Au petit bonheur d`un magasin de tissus… - Ville de Beaumont

Transcription

Au petit bonheur d`un magasin de tissus… - Ville de Beaumont
1
Nostalgie et douceur sur le temps qui passe
Au petit bonheur d’un magasin de tissus…
Ce Beaumont en Valentinois de l’année 1979 avait
vu son jeune maire à la tête de son conseil municipal, réélu depuis à peine deux années et proposer à
l’assemblée délibérative que s’accomplisse sur divers espaces communaux, un stage de
sculpteurs…Avec le concours de jeunes gens passionnés par cette expression artistique, venus
d’horizons divers, appelés à concevoir des volumes, des formes, des silhouettes, des œuvres
originales devant être durablement installées à demeure en des points passants et publics du village. Il
s’agissait d’une idée intéressante, imaginative et généreuse destinée à être profitable à la vision
paysagère de notre petite bourgade médiévale. Une façon intelligente et innovante pour l’embellir en
la dotant d’un ensemble sculptural esthétique devant rester pour la postérité, aux endroits où leurs
auteurs les avaient finement ciselées, marteaux en mains et offertes gracieusement à toute la
collectivité reconnaissante.
C’était une époque pas tout à fait immémoriale à
laquelle Beaumont en Sud Valentinois était à la fois régionalement réputé pour son traditionnel corso
de Pâques mais aussi pour posséder en ses murs, une très renommée usine d’impressions sur tissus à
la raison sociale de Breynat, du nom d’une vieille et fondatrice famille du terroir. C’était alors le plus
important et glorieux fleuron économique de la vive petite commune, à la fois connue pour
l’implantation de cette véritable richesse industrielle villageoise à tous égards et comme à demeure.
Cette usine possédait ses locaux depuis des temps immémoriaux en cœur de village : Cette enceinte
vieillotte et surannée et tout de même un peu archaïque, possède toujours une cour d’honneur ornée
de quelques platanes centenaires. Elle employait alors près de deux cents salariés. Il s’agissait d’une
unité de production globalement inscrite dans une chaîne industrielle nationale de fournitures de
tissus les plus variés qui furent, précieux ou bien usuels, indifféremment destinés à l’habillement, à
l’habitat, à toutes les activités artisanales ou industrielles utilisatrices de voilages et autres tentures.
Beaumont-lès-Valence se montrait très fier de son
usine, alors prospère et installée au fait de sa grande notoriété, de sa luxuriance économique, de sa
florissante production industrielle presque dominante dans le secteur d’activités. Aussi de ce temps
d’il y a trente ans, la taxe professionnelle procurée par cette usine au profit des finances communales,
représentait un apport financier de première importance, précieuse autant que déterminante et même
stratégique. Pour une collectivité voyant en elle aussi et surtout l’employeur le plus important de la
commune et même de l’entour, dans ses collines paysagères limitrophes. De ce temps aussi, cette
société exploitante possédait un membre de son encadrement en qualité corrélative de conseiller
municipal. Cette collaboration apportait une présence significative et plus que symbolique dans le
cénacle décisionnel de la municipalité. Monsieur Pierre était donc un des éminents responsables de
l’entreprise Breynat. Il assumait simultanément la responsabilité du magasin de ventes de tissus
ouvert à l’intention du public très intéressé par toutes ses fournitures intéressant la maison. Ce négoce
se trouvait situé au rez-de-chaussée d’un bâtiment dépendant de l’ensemble immobilier de la société
2
exploitante. Son accès était utilisable à partir de la cour de l’usine. Aux heures d’ouverture, dans cet
excellent magasin se vendaient à profusion de nombreuses pièces de tissus dans toute la gamme de la
production de l’usine située à deux pas : toutes les variétés possibles avec tous les motifs même les
plus innovants, les décorations inventives et exclusives, à la pointe de la mode ou traditionnelles. Et
surtout, à prix très avantageux et même uniques, défiant toute concurrence même celle depuis très
loin à la ronde. On venait depuis des villes très éloignées pour s’approvisionner en tissus chez
Breynat, un label, une spécialité, une qualité garantis. En ce temps, encore présent dans toutes les
mémoires des autochtones, point n’était besoin pour le chaland de se rendre le mardi matin au marché
de Fombarlettes : En matière de tissus, tout se trouvait sur place et l’immensité de la clientèle venait à
Beaumont, en particulier depuis toute la vaste agglomération valentinoise pour se procurer des tissus
de qualités et aux meilleurs prix qui furent et à la grande satisfaction de tous.
Mon épouse et ma famille eurent nécessairement
recours à l’achat de ces pièces pour des besoins ponctuels et particuliers. Evidemment, c’était un
régal autant qu’un plaisir conjugués au féminin pluriel, pour toutes ces nombreuses dames cousettes
ou petites mains de venir fouiller, trifouiller et farfouiller dans ces énormes et très attractifs amas de
bobines longues et courtes, massives et lourdes, de venir choisir pour mener à bien des travaux de
dames très utiles et souvent renouvelés en leurs maisonnées respectives. Dans ce magasin toujours
très achalandé, des senteurs chiffonnes propres à ces tissus récemment sortis d’usine, s’offraient à la
narine des visiteuses, les odeurs d’étoffes à la fois cireuses et vives ayant reçu très récemment leurs
définitifs apprêts. Des odeurs entremêlées et complexes de rayonne, de tissus aux fils industriels ou
plus nobles, des pashminas, au petit bonheur des bourrettes, des grèges, des matasses, des tussahs, des
schappes et des organsins, à l’intension des dames les plus raffinées et les plus fortunées. Pendant que
la vendeuse très affairée, allant de cliente en cliente, avec célérité et aménité, vous mesurait au gabarit
la longueur souhaitée tout en rajoutant le plus souvent une petite longueur gratis supplémentaire : Un
effet de la bonne commercialité vis-à-vis de la clientèle fidélisée et reconnaissante.
En mes attributions professionnelles de secrétaire de
mairie de la commune, ce fut de cette époque pendant laquelle, il m’était apparu hautement nécessaire
de proposer au Conseil Municipal de doter urgemment la commune d’isoloirs nécessaires pour
l’organisation récurrente et officielle des élections…Plutôt que de continuer à utiliser du matériel
dépassé, vétuste et inadapté. Alors, Monsieur Pierre témoigna de toute sa grande générosité
contributive, de sa parfaite obligeance pour aimablement faire cadeau à la petite collectivité locale de
tous ces métrages de jolis tissus de la couleur bleue France et de la dimension souhaitée et en
longueurs requises par le règlement et le code électoral. Etant entendu que le nombre d’isoloirs par
bureau de vote doit toujours se montrer proportionnel au nombre d’électeurs inscrits sur la liste
électorale. Alors, avec la charmante et compétente collaboration des petites cousettes, employée de la
mairie et dame d’élu, la commune posséda vite quatre isoloirs joliment et même élégamment équipés,
tissus de chez Breynat et armatures métalliques réalisées avec le concours du forgeron du village,
Monsieur Marius.
Tant il fut vrai aussi que ces isoloirs durent, la
même année, servir pour l’accomplissement des élections prud’homales intéressant au premier chef
l’usine Breynat et son personnel en activité ; Alors quelque centaine d’électeurs salariés de
l’entreprise virent voter pour l’élection de leurs représentants devant être amenés à connaître et juger,
dans la juridiction prud’homale, des conflits et contentieux entre employeurs et employés dont
éventuellement ceux exerçant sur la commune. Il importait, ce jour là, pour moi d’assurer le
secrétariat du bureau de vote installé dans la grande salle municipale publique : Celle qui occupe
3
actuellement le volume dont dispose le service municipal d’accueil du public. C’était il y a
exactement trente ans que se passaient dans notre village ces circonstances de la vie municipale.
Quoique, au fil de ces fuyantes décennies éteintes, l’activité industrielle de l’entreprise Breynat ne
cessa continuellement de se restructurer, de se réorganiser de réductions du personnel en dégraissages
des effectifs opérés par la direction selon des conditions économiques allant se dégradant sans cesse.
Puisque l’ouverture des marchés, dont ceux intéressant les tissus, vit la France complètement envahie
par ces produits plus que concurrentiels en provenance massive du tiers monde. Tant le magasin de
ventes fut définitivement fermé au public dans le début des années quatre-vingt-dix.
Pendant que disparaissait ce négoce de proximité
très utile, vivant et passionnant, se perdait un véritable savoir-faire, un contact significatif, un lien
social fort, un point de rencontre pour dames spécialistes, une tradition vivante et précieuse, celle qui
permettait à toute une chacune d’acheter sur place ce que la population est amenée aujourd’hui à se
procurer ailleurs, sans garantie de qualités ni de prix, dans les allées d’un marché international cahincaha, au gré des camelots. Pendant que se perdaient aussi intra muros à Beaumont de la qualité des
produits locaux, de l’élégance et des inimitables cachets liés à la compétence des ouvriers
d’impressions sur tissus dont la plupart habitaient sur le territoire de la commune en y faisant vivre
leurs familles. C’était de cette époque lointaine pendant laquelle : Vivre et Travailler au pays étaient
compatibles et fort appréciés. Certains Meilleurs Ouvriers de France faisaient alors partie de l’effectif
des coloristes de l’inimitable entreprise Breynat…Tous partis aux quatre coins de la destinée
humaine. Sans que ne s’altère en ma mémoire le vif souvenir de la reconnaissante image liée…
Au petit bonheur d’un magasin de tissus…
28 septembre 2009
Jean d’Orfeuille