Rapport stage VF 2007 Coirié V. PNM

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Rapport stage VF 2007 Coirié V. PNM
Bilan du suivi
suivi Vautour fauve
dans le Parc National du Mercantour
Eté 2007
Photo : Coirié V.
Secteur MoyenneMoyenne-Tinée / Massif du Mounier
COIRIÉ Vincent
SOMMAIRE
Introduction
1
Localisation géographique de la zone d’étude
2
Le massif du Mounier : un contexte très attractif pour les vautours
a) Situation géographique
b) Géologie et géomorphologie du massif du Mounier
c) Contexte humain
d) Pourquoi la Barre Sud du Mounier
3
Suivi numérique des oiseaux
a) Evolution des effectifs de la colonie de vautours fauves depuis 2003
b) Evolution des effectifs de la colonie de vautours fauves en 2007
4.
Suivi qualitatif de l’espèce
a) Détermination de l’âge des Vautours fauves présents dans le PNM
b) Proportion d’oiseaux bagués
c) Identification des oiseaux bagués
d) Détails sur les vautours fauves identifiés et leurs déplacements
5.
Suivi comportemental de l’espèce
a) Evolution des déplacements de juillet à septembre
b) Les relations interspécifiques
6.
Suivi des curées
a) La ressource trophique disponible
b) Cas particulier
7.
Le pastoralisme et les vautours fauves
a) Le Loup et le Vautour, une association qui dérange
b) La polémique sur les attaques de vautours
Quelques problématiques soulevées par les éleveurs locaux
8.
Propositions pour un meilleur suivi
Conclusion
2
Introduction
Des observations ponctuelles de vautour fauve dans les départements des Alpes-Maritimes
et de Haute Provence existent depuis longtemps mais concernaient généralement des
individus erratiques et seuls dont l’origine était inconnue (Espagne, Pyrénées, Cévennes ?).
Durant l’été 2003, 10 à 35 oiseaux ont été ponctuellement relevés sur le Parc national dont
le phénomène fut lié à l’existence depuis 1996 de 3 nouveaux sites de lâchers dans les
Préalpes du sud-est de la France. Il s’agit, du nord au sud, des sites du Diois/Vercors (2001),
des Baronnies dans la Drôme (1996) et des gorges du Verdon dans les AHP (1999). Ces
sites ont fait l’objet de lâchers annuels de vautours issus de centres de soins espagnols ou
pyrénéens.
Ces réintroductions sont pilotées par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO/FIR) en
collaboration avec les différents espaces protégés concernés (P.N. des Cévennes, P.N.R du
Verdon et P.N.R du Vercors) et les associations naturalistes locales (Vautours en Baronnies,
Vautours en Haute Provence).
Depuis 2003, un suivi Vautour fauve est réalisé par le Parc National du Mercantour en
collaboration avec la LPO PACA antenne Verdon montrant notamment une présence accrue
de l’espèce, au cœur du PNM, sur le massif du Mont Mounier et ses environs.
Ce suivi a montré la nécessité d’une étude plus fine au travers d’un stage bénévole de mijuillet à fin septembre 2007 afin de mieux appréhender l’utilisation de l’espace par les
vautours, leurs comportements (déplacements, curées, etc.), l’origine des oiseaux identifiés
et les relations interspécifiques (Gypaète barbu, Aigle royal, etc.) sur le massif du Mounier.
Cette étude aborde également la place occupée aujourd’hui par le Vautour fauve au sein du
Parc, notamment auprès des acteurs locaux que sont les éleveurs et les bergers.
3
1Localisation géographique de la zone d’étude
Parc National du Mercantour
Zone d’étude
Source : PNM
Le massif du Mounier, qui culmine à 2817m, se situe à l’extrême sud-est de la chaîne
alpine, au cœur du Parc National du Mercantour dans les Alpes-Maritimes, sur les
communes de Beuil, Guillaumes, Isola, Péone, Roubion, Roure et Saint-Etienne-de-Tinée.
2.
Le massif du Mounier : un contexte très attractif pour les vautours
a) Situation géographique
Le massif du Mounier est située approximativement à 70 kms à vol d’oiseau de la colonie de
vautours fauves des gorges du Verdon d’où proviennent les premiers individus bagués
identifiés au sein du Parc National. . Cette colonie nicheuse est localisée à 110 kms de
celles des Baronnies, elle-même située à 45 kms de celle du Diois-Vercors vers le nord et à
150 kms de la colonie des Causses cévenoles, cette dernière en relation depuis longtemps
4
avec celles des Pyrénées et de l’Espagne. Des échanges d’individus existent désormais
entre les différents sites. Cela rejoint l’un des objectifs de la réintroduction du Vautour fauve
qui est de recréer un lien important entre les populations ibériques et balkaniques tout en
reconstituant dans les Alpes du sud, le cortège des grands rapaces nécrophages
Colonie du PNM
a) Géologie et géomorphologie du massif du Mounier
La zone d’étude est située dans la chaîne alpine des Alpes maritimes. Elle est généralement
constituée de roches sédimentaires disposées en couches successives, datant du
secondaire et du tertiaire. On y trouve des roches du Crétacé, notamment des marnes et
calcaires en altitude (> 2000 m). Entre 1000 et 2000 m d’altitude, les calcaires massifs,
dolomies et marnes (« terres noires ») du Jurassique sont dominants.
Les sites constitués majoritairement de roches calcaires (Sierra de Guara, Verdon,
Baronnies, etc.) sont très favorables à la présence des vautours pour deux raison
principales :
Les ascendances thermiques ; Les falaises et pierriers calcaires sont particulièrement
propices à l’apparition d’ascendances thermiques. Le réchauffement rapide et le
refroidissement lent de ces hautes murailles de calcaire permettent leur formation
régulière, portant ces grands rapaces.
Les falaises calcaires ; celles-ci ont la particularité d’offrir de nombreux reposoirs en
hauteur, grâce aux zones érodées.
b) Contexte humain
Depuis le Néolithique, les hommes ont façonné les paysages du Mercantour, en s’opposant
à la dynamique forestière naturelle par le défrichement, le pâturage et l’incendie. Cette
influence est illustrée par les paysages sylvo-pastoraux du massif et par les anciennes
terrasses de culture, qui permettaient de retenir la terre fertile des versants pour cultiver
l’olivier, la vigne et le châtaignier jusque dans les hautes vallées.
5
Aujourd’hui, le pâturage ovin est largement dominant. Ces paysages ouverts associés aux
nombreux troupeaux présents de juin à octobre offrent au vautour fauve d’immenses zones
de prospection riches en ressources alimentaires. (cf. 6a p. 14)
c) Pourquoi la Barre Sud du Mounier ?
Malgré une grande quantité de barres rocheuses au sein du Parc National et de ses
environs, il semble que la grande majorité des vautours fauves aient choisis la Barre Sud du
Mounier comme reposoir nocturne de mi-juillet à la fin de l’estive. Découvert en 2006, ce
dortoir réunit en effet plusieurs critères favorables :
Une exposition Est Sud-est ; Le soleil réchauffe la barre très tôt le matin (avant 7h)
durant l’été, ce qui permet aux vautours un envol dès le lever du jour.
Des vires larges et abritées situées à mi falaise ou sur le tiers supérieur constituent de
bons reposoirs pour une grande quantité de vautours.
Une aérologie propice au vol à voile ; les ascendances thermiques sont favorisées par
la roche et les pierriers calcaires au pied de la barre.
Elle est située au cœur d’une zone très pâturée (cf. 6a p. 14)
Sa situation dominante (2400 m d’altitude) sur la plupart des reliefs permet un envol
sans perte d’énergie pour les vautours fauves.
3.
Suivi numérique des oiseaux
a) Evolution des effectifs de la colonie de vautours fauves depuis 2003
Année
Nb d’observations
Effectif max.
Commune
Lieu-dit
2003
11
35 (08/07/2003)
Peone-Valberg
Tête du Sapet
2004
34
48 (03/09/2004)
Roubion
Tête de Varélios
2005
88
52 (28/06/2005)
Roubion
Cime de Tournerie
2006
190
74 (08/08/2006)
Beuil
Barre du Démant
2007
> 450
163 (28/08/2007)
Peone
Barre Sud du Mounier
Ce tableau illustre bien l’augmentation des effectifs d’année en année.
Le nombre d’observations est représentatif de la fréquentation du Vautour fauve au sein du
Parc National du Mercantour mais reste très lié à la pression d’observation qui s’est
organisée depuis 2003.
L’évolution des effectifs maximums a connu une croissance exponentielle ces cinq dernières
années ce qui confirme l’attractivité du site durant l’été.
6
b) Evolution des effectifs de la colonie de vautours fauves en 2007
Evolution des effectifs de Vautours fauves de Juillet à Septembre 2007
Barre Sud du Mounier
07
18
/0
9/
20
07
11
/0
9/
20
07
04
/0
9/
20
07
28
/0
8/
20
07
21
/0
8/
20
07
14
/0
8/
20
07
07
/0
8/
20
07
Barre de l’Illion
31
/0
7/
20
24
/0
7/
20
07
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Effectifs
Le 24 juillet 2007, un comptage sous le reposoir de la barre de l’Illion, au sud de la commune
de Beuil, a révélé la présence de 65 vautours fauves. La barre de l’Illion, ainsi que la tête de
Pérail semblent être les reposoirs les plus fréquentés à la mi-juillet 2007.
La prospection des barres du massif du Mounier (Barre nord, barre sud, barre sud-ouest,
barres qui cernent la Vionène entre Vignols et Roubion, etc.) n’a pas révélé de reposoir
nocturne utilisé en parallèle entre le 16 et le 28 juillet.
Le 28 juillet 2007, 80 vautours seront comptés sur la Barre Sud du Mounier, au nord de la
commune de Beuil, reposoir déjà utilisé l’année précédente.
La ressource trophique s’est vue nettement augmenter avec l’arrivée progressive de
plusieurs troupeaux ovins autour de Vignols aux environs du 25 juillet. Ceci peut expliquer le
changement de reposoir nocturne, le site offrant des curées quasi-quotidiennement aux
vautours.
La Barre Sud du Mounier ainsi que celle du Démant rassemblent, semble-t-il, la grande
majorité des vautours fauves observés dans le Parc depuis la fin du mois de juillet.
A noter que seuls quelques individus isolés (3 max.) ont été observés sur la barre de L’Illion
depuis l’arrivée massive des vautours sur la barre Sud du Mounier.
Le 19 août 2007, 98 vautours fauves sont observés sur la Barre Sud du Mounier pour
atteindre un maximum le 29 août de 163 individus. Les effectifs sont en accroissement dans
le secteur, de nouveaux individus venant se greffer sur cette colonie temporaire.
Courant septembre et ce jusqu’à la fin du mois, les effectifs oscillent entre 80 et 130
individus.
L’existence de reposoirs nocturnes, sur lesquels viennent se greffer de nouveaux individus
de passage au cours de la saison, explique la croissance exponentielle des effectifs
observés. On pourrait parler également d’une habitude d’estive qui se développe
progressivement depuis 2003.
7
4.
Suivi qualitatif de l’espèce
a) Détermination de l’âge des Vautours fauves présents dans le PNM
Détermination de l’âge de 50 Vautours fauves sur la Barre Sud du Mounier (28/07)
Age
Vautours fauves adultes
Vautours fauves immatures (2 à 5 ans)
Vautours fauves juvéniles
Nb d’individus
20
25
5
%
40%
50%
10%
Détermination de l’âge de 40 Vautours fauves sur le Pervoux (curée) (11/08)
Age
Vautours fauves adultes
Vautours fauves immatures (2 à 5 ans)
Vautours fauves juvéniles
Nb d’individus
7
25
8
%
17,5 %
62,5 %
20 %
Détermination de l’âge de 60 Vautours fauves sur la Barre Sud du Mounier (19/08)
Age
Vautours fauves adultes
Vautours fauves immatures (2 à 5 ans)
Vautours fauves juvéniles
Nb d’individus
20
35
5
%
33,3 %
58,3 %
8,3 %
Détermination de l’âge de 80 Vautours fauves sur la Barre Sud du Mounier (19/09)
Age
Nb d’individus
Vautours fauves adultes
24
Vautours fauves immatures (2 à 5 ans)
52
Vautours fauves juvéniles
4
Tableau II. – Structure par classe d’âge des estivants de Vautour fauve Gyps fulvus
dates de l’été 2007
%
30 %
65 %
5%
à quatre
Toutes les catégories d’âge sont représentées, du jeune de l’année précédente à l’adulte.
On peut noter un taux important d’individus immatures ce qui traduit bien l’erratisme propre à
cette classe d’âge, notamment à l’estive.
b) Proportion d’oiseaux bagués
Date
Commune
Lieu-dit
09/08/2007
11/08/2007
22/08/07
15 et
16/09/07
Beuil
Roure
Roubion
Barre sud du Mounier
Le Pervoux
Balme des Bœufs
Beuil
Barre sud du Mounier
1
2
contexte
reposoir
curée
charnier
reposoir
Nb total
d’individus
20
40
41
Nb d’individus bagués
(Darvic1 + Muséum2)
2
6 (dont 1 Muséum)
9 (dont 4 Muséum)
108
10 (dont 3 Muséum)
Bague destinée à la lecture à distance composée de chiffres et/ou de lettres.
Petite bague en métal destinée au CRBPO (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux)
8
Il est difficile de faire ressortir la proportion exacte d’oiseaux bagués par rapport à celle
d’individus non bagués. Ces exemples relevés parmi de nombreuses observations
permettent d’estimer le taux de vautours fauves bagués à moins de 15 %.
c) Identification des oiseaux bagués
N° de Bague
ATZ (d)
AUG (g)
AXU (d)
BAG (g)
BAH (g)
BOE (g)
BOX (g)
BUY (d)
Provenance
Verdon
Verdon
Verdon
Verdon
Verdon
Verdon
Verdon
Verdon
Année de naissance
1999
2000
2001
2001
2001
2004
2004
2005
Nb de con tacts
1
1
1
1
2
3
1
1
DLE (g)
DLH (g)
AO
DIR
DIM
BPE (d)
BSI (d)
BSU (d)
CDU (d)
Blanc/Rouge (d)
Blanc/Rouge (d)
3LJ (d) jaune
3X6 (g) jaune
E
?7 (d) jaune
433 (d) jaune
Verdon
Verdon
Baronnies
Baronnies
Baronnies
Vercors
Causses
Causses
Causses
PN des Pyrénées
PN des Pyrénées
Espagne
Espagne
Espagne
Espagne
2006
2006
1996
2006
2006
2003
2003
2003
2005
Estimé 2001-2002
Estimé 2004-2005
?
?
Adulte
Immature
4
4
1
1
1
3
1
4
1
2
2
4
1
1
1
Tableau III – récapitulatif des vautours fauves identifiés sur le massif du Mounier
Nous pouvons constater ici une fréquentation du site par une population très hétérogène de
vautours fauves.
La majorité des individus bagués proviennent de la colonie du Verdon, population source
située à 70 kms du massif du Mounier à vol d’oiseau. Comme les lectures de bagues
l’attestent, il est fortement probable que les vautours se déplacent régulièrement d’un site à
l’autre. Citons ici le cas de « Lauves » (bagué AUG), oiseau nicheur sur la commune de
Rougon (04) observé sur ce site le 25/07/07, puis contacté le lendemain sur la commune de
Beuil (06). Son jeune étant encore au nid à cette date, on peut supposer que « Lauves » est
rapidement revenu dans le Verdon.
Les autres bagues lues, provenant des Baronnies, des Causses, du Vercors, des Pyrénées
françaises ou d’Espagne ne permettent pas de faire ressortir une proportion de l’origine des
vautours fauves estivants.
Toutefois, le taux important d’oiseaux non bagués, de l’ordre de 85 % environ, associé à la
présence de 4 vautours espagnols peut laisser penser que de nombreux individus sont
originaires de la péninsule ibérique.
La faible proportion d’individus bagués identifiés ne permet pas d’évaluer en pourcentage
l’origine des oiseaux ayant fréquenté le site durant la période d’estive
9
d) Détails sur les vautours fauves identifiés et leurs déplacements
(Cf. Annexe Suivi VF Verdon – PNM (Excel)
Données : Sylvain Henriquet, LPO PACA antenne Verdon.
Le 26/07/07 (17h30) sur le reposoir de la barre de l’Illion (Beuil, 06) :
AUG (g) : « Lauves », Vautour fauve mâle bagué né en 2000 et relâché en 2003
dans les Gorges du Verdon. Ce même individu aura été observé la veille sur le charnier
d’alimentation de Rougon (04) entre 18h15 et 19h30. Il sera de nouveau contacté le 31/08
et le 04/09 à Rougon. A noter que « Lauves » est reproducteur cette année avec un jeune
à l’envol.
BUY (d) : « Xérophile », individu bagué et né en nature en 2005 dans le Verdon. Ce
vautour n’aura été observé qu’une fois dans le Verdon depuis le mois de juin.
3LJ (d) : bague jaune, vautour provenant d’Espagne. Contacté dans le Verdon le
08/08 sur le charnier de Rougon (04).
?7E : bague jaune (d) + 1 bague blanche (g), oiseau espagnol adulte.
Le 07/08/07 (8h30 – 9h30), une curée sur le versant nord du Col des Moulinès (Beuil, 06)
a permis la lecture de 4 bagues :
3LJ (d) : Observé le 8 août, entre 17h45 et 18h30 à Rougon (04).
DIR (g) : Vautour fauve né en 2006 dans les Baronnies, présent régulièrement dans
la colonie du Verdon depuis novembre 2006. Dernière observation le 03/06/07 à Rougon
(04).
BOE (g) : « Yeble », Vautour fauve immature né en nature en 2004 dans le Verdon.
Individu observé fréquemment dans le Verdon. Contacté le 03/08/07 et le 10/08/07 à
Rougon (04).
DLE (g) : « Wanda », Vautour fauve né en nature en 2006 dans le Verdon.
Relativement absent de Rougon (04) depuis le mois d’avril (contacté une fois par mois), il
sera vu à plusieurs reprises fin juillet puis le 03/08/07.
Le 11/08/07 (10h – 10h20), une curée sur le versant Est du Pervoux (Roure, 06) a permis
la lecture de 4 bagues :
Déjà contacté : DLE
BAG (g) : « Virades », Vautour fauve adulte né en 2001 puis réintroduit en 2003 dans
le Verdon. Observé fréquemment à Rougon en juillet, dernier contact le 14/08/07.
BSU (d) : « Wisconsin », Vautour fauve de 2003 provenant des Causses.
BPE (d) : « Wallace », né en 2003 dans les Causses puis transféré et relâché dans le
Vercors, il fréquente le Verdon depuis l’été 2005 par périodes.
Le 19/08/07 (11h20 – 15h14), sur la Barre Sud du Mounier (Beuil, 06) :
Déjà contacté : BPE
DLH (g) : « Weda », Vautour fauve juvénile né en nature en 2006 dans le Verdon.
Contacté le 08/08/07 à Rougon (04).
Blanc / Rouge (d) (estimé 2004-2005) : Individu provenant des Pyrénées françaises
Le 22/08/07 (11h47 – 13h14), le dépôt de 4 quartiers de viande ovine (reste de la viande
destinée aux gypaètes réintroduits) a permis 5 lectures de bagues sur une curée :
Déjà contactés : DLE + DLH
10
AXU (d) : « Ustensile », Vautour fauve né en 2001, relâché dans le Verdon en
septembre 2003. Après une quasi-totale absence depuis fin avril à Rougon (04), il y sera
contacté le 10/08/07.
Blanc / Rouge (d) (estimé 2001-2002) : Individu provenant des Pyrénées françaises
3X6 (g) jaune : bague jaune, vautour provenant d’Espagne.
-
Les 15/09 (17h44 – 19h30) et 16/09/07 (7h40 – 9h20) sur la Barre Sud du Mounier
(Beuil, 06) :
Déjà contactés : BOE + BSU + 3LJ + Blanc / Rouge (estimé 2004-2005)
DIM (g) : Vautour fauve né en 2006 dans les Baronnies.
Le 19/09/07 (11h20 – 15h14), sur la Barre Sud du Mounier (Beuil, 06) :
Déjà contactés : BPE + Blanc / Rouge (estimé 2001-2002) + DLH + BSU
CDU (d) : vautour de 2005 provenant des Causses.
433 (d) jaune : bague jaune, vautour provenant d’Espagne. Pas d’informations
complémentaires.
AO (blanc sur fond bleu) : Vautour fauve réintroduit en 1996 dans les Baronnies.
Le 20/09/07 (11h20 – 15h14), sur la Barre Sud du Mounier (Beuil, 06) :
Déjà contactés : BSU
BAH (g) : « Vooutour », vautour né et réintroduit en 2002 dans le Verdon. Individu qui
a fréquenté régulièrement le charnier de Rougon (04) cette année. Dernier contact le 25/08
dans le Verdon.
BOX (g) : « Yemen », vautour né et réintroduit en 2004 dans le Verdon. Observé peu
de fois cet été dans le Verdon mais de façon relativement régulière. Dernier contact le 04/09
à Rougon (04).
ATZ (d) : « Taloire », vautour né en 1999 et réintroduit en 2002 dans le Verdon.
Individu présent jusqu’à fin juin dans le Verdon, puis aucun contact à partir de juillet.
BSI (d) : « Waal », vautour de 2003 provenant des Causses.
Le 24/09/07 (7h – 8h17), sur la Barre Sud du Mounier (Beuil, 06) :
Déjà contactés : BAH + DLE + DLH + 3LJ
5.
Suivi comportemental de l’espèce
a) Evolution des déplacements de juillet à septembre
Les déplacements observés autour du massif du Mounier, principalement concentrés entre 9
et 14 h, sont très variables. On peut toutefois noter une légère dominance des déplacements
en direction du Nord-Ouest depuis Vignols entre le 16 et le 30 juillet. Le massif du Mounier
semble être un site de passage propice aux ascendances, plus qu’une zone fréquentée lors
de la prospection alimentaire durant cette période. Comme nous l’avons vu précédemment,
les reposoirs utilisés sont la Barre de L’Illion et la tête de Pérail (Sud de Beuil) jusqu’à fin
juillet.
11
Depuis l’arrivée de nouveaux troupeaux d’ovins au sud-est du Mont Mounier fin juillet, à
proximité du hameau de Vignols, des changements comportementaux ont pu être constatés.
Cette nouvelle abondance en nourriture s’est traduite par :
La fréquentation massive d’un nouveau reposoir nocturne (Barre Sud du Mounier et
Barre du Démant) ;
Une nette augmentation des observations de vautours fauves en prospection entre le
plateau de Longon, la commune de Beuil et le Mont Mounier.
A partir de mi-août, une diminution de la fréquentation sur le hameau de Vignols, le plateau
de Longon ainsi qu’au sud de la commune de Beuil a pu être constatée (Tête du Pommier,
les Cluots, etc.) et ce malgré les effectifs très importants de vautours toujours présents sur la
Barre sud du Mounier le soir.
On pourrait supposer que les vautours, plus habitués à leur domaine de prospection, ont
développé un mode de déplacement plus efficace, directement ciblé sur les zones riches en
carcasses, ce qui aurait pour effet de limiter les mouvements aléatoires.
D’autre part, l’aire prospectée ayant sans doute augmenté au fil de l’été grâce aux
excellentes conditions météorologiques ou pour toute autre cause, cela expliquerait la
diminution des observations sur cette période et un nombre plus faible de vautours observés
localement même sans diminution globale au reposoir (effet de dilution).
Notes sur les déplacements de vautours fauves :
On ne peut pas réellement faire ressortir de tendance ni de logique particulières quant aux
déplacements liés à la prospection alimentaire des vautours fauves sur le site. Les
mouvements sont principalement localisés sur les zones pâturées situées aux alentours du
massif du Mounier (Beuil, Roubion, Roure, Saint-Etienne-de-Tinée, Peone, Isola etc.).
Le choix du site de prospection est variable lors du premier envol quotidien et parait lié à
l’aérologie et la météo du jour.
L’envol depuis le reposoir nocturne se fait généralement progressivement, par petits groupes
de 5 à 20 individus en moyenne. Il est fréquent de voir des vautours prendre leur envol très
tôt (parfois avant 7h) pour aller se percher sur des crêtes. Elles permettent en général une
bonne visibilité de l’ensemble de la zone (Crête de Granréon, Col de Moulinès, etc.). L’envol
des vautours fauves depuis ce reposoir nocturne a rarement lieu au-delà de 9h30, lorsque
les conditions aérologiques sont bonnes.
On peut noter une fréquentation plus importante des zones sur lesquelles une ou plusieurs
curées ont eu lieu. Cette fréquentation dure généralement quelques jours, même si les
carcasses sont totalement consommées.
b) Les relations interspécifiques
Le Vautour fauve et le Gypaète barbu
La réintroduction de deux gypaètes barbus le 22 mai 2007 (Rocca et Fontvieille) au sein
même de la zone fréquentée par les vautours fauves, a permis d’observer quelques relations
pouvant s’établir entre les deux espèces.
-
L’aspect territorial :
De mi-juillet à mi-août, les gypaètes ont commencé l’apprentissage du vol. A plusieurs
reprises, nous avons pu observer ces deux jeunes oiseaux à la poursuite de vautours fauves
de passage. Ce comportement peut être assimilé à de la territorialité puisque ce phénomène
n’a été constaté que sur le site même de réintroduction. En d’autres lieux, les gypaètes sont
pacifiques vis-à-vis des vautours.
12
-
Les effets positifs sur la réintroduction des gypaètes :
Les vautours fauves ont, cette année 2007, fréquentés de façon importante le site de
réintroduction des gypaètes. En dehors du fait qu’il se trouve sur un couloir de passage
(entre le massif du Mounier et le plateau de Longon), ce site a été régulièrement utilisé
comme reposoir diurne mais aussi comme lieu propice aux ascendances thermiques. La
présence de ces vautours semble avoir eu un impact notable sur l’apprentissage du vol des
2 gypaètes.
Le tableau ci-dessous donne une idée de l’évolution de la maîtrise du vol des oiseaux tout au
long de leur suivi. Ces données font partie des indicateurs de leur degré d’émancipation au
moment du départ du site.
Les cumuls de temps de vol sont calculés sur une période allant de l’instant où l’oiseau quitte
la grotte, jusqu’au 30ème jour après son envol.
Une comparaison peut être faite avec les autres oiseaux lâchés sur le site du Parc national
du Mercantour les années précédentes de lâcher :
Temps de vol cumulés après 30 j.
Pelat (BG 275) lâché en 1997
686 min.
Gelas (BG 279) lâché en 1997
415 min.
Roubion (BG 311) lâché en 1999
503 min
Péone (BG 312) lâché en 1999
658 min
Larche (BG 369) lâché en 2001
891 min
Roure (BG 370) lâché en 2001
467 min
Guillaumes (BG 411) lâché en 2003
1675 min
Jausiers (BG 413) lâché en 2003
880 min
Monaco (BG 452) lâché en 2005
746 min
Monte-Carlo (BG 455) lâché en 2005
556 min
Rocca (BG 516) lâché en 2007
1223 min
Fontvieille (BG 520) lâché en 2007
1209 min
Tableau IV-Comparaison des temps de vol cumulés (ZIMMERMAN Laurent)
Comme l’indique ce tableau, Rocca et Fontvieille ont eu une activité de vol exceptionnelle.
Outre l’effet d’entraînement réciproque des deux oiseaux, qui peut être une hypothèse pour
expliquer la remarquable similitude des performances, la présence soutenue des vautours
fauves lors de cette période d’envol est loin d’être négligeable pour tenter d’expliquer cette
importante activité.
On pourrait en déduire que les vautours fauves, étant quotidiennement sur le site de
réintroduction pour prendre des ascendances, ont eu un effet stimulant et formateur sur les
deux gypaètes.
Dans un second temps, le Vautour fauve, prompt à trouver les carcasses disponibles et à les
consommer, a permis aux jeunes gypaètes l’accès à une ressource trophique très
abondante. Ainsi, nous avons pu, à plusieurs reprises, observer les gypaètes en compagnie
des vautours aussi bien sur le reposoir nocturne de la Barre Sud du Mounier que sur des
sites où avaient eu lieues des curées. Des cassages d’os ont été constatés en ces lieux.
L’apprentissage du vol, la recherche de nourriture et le choix des reposoirs nocturnes ont
ainsi été améliorés de par la présence du Vautour fauve.
13
Enfin, la présence des vautours et l’abondance en nourriture qui en découle entraîne
vraisemblablement une fixation plus longue des gypaètes sur le massif du Mounier avant
leur départ automnal en phase d’erratisme,. Plus cette imprégnation au site sera longue, plus
les chances de retour pourraient être importantes.
Le Vautour fauve et l’Aigle royal
A partir de l’arrivée massive des Vautours fauves sur le reposoir nocturne de la Barre Sud du
Mounier, les observations d’aigles royaux se sont faites beaucoup plus rares. Ainsi, du 16
juillet au 25 juillet, une quinzaine de contacts d’aigles a été noté.
A partir de cette date, qui correspond à la nette augmentation de la fréquentation du site par
le Vautour fauve, et ce jusqu’à mi-septembre, très peu d’aigles royaux ont été vus (certains
bergers locaux l’ont également remarqué) il serait intéressant d’étudier l’évolution de
l’utilisation de l’espace par l’AR en fonction de l’évolution des effectifs de VF sur une saison
d’estive. La diminution progressive de la fréquentation du massif du Mounier par des
vautours en prospection semble en lien avec le retour de plusieurs aigles royaux. On a pu
constater des « agressions » sur des groupes de vautours par un aigle juvénile au reposoir
durant environ 2 semaines. Le 21/09 celui-ci a provoqué l’envol général de plus de 60
vautours à trois reprises !
Le Vautour fauve et le Vautour moine
Deux vautours moines non marqués et non bagués, identifiés comme étant deux individus
différents grâce à leurs mues respectives, ont fréquenté le site et ont été observés de façon
ponctuelle durant l’été. Dans les Alpes, l’espèce est régulièrement observée en compagnie
du Vautour fauve, que ce soit dans les massifs de réintroduction ou à distance. Avec
l’augmentation dans la chaîne des effectifs de l’espèce, installés ou visiteurs d’été, une
fréquentation croissante du Mercantour en général, du Mounier en particulier, est prévisible.
6.
Suivi des curées
a) La ressource trophique disponible
L’observation des vautours fauves sur les reposoirs donne un aperçu de la quantité de
nourriture disponible. En effet, la plupart des oiseaux présente chaque jour un plumage
souillé par les curées ainsi qu’un jabot nettement rempli.
La carte ci-dessous présente le Parc National avec, en bleu, les 7 communes sur lesquelles
les vautours fauves prospectent intensément durant l’estive. Le calcul des ressources
trophiques qui suit est basé sur cette surface pâturée autour du massif du Mounier.
Barcelonnette
Saint-Etienne-de-Tinée
Massif du Mont Mounier
Nice
N
14
Une vingtaine d’unités pastorales a été recensée sur les communes de Beuil, Guillaumes,
Isola, Peone, Roubion, Roure et Saint-Etienne-de-Tinée soit un total de 28160 ovins et
caprins :
Commune
Nom Unité Pastorale
Nb de
têtes
Beuil
Beuil
Beuil
Beuil
Beuil
Beuil – Roubion
Guillaumes
Guillaumes
Guillaumes
Guillaumes – Peone
Isola
Peone
Peone
Peone
Peone
Roubion
Roubion
Roure
Roure
Saint-Etienne-de-Tinée
Saint-Etienne-de-Tinée
Sallevieille-Adret du Colombet
Les Moulines-La Lapierre
Le Camp-Le Bosquet
Ars-Fraccia
Le Melet
Démant-Falcon
Tête de la Colombière-Cime du Pra-Illion
Barels-Amen
Roua-Palud-Colette
Gaillarde-Rougnoux-Cafans
Galestrière
L’Alp
Montagne de l’Estrop-Septenne-Béoules
Charnaye-Fossemagne-Chastellan-La Colle
Tête du Sapet-Pra Bataglier-Pinguillet
Tournerie-Sadour
Vacherie de Vignols-Quartier du Gipé
Longon
Longon-Rougios-Roure
Burente
La Salle-Clot Laugier-Les Issarts
2660
1800
2000
1600
1200
1600
1000
1200
400
800
900
1500
1500
300
1200
1350
2000
2500
950
1400
300
TOTAL
28160
On considère un minimum de 2 % de mortalité sur les troupeaux d’ovins domestiques durant
l’estive, soit 563 bêtes au total sur les pâturages des communes figurant dans le tableau cidessus.
On considère au minimum que la biomasse moyenne disponible pour les rapaces
nécrophages sur une brebis est de 15 kg.
On a donc (563 x 15 =) 8445 kg de biomasse disponible au total sur l’estive qui s’étale
environ du 1er juillet au 15 octobre, soit 107 jours.
Un vautour nécessite environ 0,5 kg de nourriture par jour.
Sur l’estive, les vautours peuvent consommer (107 x 0,5 =) 53,5 kg de biomasse.
Le massif du Mounier et ses environs proches peuvent théoriquement accepter, du 1er juillet
au 15 octobre, une colonie de vautours fauves de (8445 / 53,5 =) 158 individus minimum.
Maintenant, si l’on considère un maximum de 4 % de mortalité et une biomasse moyenne
disponible de 20 kg par brebis, la capacité d’accueil de la zone atteindra 421 individus.
N’oublions pas que ce calcul ne concerne qu’une partie de la zone prospectée
quotidiennement par les vautours et que la ressource trophique apportée par la faune
sauvage, difficile à mesurer, n’est pas prise en compte.
Il est donc probable, dans les années à venir, d’observer un plus grand nombre de vautours
fauves que les 163 individus maximum comptés cet été 2007.
15
b)
Cas particulier
Le 30/07/2007, une brebis morte sera déposée entre le hameau de Vignols et les Portes de
Longon sur une terrasse enherbée, tout à fait dégagée et accessible. La cause du décès est
attribuée à la morsure d’une vipère.
Aucun Vautour, ni autre charognard, n’entamera la carcasse en décomposition les 10 jours
suivants. Selon les bergers locaux, les bêtes mortes à la suite d’une morsure de vipère ne
sont jamais consommées par les animaux nécrophages ou autres espèces opportunistes…
7.
Le pastoralisme et les vautours fauves
a) Le Loup et le Vautour, une association qui dérange
Le vautour fauve est perçu de façon mitigée par les éleveurs et bergers au sein du Parc.
D’un côté, il est apprécié pour son rôle de « nettoyeur » de leurs pâturages. De l’autre,
l’efficacité et la rapidité avec laquelle il consomme les carcasses posent un problème :
comment faire constater des bêtes tuées par le loup dans la nuit dont il ne reste plus que des
os au matin ?
Beaucoup d’éleveurs qui n’ont pas eu affaire à des attaques ou qu’occasionnellement ne
manifestent aucune animosité particulière vis-à-vis des charognards tandis que d’autres
affirment que, si cela continue dans ce sens, le retour à l’empoisonnement et au tir ne se
fera pas attendre. Des paroles dures, peut-être exagérées et dépassées, mais qui montrent
bien la colère que peut susciter le contexte actuel lié au prédateur carnivore.
La communication au sujet du loup et du vautour fauve doit donc être constante avec les
éleveurs pour éviter d’en arriver à des comportements extrêmes.
a) La polémique sur les attaques de vautours
La disette créée par la fermeture de charniers dans deux des provinces espagnoles du fait
d’une application brutale des normes européennes obligeant à l’équarrissage des animaux
morts, associée aux rumeurs d’attaques sur des animaux domestiques, largement amplifiées
par les médias, ont rendu les éleveurs locaux plus méfiants vis-à-vis du vautour fauve.
Pour la plupart, cela se traduit par une inquiétude liée au grand nombre de vautours qui ont
été observés cet été 2007. Inquiétude accentuée par l’augmentation rapide des effectifs
depuis 2003.
Des questions se posent alors : « Jusqu’à combien de ces vautours vont venir ici ? » mais
surtout « Que peuvent-ils bien manger ? ». Certains éleveurs ont leurs propres réponses :
« C’est simple, s’ils n’ont plus rien pour se nourrir ils vont forcément se rabattre sur les
animaux vivants, comme cela se passe dans les Pyrénées ! »
Cette réplique doit bien sûr être modérée mais n’est pas dénuée de sens. Il semblerait en
effet au regard d’observations a priori fiables qu’un groupe de vautours puisse
occasionnellement s’en prendre à un animal très faible. Une ’information objective est alors
primordiale pour désactiver les rumeurs excessives.
Pour exemple, sur l’estive, deux cas de « harcèlement » ont été signalés (par l’éleveur) sur
le massif du Mounier, sur le même troupeau. Dans le premier, une dizaine de vautours
auraient suivi deux brebis boiteuses en file indienne. Deux de ces rapaces charognards
auraient pris leur envol pour barrer la route aux brebis et leurs auraient asséné quelques
coups de becs. L’éleveur aurait alors fait intervenir les chiens, ce qui a provoqué l’envol des
vautours.
Dans le second cas, une brebis agonisante a été trouvée couchée au sol, les yeux crevés.
Selon l’éleveur et une aide berger bénévole (FERUS), les vautours auraient commencé à
consommer la brebis vivante.
Il n’est plus question d’affirmer que les vautours sont totalement inoffensifs, car ce discours
n’est pas crédible face aux éleveurs. Sans pour autant, bien sûr, parler de prédation, il
s’agirait plutôt de nuancer, d’insister sur le rôle nocif des médias dans ce débat et de mettre
16
en avant les expertises réalisées dans les Pyrénées qui font nettement ressortir les
problèmes d’interprétation de scènes d’attaques par les vautours.
b) Quelques problématiques soulevées par les éleveurs locaux
Les propos qui suivent sont rapportés de discussions avec une dizaine d’éleveurs et bergers
locaux rencontrés au sein du Parc National du Mercantour ou aux alentours, notamment sur
le massif du Mounier :
Un métier difficilement rentable. Pour certains, le prix de location du terrain augmente
chaque année ce qui alourdit considérablement les dépenses liées à la transhumance.
Cela ajouté aux coûts du gasoil et du foin qui, de la même façon, continuent
d’augmenter, entraîne des difficultés financières de plus en plus lourdes.
Un manque d’intérêt vis-à-vis de leur patrimoine et du travail des anciens. Plusieurs
éleveurs parlent du risque de disparition d’exploitations liées aux difficultés financières et
aux contraintes de plus en plus fortes de leur activité. Il a été également question de
l’abandon de bâtiments à valeur patrimoniale (vacherie de Vignols, Balme des Bœufs,
etc.) construits par les anciens qui tombent en ruine ou le seraient sans leurs efforts.
Certains pensent que leur activité est considérée par l’espace protégé comme
secondaire par rapport à la protection de la faune sauvage et imaginent que le Parc
national tente de leur imposer un sanctuaire, une réserve.
Des efforts vis-à-vis de leur activité, mais avec une concertation parfois jugée
insuffisante. Il ressort parfois que les aménagements réalisés à l’attention des éleveurs
sont mal adaptés. On peut citer le cas de cabanes mal aménagées ou même
inutilisables, de problèmes liés à l’adduction d’eau, etc. Selon certains, cela pourrait être
évité s’il y avait plus de concertation et une prise en compte plus précise de leurs besoins
et recommandations avant que les projets soient mis en œuvre.
Un manque de communication avec les gestionnaires de leur environnement (PNM,
DDAF…). La plupart des éleveurs et bergers déplorent un manque de discussion,
notamment avec les agents du Parc national. Ils ont souvent un besoin de considération
qui peut être comblé par des visites régulières au cours de la saison. De plus, des
malentendus peuvent découler du manque de dialogue, ce qui ne s’arrange pas avec le
temps. De simples discussions peuvent alors aisément dénouer les problèmes. Ils se
sentent parfois mis à l’écart et ont des difficultés à cerner le rôle du Parc,
particulièrement vis-à-vis de leur activité.
Des problèmes liés à la faune sauvage. Hormis le loup et le vautour, la plupart des
éleveurs considèrent que les populations de chamois, de cerfs, de sangliers et, dans une
moindre mesure, de marmottes, sont trop importantes et représentent une concurrence
sur leurs pâturages. Leur inquiétude est d’autant plus grande que ces populations
augmentent nettement selon eux.
8.
Propositions pour un meilleur suivi
-
Améliorer concrètement le suivi sur le massif du Mounier et ses environs
Les lectures de bagues ont lieu, dans la plupart des cas, sur les reposoirs nocturnes ou sur
les curées. La Barre Sud du Mounier, de par sa hauteur et son inaccessibilité rend les
lectures difficiles. Il est toutefois possible d’en réaliser en certains points, avec un matériel
d’observation haut de gamme. La Kowa TSN 823 ne permettait pas la lecture dans certaines
situations, alors qu’elle était réalisable avec une lunette de marque Zeiss au même
grossissement.
17
Cela étant, la position des oiseaux sur un reposoir rend très souvent la tâche difficile, quel
que soit le matériel utilisé.
Pour effectuer un suivi régulier et efficace des oiseaux bagués, l’affût sur des curées est tout
à fait adéquat. Toutefois, la rapidité d’action des vautours pour consommer une carcasse
rend le suivi des curées sur les pertes d’élevages très délicat.
C’est pourquoi deux solutions peuvent ici être proposées :
-
Une meilleure communication :
Dans le cas d’attaques de loups, où les bêtes tuées ont pu être bâchées avant l’arrivée des
vautours, l’agent constateur prévenu (agent du PNM ou de l’ONCFS) pourrait en informer
immédiatement le secteur Moyenne-Tinée ou le stagiaire qui réalise le suivi. Ainsi, une fois le
constat effectué, la surveillance des carcasses pourrait mener à l’observation de curées.
Cette communication pourrait être élargie à tous les cas de mortalité d’animaux domestiques
ou de faune sauvage connus par les agents du Parc.
Cet été 2007, des contacts réguliers avec certains éleveurs ou bergers ont permis de faire
connaître l’importance du suivi des oiseaux bagués. Des curées ont ainsi été observées
grâce à certains de ces acteurs locaux qui nous ont informés de leurs pertes par téléphone.
Une sensibilisation à ce niveau pourrait être poursuivie. Elle permet une sensibilisation
efficace, des contacts réguliers et une implication de l’éleveur en collaboration avec le Parc.
-
La mise en place d’une « placette d’alimentation » ponctuelle :
Le dépôt de carcasses ou de quartiers de viande, comme cela est effectué lors du lâcher des
gypaètes, pourrait être envisagé.
Un test a pu être réalisé cette année grâce à quelques restes de viande ovine provenant du
lâcher gypaète 2007. Le dépôt de ces quartiers de viande à une centaine de mètres au
dessus de la cabane d’observation (en face du site de taquet des gypaètes) a mené à des
résultats très concluants, avec plus de 40 vautours fauves présents et la lecture de cinq
bagues, soit la totalité des individus bagués sur la curée.
Cette opération pourrait être renouvelée, de façon aléatoire et relativement bien espacée
dans le temps (1 à 2 semaines). En effet, les vautours prennent rapidement des habitudes
qui pourraient fausser le comportement naturel de la colonie.
La seule difficulté réside dans la configuration du terrain, qui ne permet pas le dépôt de la
viande sur une zone plane.
-
Un réseau d’observateurs optimisé
Les informations obtenues lors de ce suivi sur le massif du Mounier sont intéressantes, mais
le seraient plus si elles étaient mises en parallèle avec des données récoltées sur d’autres
sites durant l’estive. Cela concerne principalement les sites sur lesquels se trouvent
d’importantes colonies (Pyrénées, Causses, Baronnies, Verdon) mais aussi ceux où la
fréquentation en été est forte.
Un suivi régulier est bien sûr déjà réalisé sur les sites de réintroduction du Vautour fauve,
mais celui-ci mériterait d’être concerté et organisé entre tous les organismes concernés
(PNM, LPO PACA antenne Verdon, LPO Grands Causses, Vautours en Baronnies, PN
Pyrénées et Vercors, etc.). La pression d’observation pourrait notamment être plus forte de
juillet à septembre, période durant laquelle les déplacements sont importants. Le croisement
des données recueillies pourrait, au final, être très enrichissant.
18
Conclusion
Le retour du Vautour fauve dans les Alpes françaises du Sud-est est une importante
reconstitution de la biodiversité locale, faunistique et écologique, au niveau du cortège des
grands Rapaces nécrophages.
L’estivage de plus en plus important de l’espèce dans le massif du Mercantour contribue
puissamment au rétablissement de flux d’oiseaux entre populations et participe au
comblement du hiatus de plusieurs centaines de kms qui existe encore entre les populations
nicheuses des Préalpes françaises et celles vers l’Est du Frioul (Alpes orientales italiennes)
et des Abruzzes.
La présence du vautour fauve dans le Mercantour va continuer d’évoluer géographiquement,
numériquement et sans doute comportementalement. Un suivi étroit de cette évolution en
liaison avec les différents sites de réintroduction-reproduction français et les zones
d’estivage dans les Alpes est primordial pour bien comprendre la dynamique de ce
merveilleux grand rapace.
Affaire à suivre donc, avec passion.
Rapport établi avec les conseils avisés de Sylvain Henriquet (LPO Verdon), Daniel
Demontoux, Albin Liborio (Parc national du Mercantour) et Jean-Pierre Choisy (PNR
Vercors).
Photo : Coirié V.
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