité des ARV depuis 2005 : un empilement d’obstacles 107 (i) Enjeux autour des traitements de 2ième ligne/2ième génération et suivants • Un enjeu sanitaire: Résistance croissante aux traitements de 1ière ligne/1ière génération besoin de passer à traitements de 2ième ligne/2ième génération plus efficaces, avec moins d’effets secondaires. • Un enjeu légal : Des traitements de 2ième ligne/2ième génération brevetés sous monopole prix élevés. • Une question : A l’instar des traitements de 1ière ligne/1ière génération , possibilité de baisses de prix importantes pour les traitements de 2ième ligne/2ième génération et suivants? 108 (ii) L’entrée en vigueur de l’ADPIC en Inde • En 2005, introduction du brevet sur le médicament. • Au niveau national, des marges de manœuvre substantielles: Système de LO systématique, critères de brevetabilité restreints, oppositions avant et après octroi brevet. • Au niveau international, des marges de manœuvre étroites : - Nécessité pour Inde de procéder à exportation sous LO. - Procédures administratives lourdes qui peuvent décourager les producteurs indiens (cas Canada). - D’où risque de monopole effectif, de prix élevés et d’accessibilité moindre pour les traitements de 2ième ligne/2ième génération et suivants. • La voie ouverte par l’Inde : exclure la brevetabilité des médicaments pour permettre la production locale et l’exportation (sous LO) assurer accessibilité aux niveaux local et international.109 (iii) L’accord de libre échange Europe/Inde • A priori, abandon extension durée du brevet. • Disposition en faveur protection des données cliniques (« ADPIC plus »). • Effet potentiel de cette disposition : Impossibilité pour génériqueurs indiens d’utiliser données cliniques des breveteurs pour l’obtention d’une AMM pour un générique. • Problème éthique potentiel : Refaire les tests cliniques sur les populations pour des médicaments déjà testés ailleurs ou abandonner la commercialisation d’un générique à prix plus abordable. 110 Autant de mesures qui pourraient : Limiter la concurrence Augmenter le prix des médicaments Réduire leur accessibilité Accroitre l’écart sanitaire entre PD et PED. 111