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FAMILIARITE ET CONFIANCE : PROBLEMES ET ALTERNATIVES
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Niklas Luhmann
Pour décrire les sociétés modernes il faut prendre en compter deux changements
structurels interdépendants : la diversification et la particularisation croissantes du
familier et du non familier ; le remplacement progressif du danger par le risque,
c’est-à-dire par la possibilité de dommages futurs pouvant résulter de nos actions ou
de nos omissions, possibilité que nous avons à prendre en considération. S’il en est
ainsi, nos actions rationnelles exigent, comme une évidence, que nous prenions des
risques ; et prendre des risques implique, dès lors que d’autres sont impliqués, de
risquer sa confiance. Mais, s’il en est ainsi, nous sommes susceptibles d’entrer tôt ou
tard dans un cercle vicieux : ne pas risquer sa confiance, perdre ses possibilités
d’action rationnelle, perdre la confiance assurée dans le système, etc., ce qui nous
rend d’autant moins préparés à risquer notre confiance. Nous pouvons alors
continuer à vivre mais avec un nouveau type d’anxiété vis-à-vis des résultats futurs
de nos décisions présentes, et en soupçonnant généralement les transactions d’être
malhonnêtes. Cet article propose une clarification conceptuelle des différentes
formes de confiance et une analyse de leurs fonctions dans les sociétés modernes.
FAMILIARITY, CONFIDENCE, TRUST: PROBLEMS AND ALTERNATIVES
Niklas Luhmann
To describe modern societies one has to take into account two interdependent
structural changes: the increasing diversification and particularization of the familiar
and non-familiar; and the progressive replacement of danger by risk, that is, by the
possibility of future injury resulting from our actions or omissions – a possibility that
has to be taken into consideration. If this is true, our rational actions demand, as if it
stood to reason, that we take risks, and when others are involved risk-taking implies
risking one’s trust. But if this is true, we are likely sooner or later to be caught in a
vicious circle: not risking one’s trust, losing one’s possibilities of rational action,
losing sure trust in the system, etc., which makes us all the less prepared to risk our
trust. We can thus carry on living but with a new type of anxiety as regards future
results of our present decisions, and generally by suspecting transactions of being
dishonest. This article proposes a conceptual clarification of the different forms of
trust and an analysis of their functions in modern societies.
COMPLEXITE DU ROLE, RISQUE ET EMERGENCE DE LA CONFIANCE
Adam B. Seligman
La confiance (trust) a émergé comme dimension des relations sociales dans la société
moderne en même temps que le risque. Celui-ci est devenu inhérent aux
comportements quand, avec la segmentation des rôles sociaux, s’est développée une
limite interne aux attentes relevant de la confiance assurée. Le potentiel de dissonances
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Réseaux n° 108
entre les différents aspects du rôle s’est accru, faisant apparaître ces deux nouveaux
phénomènes, caractéristiques des formes modernes des relations sociales, que sont le
risque et la confiance décidée. Cette évolution s’est exprimée dans des phénomènes tels
que le développement de nouvelles formes d’amitié et de civilité, la transformation de
l’honneur en conscience, l’apparition du mariage de sentiments ainsi que dans les idées
du public et du privé comme domaines séparés de la vie, ou encore dans l’idée qui est
au cœur de la conception moderne de la vie privée, celle de l’individu moral, autonome
et doué de liberté d’action. Aussi divers que ces phénomènes sociaux puissent paraître,
ils font, à certains égards, tous partie d’un ensemble – ils sont tous connectés aux
nouvelles formes de solidarité qui en sont venues à définir le monde moderne et les
modalités de nos interactions en son sein.
ROLE COMPLEXITY, RISK AND THE EMERGENCE OF TRUST
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Adam B. Seligman
Trust emerged as a dimension of social relations in modern society along with risk.
Risk became inherent in behaviours when, with the segmentation of social roles,
there developed an in-built limit to systemically based expectations. Potential
dissonance between the different aspects of roles increased, revealing these two new
phenomena characteristic of modern forms of social relations: risk and decided trust.
This evolution was reflected in phenomena such as the development of new forms of
friendship and civility, the transformation of honour into conscience, and the
appearance of compassionate marriage; in ideas of the public and private as separate
spheres; and in the idea at the heart of the modern conception of private life, of the
individual as moral, autonomous and having the power to act. As diverse as these
social phenomena may appear, they are, in some respects, all part of a whole,
connected to new terms of solidarity that define the modern world and the terms of
our interactions within it.
CONFIANCE INTERORGANISATIONELLE, « INTERMEDIAIRES »
ET COMMUNAUTES DE PRATIQUE
Edward Lorenz
Cet article propose une définition de la confiance interorganisationnelle ; il montre en
particulier comment les « intermédiaires » (boundary spanners), en vertu de leur
appartenance à des communautés de pratique, peuvent jouer un rôle central dans
l’émergence de cette forme de confiance. L’argument est étayé sur une étude de cas :
celle des relations de sous-traitance dans l’industrie de la construction mécanique
lyonnaise. L’analyse montre que la confiance interorganisationnelle est fondée sur la
confiance interpersonnelle, puisque son émergence dépend, de manière critique, des
relations de confiance que les acheteurs établissent avec les agents commerciaux dans
les firmes sous-traitantes. Cependant, ces intermédiaires n’ont pas un comportement
Résumés/Abstracts
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indépendant du contexte professionnel dans lequel ils évoluent. Ils sont insérés dans des
« communautés de pratique » ou des groupes d’individus unis par leur engagement dans
le même type d’activité. Ces communautés de pratique ont créé un contexte
institutionnel, dans la région lyonnaise, favorable à l’émergence d’un nouveau modèle
de sous-traitance basé sur un niveau élevé de confiance.
INTER-ORGANIZATIONAL TRUST, BOUNDARY SPANNERS
AND COMMUNITIES OF PRACTICE
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Edward Lorenz
This article proposes a definition of inter-organisational trust. In particular, it shows
how boundary spanners, by virtue of their belonging to communities of practice, can
play a key part in the emergence of this form of trust. The argument is based on a
case study of sub-contracting in the Lyons mechanical construction industry. The
analysis shows that inter-organisational trust is grounded in inter-personal trust, since
its emergence depends critically on relations of trust that buyers establish with sales
agents in the sub-contractor firms. Yet these intermediaries’ behaviour is not
independent from the professional context in which they operate. They belong to
"communities of practice" or groups of individuals united by their engagement in the
same type of activity. These communities of practice have created an institutional
context in the area of Lyons, favourable to the emergence of a new form of subcontracting based on a high level of trust.
COMMENT AGIR EN CONFIANCE AVEC UN PARTENAIRE
DONT ON SE MEFIE ?
Esther González-Martínez
Les auditions judiciaires, dont cet article présente une analyse, sont des situations
caractérisées par la polémique et par des activités d’accusation et de défense. Peut-on
affirmer pour autant que toute confiance a déserté ce type de rencontre ? Une approche
praxéologique de l’action - qui questionne le rôle central accordé à la délibération, à la
décision, à l’intention, à l’interprétation et aux cadres normatifs dans l’analyse de
l’action – conduit à voir en quoi la confiance est intrinsèque à toute interaction. La
coordination des échanges, accomplie sur la base combinée de routines d’action et de la
production de la visibilité, donne aux acteurs des bases pour accomplir la rencontre.
Après avoir décrit le mode interactionnel propre à l’audition, l’auteur analyse en détail
un dispositif qui lui est associé. « Les ajours » – des ouvertures à l’intérieur du discours
du procureur, dans lesquelles le prévenu place de brèves interventions – permettent aux
acteurs de connaître et de donner à connaître à qui et à quoi ils ont affaire et d’élaborer
un mode commun d’échange. Ces observations conduisent à la définition d’une
confiance pratique – produite séquentiellement de façon concertée et observable – liée
indissociablement à la coordination de l’action.
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Réseaux n° 108
HOW CAN ONE TRUST A PARTNER OF WHOM ONE IS SUSPICIOUS?
Esther González-Martínez
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Court hearings, of which this article presents an analysis, are situations characterized
by controversy and by accusation and defence. Yet can we affirm that all trust has
left this type of situation? A praxeological approach to action – which questions the
key role of deliberation, decision-making, intention, interpretation and normative
frames in its analysis – enables us to see how trust is intrinsic to all interaction. The
coordination of interaction, accomplished on the combined basis of routine actions
and production of visibility, gives actors the bases for the contact. After describing
the interactional mode of a court hearing, the author makes a detailed analysis of a
related device: "ajours" or openings in the prosecutor’s speech, in which the
defendant talks briefly. These enable the actors to know and to make known the
people and things with whom and with which they are dealing, and to devise a
common mode of interaction. These observations lead to the definition of practical
trust – produced sequentially in a concerted and observable way – indissociably
linked to the coordination of action.
LA STRUCTURE COGNITIVE ET NORMATIVE DE LA CONFIANCE
Louis Quéré
Les sciences sociales contemporaines considèrent la confiance comme un mécanisme
informel, infra institutionnel, de coordination des actions, un mécanisme qui présente
l’avantage de réduire les « coûts de transaction » liés à la recherche d’informations et
à l’exercice d’un contrôle réciproque. Mais elles butent sur la compréhension de la
logique paradoxale du phénomène, en particulier sur la manière dont y sont articulés
connaissance et engagement, et sur ses fondements moraux/sociaux. Cet article se
propose en conséquence d’élucider les points suivants : l’articulation entre
connaissance et engagement, ou entre raisons et pari ; l’appui de la confiance comme
attitude sur un attunement préalable des capacités et des habitudes aux régularités de
l’environnement ; la multiplicité des pratiques de la confiance et les variations de sa
structure ; les conditions sociales d’une confiance généralisée dans les sociétés
démocratiques.
THE COGNITIVE AND NORMATIVE STRUCTURE OF TRUST
Louis Quéré
The contemporary social sciences consider trust as an informal, infra-institutional
mechanism of the coordination of actions, which has the advantage of reducing
"transaction costs" related to the search for information and the exercise of mutual
control. But they are faced with the difficulty of understanding the paradoxical logic
of the phenomenon, especially the way in which knowledge and engagement are
Résumés/Abstracts
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articulated, and its moral/social underpinnings. This article therefore aims to clarify
the following points: the articulation between knowledge and engagement,
orbetween reason and risk; the impact of trust as an attitude on a prior attunement
of capacities and habits to the regularities of the environment; the multiple ways of
practising trust and the variations of its structure; and, lastly, the social conditions
of generalized trust in democratic societies.
« TU T’ES VU QUAND T’ECOUTES L’ETAT ? » OU LA RECEPTION
DES CAMPAGNES DE COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE
Appropriation et détournements linguistiques des messages
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Karine Berthelot-Guiet, Caroline Ollivier-Yaniv
Comment la communication gouvernementale à la française (un verre ça va, trois
verres bonjour les dégâts… il ne passera pas par moi… on n’a pas de pétrole, mais
on a des idées…) est-elle reçue par celles et ceux auxquels elle s’adresse ? Est-elle
discriminée de la publicité ? Comment peut-elle fonctionner comme légitimante d’un
état gérant la violence symbolique ? Les auteurs tentent de répondre à ces questions
en analysant ce qu’ils appellent un « dispositif de pouvoir » sous le signe d’une
transversalité qui associe la sociolinguistique, la science politique et les sciences de
l’information et de la communication.
"HAVE YOU SEEN YOURSELF WHEN YOU LISTEN TO THE STATE?"1
OR RECEPTION OF GOVERNMENT COMMUNICATION CAMPAIGNS
Linguistic appropriation and misuse of messages
Karine Berthelot-Guiet, Caroline Ollivier-Yaniv
How is French government communication (e.g. against alcoholism) received by
those for whom it is intended? Is it distinguished from advertising? How can it
function as legitimizing a state dealing with symbolic violence? The authors attempt
to answer these questions by analysing what they call "power apparatus" ("dispositif
de pouvoir") with a transversal approach combining socio-linguistics, political
science and information and communication science.
1. Reference to the government campaign against alcoholism: "Have you seen yourself when
you’re drunk?" (Tu t’es vu quand t’as bu ?).
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Réseaux n° 108
CHANGEMENTS DANS LES RELATIONS AU TRAVAIL :
ENTRE OUVERTURE ET FERMETURE
Régine Bercot
A travers plusieurs études de terrain, les auteurs s’attachent à étudier l’organisation des
relations de travail conçues comme des processus évolutifs et contextualisables. Ainsi
n’en ira-t-il pas de même d’une intervention humaine selon qu’elle sera libre ou
requise. Les auteurs soulignent que les phases d’innovation technologique sollicitent de
nouveaux types de relations professionnelles d’une « non-disance » à une coopération ;
ils tentent d’observer également en quoi la situation se modifie lorsque l’on passe d’une
communication entre gens de métiers et une communication par projets. Ils
s’interrogent enfin sur la mesure du risque qu’effectuent les acteurs en phase
d’incertitude et sur le rôle de médiation du collectif
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CHANGES IN LABOUR RELATIONS: BETWEEN OPENNESS
AND CLOSURE
Régine Bercot
The authors draw on several case studies to investigate the organization of labour
relations conceived as evolving and contextualizable processes. For example, a
human action will not be the same if it is free or required. The authors highlight the
fact that some phases of technological innovation call for new types of labour
relations: from "the unspoken to cooperation". They also try to establish how the
situation changes when one goes from communication between experts to projectbased communication. Lastly, they explore the subject of risk assessment by actors in
situations of uncertainty, and the role of mediation by the collective.
Traduction : Liz Libbrecht

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