Retrouvez la délibération contre les violences faîtes aux femmes
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Retrouvez la délibération contre les violences faîtes aux femmes
2015 PCF/FG 1 : Femmes victimes de violences : hébergement et accès au logement. PROPOSITION DE DELIBERATION EXPOSE DES MOTIFS La lutte contre les violences faites aux femmes est un enjeu essentiel de société, d’inégalité entre les sexes mais aussi une urgence de santé publique car les conséquences psychosomatiques, sociales et économiques qu’elles induisent sont considérables. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère les violences de genre comme l’un des problèmes majeurs en matière de sante publique dans le monde. Expression ultime de multiples formes de domination masculine, les violences faites aux femmes constituent des atteintes intolérables à leur intégrité et à leur dignité et une violation des droits fondamentaux. En France chaque année, 216 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire (mari, concubin, pacsé, petit-ami…)1. En 2013, 129 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. Dans le cadre de violences au sein du couple, 33 enfants sont décédés, tués par un parent ou beau-parent.2 La même année, le 3919 « Violences femmes info » (numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés) a recueilli 916 appels parisiens pour "violences conjugales", soit 6.62% des appels nationaux et 22.64% des appels en Ile de France.3 À partir d’une analyse des données sur la demande d’hébergement d’insertion pour les femmes victimes de violences, on peut estimer qu’en 2014 plus de la moitié des demandes d’insertion des femmes et familles monoparentales concernent les femmes victimes de violences. Le problème de l’hébergement vient donc au premier rang des préoccupations des femmes victimes de violences4. La loi La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a posé un cadre juridique pour la protection des femmes victimes de violences (ordonnance de protection, éviction du mari, accès au logement…) et pour la répression des auteurs des violences. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes complète cette dernière à l’aide d’un plan global d’actions mobilisant tous les ministères et toutes les politiques publiques aux violences envers les femmes : renforcement de l’ordonnance de protection dont la durée est prolongée jusqu’à 6 mois, généralisation du dispositif téléphone « Grand Danger », lutte contre les mariages forcés, actions de sensibilisation et de prévention concernant les violences faites aux femmes handicapées… 1 Champ : Femmes âgées de 18 à75 ans, vivant en ménage ordinaire en métropole. Source : CVS 2010-2013- INSEE-ONDRP 2 Ministère de l’Intérieur, Délégation aux victimes, «Étude nationale sur les morts violentes au sein de couple, année 2013 » 3 Source : Observations qualitatives et quantitatives relatives aux femmes parisiennes victimes de violences conjugales. Réseau Solidarité Femmes Bilan année 2013 4 Source : présentation des chiffres personnes victimes de violences 2014 (1er janvier – 1er juin 2014) SIAO 75 Insertion Loi qui a été suivie par le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016), en cours. Il est articulé autour de 3 axes : 1- organiser l’action politique autour d’un principe partagé : aucune violence déclarée ne doit demeurer sans réponse. 2- protéger efficacement les victimes. 3- mobiliser l’ensemble de la société. Au niveau européen, la Convention d’Istanbul, qui porte sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes a été ratifiée par 13 Etats membres du Conseil de l’Europe dont la France depuis le 4 juillet 2014. Elle est entrée en vigueur le 1er août 2014. Constat Plainte Le taux de plainte n’est pas encore satisfaisant. À Paris, de 3 500 à 4 000 cas de violence faites aux femmes sont enregistrés chaque année par les services de Police, soit seulement 8% des femmes qui franchissent la porte du commissariat : plus de 50 000 femmes victimes n’oseraient pas porter plainte.5 Parmi les raisons invoquées pour expliquer le silence des victimes, sont avancées : la volonté de trouver une autre solution que le dépôt de plainte en raison de ses conséquences, l’inutilité de la démarche, la minimisation des actes ou encore le souci d’éviter des épreuves supplémentaires. Eviction L’éviction du conjoint violent est l’alternative au départ et permet le maintien de la femme victime au domicile conjugal ; malgré la loi, l’éviction du conjoint violent reste un dispositif encore peu utilisé du fait de l’absence de décision judiciaire mais aussi de réticence ou de désinformation des acteurs locaux. De plus, le domicile étant connu du conjoint, les femmes victimes de violence ne s’y sentent pas toujours en sécurité même s’il en a été évincé. Pas de solution pour toutes les femmes La vulnérabilité liée aux situations de handicap constitue un facteur de risque supplémentaire. Peu de recherches ont exploré ce sujet ce qui lui confère une grande invisibilité. Selon une estimation de l’association « Femmes pour le Dire Femme pour agir » 70% des femmes handicapées seraient victimes de violences.6 Le rôle de l’Observatoire parisien des violences faites aux femmes (OPVF) La diversité des manifestations des violences faites aux femmes appelle des réponses multiples. C’est dans cette optique qu’il a notamment été décidé la mise en place d’un Observatoire parisien des violences faites aux femmes réunissant un ensemble des partenaires concernés. Les réponses qu’apporte l’OPVF s’appuient et se complètent sur plusieurs niveaux : - la connaissance, soit promouvoir le travail en réseau et les instruments qui favorisent l’information, le transfert de la connaissance et la collaboration entre tous les acteurs de la ville, des institutions et des associations ; - l’action : par la coordination des dispositifs partenariaux existants (Téléphone Grand danger, conventions mains courantes…) et la création de nouveaux dispositifs ; - la législation, soit veiller à l’application concrète des mesures et aux moyens effectifs de leur mise en œuvre sur le territoire parisien en lien avec l’ensemble de nos partenaires (comme l’éviction du conjoint violent) ; - la mobilisation des professionnels, leur formation, la diffusion des bonnes pratiques ; - la sensibilisation de l’opinion publique au phénomène des violences faites aux femmes. Il convient d’aider à une prise de conscience, à une évolution des mentalités et des comportements 5 Sources : Délégation victimes du ministère des affaires étrangères, observatoire national de la délinquance, Fédération nationale solidarité femmes, services de police parisiens, étude Psytel du programme DAPHNE 6 Source : Repère statistique du Haute Conseil de l’Egalite entre les femmes et les hommes ( HCE/FH) en traitant le problème à sa source et en agissant sur ce qui l’a provoqué. À ce titre, la prévention par l’éducation est essentielle. À partir des observations naissent des dispositifs, qui permettent ensuite de modifier les pratiques professionnelles et dégager des pistes d’action utiles à la construction d’une politique publique efficace. Il est donc essentiel de développer les lieux et outils de détection des situations de violences conjugales le plus en amont possible et de travailler avec les femmes victimes un projet de vie, incluant le choix d’un lieu de vie le plus tôt possible. Sur la question du l’accès au logement pour les femmes victimes de violences, l’OPVF pourra construire progressivement des partenariats de grande importance pour développer des programmes spécifiques d’accompagnement au logement et aussi travailler à des formules d’intermédiation pour le parc public. Un autre objectif pourra être le renforcement de la formation et du nombre des travailleurs sociaux pour l’évaluation des demandes d’hébergement des femmes victimes de violences (FVV) dans leur orientation vers et dans le logement. Situation de l’hébergement à Paris pour les femmes victimes de violences Places en Urgence Un état de lieux ciblé sur les établissements disposant d’un accueil spécifique en urgence pour les violences genrées a mis en évidence qu’aujourd’hui, à Paris, il existe seulement 25 places en urgence et 12 places en suite d’urgence dédiée aux femmes victimes de violences. Pour de nombreuses femmes, la réponse reste majoritairement en places en hôtel, où la sécurité des victimes ne peut pas toujours être assurée, et en centre d’hébergement d’urgence généraliste. De fait, on assiste à une errance supplémentaire introduite par l’institution, à laquelle doit être ajoutée le manque de garantie d’une solution d’hébergement plus durable et/ou d’un logement pérenne après l’hébergement en l’hôtel. En 2013, 138 femmes victimes de violences ont été accueillies dans des établissements parisiens avec un suivi spécifique, et 4 femmes parisiennes ont fait l’objet d’un éloignement géographique à travers le dispositif de mise en sécurité de la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Malheureusement, beaucoup des femmes se sont vues refuser un hébergement d’urgence par manque de place. En 2014, afin de répondre à ce besoin de places supplémentaires, des associations ont mis en œuvre des dispositifs pour l’accueil en hôtel avec un suivi spécialisé. C’est le cas de l’association FIT, une Femme, un Toit, qui a pu bénéficier d’une subvention de la ville de Paris de 10000 euros, permettant d’accueillir 29 femmes supplémentaires. Cependant il y a encore de nombreux refus. C’est aussi le cas de l’association Halte Aux Femmes Battues disposant d’un protocole avec le Samu social, le SIAO Urgence et le Pôle d’Hébergement et de Réservation Hôtelière (PHRH). Au cours de l’année 2014, cette association a permis la mise en sécurité de 110 femmes (la durée moyenne du séjour observée de 3 à 4 mois). L’accueil en hôtel est une solution transitoire, néanmoins en l’absence de places disponibles dans les centres spécialisés, il est important de continuer à leur donner les moyens financiers. La Ville de Paris a préempté cinq appartements (Résidence Stella, ouverte en 2012) dédiés aux femmes employées de la Ville qui subissent des violences au sein de leur couple. La situation actuelle nous oblige à constater que nous sommes face à un nombre de places insuffisant pour répondre à la demande des femmes victimes de violence en situation d’urgence et aucune place n’existe à ce jour pour l’accueil spécifique des femmes handicapées. Les dispositifs d’hébergement sont embolisés, les femmes sont coincées entre les sorties des structures d’urgence et les entrées dans le logement social. Pour les victimes comme pour la société, les coûts sociaux et financiers s’en trouvent maximisés. Cela renvoie un signal négatif de non-reconnaissance de la prise en compte du phénomène pour les femmes victimes de violences qui font le choix de sortir du cycle des violences conjugales, mais surtout il contraint une majorité de Parisiennes à rester dans le logement où ont lieu les violences conjugales. Il faut donc repenser la logique de l’urgence en prévoyant deux cas de figure. Si une femme souhaite conserver ou récupérer son domicile, il est nécessaire de garantir l’éviction systématique du conjoint violent. L’expérience montre que cette éviction peut prendre du temps et donc nécessiter l’application du protocole de mise en sécurité temporaire et permettre à la femme de reprendre son logement le plus rapidement possible. Si la femme ne souhaite pas ou ne peut pas conserver son domicile, alors il faut envisager des réponses adaptées à ses ressources matérielles, sociales et psychologiques. La réponse en urgence devient alors une première étape d’insertion soit en CHRS avec accueil spécialisé, soit dans un logement temporaire du contingent de la ville de Paris (résidence sociale, centre maternel …), soit en faisant appel au dispositif de logement pérenne de droit commun. Places en Insertion Le même état des lieux ciblé sur les places dédiées en insertion pour les femmes victimes de violences et sur les dispositifs actifs associés à Paris en 2014 fait mention d’un total de 88 places pour les femmes (et 36 places pour les enfants), et aucune place pour les femmes en situation de handicap. En 2013 ont été accueillis 132 femmes et 50 enfants. 44 femmes sont sorties du dispositif CHRS. La durée moyenne du séjour a été de 21 mois. A l’instar de la situation de prise en charge en urgence, le nombre de places en insertion est insuffisant compte tenu du nombre de demandes et également de la durée moyenne du séjour. Il est à noter qu’en 2013, après enquête auprès des associations spécialisées dans l’accueil de femmes victimes de violence, que celles-ci ont dû toutes faire face à des situations de refus d’accueil faute de capacité en termes de places. La conséquence de ces refus est que les femmes sont envoyées dans les structures d’urgences ouvertes à toutes et tous, voire mixtes ne disposant souvent pas d’accueil spécialisé. La durée moyenne de séjour affecte la vitesse de rotation des places disponibles, divisant par deux la capacité réelle d’accueil en Insertion (44 places sur 88). Logement Souvent, la durée du temps de séjour dans le CHRS ne correspond pas avec le réel besoin de la femme en termes d’accompagnement. L’« embolisation » de tout le réseau d’hébergement provoque parfois une véritable difficulté dans le travail social d’insertion, en démobilisant les femmes en recherche d’autonomie, avec lesquelles des projets de logement stable avaient été mûris. Dans l’attribution du logement, une femme victime de violence conjugale fait souvent l’objet d’une représentation stigmatisante. Il faut que le secteur du logement se positionne comme un acteur et un promoteur du droit de la victime à la réparation. Comme l’ont démontré les expériences dans d’autres départements d’Ile-de-France, on peut faire confiance à ces femmes en tant que locataires. Quand une femme qui a été victime de violence arrive à son logement de droit commun, il est fondamental qu’elle ne soit pas signalée et qu’elle reçoive de l’accompagnement social seulement si c’est nécessaire. Propositions pour la délibération Les propositions suivantes ont pour objectif de disposer de données chiffrées sur les besoins d’hébergement des femmes victimes de violences et des réponses les plus adaptées et en conséquence d’augmenter les capacités d’accueil des femmes victimes de violences à Paris, de faciliter les flux de sortie de l’hébergement d’urgence ou de stabilisation et d’apporter des réponses en termes de logement mieux adaptées.