Les centres d`appels et la relation client : entre promesse d

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Les centres d`appels et la relation client : entre promesse d
Les centres d’appels et la relation client : entre promesse
d’amélioration commerciale et écartèlement des téléopérateurs
entre des objectifs contradictoires et potentiellement
contreproductifs
Linda Ben Fekih Aissi
Enseignant chercheur à l’Institut international du Commerce et du Développement (ICD LARA)
12, rue Alexandre Parodi
75010 Paris
01 80 97 66 33
[email protected]
Mathias Naudin
Enseignant chercheur à l’Institut de Gestion Sociale (IGS-RH - LISPE)
12, rue Alexandre Parodi
75010 Paris
01 80 97 66 21
[email protected]
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Les centres d’appels et la relation client : entre promesse d’amélioration
commerciale et écartèlement des téléopérateurs entre des objectifs
contradictoires et potentiellement contreproductifs
Linda Ben Fekih Aissi
Enseignant chercheur à l’Institut international du Commerce et du Développement (ICD LARA)
Mathias Naudin
Enseignant chercheur à l’Institut de Gestion Sociale (IGS-RH - LISPE)
Mots clef :
monitoring électronique des performances, relation client, objectifs, management,
comportement contre-productif, taylorisme, contrôle, centre d’appels
Key words :
electronic performance monitoring, customer relationship, objectives, management, counterproductive behavior, taylorism, control, call center
Palabras claves:
monitoring electrónico de las realizaciones, la relación cliente, objetivos, gestión,
comportamiento contra-productivo, taylorisme, control, centro de llamadas
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Les centres d’appels et la relation client : entre promesse d’amélioration
commerciale et écartèlement des téléopérateurs entre des objectifs
contradictoires et potentiellement contreproductifs
Résumé
Notre propos est d’observer et d'analyser une pratique managériale actuellement appliquée
dans les centres d’appels, le monitoring électronique des performances, et d’interroger ses
conséquences sur la relation client. Aspirées dans une bataille concurrentielle de plus en plus
féroce, la plupart des entreprises se tournent vers leur principale source de revenus, leurs
clients et prospects, avec pour objectifs officiels de chercher à être à leur écoute afin de les
séduire, de les satisfaire et in fine de les fidéliser. Les centres d’appels sont au cœur de cette
relation client. Le contact établi avec le client se veut personnalisé et adapté à chaque
interlocuteur mais aussi efficace, rapide et peu coûteux que possible, ce qui explique la
volonté des organisations d’établir des normes et des règles permettant d’évaluer et de
contrôler chaque intervention auprès des clients via le monitoring électronique des
performances. Les salariés se retrouvent alors écartelés entre deux objectifs contradictoires :
productivité et satisfaction client. Une étude qualitative a été menée dans un centre d'appels
(appels entrants et sortants) via des entretiens semi directifs auprès de 12 téléopérateurs et 3
managers. A travers une démarche compréhensive interprétativiste, notre travail vise à déceler
et analyser des effets contre-productifs ou pervers de cette pratique managériale (le MEP) sur
la régulation et l’amélioration des comportements des téléopérateurs et les conséquences de
ces effets négatifs sur la relation client.
Introduction
Notre propos est d’observer et d'analyser des pratiques managériales actuellement appliquées
dans les centres d’appels, d’observer la réaction des téléopérateurs à ces pratiques et
d’interroger leurs conséquences sur la relation client.
« Centre de contacts », « centre de relation client », ces différentes appellations témoignent de
l’importance du centre d’appels dans la gestion de la relation client. Pour beaucoup
d’entreprises, une partie de la relation client se joue en effet, en pratique, par téléphone, que
ce soit par des appels entrants ou sortants.
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Le monitoring électronique des performances (MEP) se situe à l’épicentre des pratiques
managériales mises en place dans les centres d'appels. Il peut être défini comme étant l’usage
de dispositifs et instruments électroniques tels que l’enregistrement audio, vidéo, informatisé
permettant de collecter, enregistrer, analyser et rapporter des actions et performances
individuelles ou collectives au travail (Nebeker et Tatum, 1993 ; McNall et Roch, 2009 ;
Moorman et Wells, 2003 ; Ambrose et Alder, 2000 ). Ce processus consisterait à fixer des
normes / procédures d’évaluation, observer et collecter, grâce aux technologies, des données
portant sur la performance des salariés, les analyser (évaluer la performance de l’employé) et
mettre en place des actions d’ajustement (Ben Fekih L., 2010). Il s’agirait donc d’un contrôle
qui s’exerce avant l’action, pendant l’action et/ou après l’action (Bouquin, 1998).
Le monitoring étend la logique du management scientifique du travail via le contrôle de deux
manières : en s’assurant que les travailleurs opèrent conformément aux règles et aux
procédures de l’entreprise et en offrant une information utile à la réduction des coûts (Wood,
1998). Il s’agit, ainsi, d’un « mécanisme dont la finalité est d’influencer les comportements
des acteurs de l’organisation dans le sens attendu pour cette dernière » (Langevin et Naro 2003).
Au cœur de la gestion de la relation client, les téléopérateurs sont, de plus, soumis à des
attentes et objectifs qu’ils vivent, pour ceux que nous avons interrogés, comme étant
contradictoires. Ils doivent assurer une certaine qualité de service auprès des clients mais
aussi chercher à atteindre des objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs posés par leur employeur,
se trouvant écartelés entre attentes de respects des normes comportementales, attentes
d’objectifs commerciaux et attentes d’écoute des clients, écartelés encore, entre leurs
motivations et impulsions personnelles, subjectives, et la norme comportementale imposée,
objectivée et impersonnelle (Crowley, 2012). Ces contradictions structurelles et ces tensions
interindividuelles semblent assez invariablement provoquer une résistance des acteurs
concernés (Ball et al. 2000) et la mise en place de stratégies d’adaptation (Winiecki, 2009),
voire de contournement (Dejours, 2003).
La structure du papier est la suivante. Tout d’abord, la littérature considère majoritairement
les centres d’appels comme des espaces de mise en œuvre d’un « taylorisme bureaucratique »,
bien aidé en cela par la généralisation du monitoring électronique des performances qui
permet un contrôle accru et quasi continu des comportements des salariés. Comment les
salariés réagissent-ils à ces modes de management ? Nous chercherons à apporter des
éléments de réponses à cette question de recherche à travers une étude qualitative menée dans
un centre d'appels (entrants et sortants) via des entretiens semi directifs auprès de 12
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téléopérateurs et 3 managers. L’analyse et la discussion des résultats de cette étude empirique
se concentreront sur les conséquences de ces réactions sur le travail des téléopérateurs et les
impacts potentiels sur la qualité de la relation client.
1. L’organisation du travail et le management mis en place dans les centres d’appels
L’organisation du travail et le management des centres d’appels sont majoritairement décrits
par la littérature comme traduisant un « taylorisme bureaucratique » (1.1) rendu possible par
la généralisation du monitoring électronique des performances qui permet de généraliser un
contrôle omniprésent des comportements (1.2).
1.1. Les centres d’appels perçus comme espace de mise en œuvre d’un taylorisme
bureaucratique
« Centre de contacts », « centre de relation client », « centre de télé-service », « centre de
télémarketing » sont autant d’expressions utilisées pour parler des centres d’appels. Ces
centres de contacts bénéficient néanmoins de caractéristiques communes (Taylor et Bain,
1999) : ils concentrent des opérations consacrées à la gestion de la relation client, opérations
réalisées par des employés entièrement consacrés à cette tâche (1), sachant que les centres
d’appels utilisent, à la fois, le téléphone et un outil informatique (2) et que les appels sont
contrôlés et traités par un système de distribution automatique (3).
Caïazzo (2004) définit le centre d’appels comme étant « le lieu d’expression de la culture
client » où « le centre de contacts est le cœur névralgique d’un système de gestion de la
relation client ». Il s’agit ainsi d’une entité dont la vocation est de gérer à distance la relation
client (entendre client effectif ou prospect). Il regroupe un ensemble de moyens humains,
organisationnels et techniques (téléphones, ordinateurs, bases de données) afin d’apporter une
réponse adaptée à chaque demande et besoin client. Selon Reix et Rowe (2002) le centre
d’appels est « un ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des
représentations, via des technologies de l’information et des modes opératoires ».
De manière générale, les centres d’appels se sont développés avec l’intensification de la
concurrence et des exigences des consommateurs. Ils ont pour objectif d’améliorer la gestion
de la relation client afin de fidéliser ces derniers. Les entreprises françaises, conscientes de
ces enjeux, ont largement contribué à la croissance du télémarketing et des télé-services. Alors
que 20% seulement des entreprises avaient recours aux centres d’appels au début des années
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80, 85% des entreprises ont intégré les centres d’appels en 2004 1. Les missions des centres
d’appels couvrent toute la chaîne du service au client. Caïazzo (2001) en distingue cinq : le
service client, le service d’assistance technique, le télémarketing, la télévente et le télé
recouvrement. En fonction des missions d’un centre d’appels, il sera qualifié de centre
d’appels entrants (ce sont les clients qui appellent comme dans le cas d’un service
d’assistance technique), sortants (comme dans le cas du télémarkging) ou bien les deux
(Pichault F. et Zune M., 2000).
Que ce soit dans les centres d’appels sortants ou entrants, le travail dans les plateformes
téléphoniques se caractérise par une présence forte et contraignante de procédures à suivre.
Plus encore, des données inhabituelles dans le « travail de bureau » ont fait leur apparition : la
productivité et les cadences, la rentabilité, les chaînes automatisées, etc. (Aghouchy, 2003).
C’est par souci de suivre de très près la productivité individuelle que ce mode de
fonctionnement est mis en place. Buscatto (2002) qualifie les activités des téléopérateurs de
« taylorisme téléphonique ». Le fait que le travail des téléopérateurs soit soumis à des
cadences imposées, et qu’il soit caractérisé par un poste de travail fixe, des tâches répétitives
et des activités parcellisées implique très clairement une organisation taylorienne du travail.
L’organisation du travail dans les centres d’appels comporte également une dimension
bureaucratique et routinière du fait même de l’autonomie très limitée des opérateurs, de la
faible coordination possible entre les individus, du peu de perspectives données au
téléopérateurs sur les finalités de l’organisation et surtout du fait de son fonctionnement par
les procédures, omniprésentes dans le travail quotidien. Ces procédures visent à définir
l’exécution des tâches, le mode de prise de décision ainsi que, d’une certaine manière, les
comportements (Aghouchy, 2003). Les salariés sont tenus de les respecter et, en cas de
survenance d’un problème plus complexe, de se tourner vers les superviseurs afin que ces
derniers indiquent la marche à suivre (Frenkel et al., 1998).
Cette taylorisation du travail de bureau a été rendue possible par les évolutions technologiques
qui permettent à présent l’enregistrement en continu des performances individuelles du salarié
de bureau et ainsi sa mise sous contrôle permanente. Ce mode de contrôle nous renvoie a
priori, vers un style de management s’inscrivant dans l’approche du panoptique décrite par
Michel Foucauld (1975), dans la mesure où ce pistage est aléatoire et potentiellement
constant, sans possibilité de repli et qu’il produit une autodiscipline des individus.
1
Selon l’étude de Cesmo Consulting 2004
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Certains auteurs ont très vite conclu que la présence des technologies libère l’organisation du
contrôle basé sur les principes bureaucratiques ou la logique taylorienne restrictive (Sewell,
1998).
Cette perception a été nuancée par Pichault (2000), Hammarström (2001) et Buscatto (2002)
qui se sont accordés sur la distinction de deux principaux modèles organisationnels et
managériaux propres aux centres d’appels : un modèle « panoptique » et un modèle politique.
Le modèle « panoptique » a pour priorité la réduction des coûts et le contrôle des
comportements. Il a recours à une surveillance stricte dans un climat de profonde défiance.
Lourel (2006) le considère très proche de la conception utilitariste et panoptique, avec pour
conséquence une absence de valorisation des compétences et un niveau élevé de turnover.
Dans les centres d’appels régis par le modèle « panoptique », Buscatto (2002) observe une
forte taylorisation du travail et des employés affectés à des emplois précaires et déqualifiés
avec des conditions de travail dégradées.
Plus concentré sur les styles de management adoptés par les centres d’appels, Pichault (2000)
se penche sur les caractéristiques d’un « management panoptique », dominé par un souci de
contrôle et de rationalisation.
Le deuxième modèle s’appuie au contraire sur la notion de « worker empowerment model ».
Proche du management participatif ou de la direction par objectif, ce modèle cherche à
favoriser l’accroissement du pouvoir des acteurs, la délégation des pouvoirs ainsi que
l’autonomie des équipes et des salariés. Les compétences y sont valorisées et les salariés
responsabilisés.
Pour Buscatto (2002), ce modèle se caractérise avant tout par une dynamique de
développement des compétences et des compétences multiples. Le « management politique »
discerné par Pichault (2000) quant à lui est dominé par un accroissement de la responsabilité
et de l’autonomie locale.
Pichault (2000), Hammarström (2001) et Buscatto (2002) sont d’accord sur le fait que rares
sont les centres d’appels qui se situent pleinement dans un de ces styles de management.
Ainsi, le plus souvent les centres d’appels se situent à un niveau intermédiaire. Ceci revient à
affirmer que ces deux styles de management sont des idéaux types au sens wéberien. Le
positionnement sur cet axe panoptique versus politique sera conditionné par le contexte
externe, l’activité de l’entreprise, la conception de la relation à la clientèle et du service
proposé.
Ainsi, il est évident de trouver des divergences dans la conception de la performance et dans
les styles de management des centres d’appels, notamment selon qu’ils sont émetteurs ou
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récepteurs d’appels (en reprenant la typologie proposée par Pichault et Zune - 2000). Le degré
de contrôle exercé dans des centres d’appels sortants est ainsi différent de celui exercé dans
les centres d’appels entrants (Zapf et al, 2003).
La généralisation de la mise en place de monitoring électronique dans les centres d’appels
tend d’ailleurs à confirmer les tendances tayloriennes et panoptiques relevées par la littérature,
par les pratiques qu’il permet et les usages qui en sont fait.
1.2. Le monitoring électronique des performances en tant que moyen de contrôle
comportemental
Le monitoring a souvent été défini comme une pratique de travail consistant à utiliser les
technologies d’information et de communication pour collecter et analyser des données sur le
lieu de travail (Aiello & Panina, 2005 ; Aiello & Svec, 1993 ; Komaki, Zlotnick & Jensen,
1986 ; Niehoff & Moorman, 1993). La progression quasi-continue des capacités et possibilités
technologiques du monitoring va permettre d’élargir son usage et d’accentuer ses effets,
autorisant notamment un volume toujours plus important de données collectées, de manière
continue, et portant sur la performance de plusieurs salariés simultanément (Amick et Smith,
1992). Par l’intensité et la largeur du spectre de contrôle, le monitoring s’inscrit
manifestement dans une logique de panoptique (Ball et Wilson - 2000), même si les auteurs
nuances cette dimension en précisant qu’au-delà du cadre c’est le jeu intersubjectif des acteurs
qui sera déterminant. Ainsi, après avoir été la marque des centres d’appels, le panoptisme
apparaît de nouveau associé au monitoring électronique.
La littérature restreint en tous cas le monitoring à un ensemble de techniques ayant pour fin la
surveillance, le suivi, l’observation et l’enregistrement (Stanton, 2000a). Or en pratique le
monitoring peut avoir divers objectifs : mesurer la performance, prévenir le vol interne et
renforcer les lois et règles applicables sur lieu de travail (Susser, 1988), ou encore offrir une
information utile à la réduction des coûts (Wood, 1998).
Dans ce travail de recherche notre intérêt porte précisément sur la finalité d’évaluation des
performances des salariés du monitoring électronique, ou, plus précisément deux dimensions
sous-jacentes de l’attente officielle de performance : celle du contrôle mis en place pour
atteindre et évaluer cette performance, et, au fondement de ce contrôle, celle de la volonté
systémique d’influencer les comportements des acteurs de l’organisation. Langevin et Naro
(2003) parlent ainsi de la dimension dite « behaviorale » du contrôle produit par le monitoring
électronique.
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Dans notre approche, le monitoring consiste essentiellement à (1) définir les normes ou
procédures à respecter par les salariés lors de l’exécution de leurs tâches, (2) collecter les
données permettant d’évaluer les performances des salariés, (3) comparer les comportements
et performances des salariés aux normes et/ou procédures et (4) proposer les moyens requis
pour ajuster ces résultats au moyen d’un « feedback » (Ben Fekih Aissi, 2010).
La question est alors double : le monitoring électronique des performances permet-il
effectivement d’améliorer la performance, et de quelle « performance » parle-t-on ?
Sur le premier aspect, la littérature est partagée. Certains auteurs (par exemple : Aiello &
Kolb, 1995 ; Aiello & Shao, 1993 ; Stanton & Sarkar- Barney, 2003) ont soutenu le fait que le
monitoring permet d’améliorer la performance des salariés. D’autres ont démontré que le
monitoring peut modifier les efforts fournis par les salariés dans la réalisation de leurs tâches
de travail (Grant & Higgins, 1991). A contrario, de nombreux auteurs ont cependant démontré
que le monitoring a des effets négatifs sur la performance des salariés (Aiello, 1993 ; Amick
& Smith, 1992 ; Smith et al, 1992 ; Aiello & Kolb, 1995). Pour eux, le monitoring peut être
source de stress ou d’atteinte à la vie privée pour les salariés, ce qui peut avoir des
conséquences négatives sur leur performance.
Face à ces effets controversés du monitoring, les salariés ont des comportements différents qui
peuvent être contre-productifs. Winiecki (2009) parle de comportement d’adaptation et de
stratégies
individuelles
d’ajustement
et
d’autodiscipline
dans
un
jeu
complexe
d’interdépendance. Spitzmüller et Stanton (2006) ont synthétisé cela en cinq comportements :
se conformer, manipuler, dévier, résister, ne pas accepter et, enfin, soutenir le monitoring. Ball
et Wilson (2000) insistent sur le caractère récurrent et inhérent au monitoring de la résistance
qu’il provoque chez les salariés concernés. Il s’avère en tous cas qu’une tension puisse naître
entre les attentes comportementales et de performance, objectivées et impersonnelles et les
motivations et impulsions personnelles et subjectives des salariés peu voire pas du tout prises
en compte (Crowley, 2012).
Sur la question du sens du concept de performance, la littérature s’y est finalement peu
intéressée, en tous cas dans ces manifestations et problématiques de traductions concrètes,
sinon pour indiquer la difficulté d’évaluer cette performance (Jaeger, 2002). Le terme de
performance apparaît comme un archétype du concept valise qui peut recouvrir une diversité
de phénomènes et d’éléments discursifs potentiellement des plus contradictoires. Il y a ainsi la
performance commerciale finale, la performance du respect des règles, la performance de
l’atteinte d’un objectif donné qui sera différente ou contradictoire en fonction de l’objectif, la
performance des téléopérateurs, des managers… Cette souplesse d’interprétation et
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d’application ne participe-t-elle pas en définitive à mettre au jour la principale performance
attendue : obtenir des acteurs les comportements attendus ?
1.3. Nos questions de recherche
A l’exception de quelques articles, la littérature s’est focalisée sur les stratégies et les
comportements sans chercher à mieux comprendre et à donner un sens aux tensions
provoquées par le monitoring électronique et l’organisation taylorienne des centres d’appels.
Il s’avère en tous cas que l’amélioration des performances générée par le monitoring est très
relative et que ce dernier provoque même des effets indésirables (un sentiment d’intrusion et
d’atteinte à la vie privée) ou contreproductifs (un stress « négatif »).
La littérature nous permet cependant d’identifier que : les centres d’appel sont des interfaces
de relation client potentiellement présentes à toutes les étapes de la relation, voire occupant
une place centrale dans cette relation (1), la volonté de contrôler, de baisser les coûts et/ou
d’améliorer la performance s’est massivement traduite par la mise en place de monitoring
électronique dans les centres d’appels, associé à un mode managérial et une organisation
souvent très taylorienne (2), la mise en place d’un management par objectifs de performance
apparaît avoir facilité le contrôle des salariés mais comporte des effets secondaires et pervers
indéniables (3), et enfin, que c’est finalement au niveau de chaque individu que se joue
l’adaptation aux règles et que se cristallisent les tensions (4).
Dans ce champ social complexe, il s’agit pour nous d’observer comment les salariés vivent les
contraintes organisationnelles et managériales qui leur sont imposées et si ces contraintes
participent ou non à améliorer mécaniquement la satisfaction client. Autrement dit, et en
élargissant l’assise de notre interrogation centrale, une organisation imposant des règles et
normes aussi standardisées et un contrôle aussi poussé aboutit-elle au respect de ces normes
par les salariés ? Le respect de ces règles et normes conduit-il mécaniquement à la satisfaction
du client ? Pourquoi et pour quelles raisons les salariés respectent-ils ou ne respectent-ils pas
les règles ? Et quels jeux mettent-ils individuellement en place pour évoluer dans leur
organisation de travail ?
2. Les réactions de téléopérateurs face au monitoring électronique des performances
mises en place au sein d’un centre d’appels.
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Notre objectif est d’observer les conséquences concrètes de la mise en place d’un monitoring
électronique des performances sur les comportements des salariés et ainsi les impacts induits
sur la qualité de la relation client.
2.1. Méthode de l’étude empirique
La démarche que nous avons adoptée est abductive, qualitative et interprétativiste (Charreire
et Durieux, 2006). Après avoir procédé à une revue de littérature, nous avons effectué
plusieurs allers-retours entre la théorie et le terrain. Le guide d’entretien ainsi que le
dictionnaire des thèmes ont été définis a priori et améliorés au fur et à mesure en fonction de
l’évolution de l’enquête.
Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons fait le choix d’étudier en
profondeur le cas d’un centre d’appels ou les salariés sont en charge de plusieurs missions :
conseil clients, télé-enquête et télévente. Notre niveau d’analyse reste l’individu dans la
mesure où la différence d’attitudes et de comportements peut provenir non seulement de
raisons organisationnelles mais aussi de raisons personnelles ou propres à l’expérience de
chacun. L’étude de cas a été menée via 15 entretiens semi-directifs centrés. Le guide
d’entretien est divisé en quatre parties principales et traite successivement du métier du
salarié, des perceptions des salariés de la relation client, des comportements adoptés en
présence du monitoring électronique des performances et des éléments que le salarié souhaite
modifier pour améliorer l’efficacité de ce processus de contrôle.
En plus des entretiens et pour pouvoir observer directement les comportements décrits par les
salariés nous avons réalisé des observations de nature exploratoire sur le même terrain. Nous
avons ainsi passé trois journées d’observation passive sur le site étudié.
Ces observations ont été systématiquement accompagnées de prises de notes dans un journal
de bord. Ces notes comportent à la fois des données objectives (date, heure, personnes
rencontrées, événements dont nous avons été témoins) et des données subjectives telles que
des impressions ou encore des récits sur les événements observés (Beaud et Weber, 1998).
Au total, 3 managers et 12 téléopérateurs (8 femmes, 4 hommes) ont été interviewés sur la
base du volontariat. 5 étaient en CDI, 7 en CDD. 6 avaient plus de 24 mois d’ancienneté, 4
avaient entre 6 et 12 mois d’ancienneté et 2 avaient moins de 6 mois d’ancienneté.
Les entretiens d’une durée moyenne d’une heure ont été enregistrés puis intégralement
retranscrits. Nous les avons ensuite analysés en nous aidant du logiciel NVivo.
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Le corpus obtenu a fait l’objet d’une analyse de contenu thématique (Yin, 1990 ; Bardin,
2007) à l’aide du logiciel NVivo. Le codage des entretiens s’est basé sur trois phases
essentielles : une lecture flottante, une micro-analyse et un codage axial.
2.2. Les stratégies mises en place par les salariés
Le cadre de travail présenté par les téléopérateurs interrogés apparaît très contraignant : le
travail est rythmé par les objectifs et les délais, encadré par des procédures et des horaires
stricts. Un climat de pression et de peur règne, d’autant plus que les contradictions et
paradoxes conduisent à une certaine perte de repères.
Notre démarche repose dans un premier temps sur l’observation des réactions des salariés,
c’est à dire la manière concrète dont les téléopérateurs et les managers vivent ces
contradictions et tensions (notamment les solutions ad hoc qu’ils peuvent mettre en place ou
l’autodiscipline organisée, en mouvement permanent, qui permet le maintien et le
fonctionnement bon an mal an de l’organisation de travail – Winiecki, 2009). Il s’agit ensuite,
dans un deuxième temps, d’exposer les risques que cela pourrait faire peser sur la gestion de
la relation client.
Quatre grandes familles de réaction des téléopérateurs aux conditions managériales et
impératifs de performance ont été distinguées et vont nous permettre de structurer la
présentation de nos résultats :
•
Ma performance individuelle justifie les moyens de détournement et contournement
du monitoring (1)
•
Ma performance dépend de la nature de mon engagement organisationnel (2)
•
Ma performance dépend de mon orientation client, ou plus précisément de mon
« éthique » (3)
•
Ma performance dépend de ma relation avec le manager (4)
Ma performance individuelle justifie les moyens de détournement et contournement du
monitoring
L’objectif premier du monitoring est l’amélioration des performances et cette amélioration
repose sur la capacité qu’offre le monitoring d’observer systématiquement les comportements
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des téléopérateurs. Cette observation doit permettre de repérer les comportements non
conformes aux standards prédéfinis par l’organisation et jugés comme étant non
(suffisamment) productifs, et ce, dans le but d’imposer des comportements jugés comme étant
les plus productifs. Cette dynamique rencontre une vraie limite voire devient inefficace
lorsqu’elle est détournée par des salariées qui ne s’y soumettraient qu’en apparence, donnant à
voir l’image attendue, mais détournant l’esprit. En effet, plusieurs stratégies de détournement
et de manipulation à la fois de la technologie mais aussi du système sont adoptées par les
salariés dans l’objectif manifeste d’obtenir une évaluation positive de leur performance ou
une relative tranquillité.
La manipulation des technologies a lieu principalement pendant la phase de collecte des
données portant sur la performance des salariés (Spitzmüller et Stanton, 2006 ; Cousin, 2002).
Une fois familiarisés avec les technologies et les usages qui en sont faits, les salariés
apprennent à influencer la collecte des données : décelant quand cette collecte a lieu, ils
modifient leur comportement à ce moment.
L’évitement du monitoring consiste à éviter les zones ou les domaines de travail surveillés
(Spitzmüller & Stanton, 2006), et ce en se déplaçant de façon à ne pas passer devant les
caméras vidéos ou à prendre des pauses lorsque les superviseurs débutent l’enregistrement des
conversations téléphoniques.
Notre travail de recherche a confirmé ces stratégies de manipulation et d’évitement, stratégies
reposant essentiellement sur la détection des moments de collecte de des données.
Cette détection est souvent ténue, reposant sur la qualité de la communication (un déclic avant
l’écoute, la survenue d’un léger décalage lors de la transmission de la communication
téléphonique ou d’un écho) ou l’observation de mouvements dans ou autour du centre
d’appels (le déplacement du responsable d’un poste à un autre ou son passage au bocal 2 ou
tout autre bureau isolé, ou encore le retour d’un des responsables vers les salariés pour
communiquer les résultats de l’un d’entre eux) et constituant pour les téléopérateurs avertis
autant de signaux indiquant le début de la phase de collecte de données portant sur leur
performance (l’écoute ou l’observation de leur comportement). Se fondant sur ces signaux les
salariés adoptent un comportement aussi proche que possible du comportement attendu par les
responsables.
2
Le « Bocal » est un emplacement destiné aux responsables et aux superviseurs dans les centres d’appels. Ce
dernier est nommé bocal pour faire référence à sa forme cubique et sa composition en vitre et ainsi à sa
ressemblance à un bocal. Dans ce bocal les responsables s’isolent en général pour analyser les résultats
individuels des salariés ou pour procéder à des écoutes téléphoniques ou des écoutes d’enregistrements de
conversation téléphoniques.
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« A un moment donné, lorsqu’ils branchaient leur appareil sur notre poste on entendait un petit déclic,...
Enfin on sait qu’ils nous écoutent, quand au cours de l’interview on fait une erreur et dans ce cas ils
interviennent en disant «là t’as oublié de faire ça» donc là on sait qu’on est écouté……, on se dit «là on
est écouté, il va falloir que l’on fasse très attention», donc ça ne m’est pas arrivé très souvent mais c’est
vrai que ce n’est pas tout le temps que je suis attentive, parfois je suis un peu distraite mais j’arrive
toujours à écouter ce que la personne me dit, à me recadrer ». (T8)
« ... c’est psychologique en fait ! Lorsqu’ils nous écoutent on essaye de faire le mieux possible ! Parce
que je sais qu’ils écoutent mais je ne sais pas forcément qui ils écoutaient, mais dès que je le vois sur
son poste je me dis ça peut tomber sur n’importe qui, ça peut tomber sur moi, donc j’essaye de faire au
mieux possible. » (T9)
« ... c’est qu’on entend un écho, si l’écho s’entend trop ... là on est écouté ou enregistré mais plus
souvent on est écouté quoi. Donc, on sait qu’on est écouté... moi j’essaie de mettre plus de dynamisme,
plus de sourires pour avoir le moins de gravité possible. J’essaie de respecter le texte, bon comme on
nous l’a expliqué faut essayer de se mettre à la place de la personne. C’est vraiment de l’empathie... »
(T2)
Les données ainsi collectées sont alors représentatives d’une comédie temporaire jouée par les
téléopérateurs. Ainsi, le monitoring électronique des performances influence-t-il dans ce cas
l’amélioration des comportements des salariés de manière ponctuelle et selon les critères
considérés comme étant les plus importants à ce moment-là. L’écoute et l’enregistrement des
prestations des salariés favorisent une amélioration de l’élocution, des relances, de la
formulation, du sourire, et de la lecture du script au détriment de la quantité de vente à
réaliser, d’appels traités, de questionnaire administré et de rapidité de traitement des
objections des clients. Les clients ont alors au bout du fil des « boîtes vocales empathiques »
qui récitent des questions et réponses toutes faites. Est-ce agréable pour eux ? Et source de
performance commerciale ?
A l’inverse, d’autres méthodes de collectes de données, centrée non plus sur la qualité des
appels mais sur des objectifs quantitatifs vont inciter les téléopérateurs à satisfaire ces
indicateurs quantitatifs bien souvent au détriment de la « qualité » attendue des appels. Un
moyen simple consiste ainsi à ne pas respecter le script pour gagner du temps, notamment sur
les appels que le téléopérateur devine « non productif » (quitte à ce que le client mécontent
rappel et tombe sur un autre téléopérateur), où à gonfler les résultats en se focalisant sur les
indicateurs clés du moment (temps moyen d’appels, nombre d’appels, nombre de contrats
conclus ou d’incidents clos…) ou à biaiser les résultats présentés.
Concernant la question du temps, une situation illustre parfaitement les paradoxes insolubles
dans lesquels sont plongés les téléopérateurs : l’administration d’un questionnaire ou la
réponse à un appel entrant nécessite la lecture neutre de plusieurs questions, et, même si les
questions semblent répétitives et longues, le salarié a l’obligation de les lire à la lettre. Cette
lecture rigoureuse est censée garantir la validité du questionnaire ou encore un diagnostic
complet du problème du client, dans le but officiel de garantir sa satisfaction.
14
Cependant, cette mission est très fastidieuse, monotone et ennuyeuse, pour le téléopérateur et
peut-être également pour certains clients, qui, afin d’atteindre rapidement ces objectifs (pour
le profil comportement qui nous intéresse ici) va raccourcir ainsi les questions, ou ne pas
poser toutes les questions puis s’inspirer des questions clés ou des questions de sélection pour
remplir le reste du questionnaire.
« Mais voilà quand je suis fatigué ou quant vraiment je vois que je suis à la ramasse et que je dois faire
plus de questionnaires ou prendre plus d’appels il m’est arrivé vers la fin pour pouvoir valider et que je
n’ai pas fini mon truc, dès que je commence il me dit oui j’y vais parce que normalement quand on pose
une question même si la personne elle répond on est obligé de tout citer les thèmes, de terminer la
question en fait. Moi je trouve ça chiant aussi. Donc je me dis si quand je pose la question la personne
elle a compris en cours de route, pourquoi s’embêter, mais vers la fin! Parce que quand tu fais ça et que
y a personne qui vient c’est que forcément t’es pas écouté, et quand je veux que le truc finisse, là je
mets valider valider valider valider » (T7)
Autre moyen d’accélérer l’échange, les téléopérateurs peuvent avoir tendance à ne pas
prendre en compte les nuances de réponses apportées par les interviewés ou à ne pas les
demander. Ainsi, le « oui » peut autant dire « tout à fait d’accord » comme il peut signifier
« d’accord » ou « partiellement d’accord ».
« …Quand la personne doit nous répondre tout à fait et elle dit oui qu’on met satisfait et qu’on valide
qu’on passe à une question suivante alors que normalement on doit vraiment préciser tout à fait ou
plutôt satisfait et qu’on valide oui c’est mentir c’est mentir donc soit on a de la chance ils ne nous ont
pas écouté et puis on est fatigué soit on manque de chance et on se fait reprendre …des fois ca passe et
puis ca nous fait gagner du temps et des questionnaires ou des clients en plus…» (T6)
Les téléopérateurs expliquent cette tendance tant par des motifs personnels (ils sont fatigués,
s’ennuient ou sont démotivés face au caractère routinier de leurs missions) que par des motifs
d’efficacité commerciale (notamment par peur de perdre l’interviewé en cours du
questionnaire si le respect strict des scripts et procédures aboutit à irriter ou lasser
l’interlocuteur). L’on sent poindre ici des paradoxes, tensions et contradictions, notamment,
pour n’en relever que deux ici, entre, premièrement, des temps d’appel chronométrés qui
doivent être aussi courts que possibles, des scripts longs et fastidieux et des clients qui ne
trouvent souvent plus le temps ni l’espace pour s’exprimer, raccrochés qu’ils sont en
permanence à des scripts prédéfinis qui réduisent tout problème singulier à une case standard
d’un protocole d’entretien uniforme, et, deuxièmement, entre une supposée atteinte de
satisfaction du client lorsque l’ensemble des scripts serait suivi à la lettre et les sentiments de
lassitudes ou d’irritation des téléopérateurs, sentiments qu’ils prêtent aussi à leurs
interlocuteurs, et qui risquent de produire ou faire évoluer la relation client dans des impasses
improductives.
Pour insister sur cette peur de perdre l’interlocuteur éprouvée par le téléopérateur (qui a lui le
contact direct avec le client), le fait que le questionnaire dépasse en général largement la durée
15
déclarée en début de conversation quand ils contactent les gens, entraîne souvent le
mécontentement de ces derniers. Le risque d’arrêter le questionnaire est ainsi très important,
ce qui engendrera la baisse de leurs résultats quantitatifs. Nous constatons par ailleurs qu’en
procédant à des déviations, raccourcis et auto-interprétations des attentes et réponses des
interlocuteurs, les téléopérateurs se basent sur leurs propres jugements laissant ainsi
pleinement part à leur subjectivité.
Même si ces salariés n’ont a priori aucune intention de nuire à la qualité de l’administration
du questionnaire ou à la qualité de prestation de vente, ces comportements sont des
comportements dysfonctionnels involontaires au sens de Rouziès et Besson (1998).
D’autres stratégies sont mobilisées par les salariés afin d’améliorer l’évaluation de leurs
résultats selon les critères quantitatifs. Les outils étant uniquement un moyen d’enregistrer les
résultats annoncés par les salariés, ces derniers peuvent leur faire dire ce qu’ils souhaitent. Par
exemple, enregistrer un appel comme étant traité alors qu’il ne l’est pas vraiment, un client
contacté comme étant d’accord pour prendre un rendez-vous alors qu’il ne souhaite pas être
recontacté, une commande de client traité alors qu’elle ne l’est pas permet de gonfler les
résultats quantitatifs des salariés au détriment de la satisfaction des clients et donc de la
performance commerciale.
« …Un jour on m’a dit mais c’est une blague? Parce qu’il y’avait quelqu’un qui avait appelé la veille
c’est à dire que au lieu de mettre que la personne n’était pas intéressée, elle avait mis « à rappeler ».
C’est à dire que dans sa feuille, ça fait des meilleures stats, et moi j’ai appelé on m’a dit ouai c’est une
blague, on m’a déjà appelé la veille tatati, tatata... Et ça, c’est un sale coup parce que moi je perd du
temps à rappeler des personnes qui ne sont pas ok et en plus je me fait engueuler… » (T 11)
Ainsi, la manière de comptabiliser les actions réalisées par les salariés permet de présenter de
manière positive (mais mensongère) leurs résultats. Vente ou administration de questionnaire
ou réponse à une demande client sont les résultats positifs de toute intervention téléphonique.
Cependant, un client qui demande un rendez-vous ou qui demande d’être rappelé sont des
résultats intermédiaires qui ne sont pas traduits de manière négative. Pour cette raison,
certains salariés préfèrent maquiller leurs échecs sous format de résultats intermédiaires et
enregistrent les appels non aboutis sous le format « appels à suivre ». Cette pratique permet la
perception favorable des résultats individuels des salariés en dépit de l’insatisfaction des
clients ainsi que de la baisse de la performance des autres conseillers clients.
Ma performance dépend de la nature de mon engagement organisationnel
A travers l’analyse des discours des différents téléopérateurs deux groupes se distinguent :
ceux qui pensent rester longtemps dans le centre d’appels et y faire carrière et ceux qui
16
considèrent ce travail comme un travail d’appoint permettant de prétendre à d’autres postes et
à accéder à une autre carrière. La différence ne provient pas forcément du statut de chacun des
salariés (CDD, CDI, intérimaire) mais de la nature de l’engagement de ces derniers envers le
métier et/ou envers l’organisation.
Dans ce centre d’appel, la plupart des salariés sont engagés de manière calculée envers
l’organisation et plus rarement de manière normative ou affective. Ceux qui sont là parce que
c’est le seul moyen d’avoir un salaire et de pouvoir travailler à des horaires leur permettant de
concilier école et travail ou vie de famille et travail (engagement calculé) n’ont qu’une seule
source de motivation : la prime financière. Celle-ci étant rare dans le centre d’appels observé
dans notre étude, les salariés se contentent de faire le minimum d’efforts en vue de garantir la
continuité de leur mission et de minimiser les erreurs pouvant aboutir à des sanctions.
« Ce n’est pas ce que je rêve du tout! Franchement je rêve de mieux que ça en fait ! Que de parler au
téléphone pendant 4 heures, et si je devais faire 35h parce que je fais que 80h par mois, si je devais faire
100 et quelques ou je ne sais pas combien d’heures, franchement ça me tuerait, ça me tuerait.
Personnellement je ne fais pas des études pour ça, et c’est un environnement qui ne me plaît pas. Tu n’a
ni reconnaissance, ni ambiance, ni résultats, ni perspectives…alors moi je fais le minimum qui me
permet de garder mes vacations et mon salaire….je ne vais pas me tuer à la tâche... Les anciens et ceux
à qui c’est leur métier eux ils font du zèle mais moi ca ne m’intéresse pas. Moi si je fais plus c’est qu’il
y’a un challenge et une prime à la clé sinon rien du tout…» (T1)
« … La différence entre eux et nous, c’est que nous, la plupart du temps nous sommes des étudiants
donc c’est un tremplin pour nous, ce n’est pas vraiment un taf pour nous, moi en tous cas je le perçois
comme ça… Donc ils aspirent à monter en fait, à avoir des promotions… » (T4)
A l’inverse, les personnes qui pensent que ce travail leur convient et que leur carrière en
dépend, vont s’investir beaucoup plus, voire peut-être manifester des comportements de
citoyenneté organisationnelle. Engagés de manière normative ou affective, ces salariés
apprécient le monitoring en tant que contrôle comportemental permettant de les accompagner
lors de leurs missions et plus précisément d’atteindre leurs objectifs personnels. Ils veillent à
réaliser un maximum de résultats positifs leurs garantissant un prolongement de leur
intervention dans le centre d’appels voire d’acquérir des missions plus intéressantes, plus
valorisantes à valeur ajoutée.
« Moi je trouve que c’est normal qu’on nous écoute…on est payé et on doit travailler pour ça. C’est
normal qu’ils essaient de voir si on fait bien ou pas. Et moi perso ça m’aide à mieux faire mon boulot ça
me motive de voir si je fais bien ou pas et quand je bloque j’ai quelqu’un pour m’aider …il y’en a qui
s’en foutent mais moi j’aime bien faire mon boulot et c’est comme ça que tu peux faire des trucs plus
intéressants comme le service client …sinon tu fais tout le temps la même chose » (T5)
Ainsi, de l’engagement raisonné ou affectif peut découler un besoin de motivation plutôt
extrinsèque animée principalement par l’attente de reconnaissance (du manager et/ou du
client) et de valorisation (traduite notamment par l’accès à des missions à responsabilités ou
17
plus perçues comme plus intéressantes et nécessitant l’acquisition de compétences
supérieures).
Ma performance dépend de mon orientation client, ou plus précisément de mon éthique
Outre le fait que les salariés soient motivés différemment en fonction de leur engagement
métier ou organisationnel, leur performance va dépendre de leur relation avec le client et de
leur « éthique » (entendre par là une éthique subjective et personnelle). En effet, certains
salariés semblent motivés par la reconnaissance et la satisfaction du client. Ainsi, vendre des
produits non correspondants aux besoins réels du client (vente forcée), harceler un client à des
horaires non convenables pour remplir un questionnaire ou profiter de l’ignorance des clients
pour leur proposer des services supplémentaires non adéquats sont des actions perçus par ces
derniers comme étant non éthiques.
« Moi franchement je prends mon temps, je ne regarde pas l’heure quand une vielle personne
m’appelle, je prends mon temps à expliquer les choses… franchement je suis contente quand le papi ou
la mamie me raconte sa vie …ça ça lui fait du bien et qu’elle est satisfaite après j’adore… » (T4)
« Je ne trouve pas ça normal d’appeler les gens à des horaires pas possibles, la moindre des choses c’est
prendre le temps avec ces gens parce que la t’arrives dans leur vie avec ton questionnaire et ils doivent
tout arrêter pour toi …alors respect pour ces gens » (T12)
« Tu sais des fois il faut vendre une assurance pour des vieux et ça ne leur sert à rien …moi je ne force
pas, ça se trouve tu leur voles leur pension les pauvres ou alors tu prives un enfant de son jeux pour ton
truc que tu forces à vendre…ça je ne peux pas. Si je sens que c’est trop pour eux je ne force pas même
si après je ne fais pas de chiffre c’est le plus important pour moi. Une fois une cliente m’a remercié
parce que j’ai arrêté la vente au milieu et elle a compris que c’est moi qui a décidé ça ..je dors mieux la
nuit après… » (T9)
Ayant, au moins en apparence, une forte orientation client, ces salariés vont adapter leurs
comportements en fonction de la satisfaction client et non pas en fonction des objectifs
quantitatifs à atteindre. Dans ce cas le monitoring ne semble pas être efficace pour modifier
les comportements des individus au sens attendu par les organisations. Il s’agit là de prioriser
la qualité de la relation client et sa satisfaction à long terme par rapport à l’atteinte des
résultats quantitatifs immédiats et à court terme.
Cependant, cette « orientation client » peut aussi influencer négativement la qualité de la
prestation des salariés ainsi que la performance qualitative (selon les critères officiels
d’évaluation de la performance), notamment lors de l’administration des questionnaires ou
lors du diagnostic des problèmes des clients et ce en écourtant les phases et phrases du script.
Ceci rejoint la pratique déjà évoquée consistant à ne pas respecter le script, mais cette fois-ci
l’intention première est de chercher à respecter autant que possible l’interlocuteur (et peut-être
sommes-nous parfois plus dans le registre du respect que de la satisfaction, de l’intention que
18
de la volonté). En effet, certains salariés justifient le non respect du script par le fait qu’ils ne
voient pas l’utilité, voire éprouvent le caractère irrespectueux, pour les clients de certaines
règles ou procédés à appliquer.
« C’est vrai après tout la plupart des gens ne veulent pas répondre à un questionnaire pendant plus de 10
minutes…moi je le sais par expérience ils commencent à dire j’ai mon fils qui pleure ou allo je vous
entends mal… et hop ils raccrochent et je les comprends. Alors c’est clair quant il dit satisfait je ne vais
pas perdre du temps en disant alors plutôt satisfait ou tout à fait satisfait je valide et c’est mieux il faut
pas gêner les gens ils y gagnent quoi eux ?… » (T9)
« …alors suivre le discours à la lettre ça je ne peux pas quand j’ai au bout du fil un client chiant. Il
suffit de le faire répéter deux fois les choses qu’il m’explose l’inter et je le perds…après il n’est pas
content et des fois ils demandent des responsable, après tu voies comment est ton client et il vaut mieux
qu’il raccroche en étant satisfait que l’inverse sinon c’est pour moi que ça chauffe… » (T6)
Reformuler la demande du client, vérifier à chaque fois si sa demande a bien été comprise ou
préciser à plusieurs reprises quelle réponse les personnes interviewées ont réellement choisies
semble être une pratique mal accueillie par les clients, aussi certains conseillers pensent-ils
satisfaire leurs clients en abrégeant la conversation. Officiellement, cette pratique a de
nombreuses conséquences négatives, notamment, si l’on se situe au niveau des discours tenus
et normes attendues, le risque d’un mauvais diagnostic de la demande du client, avec pour
potentielle conséquence un client insatisfait.
Ma performance dépend de ma relation avec le manager
Enfin, le dernier élément observé de l’impact du monitoring sur la performance des salariés
porte sur la nature de l’interaction avec le manager et ce notamment lors de la phase de
feedback.
La volonté de s’améliorer est l’indicateur de performance le plus accessible et le plus facile à
mesurer. Les salariés ont formulé très fréquemment leur volonté de s’améliorer et de faire des
efforts ou encore l’absence d’envie de faire des efforts en réaction à la nature de l’attitude du
manager lors du feedback. Un feedback destructif ayant pour seul objectif la chasse aux
comportements contreproductifs dans le but de les sanctionner n’encourage pas les salariés à
faire de leur mieux pour s’améliorer et ajuster leurs comportements dans le sens attendu par
l’organisation (Alder et Ambrose, 2005). En outre, une attitude irrespectueuse et dénigrante
du manager vis-à-vis des salariés ôte à ce dernier toute volonté d’intégrer le retour du
manager et de s’améliorer. Par contre, être traité respectueusement et avoir un feedback
constructif favorise une meilleure perception du monitoring, motive les salariés et stimule en
eux l’envie de satisfaire leur manager et par conséquent leur volonté mieux faire.
19
« c’est cool, ils sont là pour faire leur job. Si tout est ok ils viennent nous le dire et si j’ai merdé, ça
arrive …, et bien ils me donnent des astuces pour faire mieux…moi je n’ai aucun problème avec ça
…c’est normal de contrôler et vérifier notre travail…je veux dire ils sont payés pour ça.. » (T12)
A contrario, une présence stressante et humiliante du manager lors du feedback peut avoir un
impact sur la perception du monitoring mais aussi peut provoquer des comportements
contreproductifs, tels la baisse d’implication, l’absentéisme, le turnover voire leur intention de
départ.
« En général il y’a une bonne ambiance chez nous, il n’y a qu’un seul sup qui stress énormément et
comme il stress pour ses résultats il est désagréable et nous refile son stress…il gueule tout le temps
comme si gueuler ça va nous motiver …il y a des jours ou je ne fous rien juste pour l’emmerder comme
ça il ne fait pas son quota… » (T1)
« Une foi, un responsable m’a dit que je suis bête et que je n’ai pas ma place ici. Depuis celui là je ne le
ménage pas. Si j’ai envie de me prendre un jour ce sera sur ces journées de vacation comme ça il est
bien emmerdé avec un vendeur en moins... C’est celui là qui me donne envie de partir…sinon je suis
bien là. Avec les autres tu dérapes ils reviennent vers toi voilà tu as dit ça au lieu de ça….et c’est bon ça
m’aide à m’améliorer et avancer mais lui il a appris le management sur des vaches ma parole… » (T4)
Discussion
L’analyse de nos résultats nous conduit à proposer une grille d’analyse des comportements
des téléopérateurs en réaction aux attentes de performance et aux normes comportementales
imposées selon trois axes :
•
La volonté de respecter les règles officielles – La non application consciente de ces
règles.
Les téléopérateurs se distinguent, selon cet axe, selon leur souhait ou non de respecter les
règles qui leur sont imposées. Certains cherchent à les appliquer au mieux, au moins en
apparence et dans les résultats observés, d’autres font le choix explicite de se départir de ces
règles officielles.
•
Le travail réalisé est alimentaire – L’individu s’identifie en partie au poste qu’il
occupe.
Cet axe a été explicitement abordé sous l’angle de l’engagement organisationnel ; nous notons
que l’individu va modifier son comportement en fonction de l’importance que revêtent pour
lui le travail effectué et le poste occupé.
•
La volonté de performance personnelle au sein de l’organisation – Le souci du client
et de la qualité de service
Cet axe d’interprétation est pour nous le plus fécond car il permet d’observer et de donner
sens à des comportements inattendus et qu’il met au jour d’importants paradoxes aux graves
conséquences.
20
Certains individus semblent être des spécialistes du respect des règles officielles quelles qu’en
soient les conséquences pour l’organisation (sans se soucier des effets pervers d’un
comportement de « maximisation personnelle »), et ce, bien souvent, afin d’en tirer un profit
personnel en termes de carrière et/ou de rémunération. A contrario, d’autres semblent habités
par le souci du client et cherchent à sentir ce qui est intéressant et juste pour lui. Il semble
qu’il y ait un double souci de dignité, souci de la dignité du client, perçu et respectueusement
accueilli comme individu singulier et dignité de soi (Crowley, 2012), comme individu qui
apparaît comme ne pouvant pas faire autrement que de chercher l’action juste, adaptée au
contexte et aux personnes (voir Arendt, 2009). Il semble alors pertinent de parler de tensions
« éthiques » et de réponses, elles aussi éthiques, qu’il est du ressort et de la responsabilité de
chacun de trouver.
Pour exposer plus en détail les enjeux sous-jacents de cet axe, les tensions « éthiques »
ressenties par certains téléopérateurs soulèvent une question aussi fondamentale que
primordiale pour la qualité de la relation client et pour l’efficacité commerciale globale qui ne
se limite à une succession de petits coups de courts termes. L’imposition de scripts et
comportements stéréotypés, la mise en place de monitoring électronique, la mise en place
explicite d’objectifs quantitatifs et qualitatifs ne sont-ils pas par essence préjudiciables à la
qualité de la relation client mise en place ? La préoccupation que ces outils génèrent chez les
téléopérateurs ne leur permet plus que difficilement d’accueillir les êtres vivants singuliers
qu’ils ont au bout du fil, avec leur histoire, leur personnalité, dans le contexte qui est le leur au
moment de l’appel. Et nous constatons que les téléopérateurs agissant dans l’intérêt du client
(et donc de leur entreprise) le font avant tout d’eux-mêmes et par eux-mêmes ; l’être humain
et les échanges entre êtres humains singuliers passent par essence pour ces individus avant
toute considération commerciale ou de performance. L’échange humain, l’accueil et l’écoute,
le respect de l’autre et de soi sont des valeurs qui ainsi mises pratiquement en œuvre
traduisent un autre rapport au monde que les discours de performance et les velléités
constantes de contrôle d’autrui (client comme salarié) dans une dynamique sociale d’avidité
sans fond.
Finalement, à travers ce cas sont soulevées des questions essentielles sur nos modes de
management et d’organisation du travail. Notre rapport au contrôle par rapport à la liberté, à
la défiance par rapport à la confiance… L’interrogation du concept de performance, utilisé à
tort et à travers, et qui peut expliquer, s’appliquer et justifier à peu près tout et n’importe quoi.
Mais plus fondamentalement, la question posée par ce cas est celle des rapports humains et de
la considération que nous donnons aux autres êtres humains. Le ciblage du client ou prospect
21
ciblé ne nous fait-il pas oublier que nous avons en ligne un être humain, sujet singulier ? La
normalisation comportementale des téléopérateurs, les scripts, l’accrochage des interlocuteurs
par des questionnaires et des grilles d’attitudes à suivre, outre qu’ils soient la marque du
contrôle et de la défiance, ne traduisent-ils pas une profonde et fondamentale ignorance de
l’humain et de la vie ?
Ces interrogations trouvent bien sûr un écho semblable en marketing, dans le cas que nous
avons étudié : quelle place laissons-nous au client ou prospect, à sa singularité, à sa vie ; à ses
besoins et à sa liberté de penser et d’expression ? N’est-il pas attrapé et réduit à un objet
d’études et de convoitise ? Cela favorise-t-il au sens propre, en dehors des discours et grilles
de mesure habituels, la séduction, la satisfaction et la fidélisation du client ? Est-ce bénéfique
pour « la qualité de la relation client » (les mots eux-mêmes ne traduisent-ils pas le dessin
qu’il projette ?) ?
22
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