Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l

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Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l
Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l'hépatite chronique B
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°96 - octobre/novembre 2001
VHB - 3TC + INF
Bithérapie séquencée lamivudine +
interféron dans le traitement de l'hépatite
chronique B
Nathalie Boyer
Service d'hépatologie, Hôpital Beaujon (Clichy)
Sequential
treatment
with
lamivudine
and interferon
monotherapies
in patients
with chronic
hepatitis B not
responding to
interferon
alone : results
of a pilot
study
Serfaty L.,
Thabut D.,
Zoulim F.,
Andreani T.,
Chazouillères
O., Carbonell
N., Loria A.,
Poupon R.
Hepatology,
2001, 34,
573-577
Une étude pilote française de bithérapie séquentielle lamivudine
+ interféron apporte des résultats encourageants dans le
traitement des patients atteints d'hépatite chronique B non
répondeurs à l'interféron classique.
Malgré un vaccin efficace, l'hépatite chronique B reste un
problème majeur de santé publique dans le monde mais aussi en
Europe. Les porteurs chroniques sont exposés à un risque
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Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l'hépatite chronique B
important de développer une hépatite active, une cirrhose puis
un carcinome hépatocellulaire. Le but est d'intervenir le plus
précocément possible dans l'histoire naturelle avant que des
lésions importantes n'apparaissent.
Le traitement de l'hépatite chronique B a pour objectif d'arrêter
la multiplication virale afin d'interrompre l'activité de l'hépatite
chronique et de prévenir l'évolution vers la cirrhose et ses
complications. Le traitement reposait jusqu'à très récemment sur
l'interféron, permettant une réponse prolongée chez 20% à 30%
des patients traités. L'arrivée plus récente de la lamivudine
apporte une nouvelle alternative thérapeutique. Cependant,
l'utilisation de ces deux molécules en monothérapie reste d'une
efficacité limitée et l'utilisation prometteuse de la lamivudine est
à mettre en balance avec le risque de sélection de souches
mutantes résistantes dont le taux augmente parallèlement à la
durée du traitement. Plus récemment, des études thérapeutiques
associant l'interféron et la lamivudine ont été mises en place
avec des résultats suggérant un avantage en faveur de cette
combinaison, sans que cette tendance soit totalement
démontrée1.
Les auteurs rapportent ici les résultats d'une étude pilote de
bithérapie interféron-lamivudine chez des patients atteints
d'hépatite chronique B, histologiquement prouvée, non
répondeurs après 1 à 3 traitements par interféron en
monothérapie, reçus plus de 6 mois auparavant. Il s'agissait de
14 hommes, d'âge médian 40 ans, avec multiplication virale
persistante : ADN VHB sérique positif (médiane : 3350 pg/ml
pour un seuil à 2,5 pg/ml) et antigène HBe positif chez 11/14
d'entre eux ; 3 malades étaient infectés par un virus mutant
précore (antigène HBe négatif). Les malades présentaient un
virus B de génotype A (6), C (1), D (4) ou G (3). Il n'existait pas
de coinfection C, delta ou VIH, ou d'autre cause d'atteinte
hépatique. Les ALT étaient en moyenne à 134 (33-245 ; N < 35)
et les biopsies hépatiques retrouvaient une hépatite chronique
active avec un score de Knodell médian de 9,5 (8-15) ; 5
malades présentaient une cirrhose.
Ces malades ont tous reçu le même traitement séquentiel de 3
phases successives : 100 mg/jour de lamivudine pendant une
première phase de 20 semaines ; l'association lamivudine (100
mg/jour) + interféron (5MU, 3 fois par semaine) pendant une
seconde phase de 4 semaines ; puis l'interféron seul (5MU, 3 fois
par semaine) pendant la troisième phase de 24 semaines. Les
malades avaient une période de suivi post-thérapeutique de 24
semaines. La tolérance de cette association thérapeutique a été
correcte.
L'objectif principal de l'étude était la réponse virologique définie
par la disparition de l'ADN VHB sérique détectable par test
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Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l'hépatite chronique B
bDNA (Quantiplex, Chiron) à la fin de la période de suivi. Les
objectifs secondaires étaient d'apprécier les taux de
séroconversion HBe et HBs, la normalisation des transaminases
et l'amélioration histologique.
Les effectifs de cette étude sont faibles. Cependant, les résultats
sont intéressants car il n'existe que très peu de données
concernant l'efficacité de la lamivudine ou de l'association
lamivudine-interféron chez les malades atteints d'hépatite
chronique B, non répondeurs à l'interféron2.
Au cours de la première phase de traitement par lamivudine
seule, les résultats montrent une disparition de l'ADN VHB
sérique détectable chez l'ensemble des 14 malades (dont 11 sur
14 dès la 4e semaine de traitement). Ceci est assez proche des
résultats des études antérieures chez les malades naïfs3,4. Il faut
noter l'absence d'apparition de mutation virales (YMDD) sous
lamivudine dans cette étude, ce qui est cohérent avec les
précédents essais cliniques, où la résistance virale apparaît le
plus souvent après les 6 premiers mois de traitement. Chez 7
malades, une réapparition de l'ADN VHB était observée, après
arrêt de la lamivudine, au cours de la période de traitement par
interféron, dont 2 de façon temporaire.
A la fin du suivi, il existait une réponse prolongée chez 8
malades sur 14 : une séroconversion HBe chez 5 malades et une
séroconversion HBs chez 3 malades. La réponse n'est pas
précisée en fonction du génotype. La majorité des malades
avaient un génotype A, qui est habituellement celui donnant le
meilleur taux de réponse à l'interféron5. Comme dans les études
cliniques précédentes, le taux d'ADN VHB sérique avant
traitement est retrouvé significativement plus faible chez les
malades avec réponse prolongée et apparaît comme un facteur
de bonne réponse. A l'inverse, cette étude ne retrouve pas le taux
d'ALT pré-thérapeutique comme facteur prédictif de réponse,
peut-être en raison du faible nombre de malades et du taux élevé
d'ALT chez la plupart d'entre eux.
Il faut cependant noter que chez ces 8 malades, avec réponse
prolongée, l'ADN VHB sérique reste détectable par PCR, y
compris chez les 3 malades présentant une séroconversion HBs,
comme cela a déjà été décrit6, confirmant la persistance d'une
infection virale sous-jacente.
Une réponse prolongée est également retrouvée chez les 3
malades infectés par un virus mutant précore. Ce groupe de
malades, maintenant de plus en plus fréquent, est habituellement
connu pour avoir une réponse à l'interféron assez bonne, proche
de celle des malades avec virus sauvage, mais un taux de rechute
élevé. Une étude récente avait montré que l'utilisation de la
lamivudine pendant 6 mois dans cette indication donnait une
réponse virologique importante (63%) mais un taux de rechute
important était observé après l'arrêt du traitement, avec une
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réponse prolongée faible (11%)7. Le nombre de patients est bien
sûr ici trop faible pour conclure, mais ces résultats sont
également encourageants.
Sur le plan biochimique, des élévations transitoires des ALT,
habituellement de bon pronostic, peuvent être observées au
cours des traitements par interféron, correspondant à la clairance
des cellules infectées, mais peuvent aussi survenir après arrêt de
la lamivudine, suivant la disparition de l'activité antivirale. Dans
cette étude, les élévations d'ALT notées chez 6 malades pendant
le traitement par lamivudine et chez 5 patients après son arrêt
sont souvent associées à une réponse virologique prolongée
(respectivement 3 malades sur 6 et 2 sur 5), avec séroconversion
HBe. Les auteurs suggèrent que cela pourrait correspondre à une
restauration de la réponse spécifique des lymphocytes T. Ce sont
chez ces malades que l'on note les 3 séroconversions HBs,
semblant confirmer le bon pronostic de ces pics d'ALT. Tous les
malades avec réponse prolongée ont normalisé leurs
transaminases. Un seul de ces pics a été supérieur à 30N, chez
un malade cirrhotique, nécessitant l'arrêt du traitement. Après cet
arrêt, l'ALT est revenue à un niveau pré-thérapeutique. Aucun
malade cirrhotique n'a présenté d'épisode de décompensation.
Enfin, l'étude histologique, bien que limitée par le nombre faible
de malades ayant eu une biopsie hépatique après traitement (7
sur 14 seulement), semble confirmer les bons résultats
biologiques puisque chez 3 malades sur 7 avec réponse
virologiques prolongée, il est retrouvé une amélioration
histologique (diminution de 2 points du score de Knodell), sans
qu'il soit précisé s'il s'agissait d'une amélioration de
l'inflammation ou de la nécrose.
Ces résultats sont donc très encourageants. Bien sûr, il s'agit
d'une étude non contrôlée et, comme le soulignent les auteurs, on
ne peut exclure que chez ces malades, non répondeurs à
l'interféron, des rémissions spontanées aient pu apparaître chez
un certain nombre d'entre eux, comme cela a déjà été décrit ; par
ailleurs, il est vrai que certains d'entre eux auraient peut être pu
répondre à un retraitement par lamivudine seule ou par
interféron seul (en particulier à des dosages plus élevés, comme
l'a montré une étude récente8). Par ailleurs, on peut regretter que
la durée des traitements soient courts. En effet, il est maintenant
démontré que des traitements par interféron plus prolongés, en
particulier chez les malades répondeurs, sont plus efficaces9 et
que des traitements de lamivudine plus prolongés augmentent le
taux de séroconversion HBe (29% à 24 mois, 40% à 36 mois,
47% à 48 mois), aux dépens, il est vrai, d'un risque de mutation
YMDD également plus élevé (15 à 20% à un an, 50% à 3 ans,
70% à 4 ans).
Cependant, il faut noter dans cette étude des taux élevés de
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Bithérapie séquencée lamivudine + interféron dans le traitement de l'hépatite chronique B
réponse virologique prolongée et de séroconversion HBe et HBs.
Ceci encourage à mettre en place ce type de thérapeutique, par
association interféron-lamivudine, dans le cadre d'études
contrôlées et à repenser ces études chez les malades naïfs, même
si les premiers résultats restent incertains. Il faudra
probablement y intégrer la forme pégylée de l'interféron qui
semble prometteuse, et peut-être des trithérapies, en y associant
d'autres antiviraux comme l'adéfovir, qui devraient être l'avenir.
1 - Schalm SW, Heathcote J, Cianciara J et al.
" Lamivudine and alpha interferon combination treatment of patients with
chronic hepatitis B infection : a randomized trial"
Gut, 2000, 46, 562-8
2 - Mutimer D, Naoumov N, Honkoop P et al.
" Combination alpha-interferon and lamivudine therapy for alpha-interferon
resistant chronic hepatitis B infection : results of a pilot study"
J Hepatol, 1998, 28, 923-9
3 - Dienstag JL, Perrillo RP, Schiff ER et al.
" A preliminary trial of lamivudine for chronic hepatitis B infection "
N Engl J Med, 1995, 333, 1657-61
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" A one-year trail of lamivudine for chornic hepatiis B. Asia Hepatitis
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N Engl J Med, 1998, 369, 61-8
5 - Hou J, Schilling R, Janssen HL et al.
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6 - Loriot MA, Marcellin P, Bismuth E et al.
" Demonstration of hepatitis B virus DNA by polymerase chain reaction in
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anti-HBe or HBs to anti-HBs seroconversion in patients with chronic
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Hepatology, 1992, 15, 32-6
7 - Tassopoulos NC, Volpes R, Pastore G et al.
" Post lamivudine treatment follow-up of patients with HBeAg negative
chronic hepatitis B"
J Hepatol, 1999, 30, 17 (abstract)
8 - Carreno V, Marcellin P, Hadziyannis S et al.
" Retreatment of chronic hepatitis B e antigen-positive patients with
recombinant interferon alfa-2a "
Hepatology, 1999, 30, 277-82
9 - Janssen HLA, Gerken G, Carreno V et al.
" Interferon alfa for chroninc hepatitis B infection : increased efficacy of
prolonged treatment "
Hepatology, 1999, 30, 238-43
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