Les thérapies familiales psychanalytiques

Transcription

Les thérapies familiales psychanalytiques
Entretien
avec
Alberto Eiguer
Les thŽrapies familiales
psychanalytiques
Mony Elkaïm : Cher Alberto,
peux-tu décrire l’école dont tu es
un des plus éminents
représentants, l’école de thérapie
familiale psychanalytique ?
Alberto Eiguer : C’est une
approche de la famille qui est
essentiellement groupaliste, et
psychanalytique. Nous nous
référons à cette théorie pour
mettre en route notre processus
de la thérapie familiale.
Evidemment, il y a beaucoup
de choses à ajouter, mais je
l’exprimerai en un mot.
Ce que nous recherchons
essentiellement est que les
différents membres de la famille
puissent créer ou développer un
nouvel espace à l’intérieur de leur
fonctionnement, qui sera un
espace imaginaire, de
bouillonnement de fantasmes,
dans lequel ils pourront s’épanouir,
se retrouver, modifier leurs
mythes, les faire évoluer, etc.
C’est un premier point, qui me
paraît important.
M. E. : Peux-tu me citer les noms
de quelques personnes
appartenant à cette école ?
A. E. : André Ruffiot, Evelyn
Granjon, Jean-Pierre Caillot,
Gérard Decherf, Paul-Claude
Racamier, Didier Anzieu, Serge
Tisseron, Simone Decobert.
M. E. : Alberto, quel lien as-tu avec
les thérapies systémiques ?
Estimes-tu que ce que tu fais est
complètement différent, ou bien
est-ce que tu maintiens un lien,
fût-il léger, entre ce que tu fais et
l’approche systémique ?
A. E. : Nous avons des points
communs, et des points différents,
des différences. Quant aux points
communs, nous prenons tout le
groupe familial, en exigeant qu’il y
ait au moins deux générations à
chaque séance. Nous avons donc
une perspective totalisatrice de ce
qui se passe en séance, ce qui se
traduit par une écoute au niveau
des fantasmes et des affects.
Voilà pour l’essentiel ce que nous
avons en commun. Il doit y avoir
certainement d’autres choses :
l’esprit, l’époque... Un certain
regard, je dirais, anti-déterministe,
et une réflexion convergente à
propos de certains phénomènes
psychiques, par exemple l’idée
d’après-coup. C’est-à-dire la
possibilité que par la pensée et
par le fantasme, en les
réfléchissant sur soi, on puisse
« modifier » le passé... Bref, là nous
voyons des points en commun, à
la fois, avec la pratique et avec les
théories implicites dans le
systémisme. En échange, pour ce
qui tient à la pratique, nous avons
une approche très sobre et
discrète. Nous recevons les gens
régulièrement, et de façon assidue,
plus d’une fois par semaine le cas
échéant. Nous ne sortons pas
de la salle de thérapie, nous
n’utilisons pas la glace sans tain…
Nous ne faisons que rarement
des remarques à propos des
gestes, ou des actes...
Dans nos interventions nous
mettons l’accent sur la parole,
dont nous essayons de développer
le champ.
M. E. : Tu as la gentillesse de
commencer par les points
communs, avant de parler des
points différents. Penses-tu,
comme certaines personnes
proches des thérapies familiales
psychanalytiques, que toute
approche systémique est en
même temps comportementale ?
A. E. : Je ne le crois pas. Je crois
qu’il y a beaucoup de choses qui
s’inscrivent dans l’esprit
béhavioriste, mais ce sont plutôt
des attitudes personnelles,
chez des thérapeutes qui sont
eux-mêmes des béhavioristes.
Parce que, tout compte fait, être
avioriste est un problème de
sonnalité (vouloir corriger,
ner une correction). Alors,
emment, ayant ces penchants
sonnels, ils risquent d’infléchir
ratique systémiste vers le
mportementalisme.
. E. : Merci. Ce que tu viens de
re maintenant me semble très
mportant, car tu tends la main
ux thérapeutes de famille et je
entends dire : « Je fais partie de
tte famille, plus large, des
érapeutes familiaux. »
. : D’abord nous sommes
s des thérapeutes, en
xième lieu, familiaux, et
uite, nous avons des
ntations et des goûts, qui
nent à notre propre histoire,
notre propre vision des
ses...
s essentiellement, nous
mes une grande
lle, et nous devons
rendre les uns des
es à évoluer. J’ai
ours fait des progrès
s ce sens. Au moins, je
père.
. E. : Merci, cher Alberto.
uisque tu parles de notre
igine, de notre famille,
c., peux-tu raconter aux lecteurs
e Résonances, ta propre
émarche. Où es-tu né ? Où as-tu
çu ta formation ?
. : Je suis né en Argentine, où
me suis formé. D’abord en tant
médecin, ensuite en tant que
chiatre, thérapeute de groupe,
sychanalyste. J’ai fait une
yse personnelle, dans ma
esse, en Argentine. Puis j’ai
un premier séjour en France,
a duré un an et demi, en tant
boursier.
. E. : A quelle époque ?
. : Je suis venu en 1969-1970.
uite, je suis reparti en
entine. Je me suis installé
nitivement en France à partir
1973. Voilà les dates. Il faut
i dire que cette idée d’un
fonds commun entre thérapeutes
systémiques et analytiques était à
la base de ma formation, comme
thérapeute. Dans les années 1960,
on ne faisait pas tellement de
différence entre analyste de la
famille et thérapeute systémique.
C’est venu par la suite, pour des
raisons que j’analyse dans mes
écrits, notamment dans le livre
La parenté fantasmatique. Je
montre une source commune,
et un intérêt commun. C’était une
époque où l’on avait des
préoccupations très importantes
autour de la psychose, de son
traitement, du travail institutionnel
et aussi dans la recherche d’une
interprétation sociale de la
psychose.
M. E. : Peux-tu nous décrire ta
démarche ?
A. E. : Il y a une unité entre
tous mes travaux, et dans
mes idées. Justement parce
que je n’établis pas des
clivages radicaux entre les
thérapies familiales
analytiques et les analyses
individuelles. Il y a pour moi
une continuité dans les
idées, et on verra tout de
suite comment les choses
peuvent être envisagées de ce
point de vue. Nous ne sommes
pas très nombreux à penser
comme cela, mais, quand même,
nous constituons un groupe assez
solide. Nous entretenons des
contacts, avons des réflexions et
organisons des recherches assez
solides et rigoureuses dans ce
sens. Alors, au départ, il y a ce
noyau de formation qui est
« l’Ecole de psychologie sociale »
à Buenos-Aires, école animée par
Pichon-Rivière, qui forme, à la fois,
à la psychiatrie de base, à la
théorie des groupes et aux
différentes techniques d’approche
thérapeutique.
Dans cette formation, beaucoup
de choses nous sont apprises sur
la thérapie familiale et la thérapie
de couple... Donc, cela constitue
une espèce de plate-forme de
formation. J’ai fait d’autres
formations.... Formation analytique,
au niveau des supervisions
individuelles, de groupes, de
couples, familiales, qui m’ont
permis de compléter cette
formation initiale. Tout cela se
passe dans les années 1960-1970.
Et je commence à publier à la fin
des années 1970. En 1981, c’est-àdire il n’y a pas très longtemps,
mais on l’impression que bien des
choses se sont passées depuis,
nous publions un ouvrage collectif
qui va s’appeler La thérapie
familiale psychanalytique. Cet
ouvrage est dirigé par André
Ruffiot. C’est le point de départ
des publications, et si l’on peut
dire, c’est un peu la naissance de
ce mouvement. Deux ans plus
tard, en 1983, je publie Un divan
pour la famille. J’ai beaucoup
d’affection pour cet ouvrage, où
j’expose ma théorie. De
nombreux éléments pratiques y
sont mis en avant, notamment le
fonctionnement du protocole, de
la thérapie familiale, les modalités
d’intervention, l’accent sur les
transferts et les contre-transferts.
Ainsi que quelques idées qui vont
m’être chères, et que je vais
développer par la suite, autour du
« transgénérationnel. »
M. E. : Pardonne-moi. Définis-tu
la transmission
transgénérationnelle comme l’a
décrite René Kaës, c’est-à-dire
comme une situation où la
transmission présente des ratés,
ou bien as-tu une lecture
différente ?
A. E. : En effet, pour moi, le
transgénérationnel peut être
envisagé comme organisateur
ou désorganisateur, fonctionnel
ou dysfonctionnel ; c’est-à-dire
que nous sommes tous héritiers
de traditions, de modèles
d’identification, des lois qui
constituent les bases de notre
fonctionnement mental,
notamment du surmoi, de nos
idéaux, etc. Ce serait le
transgénérationnel
« organisateur. » Pour le dire de
façon descriptive.
M. E. : Donc, tu ne crées pas une
différence entre
transgénérationnel et
intergénérationnel ?
A. E. : Je crois que cette différence
n’est pas nécessaire. D’une part,
la désignation est déjà admise par
tout le monde : le
transgénérationnel est un mot de
passe, et je ne vois pas l’intérêt
d’introduire une nouvelle
nomenclature. Et d’autre part à
côté, donc, du transgénérationnel
structurateur, que Kaës appellera
intergénérationnel, je parlerai
d’un transgénérationnel qui est à
la base des difficultés, donc
dysfonctionnel, en quelque sorte.
M. E. : C’est ça... A celui-ci tu ne
donnes pas de nom particulier.
A. E. : Je ne lui donne pas de nom
particulier, si ce n’est pour ajouter
ceci : il ne s’agit pas d’une situation
unique, comme on pourrait le
croire à partir des travaux sur le
fantôme et la crypte, mais de
différentes modalités d’objets
transgénérationnels en contact
avec des fonctionnements
psychiques divers et qui
provoquent des réactions, des
crises d’identité et des problèmes
dysfonctionnels d’après quatre
modèles : l’objet idéalisé, l’ancêtre
imposteur, l’aïeul œdipien et le
fantôme.
M. E. : Cette référence au
fantôme et à la crypte renvoie à
quoi ?
A. E. : Elle renvoie aux théories de
Nicolas Abraham et de Maria
Torok, qui ont souligné les
conséquences d’un secret familial,
notamment si ce secret évoque de
la honte et un deuil inaccompli au
niveau des membres de la famille,
ce qui « engendre » des cryptes
chez les enfants. C’est-à-dire : des
espaces non pensés ou non dits, à
l’intérieur des sujets soumis à cette
pression familiale, les conduisant
d’une part à se taire, mais on ne
sait ce qu’ils pourraient taire, alors
qu’ils ne savent rien, et d’autre
part à un interdit de savoir.
M. E. : Continue de nous parler de
l’évolution de tes ouvrages, si tu
veux bien.
A. E. : En 1984, nous publions un
ouvrage collectif sur la thérapie
psychanalytique de couple. Ce
serait donc la version « couple »
de la thérapie familiale analytique.
C’est un ouvrage qui a connu un
grand succès et plusieurs
traductions. Ensuite, en 1987, je
publie un ouvrage qui s’appelle
La parenté fantasmatique, centré
sur les notions de transfert et de
contre-transfert familiaux. Ceci
nous paraît un signe distinctif de la
nouvelle école, et également un
outil de travail de première
importance. Il va de soi
que, dans tous mes
travaux, j’essaie de faire des
clins d’œil techniques de
façon permanente, donc
instrumentaux, afin que le
lecteur puisse s’en servir.
Dans cet ouvrage, je parle
aussi de mythe familial, je
reviens sur l’idée de
transgénérationnel, en
la développant davantage, etc.
En 1989, je publie Le pervers
narcissique et son complice. C’est
un ouvrage qui a plusieurs axes, à
la fois l’analyse individuelle, la
thérapie de couple et la thérapie
familiale, en essayant donc de
cerner la psychologie de ce leader
que nous appelons « le pervers
narcissique ». Ce qui me
préoccupe à ce moment, est de
trouver une théorie des « liens ».
Je ne parle pas d’une personnalité,
mais d’un lien, d’une relation à
deux, celle du pervers narcissique
et de son complice. Ceci traduit
jusqu’à quel point il m’intéresse de
reconnaître les liens interactifs et
interfantasmatiques qui vont
s’instaurer entre ces deux
personnages. Ce qui m’intéresse
aussi est d’offrir au pervers
narcissique un espace dans la
psychopathologie. Nous nous
sommes aperçus que ce profil de
personnalité n’avait pas été assez
examiné jusque là, sauf dans les
travaux de Racamier, qui est le
créateur du concept — entité
perversion — narcissique.
M. E. : Peux-tu résumer, ou définir,
ce concept pour nos lecteurs s’il
te plaît ?
A. E. : C’est un individu qui veut
élargir son narcissisme au
détriment du narcissisme de
quelqu’un d’autre. Et, pour ce
faire, il met en route un certain
nombre de mécanismes de l’ordre
de l’usufruit, de la prédation, de la
disqualification.
M. E. : Peux-tu nous donner un
exemple ?
A. E. : C’est la relation, par
exemple, du tyran avec
son peuple, à qui il offre
des dons exclusivement
spirituels... « Je vous aime,
vous êtes extraordinaires...
Nous sommes un peuple
supérieur » et au fond, il
le prive des plus
élémentaires de ses
droits.
M. E. : Et tu verrais un lien
entre cette notion et celle du
maître et de l’esclave chez Hegel ?
A. E. : Certainement, on étudie le
maître et l’esclave dans une
perspective philosophique d’une
façon plus vaste. Ce qui est décisif
pour nous, en tant que praticiens,
est que nous retrouvons ce type
de binôme à l’intérieur des
familles, notamment
dans les familles les
plus perturbées,
les familles
de
chotiques et de toxicomanes,
exemple. C’est ce que j’essaie
ravailler dans cet ouvrage, où
s voyons à l’œuvre, à travers
onctionnement en perversion
issique, tout ce que nous
naissons de la double
trainte, de l’hybris dont parle
a Selvini assez tôt dans son
vre, et qui évoque pour nous
arcissisme mortifère chez ce
e de personnage et de lien
uction, induction,
adoxalité).
. E. : Nous arrivons à tes travaux
ctuels. Peux-tu nous en dire
uelques mots ?
. : Je parlerai de deux
rages : le premier s’appelle
olie de Narcisse, et le second,
fêlure dans le miroir paru chez
ard en 1994. Dans ces deux
rages, je mets en avant une
velle conception du conflit
chique. D’après Freud, le conflit
chique confronte le ça et le
ou le surmoi. J’essaie d’y
oduire la dimension du
issisme, instance essentielle à
ndre en considération dans les
structures normales et
pathologiques ; harcelé par le
« noyau psychotique », ce
narcissisme est traversé par un
conflit entre l’amour de soi et le
« dépôt » d’une partie de cet
amour de soi dans les autres, un
conflit qui peut naître entre des
tendances à la désorganisation et à
l’intégration du moi. Il me paraît,
par ailleurs, que ce conflit
narcissique, à côté du conflit
objectal, que ces deux conflits,
donc jouent un rôle dynamique
dans toutes les situations cliniques.
C’est ce que je développe dans
ces ouvrages. Dans le premier, et
pour ce qui concerne la
pathologie, je travaille sur
l’hystérie, sur les états limites ;
dans le deuxième, je m’intéresse
aux faux self, aux états
psychosomatiques, au mondain,
ainsi qu’à l’anorexique et au
boulimique. Ici je souligne l’utilité
de l’humour dans l’intervention
du thérapeute.
M. E. : Et maintenant, l’ouvrage
qui vient de paraître ? Peux-tu
nous en dire quelques mots ?
A. E. : Mon plus récent ouvrage
s’appelle Le cynisme pervers,
éditions l’Harmattan. Ouvrage
dans lequel je m’applique à des
problèmes auxquels je ne me suis
pas du tout intéressé jusqu’ici.
D’une part, j’ai compris que le
cynisme occupe une part
importante dans le
fonctionnement des pervers.
Le cynisme, que nous
entendons de la façon la
plus forte en tant que
tentative de mettre en
avant un discours
dénigrant et
rabaissant de
tout ce qui est beau et noble, vise,
entre autres choses, au
démantèlement des certitudes
chez l’autre. Dans cet ouvrage,
j’essaie de préciser la différence
entre le cynisme pervers et le
cynisme philosophique, qui n’a
rien de cynique en l’occurrence,
mais qui au contraire est une
approche éthique dans la
recherche de la vérité en adoptant
une certaine vision négative, mais
qui, par son côté critique du
monde, pousse au changement.
Dans le cynisme pervers, j’ai
trouvé que bon nombre de ces
patients ont eu un ancêtre escroc,
imposteur, à l’intérieur de leur
généalogie. J’essaie donc de
montrer comment cela
fonctionne. Les rapports entre le
cynisme et l’imposture me
passionnent également, tout cela
étant des tentatives de mettre en
échec le pouvoir paternel. Par
dessus tout, le cynisme nous
montre, d’une façon précise, le
rôle psychopathologique de la
parole et celui du savoir. Car, tout
compte fait, le cynique est
quelqu’un qui exerce son pouvoir
à travers des mots. D’où l’intérêt
d’aborder son système de pensée
et de parole, notamment la façon
dont il argumente, afin de se
donner les moyens d’exercer son
emprise sur les autres. Ceci me
conduit à étudier le
fonctionnement de sa pensée.
Ce qui apparaît assez rapidement
dans ma réflexion est que bon
nombre de ces patients
conçoivent une espèce de théorie
sexuelle toute personnelle, une
croyance dogmatique qu’ils
essaient d’exercer à travers une
mise en scène de la réalité.
Parlons, par exemple, du pervers
clinique, du pervers sexuel.
J’étudie dans le texte le cas d’un
patient frotteriste chez qui la
théorie essentielle était que la
femme n’existe pas, qu’elle est
juste une peau excitable. Sa
démarche en tant que frotteur est
d’essayer de prouver cette
« vérité ». En approchant, dans
les transports en commun, des
femmes anonymes, il essaie de les
exciter avec sa main et d’autres
gestes. Voilà une des hypothèses
de mon travail : la mise en scène
d’une théorie sexuelle.
1) Fairbairn, W.R.D.,
An object-relation
theory of the
sonality, New-York,
Basic Books, 1952.
M. E. : Je voudrais te poser une
autre question. Dans notre
domaine, il y a des thérapeutes
familiaux qui s’intéressent
spécifiquement à une lecture
intergénérationnelle, il s’agit de
gens comme James Framo,
Boszormenyi-Nagy, Norman Paul,
Helm Stierlin. Ils s’intéressent à la
relation d’objet, surtout telle que
l’a décrite Fairbairn (1). Qu’est-ce
que tu penses de leurs positions ?
Comment pourrais-tu comparer
leurs travaux, par rapport à
ceux qui ont intéressé le
mouvement que tu
représentes ?
A. E. : Nous avons
beaucoup de points en
commun avec ces auteurs
et des différences,
encore une fois. Les
points communs
sont l’intérêt
pour la
notion de
délégation,
de legs.
M. E. : La délégation est une
notion que Helm Stierlin a
développée, en reprenant
justement l’idée du maître et de
l’esclave, et en imaginant que
l’esclave pouvait créer, dans le
contexte des contraintes qui lui
sont imposées, toute une série de
spécificités. Il décrit également
cette créativité dans la situation
où, par exemple, des parents
délèguent, au niveau du ça, du
surmoi ou du moi, une mission
aux enfants. Cette délégation peut
être contradictoire avec les désirs
de l’enfant, ou contradictoire dans
la manière même dont elle est
donnée ou encore elle peut
opposer les parents, ou enfin
contredire le contexte
socioculturel. Excuse-moi de cette
petite parenthèse peut être
nécessaire pour certains de nos
lecteurs.
A. E. : Ton rappel est fort
instructif ; ces notions font partie
du « pool » de notre propre
approche des thérapies de famille
mais il faut également dire que le
transgénérationnel n’est pas un
concept exclusif de la thérapie
familiale. Des analystes s’y
intéressent, même pour le travail
individuel. Alors, je trouve qu’à
partir de ces premiers
développements qui étaient très
justes, il y a des dérives.
Boszormenyi-Nagy me paraît plus
discutable quand il parle des
dettes de vie (par exemple), ou
quand il introduit la notion de
justice, qu’il emprunte librement
de la tragédie grecque, à savoir
qu’il y a toujours une justice, que
tout se paye, ou doit être payé.
Le problème, c’est que d’une part
ces concepts ne sont pas assez
étayés du point de vue théorique,
et d’autre part, je vois une
certaine naïveté dans cette
approche. Qui dicte cette justice ?
Maintenant, je parlerai plus de ce
qui m’intéresse, c’est-à-dire de la
part « maudite » de l’héritage,
conflit entre ce qui est de l’ordre
de notre désir et ce qui nous
vient de nos ancêtres : une
délégation violente, abusive, une
parole égarée, une malédiction,
qui tend au non-savoir et qui nous
emprisonne. Mais il ne s’agit pas
d’un désir ou d’un vœu délibéré.
Envisageons trois pôles.
Cette double polarité de la
transmission, structurantedestructurante, et puis le pôle
du sujet qui a sa propre liberté,
sa propre démarche, et qui va
entrer en conflit avec ces
transmissions contradictoires.
Car tout ne vient pas déjà
prédéterminé des générations
précédentes. Bien au contraire, le
sujet essaie de se débattre, de se
démarquer par rapport à ce legs.
Seulement, quand ces délégations
sont puissantes, le sujet s’en
trouve submergé,
inconsciemment.
M. E. : Cher Alberto, merci pour
cet entretien. Je voudrais te poser
une question supplémentaire :
comment vois-tu se développer
ce mouvement auquel tu
appartiens ?
A. E. : Je crois que ce mouvement
s’étend, nous sommes assez
nombreux. Se manifestent des
tentatives d’approfondir le modèle
théorique, des préoccupations
allant dans le sens de la double
nature de la parenté, à savoir que
nous sommes tous descendants
d’un père et d’une mère
biologiques, et en même temps
que nous sommes fondés par une
parenté psychologique. Nous
avons oublié que la famille ne
ressemble pas aux autres groupes
humains, que les liens de sang
sont incontournables. C’est une
ligne de travail actuel. Nous avons
toute une réflexion à mener sur la
formation, qui est une formation
longue et complexe, mais pas
inabordable et pas aussi difficile
que l’on pourrait se l’imaginer de
l’extérieur. Qu’est-ce qui est
transmis ? Comment transmet-on ?
Quel genre de processus
fonctionne pour la transmission,
et notamment comment
l’étudiant deviendra lui-même,
à travers de la rupture avec son
formateur, qui implique un
abandon, un deuil à la fin de
son cursus.
M. E. : Quand tu dis formation
longue, tu penses en terme de
combien d’années, par exemple ?
A. E. : Au moins trois ans, dans les
formules actuelles, mais il y a des
gens qui sont en formation avec
moi depuis de longues années.
Ils ont déjà une pratique assez
affirmée, mais ils continuent à
rester en contact avec moi, soit
dans les groupes de formation,
soit dans les formations
individuelles sous forme de
contrôle.
. E. : Ceci rejoint aussi une des
éoccupations actuelles de
Association européenne de
érapeutes familiaux et c’est un
oblème très complexe, unissant
durée d’une formation, la
ature de la formation, les
fférentes écoles, l’évolution de
tudiant, etc.
ci, Cher Alberto pour ta
tillesse et pour l’aide que tu
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