6. Les industries de création
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6. Les industries de création
La place de la région dans le monde et en Europe 6. Les industries de création 6.1 Un grand passé, un dynamisme inégal Les « industries de création » sont plus que jamais un moteur de l’économie métropolitaine dont l’élément clé sont les possibilités d’échanges d’information qu’elles offrent 88. Les entreprises de ces industries sont des facteurs essentiels du rayonnement et de l’économie de l’Île-de-France. Or, un chercheur qui les analyse depuis longtemps laisse penser qu’il y aurait un problème spécifiquement francilien de déclin de ces « industries »89. En effet, ce qu’il appelle « économie culturelle » de Paris aurait souffert depuis un siècle, et spécialement depuis la seconde guerre mondiale, d’une certaine perte de vitesse, au point d’avoir été dépassée par de nouveaux points focaux (« hubs ») de cette économie mondiale : Los Angeles, Tokyo, la « troisième Italie ». Ce chercheur admet néanmoins que Paris reste un site majeur pour de nombreux types d’industries créatives et de productions culturelles – l’habillement et la bijouterie d’un côté, le cinéma et le disque de l’autre. Paris dispose toujours de réseaux très denses de créateurs, d’actifs hautement qualifiés, de syndicats professionnels qui peuvent encore s’appuyer sur des traditions restées vivantes et des réputations de savoir-faire héritées de longs passés dans la plupart des industries créatives de « biens symboliques » - dans l’habillement comme dans la maroquinerie, dans l’édition comme dans la parfumerie, dans les cosmétiques comme dans le mobilier, dans la bijouterie comme dans le cinéma, le disque ou le multimédia. De plus, les entreprises bénéficient de biens publics – monuments et musées, galeries d’art et grands évènements culturels – qui donnent à la région une image d’une puissance à peu près unique. Cependant la comparaison avec d’autres métropoles ou districts d’industries créatives ne serait pas favorable à l’Île-de-France, dont les petites entreprises n’auraient pas eu le même dynamisme que leurs concurrentes italiennes, étant pénalisées par les difficultés d’accès au capital et par la pénurie permanente de personnel bien formé. Quant aux pouvoirs publics, ils se seraient cantonnés dans une attitude défensive de protection de l’exception culturelle et abandonné, ce faisant, une grande partie du « patrimoine » qu’étaient les traditions des métiers de création, en particulier des articles dits « de Paris ». Même les entreprises du comité Colbert perdraient des parts de leurs marchés respectifs90. Leur succès plutôt relatif serait dû au non respect d’un certain nombre de conditions par ces entreprises : • Existence de lieux de formation et d’établissements de recherche pour l’innovation. Cette condition n’est satisfaite que pour un certain nombre d’activités, qui ont leurs écoles – l’Institut français de la mode pour l’habillement, la FEMIS pour le cinéma, l’Université du luxe pour le Comité Colbert – ou reçoivent l’appui 88 Le développement des métropoles : moteurs, hiérarchies, structures, thème de la rencontre avec sir Peter Hall. Direction régionale de l’équipement, 18 juin 2002 89 Allen J. SCOTT (Department of Geography, University of California, Los Angeles). Note The Cultural Economy of Paris, 1999, 29 pages Ce travail a été repris dans un livre ambitieux, couvrant les activités créatives à travers le monde : Allen J. SCOTT. The Cultural Economy of Cities: Essays on the Geography of Image-Producing Industries. Los Angeles, University of California Press, 2000, 256 pages 90 Allen SCOTT cite à ce propos Louis BERGERON (Les industries du luxe en France. Odile Jacob, 1998) 61 La place de la région dans le monde et en Europe d’organismes publics ou interprofessionnels de recherche : Centre technique du bois et de l’ameublement pour le mobilier, Centre technique du textile et de l’habillement • Existence de salons professionnels capables d’attirer les acheteurs du monde entier, tels ceux organisés par la Fédération française du prêt-à-porter féminin • Volonté de prendre des risques industriels pour entreprendre et innover • Capacité d’exporter en vendant dans le monde entier. Ces conditions ne seraient satisfaites que pour un petit nombre de branches91. 6.2 …mais aussi les premières entreprises mondiales En fait, les industries créatives ont deux catégories d’entreprises permettant de combiner au mieux - selon les produits, les marchés et les circonstances – deux grands types d’intrants, le travail de création d’une part, les activités « classiques » de toute entreprise d’autre part. Il y a donc d’une part des entreprises petites ou au plus moyennes privilégiant la création, et d’autre part des multinationales assurant la fabrication et la vente, même – et surtout – au détail92. L’Île-de-France a eu la chance de voir un certain nombre de ses entreprises croître ou en mesure de « fédérer » des concurrents pour devenir des multinationales. L’Oréal Le premier cas exemplaire de croissance est évidemment l’Oréal, numéro un mondial des cosmétiques. Exemplaire d’abord par la taille atteinte : un chiffre d’affaires mondial de 14,288 milliards d’euros en 2002. Mais aussi par la hausse continue du profit annuel, qui a encore augmenté de 18,5 % l’année dernière, après dix-huit années consécutives de croissance à deux chiffres (alors que les ventes n’ont augmenté « que » de 4,8 %). Exemplaire par sa capacité d’innovation et sa vigilance concernant la qualité des produits. Exemplaire enfin par la découverte permanente de l’existence de nouveaux marchés et de nouvelles niches : ainsi la part des ventes dans les pays émergeants dans son chiffre d’affaires est-elle passée de 6,8 % à 16,7 % au cours de la dernière décennie. « Le reste du monde qui croît deux fois plus vite que les pays développés : il y a là « un immense réservoir de croissance future, sur lequel L’Oréal est particulièrement bien positionné » constatait Lindsay Owen-Jones en commentant les derniers résultats. De plus, « les pays développés hors Japon évoluent presque au rythme de l’ensemble du marché cosmétique. Ce dernier phénomène, « le plus remarquable » s’explique notamment par l’extension régulière de l’âge des consommatrices : il y a vingt ans, la moitié des femmes utilisaient une crème de soin ; aujourd’hui la proportion est de deux tiers. Elle pourrait atteindre 80% à l’horizon 2015. ». Et il y a encore bien d’ « autres moteurs de croissance, le développement du marché des 91 Selon des travaux déjà anciens, telle la recherche de Dominique TADDEI et Benjamin CORIAT, Made in France : l’industrie française dans la compétition mondiale, de 1993 92 Richard CAVES. Creative Industries: Contracts between Art and Commerce. Cambridge, MA, Harvard University Press, 2000, 464 pages 62 La place de la région dans le monde et en Europe produits pour hommes ainsi que l’aspiration générale à la qualité, qui renforcent la tendance d’un marché dont la croissance régulière « est possible et pour longtemps. » Surtout, « l’Oréal a, année après année, « surperformé, » avec une croissance supérieure de 50 à 100% à celle du marché global. La surperformance du groupe repose sur sa stratégie – priorité à la croissance interne, investissement dans la recherche et la qualité, concentration sur un nombre limité de métiers et de marques, développement international – ainsi que sur un positionnement systématique sur tous les segments du marché qui croissent plus vite que la moyenne. Ainsi le pari des pays émergents est en train de payer (…). Autre exemple, celui des catégories de produits. Aux Etats-Unis, le marché global a progressé de 15,5% ces quatre dernières années – mais le maquillage a augmenté de 29,7% et les shampooings professionnels de 26,2% (…). « L’Oréal est constamment à l’affût de nouveaux segments de consommation » - comme celui, prometteur, des compléments alimentaires cosmétiques, plus communément connus comme « pilules de beauté… » « Enfin, L’Oréal a « trié, consolidé et clarifié son portefeuille de marques. Elles ne sont pas encore toutes implantées dans tous les pays, mais sont toutes capables de l’être, sans changement de positionnement ou de circuit de distribution. » De quoi garantir les économies d’échelle qui, ajoutées aux progrès réalisés en termes de coûts de production, favoriseront l’amélioration régulière des marges, dont « la poursuite nous paraît être un objectif à la fois nécessaire et possible.» L’outil de production de l’entreprise s’adapte évidemment en permanence pour faciliter son développement. Cinq usines ont été fermées l’année dernière. En Europe, les marques grand public (L’Oréal, Paris et Garnier) n’ont plus, respectivement, que quatre et cinq sites de fabrication pour alimenter – en flux tendus – l’ensemble des marchés du continent. L’usine de Montréal, affectée aux produits professionnels a doublé sa capacité et obtient des coûts comparables aux usines européennes, tandis que l’usine américaine de Solon « a spectaculairement amélioré ses performances ». Pour suivre la croissance des ventes sur les nouveaux marchés, l’outil de production s’y développe ou s’y réorganise : • doublement de la production de l’usine de Suzhou en Chine, qui devient la première base industrielle asiatique et entraîne la fermeture du site australien • fermeture de l’usine L’Oréal d’Afrique du Sud au profit de l’usine Carson, qui produit à la fois pour l’Afrique et l’Europe • doublement de la capacité de l’usine polonaise pour alimenter tous les marchés d’Europe de l’Est et la Russie • en Amérique latine, concentration de la production au Brésil et fermeture de l’usine Argentine. L’Oréal se prépare d’autant mieux à l’avenir qu’elle est l’une des entreprises « clairvoyantes » ayant le mieux maîtrisé les méthodes et les outils de la prospective en se dotant des moyens d’ « imaginer l’inimaginable »93. 93 Jean-Claude LEWANDOWKI. « L’Oréal : « imaginer l’inimaginable ». Les Echos – Management, 15 octobre 1996, pages 37-38 63 La place de la région dans le monde et en Europe Elle va aussi continuer à bénéficier de la croissance d’une industrie qu’elle domine en réalisant déjà quelque 10 % de ses 160 milliards de ventes actuelles94. D’immenses marchés s’ouvrent aux cosmétiques : la Chine, la Russie, la Corée, le Brésil, bientôt l’Inde. Seul problème : c’est une industrie qui n’investit que 2-3 % de son chiffre d’affaires dans la recherche (contre 15 % pour l’industrie pharmaceutique. L’essentiel de ses dépenses - de 15 à 25 % selon les entreprises - sont absorbées par la promotion des ventes. La croissance de ces dépenses a commencé à provoquer l’érosion des marges, et à mettre les plus faibles (Revlon) en grande difficulté95. LVMH « Fruit d’alliances successives entre des entreprises qui, de génération en génération, ont su marier tradition d’excellence, passion créative, ouverture au monde et respect absolu de leurs clientèles, LVMH fonde son leadership sur un patrimoine unique dans son univers concurrentiel, dont le cœur est constitué de marques de luxe à la longévité et au rayonnement exceptionnel »96. Grâce à ses marques et à leur histoire souvent longue, LVMH, bien que de création récente (1987, contre 1909 pour l’Oréal), est déjà la première entreprise mondiale des produits de luxe, avec un chiffre d’affaires de 12,690 milliards d’euros et 56.000 personnes à travers le monde, dont 63 % basés hors de France. Ce qui est logique : un tiers du chiffre d’affaires est réalisé en Europe, un autre tiers en Amérique, le troisième en Asie. LMVH réunit une soixantaine de marques, dans cinq secteurs d’activités : vins et spiritueux, mode et maroquinerie, parfums et cosmétiques, montres et joaillerie, distribution sélective – avec 1.500 magasins à travers le monde. La croissance de ses marques phares, qui s’est poursuivie en 2002 est le résultat d’une stratégie de concentration des investissements sur Louis Vuitton ou Parfums Christian Dior, qui progressent en chiffre d'affaires et plus encore en rentabilité – la croissance du résultat opérationnel a été de 57 % en trois ans - et gagnent de nouvelles parts de marché. Les marques de montres et joaillerie, notamment TAG Heuer, Christian Dior, Zenith, Chaumet, développent leurs ventes à un rythme supérieur à celui de leur marché. La politique d'innovation est l'un des facteurs qui ont fortement porté la croissance du groupe grâce au succès du lancement de la montre Tambour de Louis Vuitton, du parfum Dior Addict, de Givenchy pour Homme, ou de la montre Riva Sparkling signée Christian Dior… L’ événement architectural et commercial qu’a été l'ouverture de la " maison " de Louis Vuitton à Tokyo Omotesando est aussi une innovation, et un symbole, celui de la réussite exceptionnelle de la marque au Japon. En effet, malgré la baisse des ventes d’articles de luxe au Japon (qui devraient passer de 11,38 milliards de $ en 2001 à 10,32 milliards cette année), 94 “Pots of Promise: An Industry Driven by Sexual Instinct Will always Thrive”. Economist.com, 22 mai 2003, 6 pages . 95 Ibid. Voir aussi Claudine BAYLE (Richelieu Finance). “Les parfums” et “Les cosmétiques”. www.abcluxe.com 96 LVMH. Rapport annuel 2002, page 14 64 La place de la région dans le monde et en Europe LVMH a augmenté les siennes de 15 % en 2002, malgré des prix supérieurs de 40 % à ceux affichés à Paris97. Les difficultés de la distribution sélective sont en voie de disparition, malgré la conjoncture défavorable, étaient particulièrement concernées. DFS a retrouvé son équilibre d'exploitation et Sephora a réalisé une forte croissance de son résultat opérationnel en Europe et devrait atteindre son objectif de rentabilité aux Etats-Unis en 2003. L'innovation se poursuit en 2003. Louis Vuitton vient ainsi de lancer une ligne de sacs conçue avec l’artiste japonais Takashi Murakami. Christian Dior, Givenchy, Guerlain, Kenzo préparent de nouveaux parfums et cosmétiques; les marques horlogères ont présenté des nouveautés importantes. De Beers LV a inauguré sa première boutique à Londres, avec sa première collection de sept lignes de bijoux en diamants L’innovation est au coeur de l’entreprise : « La dynamique exceptionnelle de LVMH repose essentiellement sur la triple dimension intemporelle, globale et créative de ses marques stars » qui doivent s’inscrire « dans le flux perpétuel des tendances et des nouvelles sensibilités ». LVMH joue le rôle « d’incubateur de réussite » en soutenant la progression de chacune des entreprises de son portefeuille, les laissant libres de définir une stratégie appropriée, dans « le respect de ses racines et de son territoire » afin qu’elles restent des créateurs en osmose avec leurs univers, grâce à la qualité des dirigeants qu’il peut choisir et surtout à « l’allocation des investissements nécessaires à un développement mondial, en particulier ceux destinés à la maîtrise de leur distribution, impératif stratégique qui permet de préserver le statut de marque de luxe ». A noter que LVMH a créé dès 1991 à l’ESSEC une chaire d’enseignement et de recherche en management des marques de luxe afin de transmettre aux étudiants les savoir-faire managériaux appliqués aux spécificités des différents métiers du luxe, et contribué ainsi à l’élaboration et à la mise en place du MBA in Luxury Brand Management en anglais. Hermès Hermès est une multinationale monomarque dont la réussite également d’être rappelée. Aujourd’hui elle vend dans le monde entier ses accessoires de cuir, carrés et cravates – mais aussi ses vêtements, ses bijoux, ses montres, ses parfums, ses accessoires de table et de salle de bain, avec un chiffre d’affaires de 1,242 milliards en 2002, dont 31 % grâce à la maroquinerie, 26 % dans l’habillement, 12 % dans les articles pour la maison ( « art de vivre ») et 9 % dans l’horlogerie. 44 % de ses ventes se font en Asie – dont 29 % au Japon – 38 % en Europe et 3 % dans le reste du monde. Hermès emploie 5361 personnes (au 31/12/2002). Ses ventes ont diminué de 6 % au début de 2003 (janvier-avril) à cause de la hausse de l’euro face au yen et au dollar et de la diminution des flux touristiques due aux difficultés économiques et à l’épidémie de SRAS en Asie, mais elles devraient néanmoins progresser par rapport à 2002 pour l’année entière. Les investissements seront également en hausse, de 60 %98. 97 98 « Can the High End Hold its Own ? ». www.businessweek.com, 30 6 2003 Reuters, 3/6/2003 19h49 65 La place de la région dans le monde et en Europe Richemont L’Île-de-France a aussi au moins une grande multinationale étrangère du luxe, Richemont, numéro deux mondial avec chiffre d’affaires de 3,65 milliards d’euros. En effet, Richemont possède Cartier, acquise en 1970, qui représenterait 50 % de ses profits dans les produits de luxe99. Les difficultés actuelles de Richemont (baisse de 5 % des ventes, baisse de 46,3 % du résultat opérationnel) montrent – s’il en était besoin - l’importance décisive de la créativité. Faute d’un renouvellement assez rapide et brillant de ses produits, le dernier exercice de Cartier n’a apparemment pas été à la hauteur des attentes des dirigeants du groupe et des marchés financiers. De plus, Cartier a inauguré un nouveau siège prestigieux – mais a dû repousser de six mois l’ouverture de son magasin – phare (700 m²) des Champs-Elysées. Quant à la relance de la créativité, elle va se faire grâce au recrutement de designers italiens et espagnols100. Ce qui peut poser le problème des écoles parisiennes, d’autant que Richemont vient d’annoncer la création d’une école de design à Milan101. 6.3 L’indispensable relance de la créativité « Les bonnes années ont conduit à un sentiment de contentement », selon le nouveau patron de Richemont. Les problèmes ne vont pas disparaître avec une hypothétique départ d’une nouvelle croissance : en effet, « le marché du luxe devenu mature »102. Et il exige davantage d’innovation. Le succès de Louis Vitton est dû au moins en partie à ses innovations : les nouveaux produits représentent à eux seuls 15 % de ses ventes, et les renaissances de Burberry, Balenciaga ou de Christian Dior démontrent également l’importance de la créativité103. L’initiative de Richemont concernant la création d’une école de design pose le problème du niveau des formations. Il y a quelques années, il était peut-être encore légitime de penser que tout allait bien, même pour les formations du secondaire104. Une réflexion sur l’amélioration des formations offertes par l’Etat, la Ville de Paris ou le secteur privé mériterait d’être engagée, en prenant également en compte les autres facteurs de succès dans chacune des activités de création. En effet, en matière de design, le succès des industriels italiens repose certes sur la formation, introduite dans le cursus de l’école 99 „Anne-Laure ROBERT. « L’empire Richemont repris en main ». La Tribune, 5 juin 2003, pp. 28-29 Nadine BAYLE. « Richemont va réduire ses coûts et ses effectifs ». Les Echos, 6-7 juin 2003 p. 15 100 Johann RUPERT “Nous nous sommes sans doute endormis sur nos lauriers”. La Tribune, 5 juin 2003 101 Véronique LORELLE. “Les groupes du luxe rivalisent à coups d’innovations et de divas”. Le Monde, 23 juin 2003 102 Antoine COLONNA, analyste de Merrill Lynch, cité par V. LORELLE, op. cit. 103 V. LORELLE, op. cit. 104 Lors d’un débat sur les « métiers d’art et les industries de création » au Conseil de Paris, un conseiller pouvait ainsi affirmer « le lycée Nicolas Flamel qui prépare à des diplômes de bijouterie-joaillerie, le lycée MaximilienVox qui prépare aux carrières de l’industrie graphique et le lycée Lucas-de-Nehou qui forme des spécialistes des arts et techniques du verre bénéficient d’une réputation d’excellence. L’école Boulle pour le meuble, l’école Estienne pour les arts graphiques et l’école Duperré pour la mode et le design jouissent quant à elles d’une réputation internationale amplement justifiée ». Bulletin municipal officiel, No. 3, 29 mai 1997, page 229 66 La place de la région dans le monde et en Europe d’architecture de l’université technique de Milan dès les années 30 et perfectionnée au fil des ans, mais aussi sur un évènement – l’exposition triennale - destiné à faire connaître les créations au monde entier, sur des revues diffusant l’image des nouveaux produits en temps presque réel à tous les marchés de la planète, et aussi sur une classe d’entrepreneurs capables d’assurer la fabrication industrielle et la distribution des meubles et objets. Aujourd’hui, c’est la Chine qui est en train de créer les conditions d’une telle réussite. D’abord à travers la formation : en ouvrant deux cents écoles à travers le pays, d’où sortent déjà huit mille diplômés par an, dont les meilleurs vont se perfectionner dans les meilleures écoles américaines ou européennes. Ensuite en profitant de l’existence d’entrepreneurs qui ont jusqu’ici fabriqué en copiant, mais qui – comme les Japonais dans les années 70 et les Coréens depuis dix ans – tentent de conquérir de nouveaux marchés et d’ajouter de la valeur à leurs produits en offrant des modèles originaux à tous les grands distributeurs (à commencer par le premier, l’Américain Home Depot) en passant du « Made in China » au « Designed in China »105. Quelques mesures de relance de la créativité viennent à l’esprit : • • • • • Développement de filières de formation de haut niveau (« World Class ») intégrées aux grandes écoles à vocation industrielle ou aux universités relancées dans tous les domaines de la création – habillement, cosmétiques, parfumerie, mobilier, objets industriels, automobile… Mise en place dans ces filières d’options « création d’entreprises » afin de relancer les vocations d’entrepreneur, et de donner aux futurs chefs d’entreprise une formation permettant de réduire significativement les risques d’échecs. Mieux assurer la diffusion des produits innovants des jeunes entreprises par l’organisation d’exposition spécialisées ou des « mini salons » thématiques dans les métropoles mondiales donnant accès à des importants ou prometteurs. Faciliter le développement, dans certains domaines, de revues professionnelles à diffusion mondiale publiées en plusieurs langues (comme c’est déjà le cas pour les grands journaux de mode féminine). Encourager la création de sites d’information et de vente en ligne accessibles aux clients étrangers, donc rédigés en plusieurs langues. La créativité devra être stimulée ne serait-ce que pour que les entreprises établies puissent faire face à la concurrence du « nouveau luxe pour les masses » qui veut s’imposer sur le marché mondial106. 105 Frederik BALFOUR. “Designed in Italy ? No, in China”. www.businessweek.com, July 7, 2003 Michael J. SILVERSTEIN, Neil FISKE. „Luxury for the Masses“. Harvard Business Online, April 1 2003, R0304C, 10 pages 106 67