janvier 2015 - Guts Of Darkness

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janvier 2015 - Guts Of Darkness
Guts Of Darkness
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progressif, metal, electro, hardcore...
janvier 2015
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Les chroniques de concerts
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Black Christmass 2014 : ck Christmass 2014 - (concert chroniqué par Nicko)
Me voilà donc en plein milieu du mois de décembre en Scandinavie. Je m’attendais à une météo vraiment
hostile avec des températures très basses, de la neige et du vent. En fait, pas du tout, le temps était à peine un
peu plus frais qu’à Paris de quelques degrés, mais pour le reste, rien d’inquiétant pour un non initié aux
conditions extrêmes comme moi !!
Arrivée sur le site
Ce qui marque au premier abord quand on arrive sur les lieux du festival, c’est le standing de la salle, Flygeln.
On est loin d’un club local miteux, là, c’est la grande classe, encore mieux que l’USF à Bergen. La salle est
sublime, presqu’entièrement vitrée avec un hall ultra-spacieux. Pas le genre d’endroit, a priori, où on verrait un
festival de metal extrême. La salle proprement dite se situe au sous-sol. Une nouvelle fois, je suis très
agréablement surpris par la taille de la salle et de la scène. Les conditions sont optimales pour avoir un festival
de grande qualité.
La monstrueuse machine de l'ange morbide
Ça commence avec un jeune groupe, probablement local, Uada, qui joue du metal extrême assez moderne et
classique. C’était loin d’être ridicule, mais cela manquait cruellement de personnalité et d’expérience. Le
groupe était cependant bien en place et puissant, mais à part ça je n’ai pas gardé un grand souvenir de leur
performance.
Le groupe suivant, Nefandus, m’avait laissé un tel souvenir lors de leur passage au Speyer Grey Mass en mars
dernier que j’ai préféré partir faire un tour au niveau du merchandising. Des amis ayant assisté à leur set m’ont
indiqué qu’il y avait eu toute une mise en scène avec divers performers… On peut au moins leur donner cette
qualité d'avoir été les seuls à proposer une véritable mise en scène pendant leur set.
Les choses sérieuses commencent réellement avec Grave. Bien que je ne sois pas un fan du groupe, je ne peux
que reconnaître leur professionnalisme et leur puissance sur scène. On sent bien les 25 ans de carrière derrière
eux… J’ai toujours trouvé au fil de leurs concerts auxquels j’ai assisté qu’il manquait de personnalité, en
comparaison aux autres grands groupes de death metal suédois. On peut quand même noter une petite version
de leur "Into the grave" avec un passage de "Black Sabbath" (oui, oui, celui de Black Sabbath !) en plein milieu
du titre !
Là, avec le groupe suivant, mon festival peut véritablement commencer. Nifelheim ! Je les avais découverts en
live et c’est certainement le meilleur endroit pour le faire. Ce groupe est taillé pour la scène. C’est à lui seul un
cliché complet du metal. Les frères jumeux sont en cuir clouté des pieds à la tête, leur look de chevelu avec une
calvitie au 4/5ème totale ne laisse pas indifférent et sur scène, c’est juste sauvage. Et quand ça part, on ne peut
qu’être pris par l’énergie déployée avec un style qui sied tellement à la scène. Nifelheim, je le répète, c’est du
heavy metal boosté au metal extrême. Les riffs, c’est du Maiden avec une rythmique turbocompressée. Tous les
clichés du genre sont là, TOUS ! Hellbutcher harangue le public comme personne. Son énergie est
communicative et leurs hits sont simplement imparables, "Sodomizer", "Satanic sacrifice" et autres "The final
slaughter". Bref, que du bonheur, le quintette est bien puissant et le son est au rendez-vous. Voilà en tout cas
l’une des meilleures performances, si ce n’est LA performance, une nouvelle fois, du festival !
Ça enchaîne avec une autre pointure du death metal suédois, à savoir Entombed A.D., c’est-à-dire le "vrai"
Entombed. Pareil, je ne suis pas méga fan, mais là pour le coup, Entombed en live, ça ne se refuse pas. Ça tape
vite et fort et niveau énergie, ils savent y faire. Je sens que le set est un peu plus orienté vers leur période
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purement death que death n’ roll. LG Petrov est vraiment très en forme et on sent le groupe content d’être là.
Marduk entre sur scène pour la première fois du festival en interprétant l’intégralité de leur album "Panzer
division Marduk". Comme entrée en scène intense, ça se pose là. Ceci dit, un tel album jusqu’au-boutiste
nécessite un son adéquat, et il faut bien l’admettre, le son manquait de punch. On n’entendait pas du tout la
guitare, jamais la basse de Devo n’avait été autant mise en avant, tout comme la double grosse caisse de
Fredrik. Bref, ça faisait un peu too much et pour un tel album, il faut un son énergique et dynamique. On n’a eu
qu’un gros son mal équilibré qui donnait une impression de bonne grosse bouillie. En même temps, niveau
apocalypse sonore, on était servi. La suite du set nous a permis d’avoir quelques vieilleries rarement vues en
live, comme par exemple "Infernal eternal". Un peu déçu quand même...
La tête d’affiche du jour est monstrueuse. Il s’agit de Morbid Angel qui doit interpréter en intégralité l’album
"Covenant". Alors, ceux qui me connaissent le savent, je ne suis pas fan de Morbid Angel. J’ai dû les voir une
dizaine de fois en live, mais je n’y arrive pas. Cependant, c’est indéniable, ce groupe est extraordinaire. Bien
qu’hermétique à leur musique, je ne peux qu’être à genou devant leur technicité et leur dextérité. Sérieusement,
Tim Yeung, leur batteur, il n’est pas humain ?? Je suis resté scotché devant sa performance, d’une précision et
d’une brutalité hallucinantes, le tout en headbangant frénétiquement ! Là, je pense que les fans du groupe ont
été servi tellement le quatuor faisait preuve d’un professionnalisme et d’une puissance à toute épreuve. Je dois
presque avouer être frustré de ne vraiment pas aimer leur musique.
Voilà, donc pour une première journée, c’était déjà bien sympathique, surtout devant la qualité du line-up !
Le grand show norvégien
Le lendemain, après une after-party où je me suis à nouveau rendu-compte que les suédois ne se lâchent
vraiment que quand ils sont bourrés et que dans ces cas-là, ils ne se la mettent pas qu’à moitié, je décide de
faire une petite virée en ville dans la rue commerçante. Comme dans toute ville suédoise qui se respecte, cette
rue s’appelle Drottninggatan (la rue de la reine) et propose pas mal de magasins divers et variés et quelques
bars bien sympathiques !
J’arrive dans la salle après avoir loupé le premier groupe de la journée, Eingana, qui, d'après certains amis sur
place, n'a pas laissé un souvenir impérissable.
C’est donc directement avec Facebreaker que cette deuxième journée débute. Les suédois sont loin d’être
ridicules. Il faut dire qu’ils roulent leur bosse depuis une quinzaine d’années et que leur thrash/death metal est
bien rôdé. Le style est plutôt moderne, mais une nouvelle fois, il manque de génie pour sortir du lot.
N’empêche, je ne boude pas mon plaisir pendant leur set.
Là où ça commence à être vraiment bien, c’est avec Necrophobic. Ceux-là, je ne connais pas très bien. J’ai leur
premier album, un peu trop typé death metal à mon goût, mais je ne connais pas la suite de leurs aventures.
J’ai vraiment beaucoup apprécié leur concert, les titres joués sont très bons, avec une réelle personnalité.
Même si leur black/death est très typé années 90, c’en est pas non plus daté. Necrophobic possède une réelle
personnalité avec de très bons solos bien mélodiques et ce, sans l’aide d’un second guitariste. Le bassiste est
ultra-impressionnant avec un petit côté Glenn Benton bodybuildé. Et je ne dis pas ça parce qu’il joue avec une
Ricke90acker ! Bref, une bonne découverte personnelle !
C’est au tour d’Aura Noir d’investir la scène (quand je vous ai dit que le line-up était impressionnant, je ne vous
mentais pas !). Et c’est parti pour une heure de black/thrash metal ultra-énergique et speed avec un côté rock n’
roll bien prononcé. C’est bien simple, une nouvelle fois le quartette norvégien n’a pas fait dans la dentelle et
c’est à nouveau sur fond de "Condor", "Deep tracks of hell", "Black metal jaw" et autres "Conqueror" qu’on
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s’en est pris plein les oreilles ! Apollyon est une rock star à lui tout seul avec une prestance si décontractée sur
scène, le tout sans grosse tête ! A nouveau, Aura Noir aura fait une démonstration impériale de leur style si
énergique et brutal.
C’est maintenant au tour des vétérans allemands de Sodom de se produire dans le cadre de ce festival. Il s’agit
de la deuxième fois que je les vois cette année et j’ai bien plus apprécié la performance de ce festival par
rapport à celle du Fall Of Summer (qui pourtant n’était pas mauvaise du tout !). J’ai trouvé leur performance
bien moins redondante qu’en France. "Outbreak of evil" fait toujours son p’tit effet, de même que "Burst
command ‘til war". Le trio allemand était particulièrement en forme et content d’être là en Suède. Tom
Angelripper était comme à son habitude extrêmement décontracté et prenait pas mal de temps pour discuter
avec le public. De plus en plus, je me dis que je vais devoir m’intéresser de plus près à leur discographie !
Ensuite, c’est à nouveau au tour de Marduk de remonter sur scène après leur performance de la veille. Ce
coup-ci, on a droit à l’album "Those of the unlight" en intégralité, comme lors de leur précédente tournée
européenne un an plus tôt. Et là, le son était bien meilleur que la veille et de plus, il faut bien avouer que c’est
un album qui se prête mieux à l’exercice d’être joué en concert de A à Z, l’enchaînement étant plus varié que
pour le "Panzer division Marduk". Clairement pour moi, il s’agissait, et de loin, de la meilleure des deux
performances du groupe lors de ce festival. "On darkened wings", "Burn my coffin", le superbe instrumental
"Echoes from the past" sans oublier le final particulier "Stone stands its silent vigil" (dont la structure rappelle
le premier album du groupe, "Dark endless") représentent les moments forts de cette performance. Les autres
morceaux joués étaient aussi plus judicieux que le premier jour, avec notamment un "Womb of perishableness"
d’une puissance ahurissante et qui est définitivement un incontournable en live (ou en tout cas qui devrait l’être
!!). On a même eu droit à un nouveau morceau issu du prochain album du même nom, "Frontschwein". A cette
occasion, on peut être sûr d’une chose, Marduk reste Marduk, d’une brutalité à toute épreuve !
Le festival s’est terminé avec en guise de tête d’affiche du dernier jour les norvégiens de Satyricon. Comme
avec Morbid Angel la veille, on a eu droit à une performance impeccable, extrêmement professionnelle, avec un
son d’une pureté impressionnante (mais cette fois-ci mal équilibrée – la batterie de Frost était beaucoup trop
mise en avant). Là, avec ce genre de groupes, on entre dans une autre sphère du metal. Satyricon, c’est
tellement propre, bien huilé et précis. Bien évidemment, on a droit à une set-list aux trois quarts axée sur les 4
derniers album. Ce choix a quand même comme conséquence une petite redondance dans les ambiances. Faut
bien admettre que ça se ressemble pas mal entre les 3 derniers albums (même si j'avoue ne pas trop connaître
le p'tit dernier). C’est là qu’on se rend compte que Satyricon ne joue plus du black metal, mais un metal
sombre, noir et oppressant, avec un son froid, presque clinique. Et d’un côté, avec une telle production, j’ai
presque tendance à dire qu’heureusement ils ne nous ont pas joué de titres des deux premiers albums. Ils
auraient été massacrés ! La performance aura donc été très bonne et ultra-carrée, le final sur "Mother North"
est un must. Voilà, c’est beau, ça manque peut-être d’âme et d’esprit rock n’ roll, mais n’empêche, Satyricon est
devenu une véritable machine à balancer des hits, nouvelle génération, comme "K.I.N.G.", "The pentagram
burns" ou "Now, diabolical" (oui, j’aime beaucoup cet album !). Satyricon a conclu de la plus belle des manières
un festival vraiment excellent que j’espère retrouver sur mon chemin l’année prochaine !
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Littérature
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Paternostra, d'Eugene Robinson - (article écrit par saïmone)
Eugene Robinson ne fait pas que se foutre en slip sur scène ou finir second à ces compétitions de MMA. Il
écrit, aussi. À la lumière de ses glorieux ancêtres, John Fante, Harry Crews (une gueule une plume une voix),
voir même en poussant le bouchon la rencontre entre McCarthy et Palahniuk.
Paternostra est hardboiled, à l'ancienne : un plume vive, acérée, rentre dedans, verbale. New York crade des
années 70, personnage de loser pas magnifique, histoire d'amour casse gueule, petit gangster de merde à la va
vite, le tableau est vite dressé.
On est vite happé par la misère de ce pauvre Jake, qui est con comme un balais. À tout foirer on se demande où
ça va le mener, on suit tout ça avec un certains intérêt, l'intérêt des voyeurs et des gens confortables. Ça en
jette un coup dans l'adrénaline.
Le livre se dévore à toute vitesse. On regrette un peu les gimmicks syntaxiques omniprésents, cette espèce de
poupée gigogne de la phrase – pour être tout à fait honnête, on préfère Robinson comme parolier, quand il
œuvre dans l'équivoque, dans le minimalisme. On a parfois l'impression qu'il veut en jeter, faire le gros bras
(qu'il a, assurément) de la machine à écrire. Ça fait parti du personnage, et c'est aussi pour ça qu'on l'aime,
outre le slip : sa verve, sa grande gueule, sa méchanceté gentille, sa mégalomanie mythomane, ce reflet dans
lequel il se contemple à l'infini.
Paternostra est un chouette polar. Pas tant pour son histoire que pour sa langue, inégale, mais salivant des
ambiances du tonnerre, à savoir la gouaille et le too much.
À lire en imitant l'accent italien.
(Chez Inculte)
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Les chroniques
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Acqua Toffana : El Veneno
Chronique réalisée par Ntnmrn
C’est chez la populaire Giulia Toffana que se rendaient les femmes siciliennes piégées dans des mariages
désagréables. Cette magnifique dame aux bras blancs et à gorge rebondie avaient appris, en effet, au contact
d’apothicaires qui devaient certainement se pignoler sur elle, à composer un poison discret et efficace, qui
porte depuis lors son nom : acqua Toffana. Avec sa fille complice, elle mit en place un biz qui attirait tant de
candidates au veuvage, qu’aspirant à accroître son commerce mortifère, elle bougea sur Naples, puis Rome,
afin de profiter d’un marché plus florissant. Mais ce fut une sombre erreur : le succès et l’utilisation croissante
de son pharmakon eurent raison d’elle ! Car quelques clients un peu poucaves sur les bords la dénoncèrent
aux autorités, qui, après le rififi et la torture habituels, procédèrent à son exécution sur la place du Campo’ de
Fiori. C’était en 1659. Trois cent cinquante ans plus tard, une tchaquée de kilomètres à l’ouest de l’Italie, naît un
obscur collectif de rap espagnol, qui, non content de s’éponymer de ladite, appelle son premier (et dernier ?)
disque "El Veneno". Mais, pensez-vous, cette bande d’Espingouins dont l’économie nationale est ravinée par la
crise, qu'ont-ils cure de bonnes femmes dégoûtées par leurs grigous de mari ? Eh bien ! c’est que le fameux
poison n’aurait pas seulement éliminé des cocus posthumes, mais aussi fréquemment contribué à la mise en
bière de notables et aristocrates ! Car la bande à Kael et Elio — les MC du groupe — est à première vue un de
ces ersatz d’apôtre du rap conscient, qui crie sur tous les toits son fantasme d’ouvrir un tunnel au mbeli dans
la gorge du Riche. Heureusement, c’est plus compliqué que ça, et puisqu’ils s’en vantent, on ne peut
effectivement refuser de reconnaitre leur "estilo característico y único". A ce titre, les prods de Dano parlent
d’elles-mêmes : classiques et inoriginales, toutes serties de violons et pianos, elles ont cependant cette patte,
cette teinte, qui envoie à chaque titre le skud émotionnel en pleine poche lacrymale... En vérité, les prods sont
d’une simplicité magnifique : synthés feutrés et perlottes mystérieuses sur "Como Tú", boucle de saxophone
grelottant sur "Diciembre", sublimes pianos sur "Hagakure", "Perdición", "Outro", samples de guitares discrets
et flûte orientale (?) sur "Autos" ; quel que soit le titre, un motif et un bon beat, formule tout à fait cheap mais
efficace, pose la structure rachitique et tristoune que viennent habiter Kael et Elio. Il y a de quoi être dépaysé, si
l'on débute le rap à l’espagnole ! Cette langue roucoulante, sèche, ensoleillée, indolente, débitée
nonchalamment sur lesdites instrumentales, est un délice grotesque, auquel on ne s’habitue qu’avec plaisir.
"Nuestra vida" est la première rencontre avec cette altérité rapologique : passée la sensation étrange de
l’acapella en espagnol pincé-du-nez sur beat mobbdeepien et clavier VST, les choeurs style Funeral Doom et le
saisissant couplet de Kael (pour qui va ma préférence) sont pure délectation ! "Apuntando al cosmos a solas, a
falta de estrellas yo conté farolas." Abstraite, poétique et engagée, sa prose articulée est au nerf auditif ce
qu’un saumon fumé bio est à la bonne conscience gustative. Elio, le compère est un petit peu en dessous,
moins sophistiqué dans l'écriture et moins convainquant dans l'élocution. Cependant, on se laisse aller à être
bouleversé, à partager les mélancolies amoureuses, sur l'anaphorique "Como tú" : "Como tú: me enamoré una
noche de verano; tiré tres flores al suelo, ya tenía una en la mano. Como tú…" ; à être traversé par la beauté
désespérée de l'alternance des maximes d’ "Hagakure", la moiteur inquiétante du dialogue avec soi-même de
"Perdición", ou encore la sincérité touchante de ce couplet de l’invité Cabal sur l’ "Outro", qui vise si juste : "lo
recordarás como el día que Acqua Toffana te marcó". Une foutrée de fabuleux moments que vient couronner le
solo de saxo d'El Gonzo sur "Entre Tú Y La Gloria", qui relève un titre par ailleurs moyen. Moins gnangnan que
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ce combattif ramolli de Nach, plus mélancolique que les énervés de chez Delerium Tremens, Acqua Toffana
tape tout à fait dans le mille du juste milieu musical. Je ne saurai que trop vous recommander d’y flanquer une
esgourde, et de dépasser l’amateurisme léger de la production, qui masque une succulente authenticité et vous
offrirai, peut-être, comme pour ma pomme, un premier contact avec la scène rap de la presqu’île limitrophe du
Portugal ! 4,5/6
Note : 5/6
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CHROMB! : I
Chronique réalisée par Dioneo
Chromb! sont à Lyon et ne boivent pas de pastis mais du beaujolais ; ils nous demandent de ne pas voter pour
eux au tremplin Paul Ricard ; d’ailleurs ils ne se sont pas inscrits ; Chromb! aiment bien faire consciemment
des fautes d’orthographe, aussi, écrire Franse pour parler du pays ; par exemple… Chromb! disent un coup de
leur musique qu’ils voudraient, comme impression, qu’elle laisse celle d’un "monticule de graisse". Aussi, au
détour d’une interview pleine de ce genre de sorties, les gars font écouter aux gens du Can ou du Broadcast. Et
puis plus tôt déclarent – cette fois sans déconner – qu’ils trouvent à la complexité "quelque chose de drôle"…
Ils ont raison, en fait, à entendre comme ils la prennent. La complexité, j’entends. La, leur musique. Comme ils
la balancent, la décalent, la calent, la piègent. Les structures, les revers, les creux, les soudaines saillances. En
fait, Chromb! doivent bouffer de tout – certainement pas sans discernement mais sûrement sans snobisme. Et
prendre le tout – disions-nous – avec humour. Il ne faut pas confondre : ça ne veut pas dire par dessus la
jambe. Et pas non plus avec cynique désinvolture. Parce que voyez vous, toutes blagues à part et mines
pataudes qu’ils nous servent – justement – "pour rire", la musique de ces quatre types prend au dépourvu par
son immédiate présence, son immédiateté derrière les coups tordus, les constructions en concrétions ou en
soudaines ébullitions qui moussent en déluge hors des cassures qu’ils leur impriment. Encore un groupe
impossible à classer et pas plus à confondre – c’est heureux qu’il y en ait ; notre époque en est pleine, qui ne
sont pas les mélanges sans goût qu’on essaye de nous vendre à longueur de chaînes (celles de youtube
relayant la plus ancienne arnaque nommée télévision) ; ici, à la place, un incongru qui prend, en compagnie de
quoi on s’attarde, à quoi on revient ensuite souvent ; qui fait cohérence, finalement, parce qu’il s’appelle
personnalité, sans que le terme fasse étiquette ni liste pondérée d’ingrédients. La musique de Chromb!, pour
brasser tout ce qu’ils y jettent, fait voler les wagons comme sur la pochette ; ça les concasse, les
marchandises, ça leur réinvente ainsi une gueule neuve, en toute spontanéité ; c’est presque un peu effrayant,
l’énergie que ça engendre, l’insouciance avec quoi ils semblent jouer leurs tarabiscotés phrasés, la souplesse
avec quoi les parties impossibles s’emboîtent, se chassent, se courent après, se trébuchent et bondissent
gracieusement par dessus leurs césures. Ouvrant le digipack, on voit un homme en imper et chapeau qui
attend le train dans un bled, en regardant sa montre. La localité ressemble à la fois aux villes champignon des
albums de Lucky Luke et à Saint André le Gaz, Bouffémont ou Vireux-Wallerand ou bien encore Francheville
Belvédère ou Montchanin Le Haut… On n’ose imaginer le nombre d’aiguilles à sa tocante, ni trop le sens dans
lequel elles tournent (si encore elles en ont un constant et commun à toutes). On en vient à se demander si lui
même se doute de la tronche qu’aura la machine à l’imminente arrivée. Une bestiole à dix-milles pattes de fer et
dix mille milliards de poils ? Ces mêmes fourgons qui se poseront en retombant de ce même ciel, en fracassant
l’oreille interne en une saignante jubilation ? Une draisienne à six bras, autant de jambes et quatre bouches
hurlant ou chantant de drôles d’harmonies propulsées, exaspérées par le Méchant Maloyeuk ? … La batterie
dézingue le jazz avec fracas au millimètre et frappe enfoncée jusqu’aux coudes – à coups aussi de syncopes
plus clouées, de formes aux gnons plus frontaux ; la basse fuzze quand ça lui prend et groove en comptant
jusqu’à "fonctions dérivées" ; par moments il y a du sax et ça perce et éclabousse ; et même cette voix qui
soudain se pique d’une espèce de soul n’arrive pas à nous faire croire que "festif", un jour, ça voulait dire
"Tryo" ; et puis ce vocodeur dissout tout mauvais souvenir d’une soit disant french touch ; parce qu’elle est là,
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l’audace, chez les frondeurs l’air-de-rien de cette espèce, qui vont leur trip sans espérer les stades ; et puis ce
clavier, bon sang… Ces textures, ces délires, ces foutues atmosphères qu’ils nous coulent dans les creux et
anfractuosités ! Trouvez ça ce que vous voudrez : soul (si) ou jazz donc, prog explosé au produit local, rock
sans guitare comme ils disent – et la vigueur de la chose leur donne cent fois raison (ou mille ou soixante neuf
ou quoi) – ou… Monticule de graisse, oui, encore, allez tiens, on y revient ! Mais de l’appétissante, alors, de la
pleine de goût. Comme dans "le gras c’est la vie", ainsi que disaient l'Agathe et la Justine une nuit de cookies
cramés. Et qu’ils l’aient fait avec nos, ou leur, ou bien avec des sœurs – excusez l’idée saugrenue, j’habite
après tout dans un ancien couvent, paraît-il – on ne leur en tiendra pas rigueur. Si c’est pour que les rejetons
aient des couleurs si vives et que leurs danses nous attrapent dans de si vivants remous.
Note : 5/6
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Compilations - Bandes originales de films : Mulholland Drive
Chronique réalisée par (N°6)
Un coup de foudre. Dès les premières secondes. Une rencontre comme on en fait une seule fois, deux si on a
de la chance, dans une vie. Des corps qui dansent et se multiplient sur fond vert, de façon absurde, sur une
musique swing, de laquelle émerge quelque chose de bizarre. Un bourdonnement dans l'oreille au-delà des
clap-claps qui fond balancer les corps. Une lumière aveuglante qui crame des visages rayonnants de bonheur.
Oh, les pretty fifties. Un autre corps, allongé dans un sommeil perturbé. Noir. Une mélodie lancinante,
terrifiante, tragique, dont chaque écoute encore aujourd'hui me fait frissonner et m'amène au bord des larmes.
Une route serpentine au dessus de la ville des anges, dans les lumières des phares son nom qui ne résonnera
plus jamais seulement pour ce qu'il est : "Mullholland Dr.". Comme foudroyé par l'évidence que rien ne sera
plus jamais pareil. La rencontre avec quelque chose de trop grand pour soi et qui en même temps, correspond
absolument à toutes les circonvolutions de votre pauvre cerveau. L'impression que tout était là depuis
toujours. Etrange sensation de se dire qu'après un peu plus de deux heures, à la sortie d'un cinéma près de la
place de la Nation, à Paris, le monde n'est plus tout à fait le même, parce qu'on a fait LA rencontre. Après c'est
l'obsession. Y retourner, s'y replonger, comme dans les bras de celle de laquelle on est tombé alors amoureux
absolument. Ces premières fois là resteront gravée pour toujours. Comme le second rendez-vous, où tout se
réassemble de façon logique, où la stupeur cède la place à la jubilation semi-hystérique. Où, bien qu'on ait déjà
tremblé comme une feuille, on re-tremble par le truchement du génie de la mise en scène et de la musique, ou
plus exactement de ces drones cauchemardesques sans équivalent, cet horrible sensation pure de terreur
partagée (la pire sorte qui soit) que les quatre minutes au "Diner" suscitent même détachées du film, par le
simple souvenir d'avoir déjà été pétrifié. L'appréhension du moment terrible s'y fait toute aussi forte. Passant
de l'ambient la plus angoissante et grotesque à une luminosité quasi-aveuglante, trop même pour ne pas
susciter quelques inquiétudes, cette impression malaisante des rêves qui tournent mal, Badalamenti
accompagne les images en suspens de Lynch de textures aussi vives que les couleurs de la Californie, des
textures palpables, ayant leur propre existence au-delà de la simple illustration. Comme une présence, une
chose immobile qui flotterait, qui maintiendrait tout ce petit monde dans cet état de pseudo-réalité à la fois
enchanteresse et terriblement anxiogène. La cité des anges, la cités de rêves, le mythe américain par
excellence, alors Lynch y ramène aussi un peu de vieux blues bien râpeux, et puis de la bubblegum pop 50's,
parce que les années cinquante, c'est un peu l'acte de naissance de ce monde-là : le rock'n roll, la pop,
l'adolescence et ses espoirs. Oh, pretty fifties. Dans les studios, le film qu'on tourne s'y déroule. Et c'est là que
va se jouer le revers de la médaille. La face sombre, cruelle, horrible du rêve. Les manigances, les complots, les
créatures cachées dans les recoins, les rendez-vous avec les mafias interlopes, les cowboys au fond des
canyons tels des prophètes de mauvais augures. Et les mystères d'une sublime brune amnésique que recueille
une adorable blonde qui aspire au rêve, les cadavres dans des maisons de contes de fées, le vertige de drones
qui font vaciller les sens et ressurgir des terreurs enfouies et familières. Et de la mort à l'amour, ils se muent
petit à petit en thème aux cordes sensuelles et graves qui recouvrent comme un drap de soie deux corps de
femmes frissonnants de désir et de peur, pour une des plus grandes scène d'amour de l'histoire du cinéma.
"I'm in love with you". Mots entendus mille fois, mais dits et entendus comme pour la première, la virginité, la
pureté absolu du sentiment amoureux. Et puis la magie épouvantée dans un club au rideaux rouges, forcément,
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devant un maitre de cérémonie diabolique, où la musique n'est, comme le reste, qu'illusion. No hay banda. Où
la beauté fracassante du "Crying" de Roy Orbison, une des idoles de Lynch, est reprise a cappella en espagnol
par Rebekah Del Rio, en chair et en os sur la scène. Où enfin tout lâche et se révèle, sous la forme d'une clef
bleue. Dès lors, il n'est plus temps pour les éprouvants drones de Badalamenti, mais c'est à Lynch lui-même
sous la forme de son duo industrialo-blues-rouillé Bluebob que revient la tâche d'accompagner les
réminiscences de la pauvre Diane, les riffs lancinants, répétitifs, sales, tordus comme toutes ces horribles
pensées qui ne cessent de se mélanger, de remonter à la surface, le mythe américain tourné au vinaigre,
expurgé dans la bile. Oh, bien sûr, il y avait ces moments de frénésie sexuelle, de complicité déjà entachée de
jalousie entre Diane et Camilla, l'occasion pour Badalamenti de revenir quelques instants proposer de
mélancoliques cordes soupirant déjà après le drame inévitable, puisque déjà arrivé. Et ce souvenir infâme de
cette réception humiliante, et ce jazz lounge glauque dont les accords en suspension font pleurer de rage la
pauvre, pauvre Diane. Alors tout s'est écroulé, et tout s'écroule encore le temps d'un monumental "Mountains
Falling", nuée ardente irrespirable au ralentie, de poussière et de sciure, de beats secs et obtus, Lynch au chant
chaotique grevé d'affreuse distorsions. Mais il sera trop tard pour regretter. C'est là que tout c'était joué, sur
Mullolland Drive, alors le thème revient une dernière fois, avant de laisser l'esprit de Diane rejoindre, dans son
enfer, dans son paradis rêvé, son amour sacrifié, au dessus de la cité des Anges. Après elle, comme elle, on
peut mourir.
Note : 6/6
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CHROMB! : II
Chronique réalisée par Dioneo
En fait Chromb! seraient des romantiques ? Des gars doux portés sur les touches impressionnistes ? Monsieur
Costume, en tout cas, commence comme une de ces compositions de Debussy au titre de jeu aquatique, de
pièce d’eau. Piano en gouttes, en ondes charmantes. Ou comme du Bill Evans en trio, cymbale et basse s’en
mêlant. Et si… Oh, attendez. En fait je n’avais pas réglé la platine sur la bonne vitesse. Je passe en
quarante-cinq tours… Voilà. Monsieur Costume commence donc bien comme du Claude ou du Bill. Mais pris à
trois, quatre fois le tempo ! C’est ça qui est bon. Et puis ce CRAC de cordes électriques qui annonce la
déferlante juste avant qu’elle déboule – à peine le temps de comprendre le signal, on se prend toute la masse,
elle nous attrape et nous emmène. Textures électroniques analogiques, paramètres tripotés aux
potentiomètres, grain trituré, étendu, resserré. C’est la tempête, la mousson, ça et le sax free ne vous laissent
pas rester tranquillement debout. Il faut bouger avec. Ce deuxième album de Chromb! est encore une fois
déstabilisant. Toujours cette approche amusée, joueuse, de la complexité, des structures alambiquées qu’ils
nous refilent comme des bonnes farces et des bons plans. Même, il me semble que le groupe, ici, maîtrise
encore mieux le poids des sons, les volumes, les matières – saturations ou clarté, lignes limpides et soudains
débordements moussus. Les contrastes. Toujours, aussi, les quatre Lyonnais font montre de cette hospitalité
bizarre, de cette amabilité, affabilité qu’on soupçonnerait un peu tordue mais surtout parce que l’humour,
là-dedans – et l’humour, c’est le sel sur le gâteau, la cerise de la terre, là-dedans – empêche toujours que ça se
fige en manières, en courbettes trop urbaines… Aussi : que ça tourne à la simple cascade, à la démonstration
de dextérité modèle concours-les-pines. II, à vrai dire, est peut-être encore plus transgenres – avec ou sans jeu
de mots : écoutez donc les paroles sur Le Colis – que I, sorti deux ans plus tôt. Moins directement, disons,
"funky", moins frontalement, en tout cas, tirant plus sur le jazz dans l’exécution, encore plus marqué par
certaines musiques de chambre – eux ajoutent "capitonnée", pour décrire la leur, et la saillie est assez juste –
pour ce qui est des motifs dévoyés, tournés et retournés dans tous les sens, positions, figures. Dans un sens,
plus rock progressif, aussi, avec ses longs développements – mais dans ces suites, les ruptures versant dans
un délire peut-être encore plus instable. Quelque chose de plus lourd et plus tendu. Mais toujours aussi drôle,
aussi réjouissant dans ses imprévisibles revirements, son goût du coq-à-l’âne réversible, rétrogradable ou pas.
Toujours plus irréprochable, aussi, dans la mise en place de ce délire. D’atmosphères prenantes et de départs
en flèche au quart de gradient – À fond de Chien, nom d’un, on dirait presque du Cardiacs ! Chromb! mangent
des colis qui ne leur étaient pas destinés, ils l’avouent là. Je vous le disais plus tôt, qu’ils doivent bouffer de
tout. Le genre de convives qui foutront les jetons à vos moins estimés collègues, lorsque sur l’autoroute ou la
départementale vous couperez brutalement Europe 2 pour envoyer le machin, à la place, plein bu et la borne
du payage laissée bien loin derrière. C’est un bon test pour savoir avec qui vous voyagez vraiment. Et puis qui
sait : ça peut vous réserver quelque bonne surprise. "Marie-Josianne [ou bien Michel-Henri hein… tout est
question de cas] vous aimez Debussy, Bill Evans et la syntaxe en bonds funambules ?". Si en retour
l’intéressé(e) vous propose une part de cake lardons-kiwi, vous saurez que vous aurez fait une touche (et une
belle rencontre). Le genre de chose qui n’arrive pas sur les réseaux trop bien gérés, dans les travées et les
rayons aux usages bien spécialisés. Ce sont d'autres disposition à l’embardée suivante. (Pour l'heure je refais
un tour de plus sous les cieux rouges-oranges autours de l’espèce de falaise-monolithe ; avec ces gars qui
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semblent marcher d’un pas façon Compagnons de la Chanson barrés en figures libres).
Note : 5/6
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Desolate Shrine : The Sanctum of Human Darkness
Chronique réalisée par saïmone
Je pensais commencer ma chronique avec quelque chose comme « le death metal ne s'est jamais aussi bien
porté depuis deux ou trois ans que depuis sa naissance, à l'aube des années 90 ». Mais « death metal » est-elle
vraiment l'appellation (contrôlée) adéquate pour parler de cette nouvelle scène issue, à mon avis, de
l'apparition de Portal à la fin des années 2000 ? Portal, qui venait d'ouvrir un nombre innombrable (voir
innommable) de portes, montrant que certaines choses impossibles l'étaient, en réalité. Je me souviens de la
première fois que j'ai entendu Portal, chez un ancien gutsien d'ailleurs, suffisamment éméché pour être
désinhibé, pas assez saoul pour perdre la tête, bref, dans l'entre deux, chez cette personne âgée à la santé
déclinante, et le gutsien enfournant le disque sans avoir conscience (ou alors avec perversion) de l'effet
dévastateur que ça aura sur votre serviteur (qui n'écoutait à l'époque, pour ainsi dire, plus beaucoup de
« metal »). Le sol se dérobait sous mes pieds, jamais entendu ça putain. Était-ce du death, du black, du
machin ? On s'en foutait tellement c'était dingue. Bien entendu, depuis, beaucoup de groupes s'y sont
engouffrés, dans cet espace sans fond des tourbillons, des rythmes infernaux, des productions étouffantes.
Avec beaucoup de réussite pour beaucoup d'entre eux, et dont la moitié se retrouve signé sur l'excellent label
Dark Descent, comme pour celui dont il est question dans cette chronique, à savoir Desolate Shrine. Finlande,
homme orchestre et deux chanteurs. Production blockbuster dans méandres de maison hantée. Arpèges black
metal dans riffs armageddon. Chant varié d'orcs et de cannibales. Ambiance noire de souterrain gouttant, de
guerre céleste à grande échelle, d'invocations silencieuse. C'est au final un peu toujours les mêmes trucs qui
ressortent quand on veut parler de cette fameuse scène que je n'hésiterais pas à qualifier de progressive :
morceaux longs, à rallonges, à l'architectures en trompe l’œil, pleins de vices ambiants, de vis latentes, de
changements de tempos dévastateurs, de sauvagerie affamée. Et tout ça avec une intelligence comme ça. Car
la grande force de Desolate Shrine, à l'inverse d'un certains nombres de ses codétenus, c'est qu'il est
foutrement malin. Tout est léché, très élaboré, complexe. Le travail sur les ambiances est impressionnant, les
passages atmosphériques ne sont même pas chiants ! Rien n'est laissé au hasard, même pas la sauvagerie
affamée, qui résulte presque plus d'un ramadan que d'une privation dans une cage dans une grotte. Un superbe
album, pour le dire simplement, long en bouche, futé, puissant, classieux. (5,5/6)
Note : 5/6
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The Horde of Torment : Product of a Sick Mind
Chronique réalisée par Rastignac
“Ô ma douce déesse, reine des tigres, fait encore marcher tes talents boyardiens afin que je puisse revoir
tomber dans mes bras tous gras une galette oubliée des fonds des âges, j’en ai besoin pour épaissir le rayon
metallo eighties de g.o.d. !”. Ma douce dompteuse charentaise inclina donc le félin buste et, dans la cage dorée
par des millions de papiers ferrero rocher usagés se posa ce disque, sur une pile de flocons de neige de
janvier. “Eh Felindra, c’est kwwwwaaa ça ?”. Ça, c’est Product of a Sick Mind, compilation verte et noire du non
moins oublié groupe de thrash de Vegas “The Horde of Torment”. Thrash, Vegas, Horde, Torment ? Dessin naïf
plein de veines et de câbles et de vase et d’horreur, de mort, de maladie, d'eau croupie et de bougie puante ?
Ouais ! Je rentre donc de mon exil solsticial muni de cette galette poussiéreuse sortie en France sur un label
franc-comtois en 1991 et j’appuie sur play, tranquille, les fesses sur le canapé, la tête dans le beat de la
nouvelle année. Il s’agit précisément de la compilation de deux démos, dont une sur la face B reprend des
morceaux de 87, quand le groupe s'appelait encore “Pestilence” (aucun lien)... on s’attend donc à du son inégal
et un poil d’hétérogénéité... ben oui, la production semble avoir oublié qu’il fallait quand même deux couches
de guitare dans l’thrash, surtout sur la face A… de plus, la voix est monocorde à souhait et pourrait ressembler
à euh… ben tiens, le chanteur de Nekrofilth 30 ans après ! Sauf que là, c’est vraiment vieille école parce que
c’est vraiment vieux, vraiment oublié, vraiment vrai. True ? True Nevada, true thrash plein de bonne volonté et
de soli alambiqués, de breaks megadethien avec ritournelle riffée qui reste collée dans la mémoire, qui donne
envie de danser la polka avec des pandas norvégiens OU de secouer la tête verticalement. Très bien joué mais
pêchant parfois d’un son un peu bancal qui se rattrape paradoxalement sur la demo de Pestilence, le groupe
traine aussi derrière ses riffs riffeux cette voix un peu molle, un peu comme un jeune ado qui mue, un peu
rapée, un peu comme ce qu’on entend dans les mauvais D.R.I.… quelques cris suraigus à la Dousseur de Vivre,
mais pas de yeahiyyeaah wooowoh hetfieldiens par contre… Voilà, c’est un peu les deux gros défauts du
disque, la prod perdant beaucoup du jus des musiciens (talentueux) et cette voix. Si vous n’êtes pas trop
difficile, vous ne pourrez par contre pas faire l’impasse sur ces solis complètement toccato-débiles, ces plans
binaires de chez Binaire le champion du binaire qui vous feront quand même ouvrir une bière de Noël à la gloire
de Satan Mhabite. Même la repompe du riffage de Seek and Destroy version variation toc reste rigolo sur “The
Raven”, surtout qu’il sera suivi d’un solo complètement décousu, qui sonne un peu faux, mais bon,
globalement c’est sauvé par une exécution bien speed et un esprit clous et cuirs super cool sur ce morceau, et
les autres qui finalement passent tranquille dans la gorge, la compilation étant juste courte comme il faut. Voici
donc mes étrennes 2015 : 3,4 boules sur votre sapin tout merdeux, gisant dans la poubelle de votre immeuble
gris et plein de cafards, en gloire au metal à papa ou à papi, ça dépend de votre ancienneté... 3,4 boules pour un
objet presque banal, mais qui pourra satisfaire les plus curieux des chercheurs de groupes perdus dans les
nimbes du temps.
Note : 3/6
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AT THE GATES : At War with Reality
Chronique réalisée par Rastignac
Je kiffe cet album - voilà, vous n’avez même pas à scroller pour voir la note, malin ! Et ce n’est pas parce qu’il y
a marqué “At the Gates” sur la pochette. Je ne suis pas forcément titillé par les reformations, je suis même
méfiant par défaut quand j'entends ce mot, et là on voit quand même ressortir des bois un groupe qui avait
planté toutes ses groupies en plein vol et zénith en 1995 ! Ce n’est pas non plus parce que j’aime Lock Up ou
Disfear parmi les autres groupes dans lesquels Lindberg a balancé son aboiement de punk énervé, ce n’est pas
non plus, encore, parce que je suis un ultra fan de At the Gates, je ne connaissais pas à l’époque, et j’ai un peu
fui la scène death melo depuis un concert de Dark Tranquillity qui m’avait profondément ennuyé. C’est juste
parce que le goût de reviens-y de cet “At War with Reality” est irrésistible ! Il n’en existe pas beaucoup dans
mon stock des machins en plastique et vinyle qui restent coincés sur repeat aussi facilement… en fait les
teasers m’avaient déjà accroché l’écoute. En parlant de ça, je dois avouer mon étonnement face au verrouillage
assez efficace de leur sortie : il me fut particulièrement difficile de jeter une pré-oreille sur les morceaux, hormis
en regardant les clips officiels sur yoututube, ce qui fut douloureux, ces choses promotionnelles n’étant pas
trop ma came visuellement - genre le clip de Death and the Labyrinth où notre hurleur avec sa casquette de
routier secoue les bras et crie sa rage contre le sable au milieu d’un canyon tournoyant, hmmm... Mais la
musique, mamma mia… cette richesse des guitares, ces riffs croustillants, ces solos à chialer, cette frappe
brutale et légère à la fois du batteur, cette voix hurlée laissant transparaître un pétage de boulon monumental et
des plaies pas fraîches dans l’esprit de notre Tomas international, tout cela enrobé d’une mélancolie pas
forcée, pas feinte, moi je dis chapeau haut, chapeau bas. Que dire de plus qui sortirait d’un débat fatigant
autour de l’opportunisme des reformations, de la continuité ou des ruptures dans une discographie hachée
comme celle-ci, des références à Slaughter of the Soul (ou non) imposées par le public, la presse, le succès ou
les maisons de disques ? Ben les mots suivants : efficacité, richesse, beauté, tristesse, brutalité, rapidité,
variété, homogénéité, musicalité. Si ces concepts vous touchent, je vous conseille vraiment de vous laisser
attraper par cet album addictif, pour ma part, je fus accroché dès le début, et depuis ça tourne, ça tourne, aucun
temps mort sur les deux faces de ma cassette (oui, on se refait pas), ça titille dans le ventre tellement ça vise
juste… ça fera donc 5,0 billes pour ce retour fracassant et j’espère durable d'At the Gates dans la production
gothembourgeoise, sans faire subir à son public traumatisé un nouveau split de 20 ans (20 ans ! la vache). 5
boules oui pour cette perle de musique pas cool, sachant mélanger de manière magistrale le côté sombre (par
sa violence) et lumineux (par ses mélodies) du death metal.
Note : 5/6
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Masquerade : Blood is the new black
Chronique réalisée par Twilight
Je ne sais pas trop ce qui s’y passe, mais la Finlande semble être devenue la nouvelle terre promise du goth;
entre les parutions du label This is Gothic Rock, les rééditions du patrimoine post punk et punk national, sans
compter les nouveaux arrivants, il y a de quoi faire. Ce n’est certainement pas Masquerade qui démentira cet
état de fait. Deux à peine de carrière et déjà les milieux alternatifs ont braqué leur besicles sur ce qui apparaît
comme l’une des nouvelles sensations du genre. Le combo, il est vrai, ne manque pas d’arguments, à
commencer par sa chanteuse qui en plus de sa voix puissante et prenante paraît ne pas manquer de charisme
et de personnalité, ce qui pourrait bien assurer le plus par rapport aux concurrentes. Comme de plus, elle est
accompagnée de musiciens talentueux, la boucle se boucle aisément. Leur démo de 2013 avait fait sensation et
le vinyl attendu ne fait que confirmer le potentiel escompté. S’inspirant aussi bien de l’héritage des formations
80’s comme Skeletal Family, Rubella Ballet ou Siouxsie and the Banshees, que de l’esprit originel du punk,
sans oublier les sonorités deathrock actuelles, nos Finlandais composent une musique sombre, énergique,
passionnée et passionnante. On va zapper d’emblée les ronchonnements de ceux qui se plaindront de l’aspect
‘passéiste’ de cette musique (vous avez mal compris, les gars, c’est juste que ce style est éternel), pour se
concentrer sur la qualité d’écriture de cette trop brève livraison. Franchement, écoutez-moi ‘Cry like birds’ avec
cette merveilleuse touche de synthé, ‘All things hurt’ qui évoque les meilleurs moments de Rubella Ballet ou
encore le titre éponyme avec ses basses grognantes et ses guitares acérées, voilà qui balaie toute velléité de
critique ! Ca manque d’identité ? Ca viendra, bon sang ! En attendant, voilà un E.P. plus qu’excitant qui fait
battre le coeur et les tripes, à se procurer d’urgence…Mais si vous faites partie des veinards les ayant vus en
tournée en France avec Secular Plague, j’imagine que c’est déjà fait.
Note : 5/6
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AGALLOCH : The Serpent & The Sphere
Chronique réalisée par Rastignac
Ouais, bon, ça va ! C'est pas critiquable. Quoi ? La musique. La musique, ça se sent de l'intérieur, de l'extérieur,
de devant, de derrière, de partout, c'est pas analysable, et pourtant j'écris dessus, j'essaye, je fais ce que je
peux, quelle ironie... Et quand on sent que ça gratte dans le dos, on dit quoi ? Rien ? Comment je vais faire. J'ai
un petit problème avec Agalloch. Comme dirait Bret Easton Ellis, "les jeunes supportent mal la critique (...)".
Mais, Agalloch, ils sont pas jeunes, donc ça va. Mais vous savez pourquoi j'ai du mal avec Agalloch ? Et bien,
chers rhinocéros laineux et tigres aux dents de sabre, parce que j'ai toujours l'impression de garder un poil
dans ma soupe à chacune de leur sortie : je me fais bercer par ces mélodies toutes imbibées de folk et de
psyché et de metal tout épique (les mecs reprennent Sol Invictus oh ! Miam ! et ils citent Godspeed You! Black
Emperor parmi leurs influences, oui !), et puis... quoi ? Un cheveu dans ma soupe ! C'est vraiment pas pour
jouer au disciple du grand Sheer Khan, icelui ayant déjà bien gravé la description de leur musique par son œil
de lynx acéré, mais je vais répéter un peu ce qu'il a déjà écrit ici... ce cheveu, chers megalodons et
ptérodactyls, c'est la voix du chanteur. Je voudrais tellement devenir un mega fan d'Agalloch, c'est tellement
bô, tellement qu'on a envie de devenir alchimiste, de faire du camping dans les bois à regarder la nuit les
étoiles filantes et baver sur notre finitude et l'éternel retour... mais je suis à chaque album comme chiffonné par
ces râles de chat bien trop enroué se posant sur cette musique tellement inspirante, ces intros tellement
épiques, pleines de songes sur le temps se mangeant la queue (cf. l'ouroboros sur le cd, dans la tracklist "in
inglishe", mais en latin là), pleines de questionnements sur l'existence et sur cet environnement complètement
rubikubesque, fascinant, plein de dualisme aïe / ouille, attirance / répulsion, "quoi?" / "pourquoi?". Et alors
vous me direz. "Moi, j'aime bien !" "C'est même dans les tops, partout, c'est même dans mon top à moi", "Et en
plus il kiffe le dernier At the Gates", "Enfin, quand on arrive à le lire, à croire qu'il est en guerre avec la réalité le
gars". Chut les voix dans la tête ! "Et alors ?", vous me direz, les voix... Ben, quand les bras tombent, il faut de
la force pour les rattraper, et pour porter des mélodies aussi puissantes, il faut de la voix, ou rien. Non ? Bon,
ok, je me dévoile (c'est pas compliqué si vous avez tenu les dix premières lignes), je rêve d'un Agalloch
instrumental... je pêche par orgueil, j'ai l'ego qui me gratte le dos, je voudrais changer l'existant, je voudrais que
ça soit mieux, depuis mon sofa là, alors que je sais à peine chanter We Will Rock You en chant clair ou en growl
et jouer Au clair de la lune au xylophone. Et alors ? Rien. On va pas remplacer Haughm par Freddie Mercury, ou
par Corpsegrinder, ni même par Francis Cabrel. Je lance donc un appel à la contre-chronique, peut-être celui-ci
parviendra aux oreilles d'un fanatics qui saura chanter la complétude de ce groupe et leur musique et satisfaire
d'autres confrères ou chers publics. Je ne peux, pour ma part, que saluer l'effort de composition, d'illustration,
de méditation d'Agalloch, tout en pleurant sur ce pourcentage manquant qui ferait que ma note et ma joie se
remplissent de billes toutes dorées. "C'est si duuuur...!" sanglota Picsou Tantalus, englouti par sa piscine de
piècettes, des grappes de réjouissance illusoires flottant au-dessus de ses yeux... (3,9 / 6)
Note : 3/6
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Xiu Xiu : Angel guts: Red classroom
Chronique réalisée par Twilight
Ma découverte de Xiu Xiu (à prononcer ‘Chou chou’) repose sur le hasard et une sorte de faux quiproquo; en
concert dans la bourgade voisine, ils étaient annoncés comme inspirés de Joy Division, Cure et Depeche Mode
mais un rapide contrôle sur Youtube prouva que la réalité était loin d’être si simple. Quel projet déstabilisant !
Un concert génialissime et l’achat de ce que je considère comme leur meilleur album à ce jour (le neuvième
quand même) ont balayé les derniers doutes. S’il est certain que Jamie Stewart a effectivement dû écouter Joy
Division (d’où la chanson ‘Ian Curtis wishlist’), nul doute que Throbbing Gristle, Suicide ou Cabaret Voltaire
comptent également dans ses influences. Baptisé d’après un film porno asiatique, ‘Angel guts: Red classroom’
a tout d’une descente aux enfers urbaine…Se pénétrant de la violence de son quartier de L.A., Jamie Stewart
paraît y déambuler à la fois comme un spectateur dilettante et un prophète. Déstabilisant l’auditeur par son
timbre de fausset sur le fil du rasoir, aux limites du ridicule et de la terreur, il développe des ambiances d’une
tension froide et extrême qu’il ne relâche qu’au compte-goutte quand l’émotion est au bord de
l’éclatement…Interlope, sale, sa musique explore une obscurité où dealers, membres de gang, cadavres de
junkies, paumés, marginaux, traversent les rues adjacentes aux boulevards loin des regards de la société.
Jouant l’alternance de mélodies et de dissonance, Stewart avance à tâtons dans cet univers claustrophobe
crasseux, tissant grooves lugubres (le génial ‘Stupid in the dark’), manipulations grinçantes (un ‘Lawrence
liquors’ aux frontières de la folie), synthés froids, rythmiques à la Suicide, samples terrifiants, abordant sans
pudeur les thèmes de la mort, de la violence, du sexe (‘Black dick’, plutôt percutant dans sa prose ou un
‘Cinthya’s unisex’ pornographique). Cette confrontation à la douleur et la souffrance affecte Stewart le narrateur
chanteur dont la voix paraît parfois échapper à tout contrôle (‘El naco’) avant de se replier sur sa terreur et sa
peine. Même la rythmique bossa nova de ‘Bitter melon’ ne dissipe pas un tel malaise tant la dépravation
morbide (‘A knife in the sun’) qui hante ce disque demeure omniprésente. Il ne reste plus qu’à serrer son
crucifix à s’en faire saigner les doigts et invoquer tous les saints pour rester en vie jusqu’au lever du soleil et
se réfugier quelques heures derrière l’asile fragile de son appartement pourri qui, du coup, semble un vrai
palace comparé à la merde des rues. Les titres sont courts, trop intenses pour durer au delà d'une certaine
limite. Xiu Xiu n'est pas un groupe évident à aborder (j'en veux pour preuve le précédent album et ses reprises
poussives de Nina Simone) alors autant commencer par leur chef-d'oeuvre.
Note : 6/6
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Odessey & Oracle : Odessey & Oracle and the Casiotone Orchestra
Chronique réalisée par Dioneo
"En l’an 2016, je flotterai loin dans les rêves". Nous n'en sommes pas là. Ce début 2015, à vrai dire, n'est pas
des plus joyeux. L'ère n’est pas si guillerette, les dernières nouvelles plutôt saumâtres… Il y a moins d’un mois,
à part ça, Odessey & Oracle sortaient un disque. Le trio (augmenté) – à Lyon, en 2014 donc – tient toujours son
nom d'un album des Zombies – groupe britannique qui l’avait sorti, lui, comme un adieu, en 1968. Odessey &
Oracle portent aussi des chemises étroites à motifs végétaux, voire des pantalons en velours ; et jouent de ces
machines qu’on osait autrefois appeler – aux temps où tout était analogique, avec l’émerveillement du nouveau
qui ne faisait pas mine d’effacer tout le reste – des instruments. Casiotone – c’est même dans le titre – Korg,
pianet… Alors ? Sont-ce là de ces jeunes gens coincés dans un passé qu’ils n’ont jamais connu ? Des
escapistes réfugiés dans l’âge supposé d’or et sa légende enluminée ? Vont-ils sous la pochette – qui elle
même reprend, interprète celle du sus-cité Zombies – dupliquer à la note, au son près, les canons d'une défunte
époque ? Eh bien… Pas tout à fait. Ce qui veux dire que non : rien ici qui reproduise platement ni cherche à
égaler, ou à faire croire qu’on y est encore. Qu’Odessey & Oracle révèrent – ou plutôt aiment, tout simplement,
au sens non-anodin, non mondain du terme – la pop des années soixante, ses contrées baroques, celles aux
contours les plus joueurs, aux touches les plus acidulées, acides, aux mélodies les plus technicolores, ça fait
peu de doute, pas de mystère. Mais regardez : les couleurs, hommage ou pas sur ladite couverture, ne sont pas
les mêmes. Ni la physionomie des figures, silhouettes, créatures qui s'y tiennent. Odessey & Oracle, certes,
font donc de la pop. Et nettement, une qui s’inspire d’alors et là-bas. Mais "inspirée", justement – tout court –
c’est aussi le mot. Et puis la pop – au meilleurs de ce qu’elle peut être – n’est pas une simple et bête fuite,
l’illusion du monde sans tache, la régression dans l’idyllique, qu’il soit décades passées ou bien bas âge,
d’avant les questions. Celle-ci – "la bonne" – est comme toujours une singularité ; qui s’exprime et se nourrit
de tout ce qui fait un monde pour qui s’y adonne, se pique à son artisanat. Des formes baroques, disais-je : au
sens premier, aussi, dans celui de l’histoire, de la musique classique – la viole de gambe frayant, taillant tout à
coup la bavette d’égal à égal avec les claviers électriques. Une certaine imagerie enfantine – oui. Des façons,
dans le chant – c’est indéniable – "comme avant". Mais cette introspection n’est au fond pas un frileux repli,
une tentative de coupure, de négation, d’isolement. Elle s’exprime en pistes courtes, concises, aux formes
découpées nettes et en jeux de perspectives qui les exceptent de toute platitude. En même temps qu’elle
plonge dans ce qu’on appellera si l’on veut "la psyché", elle nous convie au jeu, à la visite pas forcément – et
c’est tant mieux – guidée. Et l’enfance, là encore, n’est pas donné comme un âge innocent, bêta, dénué
d’ombres. Les jouets sont des objets collants, poisseux. Ils s’ennuient délaissés dans le placard, les avatars et
avanies du bon goût, la mise en vente de la mode suivante les ayant décrété dépassés ; ils reviendront, parce
que les gosses s’attachent ; et la "résurrection" sonne comme une fanfare portée par la caisse claire des
marches – vaguement inquiétante mais ses timbres et lignes empilés, montés, spiralés, sombrant et
ressurgissant, réellement réjouissants ; ah oui, sauf que ça va finir, tout ça, comme dans un cauchemar
d'Akira… Ah, et aussi : ne tuez jamais la licorne si vous n’êtes pas sûr que ce ne soit pas votre père… Même,
ici, la parole adulte – marchant et planant sur les arrangements presque toujours lumineux, limpides – parle
parfois d’addiction, de dépendances, de manque (sur Esprit du Ciel ou V.I.A.G.R.A. au moins ; cette dernière – à
mon sens la seule, d’ailleurs, qui tranche un peu sur le reste, avec son parti pris presque disco – d’ailleurs
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absente de la version vinyle du disque, que ses auteurs donnent comme "plus vintage") ; et puis de doutes, de
la tentation – justement – de rester perché, coincé dans le songe (on y revient, tiens… présentement, c’est
aussi parce que je viens de remettre le disque) ; ou alors de voir sa mère nue et d'aimer vraiment ça. Tout ça,
bien sûr, dit avec poésie. Mais la poésie – la poétique – n’est pas un renoncement, un amoindrissement, une
dissimulation. Dans cette acception là, elle dit et joue un point de vue – pas en le simulant mais en dessinant
l’espace, qu’on le sente et le parcoure. Ce n’est pas pour rien que les manières d’interludes instrumentaux, ici,
s’appellent "inventions". On aurait pu dire "fantaisies". Ça définit toujours des formes libres, ouvertes mais
tenues. C’est là subjectif et pleinement lisible. Comme cet album des Zombies, au fait, à quoi le groupe, je le
disais plus haut, emprunte son nom. Une sorte de "classique", maintenant ; mais alors, on l’oublie parfois, un
disque enregistré, publié presque à titre d’auteurs, budget dérisoire ; un recueil au fond pas si béat, qui
tranchait même – rappelons nous Butcher’s Tale (Western Front 1914) ou l’ouverture Care From Cell 44,
message certes de pure affection chaleureuse mais écrite depuis une cellule carcérale. Voilà : Odessey &
Oracle disent en fait une source secrètement rare – le genre de lieu, d’esprit, qui ne se retrouve guère,
finalement, que dans une poignée de disques à part, de cette époque, subtilement profonds sous les teintes
vives. Les Zombies donc, quelques uns des Kinks à leur plus ambigu, mélancoliques sous la fraîcheur et
fourmillants sous l’apparente simplicité des compositions ; et puis quelque chose de ce rock dit de Canterbury
– Caravan, par exemple et en particulier – dans cette liberté de jeu et d'écriture qui ne dérivent jamais dans la
démonstration de force mais semble vous détailler – à mesure, mine de rien – ses passages d'un monde à
l'autre, ses ruses et amusements qui désenclavent la raison raisonnante, trop figée. C'est un question de
sensibilité, voilà. Qui fait que ça ne tombe pas dans le commun, le pour rien, l’exercice. Pas un moment de
nostalgie suspendue ; mais à la place : un temps où l’on respire, où si l’on veut des cieux clairs, c’est pour voir,
ce laps-ci, sans flou terne. Voici donc un bel album de pop, originale et réussie, aussi sensibles soient ses
sources et allusives, élusives ses périodes. Il est vrai que ça se fait peu fréquent – qu’au fond ça l’a toujours
été. L’impression me touche, à cette minute, que sa fresque aux feutres en nus et fleurs et créatures humaines
ou bêtes ou hybrides curieusement conformées n’est pas de celle qui va sitôt me passer, déteindre et
disparaître.
Note : 4/6
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SIX FEET UNDER : Warpath
Chronique réalisée par Rastignac
Quand le vent souffle dans les esprits et sème le doute, distille l’angoisse et anime les peurs archaïques il faut
alors prendre le temps de s’asseoir, de s’ouvrir un paquet de cacahuètes, une bouteille de whisky, quelques
chocolats et écouter du DEATH METAL. Je tourne la tête, je regarde mes disques comme Jean-Paul Sartre
admirait les livres de son grand-père, je vois tous ces menhirs de plastique alignés les uns à côté des autres et
je vais m’arrêter à la lettre Barnes, tiens. La lettre Barnes, c’est une lettre particulière, ayant poussé dans un
groupe s’appelant Cadavre Cannibale, tel un champignon malfaisant qui aurait été expulsé dudit cadavre par la
force des choses (“divergences personnelles” qu’ils disent). Warpath est le premier album où Barnes est
véritablement à plein temps sur Six Feet Under, s'étant fait virer de son précédent groupe pendant les sessions
de "Vile". Parolier de Cannibal Corpse, j’imagine que Monsieur B. a voulu expurger un bon paquet d’angoisses
violentes quand le vent a soufflé dans son esprit… ça l’a bien calmé finalement, car dans Six Feet Under, son
petit groupe à lui, on le sent moins obsédé par l'éviscération des femmes ou les viols par objets contondants.
En 1997, à ce moment là du développement du Chris - est-ce dû à sa consommation extrême de weed, je ne
sais - les paroles vont plus porter sur la parano, les dichotomies société / individus refoulées, l’état de tension
permanent, l’ambiance “homme loup pour l’homme” de notre société ou de ce qu’on pourrait imaginer l’état
dans laquelle elle se retrouverait avant, pendant ou après une bonne guerre. Plus ancré dans le réel du
bonhomme, on aura aussi droit à une ode à la plante préférée de notre chevelu (“4:20” et son beau sample de
douille à la Cypress Hill), et même un plaidoyer anti-prison, un peu comme si les Bérus jouaient du death
(“Caged and Disgraced”) ! Comme l’a déjà bien noté Yog Sothoth dans sa chronique de "Alive and Dead", Six
Feet Under aime les reprises, le groupe ayant commencé comme un cover band : vous pourrez donc entendre
une version toute particulière de Death or Glory d’Holocaust, et une reprise de Judas Priest sur certaines
éditions reprenant des bouts de l’EP précédent. Côté musical, pas beaucoup de surprises, c’est mid tempo,
basico, un peu groovy, très pataud, sans solo, c’est pour les amateurs de death à la Obituary mais en un peu
plus mou, un peu moins goret, ça n'a peu de choses à voir avec Cannibal Corpse… mais finalement, je trouve
que cet album vieillit bien - à l’époque je trouvais ça complètement fadasse, comme quoi, l’âge tapant à la
fenêtre des certitudes et bien on se rassure facilement avec des machins faciles d’accès. Vous aurez même le
droit d’écouter notre chanteur entonner la chansonnette de sa voix grave et glaireuse inimitable ! Ceci d’une
manière tellement croquignolette, croonesque et asthmatique que ça en devient vraiment expérimental à ce
niveau bas du front (cf. le chant "clair" sur "4:20" encore et “Night Visions”). Ce disque me fait du bien au final,
c’est simple mais pas trop casse-bo90on... répétitif et glandeur comme un cannabinomane avachi devant la télé
et marmonnant que le monde part vraiment à veau-l’eau… un disque respirant donc l'air du temps !
Note : 4/6
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Bloodhammer : Abbedissan Saatanalliset Houreet
Chronique réalisée par Rastignac
Le metal est blasphématoire. C’est sa nature même, c’est dans sa constitution, c’est son étant, c’est comme ça.
Si vous voulez expliquer cela à un néophyte, y a qu’à montrer ces pochettes à base de pornosatan qui traînent
dans la scène, du bouc chevauchant un archange (Archgoat), à la femme s’enfilant un crucifix (Marduk). Ici,
c’est une nonne bien maquillée qui nous tient un braquemart dans la main… encore un autre exemple pour
votre power point “lucifer suck my dick : ruptures et continuités phalliques dans le black metal”, dans le cadre
du colloque “heavy metal et sciences sociales” de l’Université d’Angers, si celui-ci devenait un cycle de
conférences, qui sait, postulez ! Bloodhammer, groupe de thrash bien noirci, amateur de nonnes, d'alcool et de
typo teutonne nous vient de Finlande, l’autre pays du bon goût. Ils jouent de la musique très primitive orientée
thrash / black, un peu comme du Aura Noir mais en moins bien ficelé, avec des pains de temps en temps, les
membres du groupe semblant parfois même jouer tous seuls dans leur coin sans écouter les autres, amenant
des décalages entre les riffs et la batterie qui peuvent paraître aussi maladroits qu’un solo de guitare sur le
premier album éponyme de Bathory. En parlant de Bathory, vous pouvez prendre tous ces groupes en marge
du thrash metal dans les années 80, et vous aurez un aperçu de la musique de Bloodhammer : headbangueur,
luciférien bourré à la vinasse, envie d’en découdre avec le monde sans aucune finesse, riffs punks vraiment
pas malins, paroles tellement bas du front et prises d’envie de tout péter qu’à côté, un dialogue entre
Schwarzenneger et Stallone c’est du Corneille. Ultra saturée, cette demi-heure sera bien assez longue pour cet
album que je trouve au bout du compte un peu essoufflé, même sur une petite distance comme ça… il saura
par contre ravir les gros bourrins de l’audience, ou ceux qui ne veulent pas entendre des choses belles et
enchantées, mais que de la mélasse de haine, de mépris et d’obstination frustre. Parce que la musique, c’est
pas un truc de fillettes ! UGH !
Note : 3/6
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Compilation Ultimae Records : Enfold 01
Chronique réalisée par Phaedream
C'est avec des ondes qui ronflent en sifflant que les bruits d'un feu de cheminée qui ouvrent "Rewind" se font
ignorer. Une lourde nappe de synthé, assez envahissante, garde un œil noir alors que des éléments d'un
psychédélisme tout gêné cerne les oblongues ambiances de "Rewind" dont le seul rythme est ces percussions
qui claudiquent comme des sabots sur une terre gelée. D'autres ondes synthétisées s'ajoutent à ce dense
mouvement ambiant. Leurs lentes impulsions circulaires éveillent une ligne de basse qui deviendra la
principale nourriture rythmique de ce titre de Scann-Tec qui ouvre la toute dernière compilation du label
Ultimae Records. Toute fragile et menue, une mélodie et ses armoiries de verre hésite à flotter sur le rythme
lent de "Rewind" qui peu à peu devient un savoureux, mais tout de même assez modéré, down-tempo orné de
ces éléments soniques qui font la marque de commerce du label Lyonnais. "Rewind" donne le ton à “Enfold”;
une compilation de musique d'Ultimae Records ayant pour thème la douceur et la détente sur un fond hivernal.
Cette compilation souligne aussi le 15ième anniversaire du label avec 10 titres mixé et masterisé par Vincent
Villuis où les confins du cosmos rencontrent les profondeurs de nos émotions.
"Sensitive Mind", de Fingers in the Noise, est mon premier coup de cœur dans “Enfold”. Astrale et
splendidement bien structurée, la mélodie est comme un chant de spectre qui possède encore ses émotions
humaines. Les synthés irradient une luminosité céleste qui tempère les palpitations d'un rythme qui avale sa
fureur. C'est très beau et ça fait effectivement très ambiance hivernale, de Noël même, et ça n'a rien à envier au
répertoire des mélodies ambiocosmiques de Michael Stearns. Le premier véritable down-tempo provient des
harmonies et du rythme lent de "Winter Shell", composition de I Awake. La mélodie est spectrale et hantera vos
oreilles bien des minutes plus loin avec mystérieuse aura halieutique, alors que les ambiances sont aux portes
du psychédélisme avec des lamentations éoliennes noires et agressantes qui se fondent dans les sombres
ambiances de "Oak Branches" de Martin Nonstatic. Le titre est d'ambiances avec des débuts de rythmes, ou de
mélodies, qui se perdent dans un profonde thématique psychédélique où gargouillements, pulsations
arythmiques d'une ligne de basse et accords de guitare greffés dans l'oubli se perdent, s'évaporent sous un ciel
sonique bariolé de lignes qui crissent de froid. Puis vient le délicat et mélancolique "Frost" de Lars Leonhard.
Le rythme est aussi absent et ambiant que la mélodie songeuse. "Serene" porte superbement bien son nom.
Miktek excelle dans l'art de forger des mélodies à partir des brises synthétisées, et celle-ci est superbement
enveloppante. Un lit astral qui nous berce doucement jusqu'aux portes de l'inconnu. Et il sait aussi comment
forger des rythmes mous à partir de rien, comme de ces bruits de ballast qui fondent en un doux down-tempo
très lascif. "Lunokhod-Winter Mix" de Circular est un moment assez intense dans cette compilation. Le résultat
du mix est aussi craquant que la pièce originale qui crèche sur Moon Pool mais avec une enveloppe plus
ambiante et plus glaciale. C'est de la superbe musique et un beau down-tempo forgé dans les semences de
l'hiver. Ondes de synthé qui propagent des bruits et chuchotements ambiants, "Blue Fish-Winter Mix" de
Master Margherita & Ermetico démarre assez lentement avant d'offrir une ligne de basse qui palpite assez
voracement sous cet épais nuage d'ondes de synthé sombres. Les pulsations forgent un délicat rythme noir
dont les battements sont aussi tisserands d'une mélodie abstraite qui fond ses charmes dans les reflets des
lignes de synthé ondoyantes. L'environnement respire toujours de cette approche de psybient si
caractéristique au label Lyonnais, et plus on avance et plus ces éléments étendent leurs emprises, leur empire.
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"Lumière Noire" de Asura nous plonge dans univers ambiant aussi opaque que "Oak Branches". sauf que les
éléments céleste sont remplacés par des lourdes respirations industrielles. Et plus ça avance, et plus c'est
noir. C'est aussi un prélude qui formera un bon effet de crescendo au rythme noir qui émiette ses pulsations
dans une intéressante faune organique de Aes Dana dans "Beneath". On ne pouvait pas avoir un meilleur
pattern pour décrire le titre.
L'univers de Ultimae Records est de magie. Je ne suis pas un amateur de musique ambiante nourrie aux
tonalités bizarroïdes. J'ai appris à aimer ce genre psybient, que je pensais connaître sous une autre forme, avec
la musique de ce label. “Enfold” est une superbe collection où tous ces bruits parasitaires amplifient la beauté
des mélodies évasives et les structures de ces down-tempos ambiants qui nous amène jusqu'aux sources des
lunes. Tant métaphorique que réel! J'adore ce label. J'adore ce qu'ils font, car la créativité est source de
curiosité. Et quand c'est beau, et que c'est harmonieux. C'est parce que c'est bien fait!
Note : 5/6
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Herder : Doomed
Chronique réalisée par Rastignac
Quand le sable rentre dans les oreilles, quand le nez se bouche et que, subitement, plus rien n’a vraiment de
goût, quand il ne nous reste plus que l’alcool et la drogue comme point commun avec notre ego de 15 ans âgé
maintenant de 35 il faut savoir s’asseoir, s’ouvrir une bière brune, un sachet de haribo (des crocodiles, c’est
mieux), une boite de pyrénéens, et s’écouter du SLUDGE METAL. Le sludge metal, c’est comme du metal, mais
sludge. Voilà. Enfin, c’est une étiquette quoi. Une étiquette semble-t-il collée sur le museau de Herder. Herder
est un groupe imbibé de son enfumé, un Mastodon qui n’aurait jamais été castré par quelque progressisme qui
soit - j’ai jamais pu aimer vraiment ce qu’a fait Mastodon après son premier album, shame on you Rastignou !
Herder se présente comme ceci sur son bandcamp : “HERDER IS HARDER.... FOAD!”, ce qui nous donne en
françois : “Pasteur est plus dur, va te faire foutre et va mourir” - faut pas faire chier les chercheurs en biologie
moléculaire, ahah ! Hem. Bon, non, plus sérieusement, Herder c’est un groupe qui vient des Pays-Bas,
constitué de membres masculins d’Urfaust, Aborted, Born From Pain, entre autres. Ce deux-titres est la
première chose que j’arrive à écouter du groupe : ils ont bien sûr sorti pas mal d’autres objets que je n’ai pas
encore eu la chance d’écouter, souhaitant un peu garder cette approche vieux-jeu du gars qui achète un single
pour se l’écouter sur son pick-up, un soir de surprise-party, avant de se procurer le 33 tours chez Monsieur le
disquaire de la Grand-Rue. Les deux titres se valent, bien calibrés, courts comme des hit singles sludgy-groovy
oui ! Mais sentant bien fort de la gueule de loup, agressifs, épiques, riffeux, gras, violents. De facture classique
mais très efficace, ce single et ce groupe sauront donc vous donner un petit coup de peps pour affronter un
quotidien quotidien, si les rituels magiques des groupes de metal occulte vous gonflent et que vous avez envie
de foutre des gros coups de poing dans le vide ou sur un mur. Ou sur un sac de sable, pensez à vos phalanges
quand même, c’est important.
Note : 4/6
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Conny Olivetti : eleVen
Chronique réalisée par Phaedream
On ne peut être contre la diversité, la versatilité. Quand c'est bon, quand ça sort de l'ordinaire; il faut en parler.
En autant que cela reste dans le domaine de la MÉ. Je pense entre autre aux parutions du label Ultimae
Records qui niche sur ce Blog et qui enrichisse mes heures d'écoute avec du psybient, du psybeat et des
down-tempos enveloppés d'une superbe structure sonique à faire jouir les oreilles les plus réfractaires à ce
genre de musique. C'est dans ce contexte que Conny Olivetti, un artiste Suédois qui est assez actif dans la
création de musique de films depuis les années 80, m'a contacté pour me présenter son dernier album
“eleVen”. Impliqué aussi dans les activités du groupe Suédois wHaT iF, Conny Olivetti a su diversifié sa palette
sonique en imbriquant dans ses créations le fruit de ses influences qui partent de Kraftwerk à Vangelis en
passant par Eno, Cluster, Roedelius et Faust. Cette diversité dans les genres et dans les rythmes de toutes
formes transpire sur son 11ième album qui est une immense mosaïque sonore éclectique où les dialogues
suintent des murs soniques dans des ambiances tordues de bruits iconoclastes et où les rythmes de
l'électronica lorgnent toujours vers d'autres squelettes en sédition afin de surprendre l'ouïe. Inspiré de la série
anglaise The Avengers, “eleVen” entraîne l'auditeur dans des couloirs soniques remplis de voix investigatrices
et de bruits de villes qui parfument ces rythmes en perpétuel fusion ainsi que ces atmosphères de ville obscure
d'un délicat parfum de psybient où les influences de Vangelis, notamment de son album The City, sont aux
premières loges.
On fronce les sourcils à l'approche de "Tara King - part one, two, three". Les pulsations qui assombrissent les
fragiles cliquetis semblent mouler un suave down-tempo. Et la voix de Lienna, chanteuse de wHaT iF, vient
caresser nos oreilles avec un timbre de jeune vierge. Doucement, la structure déploie une approche de techno
où les brèves séries accords stroboscopiques restent stigmatisées dans les sombres palpitations linéaires d'un
tempo qui palpite et oscille constamment entre le synth-pop et le techno dormitif, sauf pour la finale qui injecte
dans nos oreilles cette folie de percussions, ici le mélange est feutré et métallique, que Kraftwerk lançait dans
nos oreilles avec Metal on Metal de l'album Trans Europ Express. Chaque titre de “eleVen” sont lié entre eux,
présentant ainsi 2 actes soniques de 45 minutes où les ambiances dominent les rythmes. Si "Breakable
Furniture Dies" s'accroche au premier avec un rythme qui reste aussi évasif que brouillon, il change de parure
harmonique et campe sur son approche mi-techno et mi-synth pop dans une enveloppe ambiosonique qui
transcende la simple impression d'entendre les héros errer dans une ville. "Mother Night" suit avec un voile
d'ambiances cybernétiques où les bruits de tout acabit foncent tout azimut entre nos oreilles. Des pulsations en
mode percussions martèlent un rythme absent alors qu'une voix patibulaire erre entre les tintements de
cloches. "Behind The Massive Ball" est du même moule avec des voix et des bruits ambiants qui cette fois-ci
s'évaporent avec de bonnes percussions et les lignes stroboscopiques qui se sont échappé de la pièce
introductive. Ça doit être un genre de psybeat car les oreilles bougent plus que les pieds...ou les doigts. Mais
l'effet est assez entraînant. Avec son essence tribal du Moyen Orient sur un beat mou, "The Interrogators" est
mon premier véritable coup de cœur sur “eleVen”. La flûte y est hypnotisante alors que les sournoise lignes de
synthé, et ces percussions qui resplendissent avec des souffles évocateurs, ajoutent une dimension
psychotronique à un bon down-tempo dont les contours sont un peu moins définis que le très bon "Blue Sky"
dont le rythme lascif est superbement cloîtré dans une ambiance psychédélique. La voix de Lienna fait un bon
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contraste avec des lignes de synthé aux harmonies aussi évasives que secrètes. J'ai bien aimé, même si on est
loin des cadres de la Berlin School. Et plus on avance et plus nous nous enveloppons des charmes de
“eleVen”. "Google Yourself" est superbe avec sa structure de rythme finement saccadée, on dirait un genre de
reggae morphique, et ses voix spectrales qui me font penser à de sombres incantations vodou. C'est un autre
titre très fort ici. Un titre comme "Noize Centralis" n'a pas besoin d'être décrite. Sauf que j'aime bien cette
symphonie des bruits qui croulent sous de suaves nappes de synthé. "Conclusion - part one, two, three"
conclut le premier acte de “eleVen” avec une structure similaire à l'introduction. C'est sans la voix de Leanna,
mais avec beaucoup plus de bruits sur une structure de rythme qui se demande constamment si elle doit
avancer ou arrêter.
Après le très bon rythme de spirale inversée de "The Descending of the Nazca Plate" et de ses mouvements
linéaires qui font du stop'n'go, comme des filets stroboscopiques constamment retenus, dans une
enveloppante structure arabique (quel beaux airs flûtés), le CD 2 de “eleVen” propose une approche nettement
plus ambiosphérique (ambiosonique?) où les rythmes battent avec la peur d'éclater dans un immense canevas
de bruits télévisuels. Les dialogues, les gouttes de pluie, les bruits de ville et les crissements glauques des
spectres, "Ghost" of Macula" et "Relax", ainsi que des bruits tapageurs qui nourrissent les squelettes de
rythmes et des harmonies en fusion, "Imagination" et "More Ivory", dominent les rythmes un peu genre
synth-pop, comme "Man vs Woman" qui rappelle indéniablement du Kraftwerk mélangé avec du Sneaker
Pimps, ou encore plus genre techno, comme "Oriental Device" et de son enveloppe ambiante qui respire un
peu les fragrances de la Berlin School. "Outrage at Tranquility Bay" termine cet album assez intéressant de
Conny Olivetti avec des battements soutenus qui résonnent sous les lignes de synthé aux airs spectraux et
dans les timbres égarés d'un délicat piano qui semble intimidé par cette lourde approche patibulaire. Tellement,
qu'il ne peut compléter ses harmonies.
J'ai bien apprécié ce premier contact avec l'univers très effervescent de Conny Olivetti. J'aime ces squelettes
de rythmes qui traînent dans l'attente d'imploser et de faire disloquer leurs petits os avec des mouvements
mous qui séduisent tout autant que ces ambiances, parfois futuristes ou tribales, qui embaument “eleVen” d'un
parfum très Vangelis. Je pense que ceux qui ont aimé The City vont apprécier, alors que les amateurs de
psybient et de psybeat du catalogue Ultimae Records seront au 7ième ciel avec ce dernier album de Conny
Olivetti.
Note : 4/6
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Gustavo Jobim : Tsunami
Chronique réalisée par Phaedream
La MÉ! Le berceau de l'expérimentation! C'est la beauté de cet art. Cette capacité qu'ont les artistes, les
essayeurs à œuvrer avec les nouveaux bidules qui inondent régulièrement le marché de l'innovation. Ces
artisans, ceux qui comprennent les fils, les connexions et les boutons, s'ingénient à en extirper toutes les
facettes et les secrets en modulant des sons, en sculptant des rythmes et en brodant des mélodies. Mais
restons dans le berceau de l'expérimentation. Gustavo Jobim est l'un des fiers descendants de la lignée des
expérimentateurs soniques qui osent aller là où Conrad Schnitzer, une de ses grandes influences, nous a
souvent amené. Composé et joué avec les synthés Korg Monotron Delay, pour la pièce-titre, et le Korg
Monotron Duo, pour "Atlantis" “Tsunami” est déjà son 16ième album et il poursuit cette passion qui dévore le
synthésiste Brésilien pour les expérimentations sonores. C'est un album intensément noir où les tonalités
défient constamment les oreilles. Bref, un album qui ne renie pas du tout les œuvres précédentes de Gustavo
Jobim, notamment Manifesto et Inverno.
La pièce-titre émule nos oreilles avec de lourdes et sombres respirations. Et défié est un terme qui s'impose ici.
Sculpté dans les effets d'échos, de distorsions et de réverbérations du Korg Monotron Delay, "Tsunami"
gronde, crisse et amplifie ses offrandes soniques dans un lent mouvement velléitaire où la violence nourri plus
l'imagination, avec une fascinante impression d'inconfort, de panique et d'immersion, que le sens du rythme,
même un tant soit peu ambiant. On peut aisément confondre les sons avec des vents qui rugissent, alors que
les éléments de panique qui émanent de la finale ne laissent aucun doute quand à l'urgence de la situation. Ici il
faut voir au-delà de l'harmonie, car il y en a aucune ombre, aucune trace, et se mettre dans les oreilles des
potentielles victimes qui voient ces grandes vagues, qui entendent ces énormes brises mortelles déferlées et
soufflées entre les oreilles. Impressionnant, mais ça demeure une approche très expérimentale. "Atlantis"
gronde comme une machine. Toujours aussi menaçante, l'intro grogne avec de fines saccades dans des bruits
parasitaires. En réalité on se sent plus près du cosmos, à bord d'une méga navette spatiale, qu'au cœur
d'Atlantis. Mais ça peut être aussi bien le contraire, tellement la sensation d'être ailleurs est omniprésente. Plus
musical que "Tsunami"? Je dirais moins violent et plus doux à l'écoute. Mais ça demeure une symphonie
passive pour sons et éléments de distorsions où Gustavo Jobim semble si à l'aise qu'un dauphin dans l'océan.
Note : 3/6
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Michael Brückner : Two Letters from Crimea
Chronique réalisée par Phaedream
Le moins que l'on puisse dire est que Michael Bruckner est très prolifique en cette fin d'année 2014. Ombra,
Your Second Chance et finalement Two Letters From Crimea viennent boucler une année où le musicien
originaire de Heidelberg nous avait donné le très beau Thirteen Rites of Passage de même que l'intrigant
Sparrows. “Two Letters From Crimea” est une véritable messe électronique, où les ambiances étreignent des
rythmes aux doux habits de down-tempos, qui origine d'un concert donnée dans une vieille église, Sankt Peter,
de Frankfurt le 1ier Avril 2014. Pour cette occasion, la musique de “Two Letters From Crimea” devait suivre les
évolutions d'un spectacle de lasers et lumières mis sur pieds par des artistes locaux.
Un long bourdonnement sourd inonde nos oreilles . Alors que des particules grésillantes et des éléments de
cosmos en picossent les ambiances assez sombres, des nappes de synthés aux douceurs orchestrales flottent
avec grâce. L'effet de contraste est enveloppant. Et on remarque à peine ces tintements cristallins qui pétillent
délicatement, formant le berceau mélodique qui séduira nos oreilles quelques minutes plus loin. De sourdes
explosions se font entendre et font trembler la finale de "The Black Sea Part 1" qui dérive mollement vers sa
suite et vers son rythme légèrement sautillant. Les percussions qui alimentent le doux rythme ambiant de "The
Black Sea Part 2" versent vers un genre tribal ambiant alors que les pulsations sombres des caisses basses
forgent un down-tempo lascif où la sensualité astrale est bien au rendez-vous. Michael Brückner façonne de
belles nappes de synthé qui miroitent comme des reflets dans l'obscurité. Elles bercent les chants des prismes,
dont symétrie de la mélodie résulte en un beau ver d'oreille, et flamboient dans de fluides saccades
orchestrales et dans des remous astraux avec des entrelacements qui se caressent et se rejettent dans une
fascinante symbiose aussi harmonieuse qu'ambiante, faisant de The Black Sea l'un des titres les plus
envoûtant et séduisant du répertoire de Brückner. Et il n'y en a pas juste un! "The First Letter" et "Odenwald"
sont des monuments d'ambiances noire avec drones bien sentis, des nappes de synthé flottant avec des airs
de menace et avec une flopée de chuchotements qui pourraient fort bien éveillées toute forme de paranoïa
latente. "The Last Letter", où l'on peut visualiser les grandes lignes ici, exploite toujours les ambiances
ésotériques qui nourrissent le cœur de “Two Letters From Crimea”. On y entend des étoiles filantes, des bruits
blancs, des pépiements et des nappes de synthé qui grondent comme des réacteurs de navettes spatiales dans
une longue intro qui se fait délicatement fouetter par une série de percussions et de séquences basses dont les
ombres soutiennent un rythme continu. Un rythme ambiant, pas vraiment loin d'un down-tempo, où reluisent,
crient et crissent des larmes et des nappes de synthé qui donnent un aspect plus cosmique qu'énigmatique à
cette enveloppe sonique très hypnotique qui fait aisément son chemin jusqu'au centre de nos deux
hémisphères. J'ai bien aimé l'évolution de "The Last Letter". Tout comme celle de "Peter (Part 1)" qui se fond
dans "Peter (Part 2)" et dont l'ensemble ressemble à s'y méprendre, à quelques nuances près, à "The Last
Letter". C'est du beau down-tempo sis sur de bonnes pulsations de caisses basses, de bons éléments
cosmiques et de belles orchestrations planantes. Ça fait toujours son effet. Avec son piano rêveur qui perd ses
délicates notes dans des vapeurs de mélancolie, "The Haven of Peace" s'accroche à notre lobe d'oreille afin d'y
monter, de s'y loger et de bien faire son nid. Les notes errent avec nostalgie, décalant leurs ombres dans des
filets de synthé embaumés de tristesse et des explosions feutrées qui éparpillent un voile dramatique. Des
percussions manuelles, genre claniques, tambourinent un rythme qui se sépare de la mélodie ambiante,
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affichant un étrange contraste qui s'amplifie à mesure que le rythme s'ancre avec plus de ténacité. "The Haven
of Peace", qui conserve toujours son aura de tristesse, s'enfonce dans un down-tempo un peu amoché où les
spirales qui le borde continue d'étaler ce contraste entre ce rythme, toujours un peu plus vivant, et cette
mélodie, toujours aussi renfrognée.
"In that First Light (Opening Improvisation)" est un long titre ambiant avec une enveloppe dramatique qui flâne
dans des éléments cosmiques. Les nappes de synthé sont lourdes et les orchestrations sont belles et assez
saisissantes, tressant des moments intenses qui font imploser cette longue structure dans de belles phases
lunaires. C'est de l'ambiant cosmique très méditatif alors que "(No) Saints", enregistré en studio, nous rappelle
les influences de Klaus Schulze sur Michael Bruckner. L'intro offre une belle phase ambiante avec des nappes
aux arômes quelque peu Jarre qui flottent avec dans une mare de bip sonores. Des bips qui se
métamorphosent subtilement en séquences avec des ions hagards qui sculptent un rythme flou. Ces ions
finissent par sautiller sur place alors que le ventre de la bête gargouille. Et "(No) Saints" de se pousser avec un
rythme pulsatoire où les ions picorent les lourdes pulsations, moulant des mouvements de séquences qui
tournoient, vont et viennent dans des phases de silences. "(No) Saints" éparpillent ses minutes avec ces
phases de rythme toujours assez incomplets, qui piétinent sur place ou tournoient intensément dans des
ambiances qui peu à peu reprennent leurs droits sur une structure échevelée. C'est tout le contraire avec
"Waiting Here, I Remember the Bells...", qui s'appuie un peu sur le modèle de "(No) Saints", mais avec plus de
luminosité dans les ambiances et plus de cohésion, de sagacité dans le rythme. J'entends du Software ici et
c'est très agréable.
J'ai eu le coup de foudre pour la musique de Michael Bruckner depuis que j'ai entendu 100 Million Miles Under
the Stars, l'un de mes albums préférés en 2012. Et depuis, le musicien Allemand ne cesse d'impressionner.
“Two Letters From Crimea” n'a pas la prestance de Sparrows mais est aussi bon que Thirteen Rites of Passage.
Le seul point faible est cette impression d'y entendre les mêmes structures, les mêmes amorces et approches
sur différents titres. Mais est-ce vraiment un point faible si l'on considère que la musique suit les illuminations
d'un spectacle de lumières? Mais peu importe, cet album a tous les atouts pour plaire. Et présenter dans un
format de 1 CD, “Two Letters From Crimea” trônerait pas bien loin de Sparrows dans la liste des bons albums
en 2014.
Note : 4/6
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Yob : Clearing the Path to Ascend
Chronique réalisée par Rastignac
Je n’arriverai pas à mettre moins de trois boules à un album de Yob. Le magazine Rolling Stone m’aurait donc
menti en clamant à la planète entière, enfin celle sous influence rock and roll que ce disque était leur album
“metal” de l’année ?! Bon, en même temps ils adorent le dernier Slipknot. Et puis, les tops ça veut rien dire…
mais quand même, ça avait réussi à me réveiller, car mon Yob je l’avais un peu perdu côté albums depuis The
Great Cessation… je ne sentais plus trop la puissance d’invocation, ce psychédélisme méga puissant que je
ressentais en concert en compagnie de ces bêtes de scène - il faut voir une fois Yob en concert, je vous le dis.
En parlant de ça, je suis vraiment un méchant disciple, je ne les avais même pas revu la dernière fois qu’ils sont
passés par chez moi, alors que la Une du Midi Libre version internet titrait sur eux, ce qui m’a bien fait
écarquiller les yeux - vous imaginez “Le Parisien” avec Anaal Nathrakh en Une ? ben voilà. Ce que je reproche,
et ça m’embête hein, c’est sur la pointe des pieds de peur de prendre un éclair sur la tronche, ce que je
reproche encore sur cet album c’est la perte de la flamme. Ils ne radotent pas, ils s’essayent même à des sons
assez inédits en se posant toujours comme héritiers autant du metal dans tout ce qu’il a d’épique et de couillu
que du hardcore punk arraché, mécontent, “Scott Kellyesque”... mais je ne suis plus happé par la spirale, je
suis en bas de la parabole, j’ai la chair sceptique. Je reste au bord de la berge, quelque part dans le mont
Mérou, à regarder Mike Scheidt hurler la transcendance par la visualisation de mandalas aussi complexes que
le plan d’une mosquée, aussi labyrinthiques que la structure d’une église, réutilisant ses vieux riffs pour en
faire des nouveaux ni trop différents, ni trop similaires… mais je n’entends que des chansons assez banales, le
pompon étant le morceau de clôture voulant jouer l’apothéose, mais qui ne me bouge aucun poil, un peu
comme l’introduction qui ne me pose pas non plus les fesses sur le méga vaisseau de l’espace infini de mon
esprit - entre ces deux bouts, le temps qui passe, c’est tout. Serais-je devenu blasé à ce point ? Suis-je encore
victime du dualisme ? Est-ce ma faute si je ne reçois pas bien les ondes cosmiques de Skippy le grand gourou
? Le programme est pourtant alléchant : doom très lyrique, sondant les profondeurs de l'inconscient, rituel
effectué pour clarifier notre sentier, celui qui nous amènera plus tranquilou vers la vérité ultime qui est euh...
hem. Hé ! Il parait que même le bouddha ne pouvait décrire le nirvana, alors moi… alors les groupes de metal,
vous me direz… J’ai écouté cet album sur vinyle, nous avons donc une chanson par face, ce qui est malin pour
méditer sur ce qui vient de se passer… mais, pauvre de moi, je ne ressens rien, ni de la révolte, ni un
bercement de mon âme, ni même l’envie de m’asseoir en lotus devant un mur ! Et pourtant y a même des
samples d'Alan Watts dedans... mais non, rien, nada, contrairement à plein de moments sur Elaboration of
Carbon, The Unreal Never Lived, The Great Cessation, Catharsis… où je m’en prenais plein la gueule, avec une
envie de multiplier mes têtes, plein de furie contre l’ignorance, le désir, l’ennui, plein de gnaque. Plein de sève
et de bave. Ben là, paf, c’est tout plat, à l’image du son de ce disque. C’est peut-être cela le dernier démon à
vaincre sur le chemin de l’illumination, qui sait : le piège de l’insensibilité, l’attachement aux émotions
neutres… va falloir que je m’écoute du Whitehouse, que je me fasse des infusions de Sibelius, que je me
réécoute The Unreal Never Lived, pour me foutre à poil sur le balcon, taper ma poitrine avec mes poings plein
de peinture rouge en embrassant le soleil, la lune, le monde phénoménal quoi, pour qu’il redevienne moi, que je
me refasse lui, que euh… voilà. Bon, vous comprenez pourquoi je ne pourrai pas mettre moins de trois? Non?
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Ben moi non plus, c’est catastrophique.
Note : 3/6
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MALEVOLENT CREATION : In Cold Blood
Chronique réalisée par Rastignac
Hop ! Je me faufile dans la discographie de Malevolent Creation sur guts, avec In Cold Blood. Bourrinade. Kif.
Batterie surréelle de puissance, de rapidité, de brutalité, de feeling. Riffs parfois crusteux dans les moments les
plus rapides. Très peu de solos. Voix agressive, monocorde, emprunts au grindcore dans les enchainements de
thèmes, côté mosheur des couplets. Phrases sans verbes. Non, je déconne... sorti en 1997, In Cold Blood est le
sixième album d'un groupe qui a donc roulé sa bosse métallique dans la boue du death US depuis déjà dix ans.
Pour situer Malevolent Creation, vous prenez par exemple Morbid Angel, vous le drainez des solos sumériens,
des paroles yog-sothotiennes, mais vous gardez un peu la même construction, le même creuset commun (une
malédiction ayant touché au même moment tout le côté Est des Etats-Unis, de Montréal à Miami ?). Pour le côté
grindeux, faites un tour du côté des paroles : anti-militaristes dignes d'un Sodom grognant sous la bannière
étoilée, critique quasi straight edge de l'addiction aux drogues, charge anti-pointeur, anti-LCDA ("La Clope Des
Autres", m'voyez ?), anti-raciste, critique de la consommation aveugle, du suivisme moutonnesque... Enfin,
voilà, ça coule tout seul au fond du gosier, et, messieurs et mesdames les expertes, ce disque doit être le seul
que j'ai écouté du groupe : j'ai eu envie, pour une fois, de prendre une ponction au milieu de la colonne, sans a
priori (bon, j'ai pas évité de lire les avis de TSOTL ou de Poky, c'est comme ça les réflexes "vérifier les archives
et les sources". Bref.). Résultat : je m'éclate là, je groove, je fais des gestes avec les mains tout seul dans mon
appartement vide, je bois de la bière, indépendamment de tout avis sur ce qui est culte, ce qui n'est pas culte,
ce qui est surfait, ce qui ne l'est pas, ce qui mérite, ou non, et pourquoi, et pourquoi pas, et pourquoi je sais pas
(ou non) plus ou moins trois boules jaunes. Compte tenu des effets produits, j'estime que ce groupe fait bien
du death metal, et du bon, qui te secoue la tête, qui remue les nostalgies du métalleuuuh traditionaliste (jackpot
pour le groupe, très bon vendeur de disques au final), qui sera apprécié par les fans de Suffocation comme de
Vader comme de Morbid Angel comme de Massacra comme de Obituary. Comme de death (metal). Si vous avez
lu les autres chroniques de Pokemonslaughter, et bien vous déduirez que le groupe ne s'est pas mis, lui, à faire
du techno indus my burnz ou à s'allier avec des rappeurs pour faire plus d'argent (remember ze mid-nineties
boyzzz) - vous n'aurez donc, j'imagine, aucune surprise sur In Cold Blood. Frappeur, ultra produit, tout rond
comme un ballon, plus jaune qu'un citron, le death, le malevolent se tape encore une fois plus que la moyenne,
parce que. Pourquoi ? parce que ça passe tout seul, parce que ça me donne le sourire, et que là ! J'ai envie de
frapper ma poitrine tout nu sur ma terrasse avec un pack de bière au frais. Bleuargh.
Note : 4/6
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Accept : Russian roulette
Chronique réalisée par Nicko
On ne le sait pas encore à sa sortie, mais "Russian roulette" sera le dernier album du groupe avant un virage à
180° et un changement de style improbable. Parce que sur les années 80, Accept continue inlassablement son
ascension vers les sommets du heavy metal traditionnel. On peut même dire qu'Accept est au metal ce
qu'AC/DC est au rock n' roll, une machine à riff et un style qui varie assez peu. "Metal heart" possédait une
production légèrement plus soft que sur "Balls to the wall". Là, "Russian roulette" revient à un son un peu plus
dur, mais avec des compositions toujours aussi directes et moins sombres que sur "Restless and wild". Udo
Dirkschneider ne change pas son chant, toujours très rocailleux et metal jusqu'au bout des ongles. La
production est plutôt froide et mécanique, tout à fait conforme à l'imagerie des allemands. En fait, "Russian
roulette" possède les défauts de ses qualités (et inversement). Il s'agit d'un album facile d'accès, dans la lignée
de ce que le groupe fait depuis le début de la décennie, sans véritable changement de style ou d'évolution. On
retrouve les parties ultra-mélodiques qui font le succès du groupe, les solos de Wolf Hoffmann toujours aussi
inspirés, les parties à faire chanter le public pendant les concerts. Bref, Accept propose un album convenu. Et
donc, forcément, cet album n'apporte pas grand chose de nouveau et même s'il s'écoute facilement et s'il
possède de très bons titres (le morceau qui donne son nom à l'album, "Russian roulette", "T.V. war", "Another
second to be", l'excellent "Heaven is hell" ou encore "Man enough to cry" - très Deep Purple période David
Coverdale celui-là), il reste un ton en dessous des précédentes réalisations du groupe. Aussi, même si on ne
s'imagine pas le changement qui va s'opérer quelques années plus tard, on peut sentir un léger passage vers
un style beaucoup plus soft, plus moderne et, oserais-je dire, plus commercial, avec un "It's hard to find a way"
pas loin de la guimauve. N'empêche, "Russian roulette" reste une valeur sûre dans la discographie du groupe
allemand. La suite immédiate de la carrière du groupe sera pour le moins surprenante et aura pour
conséquence le départ, provisoire heureusement, du chanteur Udo.
Note : 4/6
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Sodom : In the sign of evil
Chronique réalisée par Nicko
Au niveau des précurseurs du metal extrême, il faut bien avouer que Sodom a eu son rôle à jouer dans
l'avènement du black metal. Comme il se doit, le groupe commence par sortir des démos cassette avant de
présenter un premier enregistrement sorti sur un véritable label. Et cet enregistrement, c'est cet EP de moins de
20 minutes, "In the sign of evil", qui va poser les bases du styles Sodom. On ne peut pas vraiment dire que les
allemands soient très raffinés. Au programme ici 5 titres de metal ultra-primaires influencés directement par
Venom et Motörhead, en version très répétitif (écoutez "Burst command 'til war"). L'influence de Venom est
évidente, on retrouve la même atmosphère sombre, démoniaque, bordélique ainsi que le même chant. En
ajoutant en plus Bathory et Hellhammer, Sodom est le quatrième pilier des débuts du black metal old-school.
Alors, c'est plutôt mal joué : Witchhunter, à la batterie, a du mal à bien garder le rythme, les breaks sont
hasardeux, mais ça reste dans l'esprit. Ce qui fait la patte de Sodom à leurs débuts réside dans les riffs très
rapides, joués à l'infini, et dans leur style à mi-chemin entre black metal démoniaque et thrash metal allemand.
C'est un peu comme ça que je définirais Sodom. Les titres sont redondants, mais cela fait partie du charme du
groupe, amenant l'auditeur dans une sorte de transe black metal. Il n'y a que très peu de variations, peu de
changements de parties. Le niveau technique est proche du néant. Les vocaux de Tom Angelripper sont
ultra-arrachés, peu maîtrisés et si proche de ceux de Cronos de Venom. Au-delà même du style joué, ce qui fait
que ce "In the sign of evil" est devenu un EP culte, au même titre qu'"Apocalyptic raids" des suisses
d'Hellhammer, c'est dans la qualité des morceaux interprétés et de leurs riffs. "Outbreak of evil", "Blasphemer"
et "Burst command 'til war" sont devenus des classiques indémodables des débuts d'un genre qui aura tout de
même bien évolué depuis. La suite de leur carrière sera plus portée sur le thrash metal allemand avec des titres
un peu plus recherchés et des changements de rythmes. Mais ici, cela reste rapide, démoniaque et primaire !
Note : 4/6
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Eric Dingus : 512 (mixtape)
Chronique réalisée par Ntnmrn
Eric Dingus n’en a pas fini de monter. Après ses quelques disques, mixtapes solo et collaborations, facilement
au nombre de 3-4 par an à compter de 2012, voilà qu’il se met à remixer à sa sauce, et avec brio, quelques
morceaux "marquants" — ou plutôt, qui ont marché — de l’année 2013. Un joli et discret disque qui réussit la
prouesse de transformer n’importe quel tube RnB, fric-hop ou trap en "cloud rap". La recette appliquée est la
même partout, à vrai dire, la même que sur tous les disques de Dingus : le morceau original un peu insipide est
passé au ralentisseur chopped & screwed : le tempo est ralenti, les voix et la zik sont pitchées ; le bouton de
reverb enfoncé pied au plancher, des nappes made by E.D. viennent embourber le tout. C'est simple comme
assourdir une enceinte avec du coton et du papier bulle. Si par hasard on n'avait pas été conquis par le
"Yeezus" de Kanye West, c’est une manière sombre et expérimentale d’y entrer, puisque le premier titre en
rassemble deux extraits suffisamment voilés sous drap fantomatique pour séduire les plus fondamentalistes de
l'underground. Si on n’aime pas Partynextdoor, qu’on se jette sur l’hypnotique "Codeine kidd" sûrement la
flamboyante réussite du disque — un titre frénétique, désolé, mystérieux ; car, comme rarement, les remixes y
sont majoritairement supérieurs aux originaux… celui de l’excellent "Kiss Land" de The Weeknd est le seul à
faire ici exception à cette règle inversée. Mais le seul vrai point noir sur le nez de ce disque est "The best
thing", remix ontologiquement médiocre d'une énième crasse j-pop. Parmi les meilleurs, a contrario, "Numb" de
Cassie et Rick Ross dont l’insert vocal embrumé pourrait faire office de slogan à tout l'oeuvre du garçon : "I
make music to numb your brain…" ; le "Tom Ford" de Jay-Z, métamorphosé en rituel vaudou sous MDMA ; les
trapperies de Migos et Gucci Mane méconnaissables dans ces accents bizarres et hors-du-monde qu’ils
prennent avec les synthés de Dingus ; et ce "Toronto" final, qui noie le "No New Friends" de Drake dans une
vallée d’échos. De quoi rendre supportable, en somme, même les plus célèbres escrocs musicaux de ce
bas-monde.
Note : 4/6
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YES : The studio albums 1969–1987
Chronique réalisée par Nicko
À peu près tout a été dit sur Yes dans Guts Of Darkness il y a près d'une quinzaine d'années par mes collègues.
Je ne suis pas un aficionado de la formation, mais je suis curieux et je tenais à ajouter mon petit grain de sel
aux pages du groupes anglais. Yes, c'est tout à fait le genre de trucs qui me rappelle mon enfance, cela fait
partie des nombreux groupes que mon père adore. À l'époque, je trouvais leur style un peu trop compliqué
pour mes jeunes oreilles, mais je restais fasciné par leurs superbes pochettes. Et c'est vrai que leur musique
faisait un peu peur avec leurs structures ahurissantes ! Je ne suis pas là pour vous faire des critiques des
albums, Sheer-Khan, Progmonster et Spotted Tail l'ont fait bien mieux que je ne pourrais le faire ! Non, je vais
vous parler de cette belle box qui contient tout de même les 12 premiers albums de la formation, de "Yes"
datant de 1969 à "Big generator" datant de 1987. 18 années d'albums studios, dans une même belle boîte
cartonnée. Chaque album est présenté dans une miniature cartonnée, elle-aussi, du vinyle d'origine. En plus,
chaque album est agrémenté de bonus tracks (62 au total !), donc pour le coup, on ne peut pas dire qu'on se
foute de la gueule du client. On a même droit à un petit poster bien sympathique. Le tout étant disponible pour
la modique somme de 35€. Honnêtement, quand j'ai vu cette box, je ne me suis pas fait prier. 30 ans après mes
premiers contacts avec leur musique, je me suis dit que ça pouvait être le meilleur moyen pour mieux
appréhender leur musique maintenant que mes oreilles étaient préparées pour écouter ce genre si complexe. Si
vous voulez plus de détails sur chacun des albums, je ne peux que vous encourager à lire les chroniques de
chacun des disques. Tout ce que je peux vous dire, c'est que moi, qui ne possédais pas les albums du groupe,
je me délecte à découvrir tranquillement chacun des disques de cette box et que c'est un réel plaisir, pour un
investissement assez raisonnable, avec une qualité sonore optimale. Je ne peux que conseiller cette box à
quiconque voudrait découvrir l'œuvre pléthorique du quintette anglais.
Note : 5/6
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GRIP INC. : Nemesis
Chronique réalisée par Rastignac
Ah les années 90… Dylan Carlson go to rehab and say no no no maybe yes, Slayer fait danser les mosheurs sur
un Divine Intervention qui va petit à petit éloigner les papes du thrash du… thrash, et Dave Lombardo continue
à remplir son carnet d’adresse. Grip Inc. fut un groupe duquel il ne pouvait se faire virer vu que c’était son
groupe et qu’il n’y avait pas Kerry King dedans, Grip Inc. ayant été monté par le Dave avec Mr. Sorychta,
rencontré apparemment lors des sessions de ce groupe déjà chroniqué par mes soins, avec Schuldiner et
Petrozza dedans et qui me fait brrrr… dans le dos (je vous laisse chercher dans notre base de données). Oui.
Donc Grip Inc. a été pondu à un moment où même Bruce Dickinson avait besoin d’inédit, où le metal s’hybridait
à grande vitesse… les gars qui passaient pour des précurseurs se faisait happer de plus en plus vite par la
machine médiatique et la demande de faire comme le public / les médias voulaient, ce qui valut quelques
suicides et overdoses de ci de là, cf. Guns n’ Roses et Nirvana… Dave, lui, il veut continuer à faire des
roulements de toms et foutre toujours des gros coups sur la caisse claire. Ce sera fait avec Grip Inc. et
Fantômas, quelques piges chez Zorn, puis un retour inespéré dans Slayer (puis un nouveau "licenciement").
Auparavant, en 1997 donc, Grip Inc. nous avait sorti un deuxième album sans attendre qu'on dise ouf, album
que j’écoutai comme le premier sur mes radios locales qui passaient du metawl, comme l’émission Chapel of
Ghouls de Radio Brume ou les émissions metal de FM 63 et Radio Arverne, selon l’endroit où je me trouvais…
pour coller ces morceaux sur des cassettes, j’ose pas appeler “mix-tape” tellement je faisais ça avec les pieds.
Pourquoi je vous sors cet instant vieux con faisandé ? Parce que Grip Inc. rime pour moi avec années 90 et
“pas une thune”, on écoute tout ce qui tombe, on est accroché direct dès qu’il y a quelque chose de people qui
se passe comme, du genre, Lombardo qui se fait virer de Slayer, Dickinson de Maiden… on se précipite sur le
premier projet pondu par l’exclu après l’écoute répétée cinq fois du même single enregistré sur la cassette
toute daubée, on partage de manière absurde avec ce paria le désarroi de ne plus jouer Angel of Death sur
scène… Et on est déçu. Grip Inc. m’a déçu à l’époque, et continue de me décevoir aujourd’hui : on oscille entre
metal pompier un peu comme du Nile qui aurait pas fini d’apprendre ses gammes ésotériques, un peu comme
un ancêtre de Ramesses, aussi simple mais plus produit, moins putride, et un Sepultura samba de l’époque (cf.
Myth or Man avec un Dave Cavalera aux congas), le tout ponctué de claviers de la tehon, très peu de plans
thrash, pleins de thèmes néo-métal (“Osons !” “Innovons !”), voire des essais de mimétisme du Slayer à
l’époque (la rengaine à la “Killing Fields” sur le premier morceau)... Ce qui me gâcha beaucoup le plaisir
également, et c’est ce qui continue malgré tout à me les casser est l’inexpressivité de la voix du chanteur, et
finalement un jeu de batterie assez transparent de la part de notre Lombardo préféré. Alors, que retirer de tout
cela ? Que Killing Joke tapait dans l’esprit des thrasheux ? (cf. Scream at the Sky ou Rusty Nail, assez
pandémoniumesco-démocracyques) ? Que Slayer c’était mieux avant ? (l’avenir nous le dira) ? Que Lombardo
est entouré de mauvais conseillers ? Qu’il avait peut-être juste envie de faire des choses simples, un peu
comme une pause saucisse knacky au bord de la rivière, à construire un petit moulin à eau pour se détendre ?
Ou une session tranquiloute de fauchage dans un champ qui ressemblerait à une meule de fromage ? Qui sait.
Tout ce que je peux dire maintenant que mon bide s’épaissit sous le choc des âges c’est que même si à
l’époque je me faisais embobiner par n’importe quel coup médiatique, je le sentais bien fort passer dans le
fondement après réception, et je creusais très profond pour savoir si je m’étais fourvoyé à acheter ce disque,
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contrairement à notre modernité post-2000 pleines de vibrations, de recul sur l’évènement et de gestion des
multiples sources d’information à disposition grâce à l’accès haut-débit au web (LOL). Aujourd’hui il suffit de
googler le nom du groupe pour comprendre, avant de dépenser un dime. Et alors ? vous me direz. Et alors, ben,
si vous lisez cette chronique déjà, merci. Et puis, si vous aimez le thrash, écoutez Sodom, par exemple. Si vous
adorez Lombardo écoutez Slayer, et si vous êtes toujours aussi curieux après la lecture de cette creuxnique
ben jetez une oreille sur cet album très formaté FM, très imprégné d’un mysticisme un peu plastoc, et encore
une fois d’un Killing Joke qui serait passé dans la moulinette d’Headbanger’s Ball. Donc moilà mon offrande
sur l’autel du passé : 3,1 boules de naphtaline à la gloire du metal à tonton, mais bon, pas le metal qu’il met en
vitrine, plutôt celui qui prend la poussière à côté de cette cassette de Steve Vai.
Note : 3/6
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Ginger Wildheart : 555%
Chronique réalisée par sergent_BUCK
Êtes-vous fait pour la Pop, la vraie ? C'est avec cet album que vous allez le savoir, au risque de vous mettre
tous vos amis à dos si vous osez le passer en public. Écouter ça d’une traite, c’est faire un grand saut sans
élastique ni parachute à travers ce qui est sorti de plus pur et sans concession dans le style en 2012. Car il
s'agit d'un album monstrueusement ambitieux... Vertigineux même. Triple disque totalisant plus de 2 heures
pendant lesquelles l'artillerie lourde pilonnera les auditeurs à coup d'énormes power guitares, de refrains de
200 mètres de haut, de rafales de chœurs largués depuis les dirigeables, de… le tout sans une seconde de répit
et surtout sans faire dans la dentelle. Car oui, tout ce fatras est très sucré, et risque de vous peser bien fort sur
l’estomac si vous n’avez pas l’habitude de vous gaver d’arcs-en-ciel au petit déjeuner. Oui, le tout est parsemé
de mélodies et refrains carrément pompiers et pompants, de voix sur-forcées, de claviers cosmiques qui
déballent sans la moindre retenue leurs sons les plus baveux, et le peu que j’ai osé comprendre des paroles
était affreusement niais… On se retrouve au final avec une sorte de gros pavé à trois étages débordant de
gloss, un Opéra Rock sans vraiment de concept, comme si le Electric Light Orchestra et le Devin Townsend
band s’étaient réunis et avaient balancé tous les excès qu’ils n’avaient pas osé écrire dans leurs carrières
respectives… Mais voilà, malgré les nausées qui montent, au milieu de ces cascades de grenadine, entre les
missiles en sucre d’orge et les bombes fourrées praline, on trouve toujours le petit truc qui fait mouche,
l’accroche qui fait taper du pied, il y a forcément de quoi se laisser tenter, oublier ses complexes, et finir par
chantonner en cœur comme un demeuré. De ce point de vue, on a droit à un paquet de tubes
interdimentionnels, comme le disco propulsé à réaction de 'It appears the party's over', la très agréable petite
pièce montée qu’est ‘Deep in the arms of Morpheus', 'Lie when you tell me the truth' qui serait en quelque sorte
le hit qu'Elvis Costello aurait toujours rêvé d'écrire au sein des Attractions, ‘I-N-T-E-R-N-A-L Radio’ et son final
grandiloquent à faire fondre, ‘Baby Skies’ qui remets ça encore plus fort, malgré les 3 minutes de purée tagada
qu’on doit se farcir avant… tout ça en ne piochant que dans le premier disque !
Hélas, l’inspiration ne tient pas sur toute la longueur, et les deux suivants peinent à se hisser au même niveau.
A moins que ce ne soit que mon estomac qui n’aie pas la place de tout contenir ? Alors un conseil : laissez
votre bon gout et votre retenue au vestiaire, n'ayez pas peur de plonger dans ce bain sucré, acidulé, gélatineux,
aromatisé aux fruits chimiques et empiffrez vous jusqu'à écœurement ! les Doggy bags sont offerts par la
maison. Et puis sérieusement, qui peut résister à une pochette pareille ?
Note : 3/6
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Oyohualli : Le Ventre Articulé
Chronique réalisée par Dioneo
Voilà, cœur de la nuit, hiver. Je ne dors pas. C’est une heure où la poussière brûle en odeur entêtante sur les
résistances des convecteurs. (Vienne la facture…). C’est celle où les questions, les inquiétudes, s’allument
alors qu’au dehors tout bruit s’est tu, même la dégringolade, les précipitations – mais pas asséchée la
chaussée. On leur fait face. On se toise. On se rend compte qu’ils, qu’elles, que ce sont nous. "Ce que l’enfant
décidera d’appeler un langage se passera de vos compréhensions"… Oyohualli – projet de Loup Uberto, entre
autres vocaliste et clavier dans Mesdames (mais de toute façon il semble que tous les membres dudit groupe
aient bien plus d’heures que nous tous à leurs jours, si l’on en croit le nombre invraisemblable de formations
dans lesquelles chacun d'entre eux joue par ailleurs) – fait usage du verbe. Le bon ; c’est à dire : en le
retournant, en le faisant rythme sur quoi, par quoi se meut le son – à moins que ce soit le contraire : que ce soit
lui qui dans la vibration se confonde ; en l’articulant pour qu’on saisisse bien, surtout, ce qu’il, à quel point il ne
peut pas dire. Cet homme écrit ; et parle ; et pousse parfois une gueulante un peu aigüe ; en français, en
anglais, oh my captain… ; il joue du saxophone et d’autres corps sonores, à lamelles, à cordes ; ils sont deux
autres, là-dedans, un qui frappe, un qui touche ; appelez ça si vous voulez du jazz, du free… Les mots disent
dans leur creux, je répète : les formes mutent, les bribes sont remontées, inversées elles aussi, parasitées ;
Oyohualli veut dire Grelots, en nahuatl (en d’autres langues amérindiennes d’hémisphère sud aussi, il
semble…) – ce sont ceux que portaient aux chevilles, au cou, les empereurs, et les captifs aussi sacrifiés au
Soleil ; je ne sais ce que par là ils veulent dire ; les grelots en tout cas sont accessoires de danse, et particules
minimums de musique. Il est question d’enfance, encore, dans Oyohualli, dans ce disque nommé Le Ventre
Articulé – celui là aussi, tiens, pourrait être un des noms de la Musique. Ici plus directement dite que dans
Mesdames – où elle est autrement en jeu, vécue, atteinte. Ici elle est fragilité et recherche constante. Elle est
moment de fatigue de celui qui a couru tout le jour. Vulnérable mais tous sens ouverts. Le sommeil s’enroule,
enfle, fait le cocon où va s’engouffrer le rêve qui nous plonge dans les souffles, nous y tient, nous en cerne, qui
nous soulève ou nous plaque. C’est un seuil de perception. Et un moment très court – ceux-là sont toujours
brefs, où l’état de celle-ci bascule. Il s’agit de poésie. Pas celle d’ornement – et c'est pour ça qu'il n'est pas
honteux ou ridicule de l'appeler ainsi. Celle qui cherche, disais-je, qui défait l’évidence pour en trouver le
noyau, le palpitant. C’est instable, étrange, tout de suite familier. L’image par les yeux, la saveur qui s’entend, la
fumée qui chemine sur ses membres. L’obscurité qui pose paume à la peau. Il y aura, des mêmes, un autre
disque, l’année d’après. On pourra dire – si on y tient, à nouveau – que celui-là sera rock, davantage. Ce sera un
autre angle. De nuit, on vous dit, dans le crépuscule industriel, la règle diffère : les plans parallèles peuvent s'y
croiser. Cette fois, il est temps d'éteindre l'allogène. ("Où le ciel animal envahit la rétine"…).
Note : 4/6
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SUMMONING : Dol Guldur
Chronique réalisée par Rastignac
Je vais encore être obligé de raconter une histoire, voire deux. Vers l'âge de dix/douze ans je fus happé par
l'univers de Tolkien via "Les livres dont vous êtes le héros". Pourquoi ? Parce que dans la collection "Défis
Fantastiques" il y avait une référence au Seigneur des Anneaux dans le laïus présentant la série. T'sais, juste le
titre m'a attiré, c'est con, mais ensuite ce sont ces trois mots uniques qui ont uni ma psyché a un moment clé
de la vie, celui où l'on se rend compte que des Mordor poussent dans tous les coins, mais que des Galadriel ou
des Aragorn sont là aussi, si on sait taper à la bonne porte de la bonne auberge, genre "Poney Fringant". J'étais
tellement imprégné des Terres du Milieu que je me suis envoyé la totale derrière, Silmarillion, Bilbo, ces
poèmes de Tom Bombadil tellement mal traduits, Les contes et légendes inachevées et même des thèses sur le
mec, des recueils d'articles, etc., enfin, le fan quoi. J'étais tellement imbibé qu'à un certain moment j'ai voulu
voir en Tolkien une espèce de prophète de temps tellement anciens qu'ils avaient été oubliés par tous sauf lui,
l'anglais d'Oxford, le philologue écolo. Je voyais cet oubli réparé par la cartographie (je refaisais la tectonique
des plaques pour figurer la Moria dans les Alpes et la Comté dans le Bugey, c'est pas facile...), mais aussi par la
linguistique, par la puissance du romanesque et de l'épique. Je crois que les mecs derrière Summoning ont dû
forcément passer par au moins une de ces étapes... Obsédés par le J.R.R., nos autrichiens fleurons du label
Napalm ont comme qui dirait recréé leur Tolkien. Comment ? En le black metallisant, et en mettant plein de
synthés. Beaucoup, beaucoup de synthés, type trompettes, violons, piano, instruments à vents, orgues,
chœurs, sifflotements, tout y passe, donc faudra vous y faire pour aimer... Ce fut longtemps rebutant pour moi,
la liaison glaire d'orc et trompettes triomphantes. Et synthétiques. Mais après des heures passées le nez dans
des RPG comme Baldur's Gate ou Might and Magic VI, j'ai enfoui dans mon inconscient un réel feeling avec
l'alliage improbable du plastic et du fer, du sang froid de Smaug et du warg trop pixellisé. Leurs albums sont
donc comme des guides Michelin de notre chère Terre qui êtes au Milieu, que votre nom soit sanctifié,
ténébreuse, pleine de clochettes et de flutiaux : après Lugburz et Minas Morgul, nous voilà à Dol Guldur, une
des tours de Sauron, celui qui se prend la pâtée dans le dernier épisode des films de Jackson pour les plus
novices d'entre vous. La visite des caves et des tourelles de Dol Guldur se fera au rythme incantatoire d'une
voix très raclée comme on l'écoute habituellement dans le black, des guitares très épiques et trémolées,
beaucoup de folk mais très synthé-nineties, pleines de gros pixels, avec un casque à cornes trônant sur l'écran
hénaurme du meuble "multimédia", au coin du salon. Très typé jeu de rôle, très mélodique, parfois un peu
martial, comme une version rock synthétiseur de la BO de Barry Lyndon ou de Conan le Barbare, Dol Guldur
saura faire vibrer la fibre du métalleux, car, tels les dieux sumériens, le pandémonium et la mythologie
nordique, l'imagination monumentale du Vieux Maitre a parcouru sans cesse les sillons du hard rock, du heavy
metal et du heavy psych, cf. Led Zeppelin, Black Sabbath, Cirith Ungol (facile çui là)... la liste est longue. A
fortiori, les décennies métalliques suivantes resteront fidèles au créateur de ce monde complètement dingue.
Summoning, planté comme une tour de Barad-dûr dans le flanc de cette tradition restera un des meilleurs
ré-inventeurs de ce monde et du black dit "symphonique" ou "atmosphérique", navigant en père peinard aux
frontières du kitsch en l'irriguant de folk, de vision cinématographique et de souffle inspirant. Le groupe saura
par la suite encore plus emprunter à d'autres ressources folk et étoffer son propos, tout en gardant cette alliage
metal / mélodies poignantes / lumière / obscurité. Dol Guldur restera en tout cas le disque qui a fait cartonner
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Summoning, et restera aussi, j'imagine, un disque tenant au cœur des admirateurs de Protector et Silenius. Il
irritera les mâles alpha ridant des harley et s'envoyant des doses massives de rock sudiste, et il sera une
curiosité de plus en plus addictive pour le fan de Tolkien - ce qui est mon cas, au bout du compte, et, au bout
de multiples essais et écoutes, force est de constater que j'ai envie de me réécouter cette musique qui me parut
parfois irritante, mais toujours fascinante. Et de plus en plus attachante, au final.
Note : 4/6
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SIIIII : Modern
Chronique réalisée par Twilight
‘Ancient’ le noir, le disque que Siiiii n’avait pu sortir de son vivant, comme une vraie chance de se recréer une
existence, ‘Modern’ le blanc, l’assise dans la réalité contemporaine histoire de prouver que cette réunion n’était
pas un simple exercice nostalgique; frères complémentaires de la même carrière, faux Yi et Yang. Cet album se
sera fait attendre mais il en aura valu la peine, cela se sent dès les premières secondes de l’excellent
‘Spite’…Tout est là, la rythmique roulante, les guitares froides et combattantes et le chant de Paul
Devine…Quiconque l’a comme ami sur Facebook comprend sans l’avoir rencontré à quel point l’homme est
humain, volontiers facétieux, dissimulant sous ses pitreries une profonde sensibilité; il n’a jamais si bien
chanté. Tour à tour grave (‘Spite’, ‘Instinct’), en colère (‘Castrato’), mélancolique (‘Wax and wane’, ‘Statue’…),
son timbre évoque des émotions fortes, prenantes, servies par une orchestration impeccable car Siiiii font
partie de ces formations qui ont un vrai sens de la mélodie. On sent que la vie a laissé des cicatrices sur les
musiciens et ‘Modern’ l’exprime, la maturité de l’âge adulte a remplacé une certaine fougue juvénile pour lui
substituer un feeling plus mordant encore, plus acerbe dans ses réflexions existentialistes mais également
dans un jeu assuré et maîtrisé. Mon seul regret est la durée ‘excessive’ de pièces calmes telles que ‘Statue’
(une chanson émouvante pourtant mais un brin trop longue à mon goût) ou l’enchaînement ‘Tower of silence’/
‘Glossolalia’ (le premier n’hésitant pas à défier le Dead can Dance des débuts, le second se présentant comme
une pièce ambient hivernales sans percussions avec vocaux égarés dans un grésillement lointain). Rien qui
n’entrave pourtant le plaisir de l’écoute ni la force de morceaux plus agressifs tels que ‘Castrato’, ‘Instinct’,
‘Springheeld’ Jack’ (un ancien réactualisé, au même titre que ‘Dust’, ‘Conception’ et ‘Statue’) ou encore ‘Spite’.
Toute personne s’étant réjouie de la sortie de ‘Ancient’ appréciera de voir la confiance placée en Siiiii
totalement justifiée, un combo bien à sa place dans le monde musical d’aujourd’hui.
Note : 5/6
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DARKSPACE : Dark Space III I
Chronique réalisée par Rastignac
Darkspace, épisode III, première prise, chapitre 4. On peut le dire comme ça, non ? Après avoir pris un
abonnement intercontinental dans plein de festivals, après avoir sorti quelques albums et acquis une certaine
notoriété dans la sphère des black metalleux cosmologues, Darkspace a fait du chemin... ou non. À vous de
voir. De mon point de vue, vous retrouverez encore ce mix de musique électronique, de synthés, de couches de
guitares, ces instants oniriques, avec boite à rythme binaire plus ou moins rapide et blasteuse, dansante ou
écrasante, ces murmures, borborygmes et autres cris censés sortir d'outre-espace - mais qui sont bel et bien
gravés dans le disque que vous avez acheté, je vous rassure si vous écoutez l'album dans un état tangent.
Trois morceaux de 20 minutes en gros, avec des titres sortis d'un manuel de droit administratif : on n'est pas
dans le fast listening, il vous faudra prendre le temps, vous caler et écouter ça en prévoyant que vous serez ou
emporté dans l'esprit des concepteurs de ce Nostromo suisse (Nostromo le cargo interstellaire, pas le héros de
Conrad, ni le groupe de grind issu de la même Confédération), ou énervé par cette débauche de moyens censés
figurer l'espace qui si je ne me trompe pas est d'un silence pesant. Imaginons donc que tout cela figure plutôt
des entités extra-terrestres et leur véhicule voire leur foyer, comme nous le suggère le livret et sa tête d'Alien à
la Area 51 : et bien ils ont l'air pour moi d'être des champions de la vitesse et des virages serrés, car on est bien
chahuté dans leur module intergalactique, avec quelques pauses à la pompe quand même - ce sont d'ailleurs
ces moments dark ambient typé SF qui me titillent le plus la glande pinéale, que ceux plus technovaisseau de
Metaaal. Même si on a déjà entendu dans leurs précédents chapitres et morceaux en chiffres arabes ou romains
ce son de moteur hypersonique et ces murmures figurant le mystère de l'inconnu intergalactique, ce voyage
reste néanmoins plaisant, sombre, cosmique, éthéré, claustro, pas très humoristique, mais je me demande
bien encore comment quelque chose d'inédit pourrait sortir de ce creuset déjà bien usé... On pourrait dire cela
de tellement de groupes et de styles de musique, mais je préfère vous le répéter : vous ne serez pas surpris,
alors même que ce voyage intra-inter-megagalactique devrait être au contraire enivrant de surprises pour nous
pauvres mammifères non-volants... C'est un peu le paradoxe de ce disque, et des musique dites "occultes" : à
force de dévoiler le caché et de le vendre, il en devient quelque chose d'aussi banal et connu qu'une chanson
de Serge Lama - mais attention ! Être lisible et ne prendre plus personne par surprise ne veut pas dire que la
musique que l'on produit est mauvaise. C'est juste un point de paradoxe que je souhaitais encore relever, que
ces musiques extra-ordinaires puissent s'acheter sur amazon.com, et s'écouter dans le métro, en lisant un
journal gratuit. Vous voyez ? Ceci étant dit, la dernière téléportation de Darkspace dans notre monde de gueux
reste un bon millésime 4 boules point zéro, pour ceux qui aiment laisser du temps au temps, pour celles qui
considèrent que lorsque la musique est bonne ben ça vaut le coup de se balader et d'imaginer pendant une
heure des espaces, éléments et espèces complètement fantasques, confortablement installée dans le sofa dans le noir et sous substances c'est encore mieux.
Note : 4/6
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POLARIS : Way Out
Chronique réalisée par Phaedream
Ça faisait un bail qu'on avait entendu parler de Polaris et de son pourvoyeur sonique Jakub Kmiec. Celui qui
avait littéralement surpris la planète MÉ avec l'étonnant Collision, paru en 2011 et issu d'une mémorable soirée
d'improvisation sonique avec son compatriote Krzysztof Horn, revient avec une suite logique à son
Background Stories, son véritable dernier album studio réalisé en 2008. Si “Way Out” est une nouveauté, les
titres qui gonflent ses rythmes d'une doucereuse approche de synth-pop fondu dans une IDM plutôt morphique
ont tous été composés entre 2009 et 2013. Des titres qui tirent aussi vers un genre d'Électronica avec des
influences de Jarre et Spyra qui se font entendre dans des approches où les séquences, percussions et
pulsations sont les seuls tributaires des rythmes, alors que les synthés subdivisent leurs tâches en s'occupant
du volet harmonies qui sont aussi diversifiées qu'attrayantes et entraînantes avec des nuances assez
avant-gardistes.
"Entrance" met la table avec son rythme aussi lourd que sec. Des arpèges isolés crachent des résonnances
rythmiques avec des ions qui stagnent dans des ambiances nourries par un synthé aux couches de brume. Un
synthé aromatisé aux fragrances de la bonne vieille Berlin School et dont les ambiances, aussi harmonieuses
qu'évasives, sont rajeunies par des parfums plus contemporains. De lourdes réverbérations ronflent en même
temps que les percussions tombent. Et le rythme de "Entrance" intensifie sa présence et diversifie sa course
entre un up-tempo nerveux, un genre de break-beat, avec des saccades et des bourrasques, ainsi qu'un
synth-pop mélodieux avec un synthé qui évapore constamment ses harmonies contagieuses. Le ton est donné!
Polaris mettra dans nos oreilles une palette de rythmes qui grouillent et fourmillent nerveusement à l'intérieur
de leurs nuances. L'enveloppe électronique et ses ombres ambiantes restent très présentes. D'ailleurs c'est
avec cette approche que "White Horizon" se loge dans nos oreilles. L'intro est relaxante avec des lignes de
synthé qui flottent dans des tons de cosmos sur des spirales de séquences, des arpèges rêveurs et des échos
de percussions métalliques. Peu à peu les percussions palpitent dans une forme d'approche clanique alors que
"White Horizon" refuge ses harmonies dans un mélange de lounge et de Chill-out assez relaxe avec des
pulsations sourdes qui résonnent et palpitent sous une nuée d'étoiles soniques filantes. "Unstoppable" suit
avec une aussi longue structure où le rythme grenouille de ses phases instables. Doux et mélodieux,
notamment avec des harmonies de synthé qui roucoulent en boucles comme des chants de rossignols lunaires
aussi juvéniles que très harmonieux, il pétille et grelotte dans des cliquetis et frappes de percussions
métalliques très Jarre avant de fondre dans des filaments stroboscopiques aux contours argentés. C'est jamais
violent et c'est un électronique très Berliner avec de très beaux solos de synthé. Les chants de synthé vous
interpellent? Vous aimez ces boucles rotatives qui marivaudent dans des couleurs de sérénité? Ils combleront
vos désirs avec le tendre et nostalgique "Stained Glass". Le rythme est doux. Un mélange de down-tempo et de
IDM à la Bowie sur Let's Dance truffé de serpentins stroboscopiques qui s'entrelacent dans de sourdes
pulsations dont les résonnances magnétiques émiettent des armoiries électroniques ambiantes. "Maps, DNA
and Spam" est dans le même genre. "Three Suns" est le titre qui se démarque le plus dans cette collection de
doux Électronica. L'introduction respire de ces tonalités intergalactiques qui faisaient écarquiller les oreilles au
début des années 70. En fait, on dirait un mélange de Kraftwerk, pour les ondes radioactives, et Software, pour
l'approche cosmique. La structure de rythme s'installe avec des cliquetis métalliques qui picorent deux lignes
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de séquences percussionnées dont le débit militarisé de l'une rappelle les douces folies créatives de Richard
Pinhas dans son sublime East-West. Les percussions qui frappent une cadence molle cadenasse une approche
ambiante assujettie par de lentes nappes de synthé parfumées de noir. Quoique boitillant plus que sautillant, ce
rythme reste très fascinant avec une pléiade d'éléments qui s'entrelacent afin de créer un canevas aussi
imaginatif que ces séquences qui halètent et suffoquent dans d'enveloppants bancs de brouillard cosmique. La
pièce-titre s'aliment aussi de ces percussions/séquences un brin organiques qui ornaient un peu la structure de
"Three Suns". C'est un beau down-tempo lascif qui exploite un peu une approche psybient, alors que
"Taklamakan" est plus incisif, plus danse avec un débit saccadé par des lignes argentées.
“Way Out” est un bel album de Chill, ou à la limite de Down-tempo, parfumés dans des ambiances assez Berlin
School. C'est un album sans prétentions qui coulent avec toutes la richesse de ses harmonies. Si les structures
restent sobres, elles attirent néanmoins ce goût de danses ambiantes, lunaires. Jakub Kmiec tenait absolument
à présenter “Way Out” en format CD manufacturé qu'il présente aussi avec un beau livret. Une initiative
endossée par le label Ricochet Dream qui se veut un salut, une forme de reconnaissance à ces fans de MÉ qui
se soucient vraiment de la conception physique de la musique.
Note : 4/6
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ALPHA WAVE MOVEMENT : System A
Chronique réalisée par Phaedream
Qu'est-ce que le “System A”? Pour Gregory T. Kyryluk c'est une région où s'entremêlent un réseau de routes
tonales où les champs stellaires sont la force motrice afin de créer des élégies. C'est aussi un monde de
contrastes où les particules de matières cryptiques se mélangent aux modulations électroniques et aux
lointaines pulsations provenant des murmures des Pulsar. C'est aussi la toute dernière fable électronique
d'Alpha Wave Movement qui signe ici un des beaux albums de MÉ cosmique où les rythmes, majoritairement
ambiants, et les ambiances, teintées de paradoxes, dégagent un délicieux bouquet sonique qui transcende les
frontières du “System A”.
Et ça débute avec des souffles et des bruits parasitaires qui ouvrent les sombres ambiances de "Cryptic
Signals". Des murmures quasi humains, des brises caverneuses et d'étranges bruits intergalactiques ornent
ces ambiances d'une approche extra-terrestre qui grouille d'originalité. C'est sombre et c'est ambiant. Ça
débute le long périple dans le “System A”. Il faut attendre à "Theta Space" pour se mettre un peu des rythmes
du dernier album d'Alpha Wave Movement dans les oreilles. Et ça débute par une chute d'eau et des vents
d'Orion qui soulèvent la sérénité de quelques accords pensifs. Des perles de crystal jaillissent d'entre les vents.
Leurs gazouillis se perdent dans les lointaines horizons alors que la mélodie très contemplative de "Theta
Space" se réfugie dans de sourdes impulsions qui tracent un rythme ambiant et ascendant. C'est du lounge
cosmique où la tranquillité tournoie sous les morsures d'un synthé aux ambiantes harmonies acétifiées alors
que le rythme étend plus son emprise avec des séquences qui claquent délicatement, comme des coups de
ciseaux dans la brume. "Asymmetrical Freefall" propose un délicat rythme plus vivant. Un genre de hip-hop
cosmique avec des soubresauts qui figent sur place. Délicat et un brin saccadé, il rompt les ossements de son
squelette filiforme dans une forme de danse astrale où chantent des mélodies évanescentes et rôdent des
nuages de brume qui valsent comme les poussières des os émiettés par cette fascinante danse désarticulée.
Les ambiances et le genre de structure de rythme finement convulsif dégagent une impression d'entendre du
Steve Roach, Western Desert, avec des arpèges aux tonalités de prismes éraflés qui scintillent sur un rythme
aux malicieuses saccades éthérées. Un rythme plus ambiant que dansant qui est construit autour d'un maillage
de séquences, dont certaines sont habillées en tonalités de percussions, et de pulsations sourdes, qui
martèlent une structure de techno morphique en parallèle, et d'autres résonnantes qui tambourinent dans
l'ombre de toute cette orchestration rythmique qui épouse une véritable structure asymétrique mais
étonnement en symbiose. Le synthé est magique. Il inonde nos sens d'une délicate brume morphique. C'est
sans doute le meilleur titre de “System A”.
Avec sa structure en spirale, où virevolte des séquences à contre-courant, "Journey the Existential Plane" reste
le titre le plus complexe sur “System A”. De délicats arpèges en ouvrent une introduction dont le rythme très
harmonique monte et descend comme une spirale oscillatoire qui serpente des corridors peints de voix
nasillardes et de vents menaçants. On ne peut dire que c'est ambiant parce que le rythme déploie une approche
finement saccadée où tous les éléments, tant rythmiques qu'harmoniques, se confrontent dans des sens
opposés, tissant des paradoxes nuancés qui s'arriment aux lourds murmures des séquences et des
percussions basses. Tout est en suspension et les ombres des synthés flottent et grognent comme des
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spectres menaçants sur une structure relativement ambiante qui nous garde sur le qui-vive à cause d'une
instabilité qui torture des phases de rythmes qui ne se rendent jamais à la pleine mutation. Il y a des fragrances
de Software ici, notamment avec les chants des séquences limpides qui scintillent, virevoltent, flottent et
découpent cette incohésion avec une approche tellement onirique, étendant leurs charmes électroniques dans
des ambiances absconses où les ténèbres grognent sur les ombres des discrètes mélodies évanescentes d'un
synthé et de ses souffles ténébreux. "Omniverse" propose une dense intro ambiosphérique avec des vents
astraux qui caressent et charment bien plus que ceux de "Journey the Existential Plane". Une belle mélodie
céleste perce les nébulosités astrales et son chant irradie avec ceux des oiseaux et des couches de synthé qui
sifflent comme des étoiles filantes. Le synthé extrait une brume onirique de ses fils et boutons, dessinant un
moment de pure contemplativité qui perdure jusqu'à ce que nous atteignons un ruisseau sonique où chatoient
des clapotis de verre sur des tambourinements doux. Gregory T. Kyryluk dessine ici des purs moments
d'extase méditatif avec un rythme doux qui berce les chants lyriques d'un synthé intensément enveloppant.
Nous restons dans les phases d'un cosmos assez ténébreux avec "Dark Space Distant Islands of Light" et son
rythme ambiant qui peine à circuler, à osciller dans espaces où les vents soufflent les lamentations des abîmes.
C'est sombre, très ambiant et surtout très contrastant après les 45 dernières minutes de “System A”. Mais c'est
logique et ça boucle la boucle dénouée avec "Cryptic Signals".
Note : 4/6
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COMPILATIONS - LABELS : Borders Edge Music-A Touch of Berlin Vol. I
Chronique réalisée par Phaedream
Je rêve peut-être. Mais j'ai le sentiment que la Berlin School, la MÉ progressive issue des sous-sols allemands
semble refaire surface. Les pages FaceBook abondent. Les émissions radiophoniques se multiplient et de
solides parutions arrivent à nos oreilles à presque chaque semaine. Pour le label Borders Edge Music, c'est en
plein le temps de sortir une compilation sur le genre intitulée “A Touch of Berlin Vol. I”. Je vais peut-être vous
faire sourire, ou choquer certains d'entre vous, mais avec tous les genres et sous-genres qu'il produit, le
collectif Borders Edge Music est ce qui se rapproche le plus de Software et des nombreux styles de musique
qui créchaient sous la même bannière; Innovative Communication, après les années Peter Mergener.
Et comme dans ces années, les compilations revêtent un caractère thématique, comme DreamScapes et
Wavefront, ou font un survol des albums parus chaque année, mélangeant ainsi tous ces genres qui scintillent
et charment les goûts de tous et chacun à la même enseigne. On s'en doute, “A Touch of Berlin Vol. I” vise à
plonger l'auditeur dans les territoires de la Berlin School. Mais je dirais qu'il s'agit bien plus d'une compilation
de New Berlin School et de E-Rock, que de pur Berlin School où les séquences minimalistes sont générateurs
de rythmes ambiants qui inter changent leurs formes dans des approches plus progressives qu'harmonieuses.
Ceci étant dit, “A Touch of Berlin Vol. I” est une bonne compilation et un excellent moyen de faire connaissance
avec l'une des nombreuses facettes de ce label canadien.
Et ça débute avec des larmes de synthé qui crissent en enlaçant leurs ondes. Un rythme sourd, dressé sur une
pulsation lourde et insistante, palpite laconiquement alors que des séquences papillonnent avec entrain, prêtes
qu'elles sont à fracassées la barrière d'une structure de rythme qui explosera dans un solide e-rock à la
Tangerine Dream. "Floh" est tiré de l'album Cosmic Touch, qui est fort bien représenté ici avec "Astral Gates",
le superbe "Nexus 6" et le solide "Encounter at Proxima 5", démontrant toute la profondeur de cet album qui
figure assurément parmi les bonnes surprises de 2013. Kuutana sort aussi une perle de son album Fantastic
Stories avec le puissant "The Caves of Steel". "Infinite Improbabilities" est le seul vestige de Quantum Earth et
est sans doute le titre qui se colle le plus aux ambiances de la Berlin School. J'ai été très surpris par la lourdeur
du rythme circulaire de "Emerald Path", un titre très noir aux patibulaires ambiances d'un film de tension ou
d'horreur qui niche sur l'album Walking Sun réalisé en 2013. Un album que je ne connais pas du tout et si
"Emerald Path" en est un fidèle reflet, ça mérite une investigation. Autre titre inconnu pour moi est le très
ambiosphérique "Ion Storm on Jupiter Station" de l'album Undiscovered Shores, aussi réalisé en 2013, qui
mériterait amplement sa place sur une compilation de BerlinSchool. Mais il est à sa place ici. Avec "Infinite
Improbabilities", ils mélanges un peu les genres New Berlin School et le Berlin School rétro avec une habile
insertion entre les rythmes de feu qui font trembler cette belle et très honnête compilation de Borders Edge
Music.
Note : 4/6
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Oyohualli : Bisou Creux
Chronique réalisée par Dioneo
Autre lumière. Autre angle. Oyohualli cette fois encore dénude, se montre. Pas de jazz, ce coup, pas vraiment,
dans forme. Ou alors comme souvenir, seulement, à la rigueur, dans les cymbales. Pas d’anche, de saxophone.
Ce timbre toujours fragile. Toujours à poil, disais-je, et juvénile. Et toujours sûr de ce qu’il articule… Cette fois,
allez, disons que ce sera folk. Au sens en quoi ce mot là porte le plus de traces. Et puis d’affirmation, disais-je.
Et puis de mélancolie, parce qu’il raconte est ce qui manque à l’instant où on y touche. Je ne sais pas à vrai
dire quelles origines, quelles influences, quelles mouches de velours gris les ont piqués, ici. J’y entends –
comme on fait en ces cas – mes souvenirs à moi, mes questions, à leurs ombrages et demi-jours je sens mes
recoins qui m’aspirent. Je trouve au son de la chose comme des échos de certaines années quatre vingt dix.
J’entendrais Will Oldham soudain doté d’une tessiture qui l’emmènerait vers Sandoval (Hope, de son prénom,
comprendre Mazzy Star) ; j’aurais presque un retour, comme de fugitives images, comme un réminiscence
fugace de Jennifer Charles et Oren Bloedow quand ils ne se nomment pas Elysean Fields mais La Mar
Enfortuna, et qu’il débranchent ; et tout ça, précisons : sans la nimbe érotique de ceux là ; seulement pour la
tension tombée, le grain de l’image, les couleurs qui dé-saturent ; comme la pression du sang qui retombe et
nous fait sursauter au moment de s’endormir. Aussi, je repense à ces débuts de la décennie d’après. Aux
groupes du label Prohibition, par exemple, ceux de ceux-là qui lâchaient le hardcore un moment – laissaient les
amplis eux aussi, pas dans un "renonçons" mais comme un "retournons", plutôt, un retour. Tout ça est
subjectif. La musique, c’est subjectif. Celle-là, de toute façon, est en fait de son temps – le notre. De ses
instants. Curieusement, c’est un son immémorial qui nous le rappellerait le plus, qui soudain noircit le flot doux
et triste : cette striure de la vielle à roue qui charge l’horizon mais brise tout flou, concentre la vue, la sensation,
imprime d’un coup les contours nets. Le tableau est immobile – sauf la rivière, qui ne nous attend pas ; et il ne
fait pas chaud puisque, disais-je, on a laissé les attirails ; on la regarde couler, l’onde, tranquillement ;
fatalement ; on s’y noie, on s’y lave, on y nage, on y dérive sur le dos et là, ce sont les nuages qu’on voit ; je me
souviens : la parabole de l’homme dans la barque, dite par un cheminot couvert de suie, dans Dead man ; je me
rappelle : un groupe nommé Swell ; il me semble que c’était doux, un peu amer, engourdit et sensible, trop
sensible au toucher. Loup Uberto chante en anglais, tiens, cette fois. Je trouve le titre de ce disque bizarre,
même un peu maladroit. Peu importe. Peut-être, il se révélera comme la musique qui s’y tient m’est venue au fil
des écoutes, plus lentement que celle du précédent, Le Ventre Articulé. Elle est plus mate, me semble, là. Si elle
ne frémit pas, c’est que sa respiration s’allonge, se boit et s’expire à longs traits ; posée sur une des rives, yeux
grands ouverts, ouïe dilatée ; pas figée : attentive. Ce disque est encore court. Je lui trouve la parfaite durée.
Cette écoute-ci était son adéquat moment. Une pensée me souffle que ce n’était pourtant pas l’heure pour ce
xième café (même cardamome). Tant pis, tant mieux, de toute façon ça me regarde, comme eux le choix de ces
seulement vingt minutes. Il ne s’agit pas de jouer le mystère… C’est simplement que parfois, il n’est pas besoin
de s’étendre pour ne rien refermer.
Note : 4/6
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Grave Miasma : Odori Sepulcrorum
Chronique réalisée par saïmone
Mon disque de death metal préféré depuis le fameux Parasignosis de Mitochondrion, rien de moins –
Mitochondrion, avec qui il partage un certain goût pour les labyrinthes, d'ailleurs, dans sa version abyssale, ou
la version péplum d'un album de Morbid Angel (ou alors un Portal lucide, au choix) époque Fall from Grace,
lenteur et lourdeur, colonnes antiques et invocations Sumériennes ; Sumer, c'est marrant qu'on en parle,
puisqu'il est question ici même de setar et de oud – j'avais jamais pensé qu'on pouvait faire du setar malsain,
me voilà bien instruit – sans même parler des solos héroïques, des riffs épiques et de ce râle putride noyé dans
une reverb chaotique – comme bien souvent avec les meilleurs représentants de cette catégorie (Teita90lood,
Antediluvian, Dead Congregation et tutti quanti) la production est merveilleuse, labourage marécage entassage,
à cœur joie sur la basse et la double, sans trop d'excentricité ni d'accélération, plutôt course de fond sur les
moignons, désolation des titans de l'antiquité sans le mauvais goût d'un Nile, menace sourde et suffocation –
vous voilà prévenu, un cauchemar baroque anachronique sur le ravage des ombres lourdes des anciens.
Note : 6/6
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People of Nothing : People of Nothing
Chronique réalisée par Twilight
People of Nothing, c’est un peu le ‘Caméléon’ (vous savez, la série, ‘The Pretender’ in English, avec ce mec, un
génie capable de se glisser dans la peau de n’importe qui…), il ne cesse de vous leurrer, de vous tromper, pour
vous guider là où lui seul sait qu’il veut vous amener. Les premières mesures de ‘Hold’, par exemple, avec cette
boîte sèche, ses notes de clavier hivernales, encore un de ses innombrables trucs minimal-cold wave tels qu’il
en pullule de plus en plus…Tu parles, 1:40 et pan, de bonnes grosses guitares sales dans ta gueule, histoire de
bien casser une symétrie trop prévisible, lesquelles s’en vont d’ailleurs aussi vite qu’elles sont arrivées pour
mieux reparaître une minute plus tard. Même la voix, suave, profonde, à la Interpol, se fond alors dans les
grésillements, comme une présence toujours plus évanescente. ‘Haircut the grass’ ? Un pur plagiat de Joy
Division…Enfin, c’est ce que laisse supposer le départ qui pourrait avoir été joué par Ian et sa bande car
imperceptiblement, le groupe nous fait glisser vers quelque chose de plus cristallin avant d’éclater en un post
punk/goth pêchu fort plaisant qui lui-même retombe par instant le temps d’une petite nappe glacée. ‘My stain’ ?
Encore un drôle de début où l’on s’attend à écouter du Interpol mais là également, les sonorités distillées
montrent d’emblée que non, c’est quelque chose de différent qui nous attend et c’est tant mieux. Oui, les
influences sont identifiables mais le groupe est assez rusé pour les triturer à sa façon en une musique
personnelle à l’identité pas si aisément classable. Jamais évident à notre époque, pas vrai ? Entre la
sécheresse de la cold wave, une touche de noirceur goth et une passion post punk/indie, les People of Nothing
signent un disque envoûtant qui parvient à séduire d’emblée mais plus encore sur le long terme, le tout avec
une production moderne. Deux remixes closent le cd, plus planants globalement, électroniques dans la
textures, franchement pas indispensable mais réussis néanmoins; je trouve simplement qu’ils ruinent
l’atmosphère construite sans non plus trahir la philosophie de composition. Après tout, je vous ai bien parlé du
‘Caméléon’… 4,5/6
Note : 4/6
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TG Gondard : Tes Bras EP
Chronique réalisée par Dioneo
Ce type est désarmant. Son approche franche, sa simplicité de moyens ; le parfait accomplissement, dans leur
dénuement, de ses compositions. TG Gondard joue une sorte de pop. Électronique. Synthétiseur, boîte à
rythmes, voix, quelques effets. Une pudeur, un cœur, un cerveau. Une voix : blanche, parfois rentrée, à certains
moments déformée, rendue rugueuse, âpre, par l’électronique sommaire. Ce sont quelques boucles, des
mélodies mémorisables. Du grain sale quand il faut. Parce que regret, tristesse, grisaille, murs rapprochés d’un
intérieur. Et qui navigue à vue, à l’économie de mots pour dire exactement : une sincérité brute. Pas naïve. Pas
sans humour sans doute. Mais brute. Absolument sûre de ce qu’elle dit. Une parole parfois amère, parfois
poignante, aveux blessés, adieux résignés – ou décidés, c’est une question de point de vue, de côté du
par-la-force-des-chose qu’on décidera d’adopter. TG Gondard parle de ruptures, de la violence des fins, de
l’incandescence de ce que d’habitude on retient. On croit d’abord que ce qui empêche d’entrer immédiatement
dans ses chansons serait une question de pas-assez, de fragilité. On se rend compte après que s'il y a
inconfort, c’est qu’au vrai elles sont trop pleines. Contenues. Serrées à craquer dans leurs enveloppes. Ça
bouge, dessous – et leurs surfaces souffrent, se rongent. On réalise la seconde d’après que c’est qui les rend
belles. Désarçonné… On y tombe. Au vrai le peu de matériel, les quelques claviers, le son qui déborde : ce ne
sont pas des manques, ici, du par-défaut. C’est – encore – de la matière qui s’érode, qui frotte. Ça porte juste où
il faut ce qu’il lâche : tout près mais sans faire intrusion. C’est la voix qui vous touche ; sa singulière manière
de faire, de dire, qui vous souffle qu’il ne singe rien. Il y croit. On trouve qu’il a raison. Chaque fois que je
l’entends, à vrai dire, j’ai l’impression que oui : un type comme Jérôme Minière pourrait soudain cesser
d’agacer, de "sonner chochotte" ; celle de croiser le Dominique A de La Fossette qui se serait enfin détendu un
coup, avec qui nous pourrions trinquer quelques bocs ; celle que Trisomie 21 nous auraient caché un frère
affublé d’aucune mèche, pas moins romantique mais autrement – qui jouerait là où on va de nos jours, nos
soirs en dehors des circuits à vide. Mais baste… Pas besoin de comparer, allez : TG tient tout seul. TG est pour
l’amour, et ce n’est pas de son fait, pas son vouloir, si ça finit toujours mal. Ses chansons, là, sont lucides. Cet
EP est sensible, chaud-froid ; sa substance est travaillée, ses textures se consument et s’irisent, s’élèvent,
s’écroulent, s’avalent – elles deviennent magnifiques dans cette destruction, c’est leur existence ; les quelques
mots suffisent. Il est rare d’entendre en français une musique qui relève de ces supposés "genres" – synth-pop,
minimal-wave, appelez-ça comme vous voudrez – qui sonne aussi juste, les proportions bien balancées, les
teintes mutées ou saturées tout à fait idoines… et puis le geste dénué de pose, de cynisme – encore une fois je
ne dis pas que ça exclue la brûlure de clope bien placée de l’ironie, le trait parfois mordant ; mais l’image ici
n’est jamais faussée par un dédouanement, un "c'est pour rire". Et en anglais non-plus, au fait – Still There For
You – ce n’est pas ridicule quand il s'y met. C’est un hommage peut-être aux racines de ces formes, de cette
manière qu’il s’est approprié ; c’est peut-être tout simplement comme ça que ça vient ; j’aime les chœurs,
beaucoup, sur celle-ci… À la fin du disque, "Le Caporal" se dissout dans la distorsion ; un filet de voix lui
répond, nu, sobre, un peu fin de nuit. Les nuages s'effondrent, il fera bien finalement jour au bout de la nuit
veillée. "Caporal", tiens, c’était aussi une antique marque de cibiches. Encore des volutes qui piquent les yeux
ouverts depuis trop d'heures… Ce disque dure à peine plus que le temps de s’en griller une, au fond. Qu’on ait
ce vice ou non : on peut aimer l’odeur qu’il laisse ; elle sera toujours familière ; elle fera toujours un peu froncer
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les fosses ; les fumées qui s’imprègnent, c’est la trace qu’on respire – et que "l’autre" aussi, même sous un ciel
bas.
Note : 4/6
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Charlene Darling & TG Gondard : Tes Messages EP
Chronique réalisée par Dioneo
Je vous ai dit déjà – plusieurs fois, assez longuement – tout le bien que je pense de Charlene Darling ; combien
j’aime sa façon de chanter sur le fil, de jouer pareil ; de rendre caduques les notion de "faux" et de "juste" (est
juste… ce qui dit son fait à son encan, son tour, ce qui parvient à toucher, à faire toucher sa dimension propre)
; combien m’enchante son univers singulier : toujours étrangement étranger, ses contours et textures parfois
rudes, rugueuses, ses proportions parfois presque ésotériques, ses intrications tissées si serrées qu’on à
l’impression parfois qu’elle tire un impénétrable canevas – mais en même temps, regardé d’autres places, dans
d’autres positions, dispositions d’écoute : étonnamment accueillant, enveloppant, confortant ; vivant,
énigmatique, sauvage et souriant ; séduisant et caché. Je vous entretiens, juste à côté, de TG Gondard. De son
électro pop sans pareille, bien plus fine qu’il n’y paraît d’abord – même très, à vrai dire ; du désarçonnant de
ses chansons de peu de notes, aux arrangements précis, effilés ou bouillants, parfois les deux d’un coup d’un
seul. Je vous toucherai deux mots, un de ces soirs, des moments où il se nomme autrement, d’un nom de bled
à Bal Tragique, pour faire des enluminures de spleen, de bière, de pètes, des odes à l’ennui dans les fonds de
départements et des moyens qu’on trouve pour le tromper… Pour l’heure, voilà que ses deux se rencontrent. Ils
sont amis, en fait – depuis un moment, semble-t-il. Mais voici qu’ensemble ils se mettent en tête d’enregistrer.
De nous parler d’amour, tiens. Elle nous dit qu’elle se cache – un peu – derrière l’idée que c’est pour rire. Mais
alors pas foutage de gueule : plutôt, légèrement, autodérision. C’est peut-être bien une façon de dire que tout
est vrai. D’oser : exposer au plein jour, aux lumières des troquets, des rues… Des écrans devant quoi on attend
les messages. D’avoir l’audace de faire – dit-elle d’une des plages – "du r’n’b un peu mou". Lui annonce autre
chose : "Premier degrés absolu, totale sincérité, bébé !". Je les crois, tous les deux. Charlotte ajoute que
l’amour, dans les chansons populaires, lui semble "un peu obsessionnel, sublimé, nostalgique" ; Thibault
précise qu’il admire Elli et Jacno. Et ça prend. L’amour est de nos jours – en fut-il jamais autrement – le plus
souvent une absence, une distance, pour ceux qui y croyant encore ne s’y sont pas installés. On se cherche
dans le lointain ; on scrute sans grand espoir les réseaux et les lieux banals où c’est sensé se tramer ; on veut,
on guette le petit frémissement derrière les travées, les profils, les personnalités de façade ; on se séduit par
sous entendus derrière la phraséologie de l’instantané ; on pèse ce qu’on envoie ; et puis la rime saisit par son
évidence – "La nuit sera longue, sans toi/Je m’réchauffe… au calva" ; et puis elle, dans une autre ville : "Il est
tard/Je reprends... un Porto". (Eut-il été tôt, c'eut été un Ricard ?). Ce qui est beau c’est que de tout ça – dans
ces quatre courtes fictions qui font un cycle seulement un peu trop court, on peut trouver – ils ne tournent rien
en dérision. Ils se répondent et les parties dites semblent toutes de conviction. Ils se trouvent "des
physionomies improbables" ; ils sont magnifiques, ils sont réels. Et ce qui l’est aussi – réel et magnifique,
concret, élevé, élevant tout bien au dessus du banal sans jamais s’égarer dans la nuée élégiaque – ce sont ces
textures électroniques, ces nappes où tout ça se loge ; ces rythmes programmés qui sonnent comme des
mouvements d’organes inéluctables, parfois affolés. Ces sons travaillés sur quelques machines, effets sans
doute peu nombreux, sûrement assez peu onéreux. J’aime beaucoup les deux duos en français, leur simplicité,
la précision de leur ligne – musicale, narrative. Je suis toujours épris, aussi, de la voix de Charlene, de son
timbre décidément unique, sur les deux plages en anglais – elle dit "pseudo-anglais" (ce n’est encore fois, je
crois, pas de la fausse modestie). Je reste admiratif de cette facilité avec quoi la musique – dans tout ce que fait
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Gondard – passe de la chanson brute, telle-quelle absolument, au son équilibriste, instable, risqué ; je trouve
une profondeur dans ce travail, dans ce jeu, cet arte povera qui – pauvre – ne l’est que de nom. Qui est une
forme généreuse et consciente pourtant de ce qu’il faut garder pour être entier de "par-devers-soi". J’ai bien dû
écouter trois, quatre fois cet EP, en écrivant cette chronique. J’aime entendre ces chansons qui marchent parmi
nous. Je crois qu'il y passe quelque chose qui ne fanera pas demain ; et puis qui nie qu’on ne puisse jamais
rien faire.
Note : 4/6
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Lucrate Milk : I Love You Fuck Off
Chronique réalisée par Dioneo
Masto (le saxophoniste) dit quelque part – dans un article sur son blog, abondamment illustré de photos
d’époque de Nina (la chanteuse et clavier) ; clichés qui pour partie l'immortalisent en train de pisser : dans des
bâtisses ou devant des édifices, sous une inscription "Dieu Seul..." – qu’alors ils ne se nourrissaient que "de
camembert, de câlins, de colle et de picole"… Et puis de beau. De ce qui pour eux en était, qu’ils recherchaient
partout, très fort et par tous les moyens – ils en voulaient, en bouffaient, donc, par et dans tous les sens ; en
inhalaient, en hallucinaient peut-être. Sans doute, on y revient, qu’ils en urinaient, voulaient en cracher, en… On
m’aura compris, c’en était de l’organique, du pas présentable aux anciens, aux pairs que sans ça ils se seraient
destinés, aux profs des Arts Déco dont ils avaient déserté les cours pour squatter – deux des types emmenant
avec eux la fille : parce qu’ils "la trouvaient trop belles pour les autres" ; bon, et pour quelle gigote, ça en ferait
venir, aux concerts ; pas de bol : elle voulait jouer aussi, brailler. Ils disent que ça les a sauvé : cette quête
naïve, cette fringale, cette innocence hilare, déglinguée, émerveillée. Pendant que tant de leurs potes se
cramaient, se camaient – on ne parle plus de glue, là, mais d’héroïne, de trucs comme ça, de machins pas fun –
en crevaient. Tout ça se sent encore – intensément, la couleur toujours violente, le relief qui accroche, la gigue
qui attrape. Je veux dire : les repas de presque rien partagés, les corps secs, nerveux, excités ; l’excitation tout
court et vaste, entière, la peau qui démange et les neurones qui s’entrechoquent, prennent la boîte crânienne et
ses conduits pour des canons à neutrons ; l’extrême, la sans limite jeunesse, celle qui aime le mur pour y
courir comme Fred Astaire – mais en huit fois plus vite – et retomber les rangeos, les docs, les croquenots
dans les flaques, dans la boue : SPLASH, ramasse, vieux monde, les barjots dansent sur toi. Lucrate Milk,
d’ailleurs, ne prenaient rien à la "bonne" vitesse. C’est à dire que c’était ça, la blague : trouver les leurs, jeter le
machin emballé, glissant ; ou l’engluer façon cerveau qui ne suit plus, perception qui rame ; ça colle, on vous
disait, la réalité patine. C’est tordu, cette musique, rude, ça groove scoliosé exprès. Ils rapportent ailleurs qu’ils
ont tous pris leurs instrument parce qu’un truc pour chacun, là-dedans, déconnait : le sax parce que ça lui
vrillait une des oreilles ; la basse parce que c’est encombrant ; allez savoir : la batterie parce que c’est un truc
impossible ? L’orgue parce que c’est la foire et qu’on ne l’aime pas, la kermesse ? Pas de guitare, tiens… Ce
groupe était profondément punk. L’essence du truc : fonçant anarchiquement, les trajectoires bordéliques, les
bouts de chansons sommaires et jointes à force, soudées à l’arc ; pas de flingues parce que Fucking Pacifists.
Lucrate Milk étaient des sales gosses qui se mouchaient dans les écuelles des riches gamins ; des saboteurs
doués en diable qui ont préféré, je cite parce que c’est beau "arrêter de peur de splitter un jour". Leur musique
est énervante et – je le redis, c’est une définition – excitante. Bricolée, en fait incassable, construite à tout
épreuve. Insupportable, irrésistible. C’est plein d’échardes, d’esquilles d’acier ou d’allu, de joie chambardée,
d’ivresses. C’est joué toute conviction et le verbe branleur, moqueur, automatique et cognant – obscène aussi,
si par fantaisie : la princesse Anne s’y tape son cheval et une autre Dame doit raser souvent la tête de son mari
pour qu’il la lui fourre, sa queue étant trop petite pour cet usage ; mais "personne n’aime les swastikas",
cependant. C’est un bon résumé : "Je t’aime va te faire foutre". (Et qu’on ne me parle pas de Gainsbourg et de
son lui non-plus, hein… Jane était d’une minceur trop jolie pour faire le poids face à ces maigres et pointus
sautes-caniveaux qui faisaient tout verser). Tout ça fut bref – trois ans à peine ; et tout ce qu’ils ont fait en
studio, il semble, durant ce laps, est réuni là. Tout ça le reste et c’est tant mieux. Tout ça – ces morceaux
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souvent autours de la minute, en dessous – se paye le culot d’une espèce de complexité nouée, ou plutôt de
structures, de proportions, de mouvements en tout cas retors, pour propulser les secouement béats – bétas,
réjouis. Tout est coupé au cutter rouillé, monté à la crade – comme les vidéos qu’ils bricolaient par dessus,
devant, derrière. Tout reste indéniable. Moyens du bord : pour que la tête continue d’usiner, on pose son cul
sur le radiateur, dans la pièce où sinon ça caille. C’est ce que raconte celle qui conclut, ici. C’en est un qui en
vaut un autre, d'envoi. On y retourne, on le retourne, l’objet – on se surprend à trouver ça magnifique,
hypnotique, le vert mouillé batracien. Ils n’ont fait que passer et voilà ce qu’il en reste. À saisir, cette densité.
Après, chacun, ils sont partis ailleurs (chez les Bérus pour certains, continuer de devenir artistes pour d’autres
ou pour les mêmes ; pas forcément – pas du tout, sans doute – de l’abdication ; ce qu’il en advint pas
fatalement moins bon mais… peut-être moins fendard). Et puis finalement je l’aime bien, cette pochette. Elle
raconte mieux que les mots l’amplitude et le boucan du foutoir et de la fête.
Note : 5/6
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Headwar : Attacking Mars
Chronique réalisée par Dioneo
Le pays d’un bout, d’un pôle à l’autre. France Sauvage, comme dirait une autre poignée de timbrés… Tranchée
en deux par l’autoroute, la saignée : les Amiénois descendent à Marseille, les caisses chargées de boucan prêt
à péter. "L’Embobineuse", c’est un nom électrique, de plus, pour le moins. Tout ce monde devrait s’entendre,
du moment que c’est pour l’empoigne. Headwar sur scène – dans cette incarnation d’alors ou dans celle de
maintenant, l’un des gars remplacé par une Furie de grungeuse pas lourde mais gniakeuse – ça tabasse.
Toujours. Fort, vite, le truc de cinglés. Ou lourd, quand ça ralenti. Ou même quand ça pique des pointes, allez.
C’est un char en plomb massif avec un moteur de go-fast. Machine de guerre renforcée, des éperons pour
passer dans la foule et le châssis abaissé pour l’effet low rider… Une foutue cataracte de rock noise, indus,
méchant et mort de rire de vous voir par dessus ça tenir le cap. Une fois parti, ça ne peut plus freiner. De tous
les groupes sortis d’Amiens ces dernières années, Headwar est celui, possiblement, qui balance l’énergie la
plus compacte, déraisonnable, ahurissante, brutale. Avec La Race, peut-être – le batteur est d’ailleurs le même
chez les uns et les autres, et au moment de ce concert, l’un des guitaristes également. Sauf qu’ici la bête est
plus grosse. Plus musculeuse. Aussi : qu’elle a ce vice de savoir attaquer par le pelvis, le déhanché, en même
temps qu’aux cervicales. De ne pas filer droit, donc, de plus, tant ininterrompue soit la dépense, la décharge.
En même temps, ça tape en pleine stupeur. On bouge pour ne pas chuter, fauchés, renversés. La violence sait
se faire rampante, monter lentement, bouillonner avant de lâcher la crise de fureur – La Vieille, quelle saloperie
de belle embuscade, avec ses samples d’une ancêtre imbuvable, ses cymbales fracassées sur les micros de la
guitare, son Tuba des Enfers au bout de la longue retraite ; et puis elle sait quand s’emballer… Croyez le ou
non : ils n’allaient pas en rester là. A vrai dire c’était l’entrée en matière, tout ça, ces trois premières plages ; ou
une première phase, allez. Sick Monsieur, c’est encore PIRE. Ce nom, en fait – "Head-War" - ce n’est pas qu’un
jeu de mot un peu franchouillard. C’est la GUERRE, on vous dit ! Ça coupe, ça hache, ça écrase, ça arrache,
étripe, embroche. Mais aussi : c’est la vie ! Ça entre, ça sort, ça échappe, ça percute, ça emboîte. Dans tous les
cas ça saigne, ça bave, ça en bave, ça exulte. "Eh l’ivrogne ! Une chasse à l’obuuuus !". Rarement j’ai entendu
comme ça une telle sûreté dans l’alternance des pauses/déluges. Pas plus souvent un tel modelé dans
l'affolement de larsens, le coulé de caillasses, une telle pertinence du placement dans ces paroles dont on
comprend un mot sur cinq. On s’en fout : c’est un secteur seulement du râle. Et puis c’est TOUT qui
s'égosille… Il n’y a pas à s’étendre : ce concert a dû être parfait ; ce que nous en rend ce disque n'est pas plus
faible sans l’image ; ceux qui ce sont déjà coltiné ça en direct n’y trouveront, je crois, rien qui manque – rien à
redire, même pas cette prise de son rugueuse, sa présence pas contenue ; je gage que ceux qui les
découvriront par ce biais en resterons quelque peu éreintés. C’est éreintant, c'est ça. Ça rend coi. Ou tout
braillard aussi, comme eux. Il semble en tout cas que le public provençal ait apprécié, si on croit les rires et les
commentaires qui répondent à l’espèce yaourt-sabir que le groupe leur sert, en guise d’intervention entre les
morceaux – c’est drôle aussi d’entendre cet accent de là-bas qui alterne avec le sidérurgique de là-haut. ("Vous
voulez des bières ? On veut du pastis, c’est quoi ces conneries !"). Allez, la balafre nord-sud, finalement c’était
une ligne. La Maginot est dans les terres. On y danse, on y danse… On y fait des ronds qui sont des cratères.
C’était, d’ici, il y a plus de cinq ans. C’est encore tout fumant. Il y a un bal en feu dans les décombres – du coup
c’est là qu’ils font une ville, qu’ils retournent leur camps. Il n’y a pas de drapeau. Sur les flight caisse – "ouais,
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on peut faire le Marteau" – c’est écrit : Terre d’Asile. On choisira pour ce dernier mot l’acception qu’on
entendra (sans oublier pour ça de se fier aux décibels).
Note : 5/6
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René Van Der Wouden (René) : Sequential Mixed Up - The Best of REWO
Chronique réalisée par Phaedream
La période des Fêtes, les fins d'année sont souvent synonymes d'avalanches de coffrets CD, de remixes et/ou
de compilations pour les compagnies de disques ainsi que les artistes indépendants. L'an 2014 n'a pas été
épargné avec des cadeaux du label DiN et Ultimae Records, sans oublier ces artistes qui offraient une sélection
de leurs meilleurs titres à des prix plus qu'abordables afin de mieux faire connaître leur musique. “Sequential
Mixed Up - The Best of REWO” vise exactement ce but. Et on peut dire que Rene van der Wouden a visé juste.
Rene van der Wouden est un artiste/synthésiste Hollandais qui ne fait aucun compromis. Sa musique,
fortement inspirée par le modèle séquencé de la Berlin School et par les approches cosmiques de la French
School, fait un pied de nez aux rythmes plus mélodiques et aux ambiances plus éthérées de la Dutch School.
Le synthésiste aime exploiter de longues structures, établissant de lentes intros ambiantes qui peu à peu se
déversent dans des rythmes qui deviennent de plus en plus féroces. À ce niveau, "Gruga Platz 4" avec son
rythme lourd et soutenu, qui fomente dans une longue introduction nourrie de crissements métalliques qui
dépassent la barre des 6 minutes, vous jettera par terre avec un rythme séquencé d'une violence inouïe qui
rappellera celui de Bernd Kistenmacher dans Let it Out. Superbe! Je l'ai d'ailleurs cédulé pour l'émission 5 de
Murmure du Son. “Sequential Mixed Up - The Best of REWO” est concentré sur les albums Alchemia, 2006,
Universal Quiet et Sequential Tourism, parus en 2008, et finalement Numerus Fixus, paru en 2009. Chaque titre
a été remixé ,remasterisé et même retravaillé avec des ajouts de séquences et de nouvelles tonalités. Seul
"Gruga Platz 4" est une nouveauté, ayant été composé et performé lors d'un concert au Gruga Park Essen le 4
Juin 2011.
Après ce puissant morceau qui lessive les oreilles, "Numerus Fixus Part 6" nous arrive avec une version
allongée de presque 4 minutes. Le son est plus actuel et nettement plus détaillé avec des pulsations qui
résonnent plus et l'ajout des séquences apportent une autre dimension, tant rythmique mais aussi plus
mélodique que sur la version originale. "Golden Dreams of Silver Elements" et "Far Across the Heavens" sont
les deux titres qui profitent le plus des bienfaits d'une nouvelle remasterisation avec l'ajout de séquences et de
nouvelles tonalités. "Golden Dreams of Silver Elements" conserve son approche de rythme statique qui
tournoie en de brèves spirales aux boucles saccadées. Déjà que le mouvement original des séquences était
très imprévue, ici il irradie d'une approche plus accentuée par l'ajout de lignes de séquences qui serpentent ces
innombrables boucles. "Far Across the Heavens" est le titre qui a subit le plus beau sound-lift. Encore plus
lourd, le rythme se nourrit des oscillations d'un Moog analogue. L'esprit de Tangerine Dream et des séquences
hyperactives de Chris Franke, et de leurs danses un tantinet désinvolte, est très présente sur ce titre lourd et
vif. Un peu comme dans "Get Quiet" qui est un autre solide titre aux fragrances très TD. Issu de l'album
Universal Quiet c'est un titre méconnu avec de furieuses oscillations séquencées qui ondulent sous les
charmes d'un synthé aux parfums d'orient. Du même album, "Go Quiet" offre une rythmique finement saccadée
qui étend son manteau d'ions aux soubresauts discontinus dans de sinistres enveloppes d'un synthé
morphique. Issu de l'album du même nom, "Sequential Tourism" fut mon premier véritable coup de cœur avec
l'univers Van der Wouden. C'est très Jarre, tant dans les séquences de boucles oscillatoires, dont la lourdeur
finie par prendre le dessus sur la vélocité, que dans sa séduisante enveloppe cosmique. Même si les
différences sont moins flagrantes ici que sur les autres titres de cette compilation, idem pour "Arcadia" du
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même album, réentendre ces deux titres de Sequential Tourism étale tout du Ying et du Yang qui tranche
nettement les œuvres de Rene van der Wouden.
Avec ce beau mélange Jarre/Tangerine Dream, “Sequential Mixed Up - The Best of REWO” est une belle, mais
avant tout, une honnête compilation de l'univers très inégal de Rene van der Wouden. Et lorsque je dis inégal,
je ne le dis pas dans un sens péjoratif. Loin de là! L'auteur a choisi avec justesse une série de titres démontrant
le vaste écart qui marque un peu trop souvent sa musique. Autant Van der Wouden est capable de sculpter des
structures à vous rendre totalement accro dès la première écoute, autant il est capable de tester votre patience
avec de longues introductions qui finissent toujours par accoucher d'un truc très agréable à l'oreille. "Gruga
Platz 4" et "Arcadia" sont des exemples frappants de son univers parfois fortement teinté de paradoxe. Mais
lorsque ça décolle...attachez votre tuque avec de la broche!
Note : 5/6
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ARCANE : Aphelion
Chronique réalisée par Phaedream
Ceux, et il y en a plusieurs, qui prétendent et/ou estiment que Tangerine Dream n'a pas entièrement explorer
tous les filons de ces expérimentations soniques; Arcane est la réponse à vos attentes, à vos doléances.
Depuis Gather Darkness, en 1999, que la musique d'Arcane suit les ombrages de celle de Tangerine Dream. En
fait, la musique, les mythes et les légendes de Tangerine Dream versus celles d'Arcane sont tellement près l'un
des autres qu'il faut s'interroger sur la fascinante naissance du trio Anglais qui a vu, peu à peu, deux de ses
membres quitter le navire dans des circonstances assez nébuleuses, laissant le gouvernail à nul autre que Paul
Lawler. Mais revenons à la musique. À “Aphelion”! Contrairement à Revenants, “Aphelion” est moins lourd,
plus mélodieux. Paul Lawler nous amène dans les sentiers du mysticisme avec de délicates arômes à la Legend
qui flottent ici et là.
Et ça débute avec des doux murmures des synthés qui flottent et descendent d'un ciel ambiant, tel des feuilles
tombant d'un arbre sonique. Les ondes de leurs réverbérations éveillent une fine ligne de séquence qui moule
un rythme aussi agile que fragile avec des ions sautillant comme les délicats sabots d'un Bambi sur une terre
de feu. De cette indécision, "Aphelion 1" tombe dans nos oreilles avec des sons de flûtes et des voix de
chœurs embrumés. Le mouvement des ions accentue le pas, étendant un délicat empire rythmique qui
s'agrippe au poids des pulsations sourdes alors que la mélodie qui perce peu à peu le cœur, le centre de
“Aphelion” éveille en nous des souvenirs de Legend, comme aussi de Underwater Sunlight. "Aphelion 1" jette
le canevas de “Aphelion” qui rôdera tout autour de ses 4 structures. Si l'approche reste mélodieusement
ambiante et délecte nos oreilles d'harmonies flutées et de chœurs brumeux, "Aphelion 2" offre une structure de
rythme toujours aussi mystérieuse mais légèrement plus animée où scintille une miroitant chapelet de
séquences. Il y a comme une odeur de mystère qui gravite autour du titre à mesure que sa structure égrène ses
minutes. Toujours hésitant, se dandinant presque comme un puceau devant un buffet charnel, le rythme berce
et reste accroché à la mélodie. Il se développe étape par étape, augmentant toujours une force et une vélocité
qui s'harmonisera constamment à ces mélodies si semblables qui errent comme des spectres de Legend.
"Aphelion 3" reste tout autant délicat, mais on observe quand même une vélocité dans le ton, tant de la mélodie
que du rythme, qui annonce un éclatement prochain. Les séquences sont plus nerveuses. Elles divisent le
rythme entre une approche délicatement pulsatile et des tambourinements ambiants dont les orignes
s'entremêlent et se chatouillent dans les frappes de percussions. Peu à peu, la structure de “Aphelion” étreint
un genre de rock électronique très près d'Underwater Sunlight. Et c'est encore plus vrai avec "Aphelion 4" et
ses accords de séquences aux tonalités de clavecin qui peu à peu s'enfoncent dans un genre de galop, bien
détaillé par les riffs et les percussions. Les orchestrations ourdissent une structure plus cinématographique
alors que les riffs de guitare ne peuvent ignorer les influences qu'Underwater Sunlight, et même Tyger pour les
séquences, ont eues sur les destinées d'un E.P. qui aurait sans doute exploser violement si un "Aphelion 5"
aurait été. Mais aurait-ce vraiment été nécessaire? Car tout le charme de “Aphelion” réside dans cette
constante croissance qui obnubile une écoute constamment médusé par cet art que possède Paul Lawler pour
extraire toute cette eau d'une source que plusieurs croyaient tarie d'imagination.
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Note : 4/6
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Olivier Briand : The Tape
Chronique réalisée par Phaedream
Mon distingué confrère à la plume très esthétique, Phillipe Valin dont je suis un assidu de son très bon Blog;
Clair & Obscur, qualifie ce dernier album d'Olivier Briand comme étant ni plus ni moins son Moondawn. Sa
cotation monte jusqu'à 9.5! Connaissant son appétit très sélective pour la musique du genre, je n'avais que de
plus en plus hâte d'écouter ce dernier album de celui qui m'avait soulevé de terre avec le trop bon
Transparences en 2012. Et après quelques écoutes, je dois de me ranger derrière Philippe; “The Tape” est dans
la lignée des grands. Non seulement le meilleur de Briand mais le meilleur album de 2014! Voici pourquoi...
Faut pas se laisser abattre par l'approche très ambiosphérique de "Part I" afin de jauger, ni juger ce tout dernier
album d'Olivier Briand. Tranquillement, le synthésiste Nantais met la table. Un synthé aux tonalités nasillardes
siffle ses airs quelque peu enjoués qui roucoulent dans des bancs de brumes dont la nébulosité caresse un
douillet ruisselet de séquences prismiques. Tout doucement on se laisse envoûter. Une ligne de basse fait
pulser des ions sauteurs alors que le synthé troque ses chants charmeurs pour ceux d'un rossignol aux teintes
de jazz qui s'époumone toujours et encore dans un décor sonique de plus en plus enchanteur. Un décor qui
renaît des vastes étendues réverbérantes des ondes de la basse. Et comme rien n'est jamais stigmatiser dans
la facilité dans l'univers d'Olivier Briand, "Part I" plonge un peu dans l'indiscipline ambiosphérique avec des
solos sans chefs qui caressent maintenant une approche plus cosmique ainsi que de faibles brises d'Orion. Ce
qui a toujours différencie la musique de Briand est sa viscérale envie de redonner aux synthés les lettres de
noblesse qu'ils ont perdus dans toute cette mare de séquences harmoniques de la New Berlin School. Ici il
emplit nos oreilles de délicats parfums électroniques avec des solos aux mille torsades, hypnotisant notre
attention qui perçoit bien ces séquences et ces percussions qui naissent et renaissent dans un micmac
sonique où chatoient les prismes ondulants des séquences et s'entrelacent des solos aux airs de violon
esseulés. Peu à peu, le désordre ambiant de "Part I" se fond dans la structure de "Part II" et de son intro où l'on
croit croiser un monde nocturne amphibien. Le mouvement de séquences tisse un rythme ambiant qui chatoie
comme les rythmes statiques des années Jive de Tangerine Dream. On entend des élytres de métal papillonner
dans les brumes célestes et les longs gargouillis d'une bête organique. Et les séquences se mettent à danser, à
sautiller. Le mouvement de séquences effectue de brefs ruades avec des ions qui dansottent surplace,
augmentant subtilement une cadence qui agrippe vivement une lourde ligne de basse pulsatrice. Il y a un genre
de trame dramatique qui nous mord les tympans avec une brume menaçante qui flotte toujours en arrière-plan.
La tension monte. On le sent! Les élytres claquent de plus en plus et les solos deviennent de plus en plus
agressif. Et lorsque les percussions de Mourad Ait Abdelmalek déboulent; je comprends l'analogie avec
Moondawn!!! Elles roulent sur une délicieuse structure de rythme des années analogues. Et elles flottent sur
les ailes de brume autant qu'elles bousculent les harmonies dissonantes des nombreux solos de synthé aux
tonalités autant moqueuses que nasillardes. Le jeu de Mourad Ait Abdelmalek est sublime. Très près de Harald
Grosskpof avec des frappes chirurgicales qui enrichissent cette symbiose électronique/acoustique tout en
donnant une impression du direct qui flotte tout au long de “The Tape”.
Le mouvement rythmique du court ''Part III'' éveille en moi les séquences de Richard Pinhas dans son
East-West. Les solos de synthé sont tout aussi stridents mais étonnement très harmonieux. Nous sommes
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dans un espèce de territoire encore vierge où l'analogue flirte avec le numérique et c'est encore plus probant
avec l'intro de ''Part IV'' alors que les synthés qui rappelle Jarre et son Revolution. Le synthé, de même que les
ambiances et sa structure de rythme en perpétuelle restructuration, rappellera avec délices ceux d'Edgar
Froese dans ses albums Stuntman et Pinnacles. Tranquillement on dévie vers le sublime ''Part V'' et de son
fameux duel entre séquenceur et Mourad Ait Abdelmalek. La longue intro amplifie à chaque seconde l'explosion
à venir avec des percussions électroniques et des séquences toujours aussi miroitantes. La batteries s'invite
au duel vers la 7ième minute, donnant toute la latitude analogique à d'autres brillants solos (c'était trop facile)
d'Olivier Briand. C'est aussi sublime que ''Part II'', même un peu plus violent. Mais pas autant affamé que sur
''Part VI'' dont le pont est toujours aussi savoureusement ambio-cosmique. C'est du space-rock avec des
ruades de free-jazz qui éparpille sa fureur dans les premières minutes de ''Part VII'' qui revisite un peu, dans
une structure plus rock, ''Part II'' et ''Part V''. Sauf que j'entends ces crépitements de percussions de Richard
Pinhas ici. Du Pinhas, du Schulze et du Dream! Tout ça dans une pure enveloppe électronique. Que demander
de plus? Et tranquillement “The Tape” fonce vers ses dernières minutes. Et pas question que ça se termine
dans des ambiances méditatives. Non! ''Part VIII'' anime les derniers instants avec une belle bataille entre
séquences et percussions électroniques dont les frappes et les ruades gigotent sous un tapis d'ambiances
électroniques contemporaines. La boucle est bouclée!
Pourquoi le meilleur après des albums tel que Node 2 et Umbra de Arc? Au-delà du fait que nous avons cette
très perceptible sensation d'avoir les oreilles rivées à un mini récital, la grande force de “The Tape” réside dans
ce superbe mélange de vieux et de moderne. Les vieux parfums analogues de Schulze et Pinhas mélangés aux
rythmes purs de Jarre et aux séquences des années Jive de Tangerine Dream. Olivier Briand ratisse très large.
Et il le fait avec une vision où l'esprit du rock cosmique des années vintage peut côtoyer à merveille les
nouvelles folies permises par les infinis possibilités de la MÉ et de ses accessoires. Et avouez que de Schulze à
TD, en passant par Jarre et Pinhas, il y a de quoi charmer les plus difficiles. La MÉ devrait toujours se faire
comme ça!
Note : 6/6
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Roach, Metcalf & Thomas : Monuments of Ecstasy
Chronique réalisée par Phaedream
Tribal ambiant!? Tout sauf ambiant! Même si par moments, les rythmes sont un peu moins frénétiques. Cette
dernière collaboration Roach/Metcalf, avec cette fois-ci l'apport d'un maître des dérangeantes voix
shamaniques en la personne de Rob Thomas, est d'une incroyable richesse sonique avec un impressionnant
jeu de percussions, tant acoustiques qu'électroniques, qui cimente plus de 60 minutes de paysages soniques
qui défieront les limites de votre imagination. Les percussions tonnent, martèlent, labourent et déboulent dans
des structures de rythmes, tant mi-ambiants que frénétiques, qui arborent fièrement la portée d'un titre tel que
“Monuments of Ecstasy”. Les effets électroniques et tribaux enrichissent des structures que je décrirais plus
planantes, flottantes qu'ambiantes. Et le nirvana est sans doute la superbe pièce-titre qui démontre hors de tout
doute que la MÉ reste très belle, même en dehors de sa zone de confort. Encore une fois, les univers de Roach
et Metcalf resplendissent de magie. Steve Roach, Byron Metcalf et Rob Thomas unissent leurs destinées et
leurs passions pour nous faire basculer dans un univers où l'enchantement prend tout ses sens. “Monuments
of Ecstasy” porte une signature unique qui laisse une indéniable empreinte d'envoûtement dans les fond des
oreilles.
Un long drone parfume l'introduction plus ou moins cosmique de "Archaic Layers". Les woosh, les wish et les
wash abondent. Ils sifflent en formant d'oblongs lassos cosmiques alors que tout doucement l'éveil des
percussions alimentera l'implacable structure des frénétiques rythmes tribaux qui fouetteront la presque
totalité de “Monuments of Ecstasy”. Imaginez 6 mains qui tapochent différentes peaux et vous avez la couleur
des rythmes qui essoufflent les esprits dansants de ce dernier effort que nous offre le trio Roach, Metcalf et
Thomas. Les ruminations des Didge et les lignes de synthé de Roach décorent ce rythme furieux qui fini par se
calmer un peu après la barre des 7 minutes pour plonger dans des ambiances un peu plus méditatives. Ces
minutes, ainsi que "This Place on Earth" et les intro/outros seront les seules phases ambiantes d'un album qui
ne peut que séduire, tant par la force de ses rythmes que par l'union d'un impressionnant canevas de
percussions claniques. "Monuments of Trance" démarre lentement. Transporté par les souffles ondulatoires
des Didge, il propose un rythme tribal/ambiant avec des percussions lourdes qui envoûtent tant l'écoute que
les sens. L'effet dans une pièce est totalement envahissant. Le rythme reste linéaire, minimaliste. Mais il y a
tellement de cliquetis, de nuances dans les frappes et dans les charmes des bourdonnements gutturaux que
l'on voit pas les 16 minutes passées. Très impressionnant! Surtout le furieux rythme spasmodique de la finale
qui nous amène à un autre niveau de transe spirituelle. "Primal Analog" sautille d'une oreille à l'autre avec une
savoureuse approche électronique. Le synthé modulaire tisse de superbes oscillations qui ondulent avec des
souffles de Didge et des tonalités organiques, alors que les percussions, assez sobres, et les élytres d'acier
forgent un délicieux rythme ambiant qui magnétise l'écoute. "Molecules of Momentum" sort des terres de
"Monuments of Trance". Le rythme est cependant moins noir avec un subtil effet de décalage qui le fait sentir
un peu plus furieux. Les effets électroniques sont juste assez bien insérés alors que les murmures
shamaniques piquent constamment la curiosité des oreilles. L'approche effleure même une ambiance de jungle
africaine avec des tonalités tant organiques qu'animales. Un beau mélange qui se cimente de plus en plus alors
que "Molecules of Momentum" explore une structure nettement plus frénétique en 2ième partie. Cet effet
d'immersion dans des territoires hostiles est nettement plus palpable dans le très beau "Monuments of
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Ecstasy". Entre l'électronique et le tribal, la pièce-titre est un pur moment d'enchantement. Les percussions
roulent un rythme ambiant d'où émerge une fascinante flore organique alors que le synthé jette un immense
canevas de brume endormitoire et prend bien soin de nous loger une mélodie envahissante. Une superbe
mélodie électronique, invisible et magique! Ça pourrait durer des heures, vous connaissez l'univers Roach, que
ça serait toujours magique! Tout comme cet impressionnant album qui va rejoindre une lignée de petits
chef-d'œuvre tellement uniques à l'univers Steve Roach. Fortement recommandable, même si Roach n'est pas
dans votre créneau. C'est en plein le temps de l'adopter!
Note : 5/6
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Bernd Kistenmacher (Bernd) : Paradise
Chronique réalisée par Phaedream
Bernd Kistenmacher avait littéralement rivé les oreilles à mes haut-parleurs avec le puissant Utopia. Il avait
réussi à implanter un cachet assez dramatique dans noir univers envahissant où la dissonance parvenait à
trouver les routes de l'harmonie. Nettement plus mélodieux, un brin moins discordant, un peu plus
ambiosphérique mais toujours aussi nappé d'une immense toile dramatique, “Paradise” étend sa fascinante
emprise sur nos sens. Le paradis en question est littéralement celui que l'on se souhaite à la fin de nos jours.
Est-ce une utopie? Le lien est à faire, tant Bernd Kistenmacher nous entraîne avec tant de subtilité dans les
sphères d'une chimère dont seul on a les clés du secret.
Des chants d'oiseaux attendent nos oreilles en ouverture de "Ghosts". Ces chants se fondent dans un décor
menaçant où grondent des souffles de tonnerre et suinte une pluie qui devient de plus en plus abondante. Une
séduisante faune sonique déploie peu à peu ses charmes à mesure que le temps ne fasse évaporer "Ghosts".
De délicates brises philarmoniques se mêlent aux chants des oiseaux paradisiaques, transportant ces douces
ambiances hors des sentiers de la désolation. De tout cela, il ne restera les vestiges d'une mélodie oubliée qui
ressuscitera dans les tumultes de "Born from Innocence". Mais avant, son intro rayonne comme un ruisselet de
prismes délicatement fouetté de paresseuses brises. Une doucereuse onde se fait dorer par des charmes de
flûte, alors que tout doucement des notes d'une guitare hispanique tentent de charmer des percussions qui
tombent de plus en plus lourdement. Le tumulte, la dissonance de Utopia renaît ici. Le rythme de "Born from
Innocence" est martelé par des percussions titanesques qui structurent une lourde et lente marche de guerre.
La mélodie enfouie de "Ghosts" rejaillit ici par des souffles d'un synthé philarmonique. Le rythme s'agite avec
des percussions frénétiques. Des voix angéliques parfument les ambiances d'une approche céleste alors que la
lourde ligne de basse gonfle ses barrissements. On plonge dans le confortable délire Kistenmacher avec des
tonnerres de percussions qui roulent comme des vagues de rythme infernales, propulsant chuchotements et
ricanements. Des voix, des éléments de paranoïa se fondent dans un brouhaha aussi dissonant que cette
structure de rythme lourde et violente qui s'affranchira de sa folie vers la 9ième minute afin d'embrasser une
structure plus rock. Et comme si cela était possible, "Born from Innocence" se magnifie d'un rythme fluide,
étonnement musical. Un genre de hip-hop lourd mais fluide qui tranquillement s'en retourne dans les repères
électroniques de son intro. Magnifique et jouissif! Déjà, je sens que ce “Paradise” me comblera autant que
Utopia. D'un ronflement de moteur de scie à celui d'un gros bourdon, l'intro de "Devastating Destruction" ne fait
rien pour tempérer mes attentes. Et dès que les accords d'un Vangelis nostalgique sortent d'entre les
poussières des arbres venant de tomber, la magie reste bien collée dans le fond de mes tympans. Triste et
accablant, "Devastating Destruction" est un titre très méditatif avec un synthé aux harmonies tissées à même
les larmes sur nos joues.
"Raindance" est l'autre énorme joyau de “Paradise”. La ligne de basse est d'un genre groove avec des notes
qui ondulent sur les roulements des percussions. Des percussions qui frottent un hymne plus rock
qu'électronique, tandis que des accords de clavier, embrouillés avec des riffs de guitare, tombent
nonchalamment, picorant un rythme ambigüe qui nous magnétise de son manteau de rock cosmique. C'est ni
plus ni moins une continuité de "Born from Innocence", mais dans une enveloppe moins dissonante et un
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crescendo plus saisissant. La lourdeur y est omniprésente. Et le voile cinématographique est tout autant
intense avec d'enveloppantes nappes aux arômes de vieux orgue pénétrant. Idem pour "Distant Danger" où ces
nappes flottent sur les tic-tacs d'un métronome déréglé. Là aussi les cendres de Utopia se mélangent aux
nappes de synthé. Les tic-tacs deviennent des tamtams frénétiques et "Distant Danger" s'embase pour épouser
un stupéfiant rythme tribale aux arômes très Roach où le mouvement, tout de même assez violent, flotte plus
qu'il ne bouge. Il est transporté, animé par des nappes de synthé aux couleurs de vieil orgue apocalyptique qui
flottent comme les ombres de vampires sur des tamtams déchaînés. Majestueux! Je suis cloué sur mon
fauteuil. Et ça n'arrête pas! Un lointain drone émerge du silence pour mouler ces fascinantes torsades noires
qui étreignent la mélodie tourmentée, et tambourinée sur un clavier, de "Everlasting Magic". De son cocon
minimaliste, la mélodie s'enveloppe de nuances dont les voiles sombres façonnent les lentes impulsions qui
guident son mouvement à travers une nuée de prismes scintillants. On ne peut nier les influences de Vangelis
sur les œuvres de Bernd Kistenmacher et c'est encore plus criant sur ce titre qui se parfume de superbes
orchestrations. Et ces orchestrations sont lentes, anfractueuses et enveloppantes dans "Belt of Forests". Les
prismes y scintillent toujours, mais ils sont nappés de caresses orchestrales qui se transforment en de violents
torrents de staccato, imposant un rythme hachuré où les violons et violoncelles se chamaillent entre violence
et tendresse dans une structure cinématographique où le désordre chevauche les paradoxes avant de perdre
toute vélocité dans les cliquetis des accords et les pulsations de basse qui conduisent des oreilles marquées
au fer rouge par toute cette dimension d'une œuvre que l'on espérait plus après le puissant coup de canon
qu'était Utopia. Chapeau Bernd, voilà ton meilleur album à vie!
Note : 6/6
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Billy Idol (Billy) : Devil's playground
Chronique réalisée par Twilight
Comme pour beaucoup d’idoles (gag !) des eighties, les années 90 n’auront pas été une partie de plaisir pour
Billy Idol: overdoses à répétition, grave accident de moto (il a risqué l’amputation d’une jambe tout de même, ce
qui lui a coûté le rôle du méchant dans ‘Terminator 2’), flop de son pourtant audacieux ‘Cyberpunk’… Bref, rien
de bien guilleret. Mais Billy a la peau dure et de l’humour. C’est ainsi qu’il apparaît avec dérision dans son
propre rôle dans la comédie ‘The wedding singer', qu’il pond un album pour Noël (‘Happy holidays’) en 2006…
Stoooop, vous avez manqué un épisode, un épisode ‘occulte’ prouvant que notre rockeur peroxydé avait déjà
semé quelques bases expliquant le succès phénoménal de son dernier opus (‘Kings and queens of the
underground’) et son retour en grâce sous les projecteurs. Ça s’est passé un an avant, 2005, où Billy la lippe
mauvaise et les abdos ‘plaques de choc’ en avant sort son album le plus violent, le plus rock: ‘Devil’s
playground’. Certes, il ne prend pas beaucoup de risque, c’est du rock pur jus, une manière de fureter dans ses
racines punk et de remettre quelques plans hard rock au goût du jour. Les langues les plus amères pourraient
même persifler qu’il a tout mis en œuvre pour faire oublier à la populace l’existence de ‘Cyberpunk’ et elles
n’aurait pas tout à fait tort sans doute. L’avantage du déclin, c’est qu’on n'a plus rien à perdre et plus grand
monde à flatter, donc autant faire ce qu’on aime (Gary Numan et d’autres s’en sont sortis ainsi, en faisant de
cette non-compromission le levier d’une nouvelle carrière). Donc ‘Devils’ payground’ sera rock. Premier bon
point, retour à la guitare du complice de toujours, Steve Stevens et ça, ça s’entend. Seconde bonne idée, la
production sonne moderne, inutile de se la jouer ‘retour au bon vieux temps’. Troisièmement, même s’il brandit
le poing sur les photos, Billy a du mal à dissimuler un petit sourire ; traduction : il s’est éclaté à enregistrer ce
disque, et le fun, ça aide. Pourtant, pour qui connaît ‘Kings and queens of the underground’ et son côté
autobiographique plus assumé, bien loin des textes cliché de la période 80’s, ’des indices transparaissent déjà,
notamment sur le bon (exception faite des carillons pas nécessaires) ‘Yelling at the Christmas tree’ où la famille
se réunit autour du sapin alors que le père rentre bourré du pub et fout la merde dans le foyer familial, tandis
que maman se tape le père Noël à l’étage…Vécu ? Imaginaire ? J’ignore dans quelle proportion mais ne puis
me départir du sentiment que Billy commence à se livrer… L’âge sans doute mais la sortie de son
autobiographie en parallèle de son dernier opus n’est pas un hasard à mon avis, la soixantaine approchant,
l’heure de bilan itou. Revenons à nos moutons. Si ‘devil’s palyground’ démarre très fort avec une série de
brûlots bien électriques (‘Super overdrive’ bien punk, ‘World comin’ down’, ‘Plastic Jesus’, du Idol dans toute
sa gloire), il inclut quelques touches plus subtiles, notamment le bon ‘Rat race’ alternant entre guitares claires,
tristounettes et des refrains lourds ou un ‘Evil eye’ écartelé entre le spectre de Jim Morrison pour le couplet
quelques pics de violence, sans oublier quelques effets. Gros coup de mou sur la fin, à partir de ‘Lady do or
die’, ballade crédible, surtout à cause du chant profond de Billy, hélas suivie du moins convainquant ‘Chérie’
(oblique au également calme et ennuyeux ‘Sherri’). ‘Summer running’ sauvera l’honneur sur sa deuxième partie
burnée. ‘Devil’s playground’ n’est donc pas un chef-d’œuvre mais néanmoins un solide album qui, s’il n’a pas
permis à Billy Idol de récupérer les palmes du succès d’emblée, a consolidé les bases de son vrai retour, ‘King
and queens of the underground’ (plus faible à mon goût). Nettement meilleur que ‘Charmed life’, le précédent,
en tout cas ! 4,5/6
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Note : 4/6
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Merde Fantôme : K7 Live
Chronique réalisée par Dioneo
Une merde fantôme, ce serait quoi ? Une présence impalpable, puanteur flottante, omniprésente mais
impossible à localiser, qui saloperait tout par son fumet ? Une sorte de coprolithe immatériel, sec mais pas
nettoyable, même pas moyen de le saisir pour le jeter dans le jardin du voisin ou à la gueule du compagnon,
codétenu d’infortune ? Le truc qui reste, quoi, en tout cas, l’ambiance pourrie qui colle aux murs… Imaginez
vous en train d’écrire, de causer sereinement, envisagez vous en train de… manger, avec ça qui vous squatte
les fosses. Ça gâche, hein. Ça lui fait un teint, à la face du jour… Bienvenu dans le monde moderne. Banlieue
mondiale passée la rocade de n’importe quelle capitale, préfecture, chef lieu. Ça et les bureaux. Ça et les zones
industrielles. Ce soir c’est Merde Fantôme qui fournit la bande son. C’est en cassette, trouvez un magnéto, il
reste des brocantes. Ou bien téléchargez, le son est bouffé, de toute façon, les basses frottent et la voix peine à
se faire entendre. Ils n’ont pas de bol, en plus, ils cassent sans arrêt des machines. J’étais à un de ces deux
concerts – celui des Instants – et dans mon souvenir ce n’était pas plus sortable "en vrai". Le machin confiné.
J’entends bien sur la bande cette impression qu’ils font sur place : on ne sait pas trop s’ils déconnent, s’ils
s’ennuient, s’ils gardent la distance pour que ça reste le truc entre potes. Leur danseuse en noir, elle ne groove
pas des masses – ses voiles pas trop Salomé. Ils jouent une sorte d’indus à synthés – à synthés qui crament un
par un leurs circuits et les laisse encore plus sans moyens, donc. C’est un duo qui – j’ai l’impression – ne
cherche pas le talent d’écriture. Ni même à soulager la tension, je pense. Simplement, dans les mots, à dire le
plus possible comme ça vient, comme ça stagne ; comme ça peut être plat et emmerdant, la vie dans les trous,
dans les plis. Plutôt que Michaux, il semblerait qu’ils citent des films de Zombie et autres souvenirs du temps
des VHS, des vidéoclubs qui au moins faisaient une virée. Du Bava, par exemple – mais fils. "Ils feront des
cimetières leurs cathédrales et des tombes leurs cités". Eh… Tiens. Mais ça sonne assez juste, ça. Passant par
la tête, ça coule sa petite tristesse et caresse l’épouvante. Et… Oui, ça se dégrade. À mesure, ça prend, leur jeu.
L’épouvante, donc – pas seulement comme genre mais comme condition globale. Et dans le détail. Il paraît que
le diable est là-dedans. Voyons moins grand : la mouise aussi, la déprime à constater la mérule qui progresse
sur les murs. "Pas de Larsen". Évidemment, il n’y a que ça. Pas de but, de motif. "Il dit qu’il sait pas".
Mollement ça surchauffe, tétanise, entropise, s’emballe. Pas de conviction, on laissera ça aux pièces pour les
flics. En fait ce serait peut-être ça la quête : montrer que rien n’arrive à rien. À la fin de la face montreuilloise,
des voix approuvent, bruyamment, dilatées au houblon. Il faut admettre que la mienne doit en être. Et qu’elle y
arrive, à nous foutre tout à la fois les jetons, le cafard, le luxe d’en rire, de tout ça, cette musique informe. Elle
sent, oui. La mouscaille installée dans le reste des substances. La cave à rats où on ne voit jamais les bestioles
mais où les fientes nous craquent partout sous la semelle. Avec cette arrière goût de feu de pneus qui flanque
la migraine, la sinusite chronique. J’ai l’impression qu’ils improvisent, entre les morceaux. Allons bon, voilà
qu’ils nous déclament du Goya – le peintre, pas Bécassine-la-cousine. Ils enchaînent sur la sus-cité accroche
de probable nanar à morts-vivants, tiens, dans le même souffle. C’est sur la face Grand-Wazoo, maintenant. Le
son est un peu plus lisible. Du coup on saisit mieux combien c’est le bordel. Le bordel mécanique. Bouts de
textes et sons de cochons. Art Sagouin. Culture septique et fosse pour tous. Ah oui, aussi, ils répètent
beaucoup que tous on va crever. Pas le scoop. Mais ça rend presque le soubresaut fraternel. "Ce n’est pas moi
qui tue/Ce sont mes congénères". Ou alors est-ce : "qu’ils tuent" ? Il dit toujours qu’il sait pas. Bon, c’est
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vraiment la crise, en fait. Ça vous gagne, leur manège sans espoir. Ça finit par filer le malaise, la douleur au
bide lancinante, l’envie de faire semblant de chialer pour ne pas montrer qu’en vrai on l’a en dessous de zéro…
Misère, pourquoi il faudrait noter ça ? Parce que sinon, OK, on ne peut pas publier le texte. Mais fallait-il que je
vous en parle ? Oui… Parce que des plages comme Mord ou Le Cerf, finalement, ce sont de bons glaviots dans
la face du Rien que ça dit. Qu’encore une fois ce soir là on s’en n'est pas mal sorti, à ne pas rester chacun dans
nos murs. Au moins la saleté, on la partage. L’arôme pas bon. Ils doivent bien avoir des tronches comme nous
sous les cagoules en tissu lâche. Il paraît que c’est d’une fadeur amer. La merde, je veux dire. Au moins, ce
spectre là, on ne pourra pas lui reprocher de nous l’emballer dans le sucre. Et puis dans ce foutoir, on a droit
en passant à un saccage de Lavillier. Et puis l’idée mitée mais réconfortante – à sa bizarre façon – qu’il n’y a
pas à la fin que les meilleurs qui partent. Ça ne suffira jamais mais c’est une sorte de rappel. Au mieux, ça
remet l’idée qu’il faudrait passer à autre chose.
Note : 3/6
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Judas Donneger : Abats
Chronique réalisée par Dioneo
Les mois, semaines, jours, redisent les questions : des échéances ou pas ; de l’évidence à saisir qu’il faut se
dire, se faire soi-même sans fermer ce que dehors on perçoit ; du doute qui est la marge, la méfiance
nécessaire de ce qui tournerait axiome ; le goût – ça viendrait à manquer, vite – des compagnies bavardes ou
qui n’en ont pas besoin ; la conscience aigüe des présences physiques dans les foules ou les lieux plus
ouverts ou cachés, où l’ont vient de son vrai pas. Et puis : saison aux degrés chiches mais cette ville a de
beaux restes ; et diantre, ce que j’aime ces heures dans certaines périphéries, enceintes sans loyer,
circulations sans contrat. Drôle de trip, l’autre nuit, tiens… Nous sommes un petit groupe, dans une sorte de
hangar. Tenus en otage ou simplement gardés là, empêchés. Par des types d’extrême droite – ce sont eux qui
le disent, révolution conservatrice, bobards national-économistes. Ils ont des tronches un peu Sardou ; le type
de physionomie qui se fane dès la jeune vingtaine ; qui dès le début n’a jamais le teint frais. Des types qu’on
croiserait dans les pages d’un Jean-Patrick Manchette : paumés, exécuteurs, petits ambitieux, simples ordures
– question de hasard, de degrés dans une hiérarchie, guère plus. Le modèle vieille France Commissaire Moulin,
pas au fait des dernières mises à jour de la saloperie, BFM et autres déclinaisons ; ceux-là se sont munis
d’armes de poings et de matraques. Cet endroit, au fait, on dirait l’espèce d’entrepôt, d’usine ou de prison ou
d’école désaffectée où jouent Joy Division dans le clip de Love Will Tear Us Apart. Bon. L’un de ceux qui nous
séquestrent – un "cadre" ? – annonce aux autres – et à nous – qu’on va se séparer en plus petites unités ; un
de ceux côté crosse pour deux au bout du canon – question de contrôle plus efficace. On se retrouve dans une
plus petite pièce. L’un des tristes sires ; une nana noir-vêtue, lunettes, cheveux plats ; l’air calme, presque de
se foutre de sa gueule par devers soi, à l’autre ; et moi. Le mec a l’air d’avoir une gêne qui le tiraille,
conscience, hémorroïdes ou quelque sorte d’autre ulcère. La fille – c’en est une que dans la vraie vie je croise ;
pas si rarement mais sans que vraiment on se connaisse – s’assied en tailleur sur le sol, à un moment ; elle se
met à réciter – à inventer ? – des "trucs deleuziens" ; c’est exactement comme ça, en tout cas, que je les
entends ; je regarde le type ; je me dis "pauvre type" ; je me dis qu’ils craqueront avant nous ; je me sens très
calme aussi, tout à coup ; je pense un truc du style : "ne pas se faire une raison même si ça tiraille, qu'il y a
danger de mort – c'est le moment de ne pas se laisser éteindre" ; tout le monde sait que ça a toutes les chances
de finir en bain de sang… Pourquoi je vous raconte ce rêve ? Eh bien voilà : parce que tout de suite après – et
ne me demandez pas pourquoi mais je trouve là-dedans une sorte de logique, de cohérence – l’envie m’a pris,
urgente, de réécouter tout Judas Donneger. Pas pour y chercher du sens. Plutôt, peut-être tout simplement,
parce que je sens ce truc, dans leur musique – qui fait écho profond, qui ne me laisse pas tranquille :
l’impossibilité de vraiment abandonner, de lâcher l’affaire ; la noirceur sale mais la résistance chevillée,
presque mauvaise herbe ; ce qu’il y a d’exactement humain dans cette chaleur animale que nous exhalons,
nous seuls – détail dans les degrés, spectre thermique que n’ont pas les souris, les cafards, les familiers dits
domestiques. Je vous parle de ce disque – Abats – parce que des autres, j’ai déjà dit ce qu’ils m'avaient
balancé. C’est une curieuse collection, celui-là. Disparate. La Vie C’est Cool – sale blague phonétique, on
comprends tout de suite – est peut-être l’un de leur rares textes qui ne me plante pas d'emblée, à quoi je trouve
une certaine maladresse. Pourtant il dit nettement, peut-être encore plus crûment que d'autres. Il entre avec les
écoutes. Beaucoup de ce qu’on leur connaît, dans ces plages, de leur substance corrosive, paille de fer qu'on
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remet – mais dans des formes comme alternatives. Parfois comme s’ils cherchaient encore le bon angle. On
dirait qu’ils essayent. Il y a des ombres qui rampent à d’inédites vitesses. Il y a Cauchemar de la Peau qui fout
le frisson immédiatement. Les Fusillés, c’est étrange, même pour eux… Décousu. C’est glaçant. Ça murmure
comme le sang qui siffle aux tempes, aux tympans. Ça me rappelle encore mon rêve, tiens. Aussi, ils nous
donnent une version de Pornographie et Coca-Cola striée par un saxophone presque à la Béru. Impression d’un
Endémique qui n’est jamais vraiment pareil, le parfait identique comme défaut de perception, facilité morbide
qu’il faut déjouer, défaire. Lugubre est nue, plus qu’ailleurs encore. Je la trouve folle, magnifique, incendiaire,
inespéré cœur-au-ventre… La musique de ces mecs dit que ça n’est pas une marque, "l'alternative", une
variante du produit, une adaptation du tour ou de la teinte aux récepteurs d’un genre particulier de gogos ; c’est
une brèche – c’est à dire un trou, une plaie pour loger les particules, les bacilles. Pavel cite Il Était Une Fois – le
groupe, oui – et sa voix traîne dans le magma d’électrons, de synthés, comme elle fait ailleurs, dans ce groupe
qu’ils nomment Dalida. D’accord : ce disque là laisse peut-être une marque moins nette, tient moins
constamment cet éveil tendu qui fait mal mais où l’on se retrouve entier. Rien de ce qui sort des tripes et têtes,
doigts, gosiers, poumons, vésicules de ces deux là et de leurs machines, pourtant, ne parvient à tomber
vraiment à plat. Des entrailles – hors calibre ou pas – on ne fait pas catalogue, à moins d’être trafiquant. Les
viandes et os, cartilages ici jetés exhalent la matière, le souffle des songes trop pertinents pour rassurer, trop
réels. Je me suis réveillé tôt, cependant, ce jour là. C’était l’un de ces matins où l'on ne se sent rien de "collé".
(Quelques heures plus tard, alors que je rapportais la vision à un pote, l'huile dans la casserole laissée sur la
plaque s'est soudain embrasée avec le grondement déchiré qu'ont ces combustions – facétieux incidents que
font relâche d'attention et thermostat quelquefois défaillants).
Note : 4/6
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Deerhoof : Milk Man
Chronique réalisée par sergent_BUCK
J’ai toujours trouvé aux fantômes un petit quelque chose de sympathique. Je parle de ceux sortis
spontanément de nos esprits infantiles, imaginés naïvement avec leurs formes abstraites, sous leur grand drap
ou mouchoir de poche, avec leurs grands yeux vides… Enfin, depuis mon plus jeune âge, du temps où il était
encore de rigueur de s’inventer des amis imaginaires, il y en avait un qui passait régulièrement me rendre
visite. Un perpétuel confident qui écoutait toutes mes histoires en souriant. Je savais que je pouvais tout lui
raconter, il ne m’aurait jamais fait faux bond. Vraiment, c’était une crème ce fantôme. On s’est perdus de vue
par la suite (obligations professionnelles, familiales, tout ça…)… Ce fut pour moi une grande surprise de le
retrouver des années plus tard en train de faire le pitre sur une pochette d’album, à jouer comme ça avec la
nourriture… vraiment, les gens changent... Allons bon, Deerhoof, qu’est ce qu’on a là ? Cet album fut mon
premier contact avec le groupe. Milkman –le morceau, celui qui ouvre l’album, est une chanson parfaite. Subtil
mariage entre la douceur des guitares, le gros riff épique, l’atmosphère mélancolique, et une énergie qui pète à
la tronche juste quand il faut. Le genre d’ouverture à faire de l’ombre au reste de l’album, ce qu’il a fait pour moi
pendant longtemps. Une fois ce premier monstre passé, on tombe nez à nez avec celui de la Giga Dance,
beaucoup plus grotesque, bien loin de nos idéaux de beauté. Et on commence à saisir l’univers dans lequel on
vient d’atterrir : Deerhoof explore nos rêves d’enfant. Ces petits mondes où le moindre dérapage dans la
narration peut devenir source d’angoisses et transformer le tout en cauchemar. Tout le disque véhicule cette
image inconfortable. Intriguant sur les passages rapides comme la perle instrumentale ‘Rai90ow Silhouette of
the Milky Man’, c’est surtout sur les morceaux calmes, lorsque les sonorités sont apaisantes et duveteuses,
qu’on sent comme une sorte de malaise latent, comme un bad-trip en train de pointer le bout de son nez.
‘Desapareceré’ en est le meilleur exemple… Pas la peine de penser se raccrocher à la voix de Satomi. La
chanteuse possède ce timbre si particulier, très haut perché, mais qui colle parfaitement à ce monde
fantastique, à la fois naïvement brut, et fiévreusement psychédélique. En fait non, aucun rapport avec les
drogues… il n’y a que les vrais adultes qui prennent ces substances pour s’altérer l’esprit, pour revenir à ces
rêveries d’autrefois. Les enfants s’inventent le monde de cette manière innocente, naturellement. On s’attend à
tout moment à se réveiller en sueur au milieu de ses draps, mais on a en même temps envie de poursuivre
l’histoire, de voir comment se terminera l’aventure. Je ne voudrai pas gâcher la surprise =)
Note : 4/6
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Infect : Indelével
Chronique réalisée par Dioneo
Point du monde numéro zéro : c’est n’importe où. C’est maintenant. Vive la colère ! Vie l’insurrection !
L’insoumission… Infect, quintet à jupes plissées, tatouages, coupes de cheveux psychobilly, étaient de São
Paulo, Brésil. Infect ne jouaient pas du tout du rockab’ sexy, charme juste un peu rude. São Paulo, paraît-il,
métropole à l’expansion économique exponentielle depuis les années deux-mille est classée "quatrième
capitale la moins criminelle du pays". "Seulement". Bien… Mais ça vous inspire quoi, vous, que ce genre de
décomptes fasse sens ? Ça vous semble assez - raisonnable, recevable… humain ? "Seulement tant". De viols,
de meurtres, de x-pour-cent de corruption… X sévices, aliénations, mutilations. Infect, sur cet album - leur seul,
sorti sur un label américain au bout de cinq, six ans d’existence alternative locale ; enregistré au pays, dans
leur cité – envoient une foutue énergie. Pas contente. Fâchée, même. Pleine face. Des plages de vingt, trente
secondes ; rare que ça passe la minute ; quand ça atteint les deux et quelques, ce n’est pas une concession :
c'est pour conclure, creuser la ligne de dégagement. On ne concède à la forme que le temps de dire ce qu’elle
lance, dans tout les cas. Et nom d’un pain que c’est bon ! Que c’est net. Que c’est foutument pertinent dans son
manque de précaution. Elles ne prêchent pas : elles jettent cru, dru. Ok : elles avoinent. Et bonheur : rien de
tout ça n’exclue l’imagination, la personnalité… L'intelligence retorse, hors canons ou clauses de style. "Ça n’a
rien de brésilien", me direz vous ? Oh… Et cette langue, alors ? Cet accent qu'elles articulent ? … Qu'est-ce que
ça dit, tiens, à propos ? En vrac : "‘Pute’ ou ’Salope’ est un compliment, si ces mots signifient affranchissement
de vos règles stupides" ; "Famille nucléaire… Je ne pense pas que je vais dire Oui" ; "Des étagères trop
propres où les Américains achètent ce qu’ils appellent Liberté"… Naïveté, renchérissez-vous ; toute-jeunesse,
innocences adolescentes ? Oui… Mais ça riposte vraiment, face à l'ordinaire terreur : "La dépendance est la
règle, mais dans ce jeu, vous devez voler". Au vrai, c’est douloureusement… lucide. Bon. Et la musique,
demandez-vous ? Je répondrais : anarcho-punk ; précisons : dans la lignée Crass ; c’est à dire : cognez bref,
ici, mais inventant à chaque fois la vitesse, le fil, la saillance adéquate ; et comme les temps sont plus bruyant
et passifs, indifférents, qu’en la fin de la décennie soixante-dix : ajoutez du poids, histoire que chaque plage
puisse rompre l’indolence, l’inertie. À vrai dire, aucune là n’est faible. Et rien ne lasse parce que la conviction
trouve à chaque fois l’angle, le battement, le motif. Cette voix tranche tout silence, aussi, d’abord : par dessus,
à travers les charges, les courses, les percées. On dirait parfois Yako – celle de Melt Banana, oui – mais qui
aurait retrouvé la brièveté des tout-débuts ; avec un groupe, dans le local, qui aurait jeté par dessus la
rambarde toute idée de psychédélisme – de distraction qui adoucirait le propos, enjoliverait, ferait "du fun" ;
pour autant ne se serait certainement pas dit qu’il fallait entrer dans les rails, la rigidité de quelque idéologie.
Bon ! Je le concède : c’est international. C’est la lutte… Rien ne prend fin pour qui court. Cramer les secondes,
c’est échapper au clou qui vous planterait en plein vol, si le jarret était un tant soit peu plus faible. Tiens,
question étiquettes, s’il faut vraiment : c’est crust, aussi, leurs cavalcades ; Amebix-œstrogènes ? ; hmmm… ;
disons que dans la mixture, il y a ce qu’il faut, se mêlant aux riffs dépenaillés et coup-de-pied-caisse-claire à
tempo casse-cervicales-binaire, de lourdeurs thrash, pour mériter l’indice – de l’époque, du secteur, bien
entendu, où le mot puait plein-nez le garage et la sueur, le poil dans les creux plutôt que le peroxyde et les
millions ; c’est rock, aussi, tout franchement, tout brutal, brut – parce que ce type de graisse de bielles, ça
lubrifie toutes articulations ; voix du peuple : il a pris le maquis. Elles n’ont rien lâché. Ça n’a rien perdu, ce son
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rude, cette harassante proposition, affirmation, riposte, décision – c’est toujours l’alarme et l’émeute,
"indélébile", ce n’est pas qu’une façon de dire. Il y a des sécessions, des partitions, qui sont l’état plus que
tout aigu de l’Entier. Elles se permettent de conclure, aussi – le disque et partant : leur "carrière" - par une piste
sans parole nommé "hyménoptère" ; outre jeu de mot possible, affirmation encore de féminité non docile, c’est
un ordre d’insecte ; il comprend les abeilles, les guêpes, les frelons ; espèces qui pollinisent et dont les dards
infligent les douleurs en éclairs qui font crier et déchirent toute station de repos ; les fourmis en sont, aussi, de
cet ordre… Mais on gagera que ces cinq jeunes femmes n’avaient que faire de leurs colonies si ce n’était d’y
mettre l’agitation qui éveille la Révolte.
Note : 5/6
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Inconcessus Lux Lucis : Crux Lupus Corona
Chronique réalisée par Rastignac
Amis du latin bonsoir ! Vous, là, qui rosa rosez, jetez une oreille sur cette petite perle interdisciplinaire. Vous
aurez droit ici à de la folk, de la progressivitudiné, de la polka, de la samba ? Du black metal, du metal metal, du
black black, des morceaux très entrainants sachant mêler sens de la fête version 15 août au village et
grandiloquence heavy psych des liaisons batterie, basse, guitare PLUS vocaux norvégiens chéris... Vous y
trouverez un gros bout de Darkthrone période "Hate Them" tout chaud sur la troisième piste, mais aussi des
bouts de death technique quasi acoustique tellement les guitares sont légères, pas trop saturées, tout cela
toujours bien enrobé de ritournelles "bourrées mystiques". Vous pourrez également assouvir votre appétit de
jam sessions et de solos psychédéliques sur le morceau final, concluant cet EP avec un solo d'une classe et
d'une amplitude laissant l'auditeur dans une joie qui nous dit en susurrant : "Reviens-y". Extase ! Côté livret
vous pourrez boire à grande goulées ces collages DIY à base d'inferno, d'escaliers et de gens qui souffrent, ces
dérivés d'arcanes du tarot : coupes, couronnes, trônes, trucs coupants genre faux, avec toutes les paroles
écrites de traviole, un peu comme dans un film d'épouvante où notre héros écrirait sur les murs tous ses
tourments. Nous voilà donc en terre dite occulte, encore, mais un occulte bien dansant, à la Saint Guy quoi, qui
me plaque un choli sourire tout en me rassurant que j'écoute bien quelque chose qui reste dans le giron de le
metal. Musicalement et graphiquement très riche, plein de mix entre différentes sous / anti / contre cultures
musicales, très bien exécuté, cet EP saura satisfaire les amateurs de sombritude comme ceux qui kiffent les
gammes bizarroïdes et les écomusées dédiées aux danses et coutumes de nos amis les aïeux. Et le hardeuh
rock. Quant à moi je dis : ENCORE !
Note : 4/6
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Cult Leader : Nothing For Us Here
Chronique réalisée par Rastignac
"Il ne reviendra jamais". Quoi, qui ? Le temps de la légèreté, le temps de la blagounette. La dernière plaisanterie
du groupe Gaza avait une photo de notre barbu Jean Jaurès en guise de couverture, le visage flouté, des cœurs
en forme de cul sur les drapeaux... La blague ! En même temps, l'image du personnage est devenue tellement
passe partout, n'importe qui peut lui faire dire n'importe quoi et l'utiliser pour illustrer n'importe quelle
occasion : on peut y voir une foule autour du leader, de gauche ou de droite, un public autour du chanteur de
hardcore, du citoyen beta ou alpha moins qui brandit son drapeau assis sur une statue, ou l'illustration d'un
disque, par exemple le dernier de Gaza chroniqué dans nos colonnes. Aujourd'hui Gaza s'appelle Cult Leader,
en français ça veut dire à peu près "gourou" dans le sens le plus négatif du terme : manipulateur, escroc,
assassin, pervers narcissique. L'artwork du bassiste désormais beugleur délaisse le Panthéon et s'intercale
maintenant dans les modes actuelles des pochettes de metal, hardcore, rock sombreux, avec nœunœuil,
triangles et cercles, cranes, faux, trucs dits occultes entassés dans tous les coins. Malgré cet artwork foirfouille
de l'ésotérisme, Cult Leader se veut une vision assez originale de la folie collective, avec tout le groupe Gaza
moins leur chanteur Jon Parkin, évincé pour des raisons qui ne nous regardent pas (je vous laisse lire les
potins et rumeurs à ce sujet dans la presse people metal, là j'ai pas envie d'en faire un pâté). Cult Leader nous
raconte la fin d'un monde, encore, la fin de toute envie de croire - les mythes sont refondus, les idéaux se
fracassent dans le creuset des plans marketing, réduits en poussière par des milliers de flics, et tous ces bouts
sont recollés pour être vendus comme goodies Che Guevara ou Charles Manson... Gaza/Cult Leader nous disait
précédemment qu'il n'y avait pas de limite à la souffrance humaine, ils nous donnent ici l'aperçu des moyens
pour monter à chaque fois d'un cran la domination sur autrui via l'image et la voix, pour son propre plaisir,
grâce à des guitares metallo-hardcore comme on a pu écouter chez Coalesce entre autres, tournoyantes,
épaisses, avec en plus, encore une fois chez eux ces élans doomy très chargés émotionnellement comme sur
le dernier titre "Driftwood", balade joliment tristoune, comme une larme gothique sur un AK-47 fumant dans
une grotte perdue de la Vallée de la mort, ou "Mongrel" tout droit sorti d'un "You Fail Me" de Converge, avec sa
basse obsédante, ses aboiements déprimés. Le Gaza aujourd'hui Cult Leader évolue donc dans la continuité,
toujours aussi "chaotique" c'est à dire rapide, syncopé, variations autour du grindcore propre à cette scène
hardcore new school vieillissante (cf. Flightless Birds ou Indocrinator's Deathbed), mais aussi de plus en plus
"triste" que ce soit au niveau des riffs comme pour les cris qui ressemblent de plus en plus à des sanglots,
sans pour autant tomber dans un romantisme trop poudré... Bel exemple de ce que pourrait être un metal
hardcorisé (et vice versa), interprété avec dextérité et sincérité j'trouve, chantant les ruines fumantes avec un
sens particulier de la mélodie et du pathos, ce premier EP de Cult Leader me fait ruminer comme tout bon
disque sombre, pas très très expérimental certes mais assez sympathique dans son envie de nous donner un
aperçu de la putridité inhérente à tout groupe humain organisé autour d'un gus plus malin que les autres, que
cet homme soit incarné ou non, réel ou réinventé par une organisation, qu'elle soit religieuse, politique ou
médiatique.
Note : 4/6
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Informations
Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com.
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Table des matières
Les chroniques de concerts ....................................................................................................................................................... 3
Black Christmass 2014 : ck Christmass 2014 - (concert chroniqué par Nicko)................................................................. 4
Littérature .................................................................................................................................................................................. 7
Paternostra, d'Eugene Robinson - (article écrit par saïmone) ............................................................................................ 8
Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 9
Acqua Toffana : El Veneno.............................................................................................................................................. 10
CHROMB! : I................................................................................................................................................................... 12
Compilations - Bandes originales de films : Mulholland Drive....................................................................................... 14
CHROMB! : II.................................................................................................................................................................. 16
Desolate Shrine : The Sanctum of Human Darkness ....................................................................................................... 18
The Horde of Torment : Product of a Sick Mind ............................................................................................................. 19
AT THE GATES : At War with Reality .......................................................................................................................... 20
Masquerade : Blood is the new black............................................................................................................................... 21
AGALLOCH : The Serpent & The Sphere ...................................................................................................................... 22
Xiu Xiu : Angel guts: Red classroom............................................................................................................................... 23
Odessey & Oracle : Odessey & Oracle and the Casiotone Orchestra .............................................................................. 24
SIX FEET UNDER : Warpath ......................................................................................................................................... 26
Bloodhammer : Abbedissan Saatanalliset Houreet .......................................................................................................... 27
Compilation Ultimae Records : Enfold 01 ....................................................................................................................... 28
Herder : Doomed .............................................................................................................................................................. 30
Conny Olivetti : eleVen.................................................................................................................................................... 31
Gustavo Jobim : Tsunami................................................................................................................................................. 33
Michael Brückner : Two Letters from Crimea................................................................................................................. 34
Yob : Clearing the Path to Ascend ................................................................................................................................... 36
MALEVOLENT CREATION : In Cold Blood ............................................................................................................... 38
Accept : Russian roulette.................................................................................................................................................. 39
Sodom : In the sign of evil ............................................................................................................................................... 40
Eric Dingus : 512 (mixtape) ............................................................................................................................................. 41
YES : The studio albums 1969–1987............................................................................................................................... 42
GRIP INC. : Nemesis ....................................................................................................................................................... 43
Ginger Wildheart : 555% ................................................................................................................................................. 45
Oyohualli : Le Ventre Articulé......................................................................................................................................... 46
SUMMONING : Dol Guldur ........................................................................................................................................... 47
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SIIIII : Modern ................................................................................................................................................................. 49
DARKSPACE : Dark Space III I ..................................................................................................................................... 50
POLARIS : Way Out........................................................................................................................................................ 51
ALPHA WAVE MOVEMENT : System A..................................................................................................................... 53
COMPILATIONS - LABELS : Borders Edge Music-A Touch of Berlin Vol. I............................................................. 55
Oyohualli : Bisou Creux................................................................................................................................................... 56
Grave Miasma : Odori Sepulcrorum ................................................................................................................................ 57
People of Nothing : People of Nothing ............................................................................................................................ 58
TG Gondard : Tes Bras EP............................................................................................................................................... 59
Charlene Darling & TG Gondard : Tes Messages EP...................................................................................................... 61
Lucrate Milk : I Love You Fuck Off................................................................................................................................ 63
Headwar : Attacking Mars ............................................................................................................................................... 65
René Van Der Wouden (René) : Sequential Mixed Up - The Best of REWO................................................................. 67
ARCANE : Aphelion........................................................................................................................................................ 69
Olivier Briand : The Tape ................................................................................................................................................ 71
Roach, Metcalf & Thomas : Monuments of Ecstasy........................................................................................................ 73
Bernd Kistenmacher (Bernd) : Paradise........................................................................................................................... 75
Billy Idol (Billy) : Devil's playground ............................................................................................................................. 77
Merde Fantôme : K7 Live ................................................................................................................................................ 79
Judas Donneger : Abats.................................................................................................................................................... 81
Deerhoof : Milk Man........................................................................................................................................................ 83
Infect : Indelével............................................................................................................................................................... 84
Inconcessus Lux Lucis : Crux Lupus Corona .................................................................................................................. 86
Cult Leader : Nothing For Us Here .................................................................................................................................. 87
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