L`administration publique haïtienne est le produit d`une longue

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L`administration publique haïtienne est le produit d`une longue
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE
NATIONALE
EXPOSE DES MOTIFS
INTRODUCTION
L’administration publique haïtienne est le produit d’une longue histoire. Longtemps
rattachée à des régimes politiques centralisateurs, elle est restée inefficace et loin
des citoyens. Aussi fait-elle l’objet d’un soupçon profond et durable dans l’opinion
publique. Gangrenée par des pratiques clientélistes et patrimoniales, elle entretient
un discrédit de l’action publique qui prolonge et amplifie la crise de légitimité politique
que confronte l’Etat haïtien depuis trop longtemps déjà.
Comment l’administration publique nationale peut-elle en effet contribuer à la
cohésion sociale et culturelle de la nation si les citoyens n’ont pas le sentiment
qu’elle est un instrument qui garantit l’égal accès pour tous aux services
publics ?
Mais faudrait-il d’abord que ces services soient disponibles! Or, héritant de formules
et de méthodes d’organisation qui ne lui permettent pas vraiment de répondre à ses
missions en tant qu’instrument d’accomplissement des politiques publiques
nationales, l’Administration Haïtienne est à la fois inefficace et inefficiente. Elle offre
peu de services, à des coûts trop élevés et dans des conditions d’accueil et d’accès
qui indisposent le citoyen.
Dans la perspective de consolidation des acquis démocratiques, l’Etat haïtien ne
pourra faire l’économie d’objectifs de modernisation administrative qui concourent à
renouveler la gestion publique sur la base de plus de transparence, de plus de
respect du droit et de plus d’égalité d’accès pour tous aux services publics. Pour
cela, il doit se donner des objectifs de réforme qui instaurent une dynamique de
modernisation reposant sur la réaffirmation de trois principes essentiels à une
administration moderne : la souplesse stratégique, la différentiation des niveaux de
décision politique et administrative, la souplesse organisationnelle.
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Ce sont ces principes que le présent projet de loi cherche à traduire dans le droit
positif.
Il exprime la volonté de l’Exécutif de modifier profondément le
fonctionnement de l’administration publique pour la rendre à la fois plus performante
et plus près des citoyens.
I.
Renouveler le cadre légal du système politico-administratif haïtien
La loi qui définit l’organisation de l’Administration Publique Nationale date de 1982.
Son titre – Loi portant unification des structures, normes, procédures et principes
généraux de l’administration publique – ne manquait pas d’ambition puisqu’il
entendait réunir en un seul texte toutes les dispositions nécessaires à l’organisation
et au fonctionnement de l’Administration Nationale. Inutile de dire que la loi n’a pas
été en mesure de procéder à cette unification globale. Elle a cependant été utile en
tant que cadre général d’organisation des structures administratives. N’ayant jamais
subi d’amendement, elle continue d’être, vingt ans plus tard, la référence légale pour
la détermination de l’organisation et du fonctionnement de l’Administration Publique
Nationale.
Or, au cours de cette période, cette dernière a été confrontée à de
nouvelles dynamiques socio-politiques nécessitant de nouveaux aménagements
institutionnels et à l’adoption d’autres normes de niveau supérieur. Elle ne peut plus
se contenter de ce cadre légal désuet.
Deux facteurs, parmi d’autres, militent de façon particulière en faveur de la
rénovation du cadre légal régissant le système politico-administratif haïtien: d’une
part la Constitution de 1987 qui est à la fois un projet de modernisation de l’Etat et de
son Administration et un projet de restructuration de la société en vue de sa
démocratisation, et d’autre part les propositions de réformes institutionnelles et
managériales de la Commission Nationale pour la Réforme Administrative (CNRA).
Il est en effet plus que temps de rendre conforme la législation en vigueur avec les
prescrits de la Constitution. Le moment est aussi venu de redessiner le modèle
d’administration qui correspond au nouvel Etat – l’Etat stratège – que l’équipe
actuellement au pouvoir a déjà adopté dans son document d’orientation : Investir
dans l’Humain.
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La nouvelle philosophie de l’action publique mise de l’avant par ce modèle d’Etat
requiert en effet une nouvelle administration qui doit remplir essentiellement les trois
fonctions de base suivantes:
-
une fonction de planification stratégique par laquelle elle contribue à
l’élaboration de politiques publiques appropriées ;
-
une fonction de régulation par laquelle elle encadre, par des normes
applicables
à
tous,
mais
qui
peuvent
prendre
différentes
formes
(réglementation, incitation fiscale et budgétaire, contrôle), la mise en œuvre
des politiques ;
-
une fonction de prestation de services par laquelle elle assure directement la
mise en œuvre des politiques publiques.
Ces trois fonctions essentielles sont prises en compte dans l’actuel projet de loi qui
propose une nouvelle architecture de l’Administration Publique Haïtienne dessinée
sur deux niveaux:
-
le niveau de la gestion stratégique couvrant l’ensemble des démarches de
planification, d’orientation, de coordination, de contrôle et d’évaluation des
politiques publiques et relevant principalement du niveau politique ;
-
le niveau de la gestion opérationnelle assurée par les services administratifs
d’exécution.
Les fonctions stratégiques du chef de l’Etat et du chef du Gouvernement découlant
de leurs attributions constitutionnelles respectives sont d’ordre global et transversal.
Pour les aider à bien les remplir, le projet de loi met à leur disposition un ensemble
d’organes de même nature (articles 7,8,13,22,23,31).
Quant aux ministres, ils
assurent leurs fonctions stratégiques sectorielles avec l’appui de leur cabinet, du
Conseil d’orientation stratégique et de l’Unité d’études et de programmation de leur
ministère.
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Le projet de loi introduit aussi un élément de souplesse dans l’organisation des
structures gouvernementales en ne précisant que les structures principales laissant
l’initiative de la structuration détaillée du ministère à son titulaire.
Il convient enfin de mentionner une autre grande innovation dans ce projet de loi, à
savoir le choix d’accorder une importance particulière à la gestion des ressources
humaines qui sera désormais effectuée au sein d’une Direction relevant directement
du Directeur Général.
L’adoption de ce projet de loi-cadre permettra d’aller de l’avant dans l’élaboration des
projets de loi organique des ministères selon un modèle préalablement défini.
II.
Eléments de rupture et d’innovation du projet
Le texte qui est aujourd’hui proposé édicte un certain nombre de normes générales
concernant l’administration publique devant être complétées par des arrêtés qui en
précisent les modalités d’application (titre I).
Subdivisé
en
trois
titres,
le
dispositif
du
projet
évoque
successivement
l’administration centrale (titre II), les structures déconcentrées (titre III) et
l’administration fonctionnellement décentralisée (titre IV).
Cette division procède d’un principe énoncé à l’article 4, celui de la séparation des
fonctions stratégiques confiées aux administrations centrales et des fonctions
opérationnelles confiées aux structures déconcentrées qu’il convient d’articuler au
bicéphalisme de l’exécutif instauré par la Constitution de1987.
Le projet de loi propose de renforcer la coordination stratégique. En ce sens, les
articles 6 à 43 présentent les différents organes responsables de la coordination
stratégique. Il distingue les instances d’élaboration des prises de décision politique
regroupant les organes dépendant du Président de la République dans le cadre de
ses prérogatives constitutionnelles comme chef de l’Etat (art. 136, 138, 139, 139-1,
140, 141, 142, 143, 144, 145) ainsi que les structures institutionnelles encadrant le
chef du Gouvernement et les autorités et organes rattachés au Premier Ministre (art.
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7 à 21).
Il prévoit un Secrétariat Technique de la Primature qui assure, par le
truchement du Directeur de Cabinet du Premier Ministre, la liaison entre les services
de la Présidence et ceux de la Primature.
Un deuxième niveau rassemble les instances de support technique à la gestion
stratégique. Il s’agit des Offices de Planification et de Régulation Stratégiques (art.
22-26) qui sont au nombre de trois :
-
Office de développement économique et social
-
Office de management et des Ressources Humaines
-
Office du budget
Ces Offices, qui sont rattachés à la Primature, fonctionnent en étroite liaison avec
des structures ministérielles poursuivant à des degrés divers les mêmes finalités. En
effet au sein de chaque ministère on retrouve une Unité d’études et de
programmation qui agit en liaison avec l’Office de développement économique et
social, une Direction des Ressources humaines dont l’interface est l’Office de
management et des ressources humaines et une Direction des affaires
administratives et budgétaires qui est le vis-à-vis de l’Office du Budget.
A ces structures présentes au sein de chaque ministère s’ajoutent des Directions
techniques et des Directions départementales travaillant sous la supervision d’un
Directeur général dont le rôle est clarifié par rapport à celui du ministre.
Le projet de loi reconnaît le rôle essentiel des Services déconcentrés dans la mise en
œuvre des politiques publiques sur le territoire national. Pour plus d’efficacité et
d’efficience, ces Services sont coordonnés – tel que le vœu la Constitution dans son
article 86 – par le Délégué et le Vice-Délégué à leur échelon respectif et dans les
limites de leur circonscription.
Finalement, le projet de loi délimite le cadre général de fonctionnement des
organismes autonomes.
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Ainsi donc, la délimitation et la clarification des fonctions stratégiques et
opérationnelles effectuées par ce projet de loi amèneront progressivement
l’Administration Centrale à mettre l’accent sur ses fonctions de pilotage de prévision,
de conception, de coordination et d’évaluation tant dans la gestion des ressources
que dans celle des politiques publiques et plaideront pour une administration de
proximité renforcée plus apte à fournir à la population les services auxquels elle a
droit soit directement soit par le truchement des partenaires de plus en plus présents
dans la fourniture de biens et de services collectifs.
Ce nouveau partage des rôles entraînera à terme un allégement de l’Administration
Centrale au profit de l’Administration Territoriale Déconcentrée et Décentralisée.
Cette nouvelle architecture administrative permettra à l’Etat-stratège de mieux
remplir ses missions de planification, de coordination, de régulation et ainsi que de
prestation des services quand d’autres acteurs (secteur privé, collectivités
territoriales, organisations non gouvernementales) ne sont pas en mesure de le faire.
Elle correspond aux exigences d’un Etat qui entend être au service de ses
commettants et qui entend tout faire pour se présenter sous un jour nouveau aux
festivités de son 200e anniversaire en vue de prendre enfin la voie de sortie du cercle
vicieux du sous-dévéloppement qui n’est plus de mise en ce début du 21e siècle.
CONCLUSION
Honorables Parlementaires,
Connaissant votre sens civique et votre patriotisme, je ne doute nullement de votre
détermination de casser ce cercle vicieux pour le bénéfice du plus grand nombre en
entreprenant toutes sortes d’action et d’intervention. L’adoption de ce projet de loi
cadre en est une puisqu’elle permettra de mettre en place une Administration
moderne et efficace, une administration au service des citoyens.
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Je dois cependant, Honorables Parlementaires, attirer votre attention sur l’urgence
d’agir pour deux raisons supplémentaires. La première réfère à la nécessité de
mettre en phase le cadre légal de nos institutions administratives avec les prescrits
constitutionnels. Cela fait quinze ans que nous avons adopté par référendum notre
charte fondamentale qui promeut à la fois un projet de restructuration de la société
en vue de sa démocratisation et un projet de restructuration de l’Etat pour mieux
atteindre les objectifs du premier et, malgré l’existence de ce double projet
innovateur, nos principales institutions continuent à fonctionner sous l’empire des lois
de l’ancien régime, des lois de la dictature.
Cette Législature a l’impérieuse
obligation de rompre avec cet état de fait inadmissible. En adoptant ce projet de loi
cadre, ce sont toutes les lois organiques des ministères qui devront être revues et
corrigées.
La seconde raison, bien que plus d’ordre conjoncturel, ne manque pas non plus de
nous interpeller. Si ce projet de loi cadre n’est pas adopté avant la fin de cette
session, c’est toute la mise en œuvre de la réforme administrative qui risque d’être
handicapée.
Je vous remercie de votre bienveillante attention.