RESTE T-IL DES CONTRE-INDICATIONS A LA
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RESTE T-IL DES CONTRE-INDICATIONS A LA
OBSTETRIQUE RESTE T-IL DES CONTRE-INDICATIONS A LA PERIDURALE en obstetrique ? S. Delaporte-Cerceau, P. Macombe-Prayssac, G. Boulay, J. Hamza. Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 75014 Paris, France. Introduction Les contre-indications à la péridurale ont beaucoup évolué ces dernières années. Il reste cependant à l’anesthésiste la responsabilité d’évaluer dans un certain nombre de situations délicates, le rapport entre le bénéfice d’un tel geste et les risques encourus par la patiente. 1. Refus du patient Le refus du patient reste une contre-indication à la réalisation d’une anesthésie péridurale. Mais ce refus doit être accompagné d’une information claire. Sur le plan éthique et légal, il est important de s’assurer que le patient a reçu une information assez compréhensible et complète pour prendre sa décision, qu’il a eu l’opportunité d’exprimer et d’expliquer son opinion et que celle-ci va être dans la mesure du possible respectée. Pourtant, pour un certain nombre d’anesthésistes, ce choix ne peut être pris en compte que dans le cas d’analgésie péridurale pour le travail. Lors d’une anesthésie péridurale, il devient plus contestable, car l’alternative à la péridurale est alors une anesthésie générale avec ses risques connus et décrits, engageant alors la responsabilité de l’anesthésiste dans le choix de la patiente. Le médecin doit alors pouvoir garder le libre-arbitre de sa décision. Le problème se pose aussi de la nature de l’information à fournir au patient et de la forme de la présentation. Il est nécessaire que figure dans le dossier une trace de l’information relative à l’anesthésie et à ses complications, mention rédigée par le médecin ou document d’information signé du patient. Plus les explications fournies seront complètes et notifiées dans le dossier, moins les éventuels problèmes médico-légaux sur le manque d’informations seront possibles ultérieurement. Le contenu de l’information doit aussi être évalué. En effet, certains praticiens estiment qu’une information trop complète est source d’anxiété pour les patientes et augmente donc la morbidité du geste anesthésique. En Grande-Bretagne, une étude de Lanigan évaluait auprès de 523 anesthésistes en obstétrique les éléments devant être discutés avec une patiente obèse avant une césarienne pour siège sous anesthésie péridurale ou générale [1]. Les points consensuellement admis pour la péridurale étaient : la technique de pose et l’efficacité analgésique de la péridurale, le risque de 29 30 MAPAR 2000 brèche et de céphalées et le risque de lombalgies. Pour beaucoup d’entre eux devait être rajouté l’inconfort pendant l’intervention et la conversion possible en anesthésie générale. En fait les informations à fournir avant une anesthésie péridurale sont relativement communes à tous les anesthésistes comme le montre une étude de Bush (Tableau I) et un consensus y est beaucoup plus facile que pour l’anesthésie générale [2]. Pourtant on observe dans cette étude que les complications rares ne sont que peu expliquées aux patients. Elles restent pourtant les plus graves et peuvent faire l’objet de problèmes médico-légaux. Peu d’études évaluent l’information désirée par la patiente, élément important dans la satisfaction de la prise en charge médicale. Une étude australienne évaluait en milieu Tableau I Eléments de l’information fournies au patientes lors de la consultion d’anesthésie en fin de grossesse selon les praticiens. Bénéfices ou complications •Efficacité de l’analgésie •Conséquences pour le foetus •Immobilité pendant le travail •Utilisation pour éventuelle césarienne •Risque de céphalées •Lombalgies post péridurale •Incidence des manoeuvres instrumentales •Sondage urinaire •Séquelles neurologiques •Rachianesthésie totale Pourcentage d'anesthésistes aux patients (%) 96 80 78 77 66 53 52 41 21 16 obstétrical, les éléments d’information que la patiente attendait de la consultation d’anesthésie (Tableau II). Les résultats de cette étude montre qu’une information complète est désirée par la plupart des patientes [3]. Les plus jeunes sont désireuses d’une information plus complète. Le classement des différents éléments est relativement inattendu, et ce genre d’étude paraît important à développer afin d’associer à l’information médico-légale stricto sensu celle attendue par les patientes. Ainsi, l’information au patient afin d’obtenir son consentement est une obligation médico-légale. Le contenu de cette information reste encore très variable en fonction de l’anesthésiste, mais de plus en plus la rédaction de document consensuel devrait Tableau II Information sur la prise en charge anesthésique attendue par les patientes lors de la consultation d’anesthésie. Type d'information • Délai alimentation/boisson • Détails sur la douleur • Complications communes • Perfusion/sondage urinaire • Alternatives à la péridurale • Complications dangereuses • Détails sur le matériel utilisé Pourcentage de patients désirant l'information (%) 97 92 92 89 87 82 82 OBSTETRIQUE permettre d’uniformiser l’information donnée à la patiente, et permettre ainsi à chaque partie d’avoir trace de l’entretien. 2. Etats infectieux 2.1. Infections bacteriennes La réalisation d’une anesthésie locorégionale chez une patiente fébrile reste actuellement très controversée. Les rapports entre la température, le travail, la péridurale et l’infection sont complexes. Les problèmes posés sont d’une part la corrélation entre l’hyperthermie et la réalité d’une infection et le risque de dissémination en contexte fébrile par la réalisation d’une péridurale. Les mécanismes de thermorégulation sont modifiés pendant le travail. Les pertes par évaporation sont majorées par l’augmentation de la fréquence respiratoire et de la transpiration [4]. La réalisation d’une analgésie péridurale modifie aussi la régulation thermique. Dans une étude de Fusi observant l’évolution des courbes thermiques avec et sans péridurale, on observait une élévation des températures orale et vaginale dans l’heure suivant la pose de la péridurale contrairement à ce qui était observé dans le groupe de femmes sous péthidine [5]. Cette élévation thermique restait minime et mal corrélée au rythme cardiaque fœtal. Macaulay retrouvant des résultats similaires les expliquait par la mise en route d’une analgésie adaptée diminuant l’hyperventilation et la sudation et entraînant l’apparition d’une vasodilatation [6]. Sur le plan infectieux, l’hyperthermie est faiblement corrélée à l’existence d’une bactériémie. Des études menées en obstétrique ont montré que la moitié des patientes ayant une bactériémie avaient une température inférieure à 38°8 et que seule 10 % des femmes fébriles avaient une hémoculture positive [7]. De même l’hyperleucocytose n’est pas un élément fiable de la présence d’une infection. Les globules blancs augmentent au cours de la grossesse normale, principalement par l’élévation des polynucléaires neutrophiles, à partir du 45e jour de grossesse jusqu’à la 30e semaine pour rester en plateau jusqu’à la fin du 3e trimestre. Les critères de suspicion d’infection lors du travail obstétrical sont donc difficiles à définir. Par des travaux rétrospectifs on a tenté d’observer le risque de dissémination par péridurale en contexte septique avéré. La chorioamniotite est une infection touchant environ 1 % des grossesses avec dans 8 % des cas la présence d’une bactériémie. Dans son étude, Bader regroupait 319 grossesses avec chorioamniotite avec dans 253 cas la réalisation d’une anesthésie locorégionale [8]. Trois de ces femmes étaient bactériémiques lors de l’accouchement. Aucune n’a présenté de complication infectieuse. Après revue de la littérature, les auteurs concluaient que les bénéfices potentiels d’une anesthésie locorégionale chez ces patientes étaient supérieurs aux risques infectieux théoriques encourus. Ces risques sont essentiellement de deux types : l’abcès péridural et la méningite. On évalue le risque d’abcès péridural a environ 0,2 à 1,2 pour 10 000 admissions hospitalières. Le plus souvent foyer secondaire d’une infection à distance, dans un tiers des cas aucune étiologie n’est retrouvée. Le germe le plus souvent retrouvé est le staphylocoque. Les cas en obstétrique restent anecdotiques et les observations rapportées sont le plus souvent secondaires à des contaminations par l’aiguille, le cathéter ou la seringue d’une solution contaminée ou à partir d’une infection cutanée locale [9]. Des règles d’asepsie soigneuses, l’utilisation d’un filtre anti-bactérien et d’une nouvelle seringue pour chaque injection ont donc été préconisés. La contamination hématogène est possible mais très exceptionnelle. Le rôle de la péridurale reste donc très difficile à évaluer, des abcès périduraux ayant été décrits chez des femmes sans cathéter de 31 32 MAPAR 2000 péridurale [10]. Les cas de méningite après anesthésie péridurale en obstétrique restent peu décrits dans la littérature. Ils sont secondaires à une contamination lors de la pose du cathéter par du matériel souillé, une mauvaise asepsie cutanée [11] ou une dissémination hématogène pendant le travail [11, 12]. Dans des cas de bactériémie rapportés, aucune des patientes ne présentait de facteurs de risque et elles étaient toutes deux apyrétiques lors de la pose du cathéter. Deux cas ont été décrits après réalisation d’un blood patch [13, 14]. Les patientes apyrétiques lors du geste, révélaient rapidement une hyperthermie dans les heures suivantes. En résumé, le blood patch est donc contre-indiqué en cas de contexte infectieux. 2.2. Infections virales 2.2.1. herpes Les virus du groupe herpès et en particulier HVS II posent le problème d’une forme de primo-infection plus sévère pendant la grossesse et de la récidive des lésions. Celles-ci sont présentes chez 0,5 à 1 % des femmes enceintes, et les formes asymptomatiques chez 0,6 à 1,4 % des parturientes. Une étude prospective de Stagno chez la femme enceinte avec antécédents d’infection herpétique montre une récurrence élevée des lésions pendant la grossesse de 84 % [15]. Le fœtus pouvant être infecté par un passage transplacentaire du virus lors de la primo-infection ou lors d’une de ces récidives, une césarienne sera préférée en présence de lésions herpétiques ou de notion d’infection récente. Trois études rétrospectives totalisant 247 patientes ont étudié les conséquences d’une anesthésie locorégionale chez ces femmes [16]. Une patiente a présenté une récidive attribuée à un traitement par corticoïde avant l’accouchement. Une récidive d’herpès buccal a peut-être été favorisée par un prurit important notamment facial lors de l’adjonction de morphinique dans la péridurale. Aucune autre complication en particulier infectieuse n’a été observée. Ainsi actuellement une anesthésie locorégionale peut être réalisée chez les patientes présentant une infection à herpes virus, en l’absence de localisation cutanée à proximité du point de ponction. 2.2.2. SIDA Le risque infectieux, la crainte de séquelles neurologiques ou de réactivation de la maladie avait fait contre-indiquer pour la plupart des équipes l’anesthésie locorégionale chez les patientes séropositives. Peu d’études ont réellement évalué ces risques. Hughes dans une étude prospective chez 30 parturientes HIV positif compare avant accouchement et 4 et 6 mois plus tard l’évolution clinique et biologique dans un groupe péridurale et un groupe sans péridurale (morphine titrée par voie IV ou aucune analgésie) [17]. Chez les 18 patientes ayant bénéficié d’une analgésie locorégionale aucune modification des paramètres immunologiques, ni aucune aggravation de la maladie n’étaient observées dans la période du péripartum. D’autres études avec de plus petits effectifs ne retrouvent aucune complication neurologique après péridurale. De plus il a été montré in vitro que l’anesthésie générale peut avoir des effets immunologiques de réactivation et de stimulation de la reproduction en culture des cellules infectées [18]. Ainsi, on peut considérer que la séropositivité de la parturiente ne constitue pas, en tant que telle, une contre-indication à la réalisation d’une anesthésie locorégionale. La réalisation de blood patch reste plus controversée et même si peu d’effets secondaires ont été décrits sa réalisation n’est pas actuellement recommandée. 2.2.3. hepatite Dans le groupe des hépatites, les formes B et C peuvent être associées à une évolution sévère. Des troubles de la coagulation peuvent survenir empêchant la réa- OBSTETRIQUE lisation d’une anesthésie locorégionale. Dans les formes actives, le traitement par interféron peut entraîner une thrombopénie qui a été associée à la survenue d’hémorragie massive [19]. De plus chez ces patientes un traitement par aspirine pour retard de croissance intra-utérin est souvent associé rendant difficile la réalisation d’une anesthésie locorégionale. 3. Troubles de la coagulation Problème fréquemment rencontré par les anesthésistes, l’association anticoagulants et anesthésie locorégionale est un sujet toujours d’actualité. 3.1. Thrombopenies Une thrombopénie gestationnelle est rencontrée chez environ 8 % des parturientes. Elle serait liée à l’hémodilution de la grossesse, à une augmentation du turnover plaquettaire ainsi qu’à des phénomènes de coagulation intravasculaire au niveau de la circulation placentaire. Le choix d’une valeur inférieure limite du nombre de plaquettes nécessaires à la réalisation d’une péridurale est complexe. Le chiffre de 100 000 plaquettes a été retenu par certains auteurs comme la valeur seuil permettant la réalisation d’une anesthésie régionale périmédullaire. Dans une étude de Simon et col. sur les pratiques anesthésiques dans 435 maternités françaises, cette valeur limite de 100 000 plaquettes était retenue par 51 % des équipes [20]. Cependant de nombreux auteurs ont rapporté des exemples de locorégionale sans complication chez des patientes ayant des chiffres de plaquettes inférieurs. L’étude des numérations plaquettaires de 2204 patientes par Rolbin et col avait retrouvé 3 femmes sous péridurale sans aucune complication avec une thrombopénie inférieure à 100 000 [21)]. Dans une étude similaire de Rasmus 24 patientes sur 2 929 étaient thrombopéniques, 5 avaient pu bénéficier d’une locorégionale sans problème particulier [22]. Récemment, une série de 30 patientes avec un nombre de plaquettes compris entre 69 000 et 98 000 ayant bénéficié d’une analgésie péridurale a été étudiée.Aucune complication n’a été observée [23]. Cependant la fréquence des hématomes périduraux est trop faible pour que ces séries permettent de déterminer un seuil de sécurité de la numération plaquettaire. Ainsi, la contre-indication de réalisation d’une péridurale est pour tous les auteurs de ces études à adapter au contexte étiologique et clinique plutôt qu’à une limite numérique stricte. 3.2. Anticoagulants L’augmentation du risque d’hématome péridural sous anticoagulants est réelle et l’indication ou la contre-indication d’une péridurale chez les parturientes traitées reste un problème géré souvent différemment en fonction des équipes. Le risque d’hématome après anesthésie périmédullaire a été évalué dans une population essentiellement chirurgicale. Une grande enquête épidémiologique réalisée en 1993 par l’équipe de Bicêtre sur une période de 5 ans a étudié 730 000 rachianesthésies [24]. Quatorze accidents à type d’hématomes ont été recensé soit une fréquence de 1 pour 50 000 ponctions. D’autres études anglo-saxonnes ont évalué le risque à 1/50 000 pour une péridurale et 1/22 000 pour une rachianesthésie [25]. En obstétrique le risque d’hématome sous anesthésie locorégionale est faible. Une étude rétrospective de Scott et Hibbard sur 2 580 000 accouchements dont 505 000 sous locorégionale retrouve un hématome compressif avec évolution favorable et récupération complète après chirurgie [26]. Cette étude fut suivie d’une évaluation prospective incluant 108 133 femmes sous péridurale et 14 856 sous rachianesthésie [27]. Quarante-six cas d’atteinte neurologique isolée étaient constatées. Aucun cas d’hématome perimédullaire n’était observé. 33 34 MAPAR 2000 Une revue exhaustive des accidents d’anesthésie périmédullaire sous anticoagulants et antiagrégants depuis 1906 a été publiée par Vandermeulen. Il retrouvait 61 cas publiés dont 42 imputables aux anticoagulants. Cinq femmes enceintes figuraient dans cette série [28]. L’utilisation récente de plus en plus large en obstétrique des héparines de bas poids moléculaire est plus difficile à évaluer, car peu de grandes séries ont fait l’objet de publications. Dans un essai regroupant les études prospectives évaluant une injection d’HBPM avant réalisation d’une anesthésie locorégionale pour chirurgie, aucun problème neurologique sur 9 006 patients n’était retrouvé [29]. Aucune grande étude de ce type n’a encore été réalisée en obstétrique. Ainsi aucune règle formelle n’est actuellement applicable, mais différentes recommandations peuvent être appliquées : une anesthésie péridurale peut être réalisée de manière relativement sûre entre 12 et 24 heures après la dernière injection d’HBPM en prophylaxie [30]. En cas de dose thérapeutique, un dosage de l’activité antiXa est souhaitable avant tout geste à proximité médullaire. En cas de reprise du traitement anticoagulant, l’ablation du cathéter de péridurale doit être fait à distance de l’injection. Une surveillance neurologique attentive est particulièrement indispensable afin de permettre une prise en charge rapide en cas de suspicion d’hématome péridural. 4. Maladies neurologiques Les troubles neurologiques ont longtemps été considérés comme de contreindications à la réalisation d’une anesthésie péridurale en raison du risque d’aggravation potentielle. Les publications régulières de cas cliniques et la meilleure connaissance de ces pathologies ont fait revoir un certain nombre de ces attitudes. L’épilepsie ne représente pas une contre-indication à la péridurale. Les taux épileptogènes des anesthésiques locaux sont bien supérieurs aux doses thérapeutiques et ils peuvent être utilisés chez la parturiente épileptique. La survenue de convulsions lors de la manipulation de la péridurale doit faire rechercher un passage vasculaire des produits avant un déséquilibre du traitement antiépileptique. La grossesse est une période de survenue d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez la femme jeune. Leur incidence est de 1/12 000 grossesses (étude sur les hôpitaux de l’Ile de France) [31]. Ils se partagent de manière équilibrée entre les accidents hémorragiques (1/22 000) et les accidents ischémiques (1/23 000). La prise en charge anesthésique lors du travail des AVC non-hémorragiques doit limiter les modifications tensionnelles brutales et l’analgésie péridurale est donc recommandée. Un certain nombre de précautions peuvent être cependant soulignées : les chiffres tensionnels devront être surveillés lors de la pose de la péridurale, des réinjections lentes ou une administration continue sont recommandées, le risque de brèche dure-mèrienne doit être minimisé (anesthésiste expérimenté) l’utilisation d’Ephedrine® et de Syntocinon® devra être évitée. Les atteintes dégénératives neurologiques ont longtemps été considérées comme des contre-indications absolues de gestes de locorégionales. Leur éventuelle responsabilité dans l’induction de nouvelle poussée ou d’aggravation de déficits préexistants était les principaux arguments avancés. La sclérose en plaque (SEP) est la plus fréquente de ces atteintes dégénératives chez la femme jeune. Régulièrement des cas cliniques ont été publiés de poussée de SEP après anesthésie locorégionale ou générale, mais la responsabilité des agents d’anesthésie reste difficile à établir, la survenue de nouvelles lésions pouvant être l’évolution naturelle de la maladie notamment en post-partum [32]. De plus, il s’agit de cas clinique isolé difficilement transposable à grande échelle. Une étude multicentrique européenne a récemment étudié 254 femmes atteintes de SEP, OBSTETRIQUE pendant leur grossesse puis tous les 3 mois pendant un an [33]. Parmi elles quarantedeux patientes bénéficièrent d’une anesthésie péridurale. Les auteurs retrouvent un risque de poussée de la maladie diminuée pendant la grossesse, en particulier lors du 3e trimestre, et un risque accru les 3 premiers mois du post-partum pour retrouver ensuite un risque identique au prépartum. Aucune influence de la péridurale sur le risque de poussée ni sur les lésions préexistantes n’est retrouvée. D’autres études à effectif plus réduit retrouvent ces résultats et les auteurs concluent à l’innocuité de la péridurale chez ces patientes, contrairement à la rachianesthésie qui reste très controversée [34]. La neurofibromatose de Recklinghausen reste aussi une contre-indication classique de la péridurale. Aucune grande série de patientes n’a été publiée dans la littérature, et seuls des cas isolés de prise en charge de patiente atteinte de neurofibromatose ont été décrit. Ainsi actuellement seules des recommandations peuvent être énoncées : une péridurale pendant le travail ne peut être envisagée qu’après une exploration radiographique du rachis (résonance magnétique nucléaire ou tomographie) à la recherche d’un neurofibrome rachidien. Le risque de brèche dure-mérienne en présence d’une hypertension intracrânienne reste le principal risque [35]. 5. Pathologies cardiaques Les pathologies cardiaques nécessitent toujours lors du travail et de l’accouchement une prise en charge spécialisée qui peut s’avérer difficile. En effet lors du travail, les modifications importantes et brutales du débit cardiaque et des résistances vasculaires systémiques en font une période à haut risque de décompensation. La question de l’indication d’une anesthésie locorégionale est une étape clé de cette prise en charge. Dans les cas d’insuffisance mitrale ou d’insuffisance aortique, l’indication de péridurale ne pose pas de réel problème. Celle-ci est même recommandée dans le cas d’un accouchement par voie basse car elle prévient la vasoconstriction périphérique et la tachycardie associées à la douleur et facilite les manœuvres d’extraction instrumen-tales limitant ainsi les efforts d’expulsion [36]. Dans tous les cas l’administration continue ou les réinjections lentes d’anesthésiques locaux seront préférées afin de limiter au maximum les épisodes hypotensifs. L’utilisation d’éphédrine®, et le remplissage massif seront évité. Chez les patientes atteintes de rétrécissement aortique, l’indication de la péridurale est beaucoup plus controversée, car peut être l’occasion de décompensation grave. L’hypotension artérielle, la bradycardie et la diminution du retour veineux sont très mal tolérées chez ces patientes qui ont un volume d’éjection systolique relativement fixe et donc des mécanismes d’adaptation fréquence dépendant limités entraînant rapidement une diminution du remplissage ventriculaire. La péridurale induit des modifications hémodynamiques importantes avec un bloc sympathique et une hypotension artérielle malgré le remplissage vasculaire. Ainsi le rétrécissement aortique reste une contre-indication relative à la péridurale. Si celle-ci était réalisée, en particulier dans les formes peu serrées, l’hypotension artérielle doit être prévenue par un remplissage modéré et de l’éphédrine. Les cardiopathies congénitales avec un shunt gauche-droite (ductus arteriosus, defect septum ventriculaire, défect du septum atrial) ne présentent pas de contreindication à la réalisation de locorégionale pendant le travail. L’hypotension liée à la péridurale est bien tolérée. La disparition des stimuli douloureux permet d’éliminer l’augmentation de la fréquence cardiaque et du débit cardiaque pendant le travail, à l’origine de l’augmentation du shunt et d’une éventuelle décompensation ventriculaire. Les techniques d’analgésie continue seront préférées car elles permettent de limiter les accès hypotensifs nécessitant le recours aux drogues vasopressives très délétères sur ce 35 36 MAPAR 2000 terrain. Les cardiopathies cyanogènes (Tétralogie de Fallot, syndrome d’Eisenmenger) ainsi que la Coarctation de l’aorte et la cardiopathie hypertrophique posent les mêmes problèmes que la sténose aortique. La baisse des résistances vasculaires systémiques et du retour veineux sont très mal tolérés, les indications de péridurale y sont donc très réservées mais des cas cliniques sont régulièrement publiés de patientes atteintes de cardiopathies à haut risque ayant pu bénéficier d’analgésie locorégionale [37, 38]. Les techniques de surveillance inverse peuvent alors être nécessaires. 6. Pathologies rachidiennes 6.1. lombalgies Elles représentent la pathologie rachidienne la plus fréquente pendant la grossesse puisqu’elles surviennent chez une femme enceinte sur deux. Des facteurs mécaniques et hormonaux peuvent expliquer la fréquence élevée de ces phénomènes douloureux [39]. Sur le plan hormonal, l’augmentation du taux de relaxine produit par le corps jaune entraîne une instabilité de la symphyse pubienne et des articulations sacro-iliaques. Les facteurs mécaniques apparaissent plus tardivement et sont directement liés à l’augmentation du volume utérin entraînant une bascule vers l’avant du sacrum et une augmentation de la lordose lombaire. L’anesthésie péridurale n’est pas contre-indiquée chez les femmes souffrant de lombalgies pendant la grossesse, mais des précautions doivent être prises : • Un examen neurologique en consultation d’anesthésie afin d’effectuer un bilan complet avant la réalisation de la péridurale, évitant ainsi de lui imputer une anomalie préexistante. • L’utilisation de solutions diluées d’anesthésiques locaux (AL) afin de limiter l’apparition d’un bloc moteur. • Eviter de placer la patiente sous péridurale dans une position mal tolérée pendant la grossesse. • Préférer une mobilisation simultanée des deux jambes afin d’éviter une torsion du rachis. 6.2. Sciatiques et lombalgies chroniques Les femmes souffrant de lombalgies chroniques présentent souvent des récidives pendant la grossesse. Dans environ 1 % des cas l’étiologie de ces lombalgies est une hernie discale L4-L5 ou L5-S1.Chez ces patientes l’anesthésie péridurale n’est pas contre-indiquée mais la patiente doit être prévenue d’un taux d’échec plus important de la péridurale. En cas de hernie discale non opérée, on peut observer un retard d’installation de l’anesthésie avec un retard de blocage des racines nerveuses affectées comparées aux racines nerveuses controlatérales sans doute lié à la difficulté de diffusion de l’anesthésique local sur les racines lésées. Cette hypothèse a été confirmée par une étude de Luyendijk [40] qui montrait par la réalisation de 600 épidurogrammes chez des patients présentant une hernie discale que le produit de contraste ne pouvait atteindre la racine dans un tiers des cas et ne pouvait diffuser en aval de la hernie chez 5 % des patients. En cas de chirurgie rachidienne pour hernie discale, le taux de succès de l’anesthésie péridurale est élevé (91,2 %) mais inférieur à celui observé chez des patients sans antécédents de chirurgie rachidienne. Ce taux plus élevé d’échec est lié à l’adhésion de la dure-mère au ligament jaune au niveau de la cicatrice cloisonnant ainsi l’espace péridural. Ainsi sans être contre-indiquée chez les patientes aux antécédents de chirurgie rachidienne, celles-ci doivent être prévenus du taux d’échec plus OBSTETRIQUE important. Certains auteurs conseillent de réaliser la péridurale un à deux espaces intervertébraux au-dessus du segment rachidien opéré afin d’augmenter le taux de réussite. En cas d’obstruction totale de la diffusion le l’AL en aval un niveau supérieur élevé de bloc peut être observé. Une titration de l’AL est donc nécessaire. En cas de césarienne la rachianesthésie peut être préférée devant son taux de succès plus élevé. 6.3.scoliose Les scolioses sévères sont rares chez les parturientes et leur incidence varie de 1 pour 1500 à 1 pour 12 000 grossesses selon les centres. La réalisation d’une anesthésie péridurale n’est pas contre-indiquée même dans les formes sévères de scoliose, mais elle peut s’avérer de réalisation très difficile et nécessite certaines précautions. Dans les formes mineures, il n’est pas nécessaire de changer la technique de ponction. En cas de scoliose majeure l’espace péridural peut être difficile à identifier en raison de la rotation vertébrale qui tend à dévier le milieu de l’espace péridural vers la convexité de la courbure. L’aiguille doit être dirigée vers la convexité de la courbure et la sensation de perte de résistance des ligaments inter-épineux et du ligament jaune est un guide utile pour maintenir correcte la direction de l’aiguille vers l’espace péridural. Pour les scolioses opérées, la notion de contre-indication relative à l’utilisation ultérieure d’une anesthésie péridurale a été contestée par plusieurs auteurs qui proposent des anesthésies péridurales chez certaines patientes malgré la chirurgie correctrice. Certains problèmes doivent cependant être considérés : • Une douleur lombaire résiduelle existe chez la moitié des patientes opérées, douleur corrélée à l’importance de la greffe vertébrale. • Ces patientes ont souvent une anxiété importante concernant leur dos et une anes-thésie régionale n’est pas facile à accepter. • Les modifications dégénératives rachidiennes (spondylolisthésis et rétrolisthésis) au-dessous de la zone de greffe sont plus fréquentes. • Près du quart des patientes greffées l’ont été jusqu’au niveau de l’espace L4-L5, laissant peu d’espaces intervertébraux possibles. • L’insertion de l’aiguille dans la zone greffée peut être impossible en raison de l’existence de l’instrumentation, des greffons osseux et des tissus cicatriciels. • Des lésions peropératoire du ligament jaune peuvent entraîner des cloisonnements de l’espace péridural et gêner la diffusion de l’AL dans l’espace péridural. • L’obstruction de l’espace péridural risque d’augmenter le risque de brèche duremérienne et de rendre impossible la réalisation d’un blood-patch. Ainsi la réalisation de la péridurale chez les patientes opérées est pour plusieurs auteurs à l’origine d’une incidence élevée de complication : • Impossibilité d’identifier l’espace péridural. • Multiplication des essais. • Fausses pertes de résistance. • Brèches dure-mérienne accidentelles. • Echec d’analgésie partiel ou complet. Ces échecs sont plus fréquents lorsque la greffe s’étend jusqu’aux dernières vertèbres lombaires voire les premières sacrées. Récemment une technique de guidage par échographie lors de la pose de la péridurale a été utilisée avec succès chez une patiente présentant une scoliose sévère opérée à l’âge de 11 ans selon la technique de Harrington [42]. Ainsi, chez des patientes ayant bénéficié d’une instrumentation vertébrale, la réalisation d’une anesthésie péridurale même si elle reste controversée n’apparaît plus comme une contre-indication formelle mais reste de réalisation difficile avec un taux élevé 37 38 MAPAR 2000 d’échec et de complications. L’information de la patiente doit donc être précise et claire et d’autres alternatives analgésiques (PCA …) doivent être évoquées. 6.4.spina bifida Cette malformation peu fréquente (1 à 3/1000 naissances) consiste en un défaut de fermeture de l’arc vertébral postérieur. Les déficits neurologiques ou sphinctériens surviennent chez presque toutes les patientes. La résonance magnétique nucléaire montre que la moelle épinière est souvent fixée avec un cône médullaire bas situé en L2-L3. Lors de la consultation anesthésique, le niveau supérieur de la lésion doit être évalué, le travail pouvant n’être pas douloureux si la lésion est située entre D5 et D8. Une allergie au latex doit être systématiquement recherchée. Chez les patientes présentant une fonction neurologique bien préservée l’anesthésie péridurale n’est pas contre-indiquée, mais la ponction devra être réalisée le plus bas possible. L’analgésie pourra cependant n’être que partiellement efficace en raison d’un espace péridural souvent discontinu. La rachianesthésie reste la technique de choix sur ce terrain car elle permet d’assurer une anesthésie de meilleure qualité. 7. situations d’urgence Les situations d’urgence d’extraction du fœtus restent des contre-indications à la mise en place d’une péridurale de novo. En effet, l’efficacité d’une péridurale nécessite l’attente d’un délai incompressible entre sa réalisation et son efficacité. Le délai d’action est relativement long et ne peut donc être envisagé dans les situations mettant en jeu le pronostic vital. Celui-ci peut être maternel (choc hypovolémique par placenta praevia …) ou fœtal (procidence du cordon …), une anesthésie générale devra alors être réalisée. Conclusion Une meilleure connaissance des affections traditionnellement connues comme des contre-indications à la péridurale a permis d’élargir ses indications. L’amélioration des produits et du matériel d’anesthésie utilisés et l’évolution des techniques de surveillance des patientes contribuent également à étendre certaines indications dans des conditions de sécurité acceptables. La consultation d’anesthésie en obstétrique est une étape clé de l’évaluation des rapports bénéfices/risques de la péridurale et du dialogue avec la patiente. Tout ceci doit permettre d’améliorer la prise en charge de ces patientes à haut risque anesthésique. References bibliographiques [1] Lanigan C, Reynold F. Risk information supplied by obstetric anaesthetists in Britain and Ireland to mother awaiting elective caesarean section. Inter J Obstet Analg 1995;4:7-13 [2) Bush D. Consent for obstetric anaesthesia and analgesia. In Russell I, Lyons G, eds. Clinical Problems in Obstetric Anaesthesia. London 1997;13:179-185 [3] Farnill D, Inglis S. Patients’desire for information about anesthesia: Australian attitudes. 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