Lettre d`opinion de la Coalition adressée à la rédaction du Toronto

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Lettre d`opinion de la Coalition adressée à la rédaction du Toronto
La rédaction
The Toronto Star
5th Floor, One Yonge St.
Toronto, ON M5E 1E6
À la rédactrice en chef:
Re:
Lettre d’opinion de la Coalition des femmes pour l’abolition de la
prostitution [«la Coalition»]
Le récent article de Rosie DiManno sur les divergences d’opinion des organisations de
femmes qui souhaitent intervenir dans la contestation constitutionnelle des lois en matière
de prostitution dénature la position de notre Coalition des femmes pour l’abolition de la
prostitution. En réalité, madame DiManno n’a tenté de contacter personne de nos
organisations, ni notre conseillère juridique. Nous étions les seules organisations de
femmes revendiquant l’égalité à intervenir devant la Cour d’appel de l’Ontario et nous
travaillons sur ce dossier depuis plusieurs années. Nous tenons aujourd’hui à clarifier
notre position, dans nos propres mots. Cette position est ancrée dans la certitude que les
femmes sont égales et devraient être traitées en égales, non en décriminalisant l’accès des
hommes à leur corps mais en créant un climat social dans lequel elles disposeront d’une
gamme complète de ressources et de possibilités.
Nous sommes une coalition pancanadienne de sept organisations de femmes revendiquant
l’égalité et d’organisations de femmes autochtones qui prenons parti contre la
décriminalisation de l’exploitation et de la vente du corps des femmes par des proxénètes
et des prostitueurs. Nous appuyons un modèle juridique dans lequel les femmes ne sont
pas criminalisées en raison de leur prostitution. Nous sommes pro-femmes et pro-égalité.
Notre position protège les intérêts de toutes les femmes en prostitution en proposant un
mécanisme qui leur permettra de signaler tout acte de violence ou tout autre préjudice
sans crainte d’être elles-mêmes criminalisées.
Beaucoup de femmes cherchent des moyens d’échapper à l’industrie du sexe.
Décriminaliser les personnes qui les achètent et s’en font les proxénètes ne fait
qu’accroître la demande et la pression visant à maintenir les femmes dans le piège de
l’exploitation sexuelle.
Nous dénonçons l’achat et la vente de femmes et d’enfants par des hommes, de même
que la criminalisation des femmes aux prises avec la prostitution. Trop de femmes n’ont
pas accès à un revenu convenable, à l’éducation ou même à un minimum d’aide sociale.
Aucune femme ne devrait être obligée de vendre son corps pour payer son loyer ou
nourrir ses enfants. La plupart de celles qui sont ciblées pour la prostitution ont été
victimes de violence dans leur enfance et leur adolescence, et leurs tentatives
d’anesthésier la douleur résultant de ces expériences les rend vulnérables à encore plus de
violence. Les femmes dans la prostitution ont subi la violence de proxénètes et de clients
dans la rue et derrière des portes closes. Décriminaliser la prostitution ne rendra jamais
celle-ci plus sécuritaire pour les femmes.
Les femmes sont les plus négativement affectées par l’absence d’un revenu acceptable
garanti, de logements à coût abordable et d’un accès à des services de garde, ainsi que par
l’érosion d’une foule de ressources communautaires. Ces conditions sont très propices à
l’exploitation sexuelle de celles qui subissent le démantèlement de notre filet de sécurité
sociale. Les femmes autochtones et les immigrantes sont surreprésentées dans la
prostitution. La pauvreté, le déracinement, la séparation d’avec leurs communautés, leurs
vécus en pensionnats autochtones, en foyers d’accueil et en institutions, et leur
marginalisation sociale généralisée sont tous des facteurs qui attestent de leur
vulnérabilité à cette forme particulière de violence et d’exploitation. Toutes les femmes,
au Canada et dans le monde, devraient être libres de cette forme d’esclavage, de violence,
d’inégalité et d’exploitation.
Nous soutenons le principe d’une reddition de comptes de ceux qui voudraient tirer profit
de la traite des personnes, du proxénétisme et de l’achat de femmes – ils doivent
demeurer criminalisés. La Charte des droits et libertés ne garantit aucunement aux
hommes un droit d’accès au corps des femmes.
Les femmes devraient être reconnues pour leur travail et pouvoir accéder à des emplois
dignes de ce nom. Il n’est pas égalitaire de décriminaliser la prostitution et de la qualifier
de «travail» de femmes, alors que les ressources communautaires ont été décimées et les
femmes privées d’occasions de s’instruire, de travailler et d’obtenir un salaire équitable.
Les femmes qui n’ont que peu ou pas de choix sont lésées par la prostitution, et elles le
seront encore davantage par une décriminalisation totale de cette industrie misogyne et
par une commercialisation de leur corps.
S’il se trouve des femmes pour prétendre que c’est leur choix de se prostituer, nos efforts
doivent porter sur toutes les femmes qui, dans le monde entier, sont rendues vulnérables à
la prostitution et à la traite des personnes, pas seulement par des hommes individuels,
mais surtout par un contexte de violence et d’oppression systémiques. En l’absence
d’alternatives, on ne peut parler de choix.
Nous voulons plus que la prostitution pour les femmes. Nous voulons des occasions
d’emplois dignes de ce nom qui vont leur offrir de vrais choix. Nous voulons un accès
abordable à l’éducation. Nous voulons des services de désintoxication et des soins de
santé. Nous voulons des services de garde abordables et des possibilités pour l’ensemble
des femmes et des filles.
La Coalition demande aux Canadiennes et aux Canadiens d’exiger une véritable égalité
pour les femmes qui passe par des ressources communautaires telles un revenu acceptable
garanti, des services de soutien pour les femmes et les filles qui veulent échapper à des
situations de violence ou à la prostitution, des services de désintoxication, des soins de
santé et des occasions de s’instruire, et NON par la décriminalisation des profits effectués
grâce à la vente de leur corps. Il faut décriminaliser les femmes en prostitution, pas les
clients et les proxénètes.
Membres de la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution:
Vancouver: CASAC/ACCCACS – Canadian Association of Sexual Assault Centres/
Association canadienne des centres contre le viol
Vancouver: Vancouver Rape Relief & Women’s Shelter
Ottawa: AFAC – Association des femmes autochtones du Canada
Ottawa: ACSEF – Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry
Ottawa: AOcVF – Action ontarienne contre la violence faite aux femmes
Montréal: RQCALACS – Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel
Montréal: CLES – Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle
Contacts médias:
Diane Matte, 514-750-4536, [email protected]
Claudette Dumont-Smith, 613-722-3033, poste 223, [email protected]
Hilla Kerner, 604-872-8212, [email protected]
Candice Pilgrim, 613-866-6875, [email protected]
[email protected]