Essai d`interprétation des têtes
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Essai d`interprétation des têtes
/T MEMOIRES DE L'INSTITUT DE PRÉHISTOIRE ET D'ARCl-IÉOLOGIE ALPES MÉDITERRANÉE TOME LVI - 2014 Institut de Préhistoire et d'Archéologie Alpes Méditerranée Mémoires. Tome LV/, 2014.p. 115-136 Éditions IPAA 1W. Nice ESSAI D'INTERPRÉTATION A , DES TETES ANTHROPOMORPHES SCULPTEES DU COMTÉ DE NICE ET SES MARGES Luc THEVENON* À Renée, compagne de mes recherches, conseillère avisée, correctrice attentive ; à nos petits-enfants Laura, Maxime, Giulia, Juliette, Oscar, pour qu ' ils découvrent ce patrimoine. Dans nos articles concernant le comté de Nice nous élargissons habituellement l'aire de nos recherches à la Provence orientale, au Piémont cispadan et à la Ligurie du ponant (1) (fig. l). Nous avions déjà signalé ces têtes anthropomorphes sculptées dans la pierre, plus rarement dans le bois (2). D' un type très particulier, ces sculptures se rencontrent tant sur des édifices religieux que profanes, dans une large région qui va du Rhône à la Ligurie et au Piémont (3), mais qui concerne aussi un espace beaucoup plus vaste atteignant les limites, Scandinavie et Inde, du domaine indo-européen, comme le précise Roland Dufrenne (4). En Ligurie et en Corse, elles ont été étudiées sous l'appellation de protomi apotropaiche, soit « protomés apotropaïques », c'est-à-dire des têtes humaines ou animales coupées dont le rôle est de détourner les influences maléfiques ; par extension, un protomé peut être un élément décoratif en forme de tête d' homme ou d'animal, sous-entendant un pouvoir de protection ou bien n'ayant qu'une fonction décorative. Mais, plus communément, les Italiens parlent de mago-custode (pluriel maghi-custode), soit «magicien-protecteur» (5). Elles se retrouvent dans l'ensemble de l'Italie, soit sous cette appellation, soit, comme en Émilie, sous celle de marcolfa (pluriel marcolfe) signifiant «celle qui protège les limites». Il s'agit en général de la maison et donc de la famille dont ces têtes évoquent les mânes, héritage de la religion romaine, pour la sauvegarder. Dans le cas d'un édifice public, civil ou religieux, leur protection s'exercerait alors sur l'ensemble de la communauté. Dans l'Occident médiéval, à la fin du Moyen Âge encore, on conférait à des sculptures profanes le pouvoir de protéger l'édifice qui les abritait et, s'il était public, la ville tout entière (6). Dans le comté de Nice, les exemples les plus nombreux que nous avons relevés sont dans la moyenne et la haute vallée du Var et dans celle de !' Estéron. Dans les autres vallées, ce type de sculpture reste exceptionnel. * Conservateur-en-chef du Patrimoine, Docteur en Histo ire. 115 • Tournoux ~ . ~ ....,,····... (i .l t. ~ / : ··... •' t ····:: /'-~,,....... ···: N ····~ ·....;............_.. ": 1 L.. ....... E I Vlnadlo e ·.....··.. • 2 ..- . ......... .............. .·.........: · . . ::-~ -···.... ~ -• 1 .... - """._ • .. .. ~ ' ··, sur l'architecture • d'édifices religieux • sur du mobilier religieux chapiteaux, bénitiers,... sur des édifices civils têtes zoomorphes e Q 3 nombre de têtes dans une même commune (édifie., "'Ugku> •xclus) fig. 1 : Répartition des têtes anthropomorphes et zoomorphes relevées dans les Alpes-Maritimes GENÈSE DES SCULPTURES La réalisation de ces têtes anthropomorphes, plus rarement zoomorphes, sculptées dans la pierre, remonte à différentes époques. Dans nos régions, les plus anciennes à faire l'objet d'une datation relativement précise sont celles appartenant au mausolée d' Argenton daté entre 1OO et 75 av. n. è. Un bloc portant deux têtes, dont l'une surmontée d'une patte griffue de monstre, retrouvé dans le soutènement d'une 116 terrasse de culture, a été identifié comme partie du monument. Dans le comté de Nice, la première que l'on puisse dater avec certitude est de la seconde moitié du XVe s. Elle est au portail de la paroissiale de SaintMartin-d ' Entraunes (fig. 2) où elle voisine avec un sujet zoomorphe (7). Mais on connaît ce type de décor dès l'époque protohistorique. Ces têtes coupées seraient d 'origine celte, gauloise notamment, et étaient assimilées à des trophées de guerre. Des sculptures de ce type ont été retrouvées à Entremont (fig. 3), nom médiéval de l'oppidum des Salyens celto-ligures qui domine Aix-en-Provence (8), et sur le site de l'oppidum de Roquepertuse (9). Les têtes aux yeux clos et d'autres de formes diverses, comme des têtes aux yeux globuleux, provenant d'Entremont, sont conservées au musée Granet d'Aix tandis que celles de Roquepertuse sont présentées au musée archéologique de la Vieille Charité à Marseille (fig. 4). Dans la Grèce antique.le symbolisme funéraire use de la tête coupée dès le Ve s. et au IVe s. av. n. è., Platon comparait la tête, de par sa forme sphérique, à un univers, un microcosme (10). Mais le culte des crânes remonterait au VIIIe millénaire av. n. è. (11). Chez les Celtes, le crâne, ou la tête, était considéré comme le reliquaire de l'âme. C 'était aussi le siège de la force, de la puissance, de la sagesse et de la connaissance. D 'où l' habitude des tribus gauloises et irlandaises d'exposer à l'entrée des maisons, ou accrochée à la selle des montures, ou encore fichée au bout d'une pique, la tête des ennemis, afin de s'en approprier les vertus. Elle devenait ainsi un véritable palladium. C'est le rite guerrier de la prise de crâne de l'ennemi ( 12). P lusieurs auteurs attestent de cette coutume. Lorsque le guerrier a vaincu son adversaire, il en détache la tête qu' il garde avec lui comme un trophée et il remet le corps à un servant qui l'emmène (13). À la cour de Conchobar Mac Nessa, roi mythique de ]'Ulster, ces têtes coupées, garanties de la mort spirituelle de l'adversaire, étaient conservées dans la Branche Sanglante, nécropole des dépouilles et des têtes d 'ennemis vaincus. Un sanctuaire à fonction identique existait à Entremont. Cette croyance est battue en brèche par les céphalophores qui, après la décollation, ramassent leur tête et se dirigent vers le lieu qu' ils choisissent pour leur sépulture. Ils prouvent ainsi qu'ils continuent de vivre et d 'agir spirituellement et dominent par l'esprit le pouvoir qui voulut les anéantir (14). Saint Denis en est l'archétype (fig. 5). En Provence citons saint Mitre d'Aix (fig. 6), saint Démètre de Gap, etc. fig. 2: Saint-Martin-d'Entraunes fig. 3 : Entremont fig. 4 : Roquepertuse fig. 6 : Saint Mitre d'Aix 11 7 fig. 5 : Saint-Denis SCULPTURES POLYCÉPHALES N'entrent pas dans cette étude d'éventuelles sculptures polycéphales, telles celles bicéphale de Janus, tricéphale de Cerbère gardien des enfers et d ' Hécate déesse des carrefours, voire heptacéphale du naja, serpent de la fécondité infinie, etc. Combinant le sens du nombre à celui de !'image, ces œuvres multiplient les protections et leur puissance. En Égypte, deux têtes, masculine et féminine accolées, protégeaient contre les mauvais génies. Nous ne pensons pas que les têtes juxtaposées du clocher de Saint-Martin-Vésubie (fig. 7) et du chaînage d ' angle sud-est de l'église Saint-Barnabé à Soleilhas (fig. 8) puissent leur être assimilées (15). En revanche, il faut relever le cas de trois consoles portant chacune trois têtes accolées, au portail de la cathédrale de Vintimille qui date de la seconde moitié du XIIIe s. Évoquent-t-elles la présence immanente de la Sainte Trinité, celle qu'accomplit Dieu et qui trouve en Lui-même son achèvement? Ou bien est-ce la Prudence, la Vigilance, qui procède à l'examen des choses qui sont, qui furent et qui bientôt seront, selon Hippocrate? (16) (fig. 9, 10, 11). fig. 7 : Saint-Martin-Vésubie fig. 9 : Vintimille fig. 8 : Soleilhas fig. 10 : Vintimille fig. 11 : Vintimille LOCALISATION Dans l'architecture religieuse, les exemples sont nombreux de l' utilisation symbolique et décorative de têtes anthropomorphes ou zoomorphes, en particulier sur les supports. Si les chapiteaux et les bases de colonnes se prêtaient particulièrement bien à les recevoir, les culots, consoles, impostes pour les voûtes et les linteaux, les modillons recevant les arcatures des frises courant sur Je haut des murs de l'architecture romane lombarde, ou encore les voussures des portails, en sont aussi fréquemment ornés. Créations des maestri 118 comacini ou magistri ante/ami, puis de Jeurs émules locaux, ces supports sculptés y apparaissent à la fin du XIIe s. et perdurent jusque dans la première moitié du XVIe s. (17). Dans la Provence orientale on relèvera ceux du mur-pignon de l'ex-chapelle épiscopale de Grasse (fig. 12). Tandis que dans la Ligurie du ponant, où plusieurs églises sont précisément datées (18), citons ceux de !'Assunta à Diano-Castello ( 1200-1230) (fig. 13), des absidioles de la cathédrale de Vintimille (1250-70) (fig . 14), ou de la piève de Piani d'Imperia (1471) (fig. 15). À Vintimille, rajoutons trois têtes assez frustes servant de consoles aux arcatures de la loggia consulaire. Ailleurs, dans le Midi de la France et dans toute la Catalogne (fig. 16), comme en Italie, l' utilisation de ces motifs s'est presque systématisée. Leur figuration adopte une grande variété: personnages entiers, simples têtes, animaux, végétaux. Le musée de Poitiers (fig. 17) expose de ces modillons à têtes, sculptés à la fin du XIe s. pour l'église Saint-Cybard détruite en 1853. Il propose d'y voir le reflet d' un universalisme qui souligne l'une des fonctions des églises: être un lieu de vie où l'on se réunit. Symboles de la création divine, ces figures évoqueraient la lutte entre le bien et le mal. fig. 13 : Diano-Castello fig. 12 : Grasse fig. 15 : Piani fig. 14 : Vintimille fig. 17 : Poitiers fig. 16 : Mollo 119 Si, dans ce domaine, la représentation de personnages entiers est fréquente, elle reste exceptionnelle dans le contexte de notre recherche: les deux seuls exemples relevés sont dans l'ancien moulin de la clue de Saint-Auban (fi g. 18) où les impostes soutenant un linteau portent rune une tête chauve, l'autre un personnage, sans doute féminin, jambes largement écartées ( 19), et à Puget-Théniers (fig. 19) sur une dalle en remploi dans la façade d 'une maison civile de la rue Casimir Brouchier. À La Tour-sur-Tinée (fig. 20), nous nous étions interrogé sur l' identification d 'un petit personnage, apparemment féminin, bras écartés, affublé d 'une longue robe, sculpture très fru ste placée en remploi sur le pignon d ' une maison. Une photo récente a montré que sa tête était entourée d'une auréole. Ce détail permet de proposer d'y reconnaître la Vierge (20). Mais les divers supports architecturaux des édifices religieux cités, corbeaux, consoles, impostes, coussinets, ne sont pas dépourvus de personnages entiers. Ce sont d'abord des télamons. Si, dans la frise d 'arcatures du clocher de Sainte-Anne de Gassicourt à Mantes-la-Jolie (1125) (fig. 21 ), le personnage se réduit à une simple tête encadrée de bras relevés, à l'église de Tournoux (Ubaye) (fig. 22, 23) où, soutenant le linteau d 'un portail rajouté au début du XVIe s., ils se font face, au porche de la cathédrale de Vintimille (fi g. 24) où quatre sont adossés deux par deux, au bas du relief de Saint-Étienne-de-Tinée (fig. 25), partout entiers, ils traduisent plus ou moins la contrainte de leur fonction. À Vintimille encore, c'est clairement un «ange orant » qui occupe l'un des coussinets soutenant le linteau du portail de la cathédrale. fig. 20: La Tour-sur-Tinée fig. 18 : Saint-Auban fig. 19 : Puget-Théniers fig. 2 1 : Mantes-la-Jolie fig. 22: Tournoux 120 fig. 23: Tournoux fig. 24: Vintimille fig. 25 : Saint-Étienne-de-Tinée STYLES Contrairement aux décors d'architecture des édifices médiévaux et en dépit de la facture schématique de beaucoup de ces sculptures, on ne saurait parler de standardisation en les rattachant à tel ou tel atelier, sauf dans les cas de concentration, comme à Sauze ou à Chianale. Toutes ont des particularités différentes (21 ). La caractéristique majeure de toutes ces têtes sculptées est leur frontalité. Plus ou moins saillantes, elles ne sont jamais placées de profil ou de trois-quarts. Si la moitié environ de ce corpus est constituée de simples bombements, dépourvus de pilosité et le plus souvent d'oreilles, où sont tracés de façon très schématique des yeux, un nez, une bouche, l'autre partie présente des sujets plus élaborés. Dans la première de ces catégories, citons les têtes remployées sur des édifices civils à Chianale (fig. 26), à Sauze (fig. 27), à Tourrettes-surLoup et à Péone, celles des églises de Lantosque (baptistère), Soleilhas (chaînage d'angle), Saint-Sauveur, La Tour, Utelle (chapiteaux) (fig. 28, 29, 30), de la cathédrale de Vintimille (portail), etc. Cette rusticité peut être due à une imitation des sujets décoratifs des églises diffusés par les lapicides lombards et leurs continuateurs, à une absence de savoir-faire des constructeurs privés, ou plus simplement à l'utilisation de remplois (22). fig. 26 : Chianale fig. 27: Sauze 121 fig. 28 : Saint-Sauveur fig. 30 : Utelle fig. 29 : La Tour-sur-Tinée Au contraire, beaucoup ne sont pas exemptes d'expression, esquissant ici un sourire (23) (fig. 31), là une moue, ou mieux encore grimaçant plus ou moins. Ainsi, on peut parler d'yeux globuleux sur les maisons de Bonson (en clef d'encadrement de porte), de Sauze, de la ferme Boufaric à Péone (24), sur le bénitier de la chapelle Saint-Bernard à Roure, sur le baptistère de Saint-Auban, ou au portail de l'église de Saint-Martin-d' Entraunes. D'autres sont caractérisées par des joues saillantes (Chianale), des bouches lippues (Chianale, baptistère et moulin de Saint-Auban, Sospel) (fig. 32), des nez busqués (Puget-Théniers (fig. 33), Sauze, Massoins (fig. 34)), des arcades sourcilières proéminentes (Péone (fig. 35), Toudon, Cipières). La tête du bénitier de Revest (fig. 36), qui porte de curieuses scarifications sur les joues, reste un cas isolé. Quant aux coiffures, elles pourraient fournir un élément de datation. À Entraunes (fig. 37), dans le chaînage d'angle d' une demeure de la Grand 'Rue, la coiffe enveloppant oreilles, joues et cou, est féminine et se situerait entre la fin du XVe et le début du XVIe s. Des coiffes identiques figurent dans les Miséricorde et l' Ogn; Santi, œuvres peintes par Ludovic Bréa entre 1495 et 1513. Sur le bénitier de Massoins, l'une des quatre têtes porte un bonnet très aplati datable aussi de la fin du XVe s., proche de celui du personnage ornant une console ionisante sur le mur sud de San Siro à San Remo (fig. 38), rare exemple de quasi rondebosse. En revanche, et toujours à la même époque, au portail de Saint-Martin-d'Entraunes (fig. 39), figure sans risque d'erreur la tête tonsurée d'un moine, comme sur la console du portail de droite de la cathédrale d' Albenga (fig. 40) où le religieux porte le capuce (25). La tête mitrée, (d'un abbé de Lérins?) scellée sur la façade d'une maison de la rue Soleilhas à Tourrettes-sur-Loup (fig. 41), est un cas à part. Il s'agit du remploi d'une statue en marbre polychrome pouvant remonter au XIVe s. (sous réserve d'examen). Enfin moustache, barbe ou cheveux restent exceptionnels; c'est le cas à Massoins (fig. 42), Roure, Sospel, Saint-Étienne-de-Tinée, ou La Tour-sur-Tinée. fig. 31 : Emen fig. 32 : Sospel 122 fig. 33 : Puget-Théniers fig. 34 : Massoins fig. 36 : Revest (cliché: M. Bérard, Palais Lascaris, 1978) fig. 35 : Péone fig. 3 7 : Entraunes fig. 40 : Albenga fig. 38 : San Remo fig. 41 : Tourrettes-sur-Loup fig. 39: Saint-Martin-d'Entraunes fig. 42 : Massoins (cliché: M. Bérard, Palais Lascaris, 1978) 123 SYMBOLIQUE La signification des sculptures anthropomorphes sera très différente selon qu'elles ornent les supports architectoniques d'édifices religieux énumérés ci-dessus, leurs chevets et leurs murs en particulier, ou bien qu'elles sont remployées dans les façades d'édifices civils. Dans le premier cas, leur interprétation ne peut se faire individuellement, mais dans leur ensemble. En effet, les unes dépendent des autres et elles se succèdent dans une évocation de la puissance de l'Église face au bien et au mal. Mais, dans ce type de programme, leur interprétation individuelle restera souvent ambiguë. Elle le sera plus encore quand elles sont isolées, sur le mobilier sacré, ou sont des remplois sur des édifices civils, à moins que la volonté ornementale ou décorative soit avérée. La symbolique des têtes anthropomorphes sculptées pourrait être d'origine religieuse, personnifiant à la fois Dieu et l'homme, évoquant la naissance et la mort, ce qui justifierait leur présence sur des bénitiers, des lavabos de sacristie, des cuves baptismales, comme notamment celles des paroissiales de Saint-Auban (vallée de !'Estéron) (fig. 43) et de Lantosque (vallée de la Vésubie) (fig. 44). À Sauze, nombreuses, trois sont sur les façades de maisons dominant la paroissiale et d'autres sur la vasque du bénitier de cette église. La facture des premières (fig. 45, 46, 47), très simple, se limite aux yeux, nez, bouche, grossièrement sculptés en creux sur des blocs non équarris ; celles qui ornent le bénitier sont plus évoluées. Ajoutons, sans être exhaustif, une pierre, déjà citée (voir supra), juxtaposant deux têtes dans le chaînage d'angle du clocher de Saint-Martin-Vésubie (voir fig. 7) reconstruit autour de 1694; elle semble à l'évidence un remploi. Mais il reste impossible de la dater avec exactitude tout comme de préciser si elle associe les deux sexes. fig. 43 : Saint-Auban fig. 45 : Sauze fig. 44 : Lantosque fig . 46 : Sauze 124 fig. 47 : Sauze Ainsi, d'abord réservée aux édifices sacrés, la tête anthropomorphe semble avoir été adoptée ensuite comme palladium sur des constructions civiles (26). Elle peut aussi représenter les occupants de la maison protégés par Dieu, comme dans le fameux linteau de Font-Richier daté 1696, à Saumane (fig. 48) en HauteProvence. Encadrant un IHS gravé dans un cœur, les deux bras de Dieu viennent poser les mains sur les têtes des époux Dussaud (27). Ce thème reprend tardivement des modèles antiques de Provence étudiés par Fernand Benoit. Celui du mausolée d' Argenton (fig. 49) (voir supra) où ce serait un lion qui, posant sa patte sur l'une des deux têtes, exprimerait la victoire sur la mort et la protection des défunts dans l'au-delà (28). Cette symbolique est illustrée de manière identique par la Vénus d'Espeyran en Camargue, statuette du Ier ou Ile s. qui, en posant la main sur une tête, accorde sa protection au disparu. C'est ce qu'évoque sans doute le héros d'Entremont imposant sa main sur une tête coupée. C'est l'image d' une union quasi mystique entre le défunt et le dieu qui lui ouvre les portes de !'Hadès (29). On rejoint ainsi la symbolique des marcolfe citée plus haut. fig. 49 : Argenton - Le Fugeret fig. 48 : Saumane Lorsqu'elle est en place, la sculpture est soit sur le claveau d'un arc d'encadrement de portail, cas rencontré à Bonson (vallée de !'Estéron) (fig. 50) et à Péone (Place Thomas Guérin, haute vallée du VarTuébi) (fig 51), soit sur les corbeaux soutenant Je linteau d'une porte, ce que l'on voit à Saint-Auban (haut Estéron) (fig. 52). Puis elle est entrée dans le légendaire local : à Tourette-du-Château on voit la tête du comte de Beuil (fig. 53) qui, Je 9 janvier 1621, fut assiégé dans la citadelle du lieu, capturé et exécuté incontinent. Un exemple nous paraît plus intime, celui de l'enseigne d'un maître forgeron d'Utelle (fig. 54) qui, à ses principaux outils, ajoute une tête (la sienne? celle du maître qui l'a formé?) (30). Il est de rares localités où les exemples se multiplient. Nous avons cité Sauze dans la haute vallée du Var. À Chianale, gros village de l'ancien escarton piémontais de Château-Dauphin, au pied des cols Agnel et Saint-Véran, passages vers le Queyras, elles sont nombreuses au point que la tradition en a été reprise. À la suite des remplois fixés sur la porte cochère d'une ferme datée 1881 et sur les piliers d'une cour, une moins ancienne sert de bec à la fontaine du pont (XVIIIe/XIXe s. ?) et d'autres très récentes ornent les boites aux lettres (fig. 55) ou les portes. De même, à Entraunes, la porte récemment refaite d'une maison Montée de l'Église est ornée sur ses jambages de deux têtes coupées (fig. 56). Grâce à ces remplois, on peut ainsi considérer que la très ancienne tradition du palladium, placé dans la façade de la maison ou sur le linteau de sa porte, se maintient à travers les siècles jusqu'à nos jours. Elle s'ajoute à d'autres : divers objets brillants dont des assiettes vernissées (31 ), ou des cyprès plantés à 1'entrée du domaine, symboles de bon accueil dans la paix, mais aussi de défi face à la mort et donc d'espérance (32). À La Tour-sur-Tinée, l'interprétation des sculptures de la maison médiévale Trucchi, dite à tort des Templiers, est plus délicate. Les deux niveaux de cette construction datable de la fin du XVe s. étaient accessibles par des portes aujourd'hui cachées par une extension moderne. Celle du bas, appareillée en plein cintre, porte au centre supérieur une tête à longues boucles que picore un oiseau (fig. 57); au-dessus, l'autre, en arc brisé, est ornée de fleurs à cinq et sept pétales, l'une sur Je claveau, les autres sur les jambages où elles surmontent une tête chauve à gauche (fig. 58), une tête hirsute et lippue en face. La sculpture inférieure ne saurait être confondue avec une figuration de saint Grégoire-le-Grand; ce pape était inspiré par !'Esprit-Saint qui, sous forme d'une colombe, chuchotait à son oreille. C'est sans doute le sens de la pierre de l'évêque, linteau grossièrement sculpté du village de Briançonnet (fig. 59). On connaît des armoiries dont les meubles sont une tête d'homme picotée par un oiseau, mais ici la disposition n'est pas celle d'un blason (33). Les sculptures de la porte du haut doivent être interprétées dans leur ensemble. On sait que les fleurs ont des symboliques religieuses variées en fonction du nombre de pétales. Les têtes pourraient évoquer le juste face au diable (?). 125 fig. 50 : Bonson fig. 52 : Saint-Auban fig. 51 : Péone fig. 53 : Tourette-du-Château fig. 54 : Utelle fig. 55 : Chianale fig. 57: La Tour-sur-Tinée fig. 58 : La Tour-sur-Tinée fig. 56 : Entraunes fig. 59 : Briançonnet 126 SCULPTURES ZOOMORPHES Plus rarement on trouve des formes zoomorphes. Le portail de Saint-Martin-d'Entraunes, déjà cité, comporte une tête de bélier (fig. 60), comme sur les corbeaux supportant les nervures des voûtes de l'église Saint-Michel du Gast à Roquebillière (vallée de la Vésubie). À Collongues (fig. 61), sur l'imposte du linteau d' une maison civile, ce serait une tête d' ours(?). À Cenoa (Ligurie, val d'Aroscia) (fig. 62), sur des supports identiques s'opposent deux têtes de loups. À Vinadio encore (fig. 63), les consoles soutenant le linteau du portail de San Fiorenzo (1468) portent les têtes d'un loup et d'un lion affrontées. Il s'agit alors d'exorciser Je mauvais œil, la force brutale de la mort (34). Au portail de Vintimille déjà évoqué, deux chapiteaux voisinent (fig. 64). Sur l'un, un ange tenant la Croix domine deux têtes coupées, une autre, sur Je suivant, est rongée par deux canidés. Peut-on y voir une image de la rédemption opposée à celle de l'enfer? Enfin, ajoutons qu'il n'est pas rare que l'eau des fontaines jaillisse de la bouche d'une tête humaine. On peut alors faire référence à l'eau pure qui sort de la bouche du chrétien, à l'eau baptismale du catéchumène, à l'eau source de vie. Inversement, dans le cas d'une tête zoomorphe, on pourrait évoquer l'eau sacrée exorcisant le mal, le paganisme. Cette interprétation peut être admise pour les bénitiers, réceptacles d'une eau sacrée par excellence, ornés de têtes manifestement monstrueuses, diaboliques, comme ceux de la façade de la chapelle Saint-Sébastien de Roure (vallée de la Tinée) (fig. 65) et de l'église de Revest-les-Roches, et du lavabo de la sacristie à Toudon (fig. 66) (ces deux derniers lieux dans !' Estéron). Le diable étant ainsi subjugué, le péché originel, le mal, est exorcisé, comme il l est dans la belle sculpture en haut-relief qui ornait jadis la chapelle Saint-Antoine-Abbé à Saint-Étienne-de-Tinée (fig. 67) : sous un arc en accolade le saint portant le tau, entre son cochon et un pèlerin agenouillé, se dresse sur un soubassement qui écrase un télamon et deux têtes grimaçantes. fig. 60: Saint-Martin-d'Entraunes fig. 61 : Collongues fig. 62 : Cenoa fig. 63 : Vinadio 127 fig. 64 : Vintimille fig. 65 : Roure fig. 66 : Toudon fig. 67 : Saint-Étienne-de-Tinée Enfin nous devons mentionner deux sculptures un peu étrangères à notre recherche (fig. 68, 69) : celle d'une tête de taureau dans l'angle sud de la façade de l'église romane de Châteauneuf-Villevieille et celle d'un ours à long cou haut placée dans le chaînage d'angle d'une maison civile bordant la place de Péone. Sur la première, Jacques Thirion, dans ses études de cette église, reste vague, tandis que Durante, repris par Martel, y voyait, avec exagération, un vestige d'un culte phénicien diffusé par les Phocéens. La seconde, qui figure dans l'inventaire de Péone, pourrait avoir occupé le rôle de palladium sur l'une des tours de l'ancien rempart, laquelle remonte au début du XVe s. et a été modernisée dans la seconde moitié du XVIe s. (35). 128 fig. 68, 69 : Châteauneuf-Villevieille et Péone ESSAI DE DATATJON Leur datation est très délicate. D'abord, il faut tenir compte des remplois de sculptures pouvant remonter aux alentours de I'An Mil. Ensuite, dans les hautes vallées de nos montagnes, la sculpture populaire est restée souvent fruste et rustique, et donc des imitations y peuvent être tardives. Enfin ces motifs ont perduré jusqu'au XIXe s. au moins et des répliques ont même été reprises plus récemment à la fin du XXe s., nous l'avons dit. Dès l'époque carolingienne, la tête anthropomorphe devient un motif ornemental sculpté. Il se maintient au fil des siècles et connaît une grande diffusion à l'époque romane sur les chapiteaux et sur les bases de colonnes des églises et des cloîtres. Dans le comté de Nice, c'est le cas des bases de colonnes de la paroissiale de Levens qui ne semblent pas antérieures à la fin du XVe s., voire au début du XVIe; il est peu probable qu'il s'agisse de remplois plus anciens. Mais leur interprétation reste aléatoire (36). Notons seulement que la base des colonnettes du portail de Vintimille cité plus haut (fig. 70), porte des têtes, mais la gravure en est très usée. Dans la proche Provence orientale, elles ornent le portail de l'église de Valbonne (fig. 71) achevée en 1200. En pays niçois, des bénitiers, creusés dans un bloc carré, portés par une courte colonne sur base, comportent une tête à chacun des angles. À Bairols (fig. 72), Clans (fig. 73), Massoins (fig. 74), tous sculptés dans un calcaire dur, ils semblent contemporains: XIVe ou XVe s. (?). Ces quatre têtes autour de ces vasques d'eau sacrée représenteraient les quatre fleuves du Paradis. Pour l'aire de nos recherches, les datations les plus sûres se situent sur le pourtour italien du comté de Nice. L'une est celle des deux chapiteaux du porche de l'église San Fiorenzo à Vinadio: l'un porte le millésime 1468 et le second deux têtes. Une autre, 1494, est gravée sur le tailloir d'un chapiteau portant boutons, volutes et tête coupée du parvis de San Giovanni à Cenoa (fig. 75). Une autre encore concerne deux têtes d'un style très archaïque, avec yeux globuleux, barbe et tresse servant de chevelure ou de coiffure, ornant le linteau de l'église San Pietro de Ceriana près de San Remo (fig. 76). Ce linteau, œuvre du maître Lazarinus de Cenoa de la vallée de 1' Aroscia (arrière-pays d'Imperia), est précisément daté du 26 avril 1513. Et il est totalement exclu, dans ces trois cas, que ces têtes puissent être des remplois (37). On les retrouve sur les culots recevant les nervures des voûtes et sur les chapiteaux des églises gothiques construites au début du XVIe s., comme à La Tour, Utelle (voir fig. 29, 30), Roquebillière, ce dernier édifice précisément achevé en 1533, etc. Contemporaine, l'église SS. Nazaro e Celso d'Aurigo (1498) (fig. 77), près d'lmperia, détient peutêtre un record avec un chapiteau portant huit têtes, quatre placées sur les angles du tailloir et quatre sur la corbeille. 129 fig. 72 : Bairols fig. 70 : Vintimille fig. 71 : Valbonne fig. 75: Cenoa fig . 73 : Clans fig. 74 : Massoins fig. 76: Ceriana 130 fig. 77 : Aurigo Les XVIIe et XVIIIe s. fournissent aussi des exemples précis. Plusieurs bénitiers des paroissiales de la haute vallée du Var sont ornés de têtes. À Saint-Martin-d'Entraunes, sur l'extérieur de la vasque tulipée qui porte la date de 1667, deux sont sculptées en petits bas-reliefs (fig. 78); Alexis Mossa en a laissé un dessin à la plume. À Saint-Pierre de Villeneuve-d'Entraunes (fig. 79), d'autres cantonnent un bénitier qui ne remonte pas au-delà du dernier tiers du XVIIe s. Sur celui de Sauze, déjà cité, lui aussi de la fin du XVIIe s., elles sont plus petites et plus élaborées. En revanche, la datation du bénitier de Châteauneuf-d'Entraunes, également orné de têtes, sera plus discutable en raison de son caractère archaïque. Tout près, à Saint-Martin (fig. 80), une tête étrange, mi-homme mi-animal, posée sur le vestige d'un petit chapiteau ionisant renversé, était dans une niche d'angle d'une grange; nous ne savons pas dater cette sculpture qui a été déplacée par mesure conservatoire. L'extrémité saillante des poutres de certaines constructions est sculptée de têtes. Celles que nous avons signalées sur des maisons civiles de la Coste à Puget-Théniers (fig. 81) et de la place Saint-Michel à Sospel (38) (fig. 82) remontent à la fin du Moyen Âge (fin XIVe s.? première moitié du XVe?). Au contraire, celles de la toiture côté façade de la chapelle Saint-Sauveur à Estenc (fig. 83) ne devraient pas être antérieures à 1722, date de construction de l'édifice, sauf remploi de ces poutres (?). Malheureusement, elles ont disparu lors d'une réfection de la toiture. Ce type de décor se perpétue ensuite jusqu'à l'époque baroque. À partir de la Renaissance, il se transpose alors souvent dans le domaine ornemental avec, notamment, des têtes d'anges. Mais la tradition du protomé apotropaïque est conservée dans de petites localités rurales, comme à Bouriège dans l'Aude où il est daté de 1822 (39). Un autre support est à la fois plus rare et plus inattendu : les anses de certaines cloches. Dans une récente enquête campanaire, nous avons attiré l' attention sur le cas d'une cloche niçoise. Fondue par l'atelier des Vagion en 1666 (fig. 84), elle a été d'abord dans la tour de l' horloge qui se dressait en haut du Malonat. Après la destruction de cet édifice en 1704, elle a été réinstallée dans la nouvelle tour de l'horloge achevée en 1723 sur l'actuelle place du Palais où elle se trouve encore. Chacune de ses anses est sculptée de têtes anthropomorphes (40). Doit-on y voir des anges déchus asservis supportant l'énorme poids, 2600 à 2800 kg, de cette voix de Dieu chargée d'appeler les fidèles aux divers devoirs religieux et profanes? fig. 78: Saint-Martin-d'Entraunes fig. 80: Saint-Martin-d'Entraunes fig. 81 : Puget-Théniers fig. 79: Villeneuve-d'Entraunes fig. 82 : Sospel 131 fig. 84 : Nice fig. 83 : Estenc CONCLUSION Pour la France, concluons en évoquant, à propos de ces têtes coupées, ou simplement isolées, celles des stèles anthropomorphes, dites aussi statues-menhirs, de Corse (Ile millénaire av. n. è.), du Rouergue où elles font l'orgueil du musée Fenaille de Rodez (3300-2200 av. n. è.), et de Provence présentées aux musées Calvet d'Avignon et du pays brignolais à Brignoles (41 ). La Renaissance transforme radicalement le rôle de ces têtes. Le plus souvent, leur symbolique disparaît pour les réduire à un rôle ornemental que l'art baroque amplifiera, principalement sur les fontaines et le haut des portes des demeures (fig. 85). C'est ainsi qu'il faut considérer la tête de marquise, au cou portant de nombreux rangs de perles, qui orne la façade de la maison Cazon datée 1766 au linteau, dans le hameau des Tourrès, commune de Châteauneuf-d'Entraunes (fig. 86). fig. 85 : Vence fig. 86 : Châteauneuf-d'Entraunes 132 NOTES ( 1) - Généralités et rapprochements : Pour Entremont et la Provence: Régis Bertrand, 1989, Histoire et art, in Provence, Éd. Christine Bonneton, Paris, p. 15. François Salviat, 1973, Entremont antique, Éd. Amis d'Entremont, Aix-en-Provence. Pour Sauze: Plures, Le pré-inventaire d'une commune du haut-Var: Sauze, in Reflets des A.-M., Bulletin d'information de la préfecture des A.-M., n° 1, 4e trimestre 1976, p. 47 à 50. Pour la vallée de !'Estéron: Luc Thevenon, Le patrimoine religieux de la vallée de !'Estéron, in L'Estéron, terre frontière, Nice-Historique, n°4, octobre-décembre 2008, p. 336-379 (ph.). (2) - Luc Thevenon, L'art religieux de la haute vallée du Var et du Canton de Guillaumes, in À la découverte de la haute vallée du Var, Nice-Historique, n° 2 & 3 avril-septembre 2002, p. 156-57; Le patrimoine religieux de la vallée de !'Estéron, in L'Estéron terre frontière, Nice-Historique, n° 4, octobre-décembre 2008, p 348-349. (3) - Pour le Piémont nous citerons, entre nombreux exemples, le village de Chianale dans le Val Varaita, où de nombreuses têtes sculptées, d'époques variées, sont insérées dans les façades de maisons civiles et d'édifices religieux. (4) - Roland Dufrenne, Aspects rituels et cultuels de l'aven de la Mort-de-Lambert (Valbonne), in Archéam n° 9, 20012002, p. 21-22. (5) - Franco Ferrero, 1999, Questa nostra terra. le realtà cultura/i del ponente ligure, Bacchetta, Albenga, p. 54-55. Toutefois l'auteur assimile à tort à ces têtes anthropomorphes, les effigies à l 'Antique de médaillons souvent placés, dès les dernières années du XVe et au XVIe siècle, sur les jambages des portails principaux de résidences ou d'églises. lis représentent soit Je couple des propriétaires, soit des héros de l'histoire romaine, comme Mucius Scaevola, Horatius Coclès, Marcus Curtius, etc. C'est le cas des sculptures de Mendatica (p. 54), Diano-Castello (p. 132), Triora (p. 347), Soldano (p. 384), Pigna (p. 415). À Triora, sur le linteau de l'oratoire San Giovanni (p. 346), il s'agit de représentations anthropomorphiques du soleil et de la lune. (6) - Fulvio Cervini, 200 l, Talismani di petre - Sculture apotropaiche ne/le fonti medievali, in Lares, Revue trimestrielle de démographie, ethnographie et archéologie, vol. 67, n° 1, Florence, p. 165-188. Voir aussi: Medioevo.forum.free.net : Janus medioevoforum médievale iconograjia e simboli. (7) - Luc Thevenon, L'art religieux de la haute vallée du Yar et du canton de Guillaumes, in À la découverte de la haute vallée du Var, Nice-Historique, n° 2 & 3, avril-septembre 2002, p. 117-1 19 (ph.). (8) - Signalés d'abord par Étienne-Antoine Rouard, 1852, Bas-reliefs gaulois trouvés à Entremont près d'Aix-enProvence, Mémoire, lmp. Tavernier, Aix, ils ont été étudiés ensuite par Fernand Benoit, 1957, Entremont, capitale celto-ligure des Salyens de Provence, La Pensée universitaire, Aix-en-Provence, réédité par Orphys en 1969 et par François Salviat, 1973, Entremont antique, Éd. Amis d' Entremont, Aix-en-Provence. (9) - F. Cognard, L.-F. Gantès, B. Lescure, 1994, Le sanctuaire celto-ligure de Roquepertuse, Archéologia, n° 303, Paris. Site des Bouches-du-Rhône dans la vallée de I'Arc, des fouilles y ont été effectuées à partir de 1919 et durant !'Entre-Deux-Guerres. Dirigées par le comte Henri de Gérin-Ricard, conservateur-adjoint du musée Borély, elles ont dégagé un sanctuaire celto-ligure du Ille s. av. n. è. li comportait notamment un portique avec alvéoles pour exposition de crânes, un buste biface en Hermès, des statues de dieux ou de prêtres assis en tailleur. Ces découvert.e s sont présentées au musée archéologique de la Vieille Charité à Marseille. Henri de Gérin-Ricard, Abbé Gustave-Henri Arnaud d'Agnel, 1907, Les antiquités de la vallée de !'Arc en Provence, Publications de la Société d'Études Provençales, Éd. d' Aix, réédité par Laffitte Reprints, Marseille, 1979. Une nouvelle campagne de fouilles eut lieu de 1992 à 2002. (10) - Fernand Benoit, L'aire méditerranéenne de la tête coupée, Revue d'Études Ligures, XVe année, n° 3-4, juilletdécembre 1949, p. 243-244; cet article, qui couvre les pages 243 à 255, a fait l'objet d'un complément : Note additive, Revue d'Études Ligures, XVIIe année, n° 1, janvier-mars 1951, p. 38-41. Jean Chevalier & Alain Gheerbrant, 1990, Dictionnaire des symboles, coll. Bouquins, Robert Laffont, Paris, p. 943. ( 11) - Roland Dufrenne, op. cit., p. 2 1. (12) - Sur le rituel de la «prise de crâne», voir Jean-Louis Brunaux, 2005, Les Gaulois, Les Belles Lettres, Paris, p. 190-192. 133 ( 13) - Panni les auteurs de l 'Antiquité romaine qui relèvent ces pratiques, citons Tite-Live, Histoire romaine, XXIII, 24, relatant l'anéantissement en mars 215 de l'année du consul Postumius: [... ]sa tête, séparée de son corps, fut portée en triomphe par les Boïens dans le temple le plus respecté chez cette nation ; puis, la tête fut vidée, et le crâne, selon l'usage de ces peuples, orné d'un cercle d'or ciselé, leur servit de vase sacré [ ... ], Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre V, 29 : Aux ennemis tombés, ils coupent la tête et l'attachent au cou de leurs chevaux. [... ]lis clouent ces trophées aux maisons, ainsi que d'autres le font à l'égard des animaux pris à la chasse. Quant aux têtes des ennemis les plus renommés, ils les embaument avec de l'huile de cèdre [ ... ]. Ils les montrent aux étrangers en se glorifiant que leurs pères eux-mêmes n 'ont pas voulu donner ces trophées pour beaucoup d'argent. On dit que quelques-uns d'entre eux, [... ]se sont vantés den 'avoir pas voulu vendre une tête contre son poids d'or, et Strabon, Géographie, IV, IV, 5 : [ ...] se rattache une coutume barbare, monstrueuse, inhérente au caractère des peuples du nord: au sortir du combat, ils suspendent au cou de leurs chevaux les têtes de leurs ennemis, et quand ils les ont apportées chez eux, ils les clouent dans les vestibules, ou devant les portes de leurs maisons. (14) - Louis Réau, 1958, Iconographie de l'art chrétien, t. lll, Iconographie des saints, vol. 1 A-F, PUF, Paris, p. 285288, qui donne une liste d'une cinquantaine de saints et saintes céphalophores. Voir aussi Fulvio Cervini, Scultura romanicafra le Alpe meridionali e il mare: maestranze e programmi, in Da/l'antichità aile crociate. Archeo/ogia, arte, storia /igure-provenzale, Actes du colloque d'lmperia, 5-6 décembre 1995, Éd. Rivista lngauna e lntemelia, Bordighera, 1998, p. 52-53. (15) - Pour Soleilhas, les têtes sont sculptées sur les deux faces d'un même bloc qui porte grossièrement gravé le millésime 1651 ou 1657 ; ce serait la date du remploi, lors de la reconstruction partielle de l'édifice. Voir Luc Thevenon, Églises romanes de la vallée de !'Estéron, in L'Estéron, terre frontière, Nice-Historique, n° 4, octobredécembre 2008, p. 333-334. (16) - L'art du Moyen Âge a donné à la Prudence et à la Vigilance trois visages. Voir Guy de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane, Droz, Genève, 1997, pp 471-72. Voir aussi: Costanza Fusconi, Il restaura della pietra: il portale della cattedrale di Ventimiglia, in Dall'antichità aile crociate. Archeo/ogia, arte, storia ligure-provenzale, Actes du colloque d'lmperia, 5-6 décembre 1995, Éd. Rivista lngauna e Intemelia, Bordighera, 1998, p. 213-226. ( 17) - Fulvio Cervini, 2002, Liguria romanica, Jaca Book, Milan, p. 17-18. (18) - Dans ce domaine, les publications, courtes monographies et articles, sont nombreuses. Nous nous limitons à citer les « grands classiques » : Nino Lamboglia 1970, I monumenti medioevali della Liguria di Ponente, Turin, et 1963, I monumenti delle va/li di Imperia, Bordighera, réédité en 1986, Fulvio Cervini, 2002, Liguria romanica, Jaca Book, Milan. Pour la loggia consulaire de Vintimille, nous remercions Madame Marianne Pennine des photos qu'elle nous a aimablement communiquées. (19)- Voir photo dans Luc Thevenon, Le patrimoine religieux de la vallée de !'Estéron, op. cit., p. 349. (20)- Luc Thevenon, 1983, L'art du Moyen-âge dans les Alpes méridionales, Serre, Nice, p. 49. (21) - Paola Camuffo, Protomi antropomorfe: spunti di riflessione sui/a decorazione architettonica negli edifici religiosi della Corsica, in Corse d'hier et de demain, Histoire & archéologie médiévales, nouvelle série n° 4, Actes du colloque de Bastia du 24 juin 2011, Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, Bastia, 2e trimestre 2013, p. 129, 131 ; l'auteure donne in fine une importante bibliographie. (22) - ibidem, p. 132-133. (23) - Dans l'église Saint-Georges à Emen (haute vallée du Rhône, canton du Valais, Suisse), nous avons rencontré un bénitier orné d'une tête gravée souriante. (24) - Cette tête a été relevée par Claude Salicis, 2011, Premier inventaire archéologique, historique et ethnographique de la commune de Péone, in Péone au fil des siècles, Mémoires de l'IPAAM, t. Lil/Llll - 2010/2011, Nice, p. 36, n° 57 et p. 51, fig. 62. (25) - Si le portail de Saint-Martin-d'Entraunes, nous l'avons dit, est bien daté, la cathédrale d' Albenga reconstruite à l'extrême fin du Xllle s. a subi ensuite et jusqu'au début du XVe s. beaucoup de modifications et d'adjonctions: Fulvio Cervini, Liguria romanica, op. cit., p. 54-63, en particulier p. 62; l'auteur donne plusieurs photos de sculptures anthropomorphes. (26) - Edmond Rossi, Les aventures du diable en pays d'azur, Alandis Éditions, Cannes, développe ce thème. 134 (27) - Pierre Martel, La terre et Je sacré, protections religieuses en Haute Provence, Alpes de Lumières, n° 84, 4e trimestre 1983, Salagon, p. 2. (28) - Géraldine Bérard, 1997, Carte archéologique de la Gaule, Alpes-de-Haute-Provence 04, Académie des Inscriptions & Belles Lettres - CID, Paris, p. 207-209, donne un compte-rendu détaillé des recherches conduites à partir de 1988 par Anne Roth-Congès sur Je monument d' Argenton, assorti d'une bibliographie détaillée. Nous avions nousmême visité ce site et photographié ses divers éléments le 3 novembre 1987. (29) - Fernand Benoit, L'aire méditerranéenne de la« tête coupée», op. cit., p. 247, 249, l'auteur s'étend en détail sur Je symbole de l'imposition de la main sur la tête coupée; compte-rendu par Simone Deyts, 1977, in Revue belge de philologie et d' histoire, vol. 55, n° 1, p. 136 ; Fernand Benoit, 1970, Le symbolisme dans les sanctuaires de la Gaule, Coll. Latomus, Revue d'études latines, vol. 105, Bruxelles, défini par l'auteur comme son« testament scientifique», où il donne ces deux exemples. (30) - Luc Thevenon, 2008, Enseignes d'artisans dans les Alpes-Maritimes XVe-XIXe s., Matériaux pour un inventaire, Archéam, Cahiers du Cercle d' Histoire et d' Archéologie des A.-M., n° 15, p. 196. (31) - Fernand Benoit, 1975, La Provence et le Comtat Venaissin, arts et traditions populaires, Aubanel, Avignon, p. 77. (32)- Michel Cazenave (dir.), 1997, Encyclopédie des symboles, Pochothèque-LdP, Paris, p. 185-186. (33) - Le plus célèbre de ces blasons est, à partir de 1599, celui des Schwarzenberg-Seinsheim, famille tchèque propriétaire de nombreux châteaux en Bohème où l'on peut voir ses armoiries, dont celle d'or, à un corbeau de sable, colleté du champ, perché sur une tête de Turc au naturel et lui crevant un œil qui figurera toujours dans la composition de ses blasons successifs. On le retrouve chez les théatins de Palenne. (34) - Pierre Martel, La terre et le sacré, op. cit., p. 2-3. Fernand Benoit, L'aire méditerranéenne de la «tête coupée», op. cit., p. 251 et idem, Le cerbère de Gênes et les «têtes coupées» de la Narbonnaise, in Atti del IXe convegno sociale à Finale 24-30 août 1946, Revue d'Études Ligures, Xlle année, n° 1-3, janvier-septembre 1946, p. 80, 82. (35) - Pour Châteauneuf: Jacques Thirion, 1980, Alpes romanes, Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, p. 102, et Jean-Baptiste Martel, 1988, Histoire de Châteauneuf de Contes, réédition, Serre, Nice, p. 177. Le baron Louis Durante dit avoir examiné cette sculpture en avril 1841 en compagnie de l' archéologue anglais sir John Boileau (Londres 1794 - Torquay 1869). Pour Péone : Claude Salicis, 20 11, Premier inventaire archéologique, historique et ethnographique de la commune de Péone, op. cit., p. 31 n° 2c ; Jean-Claude Poteur, Quelques aspects de Péone au Moyen Âge, in Péone au fil des siècles, op. cit., p. 154: « Nous sommes en présence d'une fortification dressée vers 1400 et dont la défense a été remise à jour entre 1550 et 1600 ». (36) - Ces sculptures ont fait l'objet d' une première présentation par Georges Brétaudeau, 1999, Un ensemble très rare de colonnes à griffes : l'église Saint-Antonin de Levens (06), Mémoires de l' IPAAM, t. XLI, p. 89-103. Une étude beaucoup plus fouillée vient d'être publiée par Esther Druaux, 2013, Lecture des têtes des colonnes à griffes de l'église Saint-Antonin de Levens (06) : une illustration des textes majeurs de Bernard de Clairvaux (1090-1 153), Mémoires de l' IPAAM, t. LV, p. 143-174. (37) - C'est à des ateliers de lapicides de même ongme, la haute Aroscia, Cenoa notamment, que l'on doit les chapiteaux et les bases sculptés de colonnes et de portails de plusieurs des églises gothiques du pays niçois, comme celles de La Tour ou d'Utelle; les cartouches crucifères qui y figurent ne doivent pas être pris pour des armoiries de la Maison de Savoie, mais pour la marque de ces ateliers qui, relevant de Gênes, en empruntent Je blason. Nous en voyons deux raisons : ils n' occupent pas une position ostentatoire mais discrète et on les trouve aussi dans des régions de Ligurie n'appartenant pas à la Savoie. Toutefois, à Vinadio, l'écu frappé d'une croix est bien aux armes de Savoie, mais c'est un rajout tardif. D'autre part nous indiquons ici quelques repères. Les datations précises en Ligurie du ponant, et dans une moindre part en Piémont cispadan, sont nombreuses. A Millesimo, dans l'ancien cloître de S Stefano, déjà publié par Nino Lamboglia, un chapiteau avec tête coupée porte la date de 1456, etc. (38) - Luc Thevenon, Les arts dans le pays sospellois, in La cité de Sospel, Nice-Historique, n° 3, juillet-septembre 1999, p. 166 (ph.). (39) - Jean Guilaine, Guy Rancoule, Tête coupée du XIXe s. à Bouriège (Aude), in Folklore, Revue d'ethnographie méridionale, t. XVI, n° 111, 26e année, n° 3, automne 1963, Carcassonne, p. 23-24. 135 (40) - Luc Thevenon, Cloches et fondeurs de Nice et du Comté, in Quand les cloches rythmaient Je temps, NiceHistorique, n° 1 & 2,janvier-juin 2014, p. 40, 61-63 (ph.). (41) - Voir Annie Philippon (dir.), 2002, Statues-menhirs, des énigmes de pierre venues du fond des âges, Éd. du Rouergue, Rodez, 270 p.; André D'Anna, Stéphane Renault, 2004, Stèles anthropomorphes néolithiques de Provence, Éd. de l'Établissement public Calvet, Avignon, 96 p. (très importante bibliographie sur Je sujet); Laurent-Jacques Costa, 2009, Monuments préhistoriques de Corse, Éd. Errance. 136