Un nouvel AR sur la reprographie: longtemps attendu
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Un nouvel AR sur la reprographie: longtemps attendu
Un nouvel A.R. sur la reprographie: longtemps attendu …. et nécessaire Une longue genèse La Directive européenne 2001/29 Le système de reprographie belge a été introduit par la loi sur le droit d’auteur du 30 juin 1994. Jusqu’à cette date, le droit de reproduction de l’auteur - qui peut être transmis à un éditeur par cession ou par licence - relevait entièrement du droit exclusif. Seul l’auteur (ou l’éditeur) avait donc le droit, sans aucune restriction, d’autoriser la reproduction de son œuvre et de définir les limites et les conditions de cette reproduction (par ex. via une licence rémunérée). En 1994, le législateur a introduit une exception légale à ce droit exclusif: il était désormais possible pour les utilisateurs finaux de faire des photocopies d’articles, de photos, d’illustrations, … et de ‘courts fragments’ de livres et de partitions, sans autorisation préalable de l’auteur ou de l’éditeur, mais dans des limites décrites dans la loi. En compensation, le législateur a introduit une rémunération collective à répartir entre auteurs et éditeurs à parts égales, et dont les modalités devaient être réglées par la suite au moyen d’un A.R.: la rémunération pour reprographie. La loi a révoqué en partie le pouvoir de l’ayant droit à donner son autorisation et a remplacé ce droit exclusif par une « licence légale ». En 2001, une Directive européenne a été promulguée avec comme objectif de mieux faire concorder le droit d’auteur et le monde numérique. Cette Directive ne visait qu’une harmonisation minimale, ce qui a comme conséquence que la portée et les modalités du système de reprographie peuvent différer d’un Etat membre à l’autre. Certains Etats membres, tels que les pays scandinaves et les Pays-Bas, ont par exemple un règlement de rémunération (proportionnelle) collective uniquement sur les copies, non sur les appareils de reproduction qui permettent les reproductions sur papier. Il a fallu attendre l’Arrêté Royal du 30 octobre 1997 sur la reprographie, pour que cette rémunération soit mise en place. Conformément à la loi sur le droit d’auteur, cet A.R. introduisait un règlement de rémunération dual : aussi bien sur les copies d’œuvres protégées par le droit d’auteur, que sur les appareils de reproduction (copieurs, appareils multifonction ou MFD, scanners, fax,…) avec lesquels ces copies sont réalisées. Aujourd’hui, la « rémunération forfaitaire » sur les appareils est basée sur la vitesse (nombre de copies par minute, CPM) et elle est neutre quant à la technologie ; elle est donc la même pour les appareils à jet d’encre que pour les appareils laser. Cependant, les impressions et les imprimantes (stand-alone) ont jusqu’à aujourd’hui été exclues du système. La ‘rémunération proportionnelle’ sur les copies doit être payée uniquement par les utilisateurs finaux tels que le secteur de l’enseignement, les pouvoirs publics et le secteur privé. Les particuliers ne la paient donc pas. En 1997, Reprobel a été désignée comme société de gestion faîtière disposant d’un monopole légal sur la perception des rémunérations pour reprographie sur le territoire belge. Jusqu’à ce jour, l’A.R. du 30 octobre 1997 n’a pas été modifié (à l’exception de l’indexation annuelle des tarifs), malgré plusieurs évolutions économiques et juridiques importantes esquissées ci-dessous. Il est important de savoir que la Directive de 2001 (art. 5.2.a) est basée sur un critère de but, à savoir les “reproductions sur papier”. En revanche, la loi sur le droit d’auteur belge de 1994 est basée sur un critère de source, à savoir les « reproductions à partir du papier ». Depuis l’entrée en vigueur de cette Directive, le système de reprographie belge doit être adapté au droit européen notamment pour les impressions - qui sont des reproductions sur papier, non pas des reproductions à partir du papier - et pour les scans - qui sont des reproductions à partir du papier mais pas sur papier. Le législateur belge était conscient du problème depuis un moment et a, en mai 2005, approuvé des dispositions de transposition qui devaient mettre le droit belge en conformité avec le droit européen, notamment en remplaçant le critère de source existant par un nouveau critère de but. Toutefois, ces dispositions ne sont jamais entrées en vigueur. Elles ont été remplacées fin 2012 par de nouvelles dispositions légales, qui entreront en vigueur en même temps que le nouvel A.R. sur la reprographie (vraisemblablement en 2014). L’arrêt VG-Wort de la Cour de Justice de l’Union européenne En juin 2013, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé, dans une affaire concernant le pendant allemand de Reprobel (VG Wort) ce que Reprobel défendait comme thèse depuis des années: un système de licence légale pour la reprographie (basé sur l’article 5.2.a de la Directive 2001/29) doit également englober les impressions et les imprimantes. Le système de reprographie belge existant doit donc être étendu en ce sens. La CJUE a également déclaré que d’autres appareils dans une chaîne de reproduction, tels que les ordinateurs, pouvaient être soumis à une rémunération pour reprographie. Finalement, la CJUE a jugé que le fait qu’un ayant droit ait donné implicitement ou explicitement son autorisation pour des 2 reproductions (par exemple, en mettant un texte sur internet sans protection, de sorte qu’il puisse être imprimé) n’a aucune incidence sur la compensation équitable qui lui revient sur la base de la reprographie. Dans des arrêts antérieurs et ultérieurs de la CJUE (Padawan, Luksan, Opus/de Thuiskopie, Austro-Mechana/Amazon...), qui ont tous sans exception été rendus en faveur des ayants droit, la Cour a jugé que la rémunération équitable des ayants droit doit également rémunérer le préjudice potentiel qu’ils subissent. En effet, c’est l’utilisation potentielle des appareils qui fait qu’ils puissent être soumis à une rémunération (pour reprographie ou pour copie privée). De plus, une obligation de résultat repose sur les Etats membres de veiller à ce que les ayants droit perçoivent effectivement leur rémunération équitable. Le droit belge doit donc non seulement être mis en conformité avec la Directive de 2001 mais également avec l’interprétation de cette Directive faite par la suite par la CJUE dans plusieurs arrêts. L’étude Profacts de mai 2013 Sur la base de l’A.R. de 1997, Reprobel est tenue de (faire) réaliser périodiquement une enquête de grande envergure sur le comportement et le volume de la photocopie d’œuvres protégées par le droit d’auteur en Belgique. La méthodologie de cette étude officielle doit être approuvée au préalable par le Ministre. Source : déclarations à Reprobel pour les MFD ; données de marché les plus récentes du bureau d’étude américain International Data Corporation (IDC) pour les imprimantes, Reprobel ne percevant pas encore pour celles-ci à l’heure actuelle. Problèmes rencontrés sur le terrain La mise en pratique de l’A.R. de 1997 s’est avérée problématique lors de la rémunération sur les appareils, notamment pour les appareils à jet d’encre. Des discussions incessantes sur le critère de vitesse à appliquer (vitesse draft -brouillon- ou vitesse normale) - qui ont créé une importante insécurité juridique - ont eu pour conséquence qu’actuellement une grande majorité des appareils à jet d’encre sont déclarés dans la catégorie de la vitesse la plus basse (1 à 5 copies par minute, CPM), de sorte que ces appareils bénéficient de facto du tarif le plus bas de moins de 5 EUR par appareil, ce qui est tout à fait inacceptable. A titre de comparaison : en Allemagne, le tarif pour des appareils à jet d’encre comparables est au moins de 12 EUR. Cet abus dans l’application du système par les fabricants/importateurs a entraîné des pertes de revenus substantielles pour Reprobel (et donc pour les ayants droit auteurs et éditeurs), qui peuvent être estimées aujourd’hui à au moins 6 millions EUR pour les cinq dernières années. Le système de perception des rémunérations forfaitaires pour la reprographie pose aussi des problèmes en ce qui concerne le remboursement des rémunérations pour la ré-exportation : étant donné que la déclaration chez Reprobel ne se fait pas au niveau des appareils individuels, Reprobel ne peut actuellement pas toujours vérifier si la rémunération initiale a bien été payée lors de la mise en circulation d’un appareil spécifique. Le nouvel A.R. sur la reprographie devra également remédier à ces problèmes, en imposant à l’avenir une obligation de déclaration par appareil individuel. En mai 2013, les résultats de la nouvelle étude officielle (réalisée par le bureau d’étude Profacts) ont été rendus public. Suivant une méthodologie similaire, Reprobel a, de sa propre initiative, fait étendre cette étude aux impressions d’œuvres protégées, anticipant ainsi sur l’extension depuis longtemps attendue du système de reprographie aux impressions et aux imprimantes. Nouvelles tendances du marché et business model des fabricants d’appareils de reproduction Les résultats de l’étude ont été commentés en détails dans le précédent numéro du Bulletin de Reprobel (Été 2013). Il ressort de cette étude qu’en 2012, plus de 4,5 milliards de reproductions (copies et impressions) d’œuvres protégées ont été réalisées en Belgique, soit quatre fois plus qu’en 1997. Il est à noter que 38% de ces reproductions sont faites à la maison alors que les particuliers paient, selon le système actuel, uniquement la rémunération sur les appareils de reproduction qu’ils achètent. Etant donné que la tarification de 1997 était basée sur le nombre de copies d’œuvres protégées estimé à l’époque, il est clair que la tarification dans le nouvel A.R. devra tenir compte de la forte augmentation du nombre de reproductions d’œuvres protégées (copies et impressions prises dans leur ensemble). Ces dernières années, deux tendances se profilent clairement. Il s’avère que, d’une part, les appareils à jet d’encre dominent clairement le marché belge en termes de nombre d’appareils (en 2012, on comptait 373.590 appareils à jet d’encre contre 165.058 appareils laser, MFD et imprimantes réunis2). D’autre part, les appareils à jet d’encre se présentent de plus en plus comme une alternative à part entière aux appareils laser, même dans un environnement professionnel (B2B). A ces évolutions se greffe l’apparition de nouvelles technologies telles que le « Memjet waterfall », une technologie à jet d’encre encore plus performante en termes de vitesse (60 pages par minute, voire plus) que la plupart des appareils laser. Contrairement à un appareil à jet d’encre classique, la tête d’impression d’un appareil waterfall ne se déplace 3 L’étude Profacts a établi que 1.912.808.604 copies d’œuvres protégées étaient, chaque année, produites en Belgique. En divisant le montant des perceptions actuelles de Reprobel pour la reprographie belge (soit 23,7 milliards EUR en 2012, uniquement les copies) par le nombre de copies annuelles tel que déterminé par l’étude Profacts, on parvient à une valeur économique des copies d’œuvres protégées de 1,24 centimes d’euro par page (corrigé en fonction de l’efficacité des perceptions). Lorsque la valeur actuelle économique par page reproduite est multipliée par la quantité de copies et d’impressions d’œuvres protégées déterminée par l’étude Profacts, le préjudice potentiel (corrigé en fonction de l’efficacité des perceptions) pour les ayants droit auteurs et éditeurs est de 56.655.039 EUR (4.568.954.744 copies et impressions d’œuvres protégées x 0,0124 EUR). pas sur toute la page, mais est constituée de 70.000 petits pistolets d’encre qui pulvérisent simultanément une cascade de gouttes d’encre sur la feuille. Le nouvel A.R. sur la reprographie devra dès lors être à l’épreuve des évolutions du marché actuelles et futures, ainsi que du développement de nouvelles technologies. Et ce en se basant sur la vitesse et en adoptant des définitions claires. Les fabricants et les importateurs argumentent souvent que le montant des levies (rémunérations) belges telles qu’elles sont inscrites dans l’A.R., seraient disproportionnées par rapport au prix de vente des appareils. Toutefois ils oublient de dire que (1) ces levies ne sont en pratique pas payées en raison des sous-déclarations systématiques qui durent depuis des années (notamment pour les appareils à jet d’encre) et (2) ils mettent leurs appareils sur le marché à un prix très bas en tirant leur bénéfice principal de la vente de cartouches d’encre et de toners onéreux. En outre, diverses études internationales indiquent qu’il n’y a, sur un marché national, pas de corrélation entre les rémunérations de droit d’auteur sur les appareils, et le prix de vente de ces appareils. Dans les pays où il n’y a pas de rémunération de droit d’auteur sur les appareils, le prix de vente des appareils est en effet souvent plus élevé que dans les pays ayant adopté une telle rémunération. Tout porte à croire que la fixation du prix des appareils est décidée aux quartiers généraux des fabricants à l’étranger, et que les rémunérations de droit d’auteur n’ont pas d’influence sur la détermination des prix. Le préjudice économique des auteurs et des éditeurs et l’importance de l’industrie créative En 2012, Reprobel a perçu (pour la Belgique uniquement) 23,7 millions EUR, dont 10,3 millions EUR sur les copies (rémunération proportionnelle) et 13,4 millions EUR sur les appareils (rémunération forfaitaire). Si on multipliait le nombre annuel de reproductions d’œuvres protégées - ou plus de 4,5 milliards de pages sur base annuelle selon les résultats de l’étude Profacts - par la valeur indexée d’une reproduction d’une œuvre protégée par page, à savoir 0,032 EUR par page actuellement (tarif établi selon la méthodologie utilisée en 1997 pour fixer l’enveloppe de la reprographie), le préjudice économique potentiel des ayants droit dû à la reproduction sur papier des œuvres protégées se situerait bien au-delà des cent millions EUR sur base annuelle. Si on tenait également compte de l’efficacité des perceptions de Reprobel sur le terrain3, le préjudice économique potentiel corrigé serait plus que 56 millions EUR. La tarification dans le nouvel A.R. sur la reprographie devra permettre de rémunérer ce préjudice potentiel d’une manière plus adéquate que ce n’est le cas aujourd’hui les perceptions actuelles de Reprobel se situent chaque année environ à plus de 30 millions EUR au-dessous du préjudice potentiel corrigé pour la reproduction sur papier d’œuvres textuelles et graphiques en Belgique sur la base des résultats de l’étude Profacts. Outre l’extension de la rémunération proportionnelle aux impressions d’œuvres protégées, il est évident qu’une enveloppe substantielle additionnelle devra être prévue pour les imprimantes. Les imprimantes ne sont en effet toujours pas reprises dans le système de reprographie, et le préjudice économique dû aux impressions d’œuvres protégées est considérable. En outre, à ce jour, la fonction d’impression des MFD n’est rémunérée d’aucune manière. Les rémunérations pour reprographie offrent aux auteurs une rémunération adéquate, et aux éditeurs un stimulant financier. Elles leur permettent de continuer à investir dans la création et dans du contenu de qualité, ainsi que de contribuer à l’économie belge de la connaissance. Les rémunérations incitent également les éditeurs à faire la transition du monde analogue vers le monde numérique en leur donnant les moyens de développer de nouveaux produits et business models. Le ballon d’oxygène que la rémunération pour reprographie offre au secteur créatif belge est et demeure nécessaire, surtout en cette conjoncture économique difficile. En effet, le secteur créatif est une partie essentielle de l’infrastructure économique en général et de l’économie de la connaissance belge en particulier. Un rapport récent de l’Office européen des Brevets et de l’Office de l’Harmonisation dans le Marché intérieur (septembre 2013) estime la contribution des industries actives dans le droit d’auteur à l’économie européenne à 4,2% en termes de Produit Intérieur Brut de l’UE (plus de 500 milliards EUR) et à 3,2% en termes d’emplois directs (plus de 7 millions d’ETP). Par ailleurs, il ressort d’une récente étude belge de Partners in Marketing (octobre 2013) - basée sur une méthodologie de l’OMPI - que les industries (principales) du droit d’auteur représentent 3% de l’emploi total en Belgique (plus de 87.500 ETP) et, avec un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards EUR, 2,6% du Produit Intérieur Brut belge. Il est également à noter que notre secteur obtient aussi un bon score sur le plan des investissements : 1,1 milliard EUR ont été réinvestis dans l’innovation et le développement de nouveaux produits et services. Le secteur créatif belge est en outre encore fortement ancré localement et se compose principalement de PME qui offrent de l’emploi local et de la valeur ajoutée. En outre, plus de 90% des rémunérations perçues pour la reprographie demeurent en Belgique et retournent donc aux ayants droit (auteurs et éditeurs) belges. Vers un nouveau modèle tarifaire équilibré et équitable Le nouvel A.R. sur la reprographie doit être adapté d’urgence au contexte économique et juridique actuel. Il est possible de remédier aux problèmes existant sur le terrain en effectuant quelques modifications simples à l’A.R. de 1997, à savoir: 1. L’inclusion des imprimantes dans le système de reprographie pour les appareils ; 2. Le développement d’un système de rémunération équilibré pour les appareils qui est basé sur la vitesse et qui est neutre quant à la technologie et la fonctionnalité, et ceci au moins pour les appareils middle- et high-end ; 3. L’adoption, dans l’A.R., d’un critère de vitesse objectif et incontestable basé sur une norme ISO claire et récente ; 4. La hausse de la rémunération dans la catégorie de la vitesse la plus basse ; 5. Pour les appareils: une obligation de déclaration par appareil ; 6. Une définition claire de la notion d’importateur/acheteur intracommunautaire conforme à la jurisprudence de la CJUE ; 7. Un monitoring semestriel du marché des appareils de reproductions ; 8. Une tarification par page qui soit la même pour les copies et les impressions d’œuvres protégées (rémunération proportionnelle). Ces modifications proposées mèneront à un système équitable et équilibré qui ne sera plus contestable juridiquement, et qui entrainera dès lors une plus grande sûreté juridique. Un appel urgent aux décideurs politiques Reprobel lance un appel au ministre compétent et à tous les partis politiques à promulguer encore au cours de cette législature le nouvel A.R. relatif à la reprographie, et à faire entrer en vigueur les dispositions légales de transposition sous-jacentes. Reprobel demande en effet qu’il soit enfin tenu compte de ses demandes justifiées, ainsi que de celles des auteurs et éditeurs belges. Bruxelles, décembre 2013 La direction et le Conseil d’administration de Reprobel