Numéro 19

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Numéro 19
ASPCo - Info n°19
ASSOCIATION SUISSE DE PSYCHOTHERAPIE COGNITIVE (ASPCo)
SCHWEIZERISCHER VEREIN FUR KOGNITIVE PSYCHOTHERAPIE (SVKoP)
ASSOCIAZIONE SVIZZERA Dl PSICOTERAPIA COGNITIVA (ASPCo)
ASSOCIAZIUN SVIZERA DA PSICOTERAPIA COGNITIVA (ASPCo)
SWISS ASSOCIATION FOR COGNITIVE PSYCHOTHERAPY (SACoP)
Février 2005
Numéro libre
Comité ASPCo
LE MOT DU PRESIDENT
Roland Eiselé
Président
Chers membres de l'ASPCo,
Christine Favre
Vice-Présidente
Martine Dubosson
Trésorière
Roberto Ballerini
Peter Bäurle
Pierre-Henri Beuret
Lusmila Myers-Arrázola
Alain Souche
Commission
de la formation
Prés. Lucio Bizzini
Jacqueline Lalive Aubert
Roland Eiselé
Commission
de la recherche
Prés. Daniel Suter
Roland Eiselé
Christian Osiek
Commission
de l'information
Prés. Eliane Jaquier
Roland Eiselé
Malin Tronje Pachoud
Anna Zinetti Bertschy
Roger Zumbrunnen
Rédaction ASPCo-Info
Anna Zinetti Bertschy
L'ASPCo a célébré ses 10 ans lors d'une fort agréable soirée d'octobre 2004, la fête
fut une belle réussite pour tous! C'est aussi l'occasion de compter ce que l'ASPCo
représente pour nous tous, ainsi qu'en témoigne l'engagement de celles et ceux qui
ont participé par leur présence ou par leur contribution à la réalisation de cet
anniversaire et des différentes attractions présentées. Je tiens à remercier le Dr
Christophe André qui nous a fait la grande amitié de venir nous entretenir du
bonheur.
Le comité et les différentes commissions, outre leurs habituelles tâches au service
de l'association et surtout de ses membres, travaillent à planifier différents projets
pour la formation et le développement de nouveaux thèmes d'intérêts liés aux TCC.
Sur le plan de la formation, il y aura en octobre 2005 une nouvelle et deuxième
volée en vue du diplôme et du certificat de formation continue universitaire (FCU)
en TCC. En juin 2005 la dernière volée de la formation ASPCo va terminer sa
formation de trois ans, cette volée ainsi que la précédente pourront bénéficier d'un
programme complémentaire "passerelle" vers le diplôme de la FCU, en 2005-2006.
Pour ce qui est du perfectionnement, vous aurez apprécié les différentes offres
d'ateliers de perfectionnement d'une journée ou plus, avec, et c'est une première, une
formation de trois jours sur le syndrome de stress post traumatique. Une
préoccupation est celle de la relève des formateurs. Le programme pour un concept
de formation de nouveaux superviseurs en TCC va débuter en mars.
Le comité veille à favoriser des offres de journées cliniques mais aussi de séances
de supervisions dans différentes régions de suisse romande. Il encourage et soutient
la création de groupes d'intérêts rassemblant un certain nombre de membres, pour
partager et diffuser des connaissances et des mises au point à propos de
développements actuels sur un thème de grand intérêt. Vous pouvez suivre ces
développements et ces offres dans les différents médias de l'association et aussi y
participer. On le voit avec ce numéro, ASPCo-Info se porte bien ainsi que le site
internet, ces deux organes sont importants pour la diffusion de l'information, merci à
celles et ceux qui s'y dépensent sans compter et aux membres qui y ont écrit. Voilà
donc une année riche en formations et développements de toutes sortes dans le cadre
de la TCC, que chacun en profite le plus possible!
Le comité et moi-même vous souhaitons une excellente année 2005,
plaisante, active et enrichissante.
Roland Eiselé
Président ASPCo
Comité International
Christophe André, Charly Cungi, Gisèle George, Yvan Note,
Christine Mirabel-Sarron, Alain Sauteraud, Mark Freeston
Contribution spéciale
**********
LE TROUBLE ANXIEUX GENERALISE:
UNE RECHERCHE D'OUTILS THERAPEUTIQUES
Martine DUBOSSON
diplômée en psychologie
Membre ordinaire ASPCo
Alain SOUCHE
Médecin, Spécialiste FMH
en psychiatrie et psychothérapie
Membre ordinaire ASPCo
Centre de Santé
80, rue de Lausanne - 1202 Genève
[email protected]
176, rte de Saint-Julien
1228 Plan-les-Ouates
[email protected]
Résumé
Le Trouble Anxieux Généralisé (TAG) a la
réputation d’être une pathologie plutôt difficile à
traiter, tant la production de soucis semble
inépuisable chez les patients concernés.
La psychothérapie cognitivo-comportementale
(TCC) s’est tout naturellement intéressée ces
dernières années à essayer de mieux soigner le
TAG. Nous avons voulu voir si la TCC pouvait
apporter des solutions originales dans le
traitement de l’anxiété généralisée. Nous avons
postulé qu’il était possible d’adapter la TCC à
cette pathologie en créant deux outils sur la base
des travaux de Mark Freeston (2002). Ces deux
outils ont pu être utilisés dans nos pratiques
privées respectives, dans le but d’améliorer la
capacité des patients à repérer et classer leurs
soucis, selon deux critères de probabilité et
d’actualité. Ce tri des soucis a été suivi d’une
démarche
de
résolution
de
problème
habituellement déficitaire chez ces patients.
Deux vignettes cliniques sont présentées ici.
Les réactions positives de nos patients nous
permettent de penser que ces outils ont
significativement amélioré le contrôle de leur
anxiété et leur capacité à désamorcer rapidement
les nouveaux soucis.
Tous deux présents au séminaire de Mark
Freeston sur le Trouble Anxieux Généralisé
(TAG) organisé par l’ASPCo les 14 et 15 juin
2002, nous avons eu l’idée d’échanger autour de
notre expérience psychothérapeutique de ce
trouble.
**********
Introduction
Cette pathologie si fréquente (3 à 5% de la
population générale), d’un diagnostic peu aisé, a
l’art de se présenter fréquemment dans nos
consultations cachée derrière un autre diagnostic.
En effet, l’anxieux chronique se plaint rarement
de ses soucis qui lui semblent faire partie de son
fonctionnement habituel. Il consulte plutôt pour
des attaques de panique liées à l’évitement de ses
émotions et de ses soucis; ou encore pour un état
dépressif par épuisement. Le motif de la
consultation peut aussi être un trouble du
comportement alimentaire (manger pour éviter
de ressentir l’anxiété), une autre addiction ou des
troubles fonctionnels (céphalées de tension,
troubles digestifs…). Un diagnostic de phobie
sociale ou de phobie simple n’est pas rare. Si
bien que le diagnostic de TAG n’est souvent pas
posé immédiatement. Le diagnostic différentiel
avec un trouble de l’adaptation est nécessaire car
le sujet peut se présenter dans un moment de
stress aigu, avec des stresseurs multiples.
Historiquement, Robert Ladouceur (1999),
souligne que la définition du TAG comme
diagnostic primaire reste relativement récente
(DSM III-R, 1987): "Initialement, les auteurs
parlaient d’anxiété flottante ou envahissante. On
croyait volontiers qu’il était impossible de
préciser la source d’une telle anxiété".
Borkovec (1983) est le premier auteur à avoir
décrit l’inquiétude comme "un enchaînement de
pensées et d’images chargées d’émotions
négatives difficiles à contrôler". Ce serait
également "une tentative pour résoudre un
problème réel ou fictif". Borkovec met aussi en
évidence la grande capacité du patient à repérer
des problèmes éventuels mais sa faible capacité à
résoudre les problèmes en général (1987). A
l’époque, les bases du traitement actuel en TCC
sont donc déjà posées; reste à les
opérationnaliser dans la pratique clinique.
Mark Freeston met à jour en 1994 le concept
d’intolérance à l’incertitude, c’est-à-dire la
difficulté à accepter de ne pas connaître l’issue
d’une situation, qui pourrait éventuellement être
négative. Ce concept a d’ailleurs donné
naissance à un questionnaire fort utile dans
l’évaluation (Questionnaire d’intolérance à
l’incertitude; Bouvard, 2002), que nous utilisons
avec le Penn-State pourquoi s’inquiéter? et le
Questionnaire d’évitement cognitif (Bouvard,
2002; Bouvard et Cottraux, 2002). En 1999,
Ladouceur (et al.) fait de l’augmentation de la
tolérance à l’incertitude un des éléments
essentiels du traitement, avec la prise en compte
des croyances erronées sur l’inquiétude (p.ex.:
"être inquiet permet d’éviter les problèmes"),
l’apprentissage du Problem solving et
l’exposition aux situations / pensées anxiogènes.
A peu près à la même époque, Wells présente
une conceptualisation différente, dans laquelle il
ébauche la nécessité de catégoriser les soucis
selon leur structure: soucis de type 1 portant sur
des évènements et soucis de type 2 worry about
worry, ou méta-soucis (p.ex. "je pourrais
devenir folle à cause de mes soucis"). Ces soucis
de type 2 seraient une cible thérapeutique à
privilégier selon Wells (1997).
Freeston, va reprendre et développer l’idée d’une
catégorisation des soucis, mais avec des critères
différents: ceux de l’actualité et de la probabilité.
Sa démarche consiste alors plutôt, une fois le
diagnostic expliqué au patient, à réaliser des
analyses fonctionnelles qui lui permettront déjà
de prendre conscience de ses mécanismes
d’évitement et de ses pensées automatiques.
C’est ensuite que le thérapeute lui propose une
démarche cognitive de tri de ses soucis: à partir
d’une liste des soucis amenés dans une séance,
Freeston propose au patient d’effectuer un
premier tri entre soucis actuels / probables et
soucis peu probables. Un deuxième temps
permet à la personne de se concentrer sur les
soucis probables et de distinguer ceux qui
peuvent être solutionnés de ceux qui ne peuvent
l’être. La personne est ainsi clairement orientée
vers une démarche de résolutions de problèmes
efficace, à laquelle sont adjoints les habituels
outils d’exposition et de restructuration
cognitive.
Méthodologie
Le travail de Mark Freeston a incité l’un d’entre
nous à développer les deux documents présentés
en annexe de cet article.
Le premier document donne de l’information sur
l’anxiété / les soucis et présente le tri des soucis.
Le deuxième document avec des colonnes,
directement inspiré d’un document de Freeston, a
pour but d’entraîner chez le patient ce tri et le
problem solving.
Les réactions positives des patients à ces
documents, et le matériel utile à l’élaboration du
processus psychothérapeutique qu’il nous ont
permis de dégager et d’utiliser en séance, nous
ont incité à les utiliser de façon répétée et
standardisée puis à vous les présenter afin de
susciter vos remarques, commentaires et
propositions.
Vignettes cliniques
Vignette clinique n°1
Madame A., 45 ans, est adressée par son médecin
généraliste qui lui recommande une TCC. Après
3 séances d’évaluation le diagnostic (ICD 10) de
trouble anxieux généralisé est retenu, avec pour
comorbidité une dépression légère (BDI = 15).
Dix séances de psychothérapie ont été réalisées
pour l’instant, qui ont permis d’introduire les
deux documents présentés dans les annexes.
La patiente aimerait être moins fatiguée et plus
disponible émotionnellement pour sa fille et son
mari avec qui elle se dispute fréquemment, avoir
plus confiance en elle au travail, moins
s’inquiéter des résultats scolaires de sa fille et
moins s’inquiéter de l’achat futur d’une maison.
Les premières interventions thérapeutiques ont
porté sur la discussion du diagnostic, avec des
conseils de lecture sur le sujet et un
encouragement à suivre une médication. La
collaboration avec son médecin traitant a
rapidement
permis
l’introduction
d’un
antidépresseur sérotoninergique. Puis quelques
outils de gestion du stress ont été utilisés chez
cette patiente très occupée (aménagement de ses
horaires de travail, délégation de tâches à la
maison et au travail, contrôle respiratoire, jogging
et yoga). Une observation quotidienne de son
anxiété et de ses journées a permis de fructueuses
analyses fonctionnelles en séance.
Exemple d’analyse fonctionnelle chez Madame A. (méthode des cercles vicieux: Cungi, 1996)
SITUATION
Mon mari et moi pensons
acheter une maison
COMPORTEMENT
J’y pense sans arrêt
Je ne vois pas de solution
CONSEQUENCES
Déprimée
EMOTIONS
Anxiété
PENSEES AUTOMATIQUES
"Et si je ne me plaisais pas dans cette
maison? Si je n’arrivais pas à m’y
habituer? Mon mari sera déçu… Ma
fille devra changer d’école, elle aura
des problèmes d’adaptation"
A la 3ème séance, le document 1 a été amené, avec pour consigne de le relire à la maison.
Le document 2 a été introduit dès la 5ème séance et réutilisé à chaque séance suivante.
Document 1, Madame A. (extraits de la 3ème séance)
"Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété?"
è Fatigue physique et psychologique; ça me gâche la vie.
1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION
Situation probable et actuelle,
Non modifiable. Par exemple:
Situation peu probable, voir imaginaire.
Par exemple:
Pas d’exemple
-
Que la nouvelle maison ne me plaise pas
Ne pas être à la hauteur au travail
Que mon mari ait un accident d’avion
Situation probable et actuelle,
Modifiable. Par exemple:
-
Problème d’apprentissage de ma
fille. Ira-t-elle au cycle?
Stress de mon voyage professionnel
à Bruxelles
Document 2, Madame A.: J’apprends à gérer mes soucis (extraits de la 6ème séance)
Description de mon
souci: ce que je me suis
dit dans ma tête
Anxiété
en %?
J’ai peur pour le
parcours scolaire de
ma fille. Elle va rater et
se retrouver en
technique d’où elle ne
pourra plus sortir
(difficile de savoir où
elle en est car ses
maîtres sont très
évasifs)
90
La situation redoutée Si vous avez répondu
est-elle probable
OUI au moins une fois:
maintenant?
la situation est-elle
OUI / NON
modifiable?
Comment?
Probable bientôt
OUI / NON
Probable bientôt car Parler au maître
elle aura un examen
pour évaluer la
de fin de 6e primaire situation, trouver un
et ses résultats sont
support scolaire,
très moyens
changer d’école
Madame A. précise que son anxiété n’a vraiment
diminué qu’après un entretien avec un des
maîtres de sa fille, qui l’a rassurée.
Ces outils ont été particulièrement utiles pour
permettre à Mme A. de sortir de la spirale de ses
soucis. L’idée d’une démarche systématisée et
claire l’a rassurée, lui permettant de penser plus
efficacement à des solutions. A plusieurs reprises,
Anxiété
en %?
80
elle note toutefois que son anxiété ne diminue
significativement que lorsqu’elle peut passer à
l’action. Des techniques de relaxation seront à
entraîner davantage pour contrôler cette tension
anxieuse. Il y a par ailleurs de nettes
améliorations sur le plan relationnel avec sa fille
et son mari (plus de disputes), le souci de l’achat
d’une maison a été laissé de côté pour l’instant
car il n’est pas actuel. La scolarité de sa fille est
envisagée de manière plus réaliste, elle accepte
mieux ses difficultés scolaires. Le travail reste
une source de stress important, avec un recours
encore trop fréquent à la procrastination lorsque
Madame A. craint de ne pas être à la hauteur. La
psychothérapie se poursuit.
Vignette clinique n°2
Madame B., 39 ans, divorcée, deux enfants,
consulte suite à une discussion avec une amie
pour difficultés relationnelles professionnelles.
Après 3 séances d’évaluation le diagnostic (ICD
10) de trouble anxieux généralisé est retenu, avec
dans les antécédents, il y a 10 ans, dans le
contexte du divorce, une dépression majeure
sévère sans symptômes psychotiques traitée par
antidépresseur et psychothérapie d’inspiration
analytique. Douze séances de psychothérapie ont
été réalisées à ce jour, au cours desquelles ont été
introduits les documents présentés.
La patiente aimerait mieux gérer son stress, c’està-dire être plus objective dans la gestion du
personnel au sein de sa petite entreprise. Elle
souhaite également être plus disponible pour ses
enfants et plus affirmée dans sa relation avec son
ami avec qui elle se dispute fréquemment
lorsqu’elle est épuisée, être plus efficace au
travail (procrastine trop), moins s’inquiéter pour
la santé de ses enfants.
Les premières séances ont porté sur la discussion
du diagnostic, avec des conseils de lecture. Une
observation quotidienne de son anxiété et de ses
journées a débouché sur des analyses
fonctionnelles en séance (2ème séance).
Exemple d’analyse fonctionnelle chez Madame B. (méthode des cercles vicieux: Cungi, 1996)
SITUATION
Mon employée
dysfonctionne
COMPORTEMENT
J’y pense sans arrêt
Je ne vois pas de solution
CONSEQUENCES
Je rumine, je m’épuise
EMOTIONS
Anxiété, colère
PENSEES AUTOMATIQUES
"Je ne peux me passer d’elle"
"Si je travaille seule ce sera pire
parce que je suis incompétente"
"Je suis faible, je suis incapable
de la licencier"
Avec Mme B., le document 1 a été amené à la
3ème séance, avec pour consigne de le relire à la
maison. Puis quelques outils de gestion du stress
ont été utilisés chez cette patiente très occupée
(aménagement de l’emploi du temps, délégation
de tâches à la maison et au travail, jeux de rôle
pour la gestion du personnel et l’organisation des
temps communs avec son ami).
Le document 2 a été introduit dès la 4ème séance et
réutilisé à chaque séance suivante.
Document 1, Madame B. (extraits de la 3ème séance)
"Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété?"
è Terreurs nocturnes, fatigue chronique, douleurs dorsales, troubles digestifs, irritabilité, passer à coté
de la vie, subir la vie.
1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION
Situation probable et actuelle,
Non modifiable. Par exemple:
-
Difficulté de prendre des décisions
Situation peu probable, voir imaginaire.
Par exemple:
-
Me retrouver toute seule
Avoir une maladie grave
Que mes enfants aient une maladie grave
Situation probable et actuelle,
Modifiable. Par exemple:
-
Surcharge de travail
Document 2, Madame B.: J’apprends à gérer mes soucis (extraits de la 4ème séance)
Description de mon
souci: ce que je me suis
dit dans ma tête
Anxiété La situation redoutée Si vous avez répondu OUI au
en %?
est-elle probable
moins une fois: la situation estmaintenant?
elle modifiable?
OUI / NON
Comment?
Anxiété
en %?
Probable bientôt?
OUI / NON
Je ne peux me
résoudre à licencier
cette employée qui
dysfonctionne et puis
je ne trouverai
personne pour la
remplacer
95
Probable
Jeux de rôle pour évaluer la
maintenant et qui
collaboratrice qui
est présente depuis
dysfonctionne puis lui
plus de 6 mois
signifier son licenciement
Jeux de rôle sur les modalités
pratiques d’engagement
d’une autre collaboratrice
Madame B. précise que son anxiété a nettement
diminué après le 1er jeu de rôle qui lui a permis
d’envisager des solutions concrètes simples et
efficaces.
Dans le contexte de cette psychothérapie ces
outils ont permis à Mme B. de retrouver un
sentiment de contrôle sur le flot de ses soucis.
Cette démarche systématisée lui a clairement
permis de reprendre le contrôle de la situation.
Elle prend conscience qu’une fois un processus
de décision élaboré et mis en pratique son anxiété
diminue. L’utilisation du je associé à un
comportement assertif lui permet de contrôler sa
50
tension anxieuse. Son rôle de mère s’en trouve
facilité et elle décide de rompre avec son ami.
Au travail, le recours à la procrastination est
maintenant nettement moins fréquent et bien
identifié par la patiente. La psychothérapie se
poursuit.
Discussion
De façon assez systématique le premier document
permet au patient de mieux comprendre la notion
d’anxiété et de réfléchir au retentissement négatif
qu’elle a sur son fonctionnement. Il lui permet
aussi de façon concrète de se représenter son
anxiété et de ne plus la vivre comme un
phénomène au contour flou, constitutionnel et
difficile à combattre. De plus la catégorisation en
trois entités permet de dégager des stratégies de
traitement d’ensemble s’appuyant sur une action
efficace simplifiée s’articulant autour de ACCEPTER,
LÂCHER PRISE, AGIR CONCRÈTEMENT. On peut parler
d’un travail de restructuration cognitive adapté au
TAG. L’idée d’un tri des soucis a suscité divers
commentaires positifs chez nos patients tels que:
J’ai enfin compris comment on fait le lâcher
prise ou C’est mieux que quand on me dit: arrête
de t’en faire.
Le deuxième document permet lui d’entraîner
cette catégorisation et la recherche de solutions
anxiolytiques; il s’agit d’automatiser cette
démarche de gestion des problèmes. Certains
patients nous font part d’une nette diminution de
leur anxiété lorsqu’ils remplissent ces colonnes
(moins 30 à 50 %), d’autres ont besoin comme
Mme A. d’être plus dans l’action. Un patient
résume cela avec ses mots: Je réfléchis beaucoup
plus qu’avant; je me demande si ça vaut la peine
de s’inquiéter pour telle et telle chose. Pour les
patients qui apprécient la lecture, l’ouvrage de
Ladouceur et al. "Arrêtez de vous faire du souci
pour tout et pour rien" (2003) peut renforcer ce
processus psychothérapeutique.
Conclusion
Ce travail cognitif a permis d’améliorer
l’efficacité de la TCC traditionnelle (recherche de
pensées alternatives, travail sur les schémas), en
l’adaptant au TAG.
Références
Borkovec (1983; 1987). In Ladouceur, Marchand
& Boisvert: Les troubles anxieux. Paris:
Masson.
Bouvard M (2002). Questionnaires et échelles
d’évaluation de la personnalité. Paris:
Masson.
Bouvard M & Cottraux J (2002). Protocole et
échelles d’évaluation en psychiatrie et en
psychologie. Paris: Masson.
Cungi C (1996). Savoir s’affirmer. Paris: Retz.
Freeston M (1994). In Ladouceur, Marchand &
Boisvert: Les troubles anxieux. Paris:
Masson.
Freeston M (2000). Le travail cognitif sur les
soucis. Hand-out du séminaire ASPCo du 16
décembre, à Genève.
Freeston M (2002). Le travail
psychothérapeutique sur les soucis. Hand-out
du séminaire ASPCo des 14 et 15 juin, à
Montreux.
Ladouceur R, Belanger L & Leger E (2003).
Arrêtez de vous faire du souci pour tout et
pour rien. Paris: Odile Jacob.
Ladouceur R & Dugas MJ (1999). Le trouble
anxieux généralisé. In Ladouceur, Marchand
& Boisvert: Les troubles anxieux. Paris:
Masson.
Wells A (1997). Cognitive therapy of anxiety
disorder. Manchester: John Wiley and Sons.
Autres lectures
Bondolfi G (2003). Le trouble d’anxiété
généralisé. Communication ASPCo,
polycopié, Octobre.
Mollard E (2003). La peur de tout. Paris: Odile
Jacob.
DOCUMENTS ANNEXES :
VOIR PAGES SUIVANTES
DOCUMENT 1 (PAGE 1)
PSYCHOTHERAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE
DE L’ANXIETE ET DES SOUCIS
1) Qu’est-ce que l’anxiété? Les soucis?
L’ANXIETE est un état de tension durable (physique et psychologique). L’individu se prépare à
affronter des situations de danger auxquelles il craint de ne pas pouvoir faire face. Bien souvent il
anticipe l’échec de ses actions et imagine des catastrophes pour lui-même et ses proches. Son esprit
est rempli de SOUCIS (les images et les idées qui accompagnent la tension anxieuse).
Un état d’anxiété qui devient chronique peut conduire la personne à l’épuisement, voir à la
dépression nerveuse. Le corps est soumis à rude épreuve (douleurs dorsales, maux de tête, ulcère
gastrique…). Lorsque les conséquences négatives de l’anxiété deviennent trop importantes, on peut
parler d’anxiété maladive ou pathologique qui nécessite un traitement psychothérapeutique, voir
médicamenteux.
Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété?
...................................................................................................................................................................
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...................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................
2) Comment modifier ce fonctionnement psychologique?
La psychothérapie cognitive et comportementale aide la personne anxieuse à réfléchir de manière
efficace sur les idées qui accompagnent l’anxiété (= les soucis), afin d’abaisser l’intensité de ses
émotions. Le but ultime est l’apprentissage d’une nouvelle façon de penser, plus proche de la réalité.
Pour ce faire, le psychothérapeute propose différents outils d’auto-observation et de remise en
question des soucis. L’idée générale est celle d’une démarche en deux temps:
• 1er temps: l’analyse de la situation. La situation redoutée par la personne est-elle une situation
actuelle et probable, ou bien une situation imaginaire? Est-elle modifiable d’une manière ou d’une
autre?
• 2e temps: l’action efficace. En fonction de la 1ère étape, la personne sélectionne les inquiétudes sur
lesquelles il serait adapté de réfléchir (= celles qui présentent un danger réel) et essaie de définir
quelle serait SA part d’action possible (= accepter, changer la situation, agir sur certains éléments
seulement…).
Ces deux temps sont schématisés sur la page suivante. Essayez de retrouver dans votre propre
expérience des exemples qui pourraient illustrer cette conceptualisation.
DOCUMENT 1 (PAGE 2)
SCHEMA D’INTERVENTION SUR LES SOUCIS
1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION
Situation probable et actuelle,
Non modifiable. Par exemple:
Situation peu probable,
voir imaginaire.
Par exemple:
Situation probable et actuelle,
Modifiable. Par exemple:
2e temps: L'ACTION EFFICACE
ACCEPTER la réalité lorsqu’elle ne peut être
modifiée (= une action psychologique). Comment
faciliter cette acceptation?
LACHER PRISE. Se concentrer sur les
problèmes actuels ou probables.
AGIR CONCRETEMENT sur l’ensemble de la
situation ou sur certains aspects seulement.
DOCUMENT 2
J’APPRENDS À GÉRER MES SOUCIS
Description de mon souci:
ce que je me suis dit dans
ma tête
Anxiété
en %?
La situation redoutée
est-elle probable
maintenant?
OUI / NON
Probable bientôt?
OUI / NON
Si vous avez répondu
OUI au moins une fois:
la situation est-elle
modifiable?
Comment?
Anxiété
en %?
•
ACTIVITÉS DES MEMBRES …
• ACTIVITÉS DES MEMBRES …
• ACTIVITÉS DES MEMBRES …
Cette rubrique s'était donné comme mission de mieux faire connaître les membres entre eux. L'idée était
de profiter du journal pour se faire connaître, mais aussi pour connaître qui d'autre travaille dans des
domaines proches, ou encore se faire une idée de qui fait quoi et où, afin p.ex. de mieux cibler des
adressages … ou pour d'autres raisons encore !!
Le thème choisi pour ce numéro était:
Traitez-vous les troubles alimentaires par la TCC?
Malheureusement, cette rubrique reçoit peu de contributions, et cette fois une seule
expérience nous est parvenue.
Cela signifie peut-être que la formule choisie pour nous permettre d'échanger nos
pratiques et nos expériences n'est pas encore tout à fait au point … si vous avez d'autres
idées, nous les recevrons avec plaisir et intérêt … merci d'avance !!!
Voici donc le dernier "enregistrement" du micro-trottoir …
**********
Je suis installée depuis cinq ans dans un centre
médical où je collabore entre autres avec un
médecin endocrinologue et une diététicienne.
Mon arrivée avait été souhaitée pour améliorer le
traitement des patients obèses de ce centre.
Lors de mon installation en 1999, j’ai trouvé des
collègues plutôt découragés par le faible taux
d’amaigrissement de leurs patients… On
comptait sur la TCC pour améliorer ce taux!
Cinq ans plus tard ne crois pas que les choses
aient beaucoup changé, mais les soignants sont
moins déprimés! Mon intervention a surtout
consisté à diminuer les attentes de mes collègues,
à présenter l’hyperphagie boulimique comme une
maladie chronique, à viser une stabilisation du
poids de ces personnes plutôt qu’un
amaigrissement spectaculaire, et à proposer des
traitements pour la psychopathologie associée
(anxiété,
dépression).
Côté
technique,
l’utilisation du fameux carnet alimentaire,
lorsqu’elle est acceptée, est un outil psycho-
éducatif de choix qui crée aussi un lien entre les
différents intervenants puisque médecin,
psychologue et diététicienne s’y réfèrent.
Sensibilisée au traitement des troubles du
comportement alimentaire lors de mon passage
en psychiatrie de liaison, je traite également des
jeunes femmes souffrant de boulimie nerveuse et
d’anorexie. De manière générale, l’aspect
structuré de la TCC est bénéfique pour ces
patientes mais requiert chez elles une motivation
élevée et une décision: se séparer de son
symptôme. Lorsque la personne n’est pas prête
pour une TCC (J’ai oublié de faire mon carnet
alimentaire); c’est au psychothérapeute de l’aider
à comprendre pourquoi et de reformuler avec elle
le focus de la psychothérapie.
Martine Dubosson
Psychologue FSP
Membre ordinaire ASPCo
[email protected]
ÉCHOS DE CONGRÈS, DE FORMATION, etc.
**********
Atelier-retraite de Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT):
Prévention de la rechute dépressive
Organisé et dirigé par Lucio Bizzini, Guido Bondolfi et Zindel V Segal.
Crêt-Bérard, Puidoux (VD), Du 17 au 22 août 2004
Le monde du silence …
Autrefois, l’expression "le monde du silence"
représentait selon l’émérite commandant
Cousteau l’univers profond des océans. Après
notre visite de Bari au 8e Congrès sur le
Constructivisme1 et des Pouilles en 2003, cet
autre cadre spirituel qu’est le cloître de CrêtBérard, proche de Lausanne, nous a récemment
permis de nous rendre dans les plus profonds
abîmes de l’âme (Kaufmann, 2003). En effet, ce
cloître nous a plongé dans un esprit de
recueillement dans la pleine conscience, en
anglais "Mindfulness". A l’extrême entre
l’ancrage dans l’infinité du cosmos, comme au
sein de la plus grande densité d’un minéral.
Mindfulness, vient de "mind" qui veut dire esprit
et "fullness" qui signifie plénitude, totalité. Si
l’on prend le bloc "Mindfull" on se rapproche
encore davantage de la réalité sur cette pratique
qui équivaut à "être attentif à …".
A Bari, Jon Kabat-Zinn2 s’était prêté à une
introduction de cette technique méditative
empruntée à la spiritualité bouddhiste (KabatZinn, 1994). A Genève, Zindel Segal3 avait déjà
présenté auparavant cette approche du traitement
contre la dépression récurrente (Segal et al,
2002) qu’il est venu enseigner l'été passé à CrêtBérard. En ce moment, le Dr Bondolfi et son
1
Pour des échos de ce congrès, voir ASPCo-Info n°14,
octobre 2003.
2
PhD, Center for Mindfulness in Medicine, Health Care,
and Society University of Massachussets Medical School /
USA.
3
PhD, Center for Addiction and Mental Health at the
University of Toronto / Canada.
équipe conduisent à Genève un programme
groupal avec ce type d’approche.
Sur un plan neurobiologique on a pu observer
que
les
enregistrements
électroencéphalographiques (EEG) de personnes
entraînées au mindfulness révélaient une
asymétrie cérébrale préfrontale en faveur de
l’hémisphère gauche. De plus, dans cette étude
on a relevé une amélioration de la défense
immunitaire (Davidson et al, 2003). Ce résultat
pourrait d’ailleurs être corrélé à celui d’une autre
expérience, aux mêmes conditions de pleine
conscience, où l’on a notamment mesuré une
concentration sérique abaissée en épinéphrine et
cortisol, deux hormones dites du stress qui
affaiblissent la fonction immune. De plus, une
forte augmentation des métabolites urinaires de
la sérotonine (5-HT) chez les méditants
suggérerait une élévation de 5-HT intracérébrale,
évoquant ainsi un effet antidépresseur (Newberg
et al, 2003). Une étude récente dans le
Wisconsin/USA conduite avec des moines
tibétains, grands pratiquants de la méditation,
révèle par les rythmes gammas, très rapides
(>30Hz), de l’EEG, témoins de l’activité mentale
intense, qu’à long terme on observerait des
modifications corticales frontales, pariétales et
d’autres
régions
témoignant
d’une
synchronisation à longue distance entre elles et
dont le degré d’activité reflèterait l’entrainement
des sujets (Lutz et al, 2004). L’imagerie
fonctionnelle est en passe de démontrer
également qu’un travail en pleine conscience à
long terme modifie durablement le métabolisme
intracérébral dans des zones corticales précises
(Newberg et al, 2001). Enfin, les laboratoires de
la MIT aux USA portent aussi un grand intérêt à
cette application et comptent la développer dans
d’autres domaines que la dépression résistante
comme le fait notamment le Dr Kabat-Zinn pour
les patients souffrant de stress ou de douleurs
chroniques. Depuis plusieurs années la Dresse
Linehan intègre la technique dans un programme
élargi avec les patients borderline. Le programme
CARE dirigé par la Dresse Mc Quillan à Genève
s’en est inspiré. En Californie, une expérience est
en cours avec des enfants souffrant du syndrome
d’hyperactivité et trouble de l’attention. A
Seattle le Dr Marlatt expérimente un programme
dans le domaine de l’addiction.
Les techniques en pleine conscience pourraient
s’appliquer à n’importe quel moment de la
journée, n’importe où, mais pas n’importe
comment. En réalité, conformément à notre
neurobiologie cérébrale, il s’agit plutôt de trains
de conscience qui durent de 1 à 10 secondes, 3 à
4 secondes en moyenne (Stern, 2003). Des
thérapeutes et soignants francophones et italiens
sont donc venus à Crêt-Bérard pour apprendre
comment tirer profit des moments présents, et
d’autres ont pu partager ou échanger les résultats
obtenus auprès de leurs patients.
En guise d’introduction dans le séminaire, Zindel
Segal nous plonge dans un monde
multidimensionnel où chaque détail compte.
Ainsi nous faisons connaissance avec ce que
certains appellent l’"effet fraise" et d’autres
"l’exercice du raisin". Cela consiste à examiner
un objet, ici un fruit, et de faire appel à toute sa
sensorialité, comme si nouvellement arrivé sur
Terre on l’observait, le ressentait, l’écoutait,
l’humait, le goûtait pour la première fois de son
existence. Contrairement à la tendance du patient
dépressif chronique cet enseignement consiste à
lui offrir la notion qu’un objet n’est pas qu’une
vérité qu’il perçoit au premier regard. Mais que
cet objet est au contraire multiple, variable selon
les angles d’observation et les modalités
engagées dans l’expérience et la quantité
d’informations que l’on peut en tirer.
Puis pour nous rendre plus profondément et
longtemps dans le moment présent, en position
assise sur une chaise ou par terre en tailleur, nous
nous ancrons dans le flux inspiro-expiratoire de
la respiration, découvrant, notant, accueillant les
pensées, les images, les émotions, les souvenirs,
les sons et les sensations, sans jugement. Ceci
notamment dans un esprit de distinction entre
pensées négatives et faits réels. Par exemple,
dans un esprit de restructuration cognitive, une
feuille morte est un fait et peut représenter
l’automne mais n’est pas l’automne. Par
extrapolation, dans son essence, elle incarne
encore moins la mort au sens stricte bien qu’elle
soit morte, contrairement au symbolisme que
certains peuvent lui prêter et qui n’est pas réel.
Ensuite, avec le "body scan" nous intégrons
chaque partie du corps progressivement, tout en
restant attentifs au ressenti d’un éventuel malaise
proprioceptif, d’une sensation douloureuse ou
tout autre perception sensitive que nous noterons
au passage. De même, le "mindful walking" est
une technique qui annonce que le mindfulness
est applicable facilement partout. Elle consiste en
une concentration seconde après seconde sur le
mouvement lent de la marche comme si l’on
voulait observer chaque détail du fonctionnement
de l’articulation de la marche, pouvant donner
l’impression d’astronautes marchant avec la
gravité de la lune. Cette même technique est
applicable pour n’importe quel geste quotidien.
Aussi, l’avons nous mêmes appliquée au
brossage des dents … collet après collet.
Initialement, notre nature nous appelle plutôt à
écouter les particularités des sons dans le silence
comme dans le souhait de distinguer le chant
d’un oiseau d’une forêt au crépuscule. Le poète
allemand Goethe s’en est inspiré dans ses
oeuvres. Puis avec davantage de pratique en
pleine conscience on cherche à discerner les
différents silences dans le brouhaha du monde,
car lorsqu’on prête attention au silence extérieur,
le silence intérieur se dévoile et la paix, le calme
à l’intérieur de soi tendent à apparaître (Toll,
2000). C’est ainsi que se présente en quelque
sorte le condensé du principe thérapeutique.
Le lendemain d’un joyeux feu de camp, en fin de
stage, le Zindel Segal a offert à chaque
participant une petite pierre de couleur, de forme
et de densité différente. Bien qu’uniques, le
dénominateur commun de toutes ces pierres
pourrait représenter en même temps la plénitude
issue du Big Bang initial et l’incommensurable
néant universel que cet événement originel a
laissé derrière lui. Un univers infini qui se dilate
puis se contracte alternativement comme la
pleine conscience des mouvements respiratoires.
Plus profondément, cela s’apparente à une
invitation à la rencontre du renforcement de son
autotranscendance chère à Cloninger dans son
modèle des 7 dimensions de la personnalité
(1999).
A l’heure où le temps social a tendance à
s’accélérer, le temps individuel tend au
ralentissement. Comme si le corps réclamait à ce
qu’on revienne au rythme qui lui est propre.
Ainsi en respectant son rythme nous restons son
conducteur. De plus nous savons aujourd’hui que
l’expérience subjective du temps est tributaire de
notre attention (Coull et al, 2004). En
conséquence, prenons donc maintenant ce temps
pour nous, laissons-nous immerger dans les
mouvements lents et silencieux de notre
respiration, et pendant quelques minutes fermons
nos yeux*.
Yves-Alexandre Kaufmann
Membre Candidat ASPCo
[email protected]
* Dans un but de partage de notre pratique individuelle nous nous réunissons en séances de mindfulness entre
thérapeutes à Genève tous les lundis entre 13h et 13h45 à la Consultation Jonction, 16-18 bd St Georges, 022 327
75 92. Ouverture à tous les soignants.
Références
Cloninger CB (1999). Personality and
psychopathology. APA, Washington.
Coull TJ & al (2004). Functional anatomy of
attentional modulation of time estimation.
Science, 303, 1506-1508.
Davidson RJ, Kabat-Zinn J & al (2003).
Alterations in brain and immune function
produced by mindfulness meditation.
Psychosom Med, 65(4), 564-570.
Newberg AB, d’Aquili E & al (2001). Pourquoi
"Dieu" ne disparaîtra pas. Sully, France.
Newberg AB & Iversen J (2003). The neural
basis of the complex mental task of
meditation: neurotransmitter and
neurochemical considerations. Medical
Hypotheses, 61(2), 282-291.
Kabat-Zinn J (1994). Wherever you go there you
are. New-York: Hyperion.
Kaufmann Y-A (2003). Les bâtisseurs du futur.
ASPCo-Info n°14, 10-11.
Lutz A, Ricard M, Davidson RJ & al (2004).
Long-term meditators self-induce high
amplitude gamma synchrony during mental
practice. PNAS, 101(46), 16369-16373.
Segal ZV, Williams JMG & Teasdale JD (2002).
Mindfulness-Based Cognitive Therapy for
Depression. New-York: the Guilford Press.
Stern DN (2003). Le moment présent en
psychothérapie. Paris: Odile Jacob.
Toll E (2000). Le pouvoir du moment présent.
Ariane, Canada.
**********
"Diagnosis and treatment of PTSD: how to conduct prolonged exposure
therapy"
Séminaire de perfectionnement spécialisé ASPCo avec Edna FOA
Genève, du 28 au 30 octobre 2004
Une fois encore, l’ASPCo nous a offert le
privilège de participer à un séminaire de
perfectionnement spécialisé donné par un
enseignant exceptionnel.
La présence, l’autorité bienveillante et l’attitude
thérapeutique rigoureuse, mais aussi la grande
simplicité, l’humanité et la gentillesse du
professeur Foa m’ont vraiment beaucoup
impressionnée.
Le professeur Foa nous a transmis l’essentiel de
son expérience concernant le traitement des états
de stress post traumatiques (PTSD: posttraumatic stress disorder), et enseigné le
protocole spécifique qu’elle a développé depuis
une vingtaine d’années: la Prolonged Exposure
therapy (PE), formation qu’elle dispense dans de
nombreux pays.
En introduction, elle nous a présenté de façon
très clinique le diagnostic, l’épidémiologie et les
études comparées des diverses thérapies
existantes.
Ce trouble extrêmement fréquent est largement
sous diagnostiqué. Quelques chiffres éloquents:
aux USA, le risque de vivre un événement
traumatique (au sens du DSM IV: critical
incident) durant la vie entière est de 60%. En
moyenne, 10% des victimes vont développer un
PTSD (le risque dépend notamment de la nature
du traumatisme: 50% pour les victimes de viol,
3% pour celles d’une catastrophe naturelle); un
cinquième seulement bénéficiera d’un traitement.
On parle de PTSD aigu entre 1 et 3 mois après le
traumatisme, et de PTSD chronique après 3
mois. Une évolution spontanément favorable est
exclue si le trouble dure plus d’un an, et un
traitement est alors indispensable. En effet,
l’altération de la qualité de vie des patients est
extrêmement significative, et 20% d’entre eux
commettent un geste suicidaire.
Au niveau de la prévention du développement du
trouble, le professeur Foa insiste surtout sur
l’importance dans un premier temps de parler de
ce qui s’est passé dans le cadre socio-familial.
Ces premières narrations permettent d’articuler
les souvenirs (l’objectivité des faits est
secondaire!). En revanche, en se basant sur les
données de la littérature, Foa relève que le
debriefing systématique est à éviter, il pourrait
entraver le processus naturel de guérison
spontanée. Deux à cinq semaines après le
traumatisme, un programme de prévention de 4-5
séances hebdomadaires individuelles de TCC
(CBT
Prevention
Program)
comprenant
essentiellement des informations sur le trauma et
ses conséquences psychophysiologiques, de la
relaxation et des exercices respiratoires, etc.,
semble efficace.
Nous avons ensuite abordé le protocole de PE
(Prolonged Exposure).
La PE se déroule durant une dizaine de séances à
raison de 1-2 séances de 90 minutes par semaine,
complétées de tâches à domicile quotidiennes
intensives.
La thérapie s’articule autour de 2 axes:
comportemental et cognitif. L’exposition, en
imagination et in-vivo, représente la composante
essentielle du traitement. Elle se situe quelque
part entre une désensibilisation systématique
(trop lente) et un floading (trop intense) et
permet l’engagement émotionnel nécessaire. La
dimension cognitive est abordée principalement
à travers la psycho-éducation avec les
informations sur le PTSD et les explications du
traitement, mais aussi par la restructuration
cognitive afin de modifier les cognitions
erronées qui sous-tendent le PTSD (c’est le
PTSD qui provoque les distorsions cognitives,
pas le traumatisme). Le patient bénéficie aussi
d’entraînement à la respiration et devient plus
compétent dans la gestion du stress.
Le professeur Foa insiste sur l’importance de
bien suivre les étapes du protocole en fixant le
cadre et le nombre de séances en début de
thérapie. Les résultats sont généralement très
satisfaisants, même si une exacerbation
transitoire des symptômes n’est pas exclue
durant quelques séances.
Le patient est impliqué d’emblée dans une
attitude active, et commence par remplir des
questionnaires d’autoévaluation. Il reçoit un
manuel pour les tâches à domicile, comprenant
également des explications du traitement, des
informations théoriques sur le PTSD (à faire lire
également aux proches), etc.
Les deux premières séances sont consacrées à la
présentation du programme, discussion des
procédures, psychoéducation sur le PTSD,
entraînement à la respiration, récolte de données
concernant le traumatisme, apprentissage de
l’autoévaluation de l’anxiété (SUD: Subjective
Units of Distress scale), lister et hiérarchiser les
comportements d’évitements en vue des
expositions in vivo et préparer les tâches à
domicile. L’enregistrement audio de chaque
séance doit être réécouté à domicile par le
patient.
De plus, dès la troisième séance, le patient va
devoir raconter en détails le déroulement du
traumatisme, durant 45 à 60 minutes, les yeux
fermés, en parlant au présent. Cette exposition en
imagination favorise la confrontation et
l’habituation aux souvenirs, aux images et aux
émotions liés au trauma. Cette partie spécifique
est enregistrée séparément et sert pour les tâches
à domicile où l’on demande au patient de
pratiquer quotidiennement cette exposition en
imagination, en réécoutant l’enregistrement. Les
séances suivantes se déroulent sur le même
modèle avec une focalisation sur les moments les
plus pénibles (hot spots) lors des séances 6 à 9.
La dixième et dernière séance est à nouveau
consacrée au traumatisme dans son intégralité.
Le patient peut ainsi progressivement se re-narrer
son expérience. La répétition de la narration
amène une diminution de la charge émotionnelle,
favorise la ré-organisation du récit et le
changement de signification ainsi que la
diminution des cognitions dysfonctionnelles. Le
patient retrouve le contrôle de ses souvenirs sans
redouter qu’ils fassent irruption dans sa
conscience de façon involontaire et fragmentaire.
Les expositions in vivo permettent de réduire les
craintes exagérées et les évitements, augmentant
ainsi la compétence personnelle du patient.
Les informations théoriques ont été enrichies de
vidéos très émouvantes, et nous avons eu
l’occasion de nous entraîner en duos dans des
simulations de séances très didactiques.
Ce protocole thérapeutique m’a vivement
intéressée et semblé très efficace. Actuellement,
pour des raisons d’organisation, il me semble
difficile à appliquer dans ma pratique
ambulatoire privée. Je m’interroge en outre sur le
soutien et la disponibilité à offrir aux patients
entre les séances durant cette thérapie à
l’engagement émotionnel si intense.
Véronique Favre Schlaepfer
Membre ordinaire ASPCo
[email protected]
HOMMAGE
Peu avant Noël, nous avons appris avec émotion, tristesse et incrédulité le décès de Nicole
Reverdin, membre de notre Association dès sa création.
Incrédulité, parce que Nicole Reverdin incarnait l'énergie, la créativité, le mouvement; bref la
vie.
Psychothérapeute respectée et recherchée, elle a été le témoin attentif de toute l'évolution de
la psychiatrie genevoise. Elle a traversé les révolutions théoriques et institutionnelles, prenant
le meilleur de chacune d'elles, dans un souci constant de parfaire sa pratique. Sa forte
personnalité, son absence de préjugés et son humour réjouissant l'ont toujours accompagnée
dans cette aventure.
Nicole Reverdin aimait la vie et savait la cultiver. L'amitié, l'hospitalité, l'amour de l'art sous
toutes ses formes, les voyages, le golf, la lecture, les plaisirs de la table, la musique, tout cela
faisait partie de l'existence de Nicole Reverdin, dont le plaisir suprême était de le partager avec
les autres.
C'est un être généreux, original, vibrant et précieux qui nous a quittés.
Françoise Bourrit, Membre ordinaire ASPCo
ANNONCES DE CONGRÈS, FORMATIONS
•
Genève, (Ramada Park Hotel Cointrin), 6 avril 2005
Conférence/ateliers organisés par la Croix-Rouge suisse "Au-delà de la violence. Conflits violents,
soins et processus de réconciliation".
[email protected] ou [email protected]
http://www.redcross.ch/activities/migration/news/news_html?newsid=065435261040Tagungsbroschüre
•
Sion (VS), 28 avril 2005
Stress, troubles de l'adaptation et travail
4ème Journée d'Etude de l'ASPCo, en partenariat avec la Clinique Romande de Réadaptation
(CRR – SUVA)
Avec P. Légeron, P.-A. Fauchère, C. Favre, L. Bizzini, R. Eiselé
Inscriptions: [email protected]
Info: [email protected] ou [email protected]
•
Canterbury (UK), 20-23 juillet 2005
Conférence annuelle de la BABCP
www.babcp.com/canterbury/index_cant2005.htm
•
Göteborg (S), 13-17 juin 2005
5th International Congress of Cognitive Psychotherapy (IACP)
in confluency with …
IX World Congress on Constructivism
[email protected]
[email protected]
www.congrex.se/ICCP2005
• Washington (USA), 17-20 novembre 2005
39th Annual Convention of the AABT
www.aabt.org
• Thessaloniki (Grèce), 22-25 septembre 2005
35ème Congrès de l’EABCT. CBT: the art of an integrative science
[email protected]
www.gacbp.com
• Paris (F), 20-23 septembre 2006
36ème Congrès de l’EABCT. Patient and therapist creativity in psychotherapy
www.eabctparis2006.com
• Chicago (USA), 16-20 novembre 2006
40th Annual Convention of the AABT
www.aabt.org
• Barcelona (E), 11-15 juillet 2007
World Congress of Behavioral and Cognitive Therapies (EABCT)
www.wcbct2007.com/
FORMATION ASPCo
•
Agenda des ATELIERS DE PERFECTIONNEMENT, premier semestre 2005
Responsable de la formation : Lucio Bizzini
Département de Psychiatrie, HUG, 16-18, bd St-Georges, 1205 Genève
e-mail : [email protected]
DATES
¿
ENSEIGNANTS
TITRES
•
29.01.05
B
C. Morin
Traitement des troubles du sommeil
•
19.02.05
B
G. George
TCC avec les enfants
•
11/12.03.05
C
J. Montangero
Utilisation des rêves en TCC
•
23.04.05
B
Travailler avec les patients violents
•
21.05.05
Z
V. Schekter
D. Roth
D.N. Stern
•
27/28.05.05
Y
Troubles de la personnalité (en anglais)
•
10/11.06.05
R
•
11.06.05
B
C. Padesky
K. Mooney
G. Arciero
V. Di Liberto
C. Cungi
•
25.06.05
B
8ème Journée Clinique
de l'ASPCo
Présentations de cas
Le moment présent en psychothérapie
Comment intégrer l'approche constructiviste
dans notre pratique clinique (en français)
Le cannabis
Légende des horaires …
B
C
R
Y
Z
SA 9h - 17h
VE 14h - 18h
VE 14h30 - 18h30
VE 9h - 17h
SA 8h30 - 16h30
?
Comme habituellement, vous recevrez toujours à l'avance pour chaque atelier une info et le
formulaire d'inscription ...
Lieu
Bâtiment les Champs, 2ème étage, Belle-Idée, Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG)
2, ch. Du Petit-Bel-Air - 1225 Chêne-Bourg / Genève
+
+
+
…
SA 9h - 16h
SA 9h - 17h30
SA 9h - 17h
suivi par l'AG
ANNONCE
(Lieu: la Seymaz)
FCU – FCU – FCU – FCU - FCU – FCU – FCU– FCU – FCU – FCU – FCU – FCU
•
•
Diplôme de Formation Continue Universitaire (FCU) en Psychothérapie cognitivo-comportementale
Certificat de Formation Continue Universitaire (FCU) en Stratégies cognitives et comportementales
de la relation thérapeutique
LES INSCRIPTIONS SONT MAINTENANT OUVERTES! deadline au 20 mai 2005
Les informations détaillées sont à disposition sur le site de l'Université de Genève
http://www.unige.ch/formcont/AAdiplomant/psy_psycogcomp_a_05_08.html
En tant que membre de l'ASPCo vous allez recevoir une brochure de la formation.
A vous qui souhaiteriez recevoir d'autres exemplaires ou des affichettes
pour vous-même ou pour faire connaître cette formation autour de vous
n'hésitez pas à contacter Vera Bizzini, coordinatrice de la formation.
Elle vous les fera parvenir volontiers!
[email protected]
Le numéro d'octobre est traditionnellement consacré à la formation, et vous avez pu lire
et apprécier les présentations de fin de formation ASPCo lors du dernier
numéro. Un petit prolongement de ce plaisir ci-après avec une "séance de rattrapage".
Notez aussi que Françoise Sironi (qui est citée dans cette présentation) sera présente à Genève en avril
prochain (voir annonce à la page 17) lors d'un colloque organisé par la Croix-Rouge Suisse avec le
concours de Caroline Schlar, qui est également membre de l'ASPCo … Elle est aussi citée dans le
compte-rendu de formation concernant l'atelier de Edna Foa (voir page 15)
**********
PSYCHOTHÉRAPIE COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE
D’UNE PERSONNE VICTIME DE TORTURE
ELEA: HISTOIRE D’UNE RÉFUGIÉE POLITIQUE EN SUISSE
Sylvie Rombaldi
psychologue FSP, Membre Candidate ASPCo
15, av. Trembley – 1209 Genève
[email protected]
Vignette clinique non
publiée sur le site
Vignette clinique non
publiée sur le site
Vignette clinique non
publiée sur le site
REVUE DE LA LITTÉRATURE ET
PRÉSENTATION D'OUVRAGES
Chers lecteurs, sentez-vous libres de continuer à nous faire parvenir des commentaires sur des lectures
qui vous ont intéressé! Ils seront toujours les bienvenus …
**********
"ALLO? JE SUIS DANS LE BUS! ET TOI, TU ES OÙ?"
De quelques usages du téléphone portable…
Josiane PRAZ
Psychologue FSP, Membre ordinaire ASPCo
9, rue Schaub – 1202 Genève
[email protected]
Introduction
Est-il déjà arrivé que le téléphone portable de
l’un de vos patients se mette à sonner pendant
une séance? Selon mon expérience, le patient
s’excuse aussitôt et s’empresse de faire taire le
gêneur. Il s’agit là de l’aspect intrusif de la
sonnerie du téléphone. Je vais toutefois aborder
ici deux autres aspects liés à l’usage d’un
téléphone portable: l’irritation que l’on peut
ressentir lorsqu’on est involontairement témoin
d’une conversation, et l’usage d’un téléphone
portable comme moyen de contrôle.
Pourquoi ça nous énerve?
L’idée de cet article est née de l’agacement que
je ressens régulièrement dans les transports
publics en entendant mon ou ma voisin(e) de
siège s’exclamer fébrilement Je suis dans le bus!
J’arrive!, ce discours passionnant adressé à un
tiers invisible pouvant se poursuivre par de
multiples considérations personnelles qui ne me
regardent pas. Ces comportements perturbateurs
peuvent être appréhendés avec le modèle de
l’affirmation
de
soi:
il
s’agirait
de
comportements dits agressifs car ne tenant pas
compte des besoins des autres. L’auditeur malgré
lui est en effet ignoré en tant que personne
pourtant bien présente, tout en étant placé en
position d’intrus dans une conversation privée.
Monk, Carroll, Parker & Blythe (2004) ont mené
une recherche afin d’obtenir quelques réponses à
la question: Pourquoi ça nous énerve? Ils ont
ainsi mis en évidence le fait que, pour les
témoins, les conversations de ce type sont
significativement plus perturbantes que les
conversations en face à face. Une hypothèse
intéressante concernait un éventuel effet de
nouveauté: ce phénomène étant relativement
récent, il serait plus saillant et nous n’y serions
pas encore habitués, contrairement aux
conversations habituelles que nous avons appris
à ignorer. Cette hypothèse ne peut pour l’instant
être écartée, mais l’explication la plus
intéressante concerne le fait qu’avec un
téléphone portable, on n’entend que la moitié
d’une conversation, ce qui constitue à la fois un
brouillage des frontières entre espace public et
espace privé, et une transgression des règles de la
conversation, résultant en un sentiment de
malaise et d’irritation chez le témoin. Cet effet
est plus intense dans un endroit fermé (train) que
dans un espace ouvert (arrêt de bus), le témoin
involontaire pouvant moins facilement échapper
à la situation. Dans la vie quotidienne, certains
utilisateurs de portables s’éloignent d’ailleurs
spontanément des personnes présentes lorsqu’ils
reçoivent un appel. On notera par ailleurs que,
dans la recherche mentionnée ci-dessus, la
variable volume sonore de la conversation ayant
été contrôlée, elle ne joue pas de rôle dans les
résultats. Quant à la variable contenu des
conversations interceptées, les chercheurs ne
peuvent se prononcer, en raison d’un biais
méthodologique. Cet aspect a par contre été
examiné, dans une optique psychanalytique, par
Hurni (2002), qui parle d’effraction dans
l’intimité d’autrui, contraint à subir des paroles
d’une consternante indigence (p. 292) qui
l’empêchent de penser. Cet auteur évoque un
discours vide, clamé à l’oreille du public,
impliqué
malgré
lui
dans
l’intimité
professionnelle ou familiale du téléphoneur.
Le harcèlement téléphonique
Hurni (2002) invoque par ailleurs une
problématique de détresse abandonnique chez le
téléphoneur, le téléphone portable offrant la
possibilité d’être en permanence en contact avec
ses proches. Cette nouvelle technologie permet
par la même occasion à certaines personnes
d’exercer un contrôle plus serré sur leurs
proches. C’est ainsi que, dans ma pratique
clinique, j’ai eu l’occasion de travailler avec une
patiente qui avait équipé sa fille de onze ans d’un
Natel afin de pouvoir la suivre à la trace, et avec
un patient adulte harcelé téléphoniquement par
sa mère tout au long de ses journées de travail
comme de repos: Tu es où? Avec qui? Tu fais
quoi? Dans les deux cas, il s’agit, de la part de la
mère qui téléphone, d’une stratégie de contrôle à
distance, que je qualifierais volontiers d’abusive.
Les problématiques sous-jacentes à ces
comportements sont toutefois différentes.
En ce qui concerne la première mère,
surprotectrice, elle craignait toujours qu’il arrive
un malheur à sa fille (accident, agression, voire
enlèvement), ceci dans le contexte d’une anxiété
généralisée chez une personnalité histrionique.
La croyance centrale était du type loin de moi,
mon enfant est en danger. La fonction du
téléphone portable était donc de la rassurer
(comportement de sécurité), ceci au détriment de
l’autonomie de sa fille. Celle-ci ne manquant pas
de ressources, elle avait toutefois assez vite
appris à ignorer les appels de sa mère, auxquels
elle ne répondait que quand elle le voulait bien.
Quant au deuxième cas, les besoins de
tranquillité du patient n’étaient pas non plus pris
en compte par sa mère, qui disait s’ennuyer et se
sentir seule quand ses journées n’étaient pas
ponctuées par des appels à son fils adulte. En
conséquence, celui-ci se sentait coupable à l’idée
de s’affirmer en faisant valoir ses besoins et en
posant des limites aux comportements
envahissants de sa mère. Soumis à une double
emprise
(culpabilisation
et
harcèlement
téléphonique), il se sentait exaspéré et
impuissant. Il présentait même des éléments de
stress
post-traumatique
(hypervigilance,
anticipation anxieuse de la sonnerie redoutée,
évitement généralisé du téléphone). Ayant
impérativement besoin de son portable pour son
travail, il ne pouvait pas le débrancher. Sa
stratégie de filtrage consistait à regarder le
numéro de l’appelant avant de répondre. Lorsque
celui de sa mère s’affichait (ce qui suffisait à
l’exaspérer), il enclenchait le répondeur, mais sa
mère insistait jusqu’à ce que, à bout de nerfs, il
finisse par répondre, scénario que sa mère avait
évidemment très bien enregistré.
L’usage abusif du téléphone portable relève
naturellement d’un problème relationnel, que
l’on peut aborder dans une TCC avec nos
techniques habituelles, tant pour l’usager que
pour sa victime: travail sur les schémas,
restructuration cognitive, et surtout affirmation
de soi. La fonction relationnelle du téléphone
portable peut toutefois être momentanément
oubliée. Voici ce que m’a dit un jour un patient
muni d’un téléphone portable dernier cri, avec
appareil photo, machine à laver, etc. (j’exagère à
peine…): A quoi ça sert d’avoir un téléphone,
quand on n’a personne à appeler?
Conclusions
Le téléphone portable est bien entendu un
instrument destiné à nous être utile dans notre
vie privée et professionnelle. Avant d’être
considéré comme dangereux pour les
conducteurs, il a même été utilisé pour
accompagner verbalement les patients lors de
thérapies comportementales de phobies de la
conduite ou d’agoraphobie (Flynn, Taylor &
Pollard, 1992). Comme tout instrument de
communication, tout dépend de l’usage que
Drrrrriiiiiiiinnnng! Excusez-moi… heu… c’est
mon téléphone fixe. Je n’ai pas de portable…
enfin, pas encore …
Références
Flynn TM, Taylor P & Pollard A (1992). Use of
mobile phones in the behavioral treatment
of driving phobias. Journal of Behavioral
Therapy and Experimental Psychiatry, 23
(4), 299-302.
Hurni M (2002). Téléphone portable et
exhibitionnisme. In M Hurni & G Stoll:
Saccages psychiques au quotidien.
Perversion narcissique dans les familles
(pp. 289-294). Paris: L’Harmattan.
Monk A, Carroll J, Parker S & Blythe M (2004).
Why are mobile phones annoying?
Behavior and Information Technology, 23
(1), 33-41.
**********
"VAINCRE LES ENNEMIS DU SOMMEIL"
Compte-rendu du livre de Charles Morin 4
Corinne TIHON IVANYI
Membre Candidate ASPCo
4, ch. Castoldi – 1208 Genève
[email protected]
A la suite de l'excellent cours ASPCo que
Charles Morin vient de donner le 29 janvier
dernier sur la thérapie cognitive et
comportementale de l’insomnie, Lucio Bizzini,
enthousiaste, m’a demandé de faire un petit
compte-rendu du livre intitulé “Vaincre les
ennemis du sommeil”.
C’est avec grand plaisir que je me suis mise à
l’ouvrage car ce livre m’a été très utile lors de
l’application pratique de la TCC de l’insomnie.
**********
Si l’ouvrage de Ch. Morin a principalement une
visée pratique, une grande partie de celui-ci est
néanmoins consacrée à la présentation de
concepts théoriques concernant le sommeil et ses
troubles. En effet, quel que soit le lecteur
(thérapeute désirant parfaire sa pratique clinique
ou personne souffrant d’insomnie), une bonne
connaissance du sommeil et de ses mécanismes
est une part importante dans la résolution de ses
difficultés.
Après une présentation succincte mais précise de
notions de base sur le sommeil, l’auteur introduit
un des troubles les plus fréquemment rencontrés
en clinique, à savoir, l’insomnie. Il distingue les
différentes formes d’insomnie, illustrant ses
propos par des exemples concrets. Dans ce
même chapitre, il relate également les facteurs de
risque, ainsi que l’impact de l’insomnie
chronique sur le bien-être de la personne et, plus
généralement, sur la société. Il conclut cette
introduction théorique par un questionnaire
permettant au lecteur de mieux situer ses
difficultés de sommeil.
Le chapitre 3 est consacré à la présentation de
nombreuses causes de l’insomnie (notamment:
troubles psychologiques, causes médicales, abus
de substances ou prise de certains médicaments,
causes environnementales). A la fin de ce
4
chapitre, l’auteur présente un excellent résumé
du processus transformant les problèmes de
sommeil occasionnels en insomnie chronique
ainsi que le cercle vicieux de l’anxiété de
performance et de l’insomnie.
Dans le chapitre suivant, Ch. Morin explique les
différentes évaluations et mesures communément
effectuées dans un centre du sommeil permettant
de détecter les divers troubles pouvant survenir
lors du sommeil.
L’auteur
introduit
ensuite
la
partie
essentiellement pratique du livre par un survol
des différentes facettes du traitement (résumant
ainsi les 4 chapitres suivants) regroupées sous la
forme d’un programme de gestion personnelle.
L’auteur y insiste sur la notion de "perception
d’efficacité personnelle, c’est-à-dire la croyance
de posséder un certain degré de contrôle sur un
problème particulier et ses conséquences. (…).
Pour l’insomniaque, la croyance erronée que le
sommeil est perturbé par quelque chose qui est
hors de son contrôle, tel qu’un déséquilibre
hormonal, mène inévitablement à un sentiment
de désespoir et d’impuissance aggravant
davantage les difficultés de sommeil." (p. 78). Un
des buts primordiaux du programme présenté
dans ce livre est précisément de briser ce cercle
vicieux d’impuissance et de désespoir en
enseignant au lecteur des techniques servant à
surmonter son problème d’insomnie ou à
composer avec celui-ci.
Le programme thérapeutique commence
réellement au chapitre 6 par un changement des
mauvaises habitudes de sommeil. L’auteur y
introduit, entre autres, certaines procédures mises
en évidence par le Dr Bootzin (thérapie du
contrôle par le stimulus) et par le Dr Spielman
(thérapie de la restriction du sommeil).
L’objectif du chapitre suivant est "de remettre en
question l’évidence d’une relation causale
Charles Morin (1997). Vaincre les ennemis du sommeil. Les Editions de l'Homme.
directe entre les difficultés de sommeil et les
séquelles ressenties durant la journée" (p. 128)
en explorant les croyances et cognitions
dysfonctionnelles à propos du sommeil, en les
remettant en question et en les remplaçant par
des pensées plus productives. Le huitième
chapitre est dédié à la notion de stress dans la vie
quotidienne et aux nombreuses techniques
permettant de mieux le gérer (respiration
profonde, méditation, affirmation de soi, etc.).
Lors de la dernière étape du programme, l’auteur
rappelle quelques notions essentielles à une
bonne hygiène de sommeil.
Le dernier tiers du livre est consacré à
l’explication de la notion d’horloge biologique et
de son influence sur l’individu, à la
pharmacothérapie comme méthode actuellement
privilégiée pour traiter l’insomnie ainsi qu’à une
brève description des autres troubles du
sommeil. Les deux derniers chapitres présentent
finalement le sommeil chez l’enfant et chez la
personne âgée.
En conclusion, par une présentation théorique
très concise de diverses notions appartenant au
domaine de la clinique du sommeil, ainsi que par
ses multiples conseils pratiques, ce livre offre
une excellente compréhension de l’insomnie et
permet à chacun de mettre en place une stratégie
personnalisée de gestion de son sommeil.
Corinne Tihon Ivanyi
Membre Candidate ASPCo
PARUTION RECENTE … PARUTION RECENTE …
Pour tous les lecteurs qui sont à l'aise
avec la langue italienne, voici un
excellent ouvrage qui vient de paraître. Il
traite du rêve et de psychothérapie. Et
plus précisément, de l'utilisation de
matériel onirique en psychothérapie
cognitive.
A Souligner aussi, le chapitre sur le
travail en TCC avec le rêve chez la
personne âgée, co-écrit par plusieurs
membres de l'ASPCo:
"L'uso del materiale onirico nella
psicoterapia cognitiva dell'anziano"
Par Rita Pezzati, Lucio Bizzini, Fabio
Moser et Lusmila Myers-Arrázola
TOC" (Editions Odile
Jacob, 2000).
PARUTION RECENTE …
Voici maintenant,
le manuel du thérapeute.
On connaissait déjà
son précédent
ouvrage,
un self-help précieux
("Je ne peux pas
m'arrêter de laver,
vérifier, compter.
Mieux vivre avec un
Bonne lecture!
Petite info: retenez le délai rédactionnel du prochain numéro
15 mai 2005
Adresse de contact ASPCo
Secrétariat ASPCo
Rédaction ASPCo-Info
Roland Eiselé
Président de l'ASPCo
5, ch. Malombré
1206 Genève
Joana Iadaresta
38, Av. de Crozet
1219 Châtelaine
Anna Zinetti Bertschy
4, ch. de la Ruite
1252 Meinier
( 022 789 01 56
( + fax 022 796 39 82
[email protected]
[email protected]
www.aspco.ch
[email protected]
ASPCo-Info n°19 - numéro libre - février 2005
Sommaire
Le mot du Président, par R. Eiselé ................................................................................................. p. 1
Contribution spéciale
• Le trouble anxieux généralisé: une recherche d'outils thérapeutiques,
par M Dubosson et A Souche ....................................................................................................... p. 2
Micro-trottoir, activités des membres …
• Traitez-vous les troubles alimentaires par la TCC? ..................................................................... p. 11
Echos de congrès, de formations, etc.
• "Atelier-retraite de Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT); avec Lucio Bizzini,
Guido Bondolfi et Zindel Segal, à Crêt-Bérard (VD)", par Y-A Kauffmann ............................. p. 12
• "Diagnosis and treatment of PTSD, atelier ASPCo avec Edna Foa, à Genève",
par V Favre Schlaepfer .............................................................................................................. p. 15
Annonces de congrès, formations
• Congrès, formations ..................................................................................................................... p. 17
• Fomation ASPCo: ateliers de perfectionnement, premier semestre 2005..................................... p. 18
• Fomation ASPCo - Uni GE: Formation Continue Universitaire ................................................. p. 19
Présentations de fin de formation ASPCo
• Psychothérapie cognitivo-constructiviste d'une personne victime de torture.
Elea: histoire d'une réfugiée politique en Suisse, par S Rombaldi ............................................... p. 20
Revue de littérature et présentation d'ouvrages
• "Allo? Je suis dans le bus! Et toi, tu es où?" De quelques usages du téléphone portable,
par J Praz ..................................................................................................................................... p. 23
• Compte-rendu d'ouvrages: Ch. Morin "Vaincre les ennemis du sommeil"
par C Tihon Ivanyi ........................................................................................................................ p. 25
Parutions récentes ...........................................................................................................................
ASPCo …
prochain délai rédactionnel ...............................................................................................................
adresse de contact ASPCo ................................................................................................................
coordonnées du secrétariat ASPCo ...................................................................................................
adresses de la rédaction ASPCo-Info ................................................................................................
Sommaire ASPCo-Info n°19 ...........................................................................................................
www.aspco.ch
p. 26
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p.
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