Chronique de Droit bancaire et financier 2002 (Luxembourg)

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Chronique de Droit bancaire et financier 2002 (Luxembourg)
Chronique de jurisprudence / Rechtspraakoverzicht
Chronique de Droit bancaire et financier 2002
(Luxembourg)
Alex SCHMITT
Avocat aux barreaux de Luxembourg et Bruxelles
Elisabeth OMES
Avocat au barreau de Luxembourg
Table des matières
PARTIE I. LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATION . . . . . . . . . 281
La loi du 13 janvier 2002 portant approbation de la Convention
internationale pour la répression du faux monnayage ainsi que
du protocole y relatif, signés à Genève en date du 20 avril 1929,
et modification de certaines dispositions du code pénal et
du code d’instruction criminelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
I.
L’altération et la falsification des pièces de monnaie . . . . . . 281
II.
La contrefaçon et la falsification des signes monétaires
sous forme de billets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282
III.
La contrefaçon et la falsification des titres représentatifs
de droits de propriété, de créances ou de valeurs mobilières
autres que les signes monétaires sous forme de billets . . . . . 282
Les opérations de contrefaçon et de falsification. . . . . . . . . 282
IV.
La loi du 14 mai 2002 portant transposition dans la loi
modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier de la directive
2000/28/CE modifiant la directive 2000/12/CE concernant l’accès à
l’activité des établissements de crédit et son exercice et
de la directive 2000/46/CE concernant l’accès à l’activité
des établissements de monnaie électronique et son exercice
ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements . . . . . . 282
I.
II.
Définition et activité des établissements
de monnaie électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
Les mesures tendant à assurer l’intégrité financière des
établissements et les intérêts des consommateurs . . . . . . . . 283
Les règles prudentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’obligation de remboursement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les assises financières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les placements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
283
283
283
283
Les exemptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
La loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes
à l’égard du traitement des données à caractère personnel. . . . . . .
I.
Champ d’application de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
II.
Conditions de licéité des traitements de données. . . . . . . . .
III.
Formalités préalables à la mise en œuvre des traitements de
données. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
IV.
Les droits de la personne concernée . . . . . . . . . . . . . . . . . .
V.
Droit d’information . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Droit d’accès. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Droit d’opposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les obligations du responsable du traitement . . . . . . . . . . .
284
284
284
285
285
285
285
285
286
Obligations concernant la sécurité des traitements . . . . . . . 286
Obligations en cas de transfert des traitements vers
des pays tiers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
280
La loi du 20 décembre 2002 concernant les organismes de placement
collectif et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la
taxe sur la valeur ajoutée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
I.
Les politiques de placement des OPCVM. . . . . . . . . . . . . . 286
II.
Les sociétés de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
A.
Les sociétés de gestion assurant la gestion d’OPCVM . . . . 287
L’activité des sociétés de gestion d’OPCVM . . . . . . . . . . . . 288
Les conditions d’obtention de l’agrément . . . . . . . . . . . . . . 288
L’introduction du passeport européen . . . . . . . . . . . . . . . . 288
B.
Les autres sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois . . . . 289
La forme juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
L’activité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Les moyens financiers suffisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Les dirigeants et les actionnaires ou associés . . . . . . . . . . . 289
Le recours à des réviseurs externes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
III.
Les autres innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Les autres OPC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Le prospectus simplifié . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
Le règlement grand-ducal du 13 janvier 2002 déterminant
les informations sur les transactions que les bourses sont
tenues de fournir aux investisseurs en matière de
transparence du marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
290
Les circulaires de la Commission de Surveillance du Secteur Financier
(CSSF) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
I.
Circulaire CSSF 02/65 du 8 juillet 2002, concernant la loi
du 31 mai 1999 régissant la domiciliation de sociétés;
précisions sur la notion de siège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
II.
Circulaire CSSF 02/78 du 27 novembre 2002, concernant
les précisions sur l’obligation de déclaration en matière de lutte
contre le blanchiment et sur les infractions primaires qui
peuvent donner lieu au délit de blanchiment . . . . . . . . . . . 291
III.
Circulaire CSSF 02/80 du 5 décembre 2002, concernant
les règles spécifiques applicables aux organismes de placement
collectif (‘OPC’) luxembourgeois adoptant des stratégies
d’investissement dites alternatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291
Les ventes à découvert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291
Les emprunts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
Les investissements en OPC (‘OPC cibles’) . . . . . . . . . . . . . 292
Les restrictions supplémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
Les instruments financiers dérivés et les autres techniques . 292
Les dépassements des limites d’investissements. . . . . . . . . . 292
Les informations sur les risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
IV.
Circulaire CSSF 02/82 du 6 décembre 2002, concernant le
recensement des engagements sur instruments dérivés de crédit
des établissements de crédit luxembourgeois . . . . . . . . . . . 293
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V.
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Circulaire CSSF 02/85 du 18 décembre 2002, concernant
la décomposition des corrections de valeur constituées par
les établissements de crédit au 31 décembre 2002 . . . . . . . . 293
6.
7.
PARTIE II. JURISPRUDENCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
1.
Cour d’appel 11 juillet 2001, n° 23821. . . . . . . . . . . . . . . . 293
A. contre la banque B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
2.
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg 16 novembre
2001, n° 48986. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
B. contre la banque K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
3.
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg 23 novembre
2001, n° 66428. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
D.S. contre la banque P . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
4.
Cour d’appel de Luxembourg 13 mars 2002, n° 25356 . . . 295
Consorts T. contre la banque C. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
5.
Cour d’appel de Luxembourg 20 mars 2002, n° 25709 . . . 296
Notre survol de l’année bancaire et financière 2002
débute avec une réforme attendue depuis longtemps, à
savoir la réforme des dispositions pénales sur l’infraction
de faux monnayage. La loi du 13 janvier 2002 porte
approbation de la Convention internationale pour la
répression du faux monnayage ainsi que du protocole y
relatif, signés à Genève en date du 20 avril 1929.
Suivent la loi du 14 mai 2002 sur les établissements de
monnaie électronique, introduisant une nouvelle catégorie
d’établissement de crédit, et la loi du 2 août 2002 sur la
protection des données.
La fin de l’année 2002 est marquée par des développements considérables dans le domaine des fonds d’investissement. Le Luxembourg est le premier des Etats membres
de l’Union européenne à transposer en droit interne les
directives 2001/107/CE et 2001/108/CE, en adoptant la
loi du 20 décembre 2002 concernant les organismes de
placement collectif. La Commission de Surveillance du
Secteur Financier luxembourgeois (ci-après la CSSF) s’est
penchée sur les OPC adoptant des stratégies d’investissement dites alternatives (Hedge Funds), et a élaboré des
règles spécifiques relatives à ces OPC dans sa circulaire
CSSF 02/80 du 5 décembre 2002.
Le survol de l’année bancaire et financière 2002 se termine
par une série de jurisprudences touchant la matière.
8.
9.
10.
D. contre la banque M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296
Cour d’appel de Luxembourg 12 juin 2002, n° 25412 . . . . 297
La banque D contre la société A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
Cour d’appel de Luxembourg 20 juin 2002, n° 25137 . . . . 297
D. contre P. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
Cour d’appel de Luxembourg 3 juillet 2002, n° 25387 . . . 298
La société A. et la société B. contre la banque X . . . . . . . . 298
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg 30 novembre
2000, Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg 18 avril
2002, Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg
24 octobre 2002, n° rôle 64595 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
K. contre la banque D et B. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg 1er février 2002,
n° 99/02 confirmé par Cour d’appel de Luxembourg
11 décembre 2002, n° 26757 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
La société de droit des Bahamas W. contre la banque A . . . 299
Partie I. Législation et réglementation
La loi du 13 janvier 2002 portant approbation de la
Convention internationale pour la répression du
faux monnayage ainsi que du protocole y relatif,
signés à Genève en date du 20 avril 1929,
et modification de certaines dispositions du code
pénal et du code d’instruction criminelle1
Cette loi (ci-après la ‘Loi sur le faux monnayage’) modifie
considérablement les dispositions sur le faux monnayage
contenues dans le Code pénal luxembourgeois.
I.
L’altération et la falsification des pièces
de monnaie
Comme il est précisé dans l’arrêté grand-ducal de dépôt,
la nouvelle loi abroge ‘la distinction surannée’ effectuée
par le Code pénal entre la contrefaçon et l’altération des
monnaies d’or et d’argent, qualifiés de crimes d’une part,
et, celles des monnaies d’un autre métal, qualifiés de délits
d’autre part2.
Dorénavant, la falsification ou l’altération de toute pièces
de monnaie ayant cours légal au Luxembourg, est qualifiée de crime et punie de la réclusion de cinq à dix ans. La
falsification ou l’altération des pièces de monnaie n’ayant
plus cours légal au Luxembourg est punie d’un peine
d’emprisonnement allant de trois mois à cinq ans et d’une
amende de 251 EUR à 75.000 EUR.
Conformément à la Convention de Genève, le législateur
luxembourgeois ne fait plus de distinction suivant que
1.
2.
La loi du 13 janvier 2002 portant approbation de la Convention internationale pour la répression du faux monnayage ainsi que du protocole y relatif, signés à
Genève en date du 20 avril 1929, et modification de certaines dispositions du code pénal et du code d’instruction criminelle, Mémorial A 2002, p. 58.
Projet de loi n° 4785 relatif à la Loi sur le faux monnayage.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
l’infraction de falsification a été commise à l’égard d’une
monnaie nationale ou étrangère3. Il faut également noter
que dorénavant, les altérations sont punies de la même
peine criminelle que les falsifications, alors qu’auparavant, les premières n’étaient punies que d’une peine
correctionnelle.
Le nouveau texte de loi ne se limite pas à punir la mise en
circulation effective de fausses monnaies, mais punit
également la détention, le transport, l’importation,
l’exportation ou la procuration de pièces falsifiées ou altérées dans le but de les mettre en circulation.
II. La contrefaçon et la falsification des signes
monétaires sous forme de billets
La Loi sur le faux monnayage fait désormais la distinction
entre la contrefaçon et la falsification des signes monétaires sous forme de billets d’une part, et celle des titres,
qualifiés sous l’empire des anciens textes de ‘titres de la
dette publique luxembourgeoise ou des coupons d’intérêts
afférents à ces titres’4 d’autre part.
Contrairement à l’ancien article 173 du Code pénal, le
nouvel article 173 incrimine également la contrefaçon des
signes monétaires sous forme de billets étrangers.
III. La contrefaçon et la falsification des titres
représentatifs de droits de propriété, de créances
ou de valeurs mobilières autres que les signes
monétaires sous forme de billets
Sont punies d’une peine criminelle, la contrefaçon et la
falsification de titres émis par des personnes de droit
public, luxembourgeois ou étranger.
En raison de la nouvelle portée plus large de l’incrimination, l’infraction couvre désormais également les
personnes morales de droit public luxembourgeois,
comme la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat ou la
SNCI par exemple. Ont également été incluses les institutions financières internationales, de sorte que les titres
émis par la Banque Européenne d’Investissement et la
Banque Européenne de Reconstruction et de Développement sont également visés.
3.
4.
5.
6.
7.
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
En ce qui concerne l’objet de la falsification ou de la
contrefaçon, le nouvel article 174 du Code pénal reprend
la définition donnée par la loi du 3 septembre 1996
concernant la dépossession involontaire de titres au
porteur, de sorte qu’actuellement, sont punis d’une peine
criminelle, ceux qui auront contrefait ou falsifié des ‘titres
représentatifs de droits de propriété, de créances ou de
valeurs mobilières, autres que des signes monétaires sous
forme de billets’.
IV. Les opérations de contrefaçon et
de falsification
Afin de tenir compte de l’évolution technologique des
moyens servant à procéder à la falsification ou à la contrefaçon, le nouvel article 180 du Code pénal punit désormais également ceux qui, dans le but de contrefaire ou
d’altérer des pièces de monnaie ou des signes monétaires
sous forme de billets, auront fabriqué des objets, instruments, programmes d’ordinateur ou procédés destinés à la
fabrication, à la contrefaçon ou à la falsification soit de
ces pièces ou signes soit des composantes individuelles des
signes.
La loi du 14 mai 2002 portant transposition dans
la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur
financier de la directive 2000/28/CE modifiant la
directive 2000/12/CE concernant l’accès à l’activité
des établissements de crédit et son exercice et de la
directive 2000/46/CE concernant l’accès à l’activité
des établissements de monnaie électronique et son
exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces
établissements5
La loi du 14 mai 2002 (ci-après la ‘Loi’) introduit la catégorie des établissements de monnaie électronique dans la
loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier (ci-après la
‘Loi sur le secteur financier’)6.
Le cadre juridique établi par la Loi se veut ouvert d’un
point de vue technologique, afin de ne pas entraver l’innovation, tout en assurant d’une part, l’intégrité financière
des établissements de monnaie électronique, et, d’autre
part, la confiance des consommateurs dans les nouveaux
moyens de paiement7.
Articles 162 et 163 du Code pénal, introduits par la Loi sur le faux monnayage.
Article 173 (ancien) du Code pénal.
Loi du 14 mai 2002 portant transposition dans la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier de la directive 2000/28/CE modifiant la directive
2000/12/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice et de la directive 2000/46/CE concernant l’accès à l’activité des établissements
de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, Mémorial A 2002, n° 51, p. 882.
Loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier, Mémorial A 1993, p. 462, telle qu’elle a été modifiée.
Projet de loi n° 4813, relatif à la Loi sur les établissements de monnaie électronique, p. 2.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
I.
Définition et activité des établissements
de monnaie électronique
Sont des établissements de monnaie électronique, les
personnes juridiques dont l’activité principale consiste à
émettre des moyens de paiement sous la forme de monnaie
électronique8. Celle-ci est définie comme valeur monétaire
représentant une créance sur l’émetteur, stockée sur un
support électronique, émise contre la remise de fonds d’un
montant dont la valeur n’est pas inférieure à la valeur
monétaire émise et acceptée comme moyen de paiement
par des entreprises autres que l’émetteur9.
Ne sont pas visées les cartes de débit et les cartes de crédit,
qualifiées d’instruments de paiement ‘pay-now’ et
‘pay-after’. Seuls les instruments de paiement du type
‘pay-before’, où l’utilisateur procède au stockage d’une
valeur monétaire sur un support électronique (comme par
exemple une carte à puce) dans l’attente d’une consommation ultérieure, tombent sous l’application de la Loi.
L’activité des établissements de monnaie électronique doit
être limitée à la fourniture de services financiers et non
financiers étroitement liés à l’émission de monnaie électronique10 et d’autres moyens de paiement, ainsi qu’au
stockage de données sur le support électronique pour le
compte d’autres entreprises ou institutions publiques.
L’émission de monnaie électronique est réservée aux
établissements de monnaie électronique et aux établissements de crédits agréés.
II. Les mesures tendant à assurer l’intégrité
financière des établissements et les intérêts
des consommateurs
Les règles prudentielles
Les établissements de monnaie électronique sont soumis
aux dispositions de la Loi sur le secteur financier relatives
aux règles prudentielles et aux règles de conduite à
observer par le secteur financier. Il en résulte d’une part
qu’ils sont tenus au secret professionnel, et, d’autre part,
que les obligations d’identifier et de connaître leurs clients
ainsi que de coopérer avec les autorités leur sont applicables.
L’obligation de remboursement
Le nouvel article 12-12 de la Loi sur le secteur financier
impose aux établissements de monnaie électronique de
rembourser au porteur de monnaie électronique, la valeur
nominale soit en pièces et en billets de banque soit par un
virement à un compte. Cette obligation de remboursement existe pendant la période de validité du support de
la monnaie électronique, ainsi que pendant une période de
dix ans à partir de l’expiration de la période de validité.
Le remboursement, dont les conditions sont prévues en
détail dans le contrat conclu entre l’émetteur et le porteur
de la monnaie électronique, doit être possible en cas de
perte, vol, destruction ou défaut technique du support de
la monnaie électronique. Le contrat peut prévoir un
montant minimal de remboursement ne pouvant
excéder 10 EUR.
Les assises financières
L’obtention de l’agrément par les établissements de
monnaie électronique est subordonnée à la justification
d’assises financières suffisantes, à savoir d’un capital souscrit et libéré d’une valeur minimale de 1 million EUR.
Les placements
Les établissements de monnaie électronique sont tenus de
faire des placements d’un montant au moins égal à leurs
engagements financiers liés à la monnaie électronique en
circulation11.
Cependant, aux fins de protection des consommateurs,
ces placements doivent se limiter à des placements dans
des actifs liquides et à faible risque. L’établissement doit
en effet être en mesure de faire face aux demandes de
remboursement de la part des preneurs.
Une légère entorse à ce principe constitue l’autorisation à
faire un usage restreint de contrats sur taux d’intérêt ou
sur taux de change, en vue de réduire ou éliminer les
risques de marché inhérents aux placements12.
Les exemptions
A l’exception des règles prudentielles relatives à la lutte
contre le blanchiment d’argent, les établissements de
8. Article 12-10 (1) de la Loi sur le secteur financier, tel qu’introduit par l’article I de la Loi sur les établissements de monnaie électronique.
9. Article 12-10 (1) de la Loi sur le secteur financier, tel qu’introduit par l’article I de la Loi sur les établissements de monnaie électronique.
10. Par exemple la gestion de monnaie électronique ainsi que l’exercice de fonctions opérationnelles et d’autres fonctions accessoires en rapport avec cette émission de
monnaie électronique, à l’exclusion de l’octroi de toute forme de crédit.
11. Article 12-14 (1) de la Loi sur le secteur financier, tel qu’introduit par l’article I de la Loi sur les établissements de monnaie électronique.
12. Projet de loi, n° 4813, relatif à la Loi sur les établissements de monnaie électronique, p. 5.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
monnaie électronique peuvent demander à la CSSF d’être
exemptés de certaines obligations prévues par la Loi sur le
secteur financier.
Sont susceptibles de bénéficier d’une dérogation, les
établissements de monnaie électronique ayant un faible
volume d’activités, ceux dont la monnaie n’est acceptée
comme moyen de paiement que par des entités faisant
partie du même groupe, respectivement par un nombre
restreint d’entreprises situées dans une zone locale
restreinte ou présentant des liens commerciaux ou financiers étroits13.
La loi du 2 août 2002 relative à la protection
des personnes à l’égard du traitement des données
à caractère personnel14
La loi du 2 août 2002 (ci-après la ‘Loi sur la protection
des données’), entrée en vigueur en date du 1er décembre
2002, transpose en droit luxembourgeois la directive
européenne 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de
ces données.
Elle fait naître une série d’obligations à charge des
personnes amenées à collecter et à traiter des données et
s’applique dès lors aux professionnels du secteur financier
qui procèdent à ‘la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification,
l’extraction, la consultation, l’utilisation’15 de données à
caractère personnel.
La Loi sur la protection des données a créé la Commission
nationale pour la protection des données (ci-après la
CNPD), chargée de contrôler et de vérifier si les données
soumises à un traitement sont traitées en conformité avec
les dispositions légales.
I.
Champ d’application de la loi
La Loi sur la protection des données s’applique non seulement aux responsables des traitements de données soumis
au droit luxembourgeois, mais également à ceux ayant
recours à des moyens de traitement situés sur le territoire
luxembourgeois16. Est qualifié de responsable du traite-
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ment au sens de la loi ‘toute personne physique ou morale,
autorité publique, service ou tout autre organisme qui,
seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère
personnel’17.
L’article 2 (d) définit la notion de donnée à caractère
personnel comme ‘toute information de quelque nature
qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris
le son et l’image, concernant une personne identifiée ou
identifiable’18. Une personne, physique ou morale, est
identifiée ou réputée identifiable, lorsqu’elle peut être
identifiée directement ou indirectement, notamment par
référence à un numéro d’identification ou bien par référence à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son
identité physique, physiologique, génétique, psychique,
culturelle, sociale ou économique19.
II. Conditions de licéité des traitements
de données
Les traitements de données doivent être loyaux et licites,
ce qui signifie que les données doivent être collectées pour
des finalités déterminées, explicites et légitimes, leur traitement doit être adéquat, pertinent et non excessif au
regard de ces finalités, les données doivent être exactes,
tenues à jour et leur conservation ne doit pas excéder la
durée nécessaire à l’exécution du but du traitement.
En application de l’article 5 de la Loi sur la protection des
données, un traitement est considéré comme légitime dans
les circonstances suivantes:
a) s’il est rendu nécessaire en raison d’une obligation légale pesant sur le responsable du traitement;
b) s’il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt
public dont le responsable ou le tiers auquel les données sont communiquées, sont investis;
c) s’il est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la
personne concernée est partie, respectivement nécessaire à l’exécution de mesures précontractuelles prises
à la demande de la personne concernée;
d) s’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime
poursuivi par le responsable du traitement ou par des
tiers auxquels les données sont communiquées, sauf
13.
14.
15.
16.
Projet de loi, n° 4813, relatif à la Loi sur les établissements de monnaie électronique, p. 6.
Loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, Mémorial A 2002, n° 91, p. 1836.
Article 2 (s) de la Loi sur la protection des données.
Une exception à ce principe constitue les moyens de traitement situés sur le territoire luxembourgeois, qui ne sont utilisés qu’à des fins de transit sur territoire
luxembourgeois ou sur celui d’un Etat membre de l’Union européenne.
17. Article 2 (o) de la Loi sur la protection des données.
18. Article 2 (d) de la Loi sur la protection des données.
19. Article 2 (e) de la Loi sur la protection des données.
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dans les cas où l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée prévalent;
e) s’il est nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt vital de la
personne concernée;
f) ou bien si la personne concernée a donné son accord.
La violation de l’article 5 de la Loi sur la protection des
données est sanctionnée pénalement par une amende
allant jusqu’à 125.000 EUR et/ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.
III. Formalités préalables à la mise en œuvre
des traitements de données
Avant de pouvoir procéder au traitement de données, le
responsable est tenu de notifier les traitements projetés à
la CNPD.
La notification à la CNPD doit comporter certaines informations sur le traitement, dont le nom et l’adresse du
responsable du traitement, la condition de sa légitimité, sa
finalité, la description des personnes concernées, les destinataires auxquels les données sont susceptibles d’être
transférées, et les pays vers lesquels des transferts de
données sont envisagés.
Le responsable doit également fournir une description
générale relative aux mesures prises pour assurer la sécurité du traitement, et indiquer la durée de conservation des
données.
Pour le traitement de certaines catégories de données, le
responsable du traitement doit adresser une demande
d’autorisation préalable à la CNPD. Tel est notamment le
cas si le traitement concerne des données qualifiées de
sensibles comme l’origine raciale ou ethnique, les opinions
politiques, les convictions religieuses ou philosophiques,
l’appartenance syndicale20, respectivement s’il concerne
des données relatives au crédit et à la solvabilité des
personnes concernées21.
IV.
Les droits de la personne concernée
Droit d’information
Au plus tard lors de l’enregistrement des données, respectivement lors de la collecte des données auprès de la
20.
21.
22.
23.
24.
25.
personne concernée, celle-ci doit être informée de l’identité du responsable du traitement, de la finalité du traitement, et de toute autre information, comme par exemple
les destinataires auxquels les données seront communiquées, le fait de savoir si la réponse aux questions est obligatoire ou facultative (et, le cas échéant, les conséquences
d’un défaut de réponse), l’existence d’un droit d’accès aux
données et de rectification de celles-ci et la durée de
conservation des données22.
Ce droit à l’information n’existe pas si le traitement est
nécessaire pour sauvegarder la sûreté de l’Etat, la défense,
la sécurité publique, ainsi que la prévention, recherche,
constatation et poursuite d’infractions pénales dont celles
relatives à la lutte contre le blanchiment ou le déroulement
d’autres procédures judiciaires.
D’autres exceptions au droit à l’information tiennent à la
sauvegarde d’un intérêt économique ou financier important de l’Etat ou de l’Union européenne, y compris dans
les domaines monétaire, budgétaire et fiscal23.
Droit d’accès
La personne concernée a également un droit d’accès qui
permet à elle-même ou à ses ayants droit de déposer une
demande auprès du responsable du traitement en vue
d’obtenir accès aux données la concernant, la confirmation que des données la concernant sont ou ne sont pas
traitées, des informations sur la finalité du traitement, sur
les catégories de données sur lesquelles il porte et sur les
destinataires auxquels les données sont communiquées24.
Droit d’opposition
L’article 30 de la Loi sur la protection des données permet
à la personne concernée de s’opposer, pour des raisons
légitimes, à ce que des données la concernant fassent
l’objet d’un traitement et à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection25. La
personne concernée a également le droit d’être informée,
avant que ces données ne soient communiquées à des tiers
à des fins de prospection, de se voir expressément offrir le
droit de s’opposer gratuitement à ladite communication
ou prospection.
Article 6 (1) de la Loi sur la protection des données.
Article 14 (d) de la Loi sur la protection des données.
Article 26 (1) de la Loi sur la protection des données.
Article 27 (1) de la Loi sur la protection des données.
Article 28 (1) de la Loi sur la protection des données.
Article 30 de la Loi sur la protection des données.
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V.
Les obligations du responsable du traitement
Obligations concernant la sécurité des traitements
En application de l’article 22 de la Loi sur la protection
des données, le responsable du traitement doit mettre en
œuvre ‘toutes les mesures techniques et l’organisation
appropriées pour assurer la protection des données qu’il
traite contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte
accidentelle, l’altération, la diffusion ou l’accès non autorisés, notamment lorsque le traitement comporte des
transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre
toute autre forme de traitement illicite’26.
Chaque année, il doit soumettre à la CNPD un rapport sur
les mesures de sécurité appliquées.
Lorsque le traitement est réalisé par un sous-traitant, ce
dernier doit apporter des garanties suffisantes au regard
des mesures de sécurité technique et d’organisation relatives aux traitements à effectuer et est tenu, ensemble avec
le responsable du traitement, de veiller au respect des
mesures de sécurité.
Obligations en cas de transfert des traitements
vers des pays tiers
Le transfert de données vers des pays tiers ne peut en principe avoir lieu que si le pays destinataire assure un niveau
de protection adéquat.
L’alinéa 2 de l’article 18 de la Loi sur la protection des
données dispose que le caractère adéquat du niveau de
protection offert par un pays tiers doit être apprécié par le
responsable du traitement au regard de toutes les circonstances relatives à un transfert de données, en prenant en
considération la nature des données, la finalité et la durée
du traitement envisagé, le pays d’origine et le pays de
destination finale, les règles de droit générales et sectorielles en vigueur dans le pays en cause, ainsi que les règles
professionnelles et les mesures de sécurité qui y sont
respectées.
En cas de doute, le responsable du traitement peut
s’adresser à la CNPD pour savoir si un pays déterminé
assure un niveau de protection adéquat. La CNPD est
également compétente pour autoriser, dans certaines
circonstances le transfert vers des pays n’offrant pas de
niveau de protection adéquat.
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
La loi du 20 décembre 2002 concernant les organismes de placement collectif et modifiant
la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe
sur la valeur ajoutée
Cette loi (ci-après la Loi 2002 sur les OPC)27, entrée en
vigueur en date du 1er janvier 2003, transpose en droit
interne les directives communautaires 2001/107/EC et
2001/108/EC sur les organismes de placement collectif.
Tout comme la loi du 30 mars 1988 (ci-après la Loi 1988
sur les OPC), la nouvelle loi opère la distinction essentielle
entre les organismes de placement collectif dont l’objet
exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières
et/ou dans d’autres actifs financiers liquides, des capitaux
recueillis auprès du public, dont le fonctionnement est
soumis au principe de la répartition des risques, et dont les
parts sont, à la demande des porteurs, rachetées directement ou indirectement, à charge des actifs de cet organisme (ci-après ‘OPCVM’ ou ‘Fonds Coordonnés’) et les
OPC situés au Luxembourg, lesquels ne sont pas des
OPCVM (ci-après les ‘OPC’).
Après l’écoulement d’une période transitoire, la Loi 2002
sur les OPC remplacera entièrement la Loi 1988 sur les
OPC abrogée avec effet au 13 février 2007. Jusqu’à cette
date, les OPCVM créés avant le 13 février 2002 ont le
choix de rester soumis à la Loi 1988 sur les OPC ou de se
soumettre à la nouvelle loi. Les OPC soumis à la partie II
de la Loi 1988 sur les OPC doivent se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions de la nouvelle loi au
plus tard pour le 13 février 2004.
Les innovations essentielles touchent la politique de placement des OPCVM d’une part, et l’activité des sociétés de
gestion d’autre part. Des changements plus ponctuels
affectent les autres OPC et les dépositaires. Finalement, la
Loi 2002 sur les OPC introduit l’obligation pour les
OPCVM d’élaborer un prospectus simplifié.
I.
Les politiques de placement des OPCVM
Sous la Loi 1988 sur les OPC, seuls les investissements en
valeurs mobilières étaient permis. La nouvelle loi élargit
les règles de placement, de sorte que désormais, les
OPCVM sont autorisés à investir non seulement dans les
valeurs mobilières, mais également dans les instruments
du marché monétaire, les parts d’OPCVM ou d’OPC, les
dépôts auprès d’un établissement de crédit et les instruments financiers dérivés.
26. Article 22 (1) de la Loi sur la protection des données.
27. Loi du 20 décembre 2002 concernant les organismes de placement collectif et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée,
Mémorial A, n° 151, p. 3659.
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Contrairement à la Loi de 1988 sur les OPC, la nouvelle
loi définit la notion de valeurs mobilières. Sont ainsi
regroupés sous la notion de ‘valeurs mobilières’, les
actions et autres valeurs assimilables à des actions, les
obligations et les autres titres de créance, ainsi que toutes
les autres valeurs négociables donnant le droit d’acquérir
de telles valeurs mobilières par voie de souscription ou
d’échange.
Les instruments du marché monétaire sont définis comme
les instruments habituellement négociés sur le marché
monétaire, qui sont liquides et dont la valeur peut être
déterminée avec précision à tout moment. Les instruments
du marché monétaire sont soumis aux mêmes restrictions
quantitatives que les valeurs mobilières.
La Loi 2002 sur les OPC essaie de concilier gestion efficace du portefeuille et protection des investisseurs. Elle
détaille les critères quantitatifs et qualitatifs auxquels
doivent répondre les placements des OPCVM.
A titre d’exemple, les restrictions d’investissement
suivantes sont désormais applicables:
a) les OPCVM peuvent investir 100% de leurs avoirs
dans des valeurs mobilières et dans des instruments de
marché monétaire, à condition de ne pas investir plus
de 10% dans des valeurs mobilières et instruments de
marché monétaire émis par la même entité. Les instruments du marché monétaire doivent être liquides et négociés sur le marché monétaire. Leur valeur doit
pouvoir être déterminée avec précision.
Une dérogation à ces règles est accordée aux OPCVM
dont la politique de placement a pour objet de reproduire la composition d’un indice d’actions ou d’obligations reconnu par la CSSF;
b) les investissements dans des parts d’OPC peuvent représenter 100% des avoirs de l’OPCVM, à condition
que ceux-là soient eux-mêmes des OPCVM, ou
d’autres OPC soumis dans leur pays d’origine à des règles similaires à ceux applicables aux OPCVM.
L’OPCVM ne peut cependant investir plus de 20% de
ses avoirs dans un même OPCVM ou OPC.
Une restriction supplémentaire touche les autres OPC,
lesquels ne peuvent représenter en tout plus de 30%
des avoirs nets de l’OPCVM luxembourgeois. Les
OPCVM ne peuvent pas investir dans des OPC qui investissent eux aussi une partie considérable de leurs
avoirs dans des OPC, afin d’éviter les structures à trois
niveaux de ‘fonds de fonds de fonds’28;
c) les investissements en dépôts remboursables sur demande ou pouvant être retirés et ayant une échéance
inférieure ou égale à douze mois sont permis, à condition que les dépôts auprès de la même entité ne dépassent pas 20% des avoirs nets de l’OPCVM, et à
condition que les dépôts se trouvent auprès d’un établissement de crédit soit ayant son siège social dans un
Etat membre de l’Union européenne soit soumis à des
règles prudentielles considérées par la CSSF comme
équivalentes à celles prévues par la législation communautaire;
d) les investissements en instruments financiers dérivés
sont désormais généralement autorisés à condition que
ces derniers soient négociés sur un marché réglementé
ou conclus de gré à gré avec des contreparties soumises
à une surveillance prudentielle. Les sous-jacents de ces
instruments doivent impérativement représenter l’un
des instruments suivants: valeurs mobilières, instruments du marché monétaire, parts d’OPCVM ou
d’autres OPC, dépôts, indices financiers, taux d’intérêts, taux de change ou devises.
En cas de dépassement involontaire de ces limites d’investissement, l’OPCVM est tenu d’avoir pour objectif prioritaire de régulariser la situation, tout en tenant compte de
l’intérêt des investisseurs29.
II.
Les sociétés de gestion
Les innovations essentielles relatives aux sociétés de
gestion touchent le champ d’activité de celles-ci et leurs
obligations en matière de capitalisation, d’organisation
administrative et comptable et de mécanismes de contrôle
interne. Un passeport européen pour les sociétés de
gestion de Fonds Coordonnés est également introduit par
la Loi 2002 sur les OPC.
La Loi 2002 sur les OPC distingue deux catégories de
sociétés de gestion: les sociétés de gestion assurant la
gestion d’OPCVM ou de Fonds Coordonnés et les autres
sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois.
A. Les sociétés de gestion assurant la gestion
d’OPCVM
L’accès à l’activité des sociétés de gestion d’OPCVM est
subordonné à un agrément délivré par la CSSF. Une fois
que cet agrément est délivré, la société de gestion peut
exercer son activité non seulement au Luxembourg, mais
28. Projet de loi n° 5033-5 concernant les organismes de placement collectif et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, p. 4.
29. Article 49 de la Loi 2002 sur les OPC.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
également dans les autres Etats membres de l’Union européenne.
L’activité des sociétés de gestion d’OPCVM
Les sociétés de gestion d’OPCVM doivent avoir pour activité la gestion d’OPVCM. Elle peuvent en outre assurer la
gestion d’autres OPC qui ne relèvent pas de cette directive
et pour lesquels la société de gestion fait l’objet d’une
surveillance prudentielle, mais dont les parts ne peuvent
être commercialisés dans d’autres Etats membres de
l’Union européenne (en vertu de la Directive 85/611/CE).
L’activité de gestion collective de portefeuille englobe
aussi l’administration et la commercialisation des
OPCVM et OPC sous gestion30.
Les sociétés de gestion d’OPCVM sont également autorisées à fournir le service de gestion de portefeuilles d’investissement sur une base discrétionnaire et individualisée,
similaire à l’activité des gestionnaires de fortune. A titre
accessoire, elles peuvent prester des services de conseil en
investissement ainsi que ceux relatifs à la garde et l’administration de parts d’OPC31.
Les sociétés de gestion d’OPCVM peuvent déléguer à des
tiers l’exercice d’une ou de plusieurs de leurs fonctions en
vue de mener leurs activités de manière plus efficace. Ces
délégations sont soumises à certaines conditions tenant
notamment à la qualité des tiers auxquels les activités sont
déléguées. En outre, à la fois la CSSF et les investisseurs
doivent être informés de cette délégation ou de la possibilité de délégation.
Il est précisé dans la Loi 2002 sur les OPC qu’en aucun
cas, la délégation ne peut avoir d’incidence sur la responsabilité de la société de gestion et du dépositaire, et ‘en
aucun cas, la société de gestion ne saurait déléguer ses
fonctions dans une mesure telle qu’elle deviendrait une
société boîte aux lettres’32.
Les conditions d’obtention de l’agrément
L’agrément de la CSSF est subordonné aux conditions
suivantes:
a) la société de gestion doit être constituée sous forme de
société anonyme, de société à responsabilité limitée, de
société coopérative, de société coopérative organisée
comme une société anonyme ou de société en commandite par actions. Son capital doit être représenté par
des titres nominatifs;
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b) la société de gestion doit avoir un capital initial de
125.000 EUR. Si elle a sous gestion des portefeuilles
dont la valeur totale dépasse 250 millions EUR, elle
doit disposer d’un montant supplémentaire de fonds
propres, s’élevant à 0,02% du montant de la valeur des
portefeuilles excédant 250 millions EUR . Cependant,
le total requis du capital initial et du montant supplémentaire ne peut pas excéder 10 millions EUR;
c) la société de gestion doit être dirigée par des personnes
remplissant les conditions d’honorabilité et d’expérience requises pour le type d’OPCVM géré par la société;
d) la demande d’agrément doit être accompagnée d’un
programme d’activités dans lequel la structure de l’organisation de la société de gestion est décrite;
e) l’administration centrale et le siège statutaire de la société de gestion doivent être situés au Luxembourg;
f) la société de gestion est tenue de confier le contrôle de
ses documents comptables annuels à un ou plusieurs
réviseurs d’entreprises justifiant d’une expérience professionnelle adéquate.
La société de gestion qui a introduit une demande d’agrément auprès de la CSSF doit obtenir une réponse dans les
six mois qui suivent l’introduction de la demande. Tout
refus d’agrément doit être motivé. Un refus peut non
seulement résulter du non-respect d’une des conditions
énumérées ci-avant, mais également être justifié par
d’autres circonstances.
En effet, la CSSF refuse l’agrément lorsque des liens étroits
existent entre la société de gestion et d’autres personnes
physiques ou morales et que ces liens entravent le bon
exercice de sa mission de surveillance. Elle refuse également l’agrément si les dispositions légales, réglementaires
ou administratives d’un pays tiers dont relèvent une ou
plusieurs personnes physiques ou morales avec lesquelles
la société de gestion entretient des liens étroits, ou des
difficultés tenant à leur application, entravent le bon exercice de sa mission de surveillance.
L’introduction du passeport européen
L’exercice de l’activité de gestion est soumis à l’approbation préalable par la CSSF. L’approbation permet à la
société de gestion d’exercer son activité dans les autres
pays membres de l’Union européenne sans autorisation
préalable, ou bien par l’établissement d’une succursale, ou
bien au titre du principe de la libre circulation des services.
30. Annexe II de la Loi 2002 sur les OPC.
31. Article 77 (3) de la Loi 2002 sur les OPC.
32. Article 85 (2) de la Loi 2002 sur les OPC.
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L’établissement par la société de gestion d’OPCVM d’une
succursale dans un Etat membre de l’Union européenne
requiert l’intervention de la CSSF, laquelle transmet la
notification et les documents annexes à son équivalent
dans le pays d’accueil, sauf si elle a des doutes à propos de
l’adéquation des structures administratives et de la situation financière de la société de gestion par rapport aux
activités envisagées.
A l’inverse, toute société de gestion agréée par les autorités
compétentes d’un autre Etat membre peut exercer au
Luxembourg l’activité pour laquelle elle a reçu l’agrément. Il est précisé à l’article 87 (2) de la Loi 2002 sur les
OPC que la création d’une succursale ou la prestation de
services ne requiert pas l’obligation d’obtenir un agrément
ou de fournir un capital de dotation ou toute autre mesure
d’effet équivalent.
B. Les autres sociétés de gestion d’OPC
luxembourgeois
L’activité est subordonnée à l’agrément par la CSSF, qui
n’est accordé que si les conditions suivantes sont remplies.
Les dirigeants et les actionnaires ou associés
L’agrément de la CSSF n’est accordé que si les dirigeants
des autres sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois
justifient de leur honorabilité et de leur expérience professionnelles requises pour l’accomplissement de leurs fonctions.
Une autre condition concerne la communication à la CSSF
de l’identité des actionnaires ou associés de référence de la
société de gestion.
Le recours à des réviseurs externes
Comme pour les sociétés de gestion d’OPCVM, l’agrément des autres sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois est subordonné à la condition de confier le contrôle
des documents comptables annuels à un ou plusieurs réviseurs d’entreprises qui justifient d’une expérience professionnelle adéquate.
III.
Les autres innovations
Les autres OPC
La forme juridique
La société de gestion doit être constituée sous forme de
société anonyme, de société à responsabilité limitée, de
société coopérative, de société coopérative organisée
comme une société anonyme ou de société en commandite
par actions. Son capital doit être représenté par des titres
nominatifs33.
L’activité
L’activité des autres sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois est limitée à la gestion d’OPC, l’administration de
leurs propres actifs ne devant avoir qu’un caractère accessoire, étant entendu qu’elles doivent gérer au moins un
OPC de droit luxembourgeois.
Les moyens financiers suffisants
Les autres sociétés de gestion d’OPC luxembourgeois
doivent disposer de moyens financiers suffisants pour leur
permettre d’exercer de manière effective leur activité et de
faire face à leurs responsabilités34. Elles doivent notamment disposer d’un capital social libéré minimal de
125.000 EUR.
Des modifications mineures touchent le domaine des
autres OPC. Ainsi, la valeur nette des avoirs d’un OPC
tombant sous le champ d’application de la partie II de la
Loi 2002 sur les OPC doit désormais s’élever à
1.250.000 EUR, dans les six mois de son approbation par
la CSSF.
L’article 68 (1) de la Loi 2002 sur les OPC a été modifié
de manière à restreindre l’interdiction faite aux sociétés de
gestion et aux dépositaires, agissant pour le compte du
fonds commun de placement, d’accorder des crédits à des
porteurs de parts. La limitation de l’interdiction
s’explique par le fait que dans le cadre de la poursuite de
leur politique d’investissement, dans certaines structures
d’OPC, ces derniers sont amenés à accorder de prêts ou
des garanties35.
L’article 65 (3) de la Loi 2002 sur les OPC a confirmé que
le dépositaire d’un OPC ayant la forme juridique de fonds
commun de placement (ci-après ‘FCP’) doit soit avoir son
siège statutaire au Luxembourg, soit y être établi s’il a son
siège statutaire dans un autre Etat membre de l’Union
européenne, ou dans un Etat non-membre. Même si cette
disposition est incluse uniquement dans la partie concer-
33. Article 85 (2) de la Loi 2002 sur les OPC.
34. Article 91 (2) de la Loi 2002 sur les OPC.
35. Projet de loi n° 5033-5 concernant les organismes de placement collectif et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée,
p. 59.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
nant les FCP, il est admis que les OPC ayant adopté la
forme de SICAV peuvent également choisir comme dépositaire la succursale d’un établissement de crédit établi
dans un pays non-membre de l’Union européenne.
Le prospectus simplifié
La Loi 2002 sur les OPC introduit l’obligation pour les
OPCVM de publier un prospectus simplifié. Celui-ci
contient, sous une forme résumée, les renseignements
fondamentaux sur l’OPCVM, et doit être structuré et
rédigé de façon à pouvoir être compris facilement par
l’investisseur moyen.
Le contenu exact de ce prospectus simplifié est décrit dans
le schéma C de l’annexe I de la Loi 2002 sur les OPC.
Le prospectus simplifié doit au minimum donner une
présentation succincte de l’OPCVM ainsi que des informations non seulement sur les placements, mais également d’ordre économique et commercial.
L’objectif poursuivi par cette innovation est de mettre à la
disposition des investisseurs un document simplifié, plus
compréhensible, susceptible de permettre aux investisseurs de se former une opinion objective sur l’OPCVM en
question. Abstraction faite de la traduction dans la langue
du pays de commercialisation, le prospectus simplifié
devra pouvoir être utilisé sans modification dans tous les
Etats membres de l’Union européenne36.
Le règlement grand-ducal du 13 janvier 2002
déterminant les informations sur les transactions
que les bourses sont tenues de fournir
aux investisseurs en matière de transparence
du marché37
Ce règlement est intervenu en exécution de l’article 9 de la
loi du 23 décembre 1998 relative à la surveillance des
marchés d’actifs financiers38 et vise à assurer une plus
grande transparence des marchés boursiers.
A cette fin, les bourses doivent fournir des informations
sur les instruments admis sur les marchés réglementés
pour lesquels elles assurent le fonctionnement, portant
non seulement sur les termes d’une transaction potentielle, mais également, les prix et volume, une fois la transaction conclue.
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
Tout retard ou suspension de la publication de ces
données doit être justifié par des conditions de marché
exceptionnelles, en accord avec la CSSF.
Des dispositions spéciales ou plus souples peuvent être
envisagées pour les transactions exceptionnelles de très
grandes dimensions et les transactions sur obligations ou
sur instruments équivalents à des obligations.
Les circulaires de la Commission de Surveillance
du Secteur Financier (CSSF)
I.
Circulaire CSSF 02/65 du 8 juillet 2002,
concernant la loi du 31 mai 1999 régissant
la domiciliation de sociétés; précisions sur la notion
de siège
Par cette circulaire, la CSSF entend préciser la notion de
siège au sens de la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation de sociétés.
La finalité de cette loi s’inscrivant dans la lutte contre
l’utilisation de la place financière de Luxembourg à des
fins illégales ou frauduleuses, il est apparu utile à la CSSF
de préciser le champ d’application de cette loi par rapport
à la notion de siège.
D’après la CSSF, un ‘siège’ existe dès qu’une adresse au
Luxembourg est mise à la disposition d’une société afin
que celle-ci puisse l’utiliser vis-à-vis de tiers. Cette qualification n’exige pas l’existence d’une présence matérielle
effective, comme par exemple des locaux ou du personnel,
mais peut se limiter à sa plus simple manifestation, comme
par exemple la présence d’une boîte aux lettres ou l’installation de télécommunications.
Ne constituent pas des sociétés ayant un ‘siège’ au Luxembourg, celles qui ouvrent un compte ou prennent en location
un coffre-fort auprès d’un établissement de crédit établi au
Luxembourg. De même, en cas de convention de courrier à
retenir avec un établissement de crédit ou un autre professionnel du secteur financier au Luxembourg, la société n’est
pas considérée comme ayant un siège au Luxembourg
auprès de ce professionnel du secteur financier.
En cas de conclusion de contrats de location, il est considéré que la location cache une activité de domiciliation
lorsque la location ne présente pas les éléments d’une location classique, c’est-à-dire ‘une location durable faisant
36. Projet de loi n° 5033-5 concernant les organismes de placement collectif et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, p. 6.
37. Règlement grand-ducal du 13 janvier 2002 déterminant les informations sur les transactions que les bourses sont tenues de fournir aux investisseurs en matière de
transparence du marché, Mémorial A 2002, p. 7.
38. Loi du 23 décembre 1998 relative à la surveillance des marchés d’actifs financiers, Mémorial A 1998, n° 112, p. 2990.
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intervenir un bailleur et un locataire et portant sur un
local unique avec une entrée séparée servant à l’exercice
de son activité par le locataire’39.
La location est ainsi susceptible d’être qualifiée de domiciliation quand elle est faite dans des conditions de nature
à exclure toute possibilité d’activité réelle dans les locaux
donnés en location, par exemple quand il y a une nette
disproportion entre le nombre de sociétés locataires et la
dimension des bureaux pris en location.
D’après la CSSF, la location de bureaux avec mise à disposition d’une infrastructure technique et administrative ne
doit pas être qualifiée de domiciliation, contrairement à la
pratique du ‘time sharing’, laquelle permet de louer les
mêmes locaux à une ou plusieurs sociétés selon un système
d’utilisation à temps partiel.
Les stratégies dites alternatives s’apparentent à celles utilisées par les ‘hedge funds’ ou ‘alternative investment
funds’. En raison du degré de risque élevé attaché à ce type
d’investissements, la CSSF accorde une importance particulière à la qualification professionnelle et l’expérience
des dirigeants des organes de gestion et des sociétés de
gestion. La CSSF peut imposer des restrictions d’investissement additionnelles ou accepter qu’il soit dérogé aux
règles contenues dans cette circulaire, à condition que ces
demandes de dérogation fassent l’objet d’une justification
adéquate.
Les ventes à découvert
Dans sa circulaire 02/80, la CSSF précise que les ventes à
découvert sont autorisées, à condition que les limites
suivantes soient respectées:
II. Circulaire CSSF 02/78 du 27 novembre 2002,
concernant les précisions sur l’obligation de
déclaration en matière de lutte contre le blanchiment
et sur les infractions primaires qui peuvent donner
lieu au délit de blanchiment
a) il ne faut pas que le Hedge Fund détienne une position
à découvert sur des valeurs mobilières qui ne sont pas
admises à la cote officielle d’une bourse de valeurs mobilières ou négociées sur un autre marché, sauf si ces
valeurs présentent un degré de liquidité élevé et ne représentent pas plus de 10% de l’actif du Hedge Fund;
Cette circulaire tend à apporter des précisions quant au
comportement à adopter par le professionnel du secteur
financier luxembourgeois face à une situation suspecte,
concernant l’infraction de blanchiment.
b) le Hedge Fund ne doit pas détenir une position à découvert sur des valeurs mobilières représentant plus de
10% des titres de même nature émis par un même
émetteur;
La CSSF rappelle qu’en présence d’une telle situation, le
professionnel doit se former une conviction personnelle
sur la présence d’indices de blanchiment, et chercher à
élucider la situation à bref délai, par exemple en interrogeant le client sur l’origine des fonds et en l’invitant à
fournir tous les renseignements utiles complémentaires.
Ce n’est qu’après avoir effectué ces vérifications que le
professionnel est obligé d’informer le Procureur d’Etat
près du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’il
estime que les recherches ont manqué à clarifier la situation ou s’il reste convaincu de son soupçon.
c) le Hedge Fund ne doit pas détenir plus d’une position
à découvert sur des valeurs mobilières d’un même
émetteur, lorsque la somme des cours de réalisation des
ventes à découvert y relatives représente plus de 10%
de l’actif du Hedge Fund, ou lorsque cette position à
découvert représente un engagement de plus de 5% de
l’actif;
III. Circulaire CSSF 02/80 du 5 décembre 2002,
concernant les règles spécifiques applicables
aux organismes de placement collectif (‘OPC’)
luxembourgeois adoptant des stratégies
d’investissement dites alternatives
Le nombre croissant des demandes d’agrément d’OPC
luxembourgeois poursuivant des stratégies d’investissement dites alternatives (ci-après ‘Hedge Funds’) a abouti à
la rédaction de cette circulaire.
d) il ne faut pas que la somme des engagements résultant
des ventes à découvert excède 50% de l’actif du Hedge
Fund. Ce dernier doit en outre, avant de commencer
des opérations de vente à découvert, disposer des actifs
nécessaires, lui permettant de procéder à tout moment
à la clôture des positions générées par les ventes à découvert.
La circulaire donne également des précisions sur les règles
de calcul des engagements relatifs aux ventes à découvert.
Enfin, il est précisé que les Hedge Funds peuvent effectuer
des opérations de prêt sur titres en tant qu’emprunteur
avec des professionnels de premier ordre, spécialisés dans
ce type d’opérations (sous réserve de respecter certaines
conditions tendant à limiter le risque de contrepartie).
39. Circulaire CSSF 02/65, p. 3.
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Les emprunts
Les Hedge Funds sont autorisés à emprunter de manière
permanente, à condition que ces emprunts soient faits
auprès de professionnels de premier ordre spécialisés dans
ce type d’opérations et pour les besoins d’investissements.
Il faut en outre que les emprunts soient limités à 200% de
l’actif net du Hedge Fund, sauf pour ceux qui ont adopté
une stratégie présentant un degré élevé de corrélation
entre les positions longues et les positions à découvert,
pour lesquels la limite est fixée à 400% de l’actif net du
Hedge Fund.
Dans le cadre de ces emprunts, la limite du risque de contrepartie résultant de la différence entre la valeur des actifs
cédés à titre de sûreté par le Hedge Fund et la valeur des
dettes dues par lui est fixée à 20% de l’actif du Hedge Fund.
Les investissements en OPC (‘OPC cibles’)
La limite d’investissement dans des titres d’un même OPC
cible est fixée à 20% de l’actif net du Hedge Fund. Pour
l’application de cette règle, chaque compartiment d’un
OPC est considéré comme un OPC cible distinct, à condition que le principe de la ségrégation des engagements des
différents compartiments à l’égard des tiers soit assuré.
Par ailleurs, tout Hedge Fund est autorisé à détenir plus de
50% des titres d’un OPC cible, à condition que, si l’OPC
cible est un OPC à compartiments multiples, l’investissement du Hegde Fund dans l’entité juridique que constitue
l’OPC cible soit inférieur à 50% de l’actif net du Hedge
Fund.
La circulaire précise cependant que ces restrictions ne sont
pas applicables aux acquisitions de parts d’OPC cibles de
type ouvert, soumis à des exigences de répartition des
risques comparables à celles prévues pour les autres OPC
luxembourgeois et soumis dans leur Etat d’origine à une
surveillance permanente exercée par une autorité de
contrôle prévue par la loi dans le but de protéger les investisseurs.
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b) ils ne peuvent acquérir plus de 10% des titres de même
nature émis par un même émetteur;
c) ils ne peuvent investir plus de 20% de leurs actifs en
titres émis par un même émetteur.
Les instruments financiers dérivés et
les autres techniques
En principe, les Hedge Funds sont autorisés à recourir aux
instruments financiers dérivés, comme par exemple des
options, des contrats à terme sur instruments financiers ou
des contrats d’échange de gré à gré sur toutes sortes
d’instruments financiers, et à utiliser des techniques comme
par exemple des opérations de prêt sur titres, les opérations
à réméré ou les opérations de mise en pension. Le recours à
ces instruments ou techniques est cependant soumis à des
restrictions tendant à limiter l’exposition du Hedge Fund
aux risques attachés à ces opérations ou techniques.
Les dépassements des limites d’investissements
En cas de dépassement involontaire de ces limites d’investissement (fluctuations des marchés, rachats), le Hedge
Fund est tenu d’avoir pour objectif prioritaire de régulariser la situation, tout en tenant compte de l’intérêt des
investisseurs.
Les informations sur les risques
Le prospectus d’émission de l’OPC ayant opté pour une
stratégie d’investissement alternative doit contenir une
description de cette stratégie et des risques inhérents à
cette politique d’investissement. Le cas échéant, le prospectus doit notamment informer l’investisseur que:
a) ‘les pertes potentielles résultant de ventes à découvert
sur valeurs mobilières diffèrent de la perte possible résultant de l’investissement des liquidités dans ces valeurs mobilières (...);
Les Hedge Funds sont en principe soumis aux restrictions
suivantes:
b) l’effet de levier génère une opportunité de rendement
accru et donc de revenu plus important, mais en même
temps augmente la volatilité de la valeur des actifs de
l’OPC et donc le risque de subir une perte en capital.
Les emprunts éventuels entraînent des charges d’intérêts qui peuvent être supérieures aux revenus et gains
en capital générés par les actifs de l’OPC;
a) ils ne peuvent investir plus de 10% de leurs actifs en
valeurs mobilières non cotées en bourse ou non négociées sur un autre marché réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu et ouvert au public;
c) vu la faible liquidité des actifs de l’OPC, l’OPC peut
ne pas être en mesure de faire face aux demandes de
rachat de parts qui lui sont adressées par ses investisseurs’40.
Les restrictions supplémentaires
40. Circulaire CSSF 02/80, p. 8.
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La CSSF impose finalement que le prospectus comporte
une disposition spéciale rendant l’investisseur attentif
d’une part au fait que l’investissement présente un degré
de risque au-dessus de la moyenne et ne convient qu’aux
personnes qui peuvent assumer le risque de perdre entièrement leur investissement, et, d’autre part que les
marchés des contrats à terme et des options sont extrêmement volatils et que le risque de subir une perte en relation
avec ces marchés et/ou avec des ventes à découvert est très
élevé.
IV. Circulaire CSSF 02/82 du 6 décembre 2002,
concernant le recensement des engagements sur
instruments dérivés de crédit des établissements
de crédit luxembourgeois
Le but de cette circulaire est l’évaluation du degré de diffusion des nouvelles techniques sur la place financière de
Luxembourg et l’amélioration du suivi des risques inhérents à ces activités.
La CSSF a demandé aux établissements de crédit à remplir
un tableau donnant notamment des informations sur le
type d’engagement, la catégorie d’instruments, le financement (funded/unfunded), le type de sous-jacent, les actifs
de référence, le montant notionnel, les provisions ou
corrections de valeur spécifiques, et, en cas d’achats ou de
ventes de protection la contrepartie, la notation de la
contrepartie, le type de protection et la couverture.
V. Circulaire CSSF 02/85 du 18 décembre 2002,
concernant la décomposition des corrections
de valeur constituées par les établissements
de crédit au 31 décembre 2002
La CSSF procède annuellement à un recensement des
corrections de valeur constituées au 31 décembre, pour
couvrir les créances douteuses et le risque-pays. Ce recensement ne concerne pas seulement les établissements de
crédit situés au Luxembourg, mais également les succursales de ceux-ci, ayant leur siège dans un pays de l’Union
européenne ou dans un autre Etat parti à l’Accord sur
l’Espace économique européen.
Sont notamment qualifiées de créances douteuses, les
engagements affectés d’un risque d’insolvabilité du débiteur, les créances irrécupérables et les amortissements
pratiqués sur ces créances.
Les établissements de crédit doivent également faire
mention des créances affectées du ‘risque-pays’, sans
nécessairement relever de la première catégorie de
créances douteuses.
La notion de ‘risque-pays’ est définie comme ‘le risque de
non-recouvrement temporaire de créances en raison de la
seule situation politique et/ou économique du pays
d’implantation’41.
Par ce recensement, la CSSF entend procéder à une
analyse globale des risques et de sa gestion au niveau des
établissements de crédit.
Afin d’être complet, il faut encore mentionner la circulaire
CSSF 02/77 sur la protection des investisseurs en cas
d’erreur dans le calcul de la VNI et de réparation des
conséquences de l’inobservation des règles de placement
qui sont applicables aux organismes de placement
collectif, et la circulaire CSSF 02/81 sur les règles pratiques concernant la mission des réviseurs d’entreprises
d’organismes de placement collectif.
Partie II. Jurisprudence
1.
Cour d’appel, 11 juillet 2001, n° 23821
L’obligation de conseil de la banque envers un investisseur
averti s’apprécie par rapport aux informations accessibles
au jour où les conseils sont prodigués. Le client ne peut
pas se prévaloir de l’absence de couverture pour se soustraire aux conséquences des opérations réalisées.
A. contre la banque B
En date du 12 août 1988, A. ouvre un compte auprès de
la banque B (ci-après la Banque), et y dépose une certaine
somme. Après quelques années, la somme déposée s’élève
à 3.000.000 USD.
Entre 1991 et 1995, des opérations de change à terme
conduisent à un solde débiteur de plus de 1.000.000 DEM
sur le compte de A.
Le 19 juin 1995, A. introduit une action en justice contre
la Banque tendant au remboursement de la somme de
3.000.000 USD. Parallèlement, la Banque assigne A. en
justice pour lui demander entre autres, la somme de
1.140.961,21 DEM du chef du solde débiteur enregistré
sur son compte. Les deux affaires sont jointes et toisées
par une même décision.
41. Circulaire CSSF 02/85, tableau ‘Risque-Pays’, p. 6.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
A. reproche à la Banque de ne pas avoir respecté la marge
de couverture convenue, d’avoir pris des initiatives sans
avoir sa confirmation préalable, d’avoir omis de surveiller
les opérations à terme effectuées sans son accord, et de ne
pas avoir reconstitué son capital, malgré l’engagement de
la Banque de ce faire.
La Cour constate que les parties sont liées par une convention de compte en banque et un contrat de gage sur
valeurs mobilières et sur espèces. En outre, elle note que
des opérations de change à terme ont été conclues entre A.
et la Banque, comportant pour cette dernière outre l’obligation principale de la réception et la livraison à
l’échéance d’une certaine quantité de devises, des obligations accessoires comme l’obligation de conseil, l’exigence
éventuelle d’une couverture, ainsi que la faculté de
liquider d’office les positions.
A. est qualifié par la Cour d’‘investisseur averti’, alors
que, ‘même s’il n’est pas un professionnel en matière
bancaire, il avait l’habitude de décider seul des opérations
d’investissement effectuées, (...), qu’il spéculait depuis un
certain temps sur le marché des changes et qu’il remplissait un rôle actif dans le cadre des opérations effectuées’.
Au vu des éléments constants en cause, la Cour estime que
la Banque ne s’est pas engagée fermement à reconstituer le
capital de A., et confirme les premiers juges lesquels
avaient retenu que la Banque n’avait pas violé son obligation de conseil, ‘dès lors, d’une part, qu’il ne saurait lui
être reproché une erreur d’appréciation du marché
puisqu’elle a appuyé les conseils prodigués sur l’ensemble
des informations à lui accessibles au jour où ils ont été
donnés, les opérations boursières à terme comportant de
substantiels aléas, et, d’autre part, qu’elle avait rendu
attentif A., spéculateur averti, qui prenait seul les décisions concernant les opérations à effectuer, aux risques
inhérents des opérations de change envisagées’.
Quant au reproche tenant à l’absence de marge de couverture, la Cour constate que le banquier qui accepte une
opération de change à terme sans couverture adéquate
s’expose lui-même à un risque plus élevé, qui augmente si
la situation évolue défavorablement. La marge de couverture est destinée à protéger les agents de change respectivement les banquiers contre l’insolvabilité de leurs clients.
Ces derniers ne peuvent pas s’en prévaloir pour se soustraire aux conséquences des opérations réalisées.
La Cour confirme le premier jugement, rejette la demande
de A., et condamne ce dernier à payer à la Banque le solde
débiteur de son compte.
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ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
2.
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg,
16 novembre 2001, n° 48986
Le redressement fiscal intervenu suite à une éventuelle
violation du secret bancaire ne peut pas constituer la cause
d’une action en justice.
B. contre la banque K
La banque K (ci-après la Banque) est contactée par B.
pour l’aider à céder des parts sociales dont il vient
d’hériter. Par l’intermédiaire de la filiale anglaise de la
Banque, un montage financier est mis en place ayant pour
but de substituer au véritable bénéficiaire de la cession des
parts un tiers non imposable sur cette cession.
Un document de la Banque expliquant ce montage financier parvient aux mains des autorités fiscales françaises,
lesquelles notifient un redressement fiscal à B.
B. assigne la Banque pour obtenir la condamnation de
celle-ci au remboursement du montant qu’il risque de
payer aux autorités fiscales françaises suite au redressement fiscal.
La Banque soulève le défaut d’intérêt légitime à l’encontre
de B., et l’adage ‘nemo auditur propriam turpitudinem
allegans’.
Le Tribunal précise que la cause du dommage subi par B.,
soit le redressement fiscal, consiste dans l’obligation de B.
de payer les impôts auxquels il est normalement assujetti.
Or, pour agir en justice, il faut avoir un intérêt ‘légitime et
juridiquement protégé’. Le Tribunal se réfère à la jurisprudence pour préciser qu’‘en exigeant un intérêt légitimement protégé, les arrêts veulent tantôt que la situation
lésée soit conforme aux règles générales du droit et de la
morale, tantôt qu’un lien juridique existe entre le demandeur et la personne qui a causé le dommage’.
Pour déterminer si le demandeur a un intérêt légitime à
faire valoir en justice, il faut examiner la cause de l’action
et non pas le résultat. ‘Le terme “intérêt” ne décrit donc
plus l’avantage que le plaideur peut retirer de l’action,
mais c’est la cause sur laquelle il fonde cette action’.
Le Tribunal conclut à l’irrecevabilité de la demande, alors
que d’une part, la cause de l’action intentée par B. consiste
dans un redressement fiscal que lui imposeront le cas
échéant les autorités fiscales françaises et que d’autre part,
ce redressement trouve sa cause dans la non-exécution par
B. de ses obligations envers les autorités fiscales, et non
pas dans l’éventuelle violation du secret bancaire par la
Banque.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
N.B.: En date du 2 avril 2003, la Cour d’appel de Luxembourg a rendu deux arrêts dans des affaires similaires au
litige commenté ci-dessus. Dans ces arrêts la Cour relève
d’une part, que le secret bancaire est d’ordre public et,
d’autre part, que l’obligation au secret de la banque est
une obligation de résultat, étant donné qu’il est normal
dans le cours des choses que les renseignements confiés
lors de la conclusion d’un contrat avec une banque puissent être gardés secrets. Même si la demande d’indemnisation portant sur le préjudice matériel subi par les clients
sur lesquels des informations avaient été révélés aux autorités belges par des employés de la banque n’a pas été
accueillie, la Cour a condamné la banque à les indemniser
de leur préjudice moral.
3.
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg,
23 novembre 2001, n° 66428
Dans les rapports contractuels entre la société de bourse
et son client, la banque achète et vend en qualité de
mandataire de son client. Elle ne commet pas de faute en
exécutant un ordre de vente non pas à la réception de
l’ordre par fax, mais à la réception de l’original de l’ordre
par courrier.
D.S. contre la banque P
D.S. est cliente de la banque P (ci-après la Banque). Par
fax du 22 octobre 1997, envoyé également par courrier,
D.S. donne instruction à la Banque de vendre des titres et
de virer le produit de cette vente sur un compte ouvert
auprès d’un autre établissement bancaire.
La Banque exécute l’ordre de vente en date du 28 octobre
1997, date de réception de l’original de l’instruction du
22 octobre 1997. Entre le 22 et le 28 octobre 1997, le
cours des titres sur lesquels l’ordre portait enregistrent une
chute considérable. D.S. reproche à la Banque de ne pas
avoir exécuté l’ordre de vente le 22 octobre 1997 et introduit une action en justice contre la Banque tendant à la
réparation du préjudice subi suite à l’exécution tardive de
l’ordre.
Il ressort des conditions générales régissant les rapports
entre parties que les ordres de bourse doivent être adressés
à la Banque sous forme écrite. Afin de pouvoir donner des
ordres de bourse par voie de simple télécopie, les clients
doivent émettre un mandat spécial au profit de la Banque.
Il est jugé qu’en l’absence de preuve d’un tel mandat, la
Banque n’était pas tenu d’exécuter l’ordre de bourse
immédiatement, soit en date du 22 octobre 1997.
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D.S. reproche également à la Banque de lui avoir fourni
des indications erronées et de ne pas s’y être tenue. Elle
précise qu’une employée de la Banque aurait confirmé que
l’ordre pouvait être exécuté, sans attendre la confirmation
écrite. La preuve de cette affirmation n’est cependant pas
rapportée par D.S.
Après avoir rappelé que dans les rapports entre la société
de bourse et son client, la banque achète et vend en qualité
de mandataire de son client, le Tribunal précise que ‘la
responsabilité du banquier envers le client est donc en
principe celle d’un mandataire salarié qui doit agir sans
erreur ni retard. En cas de contestation, il doit justifier de
l’exécution régulière de l’ordre’.
Le Tribunal rejette la demande de D.S. en disposant que la
Banque a agi conformément aux stipulations contractuelles régissant les rapports entre parties, à savoir les
conditions générales, dont la clause disposant que les
instructions doivent être données par écrit.
4.
Cour d’appel de Luxembourg, 13 mars 2002,
n° 25356
Les héritiers réservataires disposent des mêmes droits que
le client décédé. Ils ne peuvent demander à la banque
réceptionnaire d’un virement des informations sur l’identité du bénéficiaire de ce virement.
Consorts T. contre la banque C
Les consorts T. (ci-après les Héritiers) sont les héritiers
réservataires de Monsieur T. (ci-après le ‘de cujus’), lequel
disposait d’un compte ouvert auprès d’une banque de la
place financière de Luxembourg.
Les Héritiers relèvent qu’un transfert a été effectué par le
de cujus sur un compte dénommé ‘W.’, ouvert auprès
d’une autre banque de la place, à savoir la banque C
(ci-après la Banque), et portant sur la totalité de ses avoirs
en espèces et en titres. Ils s’adressent à la Banque pour
obtenir des informations sur l’identité et l’adresse du
bénéficiaire du transfert.
Se pose le problème de l’étendue du secret bancaire sanctionné non seulement civilement, mais également pénalement par l’article 458 du Code pénal. D’après la Cour,
l’obligation au secret bancaire est d’ordre public, et
couvre non seulement les informations relatives au client
de la banque mais également celles portant sur son patrimoine ou sa situation financière. A cette obligation
d’ordre public s’oppose le droit des héritiers réservataires
du de cujus de préserver leurs droits héréditaires, lequel
est également d’ordre public.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
La Cour estime que ‘le secret bancaire opposable à toute
personne hormis le client lui-même, n’est donc pas opposable aux héritiers réservataires du client après le décès de
celui-ci, les héritiers continuent en effet la personne du
client défunt et disposent en conséquence des mêmes
droits à l’encontre de la banque que leur auteur décédé qui
fut client de la banque’.
Or, les Héritiers n’ont pas agi contre la banque auprès de
laquelle le de cujus avait ouvert son compte, mais contre
la banque auprès de laquelle le tiers bénéficiaire du virement avait son compte. Comme leur demande tend à
l’obtention d’informations sur l’identité d’une tierce
personne et sur la situation de ces comptes, la Cour vient
à la conclusion que les Héritiers ne sont pas en droit
d’obtenir la levée du secret bancaire.
5.
Cour d’appel de Luxembourg, 20 mars 2002,
n° 25709
L’erreur n’est une cause d’annulation d’un cautionnement
que si la caution prouve qu’elle a fait de la solvabilité du
débiteur principal la condition de son engagement.
La responsabilité du banquier dispensateur de crédit n’est
engagée que si la situation du bénéficiaire du crédit était
irrémédiablement compromise au moment de l’octroi du
nouveau crédit.
La caution doit elle-même apprécier si, au regard des ses
possibilités financières elle peut s’engager ou non.
D. contre la banque M
Le 26 juillet 1996, la banque M (ci-après la Banque)
accorde un prêt à la société F. Ce prêt est garanti par le
gérant de la société, son épouse et leur fille, Mme D.
Par acte d’huissier du 29 septembre 1998, Mme D. introduit une action en justice contre la Banque, en vue
d’obtenir la nullité du cautionnement, sinon en vue de voir
la responsabilité de la Banque engagée pour avoir accordé
de manière inconsidérée un prêt à la société F., laquelle
aurait été au bord de la faillite au moment de l’obtention
du prêt.
La Cour rejette le premier moyen de la partie D. tendant
à l’annulation du cautionnement pour erreur, en soulevant
qu’il est de jurisprudence constante qu’un cautionnement
ne peut être annulé pour ce motif, à moins que la caution
ne démontre qu’elle avait fait de la solvabilité du débiteur
principal au jour de son engagement la condition de son
consentement. La Cour relève que d’une part, D. n’a pas
rapporté cette preuve et que, d’autre part, elle avait, en
296
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
tant qu’associée de la société F. toute facilité pour se
renseigner sur la solvabilité du débiteur au moment de la
signature du cautionnement.
La Cour rejette également le deuxième moyen de la partie
D., tendant à l’annulation de l’acte de cautionnement
pour dol. D. reproche à la Banque de lui avoir dolosivement caché l’état d’insolvabilité de la société F., et d’avoir
accordé à cette dernière des avances d’un montant considérable sans se soucier du fait qu’elle n’avait pas d’activité
et était établie à une autre adresse que celle figurant sur les
statuts.
D’après la Cour, le dol peut résulter non seulement de
manœuvres dolosives, mais également d’une simple réticence. ‘Tel est le cas si la banquier manque à son obligation de contracter de bonne foi en dissimulant à la caution
par son silence les graves difficultés du débiteur dont il a
connaissance et qui auraient été de graves difficultés de
s’engager’. Or, la Cour estime que, contrairement à ses
affirmations, la caution D., en sa qualité d’associée de la
société F., était parfaitement au courant de la situation
financière précaire de cette société.
Pour ce qui est de l’avant-dernier moyen invoqué par la
caution D., la Cour déclare que la responsabilité du
banquier est retenue s’il a accordé un crédit de manière
inconsidérée, prolongeant ainsi artificiellement la vie de
l’entreprise. Toujours d’après la Cour, ‘pour retenir une
faute dans le chef du créancier, il faut que la situation du
débiteur au moment du nouveau prêt était irrémédiablement compromise. Si le banquier a seulement pris des
risques, en accordant son soutien à une entreprise fragile,
mais non dépourvue de perspectives de rentabilité, il n’y a
pas de faute dans son chef’. La Cour rejette le moyen
soulevé, en estimant qu’il n’était pas prouvé que la situation financière de la société F. ait été à tel point désespérée.
Finalement, la caution D. reproche à la Banque d’avoir
violé le principe de proportionnalité entre l’engagement
pris par elle et son propre patrimoine. Après avoir soulevé
l’existence, en France, du principe de responsabilité du
banquier qui a fait souscrire à une caution un engagement
manifestement disproportionné par rapport à son patrimoine, la Cour explique que la jurisprudence luxembourgeoise est beaucoup plus réticente à admettre ce principe,
estimant que la caution doit apprécier si au vu de ses
possibilités financières, elle peut s’engager ou non. La
Cour souligne encore que les engagements n’étaient pas
garantis par la seule caution D., mais par deux autres
cautions, pour conclure à l’absence de faute dans le chef
de la Banque.
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6.
CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
Cour d’appel de Luxembourg, 12 juin 2002,
n° 25412
Le moment à prendre en considération pour apprécier si
le montant ayant fait l’objet d’un ordre de virement fait
partie de l’assiette de la saisie sur le compte du donneur
d’ordre est celui du dessaisissement effectif (écriture au
débit du compte), et non pas celui du paiement ou du
transfert de propriété.
La banque D contre la société A.
Une saisie-arrêt est pratiquée sur un compte ouvert au
nom d’une société F., auprès de la banque D (ci-après la
Banque) en date du 16 juin à 15 heures 38.
La saisie, pratiquée à la demande de la société A. porte sur
les montants de 329.592,55 USD au titre de principal et
des intérêts, et de14.048 GBP, du chef de frais d’arbitrage.
Dans sa déclaration d’affirmation, la Banque admet être
redevable à l’égard de la société F. de la somme de
316.198,20 USD au 16 juin 1992, jour de la saisie. La
société A. conteste ce montant, alors qu’en date du 15 juin
1992, à 11 heures 02, la Banque a reçu l’ordre de la part
de la société F. de virer le montant de 550.000 USD à un
compte ouvert auprès d’un autre établissement bancaire.
L’inscription au débit du compte de la société F. du
montant de 550.267,45 USD est enregistrée en date du
16 juin 1992, jour de la saisie.
Se posent les problèmes de l’exécution d’un virement par
SWIFT et du montant à prendre en considération pour
déterminer l’assiette de la saisie-arrêt pratiquée par la
société A.
La Cour donne d’abord une définition de SWIFT et
explique que SWIFT (Society for Worldwide Interbank
Financial Telecommunication) est un réseau de transmission interbancaire international et non pas un système de
transfert de fonds. Il s’agit d’un réseau de communication
internationale, qui permet de transmettre dans les
meilleures conditions des ordres de virement, comme
d’ailleurs tout autre type d’instructions, telles que des
oppositions sur des chèques volés ou lettres de crédit. Elle
précise ensuite que ‘ce qui importe pour la détermination
de l’assiette de la créance saisie-arrêtée sur le compte du
donneur d’ordre, c’est le moment non du paiement ou du
transfert de la propriété des fonds à virer, mais celui du
dessaisissement du donneur d’ordre’. Ce dessaisissement
est réalisé par l’écriture au débit du compte du donneur
d’ordre, lequel fait sortir les fonds du patrimoine de ce
dernier.
L ARCIE R
Dans la présente affaire, où il y a eu virement d’une
banque à l’autre, le moment à prendre en considération
est celui auquel le montant viré est définitivement sorti du
patrimoine du donneur d’ordre, indépendamment de la
date de la compensation entre banques ou de celle où le
compte du bénéficiaire est crédité.
Comme il résulte des éléments constants en cause que le
virement a été effectué en date du 16 juin 1992, avant
12 heures, le compte de la société F. avait été dessaisi du
montant de 550.000 USD au moment de la saisie, à
15 heures 38, de sorte que ce montant n’entre pas en
considération pour la détermination de l’assiette de la
créance saisie.
7.
Cour d’appel de Luxembourg, 20 juin 2002,
n° 25137
La commercialité d’un cautionnement donné par un
non-commerçant peut résulter des critères subjectifs,
comme par exemple des circonstances accréditant l’idée
que les dirigeants ou associés d’une société tenaient un
rôle important dans la société et révélatrices de leur intérêt
patrimonial des opérations garanties.
D. contre P.
Par convention du 30 novembre 1995, D. s’engage à
acheter à P. un certain nombre de parts de la société de
droit luxembourgeois E., dont le prix est fonction de la
réalisation d’une certaine opération. La convention
prévoit qu’en cas d’échec de cette opération, la cession des
actions est réalisée au prix de 500.000 LUF.
Par convention du même jour, la société précitée E.
s’engage envers P. d’acheter un certain nombre de parts
d’une société de droit belge A. à un prix variant en fonction de la réalisation de la même opération. Ici aussi, il est
convenu qu’en cas d’échec de ladite opération, la vente se
réalise au prix de 2.500.000 LUF. Cette convention
contient une clause prévoyant que ‘D. garantit solidairement et indivisiblement les obligations contractées par E.
envers P.’.
L’opération à laquelle les parties ont lié le prix des cessions
de parts sociales ne s’est finalement pas réalisée, de sorte
que P. réclame à D. et à la société E. paiement de
500.000 LUF respectivement de 2.500.000 LUF. Comme
aucune des parties n’exécute le paiement, P. introduit une
action en justice contre D. en sa double qualité de débiteur
et de caution des engagements de la société E.
Se pose le problème de la validité du cautionnement donné
par D., alors que selon ce dernier, la sûreté n’a pas été
F O RUM F IN AN CIE R / D RO IT B AN CAIRE E T F IN AN CIE R
2 00 3 / V
297
CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
valablement donnée, puisque les prescriptions de l’article
1326 du Code civil n’ont pas été respectées.
La Cour se prononce sur le caractère commercial ou civil
d’un cautionnement, en précisant que le cautionnement
commercial est dispensé des formalités prévues à l’article
1326 du Code civil et peut être prouvé par toutes voies de
droit, en application de l’article 109 du Code de
commerce.
D’après la Cour, ‘lorsque la commercialité du cautionnement n’est pas, comme en l’espèce, objectivement déterminée, elle peut résulter de l’application d’un critère
subjectif et faire admettre qu’un cautionnement donné par
un non-commerçant puisse constituer un engagement
commercial. Il peut en être ainsi des cautionnements souscrits pour les sociétés par leurs dirigeants ou associés, la
commercialité du cautionnement souscrit par ces derniers
étant justifié par des circonstances accréditant l’idée que
ces derniers tenaient un rôle important dans la société et
révélatrices de leur intérêt patrimonial dans les opérations
garanties’.
Retenant que D. était déjà actionnaire majoritaire de la
société E. avant le rachat des actions à P., et qu’avec cet
achat il allait avoir le contrôle absolu de cette société, la
Cour estime que toutes les circonstances en ce qui
concerne le rôle prééminent de D. dans cette société et son
intérêt patrimonial dans les opérations garanties sont
réunies, et conclut au caractère commercial du cautionnement.
D. est condamné à payer à P. les sommes de 500.000 LUF
et 2.500.000 LUF.
8.
Cour d’appel de Luxembourg, 3 juillet 2002,
n° 25387
Le banquier chargé de gérer discrétionnairement les
avoirs de son client est tenu de placer au mieux les fonds
dans le but d’obtenir les résultats espérés.
Dans un contrat de gestion discrétionnaire, la libre initiative laissée au gestionnaire peut être limitée par des
instructions données par le client.
La société A. et la société B. contre la banque X
En date du 8 décembre 1994, une société C., agissant en
qualité de trustee de la société B., ouvre un compte auprès
de la société banque X (ci-après la Banque). Un contrat de
mandat de gestion discrétionnaire est signé entre les
mêmes parties. Dans un courrier du 8 décembre 1994, la
société C. précise la politique d’investissement et la
298
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
composition du portefeuille à respecter par la Banque
dans le cadre de ce mandat de gestion. Dans cette lettre, il
est demandé à la Banque d’investir en respectant une politique d’investissement conservatrice à long terme, tout en
faisant en sorte que le portefeuille soit composé pour 66%
à 75% d’obligations et pour 33% à 25% d’actions.
Deux Simplified Management Reports, en date des 7 avril
et 3 mai 1995 renseignent que la position current
accounts présentait 16,63% respectivement 33,27% de la
valeur du portefeuille. Par fax du 17 mai 1995, la société
C. critique cette position, enjoint la Banque à reconstituer
le portefeuille et à l’indemniser du préjudice subi.
Comme la Banque refuse toute indemnisation, le nouveau
trustee de la société B., la société A. s’adresse à l’Institut
Monétaire Luxembourgeois (ci-après IML, actuellement
la CSSF), lequel était à cette époque en charge de la
surveillance prudentielle du secteur financier. Malgré
l’intervention de ce dernier, la Banque continue à refuser
toute indemnisation en faveur de la société B.
Par acte d’huissier en date du 31 mars 1999, la société A.
et la société B. introduisent une action en justice contre la
Banque, tendant à obtenir des dommages-intérêts.
La Banque conteste d’abord la qualité à agir de la
société A., alors que l’acte de cession de créance signée
entre celle-ci et le premier trustee, ne lui aurait pas été
notifié. La Cour rejette cet argument en relevant qu’aux
termes de l’article 1690 du Code civil, le cessionnaire n’est
saisi à l’égard des tiers que par la notification du transport
fait au débiteur. Toujours d’après la Cour, ‘étant donné
que cette notification peut comporter des formalités allant
à l’encontre de la rapidité des affaires, la jurisprudence
récente s’est orientée vers une simplicité accrue des formalités. Ainsi, l’opposabilité de la cession de créance au débiteur cédé existe dès lors que la preuve dans son chef de la
connaissance de la cession est rapportée’.
La Cour déduit cette connaissance, entre autres, de la
circonstance que le nouveau trustee de la société B. s’est
adressé en cette qualité à l’IML, et vient à la conclusion
que la société A. avait qualité à agir.
Pour ce qui est de l’exécution du mandat de gestion discrétionnaire, la Cour estime que les instructions données à la
Banque dans le courrier du 8 décembre 1994 ne sont pas
contraires à l’esprit d’un tel contrat de gestion.
La Cour précise que le contrat de gestion discrétionnaire
comporte à la charge du banquier ‘l’obligation de prendre
en lieu et place du client et dans son intérêt toute mesure
susceptible d’influer sur la valeur des titres en question’.
F I NAN CI EE L F O R U M / B ANK- EN F I NAN CI EE L R E C H T
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LARC IER
ALEX SCHMITT & ELISABETH OMES
CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
Les instructions données à la Banque, tout en retenant que
le but recherché du client était un placement de ‘père de
famille’, non soumis à des fluctuations spéculatives, ont
limité le domaine de libre initiative laissé au banquier en
ce sens qu’il devait investir en obligations et actions en
respectant les proportions déterminées entre parties.
La Cour souligne qu’il est ‘de l’essence même de la mission
du banquier – mandataire salarié qui s’est vu confier la
gestion totale d’un portefeuille – de placer au mieux les
fonds dans le but d’obtenir les résultats espérés’. Elle fait
droit à l’offre de preuve formulée par les parties appelantes et ordonne une mesure d’expertise tendant à apprécier si la Banque s’est conduite en bon professionnel de la
même catégorie placé dans les mêmes circonstances de
temps, de conjoncture et agissant selon les usages
bancaires et boursiers de la place.
Après le dépôt du rapport d’expertise à venir, la Cour
rendra une décision tranchant la question de la responsabilité du banquier définitivement.
9.
Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg,
30 novembre 2000, Tribunal d’arrondissement
de et à Luxembourg, 18 avril 2002, Tribunal
d’arrondissement de et à Luxembourg,
24 octobre 2002, n° rôle 64595
La victime d’une escroquerie orchestrée par des tiers peut
demander l’annulation pour dol des conventions conclues
en vue de la réalisation de l’escroquerie, avec la Banque
laquelle a mis ses locaux à la disposition des escrocs.
K. contre la banque D et B
K. ouvre un compte auprès de la banque D (ci-après la
Banque) sur recommandation de S., en vue de réaliser une
opération d’investissement relative à l’achat et la vente de
garanties bancaires proposée par ce dernier.
R., associée de S., donne à la Banque l’ordre de transférer
une certaine somme sur un compte ouvert aux Etats-Unis.
Le compte de R. enregistre un découvert d’un même
montant. Le découvert est couvert suite à la réalisation
d’un gage que K. a accordé en faveur de R. Par la suite, K.
découvre que le marché sur lequel elle estime avoir investi
n’existe pas, et que l’argent a été détourné par R.
K. introduit une demande en justice contre la Banque et
lui reproche d’avoir contribué activement sinon par négligence grave aux manœuvres dolosives commises par les
tiers S., R. et T., en acceptant que dans ses locaux et en
présence de son directeur, le mécanisme irréalisable et
L ARCIE R
même d’une escroquerie soit exposé par des tiers à des
clients potentiels.
Le Tribunal fait droit à la demande de K. et prononce la
nullité pour dol de toutes les conventions que K. a signées
avec la Banque, en estimant que la Banque a collaboré à
une vaste escroquerie.
N.B.: Appel a été interjeté contre les trois jugements.
10. Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg,
1er février 2002, n° 99/02 confirmé par Cour
d’appel de Luxembourg, 11 décembre 2002,
n° 26757
L’exécution tardive d’un ordre de transfert n’est pas
constitutive d’une faute grave, lorsque le retard est justifié
par des vérifications tenant au changement du représentant légal du donneur d’ordre.
La société de droit des Bahamas W. contre
la banque A
La société W. (ci-après la Société) dispose d’un compte de
titres auprès de la banque A (ci-après la Banque). En date
du 2 février 2001, la Société donne à la Banque l’ordre de
transférer un certain nombre d’actions sur un compte
ouvert auprès d’un autre établissement bancaire.
Malgré le fait que la Société rappelle son ordre de transfert
à plusieurs reprises, la Banque ne l’exécute pas.
Par acte d’assignation du 20 mars 2001, la Société intente
une action en justice contre la Banque en vue d’obtenir
restitution des actions, et à se voir allouer des
dommages-intérêts.
En date du 9 juillet 2001, la Banque procède à l’exécution
de l’ordre de transfert, de sorte qu’au moment des plaidoiries devant les premiers juges, la Société réduit sa demande
et se limite à réclamer des dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral consistant dans ‘les pertes de temps
et tracasseries subies par la société’ suite à l’exécution
tardive de l’ordre de virement.
La Banque justifie le retard dans l’exécution de l’ordre de
transfert par les vérifications auxquelles elle aurait dû
procéder en raison du changement de représentant légal
intervenu au sein de la Société. En effet, le comportement
de l’ancien représentant légal de la Société avait fait naître
des doutes dans le chef de la Banque en ce qui concerne
l’authenticité de l’ordre de virement, de sorte qu’elle s’est
vue contrainte de s’adresser à la CSSF.
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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2002 (LUXEMBOURG)
La Banque fait également état d’une clause des conditions
générales, spécialement acceptée par la Société, aux
termes de laquelle sa responsabilité ne peut être engagée
que pour faute grave ou omission malicieuse.
Tout comme les premiers juges, la Cour d’appel considère
que l’attitude prise par la Banque n’est pas constitutive
d’une faute grave, de sorte que sa responsabilité n’est pas
engagée.
300
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Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’exprime
comme suit ‘Le Tribunal estime qu’au regard des circonstances telles qu’elles sont relatées par la défenderesse et
corroborées par les pièces versées, l’attitude de la banque
qui a fait preuve d’une prudence légitime devant le changement de représentant légal de son client ne saurait être
considérée comme constitutive d’une faute grave’.
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