Rencontres entre musiques indiennes et occident

Transcription

Rencontres entre musiques indiennes et occident
Analyse
Appartient au dossier L'Inde au fil de la musique
:
Rencontres entre musiques indiennes et occident
La musique classique indienne comme source d’inspiration
A partir du 20e siècle, de nouveaux courants musicaux apparaissent en Europe ayant pour
caractéristique de s’opposer et de contraster avec le romantisme musical du 19e siècle. De grandes
figures modernes émergent, rompant avec les formes et genres musicaux classiques. Ces pionniers,
parmi lesquels on rencontre Claude Debussy (1862-1918) se sont inspirés de formes musicales extraeuropéennes dont la musique classique indienne.
Parmi les compositeurs de l’époque, certains furent plus spécifiquement influencés par l’Inde et sa
musique tels qu’Albert Roussel (1869-1937) qui écrira l’opéra-ballet Padmavati (1923) mêlant musique,
drame et danse dans un décor figurant l’Inde ancienne.
Maurice Delage (1879-1961) s’inspira profondément de la musique indienne dans Quatre poèmes
hindous. A. Roussel et M. Delage feront même le voyage jusqu’en Inde où ils réaliseront des
enregistrements musicaux (Ragamalika : chant tamoul, 1915).
Olivier Messiaen (1908-1992) qui s’est lui aussi tourné vers les musiques de l’Inde, du Japon et du SudEst asiatique, s’est particulièrement intéressé au système rythmique des talas. Certains de ses élèves
ont composé des morceaux rassemblant ces influences asiatiques tels que Jacques Charpentier, auteur
des 72 Etudes Karnatiques pour piano (1954-1984).
Padmâvati
Albert Roussel ; [interpr. par] Marilyn Horne
A la Bpi, niveau 3, 78 ROUS 85 PL
72 études Karnatiques pour le piano
Jacques Charpentier ; [interpr. par] Anne Gaels, piano
A la Bpi, niveau 3, 78 CHAR.J 41 GA
Dans la deuxième moitié du 20e siècle, le célèbre sitariste Ravi Shankar a eu des influences dans
divers milieux musicaux dont la musique contemporaine. Sa rencontre avec Philip Glass (né en 1937) a
été décisive pour le compositeur américain. Cette figure de la musique ‘répétitive’ a aussi été
influencée par les rythmes indiens. Le compositeur Terry Riley (né en 1935) s’est aussi inspiré de la
musique indienne qu’il apprenait d’ailleurs tout comme son homologue La Monte Young (né en 1935),
deux figures du courant minimaliste.
Ravi Shankar oeuvre à la collaboration entre musiques
classiques
A travers ses rencontres avec des musiciens occidentaux de genres tout à fait différents, Ravi Shankar
a eu des liens et des influences dans tous les milieux musicaux.
Il rencontra ainsi le grand violoniste américain, Yehudi Menuhin en 1951 avec qui il jouera et échangera
pendant de nombreuses années. La collaboration entre Yehudi Menuhin et Ravi Shankar se traduisit
musicalement par plusieurs albums qui illustrent le dialogue entre musique classique occidentale et
musique hindoustanie, et entre violon et sitar : West meets East.
Quelques années plus tard, Ravi Shankar a élaboré des oeuvres qui combinent musique classique
occidentale et musique classique indienne. En 1976, il fait la connaissance du flûtiste français JeanPierre Rampal pour lequel il composa plusieurs morceaux dont Morning Love pour sitar, flûte et tabla.
Le sitariste a également écrit des concertos pour sitar, motivé notamment par la rencontre du chef d’
orchestre du London Symphony Orchestra, Zubin Mehta : un de ses concertos, le Raga Mala, basé sur
plus de quarante raga et sur des cycles rythmiques complexes, fut joué pour la première fois à New
York en 1981. Six ans plus tard, il réalise une oeuvre étonnante avec l’utilisation de synthétiseurs, Tana
Mana (1987).
Ravi Shankar rencontre Philip Glass en 1965 et l’initia aux principes de la musique indienne. Cette
rencontre a été décisive pour le compositeur américain qui est une figure de la musique dite ‘répétitive’.
Le compositeur américain Terry Riley était lui aussi influencé par la musique de l’Inde du Nord qu’il
apprenait sous la tutelle de Pandit Pran Nath, tout comme son homologue La Monte Young. La musique
indienne influença donc le courant de la musique répétitive qui naît aux Etats-Unis au milieu des années
60 et qui a pour caractéristique la répétition de formules mélodico-rythmiques avec de minimes
variations et de légers décalages de phase, à la manière d’ostinatos. Pour certains compositeurs
occidentaux, la musique classique indienne représente une source d’inspiration dans la recherche de
nouvelles sonorités et de nouvelles expressions.
A life in music
Ravi Shankar et un enregistrement avec le violoniste
Yehudi Menuhin et le flûtiste Jean-Pierre Rampal.
A la Bpi, niveau 3, 781(540) SHAN
Un extrait de A life in music
Liens entre musique classique et jazz
Beaucoup de jazzmen se sont intéressés également à la musique indienne. On peut citer entre autre
John Coltrane qui a écrit une pièce s’intitulant « Om » et « India » dans l’album Impressions (1961).
Celui-ci développa des liens avec Ravi Shankar allant jusqu’à appeler son fils du nom du maestro. A la
même époque, Ravi Shankar enregistre un album avec les artistes de jazz, Bud Shank à la flûte et Gary
Peacock à la basse : Improvisations (1962). Il collaborera par la suite avec d’autres interprètes tels que
Jan Garbarek.
Jon Ellis aussi s’inspira de cette tradition avec son Hindustani Jazz Sextet, de même que John Mayor et
son Indo-jazz suite (1er album en 1966) dans lequel les morceaux se basent sur des ragas et des talas
précis. Ce dernier parle même de «Indo-jazz fusion ». Dans un album réalisé en 1968, Miles Davis joue
également avec des musiciens indiens tels que Khalil Balakrishna au sitar et Bihari Sharma au tabla et
tampura.
A partir de 1975, l’un des groupes de fusion jazz et musique indienne le plus abouti est Shakti qui
rassemble le guitariste McLaughlin, le violoniste indien L. Shankar, le joueur de tabla Zakir Hussain et le
joueur de ghatam Vikku Vinayakram. Durant trois années, cette formation va multiplier les tournées de
concerts et enregistrer plusieurs albums combinant des éléments de la musique indienne et du jazz.
Grâce à leur connaissance approfondie de la musique indienne, ces artistes ont réussi à marier les
deux traditions, au-delà d’emprunts superficiels. L’américain J. McLaughlin peut en effet se prévaloir d’
un enseignement musical indien sous la tutelle de plusieurs maîtres et d’un intérêt durable pour la
culture indienne. En 1997, le groupe Shakti s’est recréé de manière quelque peu modifiée - le flûtiste
Hariprasad Chaurasia remplaçant le violoniste L. Shankar - à l’occasion d’une tournée qui donna
naissance à un nouvel album Remember Shakti.
Quelques autres figures ont
également émergé dans le
domaine de la fusion avec le jazz :
on peut citer le violoniste L.
Subramanian et son album
Rainbow rassemblant Ali Akbar
Khan et John Handy.
Actuellement, le percussionniste
indien Trilok Gurtu collabore avec
des artistes d’horizons divers, du
jazz à certaines traditions du
continent africain en passant par
la musique électronique. Quelquesunes de ces nombreuses
collaborations sont reprises dans
un album figurant entre autres Jon
Garbarek, Don Cherry, John
McLaughlin, Salif Keita et
Angelique Kidjo : Twenty years of
talking tabla (2008).
Le joueur de tabla Zakir Hussain a
aussi participé à de nombreux
groupes mêlant les influences. Il a
formé avec Bill Laswell et Sultan
Khan Tabla Beat Science qui
marie la musique électronique au
tabla. Il a également fait partie du
trio Sangam avec les jazzmen
Charles Lloyd (saxophone, piano)
et Eric Harland (batterie).
Twenty years of talking tabla
Trilok Gurtu, 2008
A la Bpi, niveau 3, 780.638 GURT 4
Un extrait de Twenty years of talking tabla
Sangam
Charles Lloyd ; Zakir Hussain ; Eric Harland.
A la Bpi, niveau 3, 780.634 LLOY 4
Un extrait de Sangam
Impressions
John Coltrane, 2008
A la Bpi, niveau 3
Remember Shakti
McLaughlin, John ; Zakir Hussain, T.H. "Vikku"
Vinayakram ; Hariprasad Chaurasia ;Uma Meth.
A la Bpi, niveau 3, 780.63 MCLA 1 et 2
Mélange avec le rock, la pop et la musique électronique
Des artistes du sous-continent indiens ont collaboré à des musiques de "fusion" ou prêté leurs
musiques pour des "remix" comme le chanteur pakistanais qui fit connaître la qawwali en Occident,
Nusrat Fateh Ali Khan (1948-1997) (album Mustt Mustt, 1990). De nombreuses collaborations
fructueuses entre musiciens indiens et des interprètes appartenant à d’autres univers musicaux (rock,
blues, etc.) ont suivi tel que l’album enregistré par le guitariste américain Ry Cooder et le joueur indien
de guitare slide Vishwa Mohan Bhatt, Meeting by the river qui obtint le Grammy Award pour le meilleur
album de world musique en 1993.
Actuellement, Susheela Raman, chanteuse anglo-indienne qui s’inspire aussi bien du jazz, du blues, du
rock, du funk que de la musique indienne est une des artistes reconnues dans le monde de la world
musique. Née en Grande-Bretagne de parents tamouls, elle a très tôt appris la musique carnatique au
sein du cercle familial avant de suivre un enseignement de musique hindoustanie, avec la chanteuse de
khayal Shruti Sadolikar. Sur son premier album, elle interprète des adaptations de compositions
anciennes telles que celles du célèbre saint-poète et musicien indien Tyagaraja (1767-1847) et dans
ses propres compositions ou reprises, elle emploie aussi bien l’anglais, le tamoul que le sanskrit.
La musique électronique se marie aussi à la musique indienne. Le joueur de tabla anglo-indien Talvin
Singh qui fait partie de ce qu’on nomme l’Asian underground a ainsi incorporé les tabla à la musique
électronique depuis les années 90. Mais bien d’autres artistes appartenant souvent à la diaspora
indienne expérimentent dans ce sens. La compilation Beyond Bollywood regroupe plusieurs de ces
créations.
Salt rain
Susheela Raman, S. Mills ; H. Penda... [et al.].
A la Bpi, niveau 3, 780.65 RAMA 5
Un extrait de Salt rain
Beyond Bollywood : contemporary sound of indiaelectronic & lounge, 2008.
A la Bpi, niveau 3, 780.66(082) BEY
Un extrait de Beyond Bollywood
Invisible worlds / Mukta (Simon Mary, composition, arrangements, contrebasse ; Geoffroy Tamisier,
trompette ; Pascal Vandenbulcke, flûte ; Michel Guay, sitar, chant ; Jean Chevalier, batterie, clarinette
basse, gong ; Marc Delouya, batterie ; Olivier ... - Mukta [*1 doc.] - 2008
Sélection de références
Bapi... : L'amour de ma vie...
Shankar, Anoushka
le Cherche Midi, 2003, FRANCE
Autre ouvrage sur le grand maître, celui rédigé par sa fille, cet album,
riche en illustrations, dévoile les rencontres et les événements qui ont
marqué Ravi Shankar tout en évoquant la spiritualité et l'histoire de la
musique indienne. A la Bpi, niveau 3, 1781(540) SHA
Indian music and the West
Farrell, Gerry
Oxford University Press, 1999, ROYAUME-UNI
Gerry Farrell présente les étapes et les modalités de la rencontre
entre la musique indienne et l’Occident entre le 18e siècle et les
années 1990. Il a pour but de mettre en évidence le continuum
complexe d’événements historiques et musicaux qui entoure la
relation entre conscience occidentale et musique indienne. Il analyse
les interactions et les perceptions de la musique indienne en Occident
au fil du temps à partir de multiples sources.
Raga Mala ma vie en musique; Traditions. Asie. Inde du
Nord ; North India
Shankar, Ravi, Craske, Olivier
Intervalles, 2010, FRANCE
Il s'agit d'une autobiographie beaucoup plus récente de Ravi Shankar.
Il y retrace son parcours hors du commun et parle de ses rencontres
avec les plus grands musiciens de jazz, de rock ou de musique
classique occidentale de son époque. A la Bpi, niveau 3, 781(540)
SHAN 1
Publié
le
30/01
/2012
MUSIQUE
Tags
:
Inde
-
musiques du monde
-
jazz
-
rock
A propos de l'auteur