Parataxe, hypotaxe et mécanismes interprétatifs dans la traduction

Transcription

Parataxe, hypotaxe et mécanismes interprétatifs dans la traduction
STUDIA UBB PHILOLOGIA, LVIII, 4, 2013, p. 223 - 230
(RECOMMENDED CITATION)
PARATAXE, HYPOTAXE ET MÉCANISMES INTERPRÉTATIFS DANS
LA TRADUCTION ITALIENNE DE TROP DE CHANCE
MIRELLA PIACENTINI1
ABSTRACT. Parataxis, hypotaxis and Interpretation in the Italian
Translation of « Trop de chance ». In my article, I analyse the syntactic
choices operated in Troppa Fortuna, the Italian translation of the French
young-adult novel Trop de chance by Hélène Vignal (2007, Rouergue
Editions). I insist on the crucial role played by parataxis. The dynamics of
interpretation, meant to clarify the intentio operis, involves examining the
modes of syntactic organization. In translating Trop de chance, a close
translation of the paratactic structures featuring the source text seemed to be
an essential strategy required to cope with the interpretational challenge of
our translational project.
Keywords: parataxis, translation, young-adult fiction.
REZUMAT. Parataxă, hipotaxă şi mecanisme interpretative în traducerea
în italiană a romanului « Trop de chance ». In articolul de faţă, analizăm
alegerile sintactice operate în Troppa Fortuna, traducerea italiană a Trop de
Chance, roman pentru tineret scris de Hélène Vignal (2007, Ediţiile
Rouergue). Ne axăm mai ales pe rolul crucial jucat de parataxă. Dinamica
interpretărilor, menită să clarifice intentio operis, implică examinarea
modurilor de organizare sintactică. În traducerea romanului Trop de chance, o
traducere exactă a structurilor parataxei prezente în textul iniţial a fost o
strategie esenţială menită să facă faţă provocărilor interpretative ale
proiectului nostru de traducere.
Cuvinte cheie: parataxă, traducere, literatură pentru tineret.
1. Trop de chance : le dialogue herméneutique du lecteur-traducteur
Dans le lignes qui suivent, nous nous arrêterons sur les mécanismes
interprétatifs et les effets de sens mis en jeu par les modes d’organisation
syntaxiques dans notre traduction italienne du roman de jeunesse Trop de
1
Chargée de cours, Université de Padoue. Courriel: [email protected]. Domaines de
recherche : analyse argumentative du discours, didactique du FLE, vulgarisation scientifique,
traductologie et traduction de la littérature de jeunesse. E-mail: [email protected].
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
MIRELLA PIACENTINI
chance2. Nos réflexions visent à exemplifier la restitution phrastique dans la
langue cible de la parataxe, conçue comme un élément formel crucial qui
participe au défi langagier autour duquel nous avons axé Troppa Fortuna.
Avec Trop de chance, Hélène Vignal remet au lecteur une sorte de
cahier qui restitue le flux de conscience d’une petite fille de dix ans,
tourmentée par la complexité qu’elle perçoit autour d’elle, en dépit des
discours que tiennent les adultes, qui l’invitent à sourire, sans trop se poser de
questions puisqu’un jour – on lui répète – elle comprendra. Le malaise que la
jeune fille ressent face aux absences de ses parents, à leurs réponses évasives
et ambiguës, paraît d’abord injustifié aux yeux de la protagoniste, s’il est vrai
qu’elle a eu une chance énorme lorsqu’elle a choisi de naître dans cette famille
du « Travail sur Nous »3. Ce choix lui a assuré la récompense prodigieuse dont
jouissent tous ceux qui ont décidé de vivre dans ce village du nord de la
France, pour suivre les enseignements du « Maître ». Dans la description du
village sur laquelle s’ouvre la narration, la présence d’une « grande maison
juste à côté de l’école» (p. 10)4 signale dès le début la ligne de partage subtile
mais nette qui sépare ceux qui se réunissent dans cette grande maison – où le
Maître « explique comment faire pour être vivant » (p. 13) – et les villageois
« ordinaires », que les parents de la protagoniste décrivent comme « un peu
endormis » (p. 13). La valeur des adjectifs « vivants » et « endormis » est
précisée par un jeu d’antonymes: on apprend ainsi que dans la grande maison
« On essaie de rester vivants. Pas vivants comme le contraire de morts, mais
vivants comme le contraire d’abrutis » (p. 12) et que les gens du village ne sont
« pas endormis comme le contraire de réveillés, [mais] endormis comme le
contraire d’intelligents » (p. 13).
Dans la petite communauté villageoise, la séparation entre la grande
famille du Maître et les autres familles passe par la ligne invisible que trace la
chance aussi bien que par celle visible, audible, des cris, des gestes et des rires
des gens « ordinaires », perçus comme l’expression de la trivialité qui entrave
la poursuite du chemin que choisissent5 de parcourir ceux qui souhaitent
Trop de Chance s’inscrit dans la foisonnante production de l’auteure française Hélène Vignal dans le
domaine de la littérature de jeunesse. Le roman paraît en 2007 aux éditions du Rouergue dans la
collection DoAdo.
3 « Ma mère dit que c’est moi qui ai choisi de naître là […] À ma sœur aussi on lui a dit qu’elle avait choisi de
naître là. C’est un truc super de choisir. Ceux qui sont nés dans des familles ordinaires, tant pis pour eux,
ils n’avaient qu’à mieux choisir. […] Cette place-là, c’est moi qui l’ai eue. Trop de chance ! (p. 20-21).
4 Les pages signalées entre parenthèses dans ce paragraphe se réfèrent à H. Vignal, Trop de chance,
Editions du Rouergue, 2007.
5 Le thème du choix revient dans le texte à plusieurs reprises et culmine dans le chapitre final,
où la mère croit rassurer la fille en lui disant que personne ne les oblige à suivre les
enseignements de Maurice Lepoivre.
« - C’est vrai ? Personne ne vous oblige ? Même pas Maurice Lepoivre ?
2
224
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
PARATAXE, HYPOTAXE ET MÉCANISMES INTERPRÉTATIFS DANS LA TRADUCTION ITALIENNE DE TROP DE CHANCE
s’élever au-dessus de la médiocrité de la vie ordinaire. Telle est la leçon bien
apprise que la jeune fille s’applique à maîtriser, au nom de cette chance inouïe
et prodigieuse que célèbre le titre.
Pourtant, au fil des pages, des fissures apparaissent dans la surface de
cette existence privilégiée. Lorsque la protagoniste et sa sœur, comme tous les
enfants jugés enfin « grands »6, ne sont plus admis dans la grande maison, la
solitude des week-ends qu’elles passent seules – en attendant le retour des
leurs parents, qui suivent les enseignements de leur Maître dans la grande
maison – prend la forme d’un malaise qui métamorphose le titre: l’adverbe,
qui la rend d’abord extraordinaire, finit pas convoyer l’idée de l’excès qui la
rend encombrante, intolérable7.
S’attribuer le rôle d’ingrate, d’enfant incapable de saisir pleinement la
valeur de cette chance énorme, suffit de moins en moins à trouver la manière
de dissimuler l’égarement que provoquent les silences, la solitude et l’absence
des adultes. Désormais incapable de faire « ma tête de quand je suis très
contente d’avoir beaucoup de chance même dans la tristesse» (p. 66), la jeune
fille – qui a d’abord accepté de croire à sa chance, en mettant de côté ses
perplexités au nom de l’autorité de la parole des adultes8 – ne peut plus
s’empêcher de cultiver l’espoir d’un changement qui pourra la délivrer de
cette chance devenue insupportable. Et si la rébellion de sa sœur est d’abord
interprétée par la jeune fille comme l’expression des troubles de l’adolescence,
elle ne peut ensuite que souhaiter prendre le courage de sa sœur9.
- Mais non, voyons … ça t’inquiète ? Tu crois qu’on nous oblige ?
C’est ça qui m’inquiète : c’est que personne ne les oblige. Je ne peux pas lui dire, mais je voudrais qu’on
les force à nous laisser tous les week-ends ou qu’on les drogue. Moi je voudrais que ce soit une secte,
pour qu’on puisse dire qu’on nous a enfermés. Mes parents dedans et ma sœur et moi dehors. Pour
que les autres puissent comprendre qu’on est en danger, et venir nous sauver. » (p. 88).
6 « C’est qu’à un moment, Maurice Lepoivre a dit que les enfants ne devaient plus jamais venir parce qu’ils
étaient grands maintenant. C’est vrai que c’était au moment où j’avais l’âge de raison. […] depuis, ma
sœur et moi on est bien tranquilles à la maison toutes les deux tous les week-ends. » (p. 33).
7 « Je ne sais plus si je suis d’accord quand elle dit qu’on a beaucoup de chance. Je trouve que j’ai
peut-être trop de chance, je voudrais voir comment ça fait quand on a en a moins.» (p. 90).
8 Alors que d’habitude les absences pour des raisons liées au « Travail sur Nous » ne sont jamais mises
en discussion par les deux filles, la sœur - aînée - de la protagoniste cache de moins en moins sa rage
et sa douleur et arrive à reprocher ouvertement à ses parents l’obéissance totale qu’ils vouent à leur
Maître. Cela provoque chez la sœur cadette des réflexions qui mettent en question la parole des
adultes, bien que la jeune fille soit encore fortement partagée entre l’autorité de cette parole et la
légitimité des raisons que porte sa sœur : « Les mots qu’elle dit, je les trouve graves, parce qu’on ne
parle pas comme ça à sa mère, mais d’un autre côté, je pense que ma sœur a raison d’être en colère.
[…] Je voudrais dire à ma sœur qu’elle a raison, mais je me rappelle qu’elle est adolescente et je me dis
que c’est ma mère qui a peut-être raison. Parce que parfois, avec ma mère, on écoute une dame à la
radio le midi, qui dit que les adolescents sont toujours énervés et ils exagèrent tout. » (p. 69-70).
9 « Je repense à la colère de ma sœur. Je voudrais pouvoir faire comme elle. Je l’admire, ma sœur.
Parfois, je mets mes pieds dans les traces de ses chaussures dans la boue du chemin. Pour prendre
un peu de ce qu’elle est par mes pieds. » (p. 90).
225
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
MIRELLA PIACENTINI
La perfection du monde dans laquelle la protagoniste vit s’effrite sous le
poids des épisodes que la jeune fille - et le lecteur avec elle - ne peut comprendre à
moins de s’autoriser les doutes, les questions et notamment la question sur
laquelle s’ouvre le dernier chapitre et qu’annonce l’avant-dernier. En effet, un
changement de décor se produit dans l’avant-dernier chapitre : le scénario de
rupture, d’incommunicabilité, d’un silence qui n’est rompu que par les cris de sa
sœur en révolte avec ses parents et leur Maître, cède sa place à la description des
jours que la famille passe tous les ans en Bretagne pour les vacances d’été. Le récit
de cette vie sereine, d’une normalité possible qui rend les retours insupportables
fait de ce chapitre le lieu où l’auteure crée de manière magistrale l’opposition
nette et déchirante entre la lourdeur angoissante de la vie ‘extraordinaire’
scandée par les règles du Maître, et la légèreté de la vie ‘ordinaire’ que la famille
mène en Bretagne. Cette opposition confirme les doutes des chapitres précédents
et annonce les mots qui ouvrent le dernier chapitre, des mots dont la protagoniste
perçoit le poids énorme10 et qui pourtant sont là, avec toute la force de la formule
la plus simple, une question directe et essentielle qui s’impose, si on veut trouver
une réponse qui permette d’être sauvés : «C’est quoi une secte, maman ? » (p. 86).
Ces quelques lignes nous paraissent indispensables pour introduire le
travail par lequel Trop de chance a pu se métamorphoser dans son ‘autre’
italien, Troppa Fortuna. On n’a voulu ici que résumer les éléments essentiels
du dialogue herméneutique qu’on a entretenu – en tant que lecteur-traducteur
– avec le texte original. On sait que ce dialogue vise à la recherche de l’intentio
operis, l’intention du texte.
2. Le ‘laboratoire expérimental’ du traducteur: sens et forme dans
la traduction de Trop de chance
Le traducteur cherche et trouve dans les formes du texte l’expression
du sens qu’il est appelé à saisir en tant que lecteur, interprète et auteur du
texte traduit.
Traduire une œuvre littéraire, c’est reproduire du sens et imiter des formes.
Or, nous le savons, les formes font sens. Il faut toujours se poser la question :
qu’en est-il du repérage des formes, de la compréhension de leur valeur et du
rendu de cette valeur dans le texte d’arrivée ?
(NIÈRES-CHEVREL 2008 : 29)
Le découpage phonologique, lexical, syntaxique que le traducteur
opère en phase d’analyse ponctuelle du texte s’inscrit dans une démarche dont
la direction reste invariablement celle qui le fait redescendre « du texte, à la
phrase, au mot » (RICOEUR 2004 : 56).
10
« Cette question, de la poser, ça me fait trembler de l’intérieur. C’est surement une question
interdite. » (p. 87)
226
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
PARATAXE, HYPOTAXE ET MÉCANISMES INTERPRÉTATIFS DANS LA TRADUCTION ITALIENNE DE TROP DE CHANCE
La valeur que le linguiste-lecteur-traducteur attribue aux « indices
formels » du texte dépend de la corrélation qui s’établit entre forme et sens
dans le système linguistique, les sens n’étant accessibles qu’en suivant les
pistes formelles de la langue (LEEMAN 2002 : 11).
Les choix formels, l’analyse de la structure phrastique, nous conduisent
dans les territoires de la « grammaire des options ». C’est dans le passage du
‘non négociable’ au ‘négociable’ que l’auteur opère des choix libres et
responsables. Ces choix ne sont évidemment jamais neutres.
[…] étant donné la mobilité de la frontière entre phrase et texte, la liberté et la
responsabilité qu’on respire dans un texte ne naît pas de rien: elle doit être
déjà documentée dans la structure de la phrase. En effet, c’est dans la
structure de la phrase qu’une grammaire des options et des choix relaie la
grammaire des règles.
(PRANDI 2011 : 61)
L’explicitation et l’expression des « ponts conceptuels » qui relient de
manière cohérente le texte (et la narration qui s’y exprime) s’effectuent au
sein d’un éventail d’options, grammaticales et textuelles, que l’on range du
côté de la responsabilité du « sujet actif » qu’est l’auteur (ivi, 62-63).
La traduction de Trop de chance s’est présentée comme un défi
d’autant plus stimulant que dans les pages de ce petit volume la métaphore de
l’incommunicabilité des deux univers – enfantin et adulte – qui depuis
toujours ne se rapprochent qu’au prix d’au moins un instant d’aphasie,
traverse et chevauche le récit de la prison invisible dans laquelle cette famille
est enfermée, cage dont on pourra sortir d’autant plus difficilement que
« personne ne les a obligés»11.
Dans la traduction italienne de Trop de chance, on a surtout voulu tenter
de saisir et retraduire le récit d’une enfance qui franchit les étapes difficiles de la
préadolescence et de l’adolescence dans un contexte qui amplifie la séparation
avec le monde des adultes : la présence d’abord dissimulée mais concrète du
monde des sectes amplifie les difficultés liées au franchissement des étapes
d’entrée dans la vie adulte.
On croit pouvoir affirmer que l’équilibre parfait que la narration
d’Hélène Vignal réalise entre les deux parcours – enfantin et adulte – qui se
recoupent, s’entrelacent pour emprunter enfin des voies apparemment et/ou
momentanément parallèles, passe par le choix de confier la complexité
croissante et irréversible du contenu à des choix formels ‘non complexes’.
Superbement érigé sur une structure narrative souple, au contenu
spontanément complexe, qui autorise sans les imposer plusieurs niveaux
11
Cf. note 5.
227
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
MIRELLA PIACENTINI
interprétatifs, Trop de chance se fait remarquer par la force des messages qu’il
contient. On peut croire que cette force dépend de choix formels qui, au niveau
syntaxique, se concrétisent dans le recours à des structures paratactiques.
La parataxe qui domine les toutes premières lignes du texte exemplifie
la valeur qu’assume l’absence de liens formels : procédant par juxtaposition
d’images dans un contexte syntaxique dominé par le recours à la parataxe, des
‘blancs formels’ apparaissent dans le texte, qui traduisent le manque et l’absence
des liens que la jeune fille cherchera tout au long de la narration, de manière à
pouvoir trouver les réponses qu’elle cherche. C’est dans ces ‘blancs formels’
que le doute graduellement s’insinue et laisse émerger la complexité du sens
de la narration.
3. Parataxe et interprétation du texte : routines paratactiques
pour traduire la complexité
L’évidence des choix syntaxiques paratactiques repérables dans la
structure narrative de Trop de chance invite le traducteur à lire dans la faible
présence de liens de dépendance qui caractérise la narration un choix
syntaxique responsable, porteur du sens profond de l’histoire racontée.
L’absence ou la faible présence des liens formels signalant la
dépendance, située à des moments cruciaux de la narration, véhicule le
message profond, caché, implicite qui soutient et traverse toute la narration et
qui constitue notre dominante interprétative. Puissamment soutenue par des
choix syntaxiques qui refusent presque la complexité de la subordination, la
narration reste axée autour d’une option formelle qui, tout en la niant, traduit
de manière efficace la complexité qui se situe au cœur du texte.
Toutes les négociations menées dans notre ‘laboratoire’ ont ainsi visé
à la recherche de la meilleure solution possible au sein d’une dominante
interprétative fondée sur la transmission de la complexité du sens du message
à partir de ressources formelles ‘simples’.
La reproduction fidèle des structures paratactiques a abouti à des
pratiques traductives de reformulation « littérale » des « unités de traduction ».
Cette équivalence catégorielle littérale s’inscrit dans une démarche traductive qui
a tenté d’effacer tout écart entre « base » et « aboutissement » (BALLARD 2003 : 76)
pour laisser affleurer dans la reformulation littérale d’une option formelle la
stratégie narrative de l’‘implicitement complexe’, où l’on croit pouvoir situer
l’intentio operis.
Dans Troppa Fortuna, le respect de l’équivalence catégorielle
paratactique a été perçu comme stratégie indispensable au rendement efficace
du crescendo rythmique du texte. L’incipit joue à cet égard un rôle majeur.
228
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
PARATAXE, HYPOTAXE ET MÉCANISMES INTERPRÉTATIFS DANS LA TRADUCTION ITALIENNE DE TROP DE CHANCE
H. Vignal, Trop de chance, Editions du Rouergue, H. Vignal, Troppa Fortuna, Camelopardus, 2011
2007
Abito in paese.
J'habite dans le village.
Dans le village il y a une rivière qui s'appelle la In paese ci sono un fiume che si chiama Mauldre,
Mauldre, une mairie, une place, une église et une école. un municipio, una piazza, una chiesa e una scuola.
Je vais à l'école du village, il y a mon maitre qui Vado a scuola in paese, c’è il mio maestro, che
si occupa di noi, di quarta e di quinta.
s'occupe de nous, les CM1 et les CM2.
Il fume clans la classe, il a une chevalière qu'il Fuma in classe, porta un anello con uno stemma
retourne pour donner des claques aux garçons. che gira per prendere a schiaffi i maschi.
Tout le monde le sait, tout le monde est d'accord. Lo sanno tutti, tutti sono d’accordo.
Tout le monde sait aussi qu'il y a la mairie, l'école, Tutti sanno anche che ci sono il municipio, la
la place de l'église, l’épicerie, la boulangerie et la scuola, il sagrato, la drogheria, la panetteria e
boucherie.
la macelleria.
Tout le monde le sait et tout le monde en parle. Lo sanno tutti e tutti ne parlano.
On parle à voix haute de l'épicier, du maire, du Parlano a voce alta del droghiere, del sindaco,
boucher et du maitre.
del macellaio e del maestro.
On a le droit.
È permesso.
On peut aisément remarquer à quel point les choix syntaxiques et
stylistiques que l’auteure opère dans ces lignes plongent le lecteur dans une
atmosphère où – par images juxtaposées – on décrit la vie apparemment paisible
d’un village du nord de la France. Accumulation, anaphore, parataxe s’emboîtent
et font de ces lignes le lieu narratif qui constitue le point de départ d’un chemin
que le lecteur parcourt avec la jeune fille, à la découverte de la complexité qui
restera essentiellement inscrite dans l’implicite de l’enchaînement paratactique.
Dans notre traduction italienne, le choix de respecter scrupuleusement
cette pratique syntaxique nous a paru indispensable pour préserver le rythme
et la complexité de la narration, ayant vu dans cet outil formel un choix
narratif crucial, fidèlement respecté pour que dans les pages de son ‘autre’
italien ne cesse de résonner le cri silencieux des « oisillons du Tremblay »12
auquel Trop de chance est dédié.
BIBLIOGRAPHIE
BALLARD, Michel (2003), Versus (vol. 1) : Repérages et Paramètres, Paris, Ophrys.
LEEMAN, Danielle (2002) La phrase complexe. Les subordinations, Bruxelles, Duculot.
NIÈRES-CHEVREL, Isabelle (2008) « Littérature de jeunesse et traduction : pour une mise
en perspective historique », in Nic Diament, Corinne Gibello et Laurence Kiéfé
(dir.) Traduire les livres pour la jeunesse, Enjeux et spécificités, Paris, Bnf/Hachette,
p. 17-30.
12
Hélène Vignal dédie ce roman “A ceux des oisillons du Tremblay qui, bien qu’ayant perdu pas mal
de plumes, un : ne sont pas devenus des vautours, deux : ont gardé assez de duvet pour survivre et
couver à leur tour […] »
229
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
MIRELLA PIACENTINI
PRANDI, Michele (2011) « Une idée de grammaire pour la comparaison interlinguistique
et l’enseignement des langues » in Marie-Christine Jullion, Danielle Londei, Paola
Puccini (dir.) Recherches, didactiques, politiques linguistiques : perspectives
pour l’enseignement du français en Italie, Milano, Franco Angeli, p. 59-68.
RICOEUR, Paul (2004) Sur la traduction, Paris, Bayard.
VIGNAL, Hélène (2007) Trop de chance, Editions du Rouergue.
VIGNAL, Hélène (2011) Troppa Fortuna, Camelopardus.
230
BDD-A15817 © 2013 Editura Presa Universitară Clujeană
Provided by Diacronia.ro for IP 78.47.27.170 (2017-02-12 08:47:29 UTC)
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

Documents pareils