0 LE CŒUR D`AMOUR EPRIS Récit scénique d`après René D`Anjou

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0 LE CŒUR D`AMOUR EPRIS Récit scénique d`après René D`Anjou
LE CŒUR D’AMOUR EPRIS
Récit scénique d’après René D’Anjou
Texte : Sylvie Delom
Musique : Eliane Brocca-Astori
Mise en scène : Nathalie Stora
Interprété par
Sylvie Delom (récit, jeu des personnages, chant)
Eliane Brocca-Astori (oud, tambour, violon-boite, chant)
Lumières : Alain Basso
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L’époque, l’auteur et l’œuvre
Nous nous intéresseront ici assez peu à l’auteur en tant qu’individu, respectant en cela la mentalité
de l’époque où la petite histoire personnelle importe peu. René d’Anjou se fait le rapporteur de tous
les motifs et styles qu’il connaît, il est comme une bibliothèque vivante, à l’image de sa bibliothèque
d’homme lettré et passionné des arts.
Ce bon Roi René, bien que couverts de titres, n’est pas très chanceux en politique en ces temps de
guerre de 100 ans et passe beaucoup de temps en prison. Il a la réputation d’un prince débonnaire. Il
est esthète et très cultivé.
C’est probablement à l’occasion d’une frustration amoureuse qu’il écrit Le cœur d’Amour Epris. Mais
cette œuvre va bien au-delà de sa propre histoire. Elle est le pendant d’un parcours amoureux
célèbre écrit deux siècles plus tôt : « Le Roman de la Rose ». Elle est un témoignage de la situation de
l’idéal courtois au milieu du 15ème siècle. Et la vision en est désenchantée.
Dans le cœur d’Amour Epris, le personnage qui représente la Courtoisie est une vieille religieuse
marquée par les stigmates de l’usure… Les personnes qui font traverser la mer par les héros
monnayent leurs services… Le dieu Amour (figure royale) est limite décadent. Le sens du merveilleux
médiéval est en train de s’éteindre peu à peu.
Le cœur d’Amour épris est une «carte du tendre »
avant l’heure. Sa symbolique est très limpide
pour les lecteurs d’aujourd’hui car très proche
d’une compréhension sentimentale des enjeux.
Pas encore psychologique, l’œuvre est beaucoup
plus prosaïque que le «Roman de la rose», même
si le sens poétique et allégorique demeure et veut
s’affirmer. Elle est donc moins ésotérique, voire
pas du tout.
En outre, la langue du 15ème siècle est
relativement accessible, on s’approche à grands
pas du français.
L’amour courtois
La courtoisie est, au moyen âge, le code
d’honneur de la vie sociale de la noblesse. Un
chevalier dit « courtois » est doté de grandes
qualités : courage de celui qui porte les armes,
sens de l’honneur, engagement envers son
suzerain et surtout un respect absolu de la
femme, de la dame.
Contrairement à ce que l’on imagine souvent, l’amour courtois n’est pas un amour platonique, il
n’est pas assujetti aux règles de la morale religieuse. Il est une relation ou l’amant place l’aimée à la
plus haute et digne place qu’elle puisse tenir, lui témoignant une estime et un respect total. C’est la
femme qui décide. L’homme la conquiert, mais elle est libre. Sa décision est entendue, l’homme s’y
soumet.
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Les nobles sont nombreux à composer des chants, de longs textes en vers et en prose, des histoires.
A cette époque l’on ne parle pas de soi-même comme aujourd’hui. On utilise la métaphore,
l’allégorie, pour témoigner des émotions ou même conter des évènements qui prennent alors
immédiatement dimension de légende.
C’est pourquoi, Le Cœur d’Amour Epris parle encore aux amoureux d’aujourd’hui. Les allégories
mises en place par l’auteur, personnifiant les émotions et sentiments sous forme d’êtres humains,
nous plongent dans des méandres aventureux que nous connaissons tous : les épreuves du désir
amoureux.
L’histoire
Le narrateur est un amoureux
qui ne parvient pas à obtenir
l’accord de la dame. Il en souffre
terriblement.
Une nuit, il a une vision, un
songe.
Amour (le dieu Amour) vient à
son chevet. Il est accompagné
d’un jeune chevalier (Désir).
Amour arrache le cœur du
narrateur, sans que celui-ci ne
ressente de douleur, confie le
cœur au chevalier Désir, et
disparaît.
C’est alors que le cœur devient un chevalier lui-aussi. Il devient Cœur.
Désir va le guider dans une immense quête : celle de la douce merci de sa très noble dame. C'est-àdire vers l’acceptation de celle-ci. Cette acceptation est nommée Douce Merci, elle est représentée
par une jeune dame.
Elle est emprisonnée dans le manoir de Rébellion, captive de Refus, Déni, enchaînée par Honte et
Crainte, retenue par des partisans de l’armée de Malebouche (mauvaise bouche = médisance).
Cœur doit affronter maints dangers avant d’atteindre ce manoir.
De cet instant, le narrateur s’effacera pour ne revenir qu’à la toute fin, et nous suivrons les combats,
péripéties et épreuves des chevaliers Cœur et Désir.
Nous avons choisi parmi les nombreuses figures de cette histoire, les plus parlantes à l’auditeur
d’aujourd’hui.
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Adaptation pour la scène
Un récit scénique, où paroles, chansons, chants et musiques s’imbriquent en permanence.
Le texte est en français moderne, et sans trop user d’archaïsmes, joue avec les tournures et les
rythmes du texte original (octosyllabique pour les textes en vers), utilise des mots dans leur sens
originel (par exemple la « merveille » est une chose qui est de l’ordre « supranaturel »,
ou «extraordinaire» mais pas forcément agréable ou belle)… Le public n’est jamais perdu dans la
langue, mais il est emmené dans une
dimension où elle se charge de sa multiplicité
de sens, d’une dynamique particulière.
Un surprenant violon-boite pleure, grince, et
chuinte. Le oud (luth oriental) nous rappelle
les temps anciens, tandis que percussion,
guimbarde et shruti-box (bourdon oriental)
nous portent dans l’intemporalité du
sentiment amoureux. Le choix musical n’est
pas proprement médiéval mais repose sur un
mode de l’époque
audible par nos
contemporains.
Une mise en scène qui laisse à la parole
contée toute sa puissance évocatrice,
mettant la grande variété de registres de la
conteuse au service d’une adaptation fidèle à
l’esprit de l’œuvre tout en offrant une vision
actuelle des extrêmes tensions provoquées
par le désir.
Temps d’actions et de contemplations, temps versifiées ou racontés, joués ou chantés, nous
emportent dans la dimension épique où l’on sait à la fois se jeter dans la bataille et prendre du recul
pour se nourrir de ce qui est offert à nos sens et à notre esprit.
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