Les difficultés d`insertion des jeunes de bas niveau scolaire

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Les difficultés d`insertion des jeunes de bas niveau scolaire
Prix : 15 francs
P
Les difficultés
d’insertion
des jeunes
de bas niveau
scolaire
N
N°1
O
R
D
-
P
A
S
Yveline Gourmond
Rectorat de l’académie de Lille
Division Programmation-Études
et Prospective
INSEE NORD-PAS-DE-CALAIS
D
E
-
C
A
L
A
I
S
ROFILS
L e nombre de jeunes qui quittent
l’école prématurément, sans connaissances professionnelles suffisantes ni
culture générale satisfaisante, a
fortement décru dans la première
moitié des années quatre-vingt-dix.
Cependant, ils sont encore près de
12 000 à s’être présentés ainsi sur le
marché du travail de la région fin
juin 1994. Le constat établi sept
mois plus tard est éloquent. Si
l’insertion dans la vie active est
malaisée pour tous les jeunes, elle
passe plus souvent encore par une
période de chômage pour les jeunes
de bas niveau. Un nombre important d’entre eux empruntent la voie
de l’insertion par une formation en
alternance. Mais pour la majorité,
l’autonomie sociale n’est pas pour
tout de suite, faute de moyens
financiers.
“Bas niveau scolaire” ?
Edgar Walker,
-
Le niveau scolaire s’apprécie ici en
fonction de la dernière classe fréquentée.
L’Éducation nationale repère ainsi les
différentes étapes d’un cursus scolaire
dans une échelle allant du niveau VI, qui
correspond à celui des élèves qui n’ont
pas prolongé leur scolarité au-delà de la
classe de quatrième, au niveau I, qui
correspond à celui des étudiants ayant
atteint un niveau Bac + 5.
On s’intéresse ici au devenir des jeunes
de “bas niveau”, c’est-à-dire de ceux qui
ont quitté le système scolaire au niveau
VI, Vbis ou V en exceptant ceux d’entre
eux qui ont fréquenté une classe terminale
de cycle professionnel. Ainsi, la définition
JANVIER 1997
du “bas niveau scolaire” regroupe tous
les jeunes quittant le système éducatif
sans avoir atteint le niveau d’une terminale
de lycée, ni obtenu aucun diplôme professionnel au cours de leurs études.
Cette classification arbitraire repose sur
l’idée communément répandue que des
études interrompues accroissent les
difficultés d’insertion de ces jeunes sur le
marché du travail.
Définition des niveaux de formation
Le niveau VI est celui des élèves sortant
du premier cycle du second degré et
des formations préprofessionnelles en
un an (c’est-à-dire de toutes classes de
cinquième, quatrième, CPA, CEP,
CPPN, SES ou SEGPA).
Le niveau Vbis est celui des élèves sortant des classes du second cycle court
avant l’année terminale ou de troisième
de collège (c’est-à-dire de toutes classes
de troisième ou de première année de
BEP ou de CAP).
Le niveau V est celui des élèves sortant
de l’année terminale des cycles courts
professionnels ou abandonnant la
scolarité du second cycle long avant
la classe terminale.
Pour l’étude, ont été prises en compte
toutes les sorties de niveau VI et Vbis
ainsi qu’une partie des sorties de
niveau V. Ont été en effet exclues du
champ, les sorties en classe terminale
professionnelle et les sorties au cours
d’une classe de première professionnelle
ou de première d’adaptation - leurs
éléves étant en effet déjà titulaires d’un
BEP. Au final, les sorties de niveau V
prises en compte pour l’étude sont
celles de seconde et de première de
l’enseignement général.
130 avenue du Président J.F. Kennedy - 59034 Lille Cedex - Tél : 03.20.62.86.29 - Télécopie : 03.20.62.86.00
Aujourd’hui, moitié moins
de jeunes qu’il y a six ans
quittent l’école avec un
“bas niveau scolaire”
En fait, si seulement 29% des élèves
sortants ont moins de 19 ans, tous
niveaux confondus, cette proportion est
de 79% pour les jeunes de bas niveau.
Environ 12 000 jeunes de bas niveau
sont sortis du système scolaire en juin
1994 : un peu plus de garçons que de
filles puisque les jeunes hommes en
représentent 58%. À la fin des années
quatre-vingt, ils étaient un peu plus de
20 000 jeunes gens des deux sexes à se
présenter si démunis sur le marché du
travail. Plusieurs raisons viennent s’ajouter
pour expliquer ce constat. En premier
lieu, des raisons démographiques : les
classes d’âge concernées par ces sorties
précoces - massivement le fait de jeunes
âgés de 16 à 18 ans - ont un effectif plus
faible d’environ 15% aujourd’hui qu’il y
a sept ans. Ensuite, l’évolution des filières
du système scolaire et des conditions
d’insertion sur le marché du travail
conduit à une sortie plus tardive de
l’ensemble des élèves. En particulier, la
disparition des classes de niveau VI, CPA,
CPPN et la transformation des sections SES
en SEGPA retardent la sortie d’élèves qui
suivent alors un cursus scolaire classique,
sans toujours pouvoir le conduire à son
terme. De plus, l’élargissement de
l’éventail des possibilités d’études incite
à la poursuite d’un cursus plus poussé.
Plus de 40% des sortants
de bas niveau ont abandonné
un BEP
Enfin, les conditions actuelles d’insertion
dans le monde du travail ainsi qu’une
action volontariste menée par l’Éducation
nationale encouragent tous les élèves à
la préparation d’une qualification et à
l’acquisition d’un bon niveau de culture
générale. On a ainsi constaté entre juin
1990 et juin 1995, des réductions
sensibles de la part des élèves qui abandonnent leurs études en fin d’année
scolaire : au niveau VI, celle-ci passe de
3% à 0,2%, au niveau Vbis, de 5% à 4%
enfin au niveau V, de 2,4% à 1,2%.
À la fin des années quatre-vingt, les
jeunes provenant des classes de type SES
constituaient le groupe le plus nombreux
parmi ceux de bas niveau qui se présentaient sur le marché du travail.
Aujourd’hui, avec la transformation de
ces classes et l’intégration de leurs élèves
dans un cursus classique, ce sont les
jeunes en première année de BEP qui
procurent le contingent le plus grand.
Viennent ensuite les élèves qui n’ont
connu que le collège, ceux qui l’ont quitté
après une troisième de l’enseignement
technologique représentant près de 12%.
SES : sections d’éducation spéciale
intégrées généralement dans les
collèges et scolarisant des enfants
déficients légers.
CPA : classes préparatoires à
l’apprentissage implantées en
centre de formation, en collège
ou en lycée professionnel.
CPPN : classes préprofessionnelles
de niveau implantées dans les
collèges ou les lycées professionnels.
CEP : classes de préparation du
certificat d’études professionnelles.
SEGPA : sections d’enseignement
général et professionnel adaptées
remplaçant les SES.
Une forte accélération des
risques d’exclusion au cours de
ces dernières années
Au moment de l’enquête, sept mois après
leur sortie de l’école, 38% des jeunes
de bas niveau connaissent le chômage.
En 1990, ce n’était le cas que pour 21%
d’entre eux. Un tiers des jeunes qui
quittaient alors l’école avec un faible
niveau trouvait place avec un contrat aidé
de type TUC ou CES - travaux d’utilité
collective ou contrats emploi-solidarité -
Répartition des jeunes de bas niveau sortis en Répartition des jeunes de bas niveau sortis en
juin 1989 selon leur situation en février 1990 juin 1994 selon leur situation en février 1995
Inactifs
5%
CDI CDD
5% 3%
Service
national
13%
Service
national
6%
Apprentissage
18%
Chômage
21%
Les deux tiers ont 18 ans
ou moins
L’âge moyen des jeunes sortis sans qualification est de 17 ans et 6 mois tandis
que l’âge moyen des sortants de juin
1994 est de 19 ans et 7 mois.
Définitions des classes
TUC, CES
30%
Contrat de
qualification
SIVP
2%
3%
Stage
entreprise
5%
Stage
formation
CES
6%
3%
Contrat de
qualification
3%
Apprentissage
20%
Chômage
38%
Inactifs
7%
CDD
CDI 4%
4%
Source : Rectorat - Enquête IVA
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INSEE NORD-PAS-DE-CALAIS
Pour ce qui est de l’apprentissage, si une
proportion de jeunes de bas niveau
quasiment identique à ce que l’on observait au début des années quatre-vingt-dix
a trouvé là une voie d’insertion, il faut
souligner qu’en nombre, c’est moitié
moins. Le nombre de places offertes à
des jeunes de bas niveau dans ces filières
a en effet, bien diminué sur la période.
Deux fois moins de sorties de bas niveau en six ans
Évolution des effectifs de sortants selon le niveau
25000
NIVEAU VI
NIVEAU V BIS
NIVEAU V
ENSEMBLE
20000
15000
Enfin, les chances d’obtenir un contrat
de travail classique, qu’il soit à durée
déterminée ou indéterminée sont restées
extrêmement faibles, de l’ordre de 8%.
Comparé à la situation de l’ensemble des
sortants du système éducatif, le devenir
de ces jeunes diffère principalement sur
trois points : ils sont deux fois moins
souvent en emploi mais deux fois plus
souvent en contrat de formation en
alternance et plus particulièrement en
apprentissage. Enfin, parce qu’ils sont
moins âgés, ces jeunes de bas niveau
sont moins souvent, dès leur sortie, au
service national. En conséquence, leur
risque de connaître le chômage est bien
plus élevé que celui de l’ensemble des
sortants - 38% pour 30%.
10000
5000
0
juin 1988
juin 1989
juin 1990
juin 1991
juin 1992
juin 1993
juin 1994
Source : Rectorat
Près de la moitié ont abandonné en première année
de BEP ou de CAP
Répartition des sortants selon la dernière classe fréquentée
Autres
1995
1990
Seconde, 1ère (lycées)
CPA, CPPN, CEP
4e ou 3e technologique
Pour la plupart, une faible
autonomie sociale
4e ou 3e préparatoire
Première année CAP ou BEP
SES
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50 %
Source : Rectorat - Enquête IVA
ou SIVP - stages d’initiation à la vie
professionnelle.
Mais les possibilités de pénétrer le monde
du travail à l’aide de mesures spécifiques
et de contrats de travail particuliers se
sont fortement réduites : d’une part, en
raison du recentrage des mesures de
politique d’emploi sur le public des
chômeurs de longue durée, d’autre part,
en raison de l’élévation du niveau de
recrutement des mesures destinées aux
jeunes telles les formations en alternance.
Ainsi, alors qu’en 1990, 37% des jeunes
sortis avec un bas niveau bénéficiaient de
l’une de ces mesures aidées - hors
apprentissage -, on ne compte plus
aujourd’hui que 12% de bénéficiaires.
INSEE NORD-PAS-DE-CALAIS
Sortis de l’école, les jeunes de bas niveau
scolaire ne rentrent pas pour autant
d’emblée, dans le monde des adultes.
Très peu souvent insérés sur le marché du
travail, ils ont rarement l’autonomie
financière qui leur permettrait de quitter
le domicile familial. De fait, 87% des
garçons et 79% des filles vivent chez leurs
parents au moment de l’enquête.
Quelques-uns vivent cependant en couple
(5%) et la situation concerne plus souvent
les filles. Les autres vivent soit seuls (2%),
soit avec de la famille ou des amis (4%)
soit enfin en foyer (1%).
Le budget de ces jeunes est en effet très
maigre : 37% ne disposent d’aucune
ressource et 22% ont moins de 1 000 F
par mois. Faisant figures d’exception,
quelques-uns parviennent tout de même
à des ressources dépassant les 4 000 F
mensuels qui leur permettent dans un cas
sur deux de vivre en couple ou seul.
130 avenue du Président J.F. Kennedy - 59034 Lille Cedex - Tél : 03.20.62.86.29 - Télécopie : 03.20.62.86.00
Lorsqu’un jeune fait état d’une source de
revenus, c’est un salaire dans un cas sur
trois. Cela peut être la solde de l’armée
ou l’aide des parents évoquées chacune
dans 15% des cas. Enfin, les aides
publiques et sociales représentent 12%
des ressources citées. Très peu réunissent
les conditions d’attribution d’une allocation
de chômage (2%). Ces différentes sources
de revenus se combinent pour 15% des
jeunes sortis sans qualification, le plus
souvent avec une constante, l’aide des
parents. Interrogés sur leurs loisirs, 78%
déclarent spontanément pratiquer un ou
plusieurs loisirs. Parmi eux, pour 45% le
sport, plus particulièrement le football
(15%) devant la natation, le basket ou le
cyclisme.
Plus du tiers n’ont aucune source de revenus
Répartition selon les ressources
4 000F et plus
10%
de 2 000F
à moins de 4 000 F
16%
Pas de ressources
37%
de 1 000
à moins de 2 000F
15%
de 0 à moins de 1 000F
22%
Source : Rectorat - Enquête IVA
Le salaire n’est source de revenus que dans un cas sur trois
Répartition des ressources selon la nature
%
40
35
Un jeune sur quatre évoque une activité
culturelle telle la lecture, l’écoute de
musique, la télévision. Sur ce plan, leurs
réponses ne diffèrent pas vraiment de
celles de l’ensemble des jeunes qui ont
quitté le système scolaire au même
moment qu’eux.
30
25
20
15
10
5
Allocation de chômage
Indemnité de stage
Autre
Travaux occasionnels
Ressources du conjoint
Aide sociale ou publique
Solde de l'armée
Aide des parents
Salaire
0
Source : Rectorat - Enquête IVA
Des résultats de l’enquête IVA “insertion dans la vie active”
Depuis 1985, le Rectorat réalise chaque année auprès des établissements scolaires publics
et privés du second degré, une enquête pilotée au plan national par le Centre d’études et de
recherche sur les qualifications (Céreq) et la Direction de l’évaluation et de la prospective du
ministère de l’Éducation nationale. Elle vise à connaître en février de l’année A, le devenir
professionnel des jeunes sortis de formation sept mois plus tôt, soit en juin de l’année A-1.
Pour en savoir plus
• L’entrée dans la vie active des jeunes du Nord-Pas-de-Calais (6 pages)
Rectorat de Lille/Céreq/ORFQE - mars 1996.
• L’entrée des jeunes dans la vie active - Rectorat de Lille - janvier 1996.
• L’apprentissage : un accroissement sans précédent en 1995 - DRTEFP - Panorama Emploi-Formation
Nord-Pas-de-Calais n°10, janvier 1997.
Directeur de la publication : Jean-Claude HAUTCŒUR - Service Administration des Ressources : Daniel HUART - Service Études Diffusion : François HOUSSIN
Service Statistique : Robert MORIZUR - Rédactrice en chef : Élisabeth VILAIN - Secrétaire de fabrication : Jean-Claude DELEHAYE
Vente : Bureau de vente, 130 avenue J.F. Kennedy - BP 769 - 59034 LILLE CEDEX - Tél : 03 20 62 86 66 - Télécopie : 03 20 62 86 00
CPPAD en cours - ISSN 1269-0260 - Dépot légal janvier 1997 - © INSEE 1997 - Code Sage PR0970120 - UNIVERS STUDIO LILLE Tél : 03 20 63 10 07
130 avenue du Président J.F. Kennedy - 59034 Lille Cedex - Tél : 03.20.62.86.29 - Télécopie : 03.20.62.86.00
INSEE NORD-PAS-DE-CALAIS