Lutte contre Les poLLutions diffuses par Les nitrates

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Lutte contre Les poLLutions diffuses par Les nitrates
FICHE
thématique
7
La pollution des eaux par les nitrates est un problème récurrent
dans l’ensemble des pays européens. Les sources de pollution
par les nitrates peuvent être ponctuelles ou diffuses et dans ce cas
non localisables. , Du fait du développement des élevages hors-sol
(poulets, porcs) dans des zones
déjà saturées et des cultures intensives utilisant les désherbages
chimiques et la surfertilisation, une
dégradation continue de la qualité
des eaux a été observée1. En 1988,
lors de la conférence ministérielle
de Francfort, un examen de la législation relative à la protection de
l’eau a été effectué. Cet examen a
abouti à l’adoption en 1991 de la
Directive sur les « Eaux Résiduaires
Urbaines » (voir fiche 12.4) et de la
Directive « Nitrates ».
EAU QUALITé
Lutte contre les
pollutions diffuses
par les nitrates
La Directive « Nitrates » ou Directive 91/676/
CEE du 12 décembre 1991
La directive 91/676/CEE dite directive « Nitrates » vise à protéger la qualité de l’eau en Europe en empêchant les nitrates d’origine agricole de polluer les eaux souterraines et de
surface, et en encourageant l’utilisation des bonnes pratiques agricoles. La mise en œuvre
des mesures incombe aux états membres.
La directive «Nitrates» fait partie intégrante de la directive-cadre sur l’eau et est l’un des
instruments clés dans la protection des eaux contre les pressions agricoles.
Elle vise à :
+ réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources
agricoles,
+ prévenir toute nouvelle pollution de ce type.
La directive « Nitrates » fixe trois grandes obligations aux États membres :
+ désigner des « zones vulnérables », dans lesquelles la concentration en nitrates approche
ou dépasse 50 mg.l-1, et les zones (eaux douces ou littorales) côtières soumises à des phénomènes d’eutrophisation (développement exagéré d’algues, dues à un enrichissement
excessif des eaux par les nitrates),
+ mettre en œuvre dans ces zones des programmes d’action permettant de réduire la
pollution par des mesures de limitation des périodes d’épandages, de gestion des sols, de
réduction des quantités d’azote épandues,
+ rendre compte tous les trois ans à la Commission européenne des actions engagées et
des résultats obtenus sur la qualité des eaux.
La directive « Nitrates » prévoit que les États membres réexaminent et, au besoin, révisent
ou complètent en temps opportun, et au moins tous les quatre ans, la liste des zones vulnérables désignées afin de tenir compte des changements et des facteurs imprévisibles au
moment de la désignation précédente.
1 : http://europa.eu/legislation_summaries/agriculture/
environment/l28013_fr.htm
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Septembre 2012
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Les étapes de la mise en œuvre de la Directive « Nitrates », source OIEau Figure : Les étapes de la mise en œuvre de la Directive « Nitrates », source OIEau
En France, les étapes
de la mise en œuvre
de la directive « Nitrates »
En 2010, la Commission européenne a
débuté une procédure pré-contentieuse à
l’encontre de la France sur l’architecture et
le contenu des programmes d’actions et les
zones vulnérables. Aujourd’hui, un second
contentieux est en cours, sur l’application
de la Directive « Nitrates » et en particulier
sur le défaut de désignation des zones
De l’adoption de la directive « Nitrates », a
vulnérables
et sur l’efficacité des prodécoulé la mise en œuvre de campagnes
grammes
de
mesures.
de surveillance, la délimitation des zones
vulnérables et la définition de programmes
d’actions (cf. figure). Suite à la rédaction, par Si la France ne prend pas des mesures rapile CORPEN2, du code national des bonnes dement, la condamnation financière risque
pratiques agricoles, les premiers pro- d’être très lourde (Articles 226 et 228 du
grammes d’actions applicables aux zones traité instituant la Communauté eurovulnérables ont été élaborés par les préfets péenne : paiement d’une somme forfaidépartementaux. Les programmes d’ac- taire et d’une astreinte). Il est prudent de
tions sont encadrés en France par l’Etat, les tenter de s’y soustraire au vu du montant
des amendes. Le montant minimum de la
Agences de l’eau et l’ONEMA.
Actuellement, le quatrième programme somme forfaire étant fixé, pour la France, à
d’actions est en œuvre (2009-2013) et la 10,9 millions d’euros. À titre d’exemple, en
5ème révision des zones vulnérables est en 2005 (arrêté du 12 juillet de la Cours de Justice de la Communauté Européenne), dans
cours.
l’affaire dite des « Poissons sous taille », la
France a été condamnée à payer une somme
forfaitaire de 20 millions d’euros et une astreinte par période de six mois de 57,8 millions d’euros. En ce qui concerne la qualité
des eaux, la France a failli être condamnée
Dans les années 1990, la contamination par à 120.000 € d’amendes quotidiennes dans
les nitrates des captages a fait l’objet d’un la lutte contre la pollution des captages
d’eaux potables. Les mesures prises ayant
contentieux en Bretagne.
été jugées insuffisantes, elle n’a échappé à
l’amende qu’en fermant purement et sim2 : Comité d’ORientation pour des Pratiques agriplement les derniers sites (captages) liticoles respectueuses de l’ENvironnement
gieux.
Contexte
de contentieux
Lutte contre les pollutions diffuses par les nitrates
Septembre 2012
Révision de l’application de la directive,
depuis 2011
Dans ce contexte de contentieux, la France a
engagé depuis mi-2011, une réforme visant
à répondre aux demandes de la Commission
européenne. Afin d’améliorer la lisibilité, la
cohérence territoriale et l’efficacité de la réglementation française et ainsi, réduire encore les risques de pollution, de nouveaux
textes sont parus :
Le décret n°2011-1257 du 10 octobre
2011 créant un programme d’actions national et des programmes d’actions régionaux,
suivit de deux arrêtés :
arrêté du 19 décembre 2011 relatif au
programme d’actions national, qui définit des actions de nature obligatoire,
arrêté du 20 décembre 2011 relatif à la
composition des groupes régionaux d’expertise « nitrates ».
Trois textes relatifs aux mesures renforcées que pourront prendre les préfets dans
les zones les plus sensibles :
décret n°2012-676 du 7 mai 2012 relatif
aux programmes d’actions régionaux en
vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole
arrêté du 7 mai 2012 relatif aux actions
renforcées à mettre en œuvre dans certaines zones ou parties de zones vulnérables
en vue de la protection des eaux contre la
pollution par les nitrates d’origine agricole
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décret n°2012-675 du 7 mai 2012 relatif
au programme d’action à mettre en œuvre
dans les bassins connaissant d’importantes marées vertes sur les plages.
Ces textes modifient les contraintes environnementales des agriculteurs.
Suite à ces textes, à partir du 1er septembre 2012, la réglementation relative
aux nitrates d’origine agricole évoluera
donc ainsi :
+ les périodes d’interdiction d’épandage
des fertilisants azotés seront étendues ;
+ les modalités de dimensionnement et
de contrôle des capacités de stockage des
effluents d’élevage seront clarifiées et renforcées ;
+ les quantités d’azote émises par les vaches
laitières seront relevées en moyenne de
20 %, pour les élevages herbagers reconnus pour leur haute performance environnementale, un dispositif transitoire est mis
en place dans l’attente d’une dérogation au
plafond de 170 kg d’azote issu des effluents
d’élevage.
Par ailleurs, des groupes régionaux d’experts sur les nitrates préciseront les conditions de l’équilibre entre l’apport d’azote et
les besoins des cultures pour chaque parcelle. Le respect de cet équilibre est une des
obligations du plan d’actions.
Le calendrier de cette refonte prévoit que
les 4èmes programmes d’actions départementaux actuels évolueront vers des
programmes d’actions régionaux à leur
échéance de juin 2013. Ainsi mi-2013, la
refonte du dispositif devra être totalement
achevée.
Programmes
d’actions régionaux
décret n°2012-676
arrêté du 7 mai 2012
Les programmes d’actions régionaux
viennent compléter le programme d’actions national par des actions renforcées,
proportionnées et adaptées aux spécificités
locales. Ils sont mis en place par les préfets
de région. Dans les zones vulnérables, les
mesures reprennent ou déclinent des mesures prévues par le programme national.
Parmi les mesures sont proposées une déclaration annuelle des quantités d’azote de
toutes origines épandues et cédées et des
lieux d’épandage, la limitation du solde du
bilan azoté à l’échelle de l’exploitation agricole ou l’obligation de traiter ou d’exporter
l’azote des effluents au-delà d’un seuil fixé à
l’échelle de l’exploitation.
Bassins connaissant
d’importantes marées
vertes
décret n°2012-675
Sur les bassins connaissant d’importantes
marées vertes, la règlementation des zones
soumises à des contraintes environnementales (ZSCE) prévoit l’élaboration de programmes d’actions.
Les mesures du programme d’actions sont
dans un premier temps «proposées à titre
contractuel et volontaire aux agriculteurs»,
qui peuvent être aidés financièrement pour
les mettre en œuvre. Ces programmes d’actions, visant à lutter contre la pollution par
les nitrates, comportent des mesures destinées à une bonne maîtrise des fertilisants
azotés et à une gestion adaptée des terres
agricoles, dans l’objectif de restaurer et de
préserver la qualité des eaux.
Dans l’hypothèse où les résultats seraient
jugés insuffisants au regard des objectifs
fixés, le Préfet pourra décider de rendre ces
mesures obligatoires, dans les conditions et
les délais qu’il déterminera. Il pourra également décider d’intégrer les mesures spécifiques à certaines zones.
Ces programmes d’actions renforcent le dispositif mis en œuvre dans le cadre du plan
d’action de lutte contre les algues (février
2010) qui a pour objectif à l’horizon 2015, la
gestion des algues et la prévention de leur
prolifération en réduisant les flux de nitrates
arrivant dans les baies. Ce plan concerne
actuellement huit baies identifiées dans le
SDAGE du bassin Loire-Bretagne.
Avec le soutien de :
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Point de vue FNE
Dans le cadre des plans d’action, les
agriculteurs devront établir des plans
d’épandages pour s’assurer que la fertilisation des sols par les nitrates est
équilibrée. Si le principe est valable,
ces plans d’épandage sont en réalité
invérifiables sur le terrain. De plus,
deux dispositions du décret du 10
octobre 2011, constituent un recul
de l’action contre la pollution par les
nitrates :
+ le passage de la limitation actuelle
de 170 kg d’azote organique par ha
de surface épandable, à 170 kg par ha
de surface agricole utile, va permettre
une nouvelle concentration des cheptels
dans les zones vulnérables et une augmentation des épandages d’azote ;
+ les dispositions relatives à la production d’azote pour les bovins sont
incompréhensibles : elles pénalisent
gravement les systèmes herbagers, et
sous-estiment les quantités d’azote des
élevages intensifs ! A l’évidence, cette
mesure contrarie la mise en œuvre du
plan de lutte contre les algues vertes
qui retient parmi ses priorités, le développement des systèmes herbagers. Elle
remet en cause la réussite de la mesure
agri-environnementale « surfaces fourragères économes en intrants » actuellement
contractualisée par des milliers d’agriculteurs, et donne un signal extrêmement négatif aux exploitations bovines
souhaitant faire évoluer leurs systèmes
fourragers.
Des recours gracieux ont été formulés
par FNE et Eaux & rivières de Bretagne
contre le décret n°2011-1257 du 10 octobre 2011 et les décrets n°2012-676 et
n°2012-675.
Ces recours s’appuient principalement
sur l’avis de l’Autorité Environnementale
qui « recommande que des compléments
soient apportés dans l’évaluation environnementale globale du programme d’actions
nationale ». De plus, les nombreuses
modifications rendent le dispositif peut
compréhensible. Pour finir, au regard de
l’extrême fragilité des zones vulnérables,
il semble impératif, que les mesures supplémentaires aient un caractère obligatoire dans les programmes d’actions
régionaux afin de prévenir l’aggravation
de la pollution des eaux par les nitrates.
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